AÉROPORT DU GRAND OUEST :POURQUOI J’Y CROIS

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AÉROPORT DU GRAND OUEST : POURQUOI J’Y CROIS JACQUES AUXIETTE Ma contribution à la commission du dialogue sur le transfert de l’aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes

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AÉROPORT DU GRAND OUEST : POURQUOI J’Y CROIS Jacques Auxiette

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AÉROPORT DU GRAND OUEST :

POURQUOI J’Y CROIS

Jacques auXIeTTe

Ma contribution à la commission du dialogue sur le transfert de l’aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes

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SOMMAIRE

Chapitre 1 En guise de préambule : la logique du développement durable et l’aéroport du Grand Ouest

Un parcours personnel en faveur du développement durable Une expérience régionale en faveur des politiques publiques écologiques L’aéroport du Grand Ouest : nouveau symbole de deux visions du monde

Chapitre 2 La genèse de l’aéroport du Grand Ouest : 40 ans d’une histoire mouvementée

L’histoire de l’aéroport Nantes-Atlantique L’évolution du trafic de Nantes-Atlantique L’émergence du projet en 1963 et l’inscription dans les plans d’urbanisme en 1974 Le nouveau projet d’aéroport en l’an 2000 Le débat public de 2002-2003 La commission d’enquête publique de 2006-2007 Un projet confirmé au fil des élections locales

Chapitre 3 Les raisons d’y croire : 10 arguments en faveur du projet Une vision positive du développement durable

Un projet essentiel pour soutenir le développement du Grand Ouest Un projet d’intérêt général pour 6 millions d’habitants Un enjeu d’aménagement du territoire Permettre un accès aux centres de décision européens Un transfert devenu indispensable Une opération réaliste et raisonnable L’aéronautique : une industrie d’avenir Une réalisation adaptée et anticipée avec le monde agricole Un transfert bénéfique pour l’environnement

Chapitre 4 Une situation devenue ingérable : entre naïveté politique et emballement médiatique

Deux erreurs historiques qu’il faut bien avouer De la place de la naïveté dans l’action publique Le triomphe du pessimisme et de l’anxiété Un traitement médiatique déséquilibré  ? La mémoire à géométrie variable des écologistes Un accord électoral régional clair... mais malmené  ? La remise en cause de financements antérieurs

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Chapitre 5 Intox et fausses polémiques : les mensonges qu’il faut démentir L’Etat tricherait sur les prévisions de trafic pour justifier le projet  ? C’est faux !

L’aéroport actuel pourrait accueillir tout le trafic futur  ? C’est faux ! Les alternatives au projet n’auraient pas été étudiées  ? C’est faux ! Le nouvel aéroport serait prévu pour déverser le trop-plein des aéroports parisiens  ? C’est faux ! Le transfert serait injustifié par rapport aux standards internationaux  ? C’est faux ! Le projet aboutirait à l’assèchement des finances publiques  ? C’est faux ! Faire deux pistes pour ce nouvel aéroport serait inutile  ? C’est faux ! Le nouvel aéroport ne créerait pas d’emploi puisqu’il ne fait que se substituer à un aéroport existant  ? C’est faux ! Le transfert de l’aéroport n’améliorerait pas la sécurité  ? C’est faux ! Pour faire face à la croissance du trafic sans gêner davantage les riverains, il suffirait d’utiliser de plus gros avions  ? C’est faux ! Le projet serait désastreux pour l’environnement  ? C’est faux ! Le projet gaspillerait des terres agricoles  ? C’est faux ! La démocratie aurait été bafouée  ? C’est faux ! Cet aéroport serait le projet du seul Jean-Marc Ayrault  ? C’est faux !

Chapitre 6 Ce qui me scandalise dans cette affaire : rien ne justifie les actes illégaux

Le retour de l’impôt révolutionnaire Les menaces répétées et la dégradation des bâtiments publics La violence individuelle comme acte militant La désobéissance civile... par les élus de la République ! Le double-jeu des associations d’opposants La diffamation d’un veuf et d’une défunte

Chapitre 7 De l’enthousiasme pour la démocratie : gardons l’esprit grand ouvert ! Nostalgie versus Big Mac Index

La tentation de la pause et la tentation de la pose Deux visions opposées de l’écologie politique La décroissance : un mirage idéologique Croissance et décroissance : de la posture à l’imposture Pour sortir de la crise, il faut préparer l’avenir

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EN GUISE DE PRÉAMBULE :LA LOGIQUE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ET L’AÉROPORT DU GRAND OUEST

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Je m’appelle Jacques Auxiette et je suis un affreux bétonneur. C’est assez difficile à croire, mais c’est pourtant ce que je lis chaque jour dans la presse. Après plusieurs décennies d’engagement à gauche en faveur des politiques sociales et de la promotion du développement durable, voici le seul héritage que l’on voudrait retenir de mon parcours politique : 2000 hectares de béton. En plus, le chiffre est faux, mais j’y reviendrai...

Un parcours personnel en faveur du développement durable

Soyons honnêtes : compte tenu de mon âge, je ne fais pas partie d’une géné-ration biberonnée à l’écologie et qui a grandi en regardant Ushuaïa à la télévi-sion. Comme tant d’autres, j’ai donc dû apprendre, comprendre, agir et réagir. Je me souviens encore de l’année 1987, lorsque la Commission Brundtland consacre le terme de « sustainable development » en le définissant comme « la capacité de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de pouvoir répondre à leurs propres besoins ». Père de famille et déjà maire de La Roche-sur-Yon depuis une dizaine d’années à l’époque, j’ai vite saisi l’importance d’inclure la démarche du développement durable dans l’élaboration des politiques publiques.

Car tout de même, la France n’a pas attendu la Commission Brundtland. Apparue dans les années 80, l’écologie est rapidement devenue un phéno-mène de société. Habiles, certains s’en sont saisis pour en faire un nouvel étendard politique, oubliant parfois qu’il s’agit avant tout d’un réel fondement de l’action publique. C’est pourquoi tout au long de mon parcours, j’ai agi au quotidien sans perdre de vue cet objectif. Ainsi, à peine élu maire de La Roche-sur-Yon en 1977, j’ai entrepris de développer le réseau de transports collectifs urbains, qui ne comptait alors que 3 lignes, en doublant ce nombre, qui n’a cessé de croître depuis. Comme président du GART (groupement des autorités responsables de transport) je me suis aussi efforcé de développer à l’échelle nationale la culture des transports collectifs ; action que je poursuis aujourd’hui au sein de l’Association des Régions de France.

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Dans ma commune, j’ai également opté pour une politique volontariste en faveur du patrimoine végétal bien avant le Grenelle de l’environnement, par exemple en développant des coulées vertes et bleues au cœur de la ville. Grâce à ces espaces verts aménagés et protégés dans le cadre du plan d’urbanisa-tion, et bien que la ville ait beaucoup grandi et soit devenue un pôle universi-taire hébergeant 55 000 habitants et 6 000 étudiants, La Roche-sur-Yon peut encore aujourd’hui s’enorgueillir de près de 20% de surface urbaine occupée par des espaces verts, ce qui fait d’elle la ville qui possède le plus grand nombre d’arbres par habitant dans l’ouest de la France.

A ces réalisations s’ajoutent de nombreuses actions qui ont jalonné mes man-dats municipaux. Je me souviens notamment de l’ancienne station d’épuration de la ville. Mes prédécesseurs avaient eu l’idée saugrenue de construire des logements sociaux sous le vent de la station (quel cynisme...) et elle était par ailleurs si mal pensée et si mal placée que les agriculteurs ne pouvaient plus faire boire leurs bêtes dans l’Yon. L’équipe municipale socialiste de l’époque a donc décidé de construire une autre station d’épuration, plus adaptée aux contraintes humaines et agricoles, qui avaient évolué avec les années. Cela n’est pas sans me faire penser à ce projet de transfert d’aéroport qui nous occupe aujourd’hui...

Au fil du temps, cet engagement en faveur du développement durable m’a conduit à adhérer au mouvement des éco-maires, puis à devenir le repré-sentant de l’association des gouvernements locaux au Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002. Après plusieurs jours de délibérations, nous avions alors abouti à des décisions historiques sur l’eau, l’énergie, la santé, l’agri-culture et la diversité biologique. Ce fut pour moi une riche expérience, aux côtés du Président de la République de l’époque, Jacques Chirac. Ce fut aussi un bel exercice pour démontrer la capacité collective à gérer les problèmes planétaires, en réaffirmant la nécessité d’une croissance devant se faire dans le respect de l’environnement, avec le souci de la santé, de l’instruction et de la justice.

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Une expérience régionale en faveur des politiques publiques écologiques

Vous l’aurez compris : je suis depuis longtemps convaincu que le développe-ment durable est l’un des moteurs de l’action publique. Ces deux mots accolés ont beaucoup de sens. Le concept concilie le développement économique, donc l’emploi, avec de nécessaires solidarités et une préservation de nos ressources et de notre environnement. Dans la continuité d’un engagement inscrit dans la durée, j’ai maintenu ce cap en accédant à la présidence de la Région des Pays de la Loire en 2004. Depuis, la politique de développement durable de notre territoire n’a pas à rougir d’un manque de volontarisme. Nous travaillons ardemment dans de nombreux domaines qui se complètent sans s’opposer : soutien au développement industriel et développement des énergies renouve-lables ; aides à la recherche et à l’innovation, y compris dans les domaines des nanotechnologies ou du nucléaire, et politique de santé ; promotion des métiers de l’industrie et de l’emploi dans l’aéronautique et politiques de mobi-lité durable. Les exemples sont nombreux. Certains voudront y voir des contra-dictions, là où l’essence même des démarches de développement durable, et « d’agenda du XXIème siècle » pour reprendre un terme répandu, consiste à les rendre compatibles dans l’intérêt de l’Homme à court, moyen et long terme.

Dans ce cadre global, et dans ce cadre global seulement, les politiques envi-ronnementales ont du sens. Au Conseil régional des Pays de la Loire, avec d’autres, j’ai impulsé et je porte des actions que je crois utiles ; mais vous l’aurez compris, protéger l’environnement, selon moi, ça ne peut pas être une mise sous cloche de la nature au détriment du progrès et de l’Homme.

Nous œuvrons à la préservation des espaces naturels, avec les parcs naturels régionaux et des réserves naturelles régionales. Nous menons des interventions en faveur de la biodiversité (faune, flore, milieux naturels) avec les acteurs locaux.

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Nous finançons des projets de préservation de la ressource en eau et des milieux aquatiques, avec le soutien aux schémas d’aménagement et de ges-tion des eaux (SAGE) et la mise en place de contrats régionaux de bassins versants, mais aussi en portant une attention particulière à la protection des populations face aux inondations, la réduction de la pollution par les produits phytosanitaires et la restauration des milieux aquatiques.

Nous soutenons la maîtrise de l’énergie et le développement des énergies renouvelables, à travers un plan régional de l’énergie qui porte sur le logement social, des projets expérimentaux de maîtrise de l’énergie dans les bâtiments neufs et anciens, des projets de développement des énergies renouvelables. Sans oublier des Etats généraux de l’énergie qui ont anticipé de près d’un an l’action actuelle du Gouvernement.

Nous assumons des responsabilités importantes pour l’élimination des déchets dangereux (une nouvelle compétence régionale), avec la révision du plan régio-nal d’élimination des déchets spéciaux (PREDIS) et sa transformation en plan régional d’élimination des déchets dangereux (PREDD) engagé depuis 2007.

Nous veillons à la qualité de l’air, qui fait l’objet de mesures de surveillance. Et beaucoup ignorent que la Région est responsable d’un plan régional pour la qualité de l’air... Enfin, nous avons fixé des objectifs ambitieux à des pro-grammes d’éducation à l’environnement et au développement durable, grâce à un soutien à des initiatives régionales et locales.

Parmi nos grandes réussites et nos mesures phares, nous pouvons citer toutes les actions qui nous ont permis d’accueillir le prototype de l’éolienne offshore la plus puissante du monde construite par Alstom (une seule éolienne de ce type pouvant alimenter l’équivalent de 5000 foyers) ; les 40 millions d’inves-tissements pour les travaux d’efficacité énergétique dans les établissements d’enseignement ; les nombreuses aides régionales pour l’équipement des collectivités et des ménages en chaudière à bois déchiqueté et en panneaux

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photovoltaïques ou encore toutes les nouvelles constructions menées avec une logique de performance environnementale.

On n’a pas sauvé la planète, mais tout de même, ce n’est pas rien ! D’ailleurs, le 29 novembre 2012, l’une des représentantes historiques de l’écologie poli-tique, Dominique Voynet, affirmait dans un communiqué de presse (disponible sur son site Internet) que j’étais « considéré, parmi les présidents de Région, comme l’un des plus attentifs aux questions soulevées par les écologistes », c’est dire !

D’ailleurs, au sujet de la gouvernance des institutions en partenariat avec les écologistes, je crois utile de préciser qu’à chacune des élections auxquelles je me suis présenté, ma liste leur était ouverte dès le premier tour. Ainsi, même lors du scrutin régional de 2010 où la stratégie nationale du parti Europe Ecologie – Les Verts (EELV) était de présenter des listes autonomes, certains militants Verts ont décidé de figurer sur la liste de « la Gauche en Action » dès le premier tour. Ce fut notamment le cas de Yann Hélary, qui fut conseil-ler de Dominique Voynet au ministère de l’Environnement et co-directeur de campagne de Noël Mamère à l’élection présidentielle de 2002.

L’aéroport du Grand Ouest : un symbole pour deux visions du monde

Pour autant, ce qui cristallise les débats autour de la Région Pays de la Loire ces derniers mois n’a pas grand-chose à voir avec tout ce dont je suis en train de vous parler. Je vous le donne en mille : ce qui occupe beaucoup (trop) de temps dans mes journées et mes soirées en ce moment, c’est toute cette pagaille autour de l’aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes. A en croire les opposants au projet, je suis passé du statut de président de Région écolo-compatible à celui d’affreux bétonneur qui aurait pour seule préoccu-pation de saccager la nature et de sacrifier l’intérêt général au profit privé !

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Tout aura été dit ou écrit sur cet aéroport. Des choses justes, et beaucoup d’autres tout à fait inexactes et farfelues. Pour ma part, je veux retenir une idée essentielle : l’ouverture de l’aéroport apportera des bénéfices très concrets pour le développement économique, l’emploi, l’attractivité et le rayonnement international des régions Pays de la Loire et Bretagne, de Nantes à Rennes, de La Baule et Saint-Nazaire à Vannes, Angers ou La-Roche-sur-Yon...

Oui, nos régions ont besoin d’un accès rapide et efficace aux centres de décisions européens sans avoir à passer par Paris. Oui, nous croyons encore à l’avenir de l’aéronautique, qui est d’ailleurs actuellement le moteur principal qui tire l’économie française et dont les potentiels d’innovation restent considérables.

Non, nos concitoyens ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain de prendre l’avion au prétexte d’un oukase, formulé par certains privilégiés qui en sont eux-mêmes de grands consommateurs. Pourtant, faire une ville dense et compacte à Nantes en déplaçant l’aéroport actuel, pouvoir accueillir 15 000 habitants à l’intérieur du périphérique nan-tais plutôt qu’en péri-urbain où ils consommeraient dix fois plus d’espace (5 000 hectares de terres agricoles !), éviter que plus de 40 000 personnes soient exposées aux nuisances liées au survol de l’hypercentre de Nantes, chercher des solutions à la concentration des trafics autour des aéroports parisiens dont on évoque à nouveau l’extension... Il me semble que ce sont autant d’ambitions que tout écologiste sincère ne peut que partager.

Ce qui se joue aujourd’hui autour du futur aéroport du Grand Ouest n’est pas une querelle d’experts ni un débat sur des questions techniques. Demain, ce sont d’autres projets d’infrastructures ferroviaires, portuaires, autoroutières ou d’équipements publics qui seront contestés. Face au constat des multiples dimensions de la crise que nous vivons (économique, sociale, environnemen-tale, mais aussi alimentaire et démographique), nous devons chercher à nous projeter positivement dans l’avenir.

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De toute part, l’idée de progrès social collectif est questionnée, que ce soit au nom de la compétitivité et de la recherche du profit financier ou parce qu’il serait nécessairement synonyme d’un productivisme effréné et destructeur de la planète. Les conservateurs de tous bords cherchent ainsi à nous imposer un climat anxiogène qui revient à contester l’idée même de progrès collectif, ren-voyant chacun à son sort individuel. Dans ce contexte, nous devons défendre notre capacité à concevoir des avancées humaines et planétaires positives et maîtrisées.

Effectivement, demain ne sera pas comme hier. Bien sûr, il ne faut pas se voiler la face sur la réalité des enjeux. Mais il ne faut pas non plus prétendre que l’on ne peut plus rien faire au prétexte de ces menaces qu’il ne tient qu’à nous de conjurer.

La tradition d’ouverture sur le monde, par l’océan et les fleuves d’abord, par les airs ensuite, est au cœur de l’identité et de la réussite de l’Ouest depuis plusieurs siècles. Elle vient effectivement percuter la vision d’une société fer-mée et sclérosée, le mythe de la restauration et du « c’était mieux avant », pour y préférer une société en mouvement et tournée vers l’avenir.

Je ne vois pas où se dresseraient, dans le modèle rétrograde proposé par les occupants de la ZAD (la fameuse zone d’aménagement différé de l’aéroport devenue « zone à défendre » !) à base de cabanes en bois, d’ateliers de construction de lance-pierres, d’arcs ou de flèches et de champs de rutabagas, les perspectives radieuses « des chemins pour un avenir partagé » défendues par quelques intellectuels sans aucune connaissance des réalités du dossier et du territoire.

Mais voilà. Dans une société médiatique où la posture polémique remplace (trop) souvent la construction politique, tout est bon à prendre pour gagner un peu en visibilité à défaut d’avoir les outils pour gagner en crédibilité. Alors forcément, il devient facile de faire semblant de découvrir un projet d’aéroport

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dans le Grand Ouest. Et tant qu’à faire, on le présente comme le bébé d’un seul homme, et ça tombe bien car il est désormais Premier ministre : Jean-Marc Ayrault... Admettons que c’est bien pratique de taper sur le chef de la majo-rité gouvernementale pour se démarquer d’elle alors que sa tâche est rendue difficile par les années du sarkozysme et par un contexte économique et social terrible. Mais tout de même, il faut aussi faire preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle.

Tout d’abord, parce que ce projet n’est pas celui du Premier ministre : l’idée de la construction d’un nouvel aéroport dans le Grand Ouest date de 1963, époque à laquelle il était âgé de... 13 ans. Je sais que mon ami Jean-Marc Ayrault a toujours eu beaucoup d’influence, mais enfin, malgré tout son talent, il n’était pas si précoce !

Ensuite, parce que c’est un peu gros d’attendre 2012 pour agiter des ban-deroles et organiser des fiestas alors que l’opposition à un premier projet d’aéroport s’est organisée depuis 1972, c’est-à-dire 30 ans plus tôt. Les élus récupérés par les opposants ne sont pourtant pas des ignorants, et s’ils font leur boulot avec un minimum de professionnalisme, leurs conseillers se sont forcément intéressés à l’histoire et la genèse de ce projet d’aéroport du Grand Ouest.

Je vous propose donc de faire un petit saut de 40 ans dans le passé...

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LA GENÈSE DE L’AÉROPORT DU GRAND OUEST :

40 ANS D’UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

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Les personnes favorables au projet de nouvel aéroport du Grand Ouest n’ont pas nécessairement un appétit féroce pour l’acier et le goudron. L’idée de construire de nouvelles infrastructures aéroportuaires au milieu de terres agri-coles n’est pas apparue un matin entre deux gorgées de café. Ce projet est le fruit d’une histoire, indépendante des acteurs publics d’aujourd’hui, mais qu’il convient de connaître afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants d’un débat trop souvent caricaturé.

L’histoire de l’aéroport Nantes-Atlantique

Bien avant d’être l’aéroport civil et commercial que l’on connaît aujourd’hui, l’aéroport Nantes-Atlantique avait un usage uniquement militaire. Il fut créé en 1928 sur un terrain de 50 hectares au bord de la N23 de Nantes à Paim-bœuf (l’actuelle RD 723), près du Château de Bougon (une ancienne châtelle-nie du IXe siècle, à l’origine du village de Bouguenais). Loin d’être une structure confortable, il sera aménagé en 1932 mais son unique piste en herbe ne sera remplacée par une piste bétonnée qu’en 1939.

Pendant l’Occupation, les Allemands ont décidé d’utiliser les infrastructures construites pour en faire un camp fortifié équipé de baraquements, de bloc-khaus et de casemates en béton et y faire décoller des bombardiers vers l’An-gleterre. À la fin de la guerre, l’armée française reprit possession du terrain (que les Alliés avaient bombardé en 1943) et entreprit de reconstruire totale-ment le site, portant ainsi sa superficie à environ 300 hectares.

C’est en 1951 que l’aérodrome connut ses premières activités commerciales (tourisme et vols d’essais), favorisées par la construction d’un premier bâti-ment en bois, ce qui encouragea l’aménagement de la zone, notamment en allongeant et en balisant les pistes. Tous ces travaux transformèrent ainsi cette petite aérogare, qui devint l’aéroport international de Château-Bougon en 1963, avant d’être renommé en aéroport Nantes-Atlantique en 1988.

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L’évolution du trafic de Nantes-Atlantique

Avec environ un million de passagers en 1993, l’aéroport Nantes-Atlantique a connu une très forte hausse de sa fréquentation jusqu’en l’an 2000 (puisque les taux augmentent jusqu’à +14,5% par an), avec environ 2 millions de pas-sagers cette année-là. Les statistiques se sont ensuite un peu tassées mais l’année 2010 a vu le franchissement des 3 millions de passagers annuels, avec une augmentation de la fréquentation supérieure à 14%.

La hausse s’est poursuivie très fortement l’année suivante, et le bilan du trafic aérien de Nantes-Atlantique en 2012 parle de lui-même, avec notamment le dépassement du seuil des 3,5 millions de passagers, considéré par les exploi-tants comme par les experts de l’enquête publique de 2006-2007 comme la capacité maximale d’accueil de l’aéroport dans sa configuration présente. Soyons précis sur les chiffres de 2012 : 3 631 000 passagers, soit une hausse de 12% en un an ; 47 920 mouvements d’avions, soit une hausse de 5,3% et 32 créations de lignes nouvelles (un record en France).

Cette forte progression témoigne du dynamisme et de l’attractivité de l’Ouest. Mais surtout, comme l’année précédente, les chiffres réels du trafic en 2012 sont supérieurs aux prévisions les plus optimistes de la déclaration d’utilité publique de 2008, qui ne prévoyait qu’un tel trafic ne serait atteint qu’entre 2015 et 2020. Ces chiffres battent aussi en brèche l’argument de certains opposants au projet de Notre-Dame-des-Landes qui affirment, face aux faits têtus, que si le nombre de voyageurs augmente réellement, celui du nombre d’avions diminuerait… On constate que c’est bien loin d’être le cas.

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Pourquoi 3,5 millions de passagers comme capacité maximale d’ac-cueil  ?

Le chiffre de 3,5 millions de passagers comme capacité maximale d’accueil ne sort pas de nulle part : il est calculé au regard de la capacité des infrastruc-tures (la piste et l’aérogare), avec un ratio en m² par voyageur et en fonction du nombre d’avions pouvant être accueillis en heures de pointe. Les dimen-sions de l’aérogare étant ce qu’elles sont, plusieurs expertises successives s’accordent sur le même chiffre : 3,5 millions de passagers par an.

L’émergence du projet en 1963 et l’inscription dans les plans d’urbanisme en 1974

Mais revenons à l’histoire. En 1963, la Délégation interministérielle à l’amé-nagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) décida de créer huit métropoles d’équilibre et d’inclure l’ensemble Nantes-Saint-Nazaire dans le dispositif, destinant ainsi la zone de l’estuaire à jouer un rôle majeur dans l’aménagement du territoire hexagonal. Fort de ce nouveau statut, la préfec-ture de Loire-Atlantique décida en 1965 d’entamer la recherche d’un nouveau site aéronautique pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, envisageant même d’y accueillir des avions Concorde.

C’est trois ans plus tard (en 1968) que le site de Notre-Dame-des-Landes fut identifié comme un site préférentiel en raison de son positionnement géogra-phique et des nombreuses possibilités de desserte routière. Cette hypothèse de travail fut validée en 1970 par le comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT) dans son schéma d’aménagement de l’aire métropolitaine Nantes-Saint-Nazaire.

La même année, le sénateur RPR Michel Chauty conduisit une mission parle-mentaire aux Etats-Unis et revint avec la conviction que ce projet était porteur

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d’avenir, convaincu que « la métropole Nantes-Saint-Nazaire pourrait devenir le Rotterdam aérien de l’Europe par la création d’un aéroport international de fret au nord de la Loire ». L’ensemble de ses conclusions furent reprises en 1973 dans le schéma directeur de l’équipement aéronautique, qui précise : « Il est indispensable de réserver l’avenir aéronautique des métropoles d’équilibre en permettant à chacune, le moment venu, d’engendrer des liaisons long-courriers. Dans chaque métropole, le choix des sites doit être fait, et le plan de masse établi, en vue d’un possible trafic long-courrier futur ».

L’année 1974 vit alors la création d’une zone d’aménagement différée (ZAD) à vocation aéroportuaire de 1 225 hectares... Mais ce projet n’était pas prêt de voir le jour ! Les conséquences du premier choc pétrolier de 1973, qui fut suivi d’un second épisode en 1979, ont largement compliqué les perspectives du transport aérien et du financement du projet. Il fut donc mis en veille jusqu’à l’aube du troisième millénaire…

On notera que dès 1972, les agriculteurs s’opposant au projet d’implantation d’un aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes se sont regroupés au sein de l’association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (ADECA) et n’ont pas tardé à se faire entendre.

Mais à partir de 1979, la société civile ligérienne a aussi commencé à s’expri-mer. Pour la première fois le Conseil Economique et Social Régional (CESR), qui deviendra plus tard CESER par l’ajout du « E » de environnemental, s’exprime en faveur du projet. Instance consultative composée de trois collèges (syn-dicats, associations et organismes socio-professionnels, puis rejoints par un collège d’associations environnementales), le CESR s’est prononcé plus de vingt fois sur les projets successifs et à chaque étape du projet actuel. Tou-jours de façon favorable, et toujours avec une très large majorité en faveur de la réalisation.

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Le nouveau projet d’aéroport en l’an 2000

C’est le gouvernement de Lionel Jospin qui a lancé un nouveau projet d’aé-roport lors du comité interministériel du 26 octobre 2000, en reprenant la zone de Notre-Dame-des-Landes comme celle devant accueillir les nouvelles infrastructures aéroportuaires, en remplacement de Nantes-Atlantique, afin de valoriser la dimension internationale et européenne des échanges dans l’Ouest atlantique. A l’époque, Dominique Voynet était ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement… et elle était parfaitement favorable au pro-jet. Elle déclarait ainsi devant l’Assemblée nationale, lors de la séance du 30 octobre 2001 : «Vous serez d’accord avec moi pour reconnaître que nous avons un effort particulier à réaliser en faveur du rééquilibrage de la localisation des équipements vers l’ouest de notre pays. C’est pourquoi il a semblé néces-saire, compte tenu des nuisances qui pesaient sur les habitants de Nantes, de déplacer l’aéroport actuel sur le nouveau site de Notre-Dame-des-Landes, à une douzaine de kilomètres au nord de la ville ».

Afin de faciliter le pilotage du projet, un syndicat mixte regroupant quinze col-lectivités territoriales fut créé en janvier 2002, ses membres historiques étant les régions Bretagne et Pays de la Loire, les départements d’Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Morbihan, Sarthe et Vendée ainsi que six agglomérations et intercommunalités (Nantes-Métropole, Rennes-Métropole, la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire, la communauté de communes de la région de Blain, la communauté de communes d’Erdre-et-Gesvres et le SIVU aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes). Initialement constitué en syndicat mixte d’études, il a pris la forme du syndicat mixte aéroportuaire que nous connaissons aujourd’hui lors d’une réforme statutaire en 2011. Il n’aura pas échappé aux plus observateurs que j’en suis désormais le président (et je l’assume parfaitement).

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Les membres et les missions du syndicat mixte aéroportuaire

A ce jour, le syndicat mixte aéroportuaire (SMA) du Grand Ouest regroupe 22 collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercom-munale : 2 Régions (Pays de la Loire, Bretagne), 5 Départements (Loire-Atlan-tique, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Mayenne, Maine-et-Loire), 5 agglomérations (Nantes Métropole, CARENE, Cap Atlantique, Rennes Métropole, Angers Métro-pole) et 10 communautés de communes (Loire-et-Sillon, Erdre-et-Gesvres, Pays d’Ancenis, Pays de Pontchâteau Saint-Gildas-des-Bois, Région de Blain, de Nozay, Cœur-d’Estuaire, Redon, Derval et Castelbriantais).

Le SMA a pour mission la préparation de la desserte en transports collectifs, l’aménagement et le développement des territoires concernés, la promotion de la réalisation du futur aéroport du Grand Ouest, le suivi de la participation des collectivités au financement de la plateforme aéroportuaire ainsi que le contrôle de la concession aéroportuaire.

En 2007, la commission d’enquête publique a remis au préfet de région son rapport reconnaissant l’utilité publique du projet. La construction de l’aéro-port du Grand Ouest fut ainsi confirmée, ce nouvel équipement sera jugé un peu plus tard, lors du « Grenelle de l’environnement », compatible avec les objectifs du développement durable puisqu’il s’agit du transfert d’un aéroport et non de la création d’une infrastructure supplémentaire. Je reviendrai sur ce point dans les pages suivantes.

Le débat public de 2002-2003

N’en déplaise à certains, le rapport reconnaissant l’utilité d’un nouvel aéro-port ne sort pas de nulle part. Tout d’abord, un débat public fut organisé en 2002-2003. Prévu initialement du 15 décembre 2002 au 15 avril 2003, il a été prolongé d’un mois et demi jusqu’au 28 mai 2003, soit 5 mois et demi au

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total, pour permettre la réalisation d’une expertise complémentaire, rendue publique et débattue au cours de 3 réunions thématiques supplémentaires pour que chacun s’exprime.

Certes, la discussion a été un peu chahutée et assez difficile dans les premiers temps à cause d’opposants empêchant un débat serein. Mais le président de la commission de débat Jean Bergougnoux a fait un travail remarquable pour construire un dialogue apaisé. L’ensemble a été enrichi par une expertise complé-mentaire indépendante et impartiale, qui a contribué à l’amélioration du dossier.

Pour ceux qui aiment les chiffres, en voici quelques-uns concernant le débat public : •16réunionspubliquesdont4inauguraleset8décentralisées(dont

Brest, Quimper, Rennes, Vannes, Angers...) •70heuresdedébat •7420participants •568articlesdanslesmédias(soitplusde3articlesparjourpendant

6 mois) •Untempsdeparoleglobalementéquilibré :44,4%pourlesoppo-

sants ; 39,1% pour les partisans ; 16% pour la commission du débat public

•1860interventionsécrites,dont1140déposéespendantlesréu-nions publiques, 720 par courriers et 405 par mails

•Plusde21000visitesdusiteInternetavec380000fichierstélé-chargés

•6pointspresse •13cahiersd’acteurséditésparlacommissiondudébatpublic

La totalité des documents de travail sont toujours disponibles sur Internet : http://www.loire-atlantique.equipement-agriculture.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-et-urbanisme/Transfert-de-l-aeroport

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La commission d’enquête publique de 2006-2007

La période du débat achevée, une commission d’enquête publique fut consti-tuée en 2006 pour analyser tous les documents fournis sur une durée d’un mois et demi. La conclusion fut assez laconique mais très claire : « Consi-dérant que le projet tel qu’il a été soumis présente plus d’avantages que d’inconvénients, malgré ses imperfections et imprécisions, la Commission donne un avis favorable à la majorité de 5 voix sur 7, à l’utilité publique du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de sa desserte routière ».

Bien évidemment, toutes les réserves et les recommandations émises par la commission furent prises en compte par l’Etat et par le concessionnaire, ce qui explique que tous les recours intentés devant le Conseil d’Etat aient été rejetés. En effet, suite à ces temps de discussion et d’analyse, une déclaration d’utilité publique fut publiée le 10 février 2008 (sous réserve que cet aéroport soit de haute qualité environnementale) et immédiatement portée devant le Conseil d’Etat pour des recours en annulation, tous rejetés en 2009 et 2010.

Notons au passage qu’à l’heure où se déroulent les auditions de la commission du dialogue voulues par le Gouvernement, quatre décisions du Conseil d’Etat, portant sur un arrêté ministériel, la DUP ou le contrat de concession ont rejeté les recours des opposants. Il en a été de même pour de très nombreuses sai-sines antérieures devant les tribunaux administratifs, ou encore devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Contrairement aux affirmations des oppo-sants, les seules procédures encore pendantes visent l’avancée des travaux ou les questions foncières. Il n’y a aujourd’hui plus aucun recours juridique contre le projet d’aéroport. Tous ont été perdus. Dans un Etat de droit, ça compte !

Un projet confirmé au fil des élections locales

Au-delà des décisions de justice et des procédés de participation citoyenne, critiqués par certains, je me dois quand même de souligner que la démocratie,

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c’est aussi et surtout le vote. Or si la France découvre depuis quelques mois le débat « pour ou contre NDDL », c’est une question qui est très présente en Pays de la Loire et qui anime toutes les échéances électorales depuis plus d’une dizaine d’années. Les candidats locaux n’ont jamais fait mystère de leur soutien au projet, ou de leur opposition. Et je constate que les résultats parlent d’eux-mêmes…

Le premier exemple qui me vient en tête est celui des élections municipales nantaises. En 2001, la liste plurielle (PS, PRG, MRC, Verts, PCF) menée par Jean-Marc Ayrault est réélue dès le premier tour avec 54,94% des suffrages et prévoit explicitement dans son programme le soutien au projet de nouvel aéroport, sans même mentionner l’existence d’un désaccord avec les Verts. Rebelote en 2008 : la liste plurielle (PS, PRG, MRC, Verts, PCF) menée par Jean-Marc Ayrault est réélue dès le premier tour avec 55,71% des suffrages. Elle prévoit encore plus explicitement le soutien au projet, y compris ses dessertes, toujours sans mentionner de désaccord avec les Verts.

Idem lors des élections cantonales de 2004, 2008 et 2011 : le soutien au projet figure explicitement dans le programme des socialistes, et ils sont élus puis réélus très largement, y compris dans les cantons concernés par le projet.

Enfin, pour prendre un exemple qui me concerne directement, la liste d’union de la gauche candidate aux élections régionales de 2004 est arrivée en tête en Loire-Atlantique avec 43,39% au premier tour et 57,67% au second tour alors que notre soutien à l’aéroport était explicite (même si ce n’était pas alors un enjeu majeur de la campagne). Mais lors du scrutin de 2010, alors que la question de l’aéroport était au cœur de la campagne électorale, « la Gauche en Action » (PS, PC, PRG, MRC et écologistes indépendants) a obtenu 35,61% au premier tour en Loire-Atlantique tandis la liste EELV obtenait moins de la moi-tié : 16,06%. Au second tour, le point de désaccord fut acté explicitement dans un accord majoritaire, et le rassemblement de la gauche a fait le grand chelem des 5 départements en obtenant notamment 61,24% en Loire-Atlantique.

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Et si je voulais enfoncer le clou, je pourrais faire remarquer que la candidate à l’élection présidentielle Eva Joly n’est arrivée qu’en sixième position sur les territoires concernés, avec seulement 5,89% des suffrages à Notre-Dame-des-Landes et 2,46% dans la circonscription un peu plus tard ravie à la droite par Yves Daniel, candidat socialiste, agriculteur et membre de la Confédération paysanne, favorable à l’aéroport.

En partant de ces constats, chacun admettra de bonne foi que le débat public a eu lieu et que la décision de faire cet aéroport est une décision démocra-tique ; la tentative de démontrer le contraire est une imposture politique. Il n’est pas acceptable de remettre en cause les fondements de l’action publique et les règles d’un Etat de droit au motif que l’on est minoritaire et que l’on a perdu le débat ! Soyons sérieux : on ne peut pas utiliser les règles de droit quand ça arrange, et les contester quand elles donnent tort.

Je suis convaincu par ce projet, et je vous propose de tourner la page afin de me laisser vous expliquer pourquoi…

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LES RAISONS D’Y CROIRE :10 ARGUMENTS EN FAVEUR DU PROJET

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Alors, fallait-il, oui ou non, décider de la construction de cet aéroport  ? De manière constante, les responsables politiques de l’Ouest ont toujours répondu par l’affirmative. Avec de nombreux élus, nous avons soutenu ce projet dans des contextes variés qui traduisent, non pas un entêtement comme les oppo-sants, y compris nos alliés écologistes, voudraient le faire croire, mais une conviction pour le développement de l’ouest de la France.

A titre personnel, j’ai voté en faveur de ce projet en 2003, alors que j’étais conseiller régional d’opposition dans une Région dirigée par François Fillon. J’ai confirmé ce choix en 2008, au cours de mon premier mandat comme président de Région, à la tête d’une majorité comprenant déjà de nombreux écologistes. Et j’ai réitéré ce choix en octobre 2010, en même temps que Jean-Marc Ayrault, qui présidait alors Nantes Métropole, et Patrick Mareschal, alors président du Conseil général de Loire-Atlantique, au cours d’une journée par-ticulière puisque nos trois collectivités votèrent ensemble leur participation financière au projet.

Ce projet dépasse au demeurant les frontières des Pays de la Loire. Jean-Yves Le Drian (ancien président de la Région Bretagne et actuel ministre de la Dé-fense) et moi-même avons toujours considéré que cet aéroport était la seconde composante d’une politique d’infrastructures ambitieuse pour l’ouest de la France. Après la ligne à grande vitesse reliant Le Mans et Rennes, nous avons décidé de cofinancer l’aéroport de manière interrégionale car nos ambitions sont communes et partagées et favorisent le développement de nos territoires.

D’ailleurs, cette vision du Grand Ouest ne s’arrête pas à la LGV et à un aéro-port. Elle concerne aussi l’aménagement futur de l’axe ferroviaire Nantes-Rennes, l’étude d’un nouveau franchissement de la Loire pour améliorer les circulations Nord-Sud, la modernisation du port de Saint-Nazaire, le tram-train Nantes-Châteaubriant, la virgule de Sablé...

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Alors c’est vrai, on peut critiquer cette vision, qu’il s’agisse de nouvelles voies ferrées ou de la construction d’un aéroport. J’entends bien qu’il y a des argu-ments contre… mais il y aussi de nombreux arguments pour, et tous sont respectables. Mais j’ai la conviction personnelle que ce projet est un bon projet, et voici pourquoi.

Une vision positive du développement durable

Le transfert de l’aéroport de Nantes est porteur d’une vision positive du déve-loppement durable. Il anticipe les grandes mutations de notre société et le rééquilibrage entre les territoires. Il cherche à positionner l’Ouest comme un territoire en pointe et connecté aux dynamiques européennes pour valoriser ses atouts.

Le nouvel équipement est dimensionné pour faire de l’Ouest une grande région, encore plus ouverte sur le monde, et compenser sa position « périphérique » à l’échelle européenne. Les projections de trafic qui ont conduit à la décision de transfert sont robustes et peu sensibles aux variations de croissance ou de prix du pétrole. On pensait que les 5 millions de passagers annuels seraient atteints à Nantes-Atlantique quels que soient les scénarii d’ici 2030, mais le franchissement du seuil des 3,5 millions de passagers dès l’année 2012 risque fortement d’anticiper ce calendrier.

Pour les décideurs de l’Ouest, positionner notre territoire comme un labora-toire du développement durable ne consiste pas à geler tout projet face aux menaces à venir (changement climatique, érosion de la biodiversité…). Au contraire, il faut innover et anticiper les mutations pour faire vivre le dévelop-pement durable. Et cela ne se fait pas tout seul dans son coin, en construisant des cabanes en bois et en cultivant son potager. L’histoire de l’humanité est là pour le montrer : le progrès est fait d’échanges et d’innovations, pas de peur et de régressions.

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Un projet essentiel pour soutenir le développement du Grand Ouest

Le dossier d’enquête de la déclaration d’utilité publique rappelle ceci : « A l’heure des déplacements rapides de courte durée, quel que soit le mode uti-lisé, le niveau d’accessibilité des grandes agglomérations leur confère un potentiel d’attractivité plus ou moins élevé quant au rayonnement de leurs activités et de leurs fonctions. Vis à vis de ce critère d’accessibilité, Nantes et les agglomérations du Grand Ouest se situent parmi les dernières catégories des villes européennes avec un faible accès direct aux autres agglomérations étrangères. Parmi les facteurs d’accessibilité, les aéroports interagissent très fortement avec le développement des villes. Ils constituent également un facteur de hiérarchisation entre les métropoles disposant d’une plate-forme aéroportuaire dynamique et ouverte à l’international et les autres ».

Or les régions Bretagne et Pays de la Loire sont celles qui ont enregistré la croissance la plus élevée du PIB entre 1990 et 2006 : 2,7% par an contre 1,8% par an pour l’ensemble de la France. Le Grand Ouest connaît une dynamique propre, en termes de démographie comme de croissance économique, et l’on constate que notre croissance démographique importante (+0,90% par an depuis 1999, soit environ 320 000 Ligériens supplémentaires tous les 10 ans) est associée à l’un des plus bas taux de chômage de France (environ 8,5% en Pays de la Loire contre 10% de moyenne nationale fin 2012).

Il convient donc de soutenir ce dynamisme en équipant nos territoires d’une infrastructure aéroportuaire à la hauteur des enjeux et des ambitions, en favo-risant l’accès des citoyens aux autres grandes agglomérations étrangères.

Un projet d’intérêt général pour 6 millions d’habitants

Mais malgré des chiffres excellents, surtout dans un contexte de crise mon-diale, le dynamisme de l’ouest ne s’est pas fait naturellement. Dans les années

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70-80, la menace du déclin était grande et c’est grâce à sa tradition d’ouver-ture sur le monde, en développant ses potentiels d’innovation, que l’Ouest a pu rebondir. C’est pour faire vivre cette vision offensive qu’a été pensé le transfert de l’aéroport de Nantes sur le site de Notre-Dame-des-Landes.

Cette localisation plus équilibrée permettra à la fois de desserrer les contraintes d’urbanisation dans le centre de l’agglomération nantaise, de réduire considérablement les populations exposées aux nuisances sonores et d’offrir à un partie importante de la population bretonne un meilleur accès à un aéroport international. Le nouveau site permettra ainsi d’asseoir le dyna-misme du Grand Ouest et d’atteindre une taille critique au niveau européen, avec un bassin de chalandise de près de 6 millions d’habitants dans un rayon de 2 heures (plus de 7 millions d’habitants dès 2030, selon l’INSEE, ce qui est une population supérieure à celle du Danemark) et de 8 millions d’habitants dans un rayon de 3 heures.

Cette aire de chalandise représente un PIB comparable à celui de la Fin-lande et supérieur à la Catalogne. Le réseau métropolitain regroupant Nantes, St-Nazaire, Rennes et Angers regroupe plus de 1,5 million d’habitants, tandis que 1,4 million de salariés et 170 000 entreprises se situent dans un rayon de 1h15. Cela fera de l’aéroport de Nantes la première zone de chalandise aéroportuaire nationale en dehors de l’Ile-de-France.

Un enjeu d’aménagement du territoire

Les transports internationaux n’ont rien à gagner à se concentrer sur Orly et Roissy, bien au contraire. Une offre aéroportuaire mieux répartie et plus équi-librée sur le territoire est indispensable. Comme le disait Dominique Voynet à l’Assemblée nationale le 30 octobre 2001 : « la desserte aérienne des métro-poles régionales est bien trop tributaire du passage par Paris ».

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En termes d’aménagement du territoire, il est important d’essayer de rééqui-librer les flux et d’arrêter de concentrer trafic et nuisances autour des deux aéroports de la capitale. Les associations de défense des riverains des aéro-ports franciliens sont ainsi opposées aux prises de position de leur fédération (France Nature Environnement) contre le transfert de l’aéroport de Nantes au motif que cela revient à cautionner une augmentation et une concentration des nuisances en région parisienne.

De plus, à l’échelle européenne et nationale, le TGV est un atout mais il est loin d’être suffisant ; il faut donc renforcer l’accessibilité et l’attractivité de l’Ouest. Dans un contexte d’accroissement des vols internationaux, Nantes-Atlantique est le seul aéroport à vocation internationale dans l’Ouest ! Les régions du Grand Ouest ont donc besoin d’un accès rapide et efficace aux centres de décisions européens et internationaux sans avoir à passer par Paris.

Permettre un accès aux centres de décision européens

L’évolution de la composition des trafics de l’aéroport de Nantes-Atlantique illustre bien le développement économique et social du Grand Ouest, qui s’est au fil des années transformé en foyer de croissance à dimension européenne. Alors que le trafic à destination des aéroports parisiens représentait 50% des trafics en 1986, il n’est aujourd’hui que de 12% du trafic total de l’aéroport, le solde se répartissant entre des liaisons interrégionales (Nantes-Lyon, Nantes-Marseille, Nantes-Tou-louse) ou européennes et internationales (Royaume-Uni, Espagne, Maroc, Tunisie, Turquie...). En 2011, 50% du trafic de Nantes-Atlantique était européen ou inter-national et l’année 2012 a vu une progression de 38,5% du trafic international.

Parallèlement, l’Ouest en général et la Bretagne en particulier restent trop à l’écart des principaux corridors d’échanges continentaux, et des grandes zones économiques centrales (zones atlantique, méditerranéenne, Manche-mer du Nord, Baltique et Europe centrale). Pour corriger cela, il est donc essentiel de tout mettre en œuvre pour mieux relier le territoire à l’Europe.

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Car les entreprises ont besoin que leurs cadres puissent faire l’aller-retour dans la journée sur des destinations variées en Europe. Or il y a seulement 25 liaisons européennes directes pour Nantes-Atlantique actuellement, contre 33 à Bordeaux, 40 à Lyon, 43 à Toulouse et 51 à Marseille. Un aéroport avec une plus grosse capacité conditionne donc le maintien des activités décisionnelles dans le Grand Ouest, l’internationalisation des entreprises et des territoires concernés, l’accueil et le maintien de cadres et de leurs familles, mais aussi de jeunes bien formés qui auront besoin de transport aérien performant à proximité de leur lieu de travail.

L’augmentation du trafic européen et international

L’aéroport Nantes-Atlantique a accueilli 2 427 684 usagers sur les vols réguliers (hors vacances) en 2011, 580 183 d’entre eux sur des vols européens et 288 731 sur des vols internationaux (hors UE et Suisse). En 2012, l’aéroport accueillait 2 862 796 passagers sur des vols réguliers (c’est-à-dire les vols qui ne sont pas des charters, qui représentent à eux seuls 768 897 passagers), dont 803 630 sur des vols européens et 321 452 sur des vols internationaux.

Entre 2011 et 2012, le trafic international a donc augmenté de 11,33% tandis que le trafic européen a connu une hausse de 38,51%.

Un transfert devenu indispensable

L’aéroport de Nantes est l’aéroport français qui croît le plus rapidement en dehors de l’aire francilienne, mais le site de Nantes-Atlantique ne peut pas croître dans des conditions supportables pour l’agglomération et ses habitants. Le survol quotidien de l’hypercentre de Nantes à basse altitude (40 000 habitants concernés) plaide en faveur du transfert de l’aéroport de Nantes, aussi bien pour réduire les nuisances et les

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contraintes associées pesant sur l’agglomération et ses habitants, que pour renforcer la sécurité.

Les chiffres du trafic aérien à Nantes-Atlantique entre 1993 et 2012

Source : site de l’Union des Aéroports Françaishttp://www.aeroport.fr/les-aeroports-de-l-uaf/stats-nantes-atlantique.php

Année Passagers Variation annuelle1993 1 001 3511994 1 124 569 + 12,30%1995 1 240 000 + 10,30%1996 1 398 000 + 12,70%1997 1 452 000 + 3,80%1998 1 663 000 + 14,50%1999 1 840 796 + 10,70%2000 1 992 909 + 8,30%2001 1 981 438 -0,60%2002 1 876 903 -5,30%2003 1 905 855 + 1,50%2004 1 938 400 + 1,70%2005 2 154 400 + 11,10%2006 2 423 700 + 12,50%2007 2 596 580 + 7,13%2008 2 731 563 + 5,50%2009 2 650 593 -3,05%2010 3 031 556 + 14,37%2011 3 246 226 + 7,10%2012 3 631 693 + 11,90%

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L’aéroport de Nantes a été conçu pour accueillir 3,5 millions de passagers par an. Or si les prévisions les plus optimistes de la déclaration d’utilité publique de 2008 prévoyaient que ce chiffre serait atteint entre 2015 et 2020, force est de constater qu’il a été dépassé en 2012 avec 3 631 693 passagers dans l’année ! Cette hausse de 12% du trafic aérien aura également vu la création de 32 lignes nouvelles, ce qui est le record de France en 2012.

On peut accueillir ces chiffres avec enthousiasme, comme témoins d’une forte attractivité des Pays de la Loire et d’un dynamisme économique qui ne faiblit pas, mais il faut bien anticiper l’avenir. La capacité d’accueil maximal de Nantes-Atlantique sera finalement dépassée bien avant ce que nous pensions, le transfert de l’aéroport est devenu indispensable et urgent. Y compris pour offrir aux passagers des conditions d’accueil meilleures, et aux personnels au sol des conditions de travail bien meilleures.

Une opération réaliste et raisonnable

Ne cherchons pas à masquer les chiffres : le coût du transfert dépasse 560 millions d’euros. Ce n’est pas rien, j’en conviens, mais il faut comparer ce qui est comparable. Une telle somme correspond à la construction de 30 kilo-mètres d’une ligne à grande vitesse, mais aura un impact bien supérieur sur l’économie et l’emploi de la région et des 6 collectivités contributrices. Par ailleurs, il s’agit d’un projet « simple » (construction de pistes, d’un terminal, de parkings) et sans difficulté technique majeure. Il est réalisé sur un site favorable : pas de dénivelé, ni de marais, ni de colline à déplacer, peu d’urbanisation, un foncier acquis depuis 30 ans...

Sur la période 2011-2016, la contribution de Nantes Métropole à ce transfert représentera 17,5 millions d’euros, soit un coût de 1,50 € par contribuable par an. Pour la Région Pays de la Loire, les 40,4 millions d’euros engagés correspondent à 1,6% de nos dépenses d’investissement sur la même période (notre « programmation pluriannuelle d’investissements » atteint sur 5 ans

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2,5 milliards d’euros). Et cette somme est à mettre en regard d’autres inves-tissements plus conséquents, la Région allouant par exemple un budget de 75 millions d’euros à la construction du nouveau lycée de l’Île de Nantes.

Un budget total de 561 millions d’euros : qui paie quoi  ?

Sur le budget total de 561 millions d’euros, 446 millions seront consacrés à la construction de l’aéroport à proprement parler, 34 millions seront consa-crés aux équipements de navigation aérienne et 81 millions seront consacrés à la construction d’une route de desserte. Ces réalisations sont largement financées par le concessionnaire puisqu’il prend en charge 315 millions de dépenses (c’est-à-dire plus de 70% du coût de la plateforme aéroportuaire), contre 130,5 pour l’Etat et 115,5 pour les collectivités territoriales.

Au sein de cette enveloppe de 115,5 millions prise en charge par les collec-tivités territoriales, la part de la Région Pays de la Loire est de 40,4 millions d’euros, soit 7,20% du coût total. Les autres collectivités concernées sont Cap Atlantique (2 millions) la Carene (2,9 millions), Nantes Métropole (17,9 millions), le Conseil général de Loire-Atlantique (23,1 millions) et la Région Bretagne (29,9 millions).

Néanmoins, il est important de préciser que le contrat qui lie le concession-naire aux collectivités territoriales prévoit une « clause de retour à meilleure fortune », ce qui signifie que le concessionnaire remboursera les collectivités dès que l’aéroport dégagera des bénéfices significatifs. Il s’agit donc bien d’un investissement calculé et non d’un chèque-cadeau du secteur public au secteur privé.

Enfin, il faut également comparer ce coût à celui du maintien sur le site exis-tant : travaux nécessaires sur l’aérogare, la piste, les parkings et les dessertes,

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externalités négatives sur les habitants et le développement de l’aggloméra-tion... L’opération ne transfert n’a donc rien d’une gabegie.

Au passage, et j’y reviendrai, si je peux affirmer que le maintien de l’aéroport Nantes-Atlantique sur son site actuel coûterait aussi très cher, c’est parce que cette hypothèse a été étudiée dans le détail. Contrairement là encore aux affirmations sans cesse répétées de certains opposants.

L’aéronautique : une industrie d’avenir

Un aéroport mieux conçu et plus ouvert est également une opportunité indus-trielle incroyable en pleine crise sociale et financière. Car on peut déplorer jour après jour le déclin de l’industrie française, mais on peut aussi choisir d’agir pour la soutenir. Or les Pays de la Loire sont la deuxième région aéronautique de France. Nous croyons à l’avenir de l’aéronautique et nous voulons voir se poser en nombre à Nantes les nouveaux avions conçus et pour partie assem-blés ici, notamment l’A380.

L’aéronautique reste l’un des moteurs principaux qui tire l’économie française vers le haut, et ses potentiels d’innovation restent considérables, aussi bien en termes de performance que d’environnement. Ainsi, le développement du trafic aérien s’est accompagné d’une amélioration continue de l’efficacité énergé-tique : depuis 1990, à charge et distance équivalente, les émissions de CO2 ont diminué de 32%.

L’avenir de l’aéronautique passe par des évolutions technologiques majeures, et il est politiquement irresponsable de plaider en faveur de sa disparition fu-ture. Il est d’ailleurs significatif de voir dans les débats publics combien l’as-piration à l’ouverture sur le monde est grande au sein des classes moyennes. Je partage la conviction avec beaucoup d’hommes et de femmes de progrès que l’on ne peut pas réserver l’accès au transport aérien à une minorité de privilégiés.

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Une diminution de 30% des émissions de CO²

Le développement de la filière aéronautique n’est pas seulement un dévelop-pement commercial, c’est un aussi un progrès technologique et environne-mental. Si depuis 1990, les émissions de CO2 ont diminué de 32% (à charge et distance équivalente), ce n’était qu’un début. Les nouveaux programmes prévoient des appareils plus légers, notamment par le recours aux matériaux composites, des appareils avec une plus grande capacité d’emport (650 pas-sagers pour l’A380), des réacteurs plus efficients et moins dépendants du kérosène ainsi qu’une réduction progressive de la consommation de carburant et d’émission de CO2 de 50%, d’émissions d’oxydes d’azote de 80% et du bruit perçu de 50% à horizon 2020 (selon la convention des acteurs du secteur aérien et de l’Etat, signée en janvier 2008).

Une réalisation adaptée et anticipée avec le monde agricole

Malgré les cris et l’agitation de certains, nous sommes très loin du pay-sage dressé par les opposants (et repris par de nombreux médias) en ce qui concerne les conséquences foncières du projet. A la date des manifestations violentes de novembre 2012, seulement 9 exploitations agricoles et 11 bâti-ments d’habitation étaient concernés par des procédures contentieuses d’ex-propriation.

Fin 2012, le concessionnaire était propriétaire de 96% des terres nécessaires à la réalisation de l’aéroport… et 85% de la totalité ont été acquis à l’amiable ! Ces chiffres ne sont pas connus. Ou n’intéressent pas les observateurs et les commentateurs plus attirés par l’occupation illégale d’une ferme ou la construction d’une cabane au sommet d’un arbre. Savent-ils seulement qu’un protocole existe entre l’Etat et la Chambre d’agriculture pour l’indemnisation ou la réinstallation de tous les exploitants  ? Et que ce protocole est en vigueur depuis 2008  ?

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30 conventions à l’amiable (sur les 40 exploitations impactées par l’aéroport et/ou ses dessertes routières) ont ainsi été signées. Une démarche facilitant l’implantation d’exploitations est à l’œuvre avec 500 hectares de terres agri-coles remis sur le marché, hors emprise de la concession aéroportuaire. De plus, une démarche basée sur le volontariat d’agriculteurs rémunérés pour les services écologiques et leur engagement durable est expérimentée et devrait raisonnablement porter ses fruits.

En outre, ensemble la Région des Pays de la Loire, le Département de la Loire-Atlantique et Nantes Métropole ont pris des initiatives concrètes pour limiter la consommation de terres agricoles, dont l’aéroport représentera une part minime, ce que je vous expliquerai dans les pages qui suivent.

Un transfert bénéfique pour l’environnement

Mais si je suis tout à fait d’accord pour débattre des problématiques foncières agricoles, protéger des espaces et indemniser justement les agriculteurs, il ne faut pas non plus oublier le reste de la population. Transférer l’aéroport va permettre de réduire considérablement la population exposée aux nuisances sonores, faisant passer la communauté concernée à 900 personnes, contre 40 000 actuellement.

Le transfert va aussi réduire la pollution liée aux décollages et atterrissages, en réduisant les temps de roulages des avions sur la plateforme, notamment grâce à la possibilité d’exploiter deux pistes. Et dans le même ordre d’idée, le transfert de l’aéroport mettra fin au survol du lac de Grand-Lieu, réserve naturelle et plus grand lac de plaine français, l’une des plus belles zones humides d’Europe.

Et des mesures de compensation importantes sont prévues : un plan de gestion agro-environnemental concerté a été décidé. Il coûtera un total de 41 millions d’euros, soit 10% du coût de la plateforme seule, ce qui est une mesure sans

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précédent ! La préservation de 19 000 hectares d’espaces agricoles et naturels est également actée avec la mise en œuvre, sous l’impulsion de mon collègue Philippe Grosvalet, président du Conseil général de Loire-Atlantique, d’un « périmètre de protection des espaces agricoles et naturels » périurbains ; il permettra de protéger durablement d’immenses espaces à vocation agricole et naturelle entre le nord de l’agglomération et l’aéroport.

Quelles seront les mesures de compensation  ?

Les mesures compensatoires environnementales liées à l’aéroport du Grand Ouest sont nombreuses. Il s’agit notamment de reconversion de peupleraies en mégaphorbiaies (RPM), en prairies naturelles (RPPN) ou en boisements allu-viaux (RPBA), de reconversion de terres arables en prairies naturelles (RTA), de création et entretien de mares (CEM) ; de création et renforcement de réseaux de haies bocagères (CRHB), de restauration et gestion conservatoire d’habitats remarquables (mégaphorbiaies et landes), de gestion conservatoire de prairies naturelles (GPN).

La méthodologie retenue pour calculer ces mesures donne lieu à de nombreux débats d’experts ; le syndicat mixte aéroportuaire a toujours défendu l’idée que ce projet devra être exemplaire en matière environnementale.

Sans aller jusqu’à dire que le projet de nouvel aéroport est un projet à voca-tion environnementale, j’affirme très sérieusement que le bilan écologique du transfert de Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes est positif.

L’affaire est donc entendue et la construction devrait commencer, pensez-vous  ? Malheureusement, tout n’est pas si simple…

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UNE SITUATION DEVENUE INGÉRABLE :ENTRE NAÏVETÉ POLITIQUE ET EMBALLEMENT MÉDIATIQUE

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Nul besoin d’être un analyste politique de haut niveau pour se rendre compte que le tableau visible en 2012-2013 est bien éloigné de tout ce que je viens de raconter. Loin de présenter des circonstances idéales pour avancer sur un projet prometteur, la situation s’est embourbée au point de devenir quasiment ingérable. Je pourrais jeter la pierre à tous nos opposants, mais les torts sont partagés, et il faut bien reconnaître deux erreurs du côté des pouvoirs publics.

Deux erreurs historiques qu’il faut bien avouer

Première erreur : la façon même dont a été construit l’actuel aéroport de Nantes- Atlantique. Lorsque la piste en herbe a été remplacée par une piste bétonnée en 1939, cette dernière a été construite dans l’axe Est-Ouest, ce qui était exac-tement l’acte de construction de l’agglomération nantaise. Même sans avoir une boule de cristal sous la main, on pouvait tout de même présager que cela poserait problème un jour.

Deuxième erreur : l’urbanisation effectuée à proximité de l’aéroport de Nantes-Atlantique. En installant des maisons et des entreprises sur les terrains jouxtant celui de l’aéroport, on a hypothéqué l’avenir (ainsi qu’un éventuel agrandissement à venir) en cas d’une forte hausse du trafic aérien. Et c’est le cas aujourd’hui : avec une capacité d’accueil maximale de 3,5 millions de passagers par an, l’aéro-port de Nantes-Atlantique comptait déjà 3 246 226 usagers en 2011, lorsqu’il a reçu le trophée ERA Award 2011-2012 du meilleur aéroport européen. Mais le seuil a été franchi en 2012 avec 3 631 000 passagers dans l’année.

Néanmoins, une fois que l’on a reconnu ces erreurs qu’il serait bien difficile de nier, faut-il s’assoir sur le bord de la route pour saisir sa tête entre ses mains et se contenter de pleurer  ? L’immobilisme pour demain est-il la seule réponse face aux égarements d’hier  ? Je ne le crois pas, et j’ambitionne même de prouver le contraire : l’avenir est à construire plutôt qu’à prédire et c’est en se retroussant les manches pour imaginer des solutions nouvelles que nous inventerons le monde que nous lèguerons à nos enfants et petits-enfants.

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De la place de la naïveté dans l’action publique

Cependant, il serait trop simple de blâmer le passé. Les acteurs politiques d’aujourd’hui ont commis un autre péché dont les conséquences sont réelles : la naïveté. Cela peut sembler difficile à croire tant les personnalités engagées dans le débat public ont une réputation de calculateurs et de cyniques, mais ce n’est pas parce qu’on accède à un mandat électif qu’on est forcément l’enfant caché de Machiavel ou Rastignac.

Certes, la bataille pour l’accession au pouvoir n’est jamais totalement exempte de petites vacheries ou de jolis coups fourrés, mais tout de même, il y a des règles, il y a des lois. Il n’était donc pas aberrant de penser que des citoyens, si critiques envers la probité de leurs élus, se rangeraient du côté de la loi une fois que le droit serait dit. Mais l’histoire montre que ceux qui veulent faire valoir leurs droits ont finalement bien du mal à respecter celui de la République qui les protège.

Ainsi, après déjà d’autres, les deux principaux recours contre le décret décla-rant d’utilité publique le projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et sa desserte routière ont été rejetés par le Conseil d’État en juillet 2009 et janvier 2010.

Puis trois nouveaux recours ont été déposés en février 2011 pour contester le décret du 29 décembre 2010 approuvant le contrat de concession du fu-tur aéroport entre l’État et la société Aéroport du Grand Ouest (une filiale de Vinci), mais le Conseil d’Etat les a rejetés le 13 juillet 2012, jugeant que « la concession d’aménagement respecte les quatre conditions mises par le droit européen pour qu’une subvention ne soit pas constitutive d’une aide d’État ».

Les recours juridiques étant épuisés, il devenait légitime de penser que les travaux allaient pouvoir commencer. Mais c’était sans compter sur les nom-breuses opérations de désobéissance civile, la récupération politique par des

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élus en manque de visibilité et un traitement journalistique largement biaisé par les contraintes de l’audimat et l’absence d’un travail d’enquête objectif et impartial.

Le triomphe du pessimisme et de l’anxiété

La France n’a pas attendu la crise de 2008 pour être le premier pays consom-mateur d’antidépresseurs. Et figurez-vous que selon des sondages mondiaux réguliers, les Français sont « les champions du monde du pessimisme », encore plus pessimistes que les habitants de nombreux pays en guerre ! Je ne me suis jamais expliqué cette tendance globale à la sinistrose tandis que je vois tous les atouts dont nous disposons pour construire l’avenir et prospérer encore.

Dans un monde en perpétuel mouvement, je comprends les angoisses de cha-cun : le chômage augmente, la croissance est en berne, la mondialisation laisse des travailleurs sur le bord de la route, les catastrophes naturelles n’épargnent pas l’Europe… Pourtant, il faut regarder 30 ans en arrière pour mieux regarder 30 ans en avant. Tout ce qu’on a aujourd’hui était loin d’être acquis jadis, et nous nous sommes battus pour l’avoir.

A l’époque, des journalistes, la presse « engagée », décortiquaient les mou-vements de fond de l’opinion, participaient totalement à la vie des idées, critiquaient tout autant les pouvoirs publics, mais le faisaient au nom d’une certaine conception de la démocratie et d’une certaine vision du monde.

Aujourd’hui, j’entends assez peu d’arguments idéologiques, et je ne vois guère de vision du monde portée par les médias. Le métier de journaliste a probablement changé, sous la double influence de la technologie et du consumérisme forcené. Je vois un suivi de l’actualité immédiate, et je vois des dossiers omniprésents qui surfent sur l’angoisse, devenant eux-mêmes complètement anxiogènes. Il est risqué pour un homme politique de critiquer la presse… Mais mon analyse

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n’est pas que personnelle. Je sais que des débats traversent les rédactions. Nous sommes passés, globalement, de la logique d’un journalisme distancié et commentateur à celle d’un journalisme d’information factuelle, immédiate. Il reste des lieux et des temps pour l’investigation, mais ils sont rares.

Il n’y a plus le temps de creuser les choses, de mettre en avant les forces sous-jacentes, les facteurs d’explication. Un fait (divers ou non) prend des proportions invraisemblables parce qu’il va être spectaculaire sorti de tout contexte, quand bien même il est totalement marginal. Pourquoi cette digres-sion  ? Parce qu’en matière de « spectaculaire », l’accident, la mauvaise nouvelle, la revendication banale exprimée de façon extrême, prennent le pas sur les bonnes nouvelles. Je suis peut-être un peu nostalgique d’une certaine époque, mais tout de même…

Nos grands médias savent qu’ils ont un impact et qu’ils modèlent aussi l’opi-nion. Ils ont une responsabilité éminente. Il suffit de lire la presse étrangère pour mesurer combien la presse française préfère décortiquer les échecs plu-tôt que de faire place aux success-stories. Le traitement d’une inauguration d’usine n’aura jamais la place de celui d’une fermeture d’usine. Pourtant, le sujet est le même : combien d’emplois  ? Quelles raisons ont fait que cette usine ouvre ici et maintenant, ou ferme  ? Quel est le rôle des pouvoirs publics, s’ils sont intervenus  ?

Les journalistes ne sont bien évidemment pas seuls responsables de la spi-rale dépressive française, mais s’ils ont pleinement le droit (et le devoir !) de critiquer l’action des pouvoirs publics nationaux ou locaux, qu’il me soit donc permis d’être un peu critique à mon tour.

Un traitement médiatique déséquilibré  ?

Attention, je ne dis pas que les défenseurs du projet d’aéroport n’ont pas accès aux médias ! Au contraire, on remarque même une gestion assez rigoureuse,

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par la presse régionale à tout le moins, de l’espace médiatique. Il y a globa-lement une égalité de traitement entre les différentes opinions, « pour » ou « contre », en tout cas pour ce qui concerne la longueur des articles ou le temps d’antenne. En ce qui concerne l’angle des dossiers et les partis pris, c’est un autre sujet !

Trop peu de dossiers - et d’enquêtes car il ne s’agit pas de reprendre les données fournies par nos collectivités - ont été publiés sur l’origine du projet d’aéroport du Grand Ouest et les perspectives attendues en matière d’emploi ou de croissance économique. L’actualité fait vendre… Alors allons-y ! Et nos opposants savent y faire… Chaque événement est prétexte à communication. Des manifestations certes, mais aussi des ateliers de construction d’arcs et de flèches, un festival dans la boue, un pseudo-recensement d’espèces rares (alors que tous les recensements sont faits et rendus publics), un strip-tease folklorique, des opérations illégales d’occupation de bâtiments, des plaintes déposées, des rendez-vous à Bruxelles…

Le traitement médiatique par le prisme de l’événement dénature profondément la perception par l’opinion du projet. Après tout, s’il y a autant d’agitation, c’est bien qu’il y a quelque chose de louche, non  ? Eh bien non ! Il n’y a rien de louche et tout a été fait dans la transparence, et je pense que quelques dossiers de fond, historiques, comparant les arguments des uns et des autres sur le projet honoreraient le journalisme d’enquête et feraient du bien pour l’information des citoyens.

Ce constat posé, je dois ici répondre brièvement aux critiques qui m’ont été adressées lors de quelques épisodes récents. Balayons tout d’abord la ques-tion de cet appel d’offres lancé par le syndicat mixte aéroportuaire que je préside, qui visait à promouvoir le projet auprès de la presse notamment. Pas une collectivité publique n’est autorisée à dépenser des fonds publics sans dispositif de contrôle et mise en concurrence. Qu’aurait-on dit si nous avions procédé sans transparence  ? Cette consultation publique a déchaîné

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les foudres de certains opposants. Donnons-leur acte de leur ténacité et de l’organisation mise en place avec le concours de dirigeants nationaux d’Europe Ecologie Les Verts pour rendre impossible le bon déroulement de la procédure. Mais j’assume le fait qu’un regroupement de collectivités qui ont voté démo-cratiquement un projet de cette envergure est légitime à vouloir en assurer la promotion. Y compris auprès de la presse.

Arrive ensuite l’épisode de France 3. Il serait trop long de détailler ici l’his-torique de la convention par laquelle le Conseil régional des Pays de la Loire versera des aides à la station régionale de France 3 pour couvrir quelques événements de notre région. Sachez simplement que les premiers échanges sur le sujet remontent à la présidence de Patrick de Carolis et que les sujets traités n’ont strictement rien à voir avec l’aéroport ni d’autre investissement public d’ailleurs. Un calendrier malicieux, et malheureux, aura voulu que cette convention soit prête en pleine polémique sur l’aéroport. Et si chacun était de bonne foi, il aurait aussi été dit que cette convention protège de façon très explicite l’indépendance éditoriale de la rédaction.

En revanche, les protestations des journalistes de France Bleu Loire Océan lors de la diffusion d’un spot publicitaire en faveur de l’aéroport sont d’une autre nature. Et je les crois d’autant plus de bonne foi qu’elles sont partagées par des femmes et des hommes qui ont très vraisemblablement des opinions personnelles diverses sur le projet. Le point clef de leur adresse concerne leurs conditions de travail, et même leur sécurité, si l’antenne de FBLO apparais-sait comme soutenant le projet. Cette réaction appelle deux commentaires. Le premier est un peu lapidaire : un spot de « pub », quel qu’il soit, n’engage bien sûr en rien les rédactions. Et s’il est conforme au cahier des charges de la station - tel était le cas -, il n’y a pas de raison de ne pas l’accepter. C’est ce que nous a confirmé la direction de Radio-France. Le second commentaire porte sur le contexte de pressions et de violences qui entoure ce projet. A bien lire certaines proses, les collectivités seraient illégitimes à communiquer en faveur du projet. Et leur communication constituerait une oppression insup-

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portable. A bien lire le communiqué des journalistes de FBLO, ils craignent pour leur intégrité physique sur le site de la ZAD… Est-ce acceptable  ? Qui dénonce les violences  ? Les matériels endommagés  ? Les accès refusés  ? Pourquoi cette réalité ne transparait-elle pas dans les reportages in situ  ? Et si souvent complaisants… La liberté de la presse, ce n’est pas un spot de « pub » qui la met en danger.

Et pour conclure sur ce point, je m’interroge sur ce qu’il convient de penser des donneurs de leçons, parés de la vertu supposée du petit David contre le grand Goliath, mais néanmoins responsables politiques élus, qui se sont permis d’appeler directement FBLO pour exiger la non-diffusion du spot  ? Au nom de quoi  ? De la démocratie  ? Celle qui fait qu’eux seuls auraient le droit de s’exprimer  ? Qu’ils évitent dorénavant toute leçon en la matière.

La mémoire à géométrie variable des écologistes

Président d’une Région dirigée par une majorité « de gauche et des écolo-gistes » selon la formule consacrée, et ayant fait le choix de confier 4 vice-présidences à EELV (sur 15), je suis souvent interpellé par la presse. « Ont-ils franchi la ligne jaune  ? La ligne rouge  ? » Il faut bien admettre que je n’ai pas un caractère facile, et que si je suis toujours pragmatique lorsqu’il s’agit d’adapter une politique régionale à une situation concrète pour aider une commune, une association ou une entreprise, je reste ferme sur quelques principes politiques. Et il faut bien dire que la volatilité des prises de position écologistes ces dernières années m’exaspère !

Certaines années, les voici tout miel pour profiter d’accords électoraux avec les socialistes. Les voilà députés ou sénateurs. En Pays de la Loire notam-ment. En Loire-Atlantique en particulier. D’autres années - mode de scrutin oblige  ? -, voilà qu’ils voudraient dénoncer les mêmes accords afin de prendre un peu d’autonomie… Et manger la laine sur le dos du mouton socialiste  ? Moi je veux bien, mais tout de même… En France, l’élection présidentielle

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est l’élection majeure. Le score d’Eva Joly en 2012 devrait inciter à un peu de modestie, non  ? Je le rappelle : 2,31%. Et je me répète : moins de 6% à… Notre-Dame-des-Landes !

Par ailleurs, Dominique Voynet aurait pu faire l’économie d’une polémique dé-sagréable et éviter de me qualifier de menteur dans un communiqué de presse en novembre 2012. Ce n’est pas en accusant les autres de tricheries que l’on parvient à convaincre que l’on a raison, surtout quand on a tort. J’aurais donc menti en soutenant que lorsque Madame Voynet était ministre, elle soutenait le projet de transfert de l’aéroport de Nantes  ? Une simple recherche sur le site de l’Assemblée nationale permet pourtant d’en faire la démonstration...

Lors de la séance du 30 octobre 2001, en réponse à une question de l’op-position, celle qui était alors ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement déclarait : « La desserte aérienne des métropoles régionales est bien trop tributaire du passage par Paris. A l’avenir, le développement de cette desserte se fera davantage par des lignes directes, nationales ou inter-nationales. Il s’agit là d’un élément clé pour l’avenir de ces métropoles, qui apparaît d’autant plus indispensable que monte en puissance la perspective de la saturation des aéroports parisiens. Vous serez d’accord avec moi pour reconnaître que nous avons un effort particulier à réaliser en faveur du réé-quilibrage de la localisation des équipements vers l’ouest de notre pays. C’est pourquoi il a semblé nécessaire, compte tenu des nuisances qui pesaient sur les habitants de Nantes, de déplacer l’aéroport actuel sur le nouveau site de Notre-Dame-des-Landes, à une douzaine de kilomètres au nord de la ville. (…) Sur ce nouveau site, l’aéroport de Nantes offrira un meilleur service à la clientèle bretonne, en lui proposant des services aériens n’existant pas sur les aéroports bretons, notamment sur celui de Rennes-Saint-Jacques ».

Et aujourd’hui, Dominique Voynet « dément formellement avoir confirmé de quelque manière que ce soit l’utilité et l’importance de la plateforme aéropor-tuaire de Notre-Dame-des-Landes » et s’étonne « que ces propos vraisem-

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blablement non-vérifiés soient abondamment relayés dans les médias [alors que] sa position sur le sujet a toujours été claire : l’aéroport Notre-Dame-des-Landes est un projet anachronique ». Voire !

En ce qui me concerne, je trouve la position de Madame Voynet à l’époque très cohérente, y compris d’un point de vue environnemental !

Une autre mémoire à réveiller : celle de quelques associations sérieuses, Les Amis de la Terre, la Fédération nationale des associations d’usagers des trans-ports (FNAUT) et France Nature Environnement (FNE). Toutes ont plus que pignon sur rue. Et ont pris position contre le projet.

En juillet 2007 pourtant (c’est-à-dire après l’enquête publique de 2006-2007 !), elles commettaient ensemble un copieux rapport d’« analyse des al-ternatives à la construction d’un troisième aéroport dans le Bassin parisien ». Pas un rapport de commande, non. Il s’agissait de la « contre-expertise des associations » dans le cadre du débat d’utilité concertée pour un site aéro-portuaire international. Des citations qui se suffisent à elles-mêmes. « Une redistribution du surcroît de trafic parisien doit se faire sur quelques grands aéroports de province soigneusement choisis pour favoriser une offre de taille pertinente assortie de fréquences raisonnables » et concernant justement le site de Notre Dame des Landes : « Sa réalisation a été fortement contestée (…). Certains arguments se sont révélés inappropriés : la forte croissance est venue démentir les pronostics de stagnation. Le développement particulier de l’international confirme qu’une zone de chalandise existe bien dans la région et que sa demande croît en particulier pour des liaisons de loisir ». Tout ceci reste d’actualité.

Poursuivons : « Il était également téméraire dans l’environnement fortement urba-nisé de Nantes Atlantique de préférer la réorganisation du trafic autour d’une piste transversale, aux facilités offertes par un nouvel aéroport permettant l’absence d’implantations lourdes ». Puisque ce sont les associations qui le disent…

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Enfin pour ne pas dénaturer le rapport : « Il reste que le projet, qui présente encore l’avantage d’être construit sur un terrain réservé depuis plus de 40 ans, bouscule un équilibre naturel ». Ce que personne ne conteste évidemment, et ce qui donnera lieu à des compensations que nous souhaitons exemplaires.

Un accord électoral régional clair… mais malmené  ?

Mais revenons un temps sur les alliances entre le PS et Europe Ecologie. Je crois intimement que la gauche et les écologistes ont plus à partager qu’à se disputer. Je l’ai toujours cru, je veux le croire encore. Mais pas dans n’importe quelles conditions. En mars 2010, comme toutes les têtes de liste socialistes aux élections régionales, j’ai passé un accord pour rassembler la gauche face à une liste de droite libérale et sarkozyste. Presque toutes… Ce ne fut pas le cas de mon ami et voisin breton Jean-Yves Le Drian. Et confronté à certaines outrances et caricatures sur l’aéroport, j’en arrive parfois à regretter n’avoir pas fait comme lui. Mais ce ne fut pas mon choix, et nous avons donc conclu un accord ambitieux pour notre région et ses 3,5 millions d’habitants. Mais cet accord est explicite : nous ferons l’aéroport, même si chacun est libre de garder son opinion et son expression !

Et je constate que depuis 2010, des dirigeants locaux (ayant parfois aussi des responsabilités nationales) d’Europe Ecologie ont pu se laisser aller et profiter de la caisse de résonance médiatique offerte par les événements de Notre-Dame-des-Landes pour affirmer, en des termes très durs pour ne pas dire incorrects, que nous aurions violé notre accord.

La menace d’un vote contre le budget régional a même parfois été brandie, c’est-à-dire la menace d’une sortie de la majorité régionale, avec toutes les conséquences qui en auraient découlé : retrait mécanique des délégations des 4 vice-présidents écologistes de la Région et gouvernance affaiblie avec des majorités à géométrie variable, impact sur les éventuels accords électoraux à venir… La rupture de l’accord dans notre Région, devenue entre-temps

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celle du Premier ministre, aurait en outre des conséquences nationales. Au final, après beaucoup d’agitation en 2011, nos alliés votèrent le budget. En 2012, ils en firent de même. En 2013, si l’un d’entre-eux se distingua et quitta donc la majorité, tous reconnurent que nous respectons scrupuleusement nos accords électoraux. Accords qui sont surtout et avant tout des accords devant nos électeurs !

Cet accord comporte 60 engagements (eh oui ! comme François Hollande devant les Français deux ans plus tard !) en matière de développement éco-nomique, d’emploi, de transports, d’éducation, de jeunesse, de solidarité, de formation, d’aménagement du territoire, de démocratie, de coopération inter-nationale, de culture, de sport… Seul un paragraphe concerne l’aéroport. Le voici : «L’union n’efface pas les différences d’appréciation sur le projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes : associés dans la nouvelle majo-rité régionale, ses partisans comme ses adversaires continueront à défendre, hors et dans l’assemblée, leurs points de vues respectifs. En cette matière comme pour le reste, l’Etat doit assumer ses responsabilités et ne pas cher-cher auprès de collectivités locales, dont il organise par ailleurs l’asphyxie budgétaire, des compléments de financements. Nous partageons le souhait que les collectivités locales ne soient pas sollicitées sur le financement de la plateforme. Si elles l’étaient, « Europe Ecologie » maintiendrait son opposition résolue à toute forme de financement, « La Gauche en Action » répondrait à cette sollicitation éventuelle suivant l’unique modalité d’avance remboursable à l’exclusion de toute subvention d’investissement ou participation au déficit d’exploitation de la plateforme ».

C’est exactement ce qui a été fait, et traduit par une délibération en octobre 2010. Par ailleurs, au titre de la politique des transports, l’accord stipule aus-si : « Nous donnerons une priorité absolue au développement des transports en commun et des pratiques innovantes (covoiturage, classe unique dans les TER, articulation train/vélo, transports multimodaux). Nous ferons des TER une vitrine exemplaire d’un service public régional fiable et adapté aux modes de

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vie. (…) En conséquence de ces choix prioritaires la Région ne financera pas au cours de ce mandat de nouveaux programmes routiers, concentrant ainsi ses moyens sur le ferroviaire ».

Ce que nous appliquons aussi strictement.

La remise en cause de financements antérieurs

Je pense donc que notre accord est clair et qu’il n’y a pas besoin d’en faire plus longuement l’exégèse. Et j’insiste sur un point : au cours de la négociation qui a suivi le premier tour des élections régionales de 2010, il a toujours été affirmé de façon extrêmement claire que nos orientations concerneraient les projets nouveaux. Mieux, et ceci vaut pour tous les engagements régionaux : aucune alliance politique ne remet en cause la parole publique. A l’heure où les citoyens doutent de leurs élus, ont peu de foi dans la parole publique, ceci mérite d’être dit. Et écrit.

Et pour ma part, je refuse toute polémique nouvelle, tout chipotage selon lequel notre accord ne viserait que l’aéroport mais pas les routes pour y accéder ou je ne sais encore quelle autre question annexe. Soyons précis pour éviter je ne sais quel nouvel emballement : le Conseil régional a pris des engagements précis pour le financement des accès routiers à l’aéroport dès… 2008.

Lors de la séance du Conseil régional des 26 et 27 juin 2008, l’assemblée a approuvé le financement de « la réalisation du barreau routier de desserte de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes […] une 2x2 voies limitée à 90 km/h entre les RN 137 au niveau de Grandchamp-des-Fontaines et de la RN 165 au niveau du Temple-de-Bretagne ».

Ah, et quand je dis que l’assemblée régionale a approuvé ce financement, je veux dire que la décision a été adoptée à l’unanimité. Y compris par les Verts. On aura donc bien du mal à me prendre en défaut sur cette question-là !

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Pour autant, cette situation complexe, où tout le monde dit tout et son contraire, amène bien des gens à croire et répéter de nombreuses affirma-tions qui sont souvent des contre-vérités. Je tiens donc à démentir quelques allégations et à vous expliquer ce qu’il en est, afin que chacun soit pleinement informé des tenants et aboutissants de ce projet.

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INTOX ET FAUSSES POLÉMIQUES :LES MENSONGES QU’IL FAUT DÉMENTIR

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Ce n’est pas un mystère : je soutiens pleinement le transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique vers le site de Notre-Dame-des-Landes. Je vous ai expliqué pourquoi, je vous ai expliqué comment. Pour autant, et c’est bien la moindre des choses en démocratie, je respecte tout à fait l’opinion de ceux qui ne par-tagent pas mon point de vue. J’accepte le débat, j’accepte la confrontation d’idées, et je n’ai aucun problème pour changer d’avis si l’on me prouve que j’ai tort. Mais pour l’instant, personne ne l’a fait en ce qui concerne l’aéroport du Grand Ouest…

J’ai bien entendu des choses, comme tout le monde. J’ai donc pris le temps de vérifier, comme moins de monde… Et le constat est là : de tracts en pétitions, des réseaux sociaux à tout Internet, puis dans de nombreux médias, que de choses sont dites sans être vérifiées ! Les opposants utilisent des chiffres biaisés et des affirmations péremptoires pour induire les citoyens et les jour-nalistes en erreur, en tentant de leur faire accroire que leurs conclusions sont des positions de bon sens plutôt que des postures idéologiques.

L’arrivée de Jean-Marc Ayrault à Matignon, que d’aucuns auraient pu croire une aubaine pour accélérer le projet, s’est avérée un boomerang. Quelle injus-tice pour cet homme qui incarnait, et incarnera toujours pour les Nantais, le renouveau de Nantes « la belle endormie ». Ses choix visionnaires se sont tous avérés justes : tramway avant tous les autres, la culture comme moteur d’une attractivité jamais démentie, la qualité de vie érigée en pilier de l’action publique. Bon sang ! Nantes a été élue capitale verte européenne pour 2013 ! Et vous croyez que si cet aéroport était le bétonnage dénoncé, le massacre écologique affiché, l’aberration pharaonique vilipendée, tel aurait été le cas  ?

Parce que ce projet est devenu un symbole qui dépasse très largement les enjeux d’un territoire, tout et n’importe quoi est dit.

Pourtant, il suffit parfois d’interroger les faits et de convoquer un peu de bon sens pour comprendre que les accusations diverses et variées, souvent por-

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tées avec virulence, peuvent être contredites et démontées, ce qui permet de retrouver le chemin de la vérité, qui elle, ne demande qu’à être démontrée...

L’Etat tricherait sur les prévisions de trafic pour justifier le projet  ? C’est faux !

Le trafic de l’aéroport Nantes-Atlantique est en augmentation rapide et conti-nue depuis plus de 10 ans. En 2000, le trafic était de 1,9 million de voyageurs ; en 2011, il atteint 3,2 millions de passagers, soit une augmentation annuelle supérieure à 5%. Cette croissance est supérieure à celle de Lyon (+3,1% par an), Toulouse (+2,6% par an), Nice (+1% par an) et Bordeaux (+2,7% par an) sur la même période, dont le dynamisme est pourtant également impor-tant… Les prévisions de trafic sont confirmées et les chiffres réels se situent d’ores et déjà dans le haut de la fourchette envisagée par l’enquête publique. Des scenarii optimistes faisaient à l’horizon 2015 une hypothèse moyenne à 3,4 millions de passagers annuels et une hypothèse haute à 3,7 millions de passagers annuels. Or l’année 2012 se termine déjà au-dessus de 3,5 millions de passagers !

Une polémique lancée par Hervé Kempf dans Le Monde du 2 décembre 2012 tente de faire croire que l’Etat a manipulé les chiffres de l’analyse coûts-béné-fices présentée dans le dossier d’enquête publique. L’accusation est très grave. Il cite le sénateur Europe Ecologie de Loire-Atlantique Ronan Dantec, qui avait oublié de parler de ce « scandale » lorsqu’il figurait en place éligible sur la liste conduite par le socialiste Yannick Vaugrenard peu de temps auparavant. Je reviendrai aussi sur cette question politique, et morale.

Pour faire sa démonstration, Hervé Kempf s’appuie sur un calcul erroné réalisé dans une célèbre étude présentée comme indépendante par les opposants. Cette étude, réalisée par le cabinet CE-DELFT, mérite comme toute étude, considération, contre-analyse, et contradiction. Mais il y a quelque chose qu’elle ne mérite pas, c’est le qualificatif d’étude « indépendante ». Il s’agit

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d’une étude à charge qui a été commanditée et financée par les opposants. Ce préalable étant levé, examinons néanmoins le point soulevé.

L’étude socio-économique de la déclaration d’utilité publique a estimé que la réalisation de l’aéroport fera gagner 312 000 heures à des milliers d’usagers générant un « avantage » de 30,6 millions d’euros. Il y a des règles de calcul très complexes utilisées par les experts qui permettent de convertir ainsi des « externalités » en coût financier. Les opposants déduisent de ce calcul que chaque heure gagnée serait valorisée autour de 100 euros, ce qui serait effec-tivement excessif. Mais le cabinet commandité par les opposants a oublié (volontairement ou non) que le nombre d’heures en question correspond à la somme des heures perdues et gagnées sur des modes de transport (voiture, train…) pour lesquelles les valeurs sont différentes, ce qui rend leur calcul faux. Ces éléments peuvent vous paraître abscons, mais je remarque qu’il suffit que quelqu’un crie : « l’Etat a manipulé les chiffres ! » pour faire la une. Celui qui dit : « l’étude des opposants est erronée » n’a aucune chance d’être repris. Alors, qui manipule qui  ?

L’aéroport actuel pourrait accueillir tout le trafic futur  ? C’est faux !

Je l’ai déjà dit et répété : la croissance du trafic à Nantes-Atlantique est supérieure aux prévisions du dossier d’enquête d’utilité publique qui prévoyait plusieurs hypothèses entre 2,7 et 3 millions de passagers en 2010. Or, le cap des 3 millions de passagers a été dépassé dès cette même année 2010, pour atteindre 3 246 112 passagers (+7,08%) en 2011. En 2012, le cap des 3,5 millions de passagers a été dépassé. C’est un fait : Nantes-Atlantique est tout simplement l’aéroport français régional qui croît le plus vite !

Par ailleurs, il faut savoir que la saturation d’un aéroport s’apprécie sous deux angles : la saturation technique (ou physique), c’est-à-dire la capacité du système de pistes et des aérogares à écouler le trafic avions et passagers,

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et la capacité environnementale, c’est-à-dire la limite de l’acceptation par les riverains soumis aux nuisances d’un certain niveau de bruit.

D’un point de vue technique, il est exact que la piste unique n’est pas le maillon limitant. Certains aéroports accueillent davantage de mouvements d’avions que Nantes-Atlantique avec une seule piste (Londres-Gatwick ou Genève, par exemple). Les installations aérogares sont en revanche sur le point d’être saturées : le trafic constaté en 2012 a dépassé les 3,5 millions de passagers. L’extension maximale de l’aérogare actuelle pourrait consister en la réalisation d’une jetée perpendiculaire du côté du parking des avions.

A l’inverse, côté piste, l’extension est limitée par les servitudes des équipe-ments de radionavigation et, de l’autre côté, le parking silo à voitures interdit tout agrandissement. La réalisation de cette extension maximale permettrait de porter la capacité de l’aérogare à environ 4 millions de passagers par an, mais son coût serait élevé pour une augmentation limitée. Au rythme actuel de croissance du trafic, ce gain ne retarderait la saturation que de 3 à 4 années.

Les conséquences pratiques d’un aéroport saturé

Peut-être pensez-vous que le concept d’aéroport saturé est quelque chose de très flou  ? Détrompez-vous ! Un aéroport fonctionnant en surcapacité signifie un rallongement des files d’attente, une saturation des parkings, des condi-tions d’accueil et d’embarquement dégradées, un temps de récupération des bagages plus long, un surcoût pour les compagnies (donc pour les voyageurs), une baisse de la qualité des services offerts aux passagers, des bousculades, un stress accru (notamment lorsqu’on voyage avec des enfants)…

Pour faire simple : imaginez de vivre au quotidien ce que vous pouvez voir à la télé (ou que vous avez peut-être déjà vécu) un jour de grève en région

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parisienne ou un problème majeur dans une gare ou un aéroport avec un fort ralentissement du trafic et une accumulation des voyageurs en zone d’attente. Eh bien un aéroport saturé, c’est cela au quotidien.

Au-delà de ces considérations techniques, toutes étayées d’études nom-breuses, je vous donne un avis plus personnel et pour une part subjectif. Utilisateur régulier de l’aéroport de Nantes-Atlantique, je vois et je vis les moments de saturation des infrastructures actuelles. Mais je ne suis pas le seul. Les personnels des compagnies le disent. Ils ont l’expérience d’autres sites. La situation sur place ne pourra pas durer infiniment.

La réelle saturation de l’aéroport de Nantes-Atlantique est aussi environne-mentale. La réalité du survol à basse altitude du centre-ville de Nantes et des communes de Rezé et Bouguenais (en atterrissage face au sud) n’est pas contestable. Le nord de Nantes est survolé à 550 mètres, le cœur de ville à moins de 400 mètres, l’Ile de Nantes à moins de 300 mètres, les communes de Rezé et Bouguenais entre 100 et 150 mètres d’altitude. Au sud de l’aéroport, le Lac de Grand-Lieu, classé en zone Natura 2000, est survolé à 300 mètres en son centre.

Le projet de nouvel aéroport vise donc à changer les conditions de vie d’environ 40 000 personnes soumises à un niveau de bruit aérien significatif selon les normes européennes et nationales (le nombre de personnes soumises au même niveau de bruit sera de 900 à l’ouverture du nouvel aéroport). Compte tenu de la hausse attendue du trafic dans les années et décennies à venir, ce sont donc les habitants de l’agglomération nantaise qui exigeraient une limitation empêchant d’absorber la croissance du trafic, bridant alors l’offre de transport et le potentiel économique et en emplois de la région.

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Les alternatives au projet n’auraient pas été étudiées  ? C’est faux !

L’hypothèse de création d’une piste perpendiculaire à la piste existante à Nantes-Atlantique a bien été étudiée : elle a été envisagée lors du débat public et a fait l’objet d’un examen attentif… mais elle n’a pas été retenue. Une étude détaillée a été réalisée en 2006. Elle a chiffré cette option et en a conclu que son coût pour l’économie locale était sensiblement équivalent à celui prévu pour le nouvel aéroport, pour des fonctionnalités moins bonnes et un impact plus important sur l’environnement.

Ce scénario aurait nécessité des travaux complexes, et aurait imposé notam-ment de déplacer une partie des installations aéroportuaires dont le centre de ravitaillement en carburant. Surtout, ce scénario demanderait d’exproprier des entreprises dont la zone industrielle adjacente, et plusieurs centaines de riverains, pour un coût de travaux qui serait du même ordre de grandeur que les contributions des collectivités au projet de transfert.

L’option de la seconde piste : un investissement inutile

Contrairement à ce que beaucoup prétendent, l’option de la construction d’une seconde piste à Nantes-Atlantique a été sérieusement étudiée et figure d’ail-leurs dans le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (page 40, section C.1.4.4). Mais les conclusions sont claires : l’option a priori séduisante présente des inconvénients majeurs, à savoir des contraintes de sécurité (risques importants de collision des avions au sol), des contraintes environnementales (nuisances sonores très accrues : au moins 10 000 per-sonnes supplémentaires impactées, ainsi que des écoles de la zone C du PEB) et des contraintes de terrain (nécessité de procéder à de nombreuses expropriations de bâtiments à usage d’habitations et de bâtiments à usage industriel ou agricole).

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Par ailleurs, le dossier d’enquête relève que « l’aérogare actuelle ne per-met d’accueillir que 3 millions de passagers environ et que, compte tenu de l’organisation du site, résultat d’adaptations successives, ses possibilités d’extension sont limitées. Un système de pistes transversales, au sud des installations actuelles, entraînerait en outre des temps de roulage des avions au sol très élevés, sources d’augmentation des pollutions, des charges de fonctionnement et des délais d’escale, et donc une perte d’attractivité pour les compagnies. Au regard de ces considérations, la création de nouvelles pistes sur l’aéroport actuel ne peut répondre aux objectifs recherchés de déve-loppement d’une offre aéroportuaire dans des conditions acceptables pour l’environnement et les populations ».

Cette conclusion est reprise et confirmée par France Nature Environnement, la FNAUT et les Amis de la Terre, qui jugent cette hypothèse « téméraire dans l’environnement fortement urbanisé de Nantes-Atlantique » (contre-expertise DUCSAI, juillet 2007).

Le nouvel aéroport serait prévu pour déverser le trop-plein des aéroports parisiens  ? C’est faux !

Les aéroports parisiens ne sont pas saturés et les plafonnements environne-mentaux qui s’y appliquent sont respectés, y compris dans une projection à 20 ans. L’idée que l’aéroport du Grand Ouest puisse être le vase d’expansion de la capitale résulte d’une incompréhension.

En revanche, l’accroissement du trafic global à l’aéroport du Grand Ouest permettra de rentabiliser davantage de lignes directes au départ ou à l’arri-vée de cet aéroport et d’augmenter la variété des destinations offertes par des vols directs, évitant de ce fait un certain nombre de correspondances à Roissy. Cette tendance est à l’œuvre sur tous les grands aéroports régionaux et profitera directement aux habitants du Grand Ouest.

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Développer l’accès direct, notamment aux capitales européennes, des terri-toires de France sans passer par Paris, est un objectif qui se suffit à lui-même.

Le transfert serait injustifié par rapport aux standards interna-tionaux  ? C’est faux !

Les comparaisons qui sont faites par certains avec d’autres aéroports inter-nationaux pour étayer la démonstration que l’aéroport actuel peut faire face aux besoins futurs ne sont pas pertinentes. Il est vrai que plusieurs aéroports supportent des trafics bien plus élevés avec une seule piste (Genève, Londres-Stansted, San Diego…) mais les conditions d’exploitation y sont très diffé-rentes de celles de Nantes-Atlantique. L’emport moyen est bien plus élevé, les vols sont constitués essentiellement de low-costs et de gros porteurs, il n’y a pas d’aviation légère, le trafic est homogène sur une plage horaire quotidienne très étendue…

Or la saturation de Nantes-Atlantique est liée à des conditions d’exploitation spécifiques et au cumul de plusieurs éléments particuliers qu’on ne retrouve pas réunis ailleurs : les conditions météorologiques, l’orientation de la piste, l’architecture et l’organisation de l’aérogare, la capacité de stationnement sur l’aire de trafic, le type d’avions, les outils de contrôle aérien, les procédures de contrôle, les variations d’activité à la semaine et au mois...

Et comme je l’ai expliqué plus haut, la saturation physique et environne-mentale est réelle dans plusieurs domaines : une saturation physique des équipements bientôt atteinte, des nuisances sonores importantes pour les populations riveraines avec un plan d’exposition au bruit établi pour 3,2 mil-lions de passagers, et des temps de roulages élevés qui sont accompagnés de pollutions conséquentes. Nous approchons vraiment du seuil de saturation pour Nantes. Comme le rappelle le dossier d’enquête de la déclaration d’utilité publique : « Au-delà de ce seuil, les nuisances sonores seraient jugées diffici-lement soutenables. L’espace soumis à une limitation de son développement

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urbain et démographique atteindrait le cœur même de l’agglomération nan-taise, un des éléments majeurs de la dynamique de développement du Grand Ouest ».

Le projet aboutirait à l’assèchement des finances publiques  ? C’est faux !

Le coût global du projet dépasse 560 millions d’euros. Sur cette somme, 274 millions d’euros seront investis par les pouvoirs publics, mais le concession-naire devra reverser 28 millions d’euros à l’Etat en contrepartie de la mise à sa disposition des aéroports de Nantes-Atlantique et Nantes Saint-Nazaire. Le coût des installations de navigation aérienne (estimé à 34 millions d’euros) sera pour sa part financé par les compagnies aériennes sous forme de rede-vances.

Les collectivités locales apporteront environ 110 millions d’euros et le Conseil régional des Pays de la Loire est la première collectivité contributrice. Sa part s’élève à 40 millions d’euros. Ce n’est certes pas rien… Eva Joly, durant la campagne présidentielle de 2012 a déclaré : « Cet investissement va assécher les finances publiques locales pour 25 ans ! » Emanant de la part d’une an-cienne magistrate du pôle financier de Paris, une telle déclaration mérite d’être prise au sérieux. Elle sait de quoi elle parle, normalement. Eh bien non…

Soyons précis là encore. Le budget annuel du Conseil régional s’élève à environ 1 500 millions d’euros. 1,5 milliard ! Et là, de quoi parle-t-on  ? D’une parti-cipation à un investissement, sur plusieurs années, de 40 millions d’euros. Si je compare cet apport à notre réelle capacité d’investissement sur 5 ans (puisque c’est la durée sur laquelle s’échelonnera le paiement), nous attei-gnons péniblement 1,6%. Sur les années 2011-2016, la région injectera 2,5 milliards d’euros d’investissements dans l’économie locale. 60 fois notre part pour l’aéroport !

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De plus, il faut savoir que les aides publiques pour l’aéroport du Grand Ouest, sont assorties d’une clause dite de « retour à meilleure fortune » : passé un certain niveau de bénéfices, un pourcentage des recettes de Vinci sera reversé aux collectivités locales. Ce montage a été l’objet d’âpres négociations. L’inté-rêt des citoyens et des contribuables a été non seulement pris en compte, mais vivement défendu. Nous ne faisons pas un chèque en blanc : le projet prévoit le remboursement du capital public.

Faire deux pistes pour ce nouvel aéroport serait inutile  ? C’est faux !

Du strict point de vue de la capacité théorique de l’aéroport, deux pistes ne sont effectivement pas indispensables. Cependant, leur justification n’est pas technique mais environnementale. La disposition des pistes retenue (proche de celle d’Orly par exemple) a deux avantages en matière de pollutions.

D’une part, elle limite le roulage des avions au sol au bénéfice de faibles consom-mations de kérosène et donc de moindres rejets de CO2. En effet, la spécialisation des pistes fait que, pour une configuration de vent donnée, une des pistes sert à l’atterrissage et l’autre au décollage. La position centrale de l’aérogare entre les deux extrémités de pistes permet à l’avion de rejoindre rapidement un emplacement de parking après avoir atterri et de s’aligner rapidement au seuil de piste pour décoller.

D’autre part, elle permet d’éviter le survol de zones habitées grâce à un léger décalage des deux axes de pistes de 10°. Si cette configuration nécessite une plus grande emprise lors de la construction de l’infrastructure, elle préserve pour des décennies la tranquillité de populations qui, dans le cas contraire, seraient survolées. Pour bien comprendre : si la piste Nord devait être la seule construite, les communes de Grandchamp-des-Fontaines et Casson situées à l’est seraient survolées en atterrissage face à l’ouest ; si la piste Sud devait être la seule construite, la commune de Temple-de-Bretagne située à l’ouest serait survolée en atterrissage face à l’est.

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Le nouvel aéroport ne créerait pas d’emploi puisqu’il ne fait que se substituer à un aéroport existant  ? C’est faux !

A l’évidence, l’aéroport du Grand Ouest va contribuer au développement de l’agglomération nantaise. De simples comparaisons avec d’autres infrastruc-tures similaires montrent qu’il devrait créer près de 4 000 emplois, dont 2 000 indirects. Ce chiffre est régulièrement contesté par les opposants au motif qu’il y a déjà 1 850 emplois directs à Nantes-Atlantique pour environ 3 millions de passagers. Ce chiffre est exact, mais s’en tenir là, c’est ignorer la réalité de l’économie aéroportuaire.

Tous les grands aéroports sont générateurs d’emplois pérennes selon des ratios qui s’observent partout en Europe : chaque million de passagers crée entre 700 et 1200 emplois directs sur la plateforme. Et ce chiffre doit être multiplié par un peu plus de 3 pour mesurer l’effet d’entraînement global sur l’emploi d’une région !

Ainsi, plus le trafic est important, plus la densité en emplois se renforce : on compte environ 800 emplois par millions de passagers annuels sur les grands aéroports régionaux, plus de 1000 à Orly… et plus de 1200 à Roissy ! Or le projet d’aéroport vise un trafic de 5 millions de passagers annuels à l’horizon 2025, soit 1,5 million de plus que le trafic de Nantes-Atlantique en 2012. Ce qui représentera un différentiel de 1 200 emplois directs et de près de 4 000 emplois pour la région d’ici une douzaine d’années par rapport à la situation actuelle.

Il faut bien entendu ajouter à cela les emplois liés à la construction de l’aéro-port et de ses accès, pendant 3 à 4 années, pour un total d’heures de travail estimées à 4,5 millions.

Alors on peut polémiquer. Dire qu’il ne s’agit que de prévisions. C’est exact. Mais le rôle des élus c’est aussi d’anticiper et de faire des choix pour l’avenir.

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Et en toute bonne foi, personne ne peut contester que la décision de faire cet aéroport créera effectivement des milliers d’emplois à terme.

Le transfert de l’aéroport n’améliorerait pas la sécurité  ? C’est faux !

Soyons clairs une bonne fois pour toutes : si l’aéroport actuel était dange-reux, il faudrait rapidement le fermer ! Toutes les conditions de sécurité pour l’exploitation de la plateforme actuelle sont évidemment réunies et font l’objet d’un examen régulier par les autorités compétentes. L’aéroport Nantes-Atlan-tique est d’ailleurs noté « A » dans la classification internationale, ce qui est la meilleure note possible.

Mais si Nantes n’est pas la seule métropole à être survolée par des avions, la dif-férence avec d’autres tient au survol à basse altitude de l’hyper-centre de la ville : 12 500 avions par an passent à moins de 500 mètres d’altitude au-dessus de 40 000 habitants. Le transfert de l’aéroport permettra donc de limiter le risque inhérent à ce genre de situation ; cela réduira évidemment les conséquences potentielles d’un accident éventuel (qui fort heureusement n’est jamais arrivé jusqu’ici). Si l’actuel aéroport est sûr, le futur aéroport le sera bien plus encore.

Pour faire face à la croissance du trafic sans gêner davantage les riverains, il suffirait d’utiliser de plus gros avions  ? C’est faux !

Utiliser de plus gros avions pour augmenter le « taux d’emport » et diminuer le nombre de mouvements a du sens lorsqu’il s’agit de desservir une même destination. Mais la logique du développement des aéroports régionaux est au contraire d’offrir une variété de liaisons plus grande par des vols directs, évitant de ce fait une escale dans un « hub » (Paris-CDG, Londres-Heathrow, Francfort,…).

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L’augmentation du nombre de lignes directes sans escale parisienne au départ ou à l’arrivée d’un aéroport régional améliore l’offre de transport pour les habi-tants de la région, et l’accessibilité de cette région depuis des provenances variées ce qui profite à son développement économique. Exploiter de plus gros avions ne résout donc pas la question de l’accroissement du trafic aérien pour l’Ouest !

Le projet serait désastreux pour l’environnement  ? C’est faux !

J’ai déjà exposé toutes les mesures d’accompagnement environnemental du projet. Nous devons être exemplaires sur ce point. Et s’il est encore possible ou nécessaire d’améliorer les choses, j’en serais partisan.

Mais le bilan environnemental d’un projet se mesure dans sa globalité. Et ce n’est pas un hasard si le transfert de l’aéroport a été entériné par le Grenelle de l’environnement. Je m’évertue à le répéter, avec d’autres, mais cette infor-mation semble n’intéresser personne. La loi du 3 août 2009 est très explicite. Elle dit que « la création de nouveaux aéroports sera limitée aux cas de dépla-cement de trafic ». Lors des discussions du Grenelle, tous les acteurs, élus et associations écologistes en tête savaient que cette disposition, appliquée à Nantes, était le fruit d’un constat dressé depuis l’enquête publique.

Le transfert permettra de protéger le lac de Grand-Lieu (qui est une réserve naturelle) et surtout de limiter la périurbanisation nantaise. Sur le plan envi-ronnemental aussi, le transfert de l’aéroport de Nantes, présente plus d’avan-tages que d’inconvénients. Et c’est un cas unique en France.

Le projet gaspillerait des terres agricoles  ? C’est faux !

Avant toute chose, il faut savoir que c’est le projet d’aéroport qui a permis que les terres agricoles de Notre-Dame-des-Landes soient toujours exploitées. En effet, la mise en place de la zone d’aménagement différée destinée à la

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réalisation du premier projet d’aéroport en 1974 a évité l’urbanisation de ces espaces naturels et agricoles. En dehors de cette zone, 2 000 hectares de terres sont consommés chaque année en Loire-Atlantique pour le développe-ment des activités humaines.

En comparaison, la consommation d’espaces agricoles pour le transfert de l’aéroport sera faible et ne concernera que 736 hectares. En parallèle, au sud de Nantes à proximité de l’actuel aéroport, 540 hectares seront libérés des contraintes d’urbanisation et permettront d’accueillir 15 000 habitants à l’intérieur du périphérique nantais. Face à la pression démographique nan-taise, cette opportunité formidable est à mettre en balance avec les 5 000 hectares de terres agricoles en zone périurbaine qui seraient un jour utilisés pour ces logements.

Avec les élus du Département de Loire-Atlantique, nous avons défendu cette analyse devant la commission mise en place spécifiquement sur le sujet par le ministre de l’Agriculture. Nous avons bon espoir d’avoir été entendus. Il y a aujourd’hui globalement un enjeu de préservation des terres agricoles, et de nombreuses mesures existent pour y faire face. Elles sont d’ailleurs bien connues car négociées avec les représentants du monde agricole. Elles peuvent sans doute être améliorées. Mais faire de ce projet d’aéroport un symbole d’une lutte mondialisée pour la gestion des terres nourricières est une hypocrisie que je conteste. La démocratie aurait été bafouée  ? C’est faux !

La décision de transférer l’aéroport a été prise par des élus expérimentés, de tous bords politiques, qui ne sont pas spécialement réputés pour être farfelus ou déconnectés des réalités sociales, économiques et environnementales... et qui n’ont jamais omis de mentionner dans leurs programmes électoraux leur volonté que ce projet se fasse !

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Les procédures républicaines ont toutes été respectées : débat public en 2002-2003, enquête publique fin 2006, avis favorable de la commission d’enquête le 13 avril 2007, décret d’utilité publique publié le 10 février 2008... Je ne reviens pas sur le déroulement de ces étapes et la mobilisation citoyenne réelle qui les a accompagnées. Je les ai déjà détaillées. L’ensemble des recours qui ont pu être déposés sur la décision de transfert et son utilité ont été examinés avant d’être rejetés. Les deux derniers jugements du Conseil d’État sur la déclaration d’utilité publique datent du 31 juillet 2009 et du 27 janvier 2010, et celui sur le contrat de concession date du 13 juillet 2012, épuisant les recours.

Contrairement aux affirmations des opposants, il n’y a plus aucun recours sur le projet en lui-même. Les recours nouveaux concernent des éléments de procédure, les expropriations ou les travaux, et participent d’une guérilla juridique visant à retarder le chantier.

Le point sur les procédures juridiques et les recours contre l’aéroport

Tant de choses sont dites sur les procédures juridiques concernant directement ou indirectement l’aéroport du Grand Ouest qu’il est parfois difficile de s’y retrouver.

L’ensemble des recours sur le projet en lui-même (contre les procédures d’en-quête, contre la déclaration d’utilité publique ou contre le contrat de conces-sion passé avec le groupe Vinci) ont été jugés. Tous ont été perdus par les opposants, y compris en dernière instance. Il n’y a plus aucun appel possible.

La dernière décision en date est celle du Conseil d’Etat, le 13 juillet 2012, qui valide définitivement le contrat de concession. Il convient donc d’ad-mettre que les procédures nouvelles concernent uniquement le déroulement des travaux (procédures d’expropriation, respect de la règlementation envi-ronnementale, etc.) mais ne pourront plus remettre en cause la légalité de

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la décision de transférer l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes.

Une décision demeure en attente devant le Conseil d’Etat. Elle ne concerne pas la DUP et le transfert en lui-même, mais le refus du gouvernement de remettre en cause la DUP. Dit autrement : les opposants constatant que la DUP est définitivement validée, ont demandé sa révision. Logiquement, conforté de surcroît par la confirmation du respect du droit, l’Etat n’a pas donné suite… Et c’est ce refus qui est maintenant attaqué.

Il est important de rappeler aussi les très nombreuses autres procédures inten-tées devant des juridictions françaises, administratives ou non, qui concernent aussi bien des mesures de police, que des procédures de cessibilité, d’expro-priation ou d’expulsion. Pour certaines, des jugements demeurent en attente, pour d’autres des appels sont en cours, mais en la matière également tous les jugements rendus sans exception ont été défavorables aux opposants.

Certaines démarches sont également en cours devant plusieurs instances européennes, sans qu’aucune procédure ne soit jugée en date du 28 février 2013.

Cet aéroport serait le projet de Jean-Marc Ayrault  ? C’est faux !

Pour tout vous dire, les polémiques ciblant de façon scandaleuse de Premier ministre au motif qu’il est l’ancien député-maire de Nantes me laisse pantois. Le nouveau projet date de l’an 2000, il a été successivement validé et soutenu par 5 Premiers ministres : Lionel Jospin, Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin, François Fillon et Jean-Marc Ayrault.

Il a été porté, accompagné et défendu par de très nombreux élus locaux. Le maire de Nantes était directement concerné, mais n’était qu’un parmi d’autres.

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L’engagement de tous ne se mesure d’ailleurs qu’à l’aune de l’intérêt général pour nos territoires. Comment imaginer par exemple d’autre motivation dans les prises de position successives d’Yves Métaireau, maire de La Baule, de Bruno Retailleau, président du Conseil général de Vendée ou de Christophe Béchu, président de celui du Maine-et-Loire  ? Comment imaginer qu’ils aient pu prendre si clairement position pour le projet, parfois avec quelques nuances de forme, par solidarité politique partisane ou inféodation à l’actuel Premier ministre  ?

Attaquer ainsi Jean-Marc Ayrault est sans doute facile. C’est surtout lâche, car affronter d’un bloc tous les élus de gauche et de droite qui soutiennent le projet, c’est immanquablement devoir répondre à une question ennuyeuse : pourquoi tous ces élus, si différents et adversaires pour bien des causes, considèrent-ils aujourd’hui ensemble que ce projet est positif pour l’avenir de leur territoire  ?

Refuser ce débat pour s’accrocher à des symboles, voilà une bien mauvaise manière de faire de la politique. Surtout quand on participe au quotidien aux travaux de majorités locales. Cela m’amène d’ailleurs à faire le constat qu’il n’y a guère de reconnaissance en politique. Car le moins qu’on puisse dire, c’est que les principaux élus écologistes de Loire-Atlantique qui viennent tacler Jean-Marc Ayrault dans ce dossier n’existent que parce que l’intéressé a eu la volonté politique de porter avec eux certains enjeux écologiques. Et parce qu’il leur a confié des places sur la scène institutionnelle nantaise (et même française lorsque Nantes faisait figure de ville pionnière en la matière). Aucun d’entre eux n’a été élu à Nantes sur son nom. Tous l’ont été sur des listes socialistes ou investis par le Parti socialiste.

Mais il y a plus grave que la polémique politique, il y a le piétinement de la République par des élus et des actes de violence inconsidérés et injustifiés…

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CE QUI ME SCANDALISE DANS CETTE AFFAIRE :

RIEN NE JUSTIFIE LES ACTES ILLÉGAUX

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Si l’objet de ce livre est avant tout d’expliquer le bien-fondé du projet d’aéro-port du Grand Ouest, je tiens aussi à dénoncer certains excès érigés en modes d’action politique. Ces excès ouvrent parfois un accès facile au journal de 20 heures, par exemple lorsque des élus de la République occupent illégalement une maison vouée à la démolition. Je les condamne. Mais d’autres excès sont plus graves encore et conduisent à l’instauration d’une zone de non-droit à Notre-Dame-des-Landes, imposée par une minorité d’activistes à des citoyens qui n’ont rien demandé à personne.

Le retour de l’impôt révolutionnaire

Cessons les comparaisons bucoliques qui fleurent bon la nostalgie post-soixante-huitarde : les occupants de la zone de construction prévue pour l’aé-roport de Notre-Dame-des-Landes n’ont rien des pacifistes du Larzac. Alors que le mouvement de désobéissance civile non-violente qui dura une décennie dans le Massif central visait à organiser une vie collective en autarcie, les squatters de tous bords qui peuplent les terrains à construire n’hésitent pas à user et abuser de menaces et de violences pour assurer leur ravitaillement.

Les témoignages sont nombreux. Commerçants volés et insultés, riverains cambriolés, potagers pillés… Il est même arrivé que des parents d’élèves soient rackettés à la sortie d’une école. La dialectique est simple : ces braves racketteurs se battent pour préserver le site donc les habitants doivent mettre la main au portefeuille pour participer à l’effort de guerre. Sinon quoi  ? Vous imaginez la situation face à un groupe menaçant  ?

Ne croyez pas que ces actions soient soutenues et appréciées par les popula-tions locales, c’est évidemment loin d’être le cas ! Dans un courrier adressé à plusieurs responsables publics dont le Procureur de la République, des habitants de Notre-Dame-des-Landes pourtant opposés au projet d’aéroport dénoncent ces agissements :

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« Soyons clairs : tous nous sommes opposés à ce que le projet d’aéroport voit le jour. Tous nous le considérons inutile, dispendieux et écologiquement désas-treux. Mais la situation sur place est devenue insupportable. Nous pesons nos mots : nous avons le sentiment d’être pris en otages chez nous.

Vous êtes nécessairement très bien informé des problèmes de sécurité liés aux accès du secteur, ou tout autour des zones «à défendre». Les forces de l’ordre omniprésentes vous rendent compte plusieurs fois par jour. Mais nous voulons vous alerter sur les problèmes qui nous touchent au quotidien. (…) L’arrivée massive des militants qui ont installé les cabanes puis les campements a été, nous le pensons aujourd’hui, une erreur. (…) Les robins des bois roman-tiques que nous avons accueillis avec plaisir, ou indifférence c’est selon, il y a quelques mois, ont été rejoints par des groupes dont le combat n’est pas le nôtre. Et dont les méthodes sont inacceptables.

La situation est simple : quelques centaines de personnes ne peuvent pas vivre en auto-subsistance dans les conditions des campements de la ZAD. Malgré les ravitaillements organisés, malgré les appels au calme, notamment des dirigeants et porte-paroles historiques de notre combat, les incidents succèdent aux inci-dents, les altercations aux altercations, et maintenant les violences aux violences.

Nous avons tous, dans nos entourages immédiats, des témoignages de vols dans les commerces (accompagnés d’insultes ou de déclarations «pour la cause») ou de dégradations à l’encontre de commerçants ayant refusé le «don solidaire» de denrées notamment. Nous avons aussi maintenant à déplorer des moments de «quêtes» qui sont en vérité des moments de racket. Et celui qui refuse de donner quelques euros s’expose aussi à des insultes, des menaces, des dégradations de véhicules. Et ceci peut intervenir n’importe où, n’importe quand. Y compris à la sortie d’une école.

Au motif que ces groupes militants sont présents «pour notre bien» nous devrions accepter ces dérives  ? En vérité, les habitants sont exaspérés et nous

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sommes en train de devenir «anti-zadistes» avant d’être anti-aéroport. (…) Vous répondrez sans doute qu’il faut des plaintes. Sans doute ; et sans doute les habitants redoutent-ils des représailles(…). Mais depuis l’augmentation des violences, depuis aussi l’épisode détestable des fugueuses mineures, le ras-le-bol prend le pas sur la tolérance. La sympathie quant à elle n’existe plus depuis longtemps ».

Je crois que cela se passe de commentaire…

Les menaces répétées et la dégradation des bâtiments publics

Malheureusement, ces menaces physiques ne sont pas des actes isolés et trouvent souvent leur prolongement dans la dégradation de bâtiments publics. Au mois d’octobre 2012, les habitants de la ville de Couëron ont ainsi pu découvrir de charmants graffitis sur les murs de l’Hôtel de Ville, à l’attention de leur député-maire Jean-Pierre Fougerat, suppléant de Jean-Marc Ayrault à l’Assemblée nationale.

Mais la Loire-Atlantique n’est pas la seule zone géographique qui a été touchée par ce genre de dégradation urbaine. On citera notamment un tag « non à l’Ayraultport » sur la façade du CHU de Toulouse. Non seulement les habitants n’ont rien compris, mais le CHU étant classé monument historique, l’établisse-ment hospitalier a dû débourser 200 000 € pour la restauration de sa façade.

Ailleurs en France, une vingtaine de sièges départementaux du PS ont vu leurs façades recouvertes de tags, et les stations du métro parisien « Solférino » et « Assemblée nationale » ont également été l’objet de dégradations répétées. J’entends bien qu’on veut nous faire comprendre que « la ZAD est partout » mais il y a peu de chance que traiter les militants socialistes de « collabos » et de « pourritures sociales » permettent vraiment de défendre un point de vue. De même, quand je lis « à bas l’État » ou « détruisons le pouvoir », j’ai du mal à penser que les auteurs de ces mots doux aient beaucoup de propo-

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sitions à porter en matière d’aménagement du territoire, ni d’environnement d’ailleurs.

La violence individuelle comme acte militant

Ce qui est franchement déplorable, c’est que toutes ces menaces ne sont pas simplement des mots. Si Jean-Pierre Fougerat n’a pas eu à subir d’attaque physique (et c’est heureux) malgré les graffitis laissés sur la façade de l’Hôtel de Ville (et sur l’immeuble où il réside…), un des vigiles du site de Notre-Dame-des-Landes a été victime d’une agression d’une vraie lâcheté et d’une grande violence.

En effet, alors qu’il était stationné dans sa voiture, sur la commune de Fay-de-Bretagne, une vingtaine d’individus cagoulés s’en sont pris à lui. Armés de gourdins et de barres de fer, ils ont commencé par briser les vitres de son véhicule… pour y déverser un liquide inflammable ! Après avoir hésité à laisser le pauvre homme dans sa voiture avant d’y mettre le feu, ils l’ont finalement tiré hors du véhicule (qu’ils ont embrasé) avant de le rouer de coups et de quitter les lieux. Qui aurait imaginé qu’une telle violence pourrait exister dans nos campagnes  ?

Fait divers, me direz-vous… Scandaleux à l’évidence. Mais le plus grand scandale n’est peut-être pas là. Pensez-vous qu’il y a eu une réaction unanime pour condamner cette agression, de la part des opposants  ? Pas du tout ! L’Acipa (principale association d’opposants) a certes signalé qu’elle « ne peut cautionner ce genre d’agissements extrêmement violents et inadmissibles » mais a cru bon de suggérer qu’il s’agissait d’un coup monté pour discréditer l’opposition au projet de nouvel aéroport. Et dans cette veine-là, nombreux sont les propos ahurissants qui ont été tenus. Dans la sélection de réactions qui m’a été présentée, j’en ai retenu une. Pas la plus violente, elle est dans la moyenne. On la trouve sur le site Reporterre, dans un billet daté du 14 novembre 2012 : « Un flic est un flic, merde alors ! […] Et les flics, fussent-ils

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privés, ne veulent pas recevoir de coups. Qu’ils changent donc de métier ! […] S’il est un responsable de ce qui est arrivé au vigile, c’est bien vous, monsieur l’Immense Premier Ministre. Vous ! »

Quant aux condamnations des élus opposés au projet, réelles et parfois sin-cères (surtout lorsque les violences ont aussi visé leurs propres locaux et permanences), elles souffrent d’un point faible : il est difficile de condamner des actions illégales quand on fait le tri. Un élu de la République ne peut pas trouver certaines actions illégales condamnables, et d’autres justifiées.

La désobéissance civile… par les élus de la République !

Je note tout d’abord que les prises de position les plus outrancières contre le projet sont parfois le fait d’un regroupement hétéroclite de personnalités nationales qui ont échoué aux dernières élections présidentielles et législa-tives… Mesquinerie de ma part  ? Pas tant que cela, car il me semble que dans une démocratie représentative, c’est encore le vote qui fait office de moyen d’expression.

Quelques chiffres sont bons à rappeler. La liste menée par Jean-Marc Ayrault aux municipales de 2008 a été élue dès le premier tour avec 55,71% des suffrages. Je ne crois pas que cela soit vraiment synonyme de désaveu public. Lors des dernières élections législatives, le résultat parle tout seul : la gauche a remporté 9 circonscriptions sur les 10 existantes en Loire-Atlantique, le socialiste Yves Daniel, agriculteur soutenant le projet d’aéroport, devenant même le nouveau député de la circonscription où se situe Notre-Dame-des-Landes, qui était pourtant historiquement ancrée à droite. Pour mémoire, le score du candidat d’Europe Ecologie les Verts sur ce territoire n’a été que de 5,34%. Moins bien qu’Eva Joly à Notre-Dame-des-Landes...

Il faut donc bien se rendre à l’évidence : les urnes ont parlé et le résultat est sans appel. En politique, il n’y a pas de match retour avant l’échéance du mandat. On

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peut comprendre la déception d’un entrepreneur politique qui subit une défaite électorale, mais il serait temps pour tous ces gens de faire preuve de responsa-bilité en cessant ce petit jeu qui vise à rejouer dans les rues (ou en tout cas dans les champs) la revanche d’un combat dont ils sont sortis perdants.

Pour ma part, il m’est arrivé de perdre des élections aussi. Et bien qu’oppo-sant, je n’ai jamais jugé illégitime que la majorité sortie des urnes applique son programme !

Mais certains ne s’arrêtent pas là. Outre le non-respect du scrutin, voici des élus qui refusent de respecter la loi ! Et je trouve un peu facile de considérer son mandat électif avec une telle désinvolture. Un poste d’élu, ce n’est pas seulement des droits, c’est aussi et surtout des devoirs. Et parmi ces devoirs, il y a tout simplement le devoir d’exemplarité.

Or quel est cet exemple que donnent tous ces élus d’Europe Ecologie qui font une descente à la quincaillerie du coin avant de venir « réquisitionner » un bâtiment qui est une propriété privée  ? Quelle pantalonnade : Jean-Vincent Placé (dont le premier mandat date de 1995), Eva Joly (députée européenne depuis 2009) ou Ronan Dantec (qui doit tout son parcours politique à Jean-Marc Ayrault), voilà une ribambelle de notables de la République se découvrant soudainement une passion pour le bricolage ! Et pour faire valoir leur opinion, ils préfèrent le pied-de-biche et le tournevis cruciforme, sans doute plus légers qu’un code pénal ou un dossier réglementaire européen…

Mais derrière ce carnaval d’écharpes tricolores, il y a un acte illégal ! Théoriser la désobéissance civile quand on est soi-même un représentant de la souve-raineté nationale, voilà qui relève d’un drôle d’exercice de schizophrénie. Si les élus qui participent à ce type d’action sont mal à l’aise avec les assemblées dans lesquelles ils siègent et qu’ils pensent que leur place est dans le maquis (ou dans le bocage plus précisément), libre à eux de démissionner pour aller fabriquer des arcs et construire des cabanes dans les arbres…

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Le double-jeu des associations d’opposants

J’en ai tout autant pour certaines associations. Pas pour leurs adhérents et leurs militants. Encore une fois, je respecte leurs opinions. Elles sont tout autant légitimes que d’autres. Mais l’Etat de droit doit être respecté.

Je n’accepte pas en revanche certaines ambigüités et le double-jeu d’associa-tions bien en place, qui ont plus que pignons sur rue, dont l’action quotidienne est souvent largement financée par des subventions publiques. Associations environnementales bien sûr, associations multiples pour la promotion des cultures biologiques, syndicats divers, etc… Toutes sont légitimes à prendre part au débat public. Sans exception. Mais je considère là aussi que la limite se situe aux frontières de la légalité. Elles peuvent s’exprimer contre le projet, manifester, pétitionner… Mais les associations largement subventionnées sur fonds publics ne peuvent pas soutenir, ou pire organiser, des actions illégales.

Je veux prendre un exemple. J’apprécie à sa juste valeur l’action nationale et historique de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) dont nous venons de fêter les 100 ans. J’ai même noué au fil des ans des relations amicales avec certains dirigeants locaux, et Allain Bougrain-Dubourg, avec qui j’ai partagé de façon étroite et solidaire le combat durant 13 années pour faire condam-ner Total dans le procès de l’Erika. Mais je n’ai guère goûté le vibrant appel à manifester contre le projet d’aéroport et à soutenir les occupants de la ZAD co-signé avec d’autres, qui précisait entre autres : « Nous affirmons notre soutien plein et entier aux résistant-e-s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et appelons toutes les personnes, associations, organisations, syndicats qui se reconnaissent dans cette lutte, à participer massivement et de façon non-violente à la mobilisation [...] Il y a maintenant plus de trois semaines que la répression qui frappe les habitants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes s’est intensifiée. Malgré les tentatives de division, la solidarité entre tous les habitants reste inébranlable ».

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D’un côté l’appel à la non-violence. De l’autre le soutien à l’action illégale. Ce n’est pas ma conception de l’action dans la sphère publique. Surtout que je n’exclue pas de voir la LPO - et elle en a l’expertise - nous faire savoir un jour sa disponibilité pour travailler sur une partie des mesures de compensation environnementale. Il faut dire qu’il y aura pour ce faire des budgets consé-quents, de l’ordre de 40 millions d’euros.

La diffamation d’un veuf et d’une défunte

Je veux terminer ce chapitre en prenant la défense d’un préfet. On pourra diffi-cilement m’accuser de complicité avec lui. Bernard Hagelsteen n’a pas été un préfet de la Région Pays de la Loire avec qui j’ai travaillé en étroite collabora-tion ; nous étions en désaccord sur de nombreux dossiers. Il a pris sa retraite de la fonction publique en 2011 et travaille désormais chez Vinci Autoroutes. Je n’aurais sans doute pas fait le même choix à sa place, mais il en était libre.

La polémique sur ce pantouflage confine à l’odieux. Un lien est établi d’abord entre ses fonctions ici, il y a de nombreuses années, et son recrutement. Et voilà qu’il est aussi expliqué par le fait que sa femme, décédée depuis, prési-dait la section des travaux publics du Conseil d’Etat lorsque celui-ci a rejeté les recours contre le décret déclarant d’utilité publique le projet de construc-tion de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (et sa desserte routière).

Passons sur les interprétations morales, après tout chacun se fera un avis. Pour ma part, j’estime que le temps écoulé entre les différents éléments mis en vis-à-vis rendent caduques les suspicions.

Mais il y a plus gênant, et c’est ce qui m’amène à m’exprimer sur ce sujet. En France, les hauts fonctionnaires n’ont plus la liberté de passer dans le privé sans qu’une commission de déontologie vérifie l’existence ou non, justement, de conflits d’intérêt. Et en l’espèce, cette commission a été saisie. Et s’est prononcée favorablement.

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Pourquoi aucun média parlant du sujet n’en a-t-il fait état  ? Chacun peut ensuite conserver une opinion sur la décision d’un haut fonctionnaire de finir sa carrière dans un groupe privé, mais qu’au moins tous sachent que cela s’est fait après vérification et dans la légalité.

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DE L’ENTHOUSIASME POUR LA DÉMOCRATIE :

GARDONS L’ESPRIT GRAND OUVERT !

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Vous l’aurez compris en lisant ce livre : je soutiens sans réserve le projet de créa-tion d’un nouvel aéroport pour le Grand Ouest. Sans jamais renier le passé, il faut apprécier l’instant présent et rester enthousiaste pour l’avenir. Je ne partage pas la sinistrose qu’on voudrait nous inoculer à grands renforts d’annonces catas-trophistes ou de prévisions pessimistes. Plutôt que de craindre ce qui pourrait se produire demain, c’est à nous d’agir pour construire demain et après-demain.

Nostalgie versus Big Mac Index

Evidemment, cela ne se fait pas tout seul. Il faut être volontaire. Il faut « en vouloir ». Je refuse la fausse mélancolie du siècle dernier, la nostalgie du « bon vieux temps ». J’ai récemment pris connaissance d’un sondage de l’Ifop pour Atlantico (réalisé en décembre 2012) sur le regret du franc : imaginez-vous que 37% des Français regrettent « beaucoup » le franc et que 25% le regrettent « un peu » !

Je comprends que la situation de la France n’est pas si rose en ce moment, mais tout de même, l’abandon du franc n’est pas la raison de la crise finan-cière mondiale ni de ses abominables répliques sociales depuis 2008. D’ail-leurs, l’Hexagone n’a pas attendu ce séisme pour être le premier pays consom-mateur d’antidépresseurs dans le monde, ce qui est en tant que telle une information effrayante. Je ne vis pas dans une tour d’ivoire et je comprends les angoisses de chacun, mais au risque de me répéter, comment accepter que les Français soient plus pessimistes que les habitants de pays en guerre  ?

Si le franc était sans doute le symbole d’un pays uni, l’euro est le symbole d’une communauté dynamique ! Loin d’être une monnaie faible comme cer-tains chroniqueurs aiment le répéter, c’est une monnaie solide et forte, peut-être même trop forte…

Connaissez-vous le « Big Mac Index » de The Economist  ? Chaque année depuis 1986, ce magazine compare le coût de production et le prix de vente

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d’un produit identique à travers le monde entier et fabriqué localement : le « Big Mac », qui est le sandwich le plus vendu par Mc Donald’s. N’y voyez pas une lubie d’occidental : comme il est très difficile de comparer « un panier de la ménagère » d’un pays à l’autre, cet indicateur donne une idée des dif-férences de pouvoir d’achat d’un bout à l’autre de la planète. Et les résultats sont assez nets : ramené au coût de production puis de vente du célèbre sandwich, l’euro est probablement surévalué d’environ 11%, ce qui explique selon The Economist, en partie, les difficultés de pouvoir d’achat des ménages.

Mais les réussites de l’Europe sont nombreuses : une paix durable sur le conti-nent, la création d’un marché unique, les fusées Ariane, le droit à la libre circulation des personnes, les avions Airbus, le programme Erasmus, le projet Galiléo, les échanges culturels, la construction d’une défense commune, la lutte contre le blanchiment d’argent… Que d’outils et de victoires, après la guerre que les nouvelles générations ignorent, mais surtout aujourd’hui dans une situation mondiale incertaine !

La tentation de la pause et la tentation de la pose

De fait, dans un contexte mondial instable et dans un climat pessimiste réel, un discours volontariste sur le progrès passe mal. Le réchauffement climatique, la fin des énergies fossiles, la finitude du monde… Il est par-fois si simple de baisser les bras pour surfer sur une ambiance mortifère. Je m’y refuse. Pour autant, mon propos n’est pas incantatoire. Il ne s’agit pas d’investir pour investir, d’inventer pour inventer, d’innover pour innover, cela n’aurait pas beaucoup de sens. Je crois toujours au progrès. Au sens défini par les penseurs, humanistes et parfois socialistes, du 19ème et du début du 20ème siècle. Demain reste à construire plutôt qu’à prévoir et c’est à nous qu’il incombe d’agir pour inventer l’avenir. Ce qui était vrai hier l’est encore aujourd’hui. Ne croyez pas que tout ce dont nous disposons maintenant soit le produit du hasard ! Rien de tout cela n’existait il y a 30 ans et de nombreux responsables politiques et industriels se sont battus pour le bâtir. Même s’ils

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ont quitté notre monde depuis, ils se projetaient et projetaient leurs actions vers l’avenir. Il me semble donc logique de poursuivre l’aventure et de nous battre maintenant pour les générations qui vont suivre.

Disant cela, j’entends l’argument qui veut que ce dont nous disposons au-jourd’hui est largement suffisant et qu’on peut s’en contenter. C’est un point de vue… que je ne partage pas. Je ne crois pas que le statu quo soit le moteur du monde. Si tel était le cas, nous en serions encore à l’âge de pierre et per-sonne ne pourrait bénéficier des joies d’une séance de cinéma, d’une visite au musée ou d’une promenade à vélo. Pour garder cette image : quelle que soit la vitesse que l’on peut atteindre en vélo, si on arrête de pédaler, il y a bien un moment où l’on chute ! La tentation de la pause me semble être une chimère plutôt qu’une option durable.

On peut bien sûr s’amuser à jouer le détachement vis-à-vis des choses de la vie. J’ai un certain respect pour les ascètes, mais force est d’admettre que je n’en suis pas un, et que c’est le cas de la plupart des gens. On peut bien sûr prendre la pose du dandy qui préfère s’égayer des saveurs d’un riz cantonais réchauffé au four à micro-ondes mais je dois bien avouer que visiter la Chine égaye bien plus mes sens, même si cela m’oblige à prendre l’avion (ce qui fait encore partie des libertés individuelles). Mais cela pollue, m’objectera-t-on  ? Sans doute, mais je ne suis pas de ceux qui prônent la disparition des avions, des trains, des voitures et des climatiseurs.

Deux visions opposées de l’écologie politique

Pour schématiser sans caricaturer, en matière d’écologie politique, il y a deux écoles de pensée : celle du développement durable et celle de la décroissance. Si je demeure un fervent partisan du développement durable sous tous ses aspects, le concept de la décroissance me semble aberrant. Et pour tout dire d’un égoïsme suicidaire, d’un point de vue national ou européen, et plus encore à l’échelle mondiale. Comment allez-vous expliquer à un ouvrier vietnamien

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qui peine à nourrir sa famille que sa mobylette pollue et qu’il serait bien gentil d’utiliser un vélo  ? Qui envisage sérieusement de demander à un patriarche africain de parcourir à pieds les 5km qui le séparent d’un puits parce que sa voiture émet trop de CO2  ?

Par ailleurs, je sais bien que personne n’est exempt de contradictions, mais tout de même, ces joyeux pacifistes promoteurs d’une vie paléontologique connaissent-ils seulement l’empreinte écologique des outils dont ils usent et abusent pour faire de l’agit-prop sur Internet et ailleurs, et dont ils voudraient priver les habitants du Tiers-Monde  ? Les notions d’égalité et de solidarité inter-nationale ont parfois tendance à disparaître, dès lors qu’on menace les petites habitudes des grands théoriciens d’une planète sans progrès technologique.

Pourtant, le progrès technologique accompagne et encourage le progrès so-cial ! Sans tomber dans les égarements d’un Jacques Cheminade qui milite avec Lyndon LaRouche pour une industrialisation de la Lune et la création d’un corridor thermonucléaire entre la Terre et Mars, on ne peut nier l’apport du développement industriel et technologique pour faciliter la vie et favorise l’émancipation des êtres humains. Qui s’imagine aujourd’hui vivre sans élec-tricité, sans eau courante ou sans informatique  ? Sans parler des ouvriers qui ont su profiter pleinement de la révolution industrielle en se dotant d’outils de travail et de robots pour les seconder dans des tâches devenues ainsi moins pénibles et moins éreintantes. Certes, il y a eu des erreurs, mais l’Homme a surtout fait de belles choses en inventant demain plutôt qu’en regrettant hier.

Vous l’aurez bien compris : en faisant une distinction fondamentale entre le développement durable et la décroissance, je dénonce toutes celles et ceux qui prônent l’un mais militent hypocritement pour l’autre. Ou qui instrumentalisent (et donc cautionnent) la radicalité des « décroissants ».

Ce distinguo m’amène souvent à dénoncer tout le marketing autour des « em-plois verts », qui seraient la nouvelle niche pour les emplois « de demain ».

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Quelle erreur ! Si les emplois verts sont ceux du développement durable, alors ils sont les emplois d’aujourd’hui ! Une formidable intelligence humaine s’est déjà mise en action au travers des milliers de personnes qui réfléchissent et développent depuis plusieurs années les énergies renouvelables et les nou-velles technologies pour prendre en compte de nouveaux enjeux. L’écologie n’est assurément pas la problématique du siècle prochain ou une projection futuriste, c’est un levier économique et un vecteur d’emplois opérationnel depuis la fin du dernier millénaire. Par contre s’il s’agit d’imposer je ne sais quelle « conversion écologique » de toutes nos industries, alors quelques principes de réalité s’imposeront à nous. Et nous devrons faire face non pas aux emplois, mais au chômage de demain !

Mais acceptons l’idée qu’une vision décroissante existe. Après tout, même si je la combats, cette philosophie a sa cohérence. Encore que… Je reviens à notre aéroport. Certains de ceux qui nous demandent de ne pas le construire veulent à la place une ligne à grande vitesse, reliant directement Nantes à Orly ou Roissy. Mais lorsqu’on propose de construire une ligne à grande vitesse, ils votent contre le budget nécessaire à cette construction ! Ou même contre les études qui pourraient peut-être, un jour, nous permettre de la construire ! Alors moi je veux bien que l’on soit contre les aéroports, contre les TGV, contre les autoroutes, contre les ponts… Mais est-ce vraiment visionnaire d’être toujours contre tout  ? Que penser de ceux qui refusaient une centrale nucléaire en bord de Loire il y a 30 ans, et se sont battus contre l’installation d’une éolienne expérimentale au même endroit  ? Cela me rappelle cet adage selon lequel tout le monde veut des gares mais personne ne veut de chemins de fer. Parmi ceux qui contestent le projet de nouvel aéroport, je constate quand même que beaucoup sont d’accord pour prendre l’avion, mais si on les suit jusqu’au bout de leur logique, ils vont avoir du mal à atterrir !

La décroissance : un mirage idéologique

On peut retourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas en quoi la croissance (c’est-à-dire le fait que les richesses produites par la société

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humaine s’accroissent) pose problème. Si la croissance est maîtrisée et cana-lisée, c’est même plutôt une bonne nouvelle : si on augmente la quantité de richesses produites, on augmente la possibilité d’offrir à chacun ce dont il a besoin pour couvrir ses besoins. Aussi, plutôt que militer pour un retour à l’artisanat de village et aux champs de rutabagas afin de réduire la quantité de richesses produites, je pense qu’il serait plus intéressant de réfléchir à la meilleure façon de faire profiter l’ensemble de l’humanité de cette abondance de richesses.

Ne vous inquiétez pas, j’ai entendu maintes et maintes fois l’argument des décroissants pour expliquer que tout ceci n’est qu’une vision de pollueur libé-ral : selon la récente théorie de l’empreinte écologique, la Terre ne pourrait pas produire assez de richesses pour satisfaire tout le monde et si tous les humains vivaient avec le standard de vie des classes moyennes américaines, « il faudrait quatre planètes pour pouvoir y faire face ! » Avouons que c’est un argument percutant… mais tellement biaisé !

Tout d’abord, parce que condamner le développement durable en s’appuyant sur la théorie de l’empreinte écologique revient globalement à expliquer aux habitants des pays sous-développés qu’ils seraient bien aimables de rester dans la misère afin d’éviter de trop polluer. Ou alors il faut réussir à convaincre les populations européennes, nord-américaines et japonaises d’oublier leur confort pour revenir aux déplacements à cheval et à l’éclairage à la bougie. Et je suis peut-être un brin pessimiste, mais je doute que cela soit possible…

Ensuite, parce que la question de la surpopulation planétaire est un argu-ment qui a fait long feu depuis Malthus. Ce dernier prédisait l’extinction de l’humanité au-delà d’un milliard d’habitants sur Terre et l’expérience montre qu’il s’est trompé… parce qu’il ne pouvait tout simplement pas imaginer l’accroissement de la productivité agricole et il n’avait donc pas anticipé les nombreuses possibilités offertes par le progrès scientifique et technique. Mais c’était en 1780, et Malthus n’était pas Nostradamus.

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Or nous sommes en 2013, et chacun est le témoin des incroyables avancées de la technologie, et des promesses qu’elle offre pour aujourd’hui comme pour demain. Les découvertes vont si vite qu’il est impossible d’imaginer tout ce que nous serons capables de faire dans cinquante ans. Ne bridons pas nos ambitions au motif d’une angoisse face à l’inconnu. Tout cela me rappelle une plaisanterie au sujet de deux hommes préhistoriques qui bavardent en revenant de la chasse aux mammouths. L’un dit : « tu sais, je crois qu’il y aura six milliards d’êtres humains dans 40 000 ans ». Et l’autre répond : « tu es fou, il n’y aura jamais assez de mammouths pour nourrir tout le monde, il faudrait au moins 6 000 planètes ! »

Pour sortir de la crise, il faut préparer l’avenir

Redevenons sérieux. En guise de conclusion, je vais vous livrer une conviction qui ne vous surprendra pas totalement : ce projet est un bon projet pour nos territoires. Et j’ai aussi dans l’idée qu’une majorité très large d’habitants concernés, bien que silencieuse, pense la même chose.

Ma conviction dépasse les débats d’experts, tranchés une première fois me semble-t-il par la déclaration d’utilité publique, puisque c’est ainsi qu’en France, dans un Etat de droit, on décide de grands projets utiles à la collec-tivité après avoir constaté, contradictoirement, qu’ils sont d’intérêt général. Et si d’autres experts décident, après coup, que le projet doit être amélioré et amendé, et bien tant mieux. Sa réalisation n’en sera que plus exemplaire.

Ma conviction dépasse les débats juridiques, tranchés aussi puisqu’au-jourd’hui seule subsiste une guérilla qui vise à empêcher les travaux, tandis que tous les recours contre le projet en lui-même ont été examinés avec soin, débattus contradictoirement encore, et jugés.

Ma conviction renvoie en vérité à la réalité des territoires et des gens de l’Ouest. Avec les élus de Bretagne et des Pays de la Loire qui soutiennent le

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projet, nous portons une vision du progrès qui est conforme aux aspirations des habitants d’un Ouest dynamique qui se projette vers l’avenir. De tous temps, Bretons et Ligériens se sont tournés, qui vers le fleuve, qui vers l’océan et la mer. Ouverts au monde, voyageurs, mais aussi accueillants et solidaires. Inventeurs du mutualisme, qu’il soit social ou agricole, acteurs d’une synthèse unique entre la démocratie chrétienne et le syndicalisme ouvrier, fiers de leur territoire. Ainsi vont les gens de l’Ouest. Nous sommes fiers aussi de la qua-lité de vie qui est celle de nos départements et de nos communes. Fiers d’un environnement préservé que nous contribuons tous les jours à protéger, mais aussi à faire connaître, en France, en Europe et dans le monde.

Et dans l’Ouest, nous n’aimons pas la bagarre. Mais le débat, oui. Mais pour les grandes décisions, nous recherchons la confiance et le consensus. Aujourd’hui à Notre-Dame-des-Landes, le portrait qui est fait de notre ter-ritoire est à l’opposé de ce que nos concitoyens vivent au quotidien. Ils ne se reconnaissent pas dans les affrontements, dans la virulence des propos, dans l’outrance. L’image de nos territoires est abîmée. En France mais aussi à l’étranger. Des investisseurs nous le disent.

Je suis en colère de voir ce projet, qui n’est ni celui d’un parti politique ni celui d’une ville, et encore moins celui d’un seul homme, érigé en symbole d’une lutte idéologique contre le progrès, le développement et la croissance de nos territoires. Aujourd’hui, dans l’Ouest, l’aéroport. Et demain, ailleurs, à qui le tour  ? Qu’adviendra-t-il des projets d’infrastructures ferroviaires, routières ou d’autres équipements publics ? Quelle minorité active peut décréter que des projets légalement préparés et démocratiquement validés sont d’un coup « inutiles »  ?

Je ne veux pas que l’on nous dicte l’avenir de nos territoires. Nous avons fait un choix moderne, raisonnable et audacieux. Je le revendique pour nos conci-toyens, et demain pour nos enfants.

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7 millions d’habitants sont concernés ! Et nos régions étant parmi les plus dynamiques de France en matière démographique, elles verront leur population augmenter de 1 500 000 habitants d’ici 2040. Et même si nos régions vont plutôt mieux que d’autres, elles sont confrontées à la crise. Oui, la croissance en Bretagne et en Pays de la Loire a été soutenue ces dernières décennies. Nos régions ont même été en tête des régions fran-çaises entre 1990 et 2006, avec une moyenne de croissance du PIB de 2,7% par an contre 1,8% pour l’ensemble de la France. Oui, les Pays de la Loire peuvent se prévaloir du plus faible taux de chômage de France depuis bientôt un an. Mais il est trop élevé chez nous aussi. Bien trop élevé… Et en Pays de la Loire comme partout en France, nos concitoyens placent l’emploi largement en tête de toutes leurs préoccupations.

Je suis déterminé parce que ce projet aura des retombées immédiates et de long terme pour le développement économique, l’emploi, l’attractivité et le rayonnement international des deux régions, des départements de la Loire-Atlantique, de l’Ille-et-Vilaine, de la Vendée, du Morbihan, du Maine-et-Loire, de la Mayenne, des métropoles et des villes de Nantes, de Rennes, de La Baule, de Saint-Nazaire… et bien d’autres : Angers, Laval, La Roche-sur-Yon…

Je suis déterminé parce que je sais que notre dynamisme économique actuel, malgré la crise, est la conséquence directe de choix similaires faits par nos prédécesseurs. Investir aujourd’hui est un devoir moral et une responsabilité politique.

Dans la construction d’une grande infrastructure comme celle-ci, il faut un temps pour tout. La consultation et la concertation, la décision, la préparation. Les événements ont décidé de l’invention d’une étape supplémentaire de dia-logue. Je formule le vœu qu’elle permette une meilleure compréhension du sens réel de ce projet et mette un terme à de vilaines polémiques. Je doute qu’elle entraîne la conviction des opposants les plus radicaux. Mais au moins, ceux

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qui auront accepté de s’exprimer, auront été écoutés. Peut-être sur certains points seront-ils d’ailleurs entendus. Et s’il faut améliorer tel ou tel aspect du projet, si les collectivités en ont la compétence, elles répondront présentes.

Mais bien vite, une autre étape doit s’ouvrir. Gardons l’esprit grand ouvert, mais dans l’intérêt de nos concitoyens, et dans l’intérêt des habitants des communes concernées, faisons vite place à l’action et débutons la construc-tion de l’aéroport du Grand Ouest.

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REMERCIEMENTS

L’écriture d’un livre étant un travail aussi intellectuel que manuel et souvent semé d’embûches ou de moments de doute, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui m’ont aidé de près comme de loin à mener cette entreprise à son terme.

J’associe également à cet ouvrage les collaborateurs et les acteurs engagés à mes côtés sur ce projet et je remercie l’ensemble des personnes qui agissent au quotidien pour défendre et promouvoir le progrès social collectif ainsi que les avancées humaines et planétaires positives et maîtrisées.

Je n’oublie pas, quitte à choquer, de remercier celles et ceux qui se battent jour après jour pour faire respecter, dans la conduite de ce projet ou ailleurs, l’Etat de droit, la Justice et les règles de notre République.

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SOURCES

•Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest http://aeroport-grandouest.fr (archives)

•Préfecture de Loire-Atlantique http://www.loire-atlantique.equipement-agriculture.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-et-urbanisme/Transfert-de-l-aeroport

•Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires http://www.acnusa.fr/index.php/fr/les-aeroports/aeroports-acnusa/nantes-atlantique/32

•Dossier de l’enquête publique de 2006-2007 http://www.loire-atlantique.equipement-agriculture.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-et-urbanisme/Transfert-de-l-aeroport/L-enquete-prealable-a-la-declaration-d-utilite-publique-DUP

•Avis de la Commission d’enquête sur l’utilité publique du projet http://www.loire-atlantique.equipement-agriculture.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-et-urbanisme/Transfert-de-l-aeroport/L-avis-de-la-Commission-d-enquete-sur-l-utilite-publique-du-projet

•Décret d’utilité publique relatif à la réalisation du projet d’aéroport du Grand Ouest http://www.loire-atlantique.equipement-agriculture.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-et-urbanisme/Transfert-de-l-aeroport/Le-decret-d-utilite-publique-relatif-a-la-realisation-du-projet-d-aeroport-du-Grand-Ouest

•Institut national de la statistique et des études économiques http://www.insee.fr/fr/regions/pays-de-la-loire

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3 SITES QUE JE VOUS RECOMMANDE…

•ACIPRAN http://www.acipran.fr

•Pétition « Oui à l’aéroport » http://www.ouialaeroportdugrandouest.fr

•Le Blog du SMA : http://leblogdelaeroportdugrandouest.eu

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Je m’appelle Jacques auxiette et je suis un affreux bétonneur. c’est assez difficile à croire, mais c’est pourtant ce que je lis chaque jour dans la presse. après plusieurs décennies d’engagement à gauche en faveur des politiques sociales et de la promotion du développement durable, voici le seul héritage que l’on voudrait retenir de mon parcours politique : 2000 hectares de béton. et en plus, le chiffre est faux...

Président de la Région Pays de la Loire depuis 2004 et président du syndicat mixte aéroportuaire depuis 2010, me voici donc en première ligne pour défendre un projet qui fait couler beaucoup d’encre : le transfert de l’aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes. Tout aura été dit ou écrit sur cet aéroport. Des choses justes, et beaucoup d’autres tout à fait inexactes et farfelues. J’ai donc décidé d’écrire ce livre pour démêler le vrai du faux et offrir à chacun les outils de compréhension afin qu’il se forge sa propre opinion.

au fil de ces pages, vous découvrirez les 40 ans d’une histoire mouvementée qui nous ont menés jusqu’ici. Je vous expliquerai aussi pourquoi je suis personnellement convaincu que ce projet est un bon projet, mais aussi pourquoi la situation est devenue si compliquée. J’en profiterai pour répondre aux accusations diverses et variées, et je vous prouverai qu’elles peuvent être contredites et démontées. enfin, je dénoncerai certaines pratiques outrancières et méprisables qu’une République ne peut pas tolérer.

AÉROPORT DU GRAND OUEST :

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