Adieu de Balzac, Un Texte Qui Soigne Ou Un Texte Qui Tue

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Adieu ! de Balzac, un texte qui soigne ou un texte qui tue ?Jean-Luc MartineUniversit de BourgogneOn arrive Adieu !1 par la bande, par le ct. Quil soit signal lattention parlebeaulivrede!"os"ana#el"$an%, &uil vienneavecdautreste'tesbre(s dans lune ou lautre de ses ditions de poc"e, &uil participe de ltrange lection scolaire dun classi&ue bon $arc" parce &uil est bre(, on ) vient de biais. *est un rcit en $arge, &ui (lotte un peu dans larc"itecture de la Comdie. *est surtout un rcit des $arges &ue ce tr+s trange petit te'te de 1,-. / il participe de lros ro$anti&ue dcrit par 0ierre La(orgue-. La nouvelle est date de $ars. 1lle para2t dans la revue d1$ile 3irardin, La Mode, en deu' livraisons, la pre$i+re en $ai et les deu' autres en 4uin, sous le titre Souvenirs soldatesques/Adieu. 0ar la suite, le te'tenavigueunpeudanslaComdieHumaineenconstruction. 1n1,-%, ilse trouve dans la seconde dition des Scnes de la vie prive, sous un titre trange, Le Devoir dune femme. 5 partir de 1,-6, il sint+gre au' tudes pilosopiques, sous le titre&ue nouslui connaissons.*ette(ortune&uel&uepeu erranteren(orceses singularits. 7eu' sortes de propos sont tenus son su4et, soit &ue lon insiste sur sa participation au rcit des grandes "eures de l1$pire et la constitution dune $$oire et dune lgende, soit &ue lon isole le t"+$e de la (olie, et particuli+re$ent, co$$e le (ait !. #el"$an, de la (olie des (e$$es. 8ous voudrions tenter darticuler ces deu' co$posantes 9 une i$age de l"istoire $ilitaire et une reprsentation de la (olie, pour envisager la $ani+re dont ce petit rcit propose une $ditation sur les pouvoirs curati(s de lacte de reprsenter, et ainsi sur lapuissancedel:uvrevenir co$$e anal)se et co$$e soindes d)s(onctionne$ents de &uel&ue c"ose co$$e une ps)c" sociale.;l nest pas inutile denvisager rapide$ent les donnes narratives de cette (iction. La pre$i+re partie . Lors&uela$)strieusecraturerappara2t, souslestraitsdune (olle, 0"ilippe svanouit. On apprendra ensuite &uil a reconnu dans cette (e$$e !tp"anie de Aandi+res, la $a2tresse passionn$ent ai$e &uil pensait $orte en Eussie. Le lende$ain, le Mar&uis d@lbon se rend au prieur, pour recueillir des in(or$ations. ;l ) rencontre les trois personnages &ui vivent l reclus 9 3enevi+ve, !tp"anieet le$decin#an4at, lonclede!tp"anie, &ui lui (ait lelongrcit rtrospecti( &ui occupeladeu'i+$e partie. *ettevasteanalepsecentrale dploie les vne$ents des %B et %, nove$bre 1,1%. La nouvelle inscrit ses personnages dans la droute de lar$e i$priale, en un long passage apocal)pti&ue, au ter$e du&uel 0"ilippe sauve !tp"anie et son $ari, le gnral de Aandi+res, en leur laissant une place sur le radeau &ui les conduit de lautre cot de la rivi+re, apr+s le((ondre$ent des ponts. Le $ari to$be leau et il est dcapit par un $orceau de glace &ui drive, la vico$tesse perd la raison en criant =@dieu= son a$ant. *est ce seul $ot &uelle conserve dans sa (olie. Le rcit donne &uel&ues l$ents sur lerrance de la 4eune (e$$e sur les&uels nous reviendront, avant &uelle soit recueillie par son oncle, &ui tente vaine$ent delasoigner. Latroisi+$epartie est consacreau' tentativesdegurisonde0"ilippeet leurc"ec. 7courag, il rentredanssa propritde!aint-3er$ain, oHil construit unereconstitutionscrupuleusedela BrIina a(inde (aire revivre !tp"anie le c"oc &ui lui a coLt la raison. Le'prience se (ait au dbut du $ois de 4anvier. 1n traversant cette reconstitution, !tp"anie revient la raison, $ais elle $eurt aussitt dans les bras de son a$ant. Lanouvelleco$porteunbre(pilogue, oHlete$psdurcit re4oint celui dela narration, &ui relate ltrange suicide de 0"ilippe, di' ans apr+s les vne$ents &ui en sont la cause.La (olie est la $aladie du te'te. 1lle a((ecte $a4oritaire$ent et $assive$ent les personnages ($inins. MF$e si 3enevi+ve nest pas e'acte$ent (olle puis&uelle est donne co$$e une idiote, sa (onction narrative larticule la (olie de !tp"anie, dont elle est une dpendance. BalIac na cependant rien dire vrai$ent sur la (olie. !il le (ait $algr tout, cest de $ani+re indirecte. *es (olies sontdes(oliesdete'te, donneslirepource&uellesserventsigni(ierou probl$atiser. @ussi, elles se propagent tr+s au-del des ps)c"s &uelles tour$entent. 1n (ait, elles ne sont saisissables &uen de"ors de toute intriorit. Les (olies du te'te ne sont &ue des e'triorits pures. 1lles (onctionnent et apparaissent co$$edestroublesdunenarrationincapabledesigni(ier ce&uelleconstruit. C tudes pistm, nD 1- .1%-* @dieu M de +al,ac- un te.te qui soi/ne ou un te.te qui tue 0*BalIac pose la (olie co$$e un indicible, non pas parce &uelle serait inaccessible, $ais si$ple$ent parce &uelle nest rien, &uelle nest que ngation. La (olie de !tp"anie, dans lordre de la narration, co$$ence bien avant &ue le personnage entre en sc+ne, bien avant &ue ses troubles aient (ait lob4et de la $oindre description. 1lle sinscrit dans un dcor &ui lui-$F$e traduit une srie de s)$pt$es, en superposant plusieurs sries de signes dont la pluralit construit une insu((isance &ui (or$e s)$pt$e. La (olie surgit de lerrance. 1lle est au bout dun c"e$in gar. 1lle ne se situe pas dans un espace &ui serait contigu avec celui des autres personnages. 1lle a((ecte le $asculin, $ais du de"ors. La (olie vient dans le discontinu, la$arge. Lercit agenceavecsoincetterupturedeplans. Les "o$$es se sont perdus dans leur c"asse, les (olles peuvent appara2tre, $ais il leur (aut un espace spci(i&ue, &ue le rcit travaille agencer, au bout dune parodie de nau(rage 9;ls continu+rent $arc"er en silence. Quand la douleur du colonel parut dissipe, le conseiller retrouva sa (atigue N et avec lOinstinct ou plutt avec le vouloir dOun "o$$e "arass, son :il sonda toutes les pro(ondeurs de la (orFt N il interrogea les ci$es des arbres, e'a$ina les avenues, en esprant ) dcouvrir &uel&ue g2te oH il pLt de$ander lO"ospitalit. 1n arrivant un carre(our, il crut apercevoir une lg+re (u$e &ui sOlevait entre les arbres. ;l sOarrFta, regarda (ort attentive$ent, et reconnut, au$ilieudOun $assi( i$$ense, les branc"es vertes et so$bres de &uel&ues pins.-Une$aisonMune$aisonMsOcria-t-ilavecleplaisir&uOaurait euun$arin crier 9 Perre M terre M0uis il sOlanJa vive$ent travers un "allier asseI pais, et le colonel, &ui tait to$b dans une pro(onde rFverie, lO) suivit $ac"inale$ent.-JOai$e$ieu'trouvericiuneo$elette, dupainde$nageetunec"aise, &ue dOaller c"erc"er *assan des divans, des tru((es et du vin de Bordeau'.*esparoles taient unee'cla$ationdOent"ousias$earrac"eauconseiller par lOaspect dOun $ur dont la couleur blanc"Gtre tranc"ait, dans le lointain, sur la $asse brune des troncs noueu' de la (orFt.QLespace des (olles est d4 de la (olie pro4ete dans le $onde, dispose peu peu enstratessuccessives. Lespre$i+resnotationsportentsurlaclture. Lespace estainsi la(oisprotecteuret carcral, tr+snette$entspar. ;lestaussili lisole$ent par sa destination $onacale, ce &ui la((ecte dune sacralit vague, destination est"ti&ue, &ui parle gale$ent de linterdit des dsirs et de la transgression. *est aussi, peut-Ftresurtout, unespace$asculin, unespacedu $asculin . Le te'te se((orce alors de poser uncli$at &ui e$prunte ses traits divers $od+les. Onparlera des c"ar$es =poti&ues= dune con(usion, dune indistinction, entre art et nature. ;l sagit aussi de larti(ice idal,de la reprsentation par(aite,de lillusion.1n cela, le passage Q Adieu !- op. cit., p. %B.C tudes pistm, nD 1- .1%Q(ean)Luc Martine(onctionne co$$e un co$$entaire $tate'tuel &ui ne prendra sa valeur &u la (in du rcit6. Le lieu vo&ue gale$ent la retraite, la$ortisse$ent des passions, ce &ui (igure la $ani+re dont la (olie des (e$$es est labore co$$e atara'ie ulti$eK. *ependant, BalIac c"ange de registre pour (aire passer la description dans lordre de la $lancolie des ruines, dont labandon utilise le discours de la $aldiction, par oHlapeur et le(antasti&uepourraient entrer dans lete'te, sils ntaient soigneuse$entneutraliss,au pro(itdautres intentions.L"o$$e sest retir du lieu, co$$e l"u$ain sest retir de lG$e de !tp"anie 9Quel dsordre M se dit $onsieur dO@lbon apr+s avoir 4oui de la so$bre e'pression &ue les ruines donnaient ce pa)sage, &ui paraissait (rapp de $aldiction. *Otait co$$e un lieu (uneste abandonn par les "o$$es. Le lierre avait tendu partout ses ner(s tortueu' et ses ric"es $anteau'. 7es $ousses brunes, verdGtres, 4aunes ou rouges rpandaient leurs teintes ro$anti&ues sur les arbres, sur les bancs, sur les toits, sur les pierres. Les (enFtres ver$oulues taient uses par la pluie, creuses par le te$ps N les balcons taient briss, les terrasses d$olies. Quel&ues persiennes ne tenaient plus &ue par unde leurs gonds. Les portes dis4ointes paraissaient ne pas devoir rsister un assaillant. *"arges des tou((es luisantes du gui, les branc"es des arbres (ruitiers ngligs sOtendaient au loin sans donner de rcolte.7e "autes"erbescroissaient danslesalles.*es dbris4etaient dans le tableaudese((ets dOuneposieravissante, et desidesrFveuses danslOG$edu spectateur. Un po+te serait rest l plong dans une longue $lancolie, en ad$irant ce dsordre pleindO"ar$onies, cette destruction&ui nOtait pas sans grGceB.Laligne$tate'tuellereprendalors&uel&uesdroits, lors&uelete'tevo&uela possibilit dun discours &ui serait directement celui du pa)sage. 5 la (aveur dun ra)ondesoleil, lelieu parle,ce&uientenddirelessencedudescripti(. Lelieu parleaussi poursetaire, ce&ui indi&uelergi$edalternance, entreparoleet ap"asie, sur le&uel le rcit est construit. Le lieu na rien dautre dire &ue cette succession, discours et silence 9 1n ce $o$ent, &uel&ues ra)ons de soleil se (irent 4our travers les crevasses des nuages, illu$in+rent par des 4ets de $ille couleurs cette sc+ne de$i sauvage. Les tuiles brunes resplendirent, les $ousses brill+rent, des o$bres (antasti&ues sOagit+rent sur les prs,sous les arbres N des couleurs $ortes se rveill+rent,des oppositions pi&uantes se co$battirent, les (euillages se dcoup+rent dans la clart. Pout coup, la lu$i+re disparut. *e pa)sage &ui se$blait avoir parl, se tut, et 6p. %, 9 =Le parc paraissait avoir une &uarantaine dOarpents. @upr+s de la $aison, rgnait une verte prairie,"eureuse$entdcoupeparplusieursruisseau'clairs,pardesnappesdOeaugracieuse$ent poses, et sans aucun arti(ice apparent. R et l sOlevaient des arbres verts au' (or$es lgantes, au' (euillages varis. 0uis, des grottes "abile$ent $nages, des terrasses $assives avec leurs escaliers dgrads et leurs ra$pes rouilles i$pri$aient une p")siono$ie particuli+re cette sauvage P"baSde. LOart ) avait lga$$ent uni ses constructions au' plus pittores&ues e((ets de la nature=.Kp. -. 9 =Les passions "u$aines se$blaient devoir $ourir au'pieds deces grands arbres &ui d(endaient lOapproc"e de cet asile au' bruits du $onde, co$$e ils ) te$praient les (eu' du soleil=.B 12id.C tudes pistm, nD 1- .1%6* @dieu M de +al,ac- un te.te qui soi/ne ou un te.te qui tue 0*redevint so$bre, ouplutt dou'co$$elaplus douce teinte dOuncrpuscule dOauto$ne,.@vecle$ot d@lbon dun tas de$isrables,!tp"anie resteperJue sur le $ode du dsir $asculin lors&uelle est lob4et des soins, sans doute plus dlicats, de son a$ant. 1lle continue dFtre un corps dsirable, avec le&uel on peut 4ouer ou &ue lon peut (aire 4ouer 9Lecolonel descendait c"a&ue$atindansleparcNetsi, apr+savoirlongte$ps c"erc" la co$tesse, il ne pouvait deviner sur &uel arbre elle se balanJait $olle$ent, ni le coin dans le&uel elle sOtait tapie pour ) 4ouer avec un oiseau, ni sur &uel toit elle sOtait perc"e, il si((lait lOair si cl+bre de 9 0artant pour la !)rie, au&uel se rattac"ait le souvenir dOune sc+ne de leurs a$ours. @ussitt !tp"anie accourait avec la lg+ret dOun (aon. 1lle sOtait si bien "abitue voir le colonel, &uOil ne lOe((ra)ait plus N bientt elle sOaccoutu$a sOasseoir sur lui, lOentourer de sonbrassec etagile. 7anscetteattitude,si c"+reau' a$ants,0"ilippedonnait lente$ent &uel&ues sucreries la (riande co$tesse. @pr+s les avoir $anges toutes, il arrivait souvent!tp"aniedevisiterlespoc"esdesona$ipardes gestes&uiavaient lavlocit$cani&uedes$ouve$entsdusinge. Quandelle tait bien sLre &uOil nO) avait plus rien, elle regardait 0"ilippe dOun oeil clair, sans ides, sans reconnaissance N elle 4ouait alors avec lui N elle essa)ait de lui ter ses bottes pour voir son pied, elle dc"irait ses gants, $ettait son c"apeau N $ais elle lui laissait passer les $ains dans sa c"evelure, lui per$ettait de la prendre dans ses bras, et recevait sans plaisir des baisers ardents N en(in, elle le regardait silencieuse$ent &uand il versait des lar$es N elle co$prenait bien le si((le$ent de 9 0artant pour la !)rie N $ais il ne put russir lui (aire prononcer son propre no$ de !tp"anie M--*e corps dinstinct est priv littrale$ent de toute (acult de reconnaissance . *e nestpas(orcerlesens&uedenvisager&uela$connaissancedetoutprincipe viril 4usti(ie le dsir de tuer les (e$$es, dsir &ui traverse lense$ble du rcit, et &ui trouvesonac"+ve$ent danslasinguli+regurisonde!tp"anie, apr+s&ue #an4at, par un pieu' $ensonge, aura sauv une pre$i+re (ois sa protge 90"ilippe tait soutenu dans son "orrible entreprise par un espoir &ui ne lOabandonnait 4a$ais.!i,parunebelle$atinedOauto$ne,il vo)aitlaco$tesse paisible$ent assise sur unbanc, sous un peuplier 4auni, le pauvre a$ant se couc"ait ses pieds, et la regardait dans les )eu' aussi longte$ps &uOelle voulait bienselaisservoir, enesprant &uelalu$i+re&uisOenc"appait redeviendrait intelligente N par(ois, il se (aisait illusion, il cro)ait avoir aperJu ces ra)ons durs et i$$obiles, vibrant denouveau, a$ollis, vivants, et il sOcriait 9 - !tp"anieM !tp"anieMtu$Oentends, tu$evoisMMaisellecoutait lesondecettevoi' -% p. B--BQ.-- p. ,%.C tudes pistm, nD 1- .1-K(ean)Luc Martineco$$e un bruit, co$$e lOe((ort du vent &ui agitait les arbres, co$$e le $ugisse$entde lavac"esur la&uelleellegri$paitN etlecolonel se tordait les $ains de dsespoir, dsespoir tou4ours nouveau. Le te$ps et ces vaines preuves ne(aisaient &uOaug$enter sadouleur. Unsoir, parunciel cal$e, au$ilieudu silenceetdelapai'decec"a$pFtreasile, ledocteuraperJut deloinlebaron occup c"arger un pistolet. Le vieu' $decin co$prit &ue 0"ilippe nOavait plus dOespoir N il sentit tout son sang a((luer son coeur, et sOil rsista au vertige &ui sOe$parait de lui, cOest &uOil ai$ait $ieu' voir sa ni+ce vivante et (olle &ue $orte. ;l accourut.- Que (aites-vous M dit-il.- *eci est pour $oi, rpondit le colonel en $ontrant sur le banc un pistolet c"arg, et voil pour elle M a4outa-t-il en ac"evant de (ouler la bourre au (ond de lOar$e &uOil tenait.La co$tesse tait tendue terre, et 4ouait avec les balles.- Aous ne saveI donc pas, reprit (roide$ent le $decin &ui dissi$ula son pouvante, &ue cette nuit, en dor$ant, elle a dit 9 - 0"ilippe M- 1lle $Oa no$$ M sOcria le baron en laissant to$ber son pistolet &ue !tp"anie ra$assa N $ais il le lui arrac"a des $ains, sOe$para de celui &ui tait sur le banc, et se sauva.- 0auvre petite, sOcria le $decin, "eureu' du succ+s &uOavait eu sa superc"erie. ;l pressa la (olle sur son sein, et dit en continuant 9 - ;l tOaurait tue, lOgoSste M il veut te donner la $ort, parce &uOil sou((re. ;l ne sait pas tOai$er pour toi, $on en(ant M 8ous lui pardonnons, nOest-ce pas T il est insens, et toi T tu nOes &ue (olle. Aa M 7ieu seul doit te rappeler prs de lui. 8ous te cro)ons $al"eureuse, parce &ue tu ne participes plus nos $is+res, sots &ue nous so$$es M Mais, dit-il en lOasse)ant sur ses genou', tu es "eureuse, rien ne te g+ne N tu vis co$$e lOoiseau, co$$e le dai$-Q.Mais sil n) a pas dautre issue, pour les (e$$es, &ue la (olie ou la $ort, l"istoire tragi&ue invite considrer un autre degr de su4tion, dont les "o$$es nesont pas sau(s. !i l"roSs$e de0"ilippeest ncessairelcono$ieet lest"ti&ue de la narration, la BrIina c"arrie les tristes (ant$es dune "u$anit anantie. Une (ois la part (aite la puissance intrins+&ue de lpisode, ainsi &uau tour de(orcedesoncriture, il convient nepas oublier ce&uil peut vouloir signi(ier en transposant dans lordre viril les l$ents dune pat"ologie &ui prend la (orce dune vision cos$i&ue. Le ro$antis$e de BalIac se$ble renouer avec les intuitions pro(ondes de la (olie renaissante 9 la BrIina est un cos$os rendu au c"aos. Mais ce nest plus une (olie vrai$ent cos$ologi&ue, cest la traduction en ter$es cos$i&ues dune (olie "istorico politi&ue, dun gare$ent pro(ond du sens de lWistoire N la BrIina signi(ie la (in dun $onde,la (in dun Gge. 1n elle le si+clevenirsedisposeco$$eunarcane, celuidunervolutionrendueses nig$es, dun 1$pire e((ondr et dune restauration co$$e i$probable retour du pass. 0"ilippe est l"o$$e de la rvolution, n en 1B,? il est port par la vague i$priale.Or,son "istoire, lors&uelle croise celle du si+cle,le (ragilise et laile -Q p. ,%-,-.C tudes pistm, nD 1- .1-B* @dieu M de +al,ac- un te.te qui soi/ne ou un te.te qui tue 0*so$bre de la (olie passe gale$ent sur lui. !a conscience est su4ette de (r&uentes inter$ittences, et le soupJon de sa d$ence revient rguli+re$ent 9Mais, 0"ilippe, vous ne co$preneI donc plus le (ranJais T Aous aveI sans doute laiss votre esprit en!ibrie, rpli&ua le gros "o$$e en lanJant un regard douloureuse$ent co$i&ue sur un poteau &ui se trouvait cent pas de l.-6;l (aut&uevousnOa)eI4a$aisai$, rpondit leconseillerdOunairpiteuse$ent co$i&ue, vous Ftes aussi i$pito)able &ue lOarticle -.Q du *ode pnal M0"ilippe de !uc) tressaillit viole$$ent N son large (ront se plissa N sa (igure devint aussi so$bre &ue lOtait le ciel en ce $o$ent. Quoi&uOun souvenir dOune a((reuse a$ertu$e crispGt tous ses traits, il ne pleura pas. !e$blable au' "o$$es puissants, il savait re(ouler ses $otions au (ond de son c:ur, et trouvait peut-Ftre, co$$e beaucoup de caract+res purs, une sorte dOi$pudeur dvoiler ses peines &uand aucune parole "u$aine nOen peut rendre la pro(ondeur, et &uOon redoute la $o&uerie des gens &ui ne veulent pas les co$prendre. Monsieur dO@lbon avait une de ces G$es dlicates &ui devinent les douleurs et ressentent vive$ent la co$$otion&uOelles ont involontaire$ent produite par &uel&ue $aladresse. ;l respecta le silence de son a$i, se leva, oublia sa (atigue, et le suivit silencieuse$ent, tout c"agrin dOavoir touc" une plaie &ui probable$ent nOtait pas cicatrise.- Un 4our, $on a$i, lui dit 0"ilippe en lui serrant la $ain et en le re$erciant de son$uet repentir par un regard dc"irant, un4our 4e te raconterai $a vie. @u4ourdO"ui, 4e ne saurais.;ls continu+rent $arc"er en silence.-KLe prudent $agistrat, &ui apprcia la gravit de la crise la&uelle son a$i tait tout en proie, se garda bien de le &uestionner ou de lOirriter, il sou"aitait i$patie$$ent arriver au c"Gteau N car le c"ange$ent &ui sOoprait dans les traits et dans toute la personne du colonel lui (aisait craindre &ue la co$tesse nOeLt co$$uni&u 0"ilippe sa terrible $aladie.-B*ette(ragilitintrieuresedit unederni+re(ois dans larupturesoudainesur la&uelle sac"+ve la nouvelle. 0"ilippe est un des no$breu' suicids de 1,-. 9Le lende$ain la da$e apprit avec tonne$ent &ue $onsieur de !uc) sOtait brLl la cervelle pendant la nuit. La "aute socit sOentretint diverse$ent de cet vne$ent e'traordinaire, et c"acunenc"erc"ait lacause. !elonlesgoLts de c"a&ue raisonneur, le 4eu, lOa$our, lOa$bition, des dsordres cac"s, e'pli&uaient cette catastrop"e, derni+re sc+ne dOun dra$e &ui avait co$$enc en 1,1%. 7eu' "o$$es seule$ent, un $agistrat et un vieu' $decin, savaient &ue $onsieur le co$te de !uc) tait un de ces "o$$es (orts au'&uels 7ieu donne le $al"eureu' pouvoir de sortir tous les 4ours trio$p"ants dOun "orrible co$bat &uOils livrent -6 p. %-.-K p. %K-%B.-B p. Q1.C tudes pistm, nD 1- .1-,(ean)Luc Martine&uel&ue$onstreinconnu. Que, pendant un$o$ent, 7ieuleur retiresa$ain puissante, ils succo$bent.-,!i la nouvelle ne savait dire &ue cette (aJon duser de la $aladie pour nous parler, partir des (ragilits de la conscience, des i$passes de la ($init dans une socit$al rvolutionneet vo&uerune"istoireelle-$F$edevenue(olle, elle (erait sans doute d4 asseI bien son travail. Mais elle nous parle aussi de gurison, et, en se "issant l, elle entre dans le registre de'ception des :uvres gniales . Les essais de #leuriot, de #an4at puis de0"ilippec"ouent tous, desdegrsdivers. Lanouvelleutilisecesc"ecs t"rapeuti&ues renouvels pour en tirer les e((ets pat"ti&ues dont il a besoin. ;l (aut attendre la derni+re partie pour &ue le rcit trouve son centre de gravit et sa (onction. E(ugi sur une de ses terres, !aint-3er$ain, le baron conJoit, =sur la (oi dun rFve=, un singulier pro4et pour rendrelaraison!tp"anie. *ette=i$$enseentreprise=consistedansla reconstitution e'acte de la BrIina 95lOinsududocteur, il e$plo)ait lerestedelOauto$neau'prparati(sdecette i$$ense entreprise. Une petite rivi+re coulait dans son parc, oH elle inondait en "iver un grand $arais &ui resse$blait peu pr+s celui &ui sOtendait le long de la rivedroitedelaBrsina. Levillagede!atout, situsurunecolline, ac"evait dOencadrer cettesc+nedO"orreur, co$$e!tudIianXaenveloppait laplainedela Brsina. Le colonel rasse$bla des ouvriers pour (aire creuser uncanal &ui reprsentGt la dvorante rivi+re oH sOtaient perdus les trsors de la #rance, 8apolon et son ar$e. @id par ses souvenirs, 0"ilippe russit copier dans son parc la rive oH le gnral 1bl avait construit ses ponts. ;l planta des c"evalets et les brLla de $ani+re (igurer les ais noirs et de$i consu$s &ui, de c"a&ue ct de la rive, avaient attest au' tra2nards &ue la route de #rance leur tait (er$e. Le colonel (it apporter des dbris se$blables ceu' dont sOtaient servis ses co$pagnons dOin(ortune pour construire leur e$barcation. ;l ravagea son parc, a(in de co$plter lOillusion sur la&uelle il (ondait sa derni+re esprance. ;l co$$anda desuni(or$esetdescostu$esdlabrs, a(indOenrevFtirplusieurscentainesde pa)sans. ;l leva des cabanes, des bivouacs, des batteries &uOil incendia. 1n(in, il nOoublia rien de ce &ui pouvait reproduire la plus "orrible de toutes les sc+nes, et il atteignit son but. Aers les pre$iers 4ours du $ois de dce$bre, &uand la neige eut revFtu la terre dOun pais $anteau blanc, il reconnut la Brsina. *ette (ausse Eussie tait dOune si pouvantable vrit, &ue plusieurs de ses co$pagnons dOar$es reconnurent la sc+ne de leurs anciennes $is+res-?.Le rcit entre passe alors sur le plan dune $ise en sc+ne des capacits curatives de la reprsentation. On co$prend &uil sagit de (aire revivre !tp"anie son trau$atis$e, et, par un c"oc en retour, de lui rendre la raison. *e &ui est $is en place, cest lide dune $i$sis par(aite de l"istoire, oH le singulier