Affaire x c. Royaume-uni 5 Novembre 1981

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    CONSEILDE LEUROPE

    COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    COUR (CHAMBRE)

    AFFAIRE X. c. ROYAUME UNI

    (Requte no 7215/75)

    ARRT

    STRASBOURG

    5 novembre 1981

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    CONSEILDE LEUROPE COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    En laffaire X contre Royaume-Uni,

    La Cour europenne des Droits de lHomme, constitue, conformment larticle 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de lHomme

    et des Liberts fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes deson rglement, en une chambre compose des juges dont le nom suit:

    MM. G. WIARDA,prsident,M. ZEKIA,D. EVRIGENIS,F. MATSCHER,J. PINHEIRO FARINHA,B. WALSH,R. JENNINGS,juge ad hoc,

    ainsi que de MM. M.-A. EISSEN, greffier, et H. PETZOLD, greffieradjoint,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil les 23 et 24 juin 1981, puisles 23 et 24 octobre 1981,

    Rend larrt que voici, adopt cette dernire date:

    PROCEDURE

    1. Laffaire X contre Royaume-Uni a t dfre la Cour par laCommission europenne des Droits de lHomme ("la Commission"). A sonorigine se trouve une requte dirige contre le Royaume-Uni de Grande-

    Bretagne et dIrlande du Nord et dont un ressortissant de cet tat, vis ci-aprs par linitiale X, avait saisi la Commission le 14 juillet 1974 en vertu delarticle 25 (art. 25) de la Convention. Contrairement la pratique habituelleet en raison dun voeu exprim par la famille de lintress, dcd en 1979,le prsent arrt nindique pas lidentit de ce dernier.

    2. La demande de la Commission a t dpose au greffe le 13 octobre1980, dans le dlai de trois mois ouvert par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47). Elle renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu ladclaration du Royaume-Uni reconnaissant la juridiction obligatoire de la

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    Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet dobtenir une dcision de celle-cisur le point de savoir si les faits de la cause rvlent ou non, de la part de

    ltat dfendeur, un manquement aux obligations lui incombant aux termesde larticle 5 par. 1, 2 et 4 (art. 5-1, art. 5-2, art. 5-4).

    3. La Chambre de sept juges constituer comprenait de plein droit SirVincent Evans, juge lu de nationalit britannique (article 43 de laConvention) (art. 43), et M. G. Balladore Pallieri, prsident de la Cour (article21 par. 3b) du rglement). Le 6 novembre 1980 le prsident, en prsence dugreffier, a dsign par tirage au sort les cinq autres membres, savoir MM. J.Cremona, F. Glckl, E. Garca de Enterra, L.-E. Pettiti et R. Macdonald(articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du rglement) (art. 43).

    Sir Vincent Evans sest rcus le 18 novembre en application de larticle24 par. 2 du rglement. Le 16 dcembre, le gouvernement du Royaume-Uni

    ("le Gouvernement") a nomm pour siger en qualit de juge ad hoc M. R. Y.Jennings, Q. C., professeur de droit international (fondation Whewell) lUniversit de Cambridge (articles 43 de la Convention et 23 du rglement)(art. 43). Cinq supplants, MM. M. Zekia, D. Evrigenis, F. Matscher, J.Pinheiro Farinha et B. Walsh, ont remplac ultrieurement MM. J. Cremona,F. Glckl, E. Garca de Enterra, L.-E. Pettiti et R. Macdonald, empchs(articles 22 par. 1 et 24 par. 1 du rglement).

    4. M. Balladore Pallieri a assum la prsidence de la Chambre (article 21par. 5 du rglement). Par lintermdiaire du greffier, il a recueilli lopinion delagent du Gouvernement, de mme que celle du dlgu de la Commission,au sujet de la procdure suivre. Le 2 dcembre 1980, il a dcid que lagentaurait jusquau 3 mars 1981 pour dposer un mmoire et que le dlgu

    pourrait y rpondre par crit dans les deux mois du jour o le greffier le luiaurait communiqu.

    M. G. Wiarda, alors vice-prsident de la Cour, a remplac la tte de laChambre M. Balladore Pallieri aprs la mort de celui-ci le 9 dcembre 1980(article 21 par. 3b) et 5 du rglement). Le 3 mars 1981, il a consenti

    proroger jusquau 7 avril le dlai accord au Gouvernement, dont le greffe areu le mmoire le 27 mars. Le 24 avril, le secrtaire de la Commission ainform le greffier que le dlgu prsenterait ses observations pendant lesaudiences.

    5. Le 27 avril 1981, le prsident a fix au 22 juin la date douverture de laprocdure orale aprs avoir consult agent du Gouvernement et dlgu de laCommission par lintermdiaire du greffier.

    6. Les dbats se sont drouls en public le 22 juin, au Palais des Droits delHomme Strasbourg. La Chambre avait tenu immdiatement auparavantune runion prparatoire.

    Ont comparu:- pour le GouvernementMme A. GLOVER, jurisconsulte,

    ministre des affaires trangres et du Commonwealth,

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    agenten exercice,M. S. BROWN, avocat, conseil,

    M. A. COLE, service juridiquedu ministre de lintrieur,

    M. A. HARDING, ministre de lintrieur,M. D. PICKUP, Treasury Solicitors Department, conseillers;

    - pour la Commission:M. S. TRECHSEL, dlgu,M. T. NAPIER, solicitor,

    assistant le dlgu (article 29 par. 1, seconde phrase, durglement).

    M. L. GOSTIN, Legal Director,MIND (National Association for Mental Health),

    La Cour a entendu MM. Trechsel, Napier et Gostin pour la Commission,M. Brown pour le Gouvernement. Le dlgu a produit plusieurs pices.

    7. A des dates diverses allant du 10 juillet au 21 octobre, le greffe a reudes personnes assistant le dlgu, du Gouvernement et du secrtariat de laCommission leurs rponses une demande de documents et certainesquestions de la Cour, ainsi que leur commentaires sur certaines de cesrponses.

    FAITS

    8. Le requrant, ressortissant britannique n en 1934, est dcd en 1979.A lpoque o il a saisi la Commission, il se trouvait dtenu lhpital deBroadmoor, tablissement psychiatrique spcial de scurit pour dlinquantsalins.

    Il se plaignait dy avoir t rappel en avril 1974 aprs trois ans de libertconditionnelle. Daprs lui cette mesure ne se justifiait pas, on ne lui en avait

    pas fourni dans le plus court dlai des raisons suffisantes et aucun moyenefficace de la contester ne soffrait lui.

    A. Droit et pratique internes pertinents

    9. En Angleterre et au pays de Galles, linternement des alins et, enparticulier, la dtention obligatoire des patients poursuivis au criminelobissent la loi de 1959 sur la sant mentale (Mental Health Act 1959, "laloi de 1959"), dont les dispositions pertinentes sont en cours de rvision.

    Larticle 147 par. 1 dfinit le "malade" comme "une personne souffrant ouparaissant souffrir dun trouble mental", larticle 4 par. 1 le "trouble mental"comme "une maladie mentale, un dveloppement intellectuel interrompu ouincomplet, un trouble psychopathique ou tout autre trouble ou faiblesse

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    desprit". De son ct, larticle 80 par. 1 appelle "mdecin traitant" -dnomination utilise dans la suite du prsent arrt - "le praticien charg du

    traitement du malade".10. Larticle 60 par. 1 habilite les juridictions pnales dcider, le cas

    chant, quune personne reconnue coupable subira - au besoin dans unhpital spcial de scurit pour dlinquants alins (article 40 de la loi de1973 sur la rorganisation du service national de sant) - un traitementmdical au lieu dune peine. Ainsi, une Crown Court - avant 1971, une courdassises ou des Quarter Sessions - peut autoriser ladmission, dans un hpitaldsign par son ordonnance ("ordonnance dinternement"), dun individuconvaincu devant elle dune infraction autre que celles frappes dune peinefixe daprs le droit en vigueur. Parmi les conditions remplir figurent celles-ci:

    a) la cour doit avoir constat, la lumire des attestations crites ou oralesde deux mdecins, dont un au moins spcialis dans le diagnostic ou lathrapeutique des troubles mentaux, que le dlinquant souffre dune maladiementale, dun trouble psychopathique, de faiblesse desprit ou de dbilit

    profonde et que le trouble mental en question justifie, par son caractre ouson ampleur, la dtention de lintress dans un hpital psychiatrique pourtraitement;

    b) elle doit estimer, eu gard lensemble des circonstances de la cause,notamment la nature de linfraction, la personnalit du dlinquant, sesantcdents et les autres solutions possibles, quune ordonnancedinternement constitue le moyen le plus indiqu.

    11. Daprs larticle 65 par. 1, la cour peut assortir son ordonnancedinternement, pour une dure indtermine ou pour la priode quelle

    prcise, de restrictions spciales llargissement si la protection du publiclui parat en exiger compte tenu de la nature de linfraction, des antcdentsdu dlinquant et du risque de le voir commettre de nouvelles infractions si onle relche. Avant de rendre une telle "ordonnance restrictive" (restrictionorder), il lui faut entendre lun au moins des mdecins mentionns plus haut.

    12. Une fois prononce une ordonnance restrictive, le patient - mais nonson traitement - relve de lautorit du ministre de lintrieur (HomeSecretary).

    Ainsi, larticle 66 de la loi de 1959 dote le ministre dattributionsparticulires quant llargissement de malades assujettis pareilleordonnance. Si cette dernire ne lui semble plus requise par la protection du

    public, il peut dcider que lintress finira de subir les restrictions spciales(paragraphe 1). Pendant quelle se trouve en vigueur, il peut le faire sortir delhpital, "sil le juge bon", avec ou sans conditions (paragraphe 2). Dans laseconde hypothse, lordonnance cesse de dployer ses effets (ibidem); dansla premire (paragraphe 3), aussi longtemps quelle subsiste le ministre peut tout moment provoquer, par mandat (warrant), la rintgration du patient.

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    13. Daprs les paragraphes 6 8 de larticle 66, le ministre peut chaqueinstant consulter une "commission de contrle psychiatrique" (Mental Health

    Review Tribunal) sur le cas dun malade sous le coup dune ordonnancerestrictive. Lintress peut sinon saisir lui-mme une telle commission, dumoins y inviter par crit le ministre. Si la demande mane dun intern, leministre doit y donner suite dans les deux mois qui en suivent la rception,sauf le relcher avec ou sans conditions dici l. Les demandes ne peuventtre prsentes qu des intervalles prcis: en principe un an aprslordonnance dinternement, un an plus tard puis tous les deux ans; sil sagitdune personne rintgre aprs un largissement sous conditions, six moisaprs la radmission, un an aprs celle-ci puis tous les deux ans.

    14. Cres par larticle 3 de la loi de 1959, les commissions de contrlepsychiatrique comprennent un juriste, un psychiatre (indpendant deltablissement traitant lintern) et un troisime membre possdant lesqualifications voulues. Une de leurs fonctions consiste conseiller

    priodiquement le ministre de lintrieur sur ltat des patients (paragraphe 13ci-dessus). Leur opinion ne le lie pas bien quil en tienne compte: il peutlcarter si lexpertise mdicale naboutit pas des conclusions nettes, sil y acontradiction avec dautres avis recueillis par lui ou si les intrts de lascurit du public lexigent.

    Daprs larticle 19 de leur rglement, les commissions de contrlepsychiatrique examinent les cas que leur dfre le ministre de la manire,dpourvue de formalisme, qui leur parat approprie; elles peuvent interroger

    le malade et elles le doivent sil le sollicite. En pratique, un malade assujetti une ordonnance restrictive peut, comme tout autre malade dtenu, se fairereprsenter par un juriste ou accompagner par des proches, ou les deux. On nelui communique pas, en gnral, le dossier des pices produites devant lacommission par le ministre de lintrieur et on le communique en partieseulement son reprsentant, sil en a un. Par exemple, on nenvoie jamais ce dernier le compte rendu de la situation familiale de lintress et on ne luidonne connaissance du rapport mdical le plus rcent quavec laccord dumdecin traitant.

    Le ministre considre comme confidentiels les avis des commissions decontrle psychiatrique. On se borne indiquer aux malades et leurs

    reprsentants quil a pris sa dcision la lumire de pareil avis.15. Daprs les renseignements fournis par le Gouvernement, il existequatre moyens damener le ministre de lintrieur rechercher si ladtention dun malade soumis restrictions demeure ncessaire:

    - le mdecin traitant peut prconiser llargissement du patient;- ce dernier peut demander la saisine dune commission de contrle

    psychiatrique (paragraphe 13 ci-dessus);- ou crire un parlementaire qui signale son cas au ministre;- ou crire en personne celui-ci pour rclamer sa libration.

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    16. La saisie au corps initiale de lindividu rinterner incombe en gnral un agent de police, mais ce peut tre aussi un travailleur social, un agent de

    probation, un infirmier ou "toute personne munie dune autorisation crite dela direction de lasile" (articles 40 par. 1 et 66 par. 3b) de la loi de 1959).

    A la fin de 1980, des circulaires ministrielles adresses aux autoritscomptentes, dont la police, le service de probation et les hpitaux spciaux,ont annonc qu"afin de parer des critiques exprimes par la Commissioneuropenne des Droits de lHomme", on allait introduire une nouvelle

    procdure en deux tapes pour informer les malades rappels des motifs deleur rinternement. Premire phase: la personne qui se saisit de lintressdoit lui dclarer en termes simples quil va retourner lhpital en vertudune dcision du ministre de lintrieur, adopte au titre de la loi de 1959, etquil recevra ultrieurement des explications complmentaires. Ensuite, un

    compte rendu dtaill des raisons du rappel doit tre donn au malade par lepersonnel mdical de ltablissement o il lui faudra sjourner, et ce le plustt possible aprs son arrive et en tout cas dans les 72 heures. En outre, lemdecin traitant a lobligation de veiller faire porter lesdites raisons laconnaissance du fonctionnaire qui surveillait le patient pendant sa priode delibert, ainsi que dun membre responsable de la famille - ou de conseiller

    juridique - de ce dernier.17. Tout dtenu peut adresser une demande unilatrale (ex parte) de

    mandat (writ) dhabeas corpus soit lune des Divisional Courts de laQueens Bench Division soit, en dehors de leurs runions, un juge unique la High Court en train de siger, soit dfaut un tel juge o quil se trouve.

    N de la common law puis dvelopp par le lgislateur comme par lajurisprudence, ce recours permet chacun de contester la lgalit de sadtention. Son examen jouit de la priorit. Il sopre sur la base dattestationscrites sous serment (affidavit evidence) qui, en pratique, ne donnent pas lieu interrogatoire "crois" (cross examination). Dordinaire la demande est

    prsente par un conseil; le tribunal nentend lintress lui-mme que dansdes circonstances exceptionnelles. Le magistrat ou la Divisional Court

    peuvent, en cas dillgalit manifeste, dlivrer demble le mandat, mais leplus souvent ils font communiquer la demande la personne qui en dtientlauteur, pour lui offrir loccasion de comparatre devant le tribunal au

    complet afin de justifier la dtention. Si les dbats ne la convainquent pas dela rgularit de cette dernire, la Divisional Court dlivre le mandat quientrane llargissement de lintress.

    En la matire, rien ne limite laccs aux tribunaux des malades interns envertu de la loi de 1959. Daprs le Gouvernement, ils peuvent tout momentrclamer un mandat dhabeas corpus, ceci prs quaprs le rejet dunedemande, une demande nouvelle fonde sur les mmes motifs naboutira passans lments nouveaux lappui.

    18. Les tribunaux peuvent jouir en la matire dun droit de regard trstendu. Les articles 3 et 4 de la loi de 1816 sur lhabeas corpus les habilitent

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    sassurer de lexactitude des faits noncs dans la rponse (return) au mandatquand le requrant nest intern ni "pour une affaire pnale ou prsume telle,

    ni emprisonn pour dette ou dans le cadre dun litige civil".19. La manire dont la procdure dhabeas corpus joue en pratique na

    pourtant rien duniforme et la jurisprudence ne semble pas exempte decontradictions. Celles-ci sexpliquent en partie, comme le souligne leGouvernement, par le fait que lampleur du contrle varie en fonction ducontexte dans lequel sinsre la demande. Elle dpend notamment dans unelarge mesure des termes de la loi applicable lorsque la privation de libertdcoule dun ordre lanc au titre dun pouvoir "discrtionnaire"(discretionary) dont le parlement a investi lexcutif.

    Quand un tribunal examine, dans une instance en habeas corpus, unedcision administrative de libert, il recherche toujours si la dtention cadreavec les normes de la lgislation en vigueur. En outre, il peut censurer

    pareille dcision, mme rgulire en la forme, si, entre autres, lautorit dontelle mane a abus de son pouvoir en agissant de mauvaise foi, la lgre oudans un but illgitime (R. v. Governor of Brixton Prison, ex parte Sarno,Kings Bench 1916, vol. 2, p. 742, et R. v. Brixton Prison (Governor), ex

    parte Soblen, All England Law Reports 1962, vol. 3, p. 641), si la dcision nesappuie sur aucune preuve suffisante ou si nulle personne sense naurait pula prendre dans les circonstances de lespce (Shahid Iqbal, Weekly LawReports 1978, vol. 3, p. 884, et Zamir v. Secretary of State, All England LawReports 1980, vol. 2, p. 768). Sous cette rserve, il ne lui appartient pas den

    scruter les motifs ou le bien-fond pour autant que seule ladite autorit ajuridiquement comptence pour se prononcer leur sujet.Sil parat ressortir de la rponse au mandat que la dtention repose sur

    une base lgale, il incombe en pratique lintress den tablir lirrgularit(Re Wajid Hassan, All England Law Reports 1976, vol. 2, p. 123, et Zamir v.Secretary of State, loc. cit.).

    B. Les circonstances de lespce

    20. En 1965 et 1966, le requrant subit un traitement psychiatrique pourhallucinations. On diagnostiqua chez lui une psychose paranode.

    Le 22 octobre 1968, il comparut devant les assises de Sheffield et reconnutavoir inflig quelquun des blessures visant causer des lsions corporellesgraves (wounding with intent to cause grievous bodily harm); il avait frapp la bouche un collgue laide dune lourde clef.

    Aprs lavoir dclar coupable, la cour le plaa en dtention provisoirepour expertise mdicale. Le 7 novembre 1968, la rouverture des audiences,elle entendit deux mdecins en leurs rapports sur ltat mental de X; elle pritensuite, en vertu de larticle 60 de la loi de 1959, une ordonnance prescrivantde linterner lhpital de Broadmoor, tablissement spcial de scurit pour

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    dlinquants alins, et une ordonnance restrictive valable pour une dureindtermine, en application de larticle 65.

    21. Les autorits de lhpital examinrent frquemment le cas delintress pendant son sjour Broadmoor. A sa propre demande, le ministrede lintrieur en saisit une commission de contrle psychiatrique en janvier1970. A la lumire de lavis de celle-ci, il dcida de ne pas consentir relcher le requrant ni le transfrer dans un autre hpital.

    Toutefois, en janvier 1971 le mdecin traitant put signaler uneamlioration de ltat de X, telle enseigne quil prconisa un largissementsous conditions. Le ministre en dcida de la sorte le 19 mai 1971, sur la basede larticle 66 par. 2 de la loi de 1959. Les obligations respecter consistaient loger au domicile conjugal, accepter la surveillance dun agent de probationet se prsenter priodiquement la consultation externe dune clinique

    psychiatrique dsigne par le mdecin traitant de lhpital de Broadmoor.22. Durant cette priode de libert, le requrant vcut avec son pouse et

    sans commettre de nouvelles infractions. Dabord au chmage, il se procurapour finir des emplois stables. Lagent de probation et un psychiatre conseilde Sheffield le rencontrrent intervalles rguliers. Daprs les rapportsrelatifs son tat, il continuait souffrir de troubles mentaux, mais jusquenavril 1974 lagent de probation, le mdecin traitant de Broadmoor - que celui-ci tenait au courant - et le psychiatre conseil de Sheffield ne virent pas

    pourquoi il ne conserverait pas sa libert.23. Le vendredi 5 avril 1974, toutefois, sa femme se rendit auprs de

    lagent de probation et lui dclara que depuis longtemps son mari nallait pasaussi bien quelle lavait indiqu antrieurement. Au contraire, prcisa-t-elle,il restait hallucin et menaant, usant de termes obscnes, laccusant demoeurs relches et sadonnant la boisson. Elle affirma quelle tait boutde rsistance et voulait le quitter le lendemain, mais quelle avait peur de seretrouver seule avec lui chez eux ce soir-l.

    Lagent de probation alerta le mdecin traitant de Broadmoor. Ce dernierconnaissait le pass de X, marqu notamment par un comportement impulsifet dangereux en cas de forte tension; en outre, il possdait une copie desrapports psychiatriques tablis sur le compte de lintress pendant sa priodede libert conditionnelle. Aussi craignit-il de le voir se livrer nouveau la

    violence, spcialement sil dcouvrait que sa femme voulait le quitter. Il nejugea pas ncessaire dessayer de contrler la lgitimit des griefs de celle-ci:il estima suffisant quelle les et formuls et que lagent de probation les ettrouvs crdibles. Le mdecin saisit donc le ministre de lintrieur qui,suivant son conseil, ordonna immdiatement la rintgration du requrant lhpital de Broadmoor, en vertu de larticle 66 par. 3 de la loi de 1959.

    24. Dans laprs-midi du mme jour, peu aprs avoir regagn son foyer enrentrant de son travail, X fut apprhend par la police. Les pices du dossierne rvlent pas ce quelle lui dit au juste en sassurant de sa personne. Il a

    prtendu navoir reu dautre explication que lavis de mandat (warrant

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    order) lui-mme. Le Gouvernement se rfre la pratique alors habituelle enpareil cas: on se bornait informer lintress de son rappel Broadmoor par

    le ministre de lintrieur. Le requrant passa la nuit en dtention, puis on leramena le lendemain lhpital de Broadmoor.

    25. Selon lui, son arrive on ne lui rvla nullement les motifs de sarintgration, mais quelque temps aprs des entretiens avec le mdecintraitant lui donnrent penser quelle avait un lien avec des griefs de sonpouse.

    Daprs le Gouvernement, ledit mdecin seffora dexposer X, ds sonretour Broadmoor, les raisons de son rappel, en particulier les craintes etinquitudes exprimes par sa femme; cependant, comme lintress tait lpoque plein damertume, perturb et sujet des hallucinations, il peut -estime le Gouvernement - ne pas avoir entirement compris ou assimil lesclaircissements fournis.

    26. Le samedi matin, avant de regagner Broadmoor sous escorte, X avaitcharg des conseils de rclamer en son nom un mandat dhabeas corpus.

    Le lundi suivant, ils tlphonrent au mdecin traitant; il leur parla entermes gnraux, et titre confidentiel, de la visite de Mme X lagent de

    probation, des proccupations manifestes par elle quant certains aspects delattitude de son mari et de linitiative quil avait prise de recommander de lerappeler lhpital afin de protger sa sret elle.

    La demande, unilatrale (ex parte), vint le 24 mai devant la DivisionalCourt. Avec laccord du conseil du requrant, celle-ci en ajourna lexamen

    pour complment dinstruction; elle dsirait, en particulier, en savoirdavantage sur les motifs qui avaient entran la dcision du ministre delintrieur. Un des juges dclara: "Il nous faut vraiment de plus amplesrenseignements, (...) et bien souvent le malade ne peut les donner lui-mme.On doit rechercher les origines de son rappel."

    27. Le mme jour, les conseils de lintress crivirent au ministre delintrieur pour linviter leur indiquer les raisons du rinternement de leurclient. Il leur rpondit par une lettre du 31 mai:

    "En avril 1974, lagent de probation a signal au psychiatre conseil deBroadmoor que ltat [de X] inspirait des soucis. A la lumire de lavis reudu psychiatre, le ministre de lintrieur a jug ncessaire la protection du

    public et dans le propre intrt du requrant de rappeler immdiatement celui-ci lhpital pour complment dobservation et de traitement."Les conseils prirent aussi contact avec le service de probation de Sheffield,

    mais il leur refusa les prcisions sollicites.28. La Divisional Court examina le recours le 21 juin 1974. Elle se

    trouvait saisie de la lettre prcite du ministre de lintrieur, du 31 mai, decelles de trois anciens collgues du requrant, affirmant navoir rien remarqudanormal dans son comportement, et dattestations sous serment de X, deson mdecin de famille et du psychiatre conseil de Sheffield. Les deuxdernires attestations saccompagnaient de rapports mdicaux tablis la

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    demande des conseils et couvrant la priode de libert conditionnelle delintress.

    Dans son rapport, dat du 12 juin 1974, le psychiatre conseil crivait:"Depuis assez longtemps, je pensais que nous nous trouvions assis sur une bombe

    retardement, mais sans avoir nettement la preuve dune probabilit relle de le voirnuire quelquun. Nanmoins, jai prouv de vives apprhensions tout au long decette priode (...). A mes yeux, il sagit dun homme rcriminateur et souponneuxsujet des ides paranodes et prsentant invitablement un risque pour la collectivit(...)."

    Il confirmait aussi lopinion quil avait exprime en septembre 1971 dansune lettre au service de probation de Sheffield. Il y avait parl de la ncessitdloigner X de situations dprimantes capables de lamener tuer ou blessergrivement des tiers; il avait ajout:

    "Le plus grand danger, pour qui le soigne, est de perdre son jugement au point desous-estimer les signes frappants de psychose paranode quil a montrs."

    Le conseil du requrant, soulignant que son client ignorait totalementpourquoi lagent de probation avait alert le mdecin traitant de Broadmoor,expliqua:

    "En dpit de nos dmarches, nous navons obtenu aucun renseignement ce propos,de sorte que pour le requrant ou ses conseillers il est malais de savoir sil existaitune justification suffisante de la mesure adopte par le ministre de lintrieur."

    29. La Divisional Court rejeta la demande lissue de laudience.Nonobstant certaines obscurits dans le compte rendu de sance, elle parat

    avoir eu gard, en adoptant sa dcision, la latitude dont le ministre delintrieur jouit aux termes de larticle 66 par. 3 de la loi de 1959, auxapprhensions manifestes par le psychiatre conseil et la circonstance quelagent de probation avait relev des indices de danger imminent pour autrui.Lun des juges conclut en ces termes:

    "Sans laccord des autorits de Broadmoor, [du psychiatre conseil] et du ministre delintrieur, on ne peut relcher des gens comme [X] que dans des cas trsexceptionnels. La seule manire dy arriver consiste les librer sous conditions,moyennant une surveillance des plus troites, et sauf ragir demble tout signe dedanger nouveau (...)."

    30. Aprs le rinternement, le mdecin qui suivait X Broadmoor estimaquil devait rester dtenu pour traitement et des rapports mdicaux rvlrentla persistance dun tat psychotique.

    En juillet 1975, le requrant demanda au ministre de lintrieur de dfrerson cas, en vertu de larticle 66 par. 8 de la loi de 1959, une commission decontrle psychiatrique (paragraphe 13 ci-dessus). Il a prtendu avoir prsentune telle demande ds le mois de fvrier, mais on nen trouve aucune tracedans les archives du ministre ni de lhpital. Ladite commission entendit lacause en octobre 1975. Son avis, dont ni lintress ni ses conseils ne reurentcommunication, fut quil continuait souffrir dune maladie mentale, mais

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    que lon pouvait dsormais le relcher si du moins il demeurait assujetti certaines conditions. En dcembre, le mdecin traitant ayant not une

    amlioration, le ministre consentit en principe pareil largissement si desdispositions adquates pouvaient tre prises.

    En fvrier 1976, X partit de lhpital en cong; en juillet de la mmeanne, il obtint du ministre sa mise en libert sous conditions. Il mourut le 17

    janvier 1979.

    PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

    31. Le requrant a saisi la Commission le 14 juillet 1974. Il se plaignait

    davoir d regagner lhpital de Broadmoor aprs trois ans de vie normale,sans avoir comparu dabord devant un organe tabli par la loi et sans quunmdecin et attest au pralable de sa qualit dalin. Il reprochait en outre la procdure dhabeas corpus de ne pas avoir assur le contrle intgral du

    bien-fond de la dcision de rinternement, mais uniquement port sur lacompatibilit de celle-ci avec les clauses pertinentes de la loi de 1959. Ilinvoquait larticle 3 de la Convention (art. 3) et les paragraphes 1, 2 et 4 delarticle 5 (art. 5-1, art. 5-2, art. 5-4).

    Le 11 mars 1976, la Commission a dclar la requte irrecevable quant lallgation de traitement inhumain ou dgradant contraire larticle 3 (art.3); elle en a retenu le restant le 14 mai 1977.

    32. Le 23 janvier 1979, le reprsentant du requrant la informe du dcsde son client. Toutefois, prcisait-il, la soeur du dfunt lavait averti quelle-mme et dautres membres de la famille, dont les parents de X, souhaitaientvoir linstance se poursuivre. Eu gard ce voeu et aux questions dintrtgnral souleves, la Commission a dcid le 1er mars 1979 de ne pas rayerlaffaire du rle.

    Pour des raisons de commodit, le prsent arrt continuera de dsigner Xcomme "le requrant" bien quil faille aujourdhui attribuer cette qualit ses

    proches (arrt Deweer du 27 fvrier 1980, srie A no 35, pp. 19-20, par. 37).33. Dans son rapport du 16 juillet 1980 (article 31 de la Convention) (art.

    31), la Commission exprime lavis:- par quatorze voix contre deux, que le rinternement et la dtention

    ultrieure de X lhpital de Broadmoor nont pas mconnu dans son chef lesdroits garantis par larticle 5 par. 1 (art. 5-1);

    - lunanimit, quil y a eu infraction larticle 5 par. 2 (art. 5-2) en ceque lon na pas fourni au requrant, dans le plus court dlai, des indicationssuffisantes sur les raisons de son arrestation et de sa rintgration Broadmoor;

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    - lunanimit, que larticle 5 par. 4 (art. 5-4) a t viol car X na pas jouidu droit dintroduire un recours devant un tribunal comptent pour statuer

    bref dlai sur la lgalit de la dtention conscutive son rappel lhpital.

    CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR

    34. laudience du 22 juin 1981, le Gouvernement a confirm lesconclusions figurant dans ses mmoires. Elles invitent la Cour:

    "1) Quant larticle 5 par. 1 (art. 5-1)

    dcider et dclarer quau vu des faits constats, les mesures prises par le

    gouvernement du Royaume-Uni pour rinterner le requrant lhpital de Broadmoor,puis la dtention force de lintress dans cet tablissement, constituaient uneprivation de libert compatible avec larticle 5 par. 1 (art. 5-1) de la Convention;

    2) Quant larticle 5 par. 2 (art. 5-2)

    a) dcider et dclarer

    i) que larticle 5 par. 2 (art. 5-2) de la Convention ne sapplique pas aurinternement dune personne remise sous bonne garde dans les conditions o a eulieu, en lespce, le retour du requrant Broadmoor; en ordre subsidiaire,

    ii) que dans les circonstances de la cause, le requrant a bien reu des

    renseignements suffisants pour rpondre aux exigences de larticle 5 par. 2 (art. 5-2)de la Convention;

    en ordre subsidiaire,

    b) conclure que lintroduction des nouvelles procdures dsormais suivies pourinformer les malades des raisons de leur rinternement dispense la Cour dexaminerles questions auxquelles ont trait les points a) (i) et (ii);

    3) Quant larticle 5 par. 4 (art. 5-4)

    i) dcider et dclarer queu gard la condamnation du requrant et soninternement Broadmoor par jugement rendu en novembre 1968, larticle 5 par. 4(art. 5-4) de la Convention ne lui donnait pas le droit un contrle judiciaire de lalgalit de sa dtention aprs son retour lhpital;

    en ordre subsidiaire, si la demande sous (i) devait tre rejete,

    ii) dcider et dclarer que la voie de recours de lhabeas corpus assurait aurequrant le droit un contrle judiciaire de la lgalit de sa dtention aprs sonretour lhpital."

    35. A laudience, le dlgu de la Commission a demand la Cour

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    "de trancher les questions dont [elle se trouve] saisie, savoir: le requrant a-t-ilsubi une violation des paragraphes 1 et 2 de larticle 5 (art. 5-1, art. 5-2) de la

    Convention lors de son rinternement lhpital de Broadmoor le 5 avril 1974? avait-il droit par la suite, en vertu du paragraphe 4 (art. 5-4), un contrle judiciaire adquatde la lgalit de sa nouvelle dtention et a-t-il bnfici dun tel examen?"

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 PAR. 1 (art. 5-1)

    36. Daprs le requrant, son rappel lhpital de Broadmoor a entranune privation de libert contraire larticle 5 par. 1 (art. 5-1) qui, dans lamesure o il joue un rle en lespce, se lit ainsi:

    "Toute personne a droit la libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa libert,sauf dans les cas suivants et selon les voies lgales:

    a) sil est dtenu rgulirement aprs condamnation par un tribunal comptent;

    (...)

    c) sil sagit de la dtention rgulire (...) dun alin (...);

    (...)."

    37. Les faits qui entrent en ligne de compte en la matire nont pas prt contestation. Le 7 novembre 1968, les assises de Sheffield, aprs avoirdclar lintress coupable de blessures visant causer des lsionscorporelles graves, prescrivirent de linterner pour une dure indtermine lhpital de Broadmoor, tablissement spcial de scurit pour dlinquantsalins; le 19 mai 1971, le ministre de lintrieur ordonna de llargir sousconditions; le 5 avril 1974 il ordonna de le rintgrer Broadmoor; X ydemeura jusquen fvrier 1976, date laquelle on le laissa quitter lhpital encong; libr pour la seconde fois sous conditions le 28 juillet 1976, il mourut

    le 17 janvier 1979 (paragraphes 20, 21, 23 et 30 ci-dessus).

    A. Sur lapplicabilit des alinas a) et e) du paragraphe 1

    38. Devant la Commission, Le Gouvernement a plaid que le requrantavait tout moment t rgulirement dtenu aprs condamnation par untribunal comptent, au sens de larticle 5 par. 1 a) (art. 5-1-a). Daprs laCommission au contraire, cest lalina e) (art. 5-1-e) qui rgit, lexclusionde lalina a) (art. 5-1-a), le cas dun accus alin que lon interne des finscuratives plutt que duser de moyens rpressifs contre lui.

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    39. Aux yeux de la Cour, il y a bien eu "condamnation" - en anglaisconviction, cest--dire dclaration de culpabilit (arrt Guzzardi du 6

    novembre 1980, srie A no 39, p. 37, par. 100) - "par un tribunal comptent"puis, la suite et par suite de celle-ci, "dtention rgulire" dcide par lui, desorte que lalina a) (art. 5-1-a) trouvait sappliquer. Cependant, les assisesde Sheffield nont pas prononc de peine: estimant que X souffrait de troublesmentaux justifiant de le traiter dans un hpital psychiatrique, elles lontenvoy Broadmoor; lalina e) (art. 5-1-e) sappliquait donc lui aussi pourautant quil concerne la dtention dalins. Partant, au moins lorigine la

    privation de libert du requrant tombait sous le coup de chacun des deuxalinas.

    Eu gard aux motifs du rappel de X en 1974 et de son internementultrieur jusquen 1976 lalina e) (art. 5-1-e) valait galement pour cette

    seconde phase. Sur le point de savoir sil en allait de mme de lalina a) (art.5-1-a), on peut en revanche prouver certains doutes en raison descirconstances de la cause, notamment le fait que lintress fut relch sousconditions et jouit dune longue priode de libert avant son rinternement.La Cour ne croit pas ncessaire de trancher la question puisque de toutemanire il lui faut contrler le respect des exigences de lalina e) (art. 5-1-e)et que lobservation de celles de lalina a) (art. 5-1-a) ne soulve aucun

    problme en loccurrence.

    B. Sur lobservation de larticle 5 par. 1 (art. 5-1)

    40. Dans son arrt Winterwerp du 24 octobre 1979, la Cour a numrtrois conditions minimales remplir pour quil y ait "detention rgulire dunalin" (lawful detention of persons of unsound mind), au sens de larticle 5

    par. 1 e) (art. 5-1-e): sauf cas durgence, on doit avoir tabli de manireprobante lalination de lintress, cest--dire avoir dmontr devantlautorit comptente, au moyen dune expertise mdicale objective,lexistence dun trouble mental rel; celui-ci doit revtir un caractre ou uneampleur lgitimant linternement, lequel enfin ne peut se prolongervalablement sans la persistance de pareil trouble (srie A n o 33, p. 18, par.39).

    41. Selon le conseil de X, larticle 66 de la loi de 1959 se heurte larticle5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de la Convention car il ne prvoit pas des garantiescomparables celles-ci, et en particulier la premire dentre elles, pour la

    procdure de rappel quil mnage. A cause du pouvoir "discrtionnaire" sansentraves dvolu au ministre de lintrieur, toute dcision de rappel, mmearrte de bonne foi, se trouverait invitablement entache darbitraire.

    A la vrit, larticle 66 par. 3 sexprime en termes trs larges; il habilite leministre rappeler tout moment un "malade" assujetti une ordonnancerestrictive, puis libr sous conditions. Il ressort pourtant dautres clauses dela loi quil ne sagit pas dun pouvoir illimit. Larticle 147 par. 1 dfinit le

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    "malade" comme "une personne souffrant ou paraissant souffrir dun troublemental", larticle 4 par. 1 le "trouble mental" comme "une maladie mentale,

    un dveloppement intellectuel interrompu ou incomplet, un troublepsychopathique ou tout autre trouble ou faiblesse desprit". Daprs leGouvernement, larticle 66 par. 3 sous-entend que le ministre de lintrieur nesaurait exercer son pouvoir de rappel sans constater, sur la base des preuvesmdicales en sa possession, que lintress rpond cette dfinition lgale.

    Certes, le droit interne doit se conformer lui-mme la Convention, ycompris les principes gnraux noncs ou impliqus par elle (voir, mutatismutandis, larrt Winterwerp prcit, p. 19, par. 45). Cependant, il ne faut pasloublier, larticle 66 par. 3 a trait au rappel dans des circonstances inspirant

    peut-tre des craintes, de malades dont la sortie dhpital a t subordonne des restrictions destines protger le public (article 65 par. 1 de la loi,

    paragraphe 11 ci-dessus). Or larrt Winterwerp a mentionn "les casdurgence" comme une exception au principe interdisant de priver de salibert lindividu concern sans "avoir tabli son alination de manire

    probante" (loc. cit., p. 18, par. 39); il na pas jug que dans chacune deshypothses imaginables l"expertise mdicale objective" doit prcder, et non

    point suivre, linternement de quelquun du chef dalination mentale. Quandlun des buts dune disposition de droit interne consiste permettrelinternement, au titre de lurgence, de personnes risquant de prsenter undanger pour autrui, on ne saurait en pratique exiger un examen mdicalapprofondi antrieur toute arrestation ou dtention. Par la force des choses,

    lautorit nationale comptente pour ordonner de tels internements doit jouiren la matire dune grande latitude. Aux yeux de la Cour les termes delarticle 66 par. 3, lus dans leur contexte, ne confrent pas au ministre delintrieur un pouvoir arbitraire; ils nempchent pas davantage le respect,dans une situation concrte, des principes affirms par larrt Winterwerp(comp., mutatis mutandis, larrt Irlande contre Royaume-Uni du 18 janvier1978, srie A no 25, p. 91, par. 240).

    A la lumire de ces considrations, les normes de la loi de 1959 rgissantle rappel lhpital de malades assujettis des restrictions ne se rvlent pasinconciliables avec la signification que la Convention attribue aux mots"dtention rgulire dun alin". Il reste rechercher si la faon dont larticle

    66 par. 3 a t appliqu X a viol larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de laConvention.42. Nul ne conteste que la privation de libert incrimine a eu lieu "selon

    les voies lgales" et na cess dtre "rgulire" au sens de conforme au droitinterne (paragraphe 89 du rapport de la Commission). Toutefois, les conseilsdu requrant la taxent darbitraire et irrgulire, donc dinjustifie au regardde larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e), parce quon naurait par tabli sonalination "de manire probante" au moyen de preuves mdicales objectivesexistant au moment de son rappel.

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    43. Larticle 5 par. 1 (art. 5-1) a prcisment pour but dempcher dedpouiller arbitrairement quelquun de sa libert; partant, "une dtention

    arbitraire ne peut jamais passer pour rgulire" (lawful), indpendammentde sa compatibilit avec le droit interne (arrt Winterwerp prcit, pp. 16 et18, par. 37 et 39). La Cour a numr plus haut trois conditions minimales remplir pour quil y ait "dtention rgulire dun alin" (paragraphe 40). Sielle a sans nul doute comptence pour sassurer de leur observation dans uncas donn, lconomie du systme de sauvegarde instaur par la Conventionassigne des limites lampleur de ce contrle; les autorits nationales setrouvant mieux places pour apprcier les preuves produites devant elles, ilfaut leur reconnatre en la matire une certaine latitude et la tche de la Course borne examiner leurs dcisions sous langle de la Convention (mmearrt, pp. 18 et 20, par. 40 et 46).

    44. Le requrant avait souffert de troubles mentaux dont lorigineremontait plusieurs annes. Une fois dclar coupable dune agressioncontre un collgue, il avait dabord t envoy lhpital de Broadmoor. Pourllargir, on avait exig notamment quil resterait sous la surveillance duservice de consultation externe dune clinique psychiatrique. Le psychiatrequi le traita pendant sa priode de libert conditionnelle le dpeignait comme"un homme rcriminateur et souponneux sujet des ides paranodes et

    prsentant invitablement un risque pour la collectivit"; dans une lettre de1971 au bureau de probation de Sheffield, il parlait de la ncessit delloigner de situations dprimantes capables de lamener tuer ou blessergrivement des tiers. L dessus, Mme X se rendit auprs de lagent de

    probation le 5 avril 1974; son mari, lui dclara-t-elle, demeurait hallucin etmenaant, contrairement ce quelle avait indiqu auparavant.

    Cest dans lensemble de ce contexte (paragraphes 20, 21, 23 et 28) quilfaut situer la raction des autorits. Alert, le mdecin traitant de Broadmoor,qui possdait une copie des rapports psychiatriques tablis sur le compte delintress pendant sa priode de libert conditionnelle, craignit de le voir selivrer nouveau la violence, spcialement sil dcouvrait que sa femmevoulait le quitter. Il saisit donc le ministre de lintrieur qui, suivant sonconseil, dlivra un mandat en vertu duquel le requrant rintgra lhpital le

    jour mme, sans examen mdical pralable ni vrification des dires de son

    pouse (paragraphe 23 ci-dessus).45. Il faut prendre aussi en considration lensemble du systme rgissant,daprs la loi de 1959, llargissement et le rappel de malades soumis desrestrictions. Aux termes de larticle 65 par. 1, un tribunal ne peut assortir unedcision dinternement de restrictions la libration ultrieure dundlinquant que sil le juge ncessaire la protection du public (paragraphe 11ci-dessus). Le ministre de lintrieur suspend donc une mesure tendant cettefin quand il relche un malade, en vertu de larticle 66 par. 2, alors que

    pareille ordonnance restrictive se trouve en vigueur (paragraphe 12 ci-dessus); comme lun des magistrats de la Divisional Court la soulign

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    laudience du 21 juin 1974, pendant la procdure dhabeas corpus intente parle requrant, lunique manire de laisser un malade de ce genre regagner sa

    place dans la socit consiste trs souvent le librer sous conditions,moyennant une surveillance des plus troites, et sauf ragir demble toutsigne de danger nouveau (paragraphe 29 in fine ci-dessus).

    Dans de telles circonstances, les impratifs de la protection du publicprvalent sur la libert individuelle, au point de lgitimer un internementdurgence ne sentourant pas des garanties habituelles quimplique larticle 5

    par. 1 e) (art. 5-1-e) de la Convention (paragraphe 41, troisime alina, ci-dessus). En loccurrence, les faits fournissaient au ministre de lintrieur desraisons suffisantes de penser que le maintien de X en libert constituerait unemenace pour le public et en particulier pour sa femme.

    46. Sil y avait l de quoi justifier le rappel de lintress, au titre delurgence et pour une brve dure, sa dtention ultrieure lhpital jusquenfvrier 1976 devait, elle, rpondre aux exigences minimales dcrites plus haut(paragraphe 40 ci-dessus). Il en a bien t ainsi: ayant examin le requrantaprs sa radmission Broadmoor, le mdecin responsable estima quildevait y rester pour traitement; il ne changea davis quen dcembre 1975,date laquelle il nota chez lui une amlioration; jusque-l, les rapportsmdicaux rvlaient la persistance dun tat psychotique (paragraphe 30 ci-dessus). Pas plus que la Commission (paragraphe 96 du rapport), la Cour nalieu de douter de lobjectivit et de la solidit de cette opinion mdicale.

    47. En conclusion, il ny a pas eu violation de larticle 5 par. 1 (art. 5-1).

    I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 PAR. 4 (art. 5-4)

    48. Selon ses conseils, le requrant na pas eu la possibilit de contester enjustice la lgalit de son rinternement Broadmoor comme let commandlarticle 5 par. 4 (art. 5-4), aux termes duquel

    "Toute personne prive de sa libert par arrestation ou dtention a le droitdintroduire un recours devant un tribunal, afin quil statue bref dlai sur la lgalitde sa dtention et ordonne sa libration si la dtention est illgale."

    49. La Cour rappelle que X, en vertu des deux ordonnances que les assisesde Sheffield avaient prononces son encontre en novembre 1968 aprslavoir dclar coupable dune infraction pnale, relevait de lautorit non

    plus des tribunaux, mais du ministre de lintrieur, et devait rester dans untablissement psychiatrique pour une dure illimite. Aprs lavoir largi enmai 1971, le ministre prescrivit en avril 1974 son retour lhpital. Ilsagissait l dune dcision administrative, fonde en partie sur descirconstances distinctes de celles qui avaient provoqu les ordonnances

    judiciaires initiales. En outre, bien que les conditions fixes aux articles 60par. 1 et 65 par. 1 de la loi de 1959 pour ladoption de telles ordonnancesdpendant dlments, notamment mdicaux, de nature changer avec le

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    temps, il nexistait aucun systme de contrle judiciaire priodiquepermettant de sassurer quelles demeuraient remplies tout au long de la

    dtention litigieuse (paragraphes 10-11 ci-dessus).

    A. Procdure suivie en 1968 devant les assises de Sheffield

    50. En ordre principal, le Gouvernement plaide que la procdure suivie en1968 devant les assises de Sheffield suffisait rpondre aux exigences delarticle 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. Il invoque en ce sens un extraitde larrt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971 (srie A no 12, p. 40,

    par. 76):

    "De prime abord, le libell de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) pourrait donner penserquil reconnat au dtenu le droit de faire toujours contrler par un tribunal la lgalitdune dcision antrieure qui la priv de sa libert (...). Si [cette] dcision (...) manedun organe administratif, larticle 5 par. 4 (art. 5-4) astreint sans nul doute les tats ouvrir au dtenu un recours auprs dun tribunal, mais rien nindique quil en aille demme quand elle est rendue par un tribunal statuant lissue dune procdure

    judiciaire. Dans cette dernire hypothse, le contrle voulu par larticle 5 par. 4 (art. 5-4) se trouve incorpor la dcision; tel est le cas, par exemple, dune condamnation lemprisonnement prononce par un tribunal comptent (article 5 par. 1 a) de laConvention) (art. 5-1-a)."

    51. En ralit, le passage prcit ne parle que de "la dcision privative delibert"; il ne vise pas la dtention ultrieure dans la mesure o des questionsnouvelles de lgalit la concernant surgiraient aprs coup. Larrt du 18 juin

    1971 a pris en considration, sous langle de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), nonseulement les dcisions initiales dinternement pour vagabondage relatives trois requrants (loc. cit., pp. 40-43, par. 74-80), mais aussi la procdurergissant lexamen des demandes dlargissement des intresss (ibidem, pp.43-44, par. 81-84).

    52. De plus, et le Gouvernement le souligne lui-mme, ltendue delobligation que larticle 5 par. 4 (art. 5-4) impose aux tats contractants nest

    pas forcment identique en toute circonstance, ni pour chaque sorte deprivation de libert (voir, mutatis mutandis, larrt De Wilde, Ooms et Versypprcit, pp. 41-42, par. 78).

    La dtention de X tombait dans le champ dapplication de lalina e) de

    larticle 5 par. 1 (art. 5-1-e) au moins autant que de lalina a) (art. 5-1-a)(paragraphe 39 ci-dessus). Or la "dtention dun alin" forme une catgoriespcifique et soulve des problmes propres (arrt Winterwerp prcit, pp.23-24, par. 57 et 60). En particulier, "les motifs [la] justifiant lorigine (...)

    peuvent cesser dexister". Larrt Winterwerp en a tir une consquenceimportante:

    "(...) on mconnatrait le but et lobjet de larticle 5 (art. 5) (...) si lon interprtait leparagraphe 4 (art. 5-4) (...) comme exemptant en loccurrence la dtention de toutcontrle ultrieur de lgalit pour peu quun tribunal ait pris la dcision initiale. Par

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    nature, la privation de libert dont il sagit parat appeler la possibilit de semblablecontrle, exercer des intervalles raisonnables." (loc. cit., p. 23, par. 55)

    En vertu de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), un alin dtenu dans untablissement psychiatrique pour une dure illimite ou prolonge a donc en

    principe le droit, au moins en labsence de contrle judiciaire priodique etautomatique, dintroduire des intervalles raisonnables un recours devant untribunal pour contester la "lgalit" - au sens de la Convention (paragraphe 57ci-dessous) - de son internement, que ce dernier ait t prescrit par une

    juridiction civile ou pnale ou par une autre autorit.53. Il nentre pas dans les attributions de la Cour de rechercher en quoi

    consisterait, en la matire, le systme de contrle judiciaire le meilleur ou leplus adquat, car diffrents moyens de sacquitter de leurs engagementssoffrent au choix des tats contractants. Ainsi, par "tribunal" larticle 5 par.4 (art. 5-4) nentend pas ncessairement une juridiction de type classique,intgre aux structures judiciaires ordinaires du pays. Tel que lemploie laConvention dans plusieurs de ses clauses dont larticle 5 par. 4 (art. 5-4), cemot sert dsigner des "organes prsentant non seulement des traitsfondamentaux communs, au premier rang desquels se place lindpendance

    par rapport lexcutif et aux parties (...), mais encore les garanties","adaptes la nature de la privation de libert dont il sagit", "dune

    procdure judiciaire" dont les modalits peuvent varier dun domaine lautre (arrt De Wilde, Ooms et Versyp prcit, pp. 41-42, par. 76 et 78).

    54. En rsum, pendant la dtention conscutive sa rintgration

    lhpital de Broadmoor en avril 1974 X devait bnficier dun recours qui luioffrt de telles "garanties". A ce stade, la procdure qui avait eu lieu en 1968devant les assises de Sheffield ne suffisait plus pour remplir les conditions delarticle 5 par. 4 (art. 5-4).

    B Procdure dhabeas corpus

    55. Le Gouvernement avance, titre subsidiaire, quun "tribunal" a envrit statu " bref dlai sur la lgalit" de ladite dtention: la DivisionalCourt de la Queens Bench Division, saisie par X dune demande de mandatdhabeas corpus. Larticle 5 par. 4 (art. 5-4) se contenterait dune procdure

    permettant, comme celle-l, de sassurer de la compatibilit dune arrestationou dtention avec le droit interne; quand, selon ce dernier, la dcision de

    priver quelquun de sa libert relve dune autorit administrative, laConvention nexigerait pas que les juridictions nationales aient comptence

    pour en apprcier le bien-fond.La Commission ne souscrit pas ce raisonnement. Raffirmant lopinion

    exprime par elle dans son rapport du 15 dcembre 1977 en laffaireWinterwerp, elle interprte larticle 5 par. 4 (art. 5-4) comme ouvrant une

    personne interne en qualit dalin le droit une vrificationjuridictionnelle de la lgalit la fois formelle et matrielle de sa dtention

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    (arrt Winterwerp prcit, pp. 26-27, par. 68 - problme non tranch par laCour). Or la procdure dhabeas corpus ne se prterait pas une vrification

    aussi tendue. Le conseil du requrant se rallie en substance cette thse.56. Le droulement de linstance engage par X se trouve retrac plus haut

    (paragraphes 26, 28 et 29). La Divisional Court connut de la cause sur la basedattestations crites sous serment, dont celle de lintress. Les picesmdicales dont elle disposait (paragraphe 28 ci-dessus) avaient trassembles par les dfenseurs du requrant; rien nobligeait le ministre delintrieur justifier lui-mme la dtention.

    Tout cela dcoulait pourtant de la nature du recours. Quand un tribunalexamine, dans une procdure dhabeas corpus, une dcision administrative

    privative de libert, sa tche consiste rechercher si la dtention cadre avecles normes de la lgislation en vigueur et les principes applicables de la

    common law. Daprs ces principes, il peut censurer pareille dcision, mmergulire en la forme, si, entre autres, lautorit dont elle mane abus de son

    pouvoir en agissant de mauvaise foi, la lgre ou dans un but illgitime, sila dcision ne sappuie sur aucune preuve suffisante ou si nulle personnesense naurait pu la prendre dans les circonstances de lespce. Sous cetterserve, il ne lui appartient pas den scruter les motifs ou le bien-fond l oseule ladite autorit a juridiquement comptence pour se prononcer leursujet (paragraphe 19 ci-dessus). Ainsi que le cas de X en offre un bonexemple, quand aux termes dune certaine loi lexcutif jouit dun pouvoirdapprciation, large ou troit, le contrle judiciaire dans une instance enhabeas corpus concerne uniquement la conformit de lexercice de ce pouvoiravec la loi en question.

    En loccurrence, une fois constat que X tait un malade libr sousconditions une poque o il demeurait sous le coup dune ordonnancerestrictive, les prescriptions de larticle 66 par. 3 de la loi de 1959 en matirede rappel par mandat se trouvaient observes (paragraphe 12 ci-dessus). A

    partir de ce moment, il incombait en pratique au requrant de dmontrer, pourautant que le droit anglais le lui permettait, lexistence dune raisonquelconque rendant illgale sa dtention, pourtant rgulire en apparence.Comme les lments fournis par lui nen rvlaient aucune, la DivisionalCourt ne pouvait que rejeter la demande.

    57. X a bien eu accs un tribunal qui a jug sa dtention "lgale" en droitanglais, mais il nen rsulte pas quil y ait eu un contrle de "lgalit"suffisant aux fins de larticle 5 par. 4 (art. 5-4). Le paragraphe 1 e) de cetarticle (art. 5-1-e), tel que linterprte la Cour, subordonne la "rgularit"(lawfulness) dune privation de libert du genre de celle subie par X desexigences qui vont au-del de la simple concordance avec le droit interne(arrt Winterwerp prcit, par. 17-18, par. 39 et paragraphe 43 ci-dessus). Orlarticle 5 (art. 5) doit se lire comme un tout; rien ne donne penser que pourune seule et mme privation de libert, le mot "lawfulness" change de sensquand on passe du paragraphe 1 e) (art. 5-1-e) au paragraphe 4 (art. 5-4).

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    58. Malgr le caractre limit du contrle auquel se prtent les dcisionsprises en vertu de larticle 66 par. 3 de la loi de 1959, linstitution de lhabeas

    corpus reprsente parfois une arme efficace contre larbitraire en la matire.On pourrait la trouver satisfaisante au regard de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) dela Convention pour des mesures durgence tendant linternement de

    personnes comme alins. Pareilles mesures, pourvu quelles vaillent pourune courte priode (arrt Winterwerp prcit, p. 19, par. 42), peuvent ne passentourer des garanties habituelles, par exemple une expertise mdicaleapprofondie, sans pour cela se rvler "irrgulires" sous langle de larticle 5

    par. 1 e) (art. 5-1-e) (paragraphe 41 ci-dessus). Par la force des choses,lautorit comptente pour les ordonner doit jouir dune grande latitude, cequi restreint invitablement le rle des tribunaux.

    En revanche, un contrle aussi rduit que celui assur en lespce par laprocdure dhabeas corpus ne suffit pas, aux yeux de la Cour, danslhypothse dune internement prolong comme celui de X. Sans doutelarticle 5 par. 4 (art. 5-4), le Gouvernement le souligne juste titre, neconsacre-t-il pas le droit un examen judiciaire dune porte telle quilhabiliterait le tribunal, sur tous les aspects de la cause, substituer sa propreapprciation celle de lautorit dont mane la dcision. Il nen veut pasmoins un contrle assez ample pour stendre chacune des conditionsindispensables, selon la Convention, la "rgularit" ou "lgalit" de ladtention dun individu comme alin, dautant que les motifs propres

    justifier cette dtention lorigine peuvent cesser dexister (paragraphes 40 et

    52 ci-dessus). En dautres termes, il exigeait en loccurrence une procdureapproprie permettant une juridiction de rechercher si les troubles mentauxdu malade persistaient et si le ministre de lintrieur tait en droit de penserque la poursuite de linternement simposait dans lintrt de la scurit du

    public (voir, mutatis mutandis, larrt De Wilde, Ooms et Versyp prcit, pp.43-44, par. 82-83).

    59. La procdure dhabeas corpus intente par X en 1974 ne lui a donc pasassur le bnfice du droit protg par larticle 5 par. 4 (art. 5-4); il en ft allde mme sil lavait rpte par la suite.

    C. Autres procdures

    60. Daprs le Gouvernement, pour se prononcer sur la valeur desprocdures de contrle, en particulier de celle dhabeas corpus, il faut avoirgard aux autres voies permettant de contester la justification matrielle de ladtention.

    La Cour reconnat pleinement la ncessit dune vue globale du systme,car les lacunes dune certaine procdure peuvent tre combles par lesgaranties quen offrent dautres (voir, mutatis mutandis, larrt Winterwerp

    prcit, p. 25, par. 62).

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    61. Le Gouvernement signale quatre moyens damener le ministre delintrieur rechercher si la dtention continue simposer: le mdecin

    traitant peut prconiser llargissement de lintress, un parlementaireintervenir auprs de ministre et le malade en personne sadresser celui-ci

    pour rclamer sa libration ou pour demander la saisine dune commission decontrle psychiatrique (paragraphe 15 ci-dessus).

    Toutefois, les trois premiers ne dclenchent aucun mcanisme de contrlepar un organe indpendant, judiciaire ou administratif.

    Le quatrime, lui, mrite un examen plus attentif car la loi de 1959 mnagela possibilit, pour les commissions de contrle psychiatrique, dtudier

    priodiquement, sur la base dun large ventail de donnes de fait, le cas demalades interns et assujettis des restrictions. Rien nempche de considrer

    pareil organe spcialis comme un "tribunal" au sens de larticle 5 par. 4 (art.

    5-4) sil jouit de lindpendance voulue et si sa procdure sentoure degaranties suffisantes, adaptes la nature de la privation de libert enquestion (paragraphe 53 ci-dessus et arrt Winterwerp prcit, p. 24, par. 60).

    Nanmoins, et supposer que les commissions de contrle psychiatriqueremplissent ces conditions, il leur manque la comptence de statuer "sur lalgalit de la dtention" et pour ordonner llargissement si cette dernireapparat illgale: elles ne possdent que des attributions consultatives(paragraphe 14 ci-dessus).

    Ds lors, et sans sous-estimer la valeur indniable des ressources ainsioffertes, la Cour considre que les autres voies indiques par leGouvernement ne remdient pas aux dficiences de la procdure dhabeascorpus envisage sous langle du paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4).

    62. En conclusion, il y a eu violation de ce paragraphe.

    II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 PAR. 2 (art. 5-2)

    63. Le requrant se plaignait que ni la police au moment o ellelapprhenda le 5 avril 1974, ni le personnel mdical de Broadmoor par lasuite, ne leussent inform dans le plus court dlai, et un degr suffisant, desmotifs de sa rintgration lhpital. Il se prtendait victime dune infraction larticle 5 par. 2 (art. 5-2), aux termes duquel

    "Toute personne arrte doit tre informe, dans le plus court dlai et dans unelangue quelle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portecontre elle."

    64. Le Gouvernement invite la Cour prendre en compte la procduredsormais applicable en la matire (paragraphe 16 ci-dessus) et juger quilne simpose plus de rechercher si lancienne cadrait ou non avec larticle 5

    par. 2 (art. 5-2).Les innovations dont il tire argument avaient pour but dclar de "parer

    des critiques exprimes par la Commission europenne des Droits de

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    lHomme" sur le terrain, prcisment, de larticle 5 par. 2 (art. 5-2).Cependant, elles datent de la fin de 1980, ne valent que pour lavenir et nont

    manifestement pas pu rendre X le droit quil revendiquait au titre de cettedisposition dont le Gouvernement persiste, au demeurant, se dfendredavoir mconnu les exigences (arrt Deweer prcit, p. 20, par. 37 in fine, etarrt Luedicke, Belkacem et Ko du 28 novembre 1978, srie A no 29, p. 15,

    par. 36). On ne saurait donc parler dune "solution", mme partielle, "dulitige" (voir, mutatis mutandis, larticle 47 par. 2 du rglement et larrtGuzzardi prcit, p. 31, par. 85).

    65. Daprs le Gouvernement, les mots "toute personne arrte" neconviennent pas pour dcrire les conditions dans lesquelles sopre larintgration lhpital dun malade assujetti des restrictions. Le membrede phrase "des raisons de son arrestation et de toute accusation porte contreelle" montrerait de son ct que lon vise uniquement une arrestation du chefdune infraction pnale. La Commission combat cette interprtation qui,souligne-t-elle, aboutirait limiter la protection du paragraphe 2 (art. 5-2) aux

    personnes arrtes en vertu du paragraphe 1 c) (art. 5-1-c).Si donc les thses en prsence divergent sur lapplicabilit du paragraphe 2

    (art. 5-2) la situation de X, elles ne concordent pas davantage sur sonobservation en lespce. Pour le Gouvernement, les indications donnes lintress puis ses solicitors suffisaient au respect de toute obligation

    pouvant rsulter de ce paragraphe. Selon la Commission unanime, aucontraire, quoi que lon ait dit X lui-mme rien ne justifiait de ne pas fournir

    ses solicitors des explications officielles et dtailles; la dclaration vaguedu ministre de lintrieur (paragraphe 27 ci-dessus) ne saurait constituerlinformation indispensable lexercice utile du droit garanti par larticle 5

    par. 4 (art. 5-4).66. La Cour estime quil ne simpose pas de trancher cette double

    controverse, dautant que les circonstances de la cause ne sont pasentirement claires sur le point considr (paragraphes 24-27 ci-dessus). Elleconstate dabord que le ncessit daviser lintress des raisons de sonrinternement dcoulait en tout cas forcment du paragraphe 4 (art. 5-4):quiconque a le droit, comme X (paragraphe 54 ci-dessus), dintroduire unrecours en vue dune dcision rapide sur la lgalit de sa dtention, ne saurait

    sen prvaloir efficacement si on ne lui rvle pas dans le plus court dlai, et un degr suffisant, les faits et les rgles juridiques invoqus pour le priver desa libert. La Cour relve ensuite que la Divisional Court, lissue de sa

    premire audience, ajourna lexamen de la demande de mandat dhabeascorpus parce quelle ressentait elle-mme le besoin dun complmentdinstruction avant de statuer (paragraphe 26 in fine ci-dessus). A larouverture des dbats le 21 juin 1974, il incombait en pratique X de

    prouver, sa dtention paraissant rgulire, que le ministre de lintrieur avaitemploy son pouvoir discrtionnaire dune manire incompatible avec la loi.Or il ressort nettement des pices du dossier que le manque de

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    renseignements sur les motifs exacts de son rappel, motifs connus du ministreet de lui seul ou presque, empcha ses dfenseurs et, par voie de consquence,

    la Divisional Court dapprofondir la question (paragraphe 56 ci-dessus).Partant, le grief prsent sur le terrain du paragraphe 2 (art. 5-2) sanalyse enloccurrence en un simple aspect de celui que la Cour a dj tudi souslangle du paragraphe 4 (art. 5-4); il ny a pas lieu de se prononcer sur un

    problme particulier englob et absorb par un problme plus vaste (voir,mutatis mutandis, larrt Deweer prcit, pp. 30-31, par. 56 in fine, et larrtDudgeon du 22 octobre 1981, srie A no 45, par. 69).

    V. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 50 (art. 50)

    67. Les conseils de X ont annonc que si la Cour constatait une violation,ils prsenteraient au titre de larticle 50 (art. 50) une demande de satisfactionquitable tendant la rparation du prjudice subi et une rformelgislative. Le Gouvernement a lui aussi rsers sa position.

    Bien que souleve en vertu de larticle 47 bis du rglement, la question nese trouve donc pas en tat. En consquence, la Cour doit la rserver etdterminer la procdure ultrieure, en tenant compte de lhypothse dunaccord entre ltat dfendeur et les proches du requrant.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR

    1. Dit, lunanimit, quil ny a pas eu violation de larticle 5 par. 1 de laConvention (art. 5-1);

    2. Dit, lunanimit, quil y a eu violation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4);

    3. Dit, par six voix contre une, quil ne simpose pas dexaminer aussilaffaire sous langle de larticle 5 par. 2 (art. 5-2);

    4. Dit, lunanimit, que la question de lapplication de larticle 50 (art. 50)ne se trouve pas en tat;a) en consquence, la rserve en entier;

    b) invite la Commission lui adresser par crit, dans le dlai de deux mois compter du prononc du prsent arrt, ses observations sur laditequestion et notamment lui donner connaissance de tout rglementamiable auquel le Gouvernement et les proches du requrant auront puaboutir;c) rserve la procdure ultrieure et dlgue son prsident le soin de lafixer en cas de besoin.

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    Rendu en franais et en anglais, les deux textes faisant foi, au Palais desDroits de lHomme Strasbourg, le cinq novembre mil neuf cent quatre-

    vingt-un.

    Grard WIARDAPrsident

    Marc-Andr EISSENGreffier

    Au prsent arrt se trouve joint, conformment aux articles 51 par. 2 (art.51-2) de la Convention et 50 par. 2 du rglement, lexpos de lopinion

    spare, dissidente, de M. Evrigenis.

    G. W.M.-A. E.

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    CONSEILDE LEUROPE COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE EVRIGENIS

    A mon vif regret, je nai pas pu me rallier la majorit de la Chambre surle point no 3 du dispositif de larrt. Le droit de lindividu priv de sa libert

    tre inform dans le plus court dlai, selon les termes du paragraphe 2 delarticle 5 (art. 5-2), des raisons de sa mise en dtention, constitue unegarantie de la libert personnelle dont limportance dans une rgimedmocratique et de primaut du droit ne saurait tre sous-estime. Au-del dela possibilit quil assure au dtenu de prparer sa dfense en justice, selon le

    paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4), il consacre une sorte de confiancelgitime dans les rapports entre individu et autorit publique. Il sagit, endautres termes, dun droit autonome et non auxiliaire par rapport celui

    prvu par le paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4). Le grief relatif auparagraphe 2 de larticle 5 (art. 5-2) devrait par consquent tre examin aufond.