Adorer en Esprit Et en Verité St Pierre Julien Eymard 4

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LE DIEU DE BONTÉ « Que le Dieu d'Israël est bon. » (Ps 72, 1) ’était le cri du peuple juif, de David, au souvenir des bienfaits dont Dieu n'avait cessé de les entourer. Quel sera le cri des chré- tiens ? Et n'avons-nous pas beaucoup plus de raisons que les Israélites de nous écrier : « Que le Dieu d'Israël est bon ! » (Ps 72, 1). Les Juifs avaient reçu de Dieu bien moins que nous. Nous avons reçu les biens du ciel : la Rédemption, la grâce, l'Eucharistie. Le don que Dieu nous a fait, c'est Jésus lui-même, c'est l'Eucharistie. Mais les caractères de la bonté de Dieu pour nous dans le don de l'Eucharistie, le recommandent encore bien plus à notre reconnais- sance. Donner, c'est déjà quelque chose sans doute. Bien donner, c'est tout ! Or, Jésus-Christ se donne à nous dans l'Eucharistie sans apparat de dignité. Dans le monde, on fait sentir plus ou moins qui l'on est et le prix de ce qu'on donne. Il le faut, du reste, pour le respect et l'honneur des rapports sociaux. Mais Jésus ne veut pas même cela, pour être plus aimable, plus à notre 117 page 117-192 28/08/08 12:54 Page 1

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PRAYER TO GOD

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  • LE DIEU DE BONT

    Que le Dieu d'Isral est bon. (Ps 72, 1)

    tait le cri du peuple juif, de David, au souvenir des bienfaitsdont Dieu n'avait cess de les entourer. Quel sera le cri des chr-tiens ? Et n'avons-nous pas beaucoup plus de raisons que les

    Isralites de nous crier : Que le Dieu d'Isral est bon ! (Ps 72, 1).

    Les Juifs avaient reu de Dieu bien moins que nous. Nous avons reules biens du ciel : la Rdemption, la grce, l'Eucharistie. Le don queDieu nous a fait, c'est Jsus lui-mme, c'est l'Eucharistie.

    Mais les caractres de la bont de Dieu pour nous dans le don del'Eucharistie, le recommandent encore bien plus notre reconnais-sance. Donner, c'est dj quelque chose sans doute. Bien donner, c'esttout !

    Or, Jsus-Christ se donne nous dans l'Eucharistie sans apparat dedignit. Dans le monde, on fait sentir plus ou moins qui l'on est et le prixde ce qu'on donne. Il le faut, du reste, pour le respect et l'honneur desrapports sociaux.

    Mais Jsus ne veut pas mme cela, pour tre plus aimable, plus notre

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  • porte. Et cependant son corps est glorieux comme au ciel. Il rgne, etles anges lui font leur cour. Il cache sa gloire, il drobe son corps, sonme, sa divinit. Rien ne parat que le voile de sa bont.

    Il s'abaisse, s'humilie, s'anantit, pour que nous n'ayons pas peur de lui.

    Dj, aux jours de sa vie mortelle, il tait si doux et si humble que toutle monde osait l'approcher. Les enfants, les femmes, les pauvres, leslpreux tous venaient sans crainte.

    Maintenant que son corps est glorieux, il ne saurait paratre sans nousblouir. Il se voile donc. Aussi personne n'a peur de venir l'glise. Elleest ouverte tous. On sait qu'on va vers un bon pre qui nous attendpour nous faire du bien et converser familirement avec nous ! Que leDieu d'Isral est bon !

    Jsus se donne nous sans rserve. Il attend que nous venions le pren-dre, avec une patience et une longanimit admirables. Il se donne toussans rebuter personne.

    Il attend le pauvre, le pcheur. Le pauvre vient recevoir, le matin avantson travail, une douce bndiction pour la journe. La manne tombaitdans le camp des Isralites avant le lever du soleil pour qu'on n'attendtpas la cleste nourriture.

    Notre-Seigneur est toujours sur son autel. Il prvient son premier visi-teur. Heureux celui qui reoit la premire bndiction du Sauveur.

    Et les pcheurs, Jsus au Saint-Sacrement les attend des semaines,des mois, des annes entires. Pendant des quarante et des soixanteans, il a les bras tendus vers celui qui se rendra enfin ses instances.

    Venez donc tous moi. Ah ! si l'on pouvait voir la joie de Notre-Seigneurquand on vient lui ! On dirait qu'il est l'intress, que c'est lui qui ygagne.

    Jsus donne sans clat. On ne voit pas ses dons. On s'y attacherait eton oublierait celui qui a donn. Il cache ses mains pour qu'on pense son cur, son amour. En donnant ainsi, il nous apprend donner

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  • secrtement et nous cacher quand nous faisons le bien, afin que lesremerciements remontent Dieu, l'auteur de tout don.

    La bont de Jsus descend jusqu' la reconnaissance. Oui, il estcontent de tout ce qu'on lui donne, on le rjouit. On dirait qu'il en abesoin. Il nous le demande mme, il nous supplie : Mon fils, je vousen conjure, donnez-moi votre cur .

    Sa bont dans l'Eucharistie va jusqu' la faiblesse. Oh ! ici ne nousscandalisons pas. C'est le triomphe de la bont eucharistique. Voyezune mre dont la tendresse ne connat de bornes que la mort.

    Voyez le pre du prodigue qui court au-devant de son fils, qui pleure dejoie en revoyant cet ingrat, ce dissipateur de sa fortune. Dans le monde,on appelle cela de la faiblesse, c'est l'hrosme de l'amour.

    Que dire de la bont du Dieu de l'Eucharistie ? Ah ! Seigneur, oui, il fautdire le scandale de votre bont.

    Jsus s'environne de faiblesse au Saint-Sacrement ; il se laisse insulter,dshonorer, mpriser, profaner sous ses yeux, en sa prsence, au piedde ses autels.

    Et le Pre cleste laisse insulter son Fils bien-aim ? C'est pis qu'auCalvaire. L au moins le soleil se voila d'horreur, les lments pleurrentleur Crateur : ici, rien.

    Ce Calvaire de l'Eucharistie est lev partout il est parti du Cnacle et ilcouvre la terre. Il y sera jusqu' la dernire minute du monde.

    O Dieu ! pourquoi cet excs ? C'est le combat de la bont contre l'ingra-titude. C'est Jsus qui veut avoir plus d'amour que l'homme n'aura dehaine, qui veut aimer l'homme malgr lui, lui faire du bien quand mme.Il s'est rsign tout plutt que de se venger. Il veut sans cesse pour-suivre l'homme par sa bont.

    Voil la bont de Jsus, sans gloire, sans clat, pleine de faiblesse,mais toute resplendissante d'amour pour ceux qui veulent voir. SeigneurJsus, Dieu de l'Eucharistie, que vous tes bon !

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  • LE DIEU DES PETITS

    Je suis pauvre et je mendie. (Ps 39, 18)

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    sus a voulu tre le dernier des pauvres, afin de pouvoir ten-dre la main au plus petit, et de pouvoir lui dire : Je suis votrefrre . Pendant sa vie, le ciel admirait un Dieu devenu pau-

    vre par amour pour l'homme, pour tre son modle et lui apprendre leprix de la pauvret.

    Il n'y a pas, en effet, de pauvre qui soit n si misrablement que le Verbeincarn, ayant pour berceau la paille des animaux, et pour toit la retraitedes troupeaux.

    Grandissant, il a mang le pain d'orge, le pain du pauvre, et pendant savie vanglique, il vivait d'aumnes.

    Enfin, il est mort dans un dnuement qui ne sera jamais gal.

    Et voil que maintenant, glorieux et ressuscit, il fait encore de la pau-vret sa compagne. Il a trouv le moyen d'honorer, de pratiquer la pau-vret. Et Jsus habitant au milieu de nous dans son sacrement est

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  • encore plus pauvre qu'aux jours de sa vie mortelle. Une pauvre glise,pire peut-tre que la grotte de Bethlem, voil bien souvent sa maison.Quatre planches, souvent vermoulues, voil son tabernacle.

    Il faut que ses prtres ou ses fidles lui fassent l'aumne de tout : de lamatire du sacrifice, le pain et le vin ; du linge qui doit le recevoir ou lecouvrir, les corporaux, les nappes d'autel. Il n'apporte du ciel que sa per-sonne adorable et son amour.

    Les pauvres sont sans honneur. Jsus y est sans gloire. Les pauvressont sans dfense, Jsus y est abandonn tous ses ennemis.

    Les pauvres n'ont gure ou point d'amis, Jsus-Eucharistie en a bienpeu. C'est un tranger, un inconnu pour la plupart des hommes. Maiselle est belle et aimable, cette pauvret eucharistique de Notre-Seigneur !

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    Le Seigneur nous demande d'honorer en nous sa pauvret, de l'imiter.Nous serions bien loin de la perfection si nous croyions que c'est la pau-vret temporelle qu'il nous demande. Jsus vise plus haut. Il nous veutpauvres d'esprit.

    Qu'est-ce que la pauvret d'esprit ? C'est l'amour parfait et c'est l'mede la vraie humilit.

    Un homme pauvre d'esprit, convaincu qu'il n'a rien et ne peut rien de lui-mme, se fait de sa pauvret mme le titre le plus puissant et le plusprcieux sur le cur de Dieu. Plus il sera pauvre, plus il aura de droits la bont et la misricorde divines.

    Et remarquons bien que plus le pauvre se met dans sa pauvret, plus ilse met sa place naturelle, car nous sommes nant.

    Et, par consquent, il honore d'autant plus Dieu, son Crateur, il le faitd'autant plus grand et misricordieux !

    Aussi le Seigneur dit par un de ses prophtes : Sur qui arrterai-je mes122

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  • regards d'amour, sinon sur le plus petit des pauvres et sur celui qui a lecur bris ?

    Voil o le bon Dieu trouve sa gloire. C'est dans notre pauvret, qui luirend tout, qui lui fait hommage de tout. Oh le bon Dieu aime tant les pau-vres d'esprit qu'il dpouille ses serviteurs de tout, pour les faire triom-pher par leur pauvret mme.

    Il paralyse leur intelligence, dessche leur cur, leur enlve la douceurde sa grce et de sa paix. Il les livre aux temptes des passions, auxfureurs des dmons. Il leur cache son soleil, il les isole de tout secours.Il se drobe lui-mme en quelque sorte sa crature dsole. Quel dou-loureux tat !

    Non, quel tat sublime ! Le pauvre triomphera de Dieu lui-mme ! PlusDieu le dpouille, plus il l'en remercie comme d'un grand bien. Plus Dieul'prouve, plus il met sa confiance en son inpuisable bont. Et quandle dmon lui montre l'enfer et que ses pchs l'accusent et le condam-nent, qu'il est grand ce pauvre d'esprit, disant Dieu : J'espre envotre infinie misricorde : j'en suis digne, le plus digne, puisque je suisle plus misrable ! Faites-vous justice sur moi en ce monde, mon Dieu.Merci, merci, de me donner l'occasion de payer mes dettes. Encoreplus, Seigneur, j'en mrite encore plus !

    Que peut rpondre le bon Dieu ce pauvre reconnaissant ? Dieus'avouera vaincu par lui. Il l'embrassera, lui ouvrira tous ses trsors. Il lemontrera aux anges avec admiration et leur dira : Voil l'homme quim'a vraiment glorifi .

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Aimons faire l'adoration et la communion, comme le pauvre du bonDieu. Nous y trouverons l'application facile des quatre fins du sacrifice.

    1 Que fait le pauvre quand il va demander l'aumne un bon riche ? Ille salue d'abord avec respect et joie, oubliant qu'il est misrable, malpropre et mal vtu, pour ne penser qu' la bont du riche. Faites demme vis--vis de Notre-Seigneur. Oubliez votre misre pour ne penserqu' sa bont. Adorez-le dans la confiance et l'humilit.

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  • 2 Le pauvre loue ensuite la bont du riche : Vous tes bien bon toutle monde le proclame. Et dj vous avez t bon pour moi ! Et il entredans le dtail des bienfaits reus.

    Ainsi, louez et remerciez la divine bont envers vous, et votre cur trou-vera des expressions et des larmes de reconnaissance bien douces etbien loquentes.

    3 Ensuite le pauvre expose ses misres : Je suis encore votre porteavec mes misres plus grandes que par le pass. Je n'ai que vous ! Jesais que votre bont ne se lassera pas, qu'elle est plus grande que mapauvret, je sais que je vous rends heureux en vous offrant l'occasionde faire du bien .

    Ainsi, sachons exposer nos misres devant Notre-Seigneur, le prendrepar son cur, par le bien qu'il peut faire, et nous le rendrons heureuxcar son amour ne se manifeste que par les effusions de sa bont.

    Quand le pauvre a reu beaucoup plus qu'il ne demandait, il pleure d'at-tendrissement. Il ne pense pas d'abord regarder ce qu'on lui donne,mais ne voit que la bonne grce de son bienfaiteur, et il rpond, il n'aqu'un mot rpondre : Ah que vous tes bon ! Je le savais bien .

    Mais si le riche fait entrer le pauvre, l'invite sa table, se met ct delui, ah ! le pauvre n'a pas le courage de manger, tant il est confus, tou-ch d'une si grande bont ! N'est-ce pas ainsi que Notre-Seigneur noustraite ? Que notre misre nous fasse mieux comprendre sa bont.

    4 Enfin, le pauvre quitte son bienfaiteur en lui disant : Ah si je pouvaisfaire quelque chose pour vous. Au moins, je prierai bien pour votrefamille . Et il s'en va en priant avec bonheur et en bnissant son bien-faiteur.

    Faisons de mme. Prions pour la famille de Notre-Seigneur. Bnissonssa bont. Publions partout sa gloire, et offrons-lui l'hommage de notrecur et de notre vie...

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  • L'EUCHARISTIE, CENTRE DU CUR

    Demeurez en moi. (Jn 15, 4)

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    e cur de l'homme a besoin d'un centre d'affection et d'expan-sion. En crant le premier homme, Dieu dit en effet : Il n'estpas bon que l'homme soit seul. Faisons-lui une compagne

    semblable lui (Gn 2, 18).

    Et l'Imitation dit aussi : Sans un ami, vous ne sauriez vivre heureux .

    Eh bien, Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement veut tre le centre detous les curs, et il nous dit Demeurez dans mon amour. Demeurezen moi (Jn 15, 10).

    Qu'est-ce que demeurer dans l'amour de Notre-Seigneur ? C'est faire decet amour qui vit en l'Eucharistie, son centre de vie, le centre unique desa consolation ; dans les peines, dans les chagrins, dans les dceptions,dans ces moments o le cur se livre avec plus d'abandon, c'est sejeter dans le Cur de Jsus. Il nous y invite. Venez moi, vous tousqui tes accabls, et je vous soulagerai (Mt 11, 28).

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  • Dans la joie, c'est rapporter le bonheur Notre-Seigneur. Car c'est unedlicatesse d'ami de ne vouloir se rjouir qu'avec son ami.

    C'est faire de l'Eucharistie le centre de ses dsirs. Seigneur, je ne veuxcela que si vous le voulez. Je ferai cela pour vous faire plaisir.

    C'est aimer surprendre Notre-Seigneur par un don, un petit sacrifice.

    C'est vivre par l'Eucharistie. Se guider dans ses actions par sa pense,se faire une loi invariable de prfrer tout son bon service.

    Hlas ! Jsus-Eucharistie est-il bien notre centre ?

    Peut-tre dans les peines extraordinaires, dans les prires trs ferven-tes, les besoins urgents ; mais dans l'ordinaire de la vie, pensons-nous,dlibrons-nous, agissons-nous en Jsus comme en notre centre ?

    Pourquoi Notre-Seigneur n'est-il pas mon centre ?

    Parce qu'il n'est pas encore le Moi de mon moi ; parce que je ne suispas entirement sous sa domination, sous l'inspiration de son bon plai-sir ; parce que j'ai des dsirs en rivalit avec les dsirs de Jsus en moi.Il n'est pas tout en moi ! Et cependant un enfant travaille pour sesparents, l'ange pour son Dieu. Je dois donc travailler pour Jsus-Christ,mon Matre.

    Que faire ? Y entrer, en ce centre, y demeurer, y agir. Non pas par lesentiment de sa douceur, qui ne dpend pas de moi, mais par desretours frquents, l'hommage de chaque action. Allons, mon me, sorsdu monde, sors de toi-mme, quitte-toi. Va vers le Dieu de l'Eucharistie.Il a une demeure pour te recevoir, il te veut. Il veut vivre avec toi, vivreen toi. Sois donc en Jsus prsent en ton cur, vis du cur, vis en labont de Jsus-Eucharistie.

    Travaille, mon me, sur Notre-Seigneur en toi, et ne fais rien que parlui. Demeure en Notre-Seigneur. Demeure en lui par un sentiment dedvouement, de sainte joie, de promptitude tout ce qu'il te demandera.Demeure dans le Cur et la paix de Jsus-Eucharistie.

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  • ~~~~~~ II ~~~~~~

    Ce qui me frappe, c'est que ce centre de l'Eucharistie est cach, invisi-ble, tout intrieur. Cependant il est trs vrai, trs vivant, trs nourrissant.

    Jsus attire spirituellement l'me en l'tat tout spiritualis qu'il a auSaint-Sacrement.

    Quelle est, en effet, la vie de Jsus au Trs-Saint-Sacrement ? Elle esttoute cache, toute intrieure.

    Il y cache sa puissance, sa bont. Il y cache sa divine personne. Et tou-tes ses actions, toutes ses vertus, prennent ce caractre simple etcach.

    Il demande le silence autour de lui. Il ne prie plus son Pre avec sou-pirs, avec cris, comme au jardin des Olives, mais par son propre anan-tissement.

    De l'hostie s'chappent toutes les grces. Jsus sanctifie le monde deson hostie, mais d'une manire invisible et spirituelle.

    Il gouverne le monde et l'glise sans quitter son repos, ni sortir de sonsilence. Tel doit tre le royaume de Jsus, tout intrieur. Il faut que je mecentre sur Jsus : mes facults, mon intelligence et ma volont, messens. Autant que possible, il faut que je vive de Jsus et non de moi, enJsus et non en moi.

    Il faut que je prie avec lui, que je m'immole avec lui, que je me consumedans un seul amour avec lui. Il faut que je devienne en lui une seuleflamme, un seul cur, une seule vie.

    Et l'aliment de ce centre n'est pas autre chose que l' egredere d'Abraham. C'est le dpouillement, l'abandon du dehors, l'coulementau-dedans, la perte en Jsus. Et cette vie est plus agrable son cur,honore davantage son Pre : Notre-Seigneur la dsire ardemment.

    Aussi il me dit : Sors de toi, viens dans la solitude avec moi, et je teparlerai au cur, seul seul .

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  • Ah c'est que cette vie en Jsus est l'amour de prfrence. C'est le donde soi, c'est le travail de l'union. Par l, on prend racine, on prpare lanourriture, la sve de l'arbre. Le royaume de Dieu est en vous (Lc17, 21).

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Et il n'y a pas d'autre centre que Jsus, et Jsus-Eucharistie.

    Il nous dit : Sans moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15, 5). Lui seuldonne la grce. Il s'en rserve la disposition pour nous obliger la luidemander et aller lui.

    Par l, il veut tablir et alimenter l'union avec nous. Il se rserve laconsolation, la paix, afin que dans la peine, dans la guerre, nous nousrfugiions en lui. Il veut tre le seul bonheur du cur. Il n'a mis ce cen-tre de repos et rien dautre qu'en lui.

    Pour qu'il ne nous manque jamais quand nous le cherchons, il est tou-jours notre service, toujours prt, toujours aimable. Il nous attire sanscesse vers lui. La vie de l'amour n'est que cette attraction continuelle denous lui.

    Hlas que ce centre est encore faible en moi !

    Que mes aspirations envers Jsus sont encore mlanges, rares, inter-rompues souvent pendant de longues heures. Et cependant Jsus mele rpte : Celui qui m'aime demeure en moi, et je demeure en lui (Jn 15, 4).

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  • LE SOUVERAIN BIEN

    Reste avec nous Seigneur, car il se fait tard. (Lc 24, 29)

    es disciples qui se rendent Emmas sont intrieurementchauffs, illumins, mus de la conversation du divin trangerqui s'est joint eux pendant leur voyage.

    Celui-ci veut les quitter : Restez avec nous, lui disent-ils, demeurez,car il se fait tard (Lc 24, 29). Ils ne pouvaient se rassasier d'entendrele Seigneur. Il leur semblait tout perdre en le perdant.

    De nos jours, nous pouvons bien dire Notre-Seigneur : Oh ! restezavec nous, Seigneur. Sans vous, c'est la nuit, la nuit horrible .

    C'est qu'en effet, l'Eucharistie est le souverain bien du monde. tre privde l'Eucharistie serait le plus grand des malheurs.

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    Jsus est le souverain bien. Avec lui, dit la sagesse, me sont venus tousles biens. Et saint Paul s'crie : Lui qui n'a pas pargn son propre Filsmais l'a livr pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-ilpas toute faveur ? (Rm 8, 32)

    En effet, tout ce qu'il a, tout ce qu'il est, il nous le donne. Il ne peut fairedavantage (Saint Augustin).

    Avec Jsus-Eucharistie, la lumire luit sur le monde. Avec l'Eucharistie,nous avons le pain des forts, le viatique des voyageurs, le pain d'lie qui

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  • nous aide arriver jusqu' la montagne de Dieu, la manne qui nous faitsupporter l'horreur du dsert.

    Avec Jsus, nous avons la consolation, le repos dans les fatigues, lestroubles de notre me, les dchirements de notre cur.

    En l'Eucharistie, nous trouvons le remde nos maux, le prix des nou-velles dettes que nous contractons chaque jour envers la justice divinepar nos pchs. Notre-Seigneur s'offre chaque jour comme victime derparation pour tous les pchs du monde.

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    Mais ce don, au-dessus de tout don, sommes-nous srs de l'avoir tou-jours ?

    Jsus-Christ a promis de demeurer avec son glise jusqu' la consom-mation des sicles. Il n'a fait de promesse aucun peuple, aucun indi-vidu en particulier.

    Il nous restera si nous savons entourer sa personne sacre d'honneuret d'amour. La condition est expresse. L'honneur, Jsus-Christ y a droit.Il le demande.

    Il est notre Roi, notre Sauveur. lui l'honneur avant tout autre honneur. lui le culte suprme de latrie. lui l'honneur public : nous sommes sonpeuple.

    La cour cleste se prosterne en prsence de l'Agneau immol, Ici-bas,Jsus a reu les adorations des anges en entrant dans ce monde, desfoules pendant sa vie, des aptres aprs sa rsurrection. Les peuples etles rois sont venus l'adorer.

    Au Saint-Sacrement, n'a-t-il pas droit plus d'honneur encore, puisqu'ily multiplie les sacrifices et s'abaisse davantage ?

    lui l'honneur solennel, la magnificence, la richesse, la beaut du culte.Dieu avait fix les moindres dtails du culte mosaque, ce n'tait qu'unefigure. Les sicles de foi n'ont jamais cru assez faire pour la splendeur

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  • du culte eucharistique : tmoin ces basiliques, ces vases sacrs, cesornements, chefs-d'uvre d'art et de magnificence.

    La foi oprait ces merveilles. Le culte, l'honneur rendus Jsus-Christsont la mesure de la foi d'un peuple, l'expression de sa vertu. L'honneurdonc Jsus-Eucharistie. Il en est digne, il y a droit !

    Mais il ne saurait se contenter des honneurs extrieurs. Il demande leculte de notre amour, notre service intrieur, la soumission de notreesprit, non point renferms en nous, mais manifests par ces attentionssi tendres, si aimables d'un bon fils pour ses parents, qui vit autour deson pre, de sa mre qui a besoin de les voir, de leur donner des tmoi-gnages de sa tendresse qui, loin d'eux, souffre, languit, qui est l au pre-mier besoin, qui vole au premier signe, qui prvient les dsirs mmeautant qu'il est en lui, qui est prt tout pour faire plaisir son bon pre, sa bonne mre. Voil le culte de l'amour naturel.

    Le culte d'amour que rclame Jsus-Eucharistie est le mme. Il cherchel'Eucharistie, celui qui aime. Il en parle volontiers, il a besoin de Jsus,il tend sans cesse vers lui, il lui offre toutes ses actions, tous les plaisirsde son cur, ses joies, ses consolations, il fait de tout un bouquet pourJsus-Eucharistie.

    C'est ce prix que nous garderons le Trs-Saint-Sacrement, car le per-dre serait le souverain mal.

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Quand le soleil se couche, les tnbres s'amoncellent. Lorsqu'il ne luitpas, il fait froid.

    Si l'amour de l'Eucharistie s'teint dans un cur, la foi se perd, l'indiff-rence rgne. Et dans cette nuit de I'me, les vices sortent comme desbtes fauves pour faire leur proie.

    Oh ! Malheur incomparable ! Qu'est-ce qui pourra ranimer un curglac que l'Eucharistie est impuissante rchauffer ?

    Et ce que fait Jsus-Christ pour les individus, il le fait pour les peuples.

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  • Il n'est plus aim, respect, connu. On le dlaisse, on le mprise. Queferait un roi abandonn de ses sujets ?

    Jsus s'en va, il va vers un peuple meilleur.

    Quels tristes spectacles que ces dlaissements de Notre-Seigneur !L'gypte, l'Afrique, autrefois terres classiques des saints, habites pardes lgions de saints moines, Jsus-Christ les a abandonnes. Depuisque l'Eucharistie n'y est plus, la dsolation y rgne. Mais soyez sr queJsus-Christ n'a quitt la place que le dernier, quand il n'y a plus trouvaucun adorateur.

    Ce nuage de dsolation a pass sur notre Europe : Jsus a t chassde ses temples, profan sur ses autels. Il n'y est plus rentr.

    Notre France a vu diminuer sa foi, son amour envers l'Eucharistie.Aussi, que d'glises livres l'hrsie, o Jsus-Christ avait autrefoisde fervents adorateurs ! Quand leur amour s'est teint, Jsus a fuit, iln'est pas rentr.

    Ce qui effraie aujourd'hui, c'est de voir, dans tant de villes, Jsus-Eucharistie abandonn, laiss seul, absolument seul. Et dans nos cam-pagnes, on ferme les glises par crainte des voleurs, et parce qu'il n'yentre jamais personne ! Est-ce possible ? Voulons-nous donc perdrel'Eucharistie ?

    Sachons bien que, Jsus s'en allant, la perscution, la barbarie revien-dront. Qui donc arrterait ces flaux ?

    O Seigneur, demeurez avec nous ! Nous serons vos fidles adora-teurs ! Mieux vaudrait l'exil, la mendicit, la mort, que d'tre privs devous. Oh ! ne nous infligez pas cette punition d'abandonner le sanc-tuaire de votre amour.

    Seigneur, demeurez, demeurez avec nous, car il se fait tard, il est nuit sansvous. Reste avec nous, Seigneur, parce qu'il se fait tard (Lc 24, 29).

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  • LE TRS-SAINT-SACREMENT N'EST PAS AIM

    Tout le jour, je tends les mains un peuple dsobissant et rebelle.(Rm 10, 21)

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    las ! il n'est que trop vrai, Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement n'est pas aim ! Et d'abord de ces millions depaens qui ne connaissent pas ou connaissent mal

    l'Eucharistie.

    Oh parmi tant de milliers de cratures en qui Dieu a mis un cur capa-ble d'aimer, combien aimeraient le Saint-Sacrement si elles le connais-saient comme moi !

    Ne dois-je pas au moins m'efforcer de l'aimer pour elles, leur place ?Parmi les catholiques, peu, trs peu aiment Jsus au Trs-Saint-Sacrement ; combien pensent souvent lui ? parlent de lui ? viennentl'adorer, le recevoir ?

    Pourquoi cet oubli, cette froideur ? Oh c'est qu'ils n'ont jamais gotl'Eucharistie, sa suavit, les dlices de son amour. C'est qu'ils n'ontjamais connu Jsus dans sa bont. C'est qu'ils ne se doutent pas del'tendue de son amour au Trs-Saint-Sacrement.

    Quelques-uns ont la foi en Jsus-Christ, mais une foi inactive, une foitellement superficielle qu'elle ne va pas jusqu'au cur, mais se borne ce que demande rigoureusement la conscience, le salut. Et encore cesderniers sont-ils relativement peu nombreux parmi tant d'autres catholi-

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  • ques qui vivent en vrais paens, comme s'ils n'avaient jamais entenduparler de l'Eucharistie.

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    D'o vient que Notre-Seigneur est si peu aim en l'Eucharistie ?

    Cela vient de ce qu'on n'en parle pas assez, de ce qu'on ne recom-mande que la foi la prsence de Jsus-Christ, au lieu de parler de savie, de son amour au Trs-Saint-Sacrement, au lieu de faire ressortir lessacrifices que lui impose son amour, en un mot, au lieu de montrerJsus-Eucharistie aimant chacun de nous personnellement, particulire-ment.

    Une autre cause, c'est notre conduite qui dnote en nous peu d'amour nous voir prier, adorer, frquenter l'glise, on ne comprend pas la pr-sence de Jsus-Christ.

    Combien ne font jamais, parmi les meilleurs, une visite de dvotion auTrs-Saint-Sacrement, pour lui parler avec leur cur, lui dire leur amour !

    Ils n'aiment donc pas Notre-Seigneur en l'Eucharistie, parce qu'ils ne leconnaissent pas assez.

    Mais s'ils le connaissent avec son amour, les sacrifices, les dsirs deson cur, et si, malgr cela, ils ne l'aiment pas, quelle injure ! Oui, uneinjure !

    Car, c'est dire Jsus-Christ qu'il n'est pas assez beau, assez bon,assez aimable, pour tre prfr ce qui leur plat. Quelle ingratitude !

    Aprs tant de grces reues de ce bon Sauveur, tant de promesses del'aimer, tant d'offrandes de soi-mme son service, c'est se rire de sonamour que de le traiter ainsi. Quelle lchet !

    Car si on ne veut pas trop le connatre, le voir de prs, le recevoir, luiparler cur cur, c'est qu'on a peur d'tre pris par son amour ! On apeur de ne pouvoir rsister sa bont, on a peur d'tre oblig de se ren-dre et de lui offrir son cur sans rserve, son esprit, sa vie, sans condi-

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    Le Trs-Saint-Sacrement nest pas aim

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  • tion. On a peur de l'amour de Jsus-Christ au Trs-Saint-Sacrement, eton le fuit !

    On se trouble devant lui, on craint de cder. Comme Pilate, Hrode, onfuit sa prsence.

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    On n'aime pas Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement, parce qu'onignore ou que l'on n'examine pas assez les sacrifices que son amour yfait pour nous. Ils sont tellement surprenants que, rien que d'y penser,j'en ai le cur opprim et les yeux en larmes.

    L'institution de l'Eucharistie tait au prix de toute la Passion du Sauveur.Comment cela ? Parce que l'Eucharistie est le sacrifice de la nouvelleloi. Or, il n'y a pas de sacrifice sans victime. L'immolation exige la mortde la victime, et pour participer aux mrites du sacrifice, il faut participer la victime par la manducation. Or, tout cela est dans l'Eucharistie.

    Elle est le sacrifice non sanglant, parce que la victime est morte une foiset que, par cette seule mort, elle a rpar et mrit toute justification ;mais elle se perptue en son tat de victime, pour nous appliquer lesmrites du sacrifice sanglant de la Croix, qui doit durer et tre repr-sent Dieu jusqu' la fin du monde. Nous devons manger notre partde la victime ; mais si elle n'avait cet tat de mort, nous aurions trop derpugnance la manger. On ne mange que ce qui est mort sa proprevie.

    De sorte que l'Eucharistie tait au prix de l'agonie au jardin des Olives,des humiliations qu'il dut subir devant les tribunaux de Caphe et dePilate, de sa mort sur le Calvaire. La victime devait passer par toutesces immolations pour arriver jusqu' l'tat sacramentel et jusqu' nous.

    En instituant son Sacrement, Jsus perptuait les sacrifices de saPassion, il se condamnait subir un abandon aussi douloureux quecelui qu'il endura au jardin des Olives, la trahison de ses amis, de sesdisciples devenant des apostats qui vendraient la sainte hostie auxrengats et aux magiciens.

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  • Il perptuait les reniements qui l'affligrent chez Anne, les fureurs sacri-lges de Caphe, les mpris d'Hrode, la lchet de Pilate, la honte dese voir prfrer une passion, une idole de chair, comme il s'tait vu pr-frer Barabbas, le crucifiement sacramentel dans le corps et dans l'medu communiant sacrilge.

    Eh bien, Notre-Seigneur savait tout cela d'avance, il connaissait tous lesnouveaux Judas, il les comptait parmi les siens, parmi ses enfants bien-aims. Tout cela ne l'a pas arrt, il a voulu que son amour allt plus loinque l'ingratitude et la malice de l'homme. Il a voulu survivre sa malicesacrilge.

    Il connaissait d'avance la tideur des siens, la mienne, le peu de fruitque l'on retirerait de la communion. Il a voulu aimer quand mme, aimerplus qu'il n'tait aim, plus que l'homme ne pourrait le reconnatre. Plusencore ? Cet tat de mort, alors qu'il a la plnitude de la vie et d'une viesurnaturelle et glorieuse ; tre trait comme un mort, regard comme unmort, n'est-ce rien ? Cet tat de mort dit que Jsus est sans beaut,sans mouvement, sans dfense, envelopp dans les saintes espcescomme dans un suaire, et dans le tabernacle comme dans un tombeau.

    Cependant il est l, voyant tout, entendant tout. Il souffre tout comme s'iltait mort. Son amour a voil sa puissance, sa gloire, ses mains, sespieds, son beau visage, sa bouche sacre, tout. Il ne lui a laiss que soncur pour aimer et son tat de victime pour intercder en notre faveur.

    la vue de tant d'amour de Jsus-Christ pour l'homme, qui en est si peureconnaissant, il semble que le dmon triomphe et insulte Jsus. Moi,dit-il, je ne donne rien l'homme, de vrai, de beau, de bon. Je n'ai passouffert pour lui, et je suis plus aim, plus obi, mieux servi que vous.

    Hlas ! il n'est que trop vrai que notre froideur, notre ingratitude sont letriomphe de Satan contre Dieu. Oh ! comment pouvons-nous oublierl'amour de Notre-Seigneur, un amour qui lui a tant cot, auquel il n'arien refus.

    ~~~~~~ IV ~~~~~~

    Il est vrai aussi que le monde fait tous ses efforts pour empcher d'ai-

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  • Le Trs-Saint-Sacrement nest pas aim

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    mer Jsus au Trs-Saint-Sacrement d'un amour vritable et pratique,pour empcher qu'on ne le visite, pour paralyser les effets de cet amour.

    Il absorbe, il lie, il captive les mes dans les occupations, les bonnesuvres extrieures, pour les dtourner d'appliquer longtemps leurs pen-ses sur l'amour de Jsus.

    Il combat mme directement cet amour pratique, et le reprsentecomme non requis, comme possible tout au plus dans un clotre.

    Et le dmon livre une guerre de tous les instants notre amour enversJsus au Trs-Saint-Sacrement.

    Il sait que Jsus est l vivant, substantiel, attirant et possdant directe-ment les mes par lui-mme. Il efface en nous la pense, la bonneimpression de l'Eucharistie. Pour lui, c'est dcisif.

    Et cependant Dieu est tout amour. Et ce doux Sauveur nous crie de sonhostie : Aimez-moi comme je vous ai aims. Demeurez dans monamour. Je suis venu apporter sur la terre le feu de l'amour, et mon plusardent dsir est qu'il embrase vos curs .

    Oh ! la mort, aprs la mort, que doit-on penser de l'Eucharistie,lorsqu'on en voit, qu'on en connat toute la bont, tout l'amour, toutes lesrichesses ?

    O mon Dieu, mon Dieu ! Que devez-vous penser de moi, qui vousconnais depuis si longtemps, qui communie si souvent ? Vous m'avezdonn tout ce que vous pouviez me donner.

    Vous voulez que je vous serve en retour, et je n'ai pas encore la pre-mire vertu de ce service. Vous n'tes pas ma loi souveraine, le centrede mon cur, la fin de ma vie.

    Que faut-il donc que vous fassiez pour triompher de mon cur ?Seigneur, c'est fini, et ma devise sera dsormais : L'Eucharistie pourtoujours !

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  • TRIOMPHE DU CHRIST PAR L'EUCHARISTIE

    Le Christ et vainqueur, il triomphe. il commande. Qu'il dlivre son peu-ple de tous les maux.

    e pape Sixte Quint fit graver ces mots sur l'oblisque qui s'lveau milieu de la place de Saint Pierre, Rome. Ces parolesmagnifiques sont au prsent, et non au pass, pour nous indi-

    quer que le triomphe de Jsus Christ est toujours actuel, et que c'est parl'Eucharistie, en l'Eucharistie qu'il s'accomplit.

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    Christus vincit : Le Christ est vainqueur.

    Notre Seigneur a combattu, il est rest matre du champ de bataille, etil y a plant son drapeau, sa demeure : l'hostie sainte, le tabernacleeucharistique.

    Il a vaincu le juif et son temple : Il a un tabernacle sur le Calvaire, o tou-tes les nations viennent l'adorer sous les espces du Sacrement.

    Il a vaincu le paganisme : Il a choisi pour sa capitale Rome, la ville desCsars. Son tabernacle est dans le temple de Jupiter.

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  • Il a vaincu la fausse sagesse des sages : Devant la divine Eucharistiese levant sur le monde et tendant ses rayons sur toute la terre, lestnbres ont fui comme les ombres de la nuit l'approche du soleil. Lesidoles ont t renverses, les sacrifices abolis. Jsus Eucharistie est unconqurant qui ne s'arrte jamais, qui marche toujours en avant. Il veutsoumettre l'univers son doux empire.

    Toutes les fois qu'il s'empare d'un pays, il y plante sa royale tenteeucharistique. L'rection d'un tabernacle est sa prise de possession.De nos jours encore, il va vers les nations sauvages et partout ol'Eucharistie est porte, partout les peuples se convertissent au chris-tianisme. C'est le secret du triomphe de nos missionnaires catholiqueset de l'insuccs des prdicants protestants. Ici l'homme combat, lc'est Jsus : il triomphe.

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Christus regnat : Le Christ rgne.

    Jsus ne rgne pas sur les territoires, mais sur les mes, et c'est parl'Eucharistie. Un roi doit rgner par ses lois et par l'amour que ses sujetslui portent. Or, l'Eucharistie est la loi du chrtien, loi de charit, d'amour,publie au Cnacle dans l'admirable discours aprs la Cne : Aimezvous les uns les autres ; c'est mon prcepte (Jn 15, 12). Aimez vouscomme je vous ai aims. Demeurez en moi et observez mes comman-dements (Jn 15, 9).

    Loi rvle dans la Communion : comme les disciples d'Emmas, lechrtien voit clair alors et comprend la plnitude de la loi. C'tait la frac-tion du pain qui rendait les premiers chrtiens si forts contre les pers-cutions, si fidles pratiquer la loi de Jsus-Christ : ils persvraientdans la fraction du pain.

    La loi de Jsus-Christ est une, sainte, universelle, ternelle. Rien n'ysera chang, rien ne l'affaiblira. Jsus-Christ lui-mme, son divin auteur,la garde. Et c'est lui qui la grave par son amour dans notre cur. Lelgislateur lui-mme promulgue chacune de nos mes sa divine loi.C'est une loi d'amour. Combien de rois rgnent par amour ? Il n'y agure que Jsus-Christ dont le joug ne soit pas impos par la force. Son

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  • rgne est la douceur mme ; ses vrais sujets lui sont dvous la vie, la mort : ils meurent pour lui rester fidles.

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    Christus imperat : Le Christ commande.

    Aucun roi ne commande l'univers entier. Il a dans les autres rois desgaux. Mais Dieu le Pre a dit Jsus-Christ : je te donnerai toutes lesnations en hritage. Et notre Seigneur, envoyant ses lieutenants par lemonde, leur dit : Tout pouvoir m'a t donn au ciel et sur la terre allezet enseignez, commandez toutes les nations.

    C'est du Cnacle que sont partis ses ordres. Le tabernacle eucharisti-que, prolongement, multiplication du Cnacle, est le quartier gnral duRoi des rois. L reoivent leurs ordres tous ceux qui combattent le boncombat.

    Devant Jsus Eucharistie tous sont sujets, tous obissent, depuis lePape, Vicaire de Jsus-Christ, jusqu'au simple fidle. Le Christ com-mande.

    ~~~~~~ IV ~~~~~~

    Ab omni malo plebem suam defendat ! Que le Christ nous dfende detous les maux.

    L'Eucharistie est le divin paratonnerre qui carte de dessus nos ttes lesfoudres de la justice divine. Comme une mre dvoue et tendre qui,pour soustraire son enfant la colre d'un pre irrit, le cache dans sonsein, l'entoure de ses bras et lui fait un rempart de son corps, ainsi Jsuss'est multipli par le monde, il couvre le monde et l'enveloppe de samisricordieuse prsence. La justice divine ne sait alors o frapper ; ellen'ose pas.

    Et contre le dmon, quelle protection ! Le sang de Jsus qui rougit noslvres, nous rend terribles Satan. Nous sommes teints du sang del'Agneau vritable, l'ange exterminateur n'entrera pas.

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  • L'Eucharistie protge le coupable pour qu'il ait le temps de se repentir.Autrefois le meurtrier, poursuivi par la loi, s'enfuyait dans une glise,d'o l'on ne pouvait le tirer pour le punir. Il vivait l'ombre de la misri-corde de Jsus-Christ. Ah ! sans l'Eucharistie, sans ce Calvaire perp-tuel, que de fois la colre divine et clat sur nos ttes.

    Et combien sont malheureux les peuples qui n'ont plus l'Eucharistie !Quelles tnbres ; quelle anarchie des esprits ; quel froid des curs !Seul Satan rgne en matre, et avec lui toutes les mauvaises passions.

    Pour nous, l'Eucharistie nous dlivre de tous les maux : Christus vin-cit, Christus regnat, Christus imperat ; ab omni malo plebem suamdefendat !

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  • DIEU EST L !

    Le Seigneur est vraiment ici, et je ne le savais pas. (Gn 28, 16)

    our bien juger d'une famille, il faut voir si la loi du respect y estobserve. L o les enfants, les serviteurs, sont soumis et res-pectueux, vous pouvez dire : Voil une bonne et heureusefamille. Le respect, l'honneur rendus aux parents, c'est la reli-

    gion de la famille, comme le respect pour le souverain ou ses reprsen-tants est la religion des socits. Ce ne sont pas les qualits qu'on nousdemande d'honorer, mais la dignit qui vient de Dieu.

    Or, Notre-Seigneur, nous devons le respect. C'est notre premire obli-gation : respect spontan, nullement raisonn, respect d'instinct, souspeine de manquer d'un sens.

    C'est une impression. Il faut honorer Notre-Seigneur partout o il est. Sadignit d'Homme-Dieu le demande : son nom tout genou flchit, auciel, sur la terre et dans les enfers (Ph 2, 10).

    Au ciel, les anges sont prosterns devant sa Majest, tremblants etl'adorant. Le lieu de la gloire de Notre-Seigneur est aussi le lieu de sonsouverain respect. Sur la terre, toutes les cratures obissaient Notre-Seigneur. La mer s'est abaisse sous ses pieds, elle l'a ador. Le soleil,les astres l'ont pleur, l'ont honor quand les hommes le maudissaient.

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  • Et aux enfers, les damns tremblent sous la justice du juge svre desvivants et des morts.

    Du reste, le respect Notre-Seigneur prsent ne doit pas se raisonner.On annonce la cour le roi. Tous se lvent, c'est d'instinct. Le souverainpasse. Tous saluent. Il y a un mouvement spontan de respect et dedfrence. Celui qui n'a plus ce sentiment ou qui veut le dtruire chezles autres, n'est plus un homme.

    Oh ! que les catholiques ont rougir de leur peu de respect en face deNotre-Seigneur ! Je ne parle que du respect d'instinct.

    Allez dans une synagogue si vous vous y tenez mal ou y parlez, on vousmet la porte. Pour entrer dans une mosque, on vous fait retirer voschaussures. Et tous ces infidles n'ont rien de rel dans leurs temples,et nous avons tout. Malgr cela, leur respect dpasse le ntre de beau-coup. Notre-Seigneur pourrait bien dire que le dmon est plus honorque lui : J'ai nourri des enfants, et ils m'ont mpris .

    Je demande aux mres si elles seraient bien contentes d'tre mcon-nues publiquement par leurs enfants. Ce qui nous blesserait tant, pour-quoi le faire vis--vis de Notre-Seigneur ? Pourquoi sommes-nousmoins susceptibles quand il s'agit de l'honneur de Jsus-Christ quequand il s'agit de notre petite dignit ?

    Quoi de plus faux ? Notre dignit ne nous vient que de Dieu, par reflet. Enlaissant perdre le respect envers Notre-Seigneur, c'est celui qui nous estd que nous dtruisons. Oh si Notre-Seigneur nous punissait commenous le mritons, de nos manques de respect Il fit flageller Hliodorepour avoir profan son temple ; mais ici il y a plus que le temple.

    Donnons donc Notre-Seigneur ce premier hommage de sentiment, derespect en entrant en sa prsence. Quand la lgret, la ngligence pr-cdent en nous cet hommage, nous sommes des misrables. Oui, nospchs les plus grands contre la foi sont nos manques de respect.

    Qui a la foi sait o il va. Il va l'glise, vers Notre-Seigneur Jsus-Christ.Il entre en disant, comme saint Bernard, toutes ses occupations :Restez la porte, j'ai besoin d'aller vers Dieu me rconforter. Faites

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  • donc ainsi vous savez combien de temps vous avez rester l'glise :laissez tout le reste. Si vous venez pour prier, vous ne venez pas fairevos affaires. Et si les distractions, l'esprit, les proccupations vous tirail-lent, renvoyez tout cela la porte, sans vous troubler. Restez, mettez-vous en amende honorable, en respect. Tenez vous mieux. Que Notre-Seigneur voie que vous dtestez vos distractions. Par votre tenue, sinonpar votre esprit, vous professez encore sa divinit, sa prsence. Si vousne faites que cela, ce serait dj beaucoup.

    Voyez un saint entrer dans une glise. Il entre sans se soucier de ceuxqui y sont. Il oublie tout pour ne voir que Notre-Seigneur. En face dupape, on ne pense gure aux vques ou aux cardinaux. Au ciel lessaints ne s'amusent pas s'honorer les uns les autres. Non, Dieu seultout honneur et toute gloire. Faisons donc ainsi dans l'glise o il n'y aque Notre-Seigneur.

    Aprs tre entrs, restez un moment en repos. Le silence est la plusgrande marque de respect. La premire disposition la prire, c'est le res-pect. La plupart de nos scheresses dans la prire et de nos indvotionsviennent de ce que nous avons manqu de respect Notre-Seigneur enentrant, ou de ce que nous nous tenons irrespectueusement.

    Oh ! prenons donc la rsolution inbranlable de ce respect d'instinct. Iln'y a pas besoin de raisonner pour cela. Est ce que Notre-Seigneur doitse prouver chaque fois que nous entrons l'glise ? Doit il chaque foisnous envoyer un ange pour nous dire qu'il est l ? Certes, ce serait bienmalheureux ; mais, hlas bien ncessaire.

    Vous devez Notre-Seigneur le respect extrieur, la prire du corps. Rienn'aide tant la prire de l'me. Voyez avec quel soin religieux l'glise a rglles moindres dtails du culte extrieur. C'est que cette prire est trs glorieuse Jsus-Christ. Il nous en a donn l'exemple en priant genoux. La traditionnous le montre priant les bras en croix et levs vers le ciel. Les Aptres nousont conserv cette manire de prier, et le prtre l'emploie au Saint-Sacrifice.

    Et notre corps qui reoit la vie de Dieu, qui vit de ses bienfaits de tousles instants, ne doit-il rien Dieu ? Il faut donc le faire prier par sa pos-ture pleine de respect.

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  • Les attitudes ngligentes du corps amollissent l'me, tandis qu'une pos-ture crucifiante la fortifie et l'aide. Il ne faut pas vous faire souffrir par unetenue trop gnante, mais il faut une tenue svre. N'ayez jamais devantDieu de postures familires. Elles engendrent le mpris. Aimez, soyez ten-dres et affectueux ; familiers, jamais. Les aridits, les indvotions dans laprire ont presque toutes leur source dans l'irrvrence de la tenue.

    Si vous tiez en voyage, ou si vous faisiez des prires de surrogationchez vous, prenez telle posture qui vous gnera moins. Mais devantNotre-Seigneur, il faut faire adorer vos sens. Rappelez-vous combienDieu tait svre sur ce point dans l'ancienne loi. Par quelles menuesprparations ne passaient pas les Lvites ! Dieu voulait leur faire sentirleur dpendance et les prparer bien prier.

    Parce que nous manquons de ce respect extrieur, notre pit est mou-rante. Je sais bien qu'il ne faut pas trembler de peur devant Dieu, qu'ilfaut oser entrer en sa prsence, mais il ne faut pas non plus paratrempriser.

    Cette tenue svre nous est un secours qui nous aide bien prier.Nous le refusons pour satisfaire notre sensualit. Nous croyons trefatigus ; que l'imagination nous trompe souvent !

    Si la pape passait, notre prtendue fatigue ne nous empcherait pas denous tenir genoux. Et quand mme nous serions vraiment fatigus, necraignons pas tant la souffrance, elle ouvre les ailes de la prire. Dumoins, mme alors, ayons une tenue ferme et srieuse. Que les person-nes du monde, si elles sont fatigues, s'asseyent d'une manire ferme ;qu'elles ne se couchent pas sur leur chaise. Ne prenez pas de ces pos-tures qui dtendent l'me et la rendent impropre la prire.

    Pour nous, religieux, nous sommes genoux. C'est la vraie tenue del'adorateur. Si nous sommes trop fatigus, nous nous levons. C'est encoreune posture honorante. Ne nous asseyons jamais. Soyons le soldat duDieu de l'Eucharistie. Que si notre cur n'est pas brlant d'amour, lecorps au moins atteste notre foi et notre dsir d'aimer et de bien faire. Quenotre corps prie donc ; qu'il adore. Soyons tous la cour du Roi Jsus.Pensez que le Matre est l ; frappez-vous l'esprit de cela. Attention Notre-Seigneur Jsus-Christ : Vraiment le Seigneur est dans ce lieu.

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  • LE DIEU DU CUR

    Ayez des penses dignes du Seigneur au sujet de sa bont. (Sg 1, 1)

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    u respect d'instinct, d'hommage extrieur, doit se joindre unrespect d'amour. Le premier honore la dignit de Notre-Seigneur, celui-ci sa bont. Le premier est le respect du servi-

    teur, celui-ci du fils. Or, c'est celui-ci que Notre-Seigneur attache leplus de prix. Et s'arrter au respect d'honneur extrieur, ce serait rester la porte. Notre-Seigneur veut surtout tre honor dans sa bont.

    Dans la loi ancienne, il en tait autrement. Dieu avait crit sur son tem-ple : Tremblez en approchant de mon sanctuaire . Mais aujourd'huique Notre-Seigneur s'est incarn, il veut que nous le servions paramour, et il a crit sur son tabernacle : Venez tous moi, et je voussoulagerai. Venez, je suis doux et humble de cur (Mt 11, 28).

    Pendant sa vie mortelle, Notre-Seigneur n'a fait que conqurir son titrede bon. Les disciples, ses ennemis mme, l'appelaient bon Matre.

    Mais c'est maintenant, c'est dans l'Eucharistie que Notre-Seigneur veutjouir de son titre de bon Matre. Loin de changer, il a augment sa fami-

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  • liarit avec nous. Il veut que nous pensions sa tendresse, que nousdilations notre cur, que ce soit le bonheur de le voir qui nous attire ses pieds.

    C'est la raison de son voile sacramentel. On court davantage vers ce quiest grand que vers ce qui est bon. Si Notre-Seigneur montrait sa gloire,nous nous arrterions l sans aller jusqu' son Cur. Aussi Notre-Seigneur ne veut du respect extrieur que comme un acte premier, quinous conduise son Cur, qui nous fasse rester dans sa paix.

    Si nous voyions Notre-Seigneur dans sa grandeur, nous tremblerions,nous nous jetterions par terre. Nous ne ferions jamais un acte d'amour.Nous ne sommes pas encore au ciel !

    Mais en face de Notre-Seigneur si bon, on prie une heure, deux heures,sans tension d'esprit. Si les distractions viennent, on en demande par-don, et aussi souvent qu'elles se prsentent. On ne se lasse pas. On saitqu'on sera toujours pardonn. Autrement, aprs quelques distractions,on quitterait la prire tout dcourag.

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    La considration de la bont de Notre-Seigneur l'honore. Elle le fait tra-vailler, car sa bont ne peut s'couler que plus bas qu'elle. En me met-tant bien bas, et en me faisant bien petit, je me fais inonder de ses gr-ces, de ses douces effusions. On se met alors avec les pauvres, lespetits, que Notre-Seigneur aimait tant. On dit Notre-Seigneur : Voustes bien bon. Eh bien, voil o pancher votre bont !

    L'Eucharistie, par sa douceur, rend loquente la langue des petitsenfants. Et nous sommes tous des enfants.

    La bont de l'Eucharistie rend nos prires plus faciles et plus suaves.Nous sommes ports nous lever de nos grces, nous en regardercomme les propritaires. Notre-Seigneur n'aime pas cela, il ne fait quenous les prter, pour que nous les fassions fructifier son profit. Il nouslaisse alors envahir par les distractions pour nous humilier. On voudraitprier sans distractions, et on ne peut pas. Je laisserai donc la prire,o je ne fais que pcher , dit-on alors.

    Le Dieu du cur

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  • C'est faux ! Mettez-vous dans la bont de Notre-Seigneur. Vos fautes nevous effraieront plus. La misricorde vous les pardonnera. Elle est enpersonne devant vous.

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Le culte d'amour doit nous faire venir avec grande confiance devantNotre-Seigneur. Personnalisons son amour. Disons-lui : Seigneur, mevoici, moi que vous avez tant aim, attendu ; moi qui vous tendez lesbras . Cette pense vous dilatera. Dites-vous bien que Notre-Seigneurvous aime personnellement. On ne peut demeurer insensible devantune telle pense.

    C'est d'ailleurs le secret du recueillement vrai et pas guind. Pour trerecueilli en Notre-Seigneur et agir tout de mme, et remplir les obliga-tions de votre tat, mettez-vous dans la bont de Notre-Seigneur. Votrecur agira en lui, c'est le recueillement. En mme temps, l'esprit seralibre, indpendant. Vous pourrez l'appliquer tout ce que vous voudrez.Le cur dirige et gouverne la tte. Il lui envoie ses influences.

    C'est ainsi que la prsence de Dieu s'allie tout. Tandis que si votreesprit veut tre toujours sous l'impression de la majest et de la gran-deur, il s'absorbe ou se fatigue. Il perd de vue Dieu ou ses devoirs. Lerecueillement du cur est le vrai. Dieu a mis en nous une petite mesured'esprit vite puise. Mais du cur, il en a mis beaucoup.

    Le cur peut toujours aimer davantage, et la prsence cordiale de Dieus'allie tout. Elle encourage. Avec elle on sait que Dieu est bon et mis-ricordieux. On vit dans sa bont.

    Donnons-lui enfin tout notre cur ! Donc, en entrant en sa prsence,l'honneur de respect instinctif, profond, pour sa majest. Mais de l,allons sa bont et demeurons-y. Demeurez dans mon amour (Jn 15, 9).

    Le Dieu du cur

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  • LE CULTE DE L'EUCHARISTIE

    J'ai aim la beaut de votre maison. (Ps 25, 8)

    n jour une femme, une bonne adoratrice celle-l, vint Jsuspour adorer. Elle apportait avec elle un vase d'albtre rempli deparfums qu'elle rpandit sur les pieds de Jsus, pour lui tmoi-

    gner son amour et honorer sa divinit et son humanit sainte. Pourquoicette profusion ? dit le tratre Judas. Ces parfums auraient pu se vendretrs cher, et on en aurait donn le prix aux pauvres . Mais Jsus vengesa servante : Ce que cette femme a fait, elle l'a bien fait. Et partout osera prch cet vangile, on racontera cette action sa louange (Jn12, 5).

    Voici l'application de ce fait vanglique.

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    Notre-Seigneur est au Saint-Sacrement pour recevoir des hommes lesmmes hommages qu'il reut de ceux qui eurent le bonheur de l'appro-cher durant sa vie mortelle. Il est l, afin que tout le monde puisse ren-dre son humanit sainte des hommages personnels.

    Quand ce serait la seule raison de l'Eucharistie, nous devrions tre bienheureux de pouvoir rendre Notre-Seigneur en personne nos devoirs

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  • de chrtiens. Par cette prsence, le culte public a une raison d'tre unevie. Otez la prsence relle, comment rendrez-vous sa trs saintehumanit les respects et les honneurs auxquels elle a droit ? Notre-Seigneur, comme homme, n'est qu'au ciel et au Trs-Saint-Sacrement.C'est par l'Eucharistie que nous pouvons approcher du Sauveur en per-sonne, vivant, le voir, lui causer. Sans cette prsence, le culte devientune abstraction. Par cette prsence, nous allons Dieu directement, etnous l'approchons comme pendant sa vie mortelle.

    Quel malheur, si nous tions rduits, pour honorer l'humanit de Jsus-Christ, reporter nos souvenirs dix-huit sicles en arrire ! C'est bonpour l'esprit. Mais comment rendre l'hommage extrieur un passaussi loign ? Nous nous contenterions de remercier sans entrer dansla participation des mystres. Mais actuellement, je puis venir adorercomme les bergers, me prosterner comme les mages. Nous n'avonsplus regretter de n'avoir pas t Bethlem ni au Calvaire.

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    Non seulement la prsence de Jsus est la vie du culte extrieur, maiselle nous donne l'occasion de faire l'aumne Notre-Seigneur. Oui,nous sommes plus heureux que les saints sous ce rapport. Ils reoivent,mais ne donnent plus. Et il a t dit : Mieux vaut donner que recevoir.Or, nous donnons Jsus ! Nous lui donnons de notre argent, de notrepain, de notre temps, de nos sueurs et de notre sang.

    N'est-ce pas la plus grande des consolations ? Notre-Seigneur ne vientdu ciel qu'avec sa bont. Il n'a rien autre, et il attend de ses fidles tou-tes ses conditions d'existence ici-bas. Son temple, la matire de sonsacrifice, les lampes, les vases sacrs ncessaires pour qu'il se fassesacrement : nous lui donnons tout !

    Sans ces lumires, sans ce petit trne, Notre-Seigneur ne peut sortir deson tabernacle. Nous les lui donnons, et nous pouvons lui dire : Voustes sur un beau trne, c'est nous qui vous l'avons lev ; c'est nous quiavons ouvert la porte de votre prison et dchir le nuage qui vouscachait, Soleil d'amour ! Dardez vos rayons maintenant dans tousles curs. Et Jsus nous doit !

    Le culte de lEucharistie

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  • Il peut payer ses dettes, il les payera. Il s'est fait garant de ses membrespauvres et souffrants : Tout ce que vous ferez au plus petit de mes fr-res, je vous le rendrai au centuple. Mais si Jsus paye les dettes desautres, plus forte raison payera-t-il les siennes.

    Au jour du jugement, nous pourrons lui dire : Nous vous avons visitnon seulement dans vos pauvres mais en vous-mme, votre augustePersonne. Que nous donnerez-vous en retour ? Les gens du mondene comprendront jamais cela. Donnez, donnez aux pauvres ; mais auxglises, quoi cela sert-il ? C'est perdu, ces profusions sur les autels !Non, l'glise veut un culte vivant, parce qu'elle possde son Sauveurvivant sur la terre. Quel bonheur donc de se faire des rentes ternellesen donnant Notre-Seigneur ! N'est-ce rien ? Mais ce n'est pas tout.Donner Jsus est une consolation, un bonheur. C'est de plus unbesoin.

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Oui, nous avons besoin de voir, de sentir auprs de nous Notre-Seigneur, et de l'honorer, par nos dons. Si Notre-Seigneur ne voulait denotre part que des hommages intrieurs, il manquerait de rpondre unbesoin imprieux de l'homme. Nous ne saurions aimer sans montrernotre amour par des tmoignages extrieurs, d'amiti et d'affection.Aussi la balance de la foi d'un peuple est toute faite dans ses dons auxglises. Si le luminaire brille, si les linges sont propres, les ornementsdcents et entretenus, oh ! il y a la foi, l ! Mais si Notre-Seigneur estsans ornements, dans une glise qui ressemble plutt une prison, lafoi manque ! Que nous sommes misrables ce point de vue en France.

    On donne pour toutes les uvres de bienfaisance. Vous demandezpour le Trs-Saint-Sacrement, on ne sait pas ce que vous dites. Pourorner l'autel de quelque saint, pour un plerinage o s'oprent des gu-risons, on donne encore. Mais au Trs-Saint-Sacrement ? Rien !

    Le roi ira donc en haillons pendant que les serviteurs seront bien orns ?On n'a pas la foi, la foi agissante, la foi qui aime. On n'a qu'une foi sp-culative, ngative. Notre-Seigneur est l. On lui demande sans cessedes grces, la sant, une bonne mort. Mais on n'honore pas sa pauvretdu moindre don ! Si, dit saint Jacques, un pauvre vous demande l'au-

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  • mne et que vous le renvoyiez sans lui rien donner, en lui disant : Allezen paix (Jc 2, 16), vous vous moquez de lui ! Voil Notre-Seigneur quin'a rien, qui attend tout de vous. Vous venez lui dire : Je vous adore,je vous reconnais comme mon Roi, je vous remercie d'tre dans le Trs-Saint-Sacrement . Et vous ne lui donnez rien pour l'honneur de sonculte ! Car tous, oui, tous peuvent donner Notre-Seigneur. Et l'exp-rience prouve que ce ne sont ni les grands ni les riches qui font les hon-neurs du culte eucharistique, mais la masse du pauvre peuple

    Un jour, Notre-Seigneur voyait les pharisiens mettre de grosses som-mes dans le tronc. Il n'en paraissait nullement touch. Mais voici qu'unepauvre femme met un denier. C'tait tout ce qu'elle avait, et Notre-Seigneur l'admire, son cur est mu, et il ne peut s'empcher de le dire ses aptres. Cette pauvre veuve avait donn plus que tous les autres,parce qu'elle avait donn de son superflu. De mme celui qui se privepour donner un cierge, une fleur, donne plus que celui qui facilementpeut apporter de grosses offrandes. Jsus ne regarde gure la quantitdes dons, mais le cur qui les fait. Donnez, donnez donc Notre-Seigneur ! Consolez son dlaissement, secourez sa pauvret.

    ~~~~~~ IV ~~~~~~

    Mais voici davantage. Quoi ! Jsus est ici par amour ? Eh bien ! quandon croit sa prsence, quand on l'aime, je ne comprends pas qu'on nelui donne pas ! Mettez mme de ct la question des mrites et des gr-ces que vous obtenez par vos dons, n'est-ce pas un assez grand hon-neur que de pouvoir donner Notre-Seigneur, que de pouvoir honorerle Roi ? Tout le monde, certes, n'est pas admis prsenter ses homma-ges un roi de la terre. On ne l'obtient qu' force de protections.

    Oserait-on mme, moins d'tre familier avec un ami plus haut placque soi, lui offrir un bouquet de fte ? Eh bien, Jsus est bien Roi, puis-que c'est lui qui les fabrique, les rois, et cependant il droge l'tiquettedes rois de la terre, il permet que nous lui prsentions continuellementnos hommages, il les attend ! Ah ! que cela nous honore ! Profitons-en,il n'y a qu'un temps pour donner. Ici-bas, Dieu veut bien recevoir de nosmains. Ah ! Puissiez-vous avoir souvent la consolation de dire : J'aidonn Notre-Seigneur ! Il se donnera vous en retour.

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  • AIMONS LE TRS-SAINT-SACREMENT Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cur. (Dt 6, 5)

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    uand je serai lev de terre, j'attirerai tout moi (Jn 12, 32).C'est du haut de sa Croix d'abord que Notre-Seigneur a attirtoutes les mes lui, en les rachetant. Mais certainement

    aussi, en prononant ces paroles, Notre-Seigneur avait en vue son trneeucharistique, au pied duquel il veut attirer toutes les mes pour les ylier par les chanes de son amour.

    Notre-Seigneur veut mettre en nous un amour passionn pour lui. Toutevertu, toute pense qui ne se termine pas une passion, qui ne finit paspar devenir une passion, ne produira jamais rien de grand.

    Ce n'est pas de l'amour, que l'affection d'un enfant. Il aime par instinctet parce qu'il se sent aim, il s'aime en ceux qui lui font du bien.

    Un domestique peut se dvouer, il n'aimera vritablement que s'il estdvou par affection pour ses matres, sans pense d'intrt personnel.

    L'amour ne triomphe que quand il est en nous une passion de vie. Sanscela, on peut produire des actes d'amour isols, plus ou moins fr-quents. La vie n'est pas prise, n'est pas donne.

    Or, tant que nous n'aurons pas pour Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement un amour de passion, nous n'aurons rien fait.

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  • Notre-Seigneur, certes, nous y aime avec passion, nous y aime l'aveu-gle, sans penser lui, se dvouant tout entier pour nous. Il faut lui ren-dre la pareille !

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    Notre amour, pour tre une passion, doit subir les lois des passionshumaines. Je parle des passions honntes, naturellement bonnes. Carles passions sont indiffrentes en elles-mmes. Nous les rendons mau-vaises quand nous les dirigeons vers le mal, mais il ne tient qu' nousde nous en servir pour le bien.

    Or, une passion qui domine un homme, le concentre.

    Cet homme veut arriver telle position honorable et leve. Il ne travail-lera que pour cela dix, vingt ans, n'importe. J'arriverai , dit-il, il faitunit. Tout est rduit servir cette pense, ce dsir. Il laisse de ct toutce qui ne le mnerait pas o il tend.

    Un autre veut faire sa fortune, il la limite : j'arriverai possder cela .Il travaille, il ne compte pas la peine, tout lui est moyen en dehors dece but, il est indiffrent tout. Il faut que j'arrive cette alliance hono-rable.

    Comme pour Jacob, sept ans de service ne semblent rien (Gn 29, 18).Il recommencera servir sept ans encore s'il le faut ! J'aurai Rachel. Ettous ses travaux, dit l'criture, ne lui paraissaient rien cause de songrand amour.

    Voil comment on arrive dans le monde. Ces passions peuvent devenirmauvaises, et ne sont, hlas, bien souvent qu'un crime continuel. Maisenfin, elles peuvent tre et sont encore honorables.

    Sans une passion on n'arrive rien. La vie n'a point de but. On traneune vie inutile.

    ~~~~~~ III ~~~~~~

    Eh bien, dans l'ordre du salut, il faut avoir aussi une passion qui domine

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  • notre vie et lui fasse produire, pour la gloire de Dieu, tous les fruits quele Seigneur en attend.

    Aimez telle vertu, telle vrit, tel mystre avec passion. Dvouez-y votrevie, consacrez-y vos penses et vos travaux. Sans cela vous n'arriverez rien, vous ne serez qu'un journalier vos pices, jamais un hros !

    Ayez un amour de passion pour l'Eucharistie. Aimez Notre-Seigneur auTrs-Saint-Sacrement avec toute l'ardeur dont on s'aime dans le monde,mais pour des motifs surnaturels.

    Pour y arriver, vous commencerez par mettre votre esprit sous l'in-fluence de cette passion. Nourrissez en vous l'esprit de foi. Persuadez-vous invinciblement de la vrit de l'Eucharistie, de la vrit de l'amourque Notre-Seigneur vous y tmoigne.

    Ayez une grande ide, une contemplation ravie de l'amour et de la pr-sence de Notre-Seigneur. Vous donnez par l votre amour un foyer quialimentera sa flamme. Il sera constant alors.

    Un homme de gnie conoit un chef-d'uvre. Il l'embrasse du regard del'me. Il en est ravi. Il le ralisera par tous les moyens possibles, au prixde tous les sacrifices. Il ne se lassera pas, il ne se rebutera pas. Sonchef-d'uvre le domine. Il le voit, il ne peut en dtourner sa pense.

    Eh bien, voyez Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement, voyez sonamour que cette pense vous saisisse, qu'elle vous ravisse. Quoi ! Est-ce possible que Notre-Seigneur m'aime au point de se donner toujours,sans se fatiguer jamais ?

    Votre esprit se fixe alors en Notre-Seigneur, toutes vos penses vont lechercher, l'tudier. Vous voulez approfondir les raisons de son amour,vous tombez dans l'tonnement, dans le ravissement, et votre curlaisse chapper ce cri. Comment rpondre tant d'amour ?

    Et voil l'amour du cur qui se forme. On n'aime bien que ce que l'onconnat bien. Et le cur bondit vers le Trs-Saint-Sacrement. Il bondit !Il n'a pas la patience de marcher. Jsus-Christ m'aime ! Il m'aime en sonsacrement.

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  • Le cur briserait, s'il pouvait, son enveloppe de chair, pour s'unir plustroitement Notre-Seigneur.

    Voyez les saints. Leur amour les transporte, les fait souffrir, les embrase.C'est un feu qui les consume, use leurs forces et finit par les faire mou-rir. Heureuse mort !

    ~~~~~~ IV ~~~~~~

    Mais si nous n'allons pas tous jusque-l, tout au moins nous pouvonsaimer avec passion Notre-Seigneur, nous laisser dominer par sonamour.

    N'aimez-vous donc personne du monde ?

    Mres, n'avez-vous pas un amour passionn pour vos enfants ? pou-ses, n'aimez-vous pas avec passion vos poux ? Enfants, avez-vousdans votre cur place pour autre chose que pour vos parents ?

    Eh bien reportez cet amour sur Notre-Seigneur. Il n'y a pas deuxamours. Il n'y en a qu'un. Notre-Seigneur ne vous demande pas d'avoirdeux curs, un pour lui et un pour ceux que vous aimez ici-bas.

    Mres, aimez donc le Trs-Saint-Sacrement avec votre cur de mre,aimez-le comme un fils ! pouses, aimez-le comme votre poux !Enfants, aimez-le comme votre pre !

    Il n'y a en nous qu'une puissance d'aimer, mais tendant vers des objetsdiffrents, avec des motifs divers.

    Il y en a qui aiment la folie leurs parents, leurs amis, et qui ne saventpas aimer le bon Dieu. Mais ce que l'on fait pour la crature, c'est ce quel'on a faire pour Dieu. Seulement, le bon Dieu, il faut l'aimer sansmesure, et toujours davantage.

    ~~~~~~ V ~~~~~~

    Une me qui aime ainsi, n'a qu'une puissance, qu'une vie : Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement. Il est l !... Elle vit sous le coup de

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  • cette pense. Il est l !... Il y a correspondance alors, il y a socit de vie.

    Ah pourquoi donc ne pas en arriver l ? On retourne plus de dix-huitsicles en arrire pour chercher des exemples de vertu dans la vie mor-telle de Notre-Seigneur !

    Mais Notre-Seigneur pourrait nous dire : Vous m'avez aim auCalvaire, parce que j'y efface vos pchs. Vous m'avez aim la cr-che, parce que j'y suis doux et aimable. Pourquoi donc ne m'avez-vouspas aim au Saint-Sacrement, o je suis toujours avec vous ? Vousn'aviez qu' venir. J'tais l, ct de vous .

    Ah ! Au jugement, ce ne sont pas tant nos pchs qui nous effraierontet qui nous seront le plus reprochs. Ils sont pardonns sans retour.Mais Notre-Seigneur nous reprochera son amour.

    Vous m'avez aim moins que les cratures ! Vous n'avez pas fait de moile bonheur de votre vie. Vous m'avez aim assez pour ne pas m'offen-ser mortellement, pas assez pour vivre de moi.

    Mais nous pourrions dire : Sommes-nous donc obligs d'aimer ainsi ?

    Je sais bien que le prcepte d'aimer ainsi n'est pas crit. Il n'y en a pasbesoin. Rien ne le dit, tout le crie : la loi en est dans notre cur.

    Oui, ce qui m'effraie, c'est que les chrtiens penseront volontiers etsrieusement tous les mystres, se dvoueront au culte de quelquesaint ; mais Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement, non !

    Mais pourquoi, pourquoi ? Ah c'est qu'on ne peut regarder attentivementle Trs-Saint-Sacrement sans dire : Il faut que je l'aime, que j'aille levisiter. Je ne puis le laisser seul. Il m'aime trop !

    Pour le reste, c'est loin, c'est de l'histoire : a ne prend pas ainsi le cur.On admire surtout mais ici, il faut se donner, il faut demeurer, il faut vivreen Notre-Seigneur !

    L'Eucharistie est la plus noble aspiration de notre cur. Aimons-la doncavec passion ! On dit : Mais c'est de l'exagration, tout cela . Mais

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  • l'amour n'est que de l'exagration ! Exagrer, c'est dpasser la loi. Ehbien, l'amour doit exagrer !

    L'amour que nous tmoigne Notre-Seigneur en demeurant avec noussans honneurs, sans serviteurs, n'est-il pas exagr aussi ? Celui qui neveut s'en tenir qu' ce qu'il doit absolument, n'aime pas. On n'aime quelorsqu'on sent en soi la passion de l'amour.

    Et vous aurez la passion de l'Eucharistie quand Notre-Seigneur au Trs-Saint-Sacrement sera votre pense habituelle ; quand votre bonheursera de venir ses pieds. Votre dsir constant, de lui faire plaisir.

    Allons ! entrons en Notre-Seigneur ! Aimons-le un peu pour lui. Sachonsnous oublier et nous donner ce bon Sauveur ! Consumons-nous doncun peu. Voyez ces cierges, cette lampe, qui se consument sans rienlaisser, sans rien se rserver. Pourquoi ne serions-nous pas, pour Notre-Seigneur, une offrande dont il ne resterait rien ? Non, ne vivons plus.Que Jsus-Hostie vive seul en nous ! Il nous aime tant !

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  • LEUCHARISTIE, NOTRE VOIE

    Je suis la voie, la vrit et la vie. (Jn 14, 6)

    otre-Seigneur a dit ces paroles alors qu'il tait parmi les hom-mes. Mais elles s'tendent plus loin que la vie humaine duSauveur. Elles sont pour toujours, et il peut toujours les dire

    avec autant de vrit au Trs-Saint-Sacrement. Il y a des chemins fac-tices, des routes de traverse dans la vie spirituelle, des routes qu'onpeut suivre pour un temps et quitter ensuite.

    Notre-Seigneur au Saint-Sacrement est la voie stable. Il est le moyen, ilest le modle. Car il nous servirait de peu de connatre la voie, s'il nenous apprenait, par son exemple, la suivre. On ne va au ciel que parla participation la vie de Notre-Seigneur. Cette vie nous est donne engerme par le baptme. Les sacrements la fortifient. Mais elle consistesurtout dans la pratique et l'imitation des vertus du Sauveur.

    Nous avons besoin de voir Notre-Seigneur l'uvre pour imiter ses ver-tus, de le suivre dans tous les dtails des sacrifices, des travaux qu'el-les demandent pour rgner en nous. Ses vertus sont lapplication de sesparoles. Elles sont ses prceptes en action. Pour arriver la perfection,il faut les dtailler, car il n'y a de parfait que ce qui est particularis.

    Le Verbe ternel, qui voulait nous ramener son Pre, et qui ne pouvait161

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  • au ciel pratiquer les vertus humaines qui impliquent toutes une ide decombat et de sacrifice, s'est fait homme. Il a pris les outils de l'hommeet il a travaill sous ses yeux. Et comme dans le ciel, o il est remontglorieux, il ne peut plus pratiquer nos vertus de patience, de pauvret,d'humilit, il s'est fait sacrement pour continuer d'tre notre modle. Cesvertus ne procdent plus de la libert, il n'en fait plus les actes mritoi-res. Il en a fait son tat, il s'en est revtu.

    Autrefois il en pratiquait les actes. Aujourd'hui il en a revtu extrieure-ment l'tat. Sur terre, il fut humble et humili. Aujourd'hui il rgne glo-rieux, mais sous un tat, une apparence d'humilit au Trs-Saint-Sacrement. Il s'est uni l'tat des vertus d'une manire insparable. En lecontemplant, nous voyons ses vertus et nous savons comment nousdevons en pratiquer les actes. Otez son humiliation, et l'tat sacramen-tel cesse. Otez sa pauvret, qu'il soit suivi d'un cortge magnifique, nousserons anantis devant sa majest, il n'y aura plus d'amour. L'amour nese tmoigne qu'en descendant. La patience, le pardon des injures, il lespratique encore plus qu'au Calvaire. L ses bourreaux ne le connais-saient pas. Ici on le connat et on l'insulte. Il prie pour tant de villes dontil est proscrit. Sans ce cri de pardon, il n'y aurait plus de sacrementd'amour, mais la justice entourerait et protgerait son trne insult.L'acte de la vertu, il ne le pratique plus, il en a l'tat. C'est nous quidevons en faire les actes et ainsi le complter. Par l, il ne fait qu'unepersonne morale avec nous. Nous sommes ses membres agissants,son corps, dont il est le chef et le cur de sorte qu'il peut dire : Je visencore . Nous le compltons, nous le perptuons.

    L donc, au Sacrement, Jsus nous offre le modle de toutes les ver-tus. Nous en tudierons quelques-unes en dtail. Rien n'est beaucomme l'Eucharistie ! Mais, seules, les mes pieuses qui communient,qui rflchissent, peuvent le comprendre. Les autres ne comprennentrien. Il est peu de personnes qui pensent aux vertus, la vie, l'tat deNotre-Seigneur au Saint-Sacrement. On le traite comme une statue. Oncroit qu'il n'est l que pour nous pardonner et recevoir nos prires. C'estfaux. Notre-Seigneur vit et agit. Regardez-le, tudiez-le, imitez-le. Ceuxqui ne le font pas sont obligs de remonter dix-huit sicles en arrire,de lire l'vangile, de le complter quant aux dtails intimes. Ils sont pri-vs de la douceur de cette parole actuelle et prsente : Je suis votrevoie, aujourd'hui moi, je suis votre voie ! Sans doute la vrit ne

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  • dcline pas, et l'vangile est un livre toujours vivant. Mais enfin quellabeur pour retourner toujours en arrire ! Et ce n'est qu'une reprsen-tation qui demande du travail et qui fatigue. C'est plus spculatif, et celasoutient moins la vertu. Les vertus ne se prennent et ne se soutiennentfacilement qu'en l'Eucharistie.

    Rappelons-nous donc que Notre-Seigneur n'est pas au sacrement seu-lement comme dispensateur de ses grces. Il y est aussi et surtout notrevoie et notre modle. L'ducation se fait par la prsence, par une cor-respondance secrte qui existe entre le cur de la mre et celui de l'en-fant. Les trangers n'y russissent pas, tandis que la voix de la mre faitvibrer le cur de son enfant. Nous n'aurons en nous la vie de Notre-Seigneur que si nous vivons sous son inspiration, que s'il nous lve lui-mme. On peut vous indiquer la voie des vertus, mais vous donner lesvertus, faire votre ducation intime, personne ne le peut que Notre-Seigneur.

    Mose et Josu conduisaient le peuple, mais ils taient eux-mmesconduits par la colonne de feu. De mme un directeur spirituel ne vousredit que les ordres de Notre-Seigneur. Il le consulte, il cherche Notre-Seigneur en vous, la grce et l'attrait particulier qu'il a dposs en votreme.

    Pour vous connatre, il cherche connatre Notre-Seigneur en vous, etil vous conduit selon votre grce dominante qu'il dveloppe et appliqueen votre vie sous la conduite du souverain directeur des mes. Il n'a qu'vous redire ses ordres. Eh bien, Notre-Seigneur est au Saint-Sacrementpour tous, et non point seulement pour les directeurs des mes. Touspeuvent l'y voir et l'y consulter. Regardez-le pratiquer les vertus, et voussaurez ce que vous avez faire.

    Si vous lisez l'vangile, transportez-le en l'Eucharistie, et de l'Eucharistieen vous. Vous avez alors une bien plus grande puissance. L'vangile s'il-lumine, et vous avez sous les yeux et rellement la continuation de ce quevous y lisez. Car Notre-Seigneur, qui est le modle, est aussi la lumirequi nous manifeste le modle, qui nous en dcouvre les beauts. Notre-Seigneur au Saint-Sacrement est sa propre lumire, sa propre connais-sance, comme le soleil est lui-mme sa preuve. Il se montre et il se faitconnatre. Il n'y a pas besoin de raisonnements pour cela.

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  • Un enfant ne raisonne pas pour reconnatre ses parents. Ainsi se mani-feste Notre-Seigneur par sa prsence, sa ralit. Mais mesure quenous connaissons mieux sa voix, que notre cur est plus vide et plussympathique, Notre-Seigneur se manifeste sous un jour plus lumineuxet d'une manire intime que ceux-l seuls connaissent qui aiment. Ildonne alors l'me une conviction divine qui clipse toute lumire deraison naturelle. Voyez Madeleine : un seul mot de Jsus, et elle l'areconnu ! Ainsi au Saint-Sacrement, il ne dit qu'un mot, mais qui reten-tit en notre cur : C'est moi ...

    Et on le sent, et on le croit plus fortement que si on le voyait des yeux.Cette manifestation eucharistique doit tre le point de dpart pour tousles actes de la vie. Il faut que toutes les vertus partent de l'Eucharistie.Vous voulez pratiquer l'humilit. Voyez comme Jsus la pratique auSaint-Sacrement.

    Partez de cette connaissance, de cette lumire, et allez la crche, sivous voulez, ou au Calvaire. Et vous y allez plus facilement, parce quec'est dans la nature de notre intelligence de procder du connu l'in-connu. Vous avez au sacrement l'humilit de Notre-Seigneur sous vosyeux. Il vous sera bien plus facile de supposer par l ce qu'elle a tdans sa naissance ou dans tout autre circonstance.

    Faites ainsi pour toutes les vertus. On comprend mieux l'vangile alors.Notre-Seigneur parle par son tat. Il peut mieux que personne expliqueret faire comprendre ses paroles et ses mystres. Il nous donne de plusl'onction pour nous les faire goter en mme temps que nous les com-prenons. On ne cherche plus la mine. On y est, on l'exploite. Ce n'estdonc que par l'Eucharistie que l'on sent toute la force actuelle de cesparoles du Sauveur : Je suis la voie (Jn 14, 6).

    Que toute notre tude spirituelle soit donc de contempler l'Eucharistie,d'y chercher l'exemple de ce que nous avons faire dans toutes les cir-constances de la vie chrtienne. C'est en cela que consiste et par l ques'entretient la vie d'union Jsus-Hostie. C'est par l que nous deve-nons eucharistiques dans notre vie. C'est par l que l'on se sanctifieselon la grce de l'Eucharistie.

    LEucharistie, notre voie

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  • L'ANANTISSEMENT, CARACTRE DE LA SAINTET EUCHARISTIQUE

    Il s'est ananti lui-mme. (Ph 2, 16)

    otre-Seigneur est notre modle au Trs-Saint-Sacrement.Voyons comment il nous enseigne les vertus qui font les saints.Voyons pour cela quel est l'tat de Notre-Seigneur : la forme de

    sa vie sera la forme de nos vertus. En tudiant comment il est, nous sau-rons ce qu'il veut, car l'extrieur indique l'intrieur. Aux paroles, auxmanires, on reconnat ce qu'est l'me. Quand on voyait Notre-Seigneurpauvre, conversant avec les pauvres, on savait qu'il venait nous sauverpar la pauvret. Quand il mourait pour nous, il nous montrait ce quenous avions faire pour aller au ciel. Or, l'tat de Notre-Seigneur auSaint-Sacrement, le caractre qui domine, qui frappe, c'est l'anantisse-ment. Cet tat doit donc nous faire comprendre ses occupations, sesvertus, qui prendront toutes, chacune dans son espce, cette forme, cecachet d'anantissement et d'humilit. Etudiez cet anantissement, etvous saurez ce que vous avez faire pour ressembler votre modleet pour tre dans la grce de la saintet eucharistique. Rappelez-vousque c'est le caractre dominant de Jsus-Hostie, et que ce doit tre levtre, si vous voulez tre dans la grce de l'Eucharistie.

    ~~~~~~ I ~~~~~~

    Or, Notre-Seigneur est la sainte hostie. Il prend l'tat des saintes esp-ces. Il remplace leur substance. Il a subordonn son tat la manired'tre des espces, qui deviennent la forme de sa vie, qui font la loi desa dure. Il est comme leur sujet. Il leur est soumis. Il dpend d'elles.

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  • Elles n'atteignent pas, il est vrai, sa vie divine, et quand elles cessentd'tre, il n'en subit pas de dtriment dans son corps glorieux. Maiscependant, quand elles cessent d'tre, il se retire. Il est uni elles, ilsubit leurs lois de mouvement, d'humiliation, il est trait comme elles. Enles voyant, on voit l'tat, la manire d'tre extrieure de Notre-Seigneur.

    Or, elles sont pauvres, si pauvres qu'elles ne possdent plus leur trepropre. La conscration a dtruit la substance laquelle les avait atta-ches la nature. Elles n'ont plus la proprit naturelle de leur existence.Elles n'existent que par un miracle.

    Ainsi est Notre-Seigneur. Il n'a point de proprit au Saint-Sacrement ;il n'apporte rien du ciel que lui-mme. Il n'a pas en proprit une pierre,une glise. Il est pauvre l'gal des saintes espces, plus pauvre doncqu' Bethlem. L il se possdait, avait un corps qu'il mouvait, qui par-lait, qui pouvait recevoir, grandir, accepter de ses amis. Ici rien. Ondonne autour de lui. Tout cela ne change pas son tat personnel.

    Que l'autel soit d'or, que mille lumires y resplendissent, Jsus n'en estpas moins pauvre ni moins obscur sous les saintes espces. Il est mortcivilement, impuissant rien recevoir. C'est un mort. L'honneur du reli-gieux qui fait le vu de pauvret est de lui ressembler. Il est commeenferm, li dans un linceul. C'est l tout son vtement, toujours lemme ; un vtement qui n'est mme pas une substance ni un tre natu-rel, tellement fragile que, si le miracle cessait, il serait dtruit et ne pour-rait exister un instant. Voil le grand pauvre. On a besoin de le voir, dele considrer pour faire le vu de pauvret. tudiez sa pauvret, qui estcelle de l'hostie, et vous saurez jusqu'o vous devez pousser l'esprit dedtachement et de pauvret.

    De plus, elles sont bien humbles, ces espces. Toujours blanches, maisle blanc n'est pas une couleur. Sa vue prolonge est fastidieuse. AinsiNotre-Seigneur n'a aucune beaut visible au Saint-Sacrement, aucunebeaut humaine, lui qui tait si beau pendant sa vie, le plus beau desenfants des hommes. Le nuage qui l'entoure ne laisse rien apercevoir.Le dernier des hommes est plus lev que Notre-Seigneur. Il est encorequelqu'un. Notre-Seigneur a voulu prendre la loi des espces et n'treque quelque chose.

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    Lanantissement, caractre de la saintet eucharistique

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  • Elles sont immobiles et inanimes. Lui, le Verbe, la vie du monde, lesuprme moteur de tous les tres, la vie de toutes les vies, secondamne rester sans mouvement, sans action. Il s'emprisonne. Il s'yrduit au point que, si petit que soit le fragment d'hostie, il y est encoretout entier. Il a en lui la vie et le mouvement. Il n'en use pas parce qu'ils'est soumis la condition des espces inanimes. On peut l'insulter, leconspuer, il ne se dfendra pas. S'il pouvait encore souffrir, il souffriraitplus en l'hostie que pendant sa vie.

    Mais vous savez ce que dit le prophte en sa personne : Je ne suisplus un homme, mais un ver de terre (Ps 22, 7). Le ver est le dernierdes animaux, immdiatement au-dessus des vgtaux. Le ver estsans vtement, tandis que les autres animaux, mme la chenille, ontune fourrure, un vtement quelconque. Il fut semblable un ver deterre sur la Croix, quand on l'exposa nu aux insultes des bourreaux ;mais ce ne fut qu'un instant. Au Saint-Sacrement, il ne devient pas verde terre, mais il s'expose tre accol aux vers. Que d'hosties sain-tes se gtent par accident ou incurie. Elles se dtriorent, se pourris-sent, les vers s'y mettent, et chassent Notre-Seigneur. Car il nedemeure sous les espces qu'autant qu'elles sont saines. Les versprennent sa place. Et dans l'instant o l'hostie est en dcomposition, moiti dtruite, Jsus-Christ se rfugie dans la dernire partie saine.L'hostie est dispute entre Jsus-Christ et les vers de la dcomposi-tion ! Il a pris toutes les misres des saintes espces quant samanire d'tre extrieure : J'ai surnomm la mort mon pre ; mamre et ma sur, c'est la pourriture (Job 17, 14).

    Enfin les espces n'ont pas de volont. On les prend, on les porte o l'onveut. Quel que soit celui qui lui commande, Jsus ne rsiste point, ne ditjamais non. Il se laisse prendre aux mains d'un sclrat. C'est une desconditions de l'tat qu'il a choisi. Il ne se dfend pas. La socit vengel'agression par la punition de l'agresseur : Notre-Seigneur permet tout...Comment ?... Jusque l ?...

    Il s'est ananti au Calvaire par rapport au bonheur et la gloire de sadivinit, et par rapport au reste des hommes, oui sans doute ; mais c'estici qu'il s'anantit rellement. Le dernier degr de la cration est den'avoir pas de substance propre, de n'tre qu'un accident, une qualit.Or, Jsus-Christ, qui ne peut perdre sa propre substance, prend l'tat

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  • extrieur, les conditions des simples accidents naturels. Tout cela pournous dire : Voyez, et faites comme moi. Jamais nous n'arriverons l'imiter, descendre aussi bas que lui ! Notre regret ternel serad'avoir si peu pens aux abaissements de Jsus-Christ au Trs-Saint-Sacrement.

    ~~~~~~ II ~~~~~~

    Son anantissement clipse tout ce qui est glorieux en lui. Si Notre-Seigneur laissait paratre sa gloire, il ne serait plus notre modled'anantissement, et nous pourrions aussi chercher la gloire et lamajest des vertus. Mais avez-vous vu la gloire de Jsus au Saint-Sacrement ? C'est bien, certes, le soleil voil. Quelquefois il y fait desmiracles. Mais ils sont rares, et ils rappellent et font mieux saisir sonabaissement habituel. Il veut tre entirement clips. Il est plus grandquand il ne fait pas de miracles que quand il en fait. C'est son amour quilui lie alors les mains, s'il nous montrait sa gloire, il ne pourrait plus nousdire : regardez-moi, voyez comme je suis doux et humble de cur .Il nous effraierait.

    Il clipse sa divinit, bien plus que pendant sa vie mortelle. Alors onvoyait toujours quelque chose de divin sur son visage, dans son main-tien. Aussi, avant de l'humilier, les prtoriens lui voilrent les yeux. Sesyeux taient si beaux ! Ici, rien, rien ! L'imagination essaie quelquefoisde peindre ses traits dans l'hostie. Ce n'est pas la ralit. Si on le voyaitau moins quelque jour dans l'anne, dans la vie ! Non, il a voil sa gloirederrire un nuage impntrable.

    Cet anantissement, Jsus-Christ l'a pratiqu dans son tat de gloire, etd'une manire positive et pas seulement ngative. Celui-l s'humiliengativement qui, tant pcheur, indigne des grces de Dieu, reconnatsa misre et son nant. Il lui est facile de reconnatre qu'il n'est rien debon, puisqu'il ne produit que des fruits de mort. Mais l'humilit positivese pratique dans le bien, dans la louange mrite, dans la gloire que l'onoffre Dieu, dont on se prive volontairement pour lui en faire hommage.C'est la leon que Jsus-Christ nous donne par son anantissementeucharistique.

    Humiliez-vous dans vos vertus. Certes le chrtien est grand. Il est l'ami,

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  • l'hritier de Jsus-Christ. Il participe sa nature divine. Sa grce fait delui le temple et l'instrument du Saint-Esprit. Et le prtre, le ministre desplus hauts mystres, qui commande Dieu, qui sanctifie et sauve lesmes, qui les dirige vers Dieu, qu'il est grand ! Et que le chrtien et leprtre, considrer leur dignit sublime, auraient bien sujet de s'lever.

    Si Notre-Seigneur s'tait content de nous grandir comme il l'a fait, nouscourrions grand risque de nous perdre par orgueil. Mais Jsus-Christanantit sa gloire, sa grandeur, et nous crie : Voyez comme je m'humi-lie. Je suis plus grand que vous, certes. Voyez cependant ce que je faisde ma grandeur et ce que je deviens. Si Notre-Seigneur n'tait pas l,abaissant sa gloire, nous ne saurions vous dire : Soyez humbles .Car vous pourriez nous rpondre : Nous sommes des princes de lagrce ! C'est vrai, mais regardez votre Roi ! C'est cette pense quijette genoux devant Notre-Seigneur les vques, le pape lui-mme. les voir anantis en sa prsence, on confesse que Dieu seul est vrai-ment grand.

    Et d'o vient notre orgueil, cet orgueil spirituel qui s'lve des grcesreues, des dons de Dieu, du cercle d'amis vertueux et saints, de l'in-fluence que l'on peut avoir sur les mes, sinon de l'oubli del'Eucharistie ? Quand vous communiez, vous vient-il cet orgueil ? Quandvous sentez Jsus en vous qui vous dit : Vous vous levez des dignitset des grces que je vous ai donnes, de l'amour privilgi que je vousporte. Mais moi je m'anantis. Faites donc au moins comme moi !

    Mditer Notre-Seigneur ananti au Saint-Sacrement, c'est le vrai che-min de l'humilit. On comprend que son anantissement est la plusgrande preuve de