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www.bourgognevigneverre.com ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN BOURGOGNE & VIGNE Dossier thématique – Septembre 2012 Crédit photo : Alterre Bourgogne

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ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN BOURGOGNE

& VIGNE Dossier thématique – Septembre 2012

Crédit photo : Alterre Bourgogne

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Table des matières Avant - propos............................................................................................................................. 3 I. La viticulture en Bourgogne ................................................................................................... 4

1. Localisation........................................................................................................................... 4 2. Cépages, terroirs de Bourgogne et appellations.................................................................. 5 3. Données économiques......................................................................................................... 6

II. Les impacts observés et pressentis..................................................................................... 7

1. Un décalage de la phénologie de la vigne ........................................................................... 7 2. Des augmentations de rendement ..................................................................................... 10 3. Modification des ravageurs et des maladies ...................................................................... 12 4. Variations de la qualité et donc de la typicité des vins....................................................... 13

III. Pistes d’adaptation.............................................................................................................. 15

1. Changement du matériel végétal ....................................................................................... 15 2. Changements de pratiques culturales................................................................................ 17 3. Modification de l’organisation du travail ............................................................................. 18 4. Evolution de la vinification .................................................................................................. 19 5. Changement de lieu de production ? ................................................................................. 19

Liste des Experts ...................................................................................................................... 21 Bibliographie ............................................................................................................................. 22

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Avant-propos Cette synthèse, réalisée à partir d’enquêtes auprès d’experts régionaux (passages en italique) et de données bibliographiques (passages en caractères normaux), est par essence non exhaustive. Elle a pour but d’esquisser les principaux impacts du changement climatique sur la vigne en Bourgogne et des pistes d’adaptation à travers divers exemples parfois régionaux, parfois nationaux, voire internationaux. Pour cela, elle est structurée en trois grandes parties, traitant respectivement :

- des caractéristiques de la vigne en Bourgogne ; - des impacts observés et pressentis du changement climatique sur la viti-viniculture

bourguignonne 1; - des pistes d’adaptation du secteur aux impacts présentés.

Pour des informations complémentaires, vous pouvez consulter les ouvrages recensés dans la bibliographie (cf. page Erreur ! Signet non défini.), contacter Alterre Bourgogne (www.alterre-bourgogne.fr) ou des experts régionaux (cf. page Erreur ! Signet non défini.). D’autres documents du même type sont disponibles sur les thématiques suivantes : la biodiversité, la forêt, la vigne, l’élevage, la santé, les risques naturels, l’urbanisme et l’aménagement et téléchargeables sur www.bourgogne.ademe;fr et www.alterre-bourgogne.org. Fiche rédigée dans le cadre du Projet régional 2010–1012, copiloté par l’ADEME et Alterre, intitulé « Adaptation au changement climatique en Bourgogne : contribution à l’élaboration des stratégies régionales et territoriales » et financé par le Programme Énergie Climat Bourgogne.

1 Les impacts sur les cépages et les vins qui ne sont pas présents dans la région ne seront donc pas étudiés.

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I. La viticulture en Bourgogne

1. Localisation

La Bourgogne viticole s’étend sur 4 départements, l’Yonne, la Côte d’Or et la Saône-et-Loire en région Bourgogne, le Rhône en région Rhône-Alpes. Seule la partie bourguignonne est traitée ici. Le vignoble bourguignon représente près de 30 000 ha soit 1,7 % de la surface agricole de la région et produit environ 1,5 million d’hectolitres par an (Madelin et al., 2010). Comme le montre la Figure 1, sa surface n’a cessé d’augmenter depuis les années 1960 où elle atteignait à peine les 15 000 ha.

Figure 1 : Evolution des surfaces viticoles

(en ha) en Bourgogne par département (BIVB, 2011b)

ha

Dans le domaine de la viticulture trois départements de la région sont concernés par l’appellation Bourgogne (cf. Figure 2). Le vignoble de la Nièvre est, quant à lui, rattaché à la région du Val de Loire (Pichery et Bourdon, 2007). La répartition des vignobles de Bourgogne s’organise de part et d’autre du seuil de Bourgogne (cf. Figure 2) qui est la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Seine et celui de la Saône. On peut distinguer cinq grandes régions. A l’Est, le principal ensemble comprend quatre de ces grandes régions avec les vignobles :

Figure 2 : Relief et répartition des principaux vignobles en

Bourgogne (Madelin et al., 2010)

‐ Côte de Nuits, Hautes-Côtes de Nuits et du Châtillonnais ;

‐ Côte de Beaune et des Hautes-Côtes de Beaune ;

‐ Côte Chalonnaise et du Couchois ;

‐ Mâconnais. Au nord-ouest s’étendent des vignobles circonscrits aux vallées du sud du Bassin parisien : les vignobles de Chablis, du Grand Auxerrois, de Tonnerre, de Joigny et de Vézelay. (le vignoble du Châtillonnais, est absent de la carte ci-contre). La Bourgogne présente une bonne exposition au soleil liée à l’orientation des coteaux principalement à l’est et une tendance chaude et sèche durant la période végétative, tout en évitant les contraintes du climat méditerranéen en termes de stress hydrique. Ces avantages climatiques expliquent en partie la localisation des vignobles en Bourgogne (Madelin et al., 2010).

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2. Cépages, terroirs de Bourgogne et appellations

La Bourgogne, dans son ensemble, produit 60 % de vins blancs, 32 % de vins rouges et 8 % de crémants (BIVB, 2011a). Il s’agit essentiellement de monocépages (Pichery et Bourdon, 2007). Quatre principaux cépages participent à l'élaboration des vins bourguignons (BIVB, 2011a) :

‐ en rouge, le pinot noir (dominant) et le gamay ; ‐ en blanc, le chardonnay (dominant) et l'aligoté.

La notion de terroir est un concept large qui englobe à la fois des facteurs naturels (type et profondeur de sol, exposition de la parcelle, altitude, conditions climatiques…) et des facteurs humains (méthodes culturales de la taille jusqu'aux vendanges, vinification, élevage). Il véhicule des valeurs d'origine, d'authenticité, de tradition et de typicité (BIVB, 2011a). L’INAO (Institut National de l'Origine et de la Qualité) a travaillé avec des chercheurs de l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) sur sa définition, publiée en 2006 : « Un terroir est un espace géographique délimité, dans lequel une communauté humaine construit, au cours de son histoire, un savoir collectif de production, fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains. Les itinéraires socio-techniques ainsi mis en jeu, révèlent une originalité, confèrent une typicité et aboutissent à une réputation, pour un bien originaire de cet espace géographique2. » Cette définition a été en grande partie reprise par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) en 2010 (OIV, 2010) : c’est « un espace sur lequel se développe un savoir collectif des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiques viti-vinicoles appliquées, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace ». Le terroir est donc défini comme un territoire sur lequel une communauté humaine développe des connaissances et des savoir-faire pour s’adapter spécifiquement à ce territoire. Ainsi défini, le terroir, bien plus complexe que la notion de « climat » (qui signifie « lieu-dit » en patois), peut alors justifier de mise en valeur et de protection patrimoniale (INAO). Le vignoble bourguignon est particulièrement complexe et très ancré dans l’Histoire : Il comporte plus de 100 appellations d’origine, plus de 600 « climats » auxquels s’ajoutent des lieux-dits non-officiels. La délimitation générale des appellations est plutôt figée, mais des révisions de limites sont régulièrement opérées à la demande des Organismes de défense et de gestion (ODG) (INAO). En Bourgogne, l'origine géologique et la composition physico-chimique des sols varient entre chacun des vignobles mais également au sein d'un même vignoble, d'un même village, d'un même lieu-dit. Cela explique le nombre élevé des AOC bourguignonnes. La Romanée est la plus petite appellation du monde avec 0,8 hectare (BIVB, 2011a).

2 Définition disponible sur www.inao.gouv.fr

Figure 3 :  Localisation schématique des appellations le long des pentes

en Bourgogne (BIVB)  

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Ainsi 99 % du vignoble bourguignon est en AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) alors que la moyenne nationale s'élève seulement à 62 % (Pichery et Bourdon, 2007). En Bourgogne, les quatre niveaux hiérarchiques (cf. Erreur ! Source du renvoi introuvable.) des appellations sont présents avec plus de la moitié de la production de vins en appellation régionale et tout de même 12 % en Premier et Grand Crus (cf. Figure 4).

Ainsi 99 % du vignoble bourguignon est en AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) alors que la moyenne nationale s'élève seulement à 62 % (Pichery et Bourdon, 2007). En Bourgogne, les quatre niveaux hiérarchiques (cf. Erreur ! Source du renvoi introuvable.) des appellations sont présents avec plus de la moitié de la production de vins en appellation régionale et tout de même 12 % en Premier et Grand Crus (cf. Figure 4).

Figure 4 :  Répartition entre les quatre types

d'appellations (chiffres issus de Pichery et Bourdon, 2007)

  Régionale

54%Communale

34%

Premier Cru

10%

Grand Cru

2%

3. Données économiques 3. Données économiques Le vignoble bourguignon représente 30 % de la valeur de la production agricole régionale et près de la moitié de la valeur de la production végétale. Près de la moitié de la production est exportée (cf. Figure 5), c’est le pourcentage le plus important de tous les vignobles français (BIVB, 2011b).

Le vignoble bourguignon représente 30 % de la valeur de la production agricole régionale et près de la moitié de la valeur de la production végétale. Près de la moitié de la production est exportée (cf. Figure 5), c’est le pourcentage le plus important de tous les vignobles français (BIVB, 2011b).

Figure 5 :  Estimation de la répartition des ventes de vins de Bourgogne en

2008 (BIVB, 2011b)  

L'une des caractéristiques du vignoble bourguignon est le grand nombre d'exploitations (environ 4200 exploitations), et leur relative petite taille : en 2000, près de 80 % des exploitations viticoles cultivaient moins de 10 ha de vigne et 53 % moins de 5 ha. Cependant, on observe actuellement une concentration au bénéfice des exploitations les plus grandes (Pichery et Bourdon, 2007).

L'une des caractéristiques du vignoble bourguignon est le grand nombre d'exploitations (environ 4200 exploitations), et leur relative petite taille : en 2000, près de 80 % des exploitations viticoles cultivaient moins de 10 ha de vigne et 53 % moins de 5 ha. Cependant, on observe actuellement une concentration au bénéfice des exploitations les plus grandes (Pichery et Bourdon, 2007). En 2000, ce secteur emploie 11 700 personnes équivalent temps plein, car la culture de la vigne d'appellation demande beaucoup de main d'œuvre. Cela représente 30 % de l'emploi agricole de la région, alors que la viticulture ne correspond qu'à 18 % des exploitations et 1,7 % de la surface agricole (Pichery et Bourdon, 2007).

En 2000, ce secteur emploie 11 700 personnes équivalent temps plein, car la culture de la vigne d'appellation demande beaucoup de main d'œuvre. Cela représente 30 % de l'emploi agricole de la région, alors que la viticulture ne correspond qu'à 18 % des exploitations et 1,7 % de la surface agricole (Pichery et Bourdon, 2007).

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II. Les impacts observés et pressentis Les conséquences du réchauffement pour la vigne commencent à être bien connues. Pour un même vignoble, elles comportent conjointement des aspects positifs et négatifs dont le poids respectif est, le plus souvent, fonction de sa position géographique. En Bourgogne, les impacts déjà observés sont de deux types :

‐ un décalage de la phénologie avec notamment une meilleure maturation et des vendanges précoces (cf. II.1) ;

‐ un accroissement des rendements en raisin (cf. II.2) pour le moment plutôt positif mais qui pourrait poser des problèmes de qualité.

Il y a déjà quelques inquiétudes sur d’autres impacts pressentis :

‐ l’augmentation du risque de stress hydrique mais aussi d’érosion (cf. II.2) ; ‐ le possible développement de nouvelles maladies (cf. II.3) ; ‐ la modification des caractéristiques organoleptiques et donc de la typicité des vins (cf.

II.5).

1. Un décalage de la phénologie de la vigne

On constate depuis les années 1990, dans l’ensemble des régions viticoles françaises dont la Bourgogne, un décalage du calendrier de trois semaines, voire d’un mois, par rapport aux moyennes du milieu du siècle dernier. De tels niveaux de précocité n’avaient jamais été observés depuis 500 ans (ONERC, 2005). Si le débourrement fait figure d’exception, la floraison, la véraison et la fermeture de la grappe sont généralement plus précoces (comme l’illustre la Figure 6) sur l’ensemble des cépages présents en Bourgogne (avec une forte variabilité interannuelle) décalant ainsi la date des vendanges (BIVB). La règle traditionnelle des vendanges « 100 jours après la floraison » semble se vérifier de moins en moins et le décalage entre vignes précoces et tardives s’estomper (CCVT)… Cédric Cuccia a modélisé qu’en 2050, les vendanges pourraient se dérouler fin août, comme cela a été le cas en 2003 (CRC).

Figure 6 :  Évolution des dates

phénologiques à Beaune et à la Rochepot

(Chabin et al., 2007)

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a. Facteur climatique en cause : l’augmentation de température La température est déterminante pour la phénologie, c’est-à-dire les dates des différents stades du cycle végétal :

‐ Il faut des températures froides pour la levée de dormance (5-10 °C pendant une dizaine de jours) mais pas trop froides car le gel d’hiver (-15 °C à -20 °C) peut conduire à la mort de certains pieds (IUVV) ;

‐ A l’inverse, des besoins en chaleur doivent être satisfaits pour le débourrement (éclosion des bourgeons) et la floraison (ONERC, 2005). La température détermine la précocité du cycle : plus les températures sont élevées lors du cycle végétatif, plus celui-ci sera accéléré (IUVV) jusqu’à un certain point. Au-delà d’environ 35 °C, des dommages apparaissent sur les feuilles les plus exposées, donc les plus photosynthétiques : elles se dessèchent alors et tombent très tôt, ralentissant ainsi l’alimentation des baies (ONERC, 2005). Des températures trop élevées peuvent aussi provoquer une chute de la quantité d’acide malique (IUVV).

‐ Des températures chaudes sont nécessaires pour la maturation (BIVB), mais il faut aussi des températures fraîches la nuit afin de favoriser le développement de composés colorants (anthocyanes) et d’arômes (IUVV).

Figure 7:

 Moyenne annuelle des températures en Bourgogne (rouge

et bleu) et dates des différents stades phénologiques (noir)

(Cédric CUCCIA)  

Le réchauffement a donc pour conséquence d’avancer la date de satisfaction des besoins en chaleur et d’accélérer le cycle végétatif (ONERC, 2005). La Figure 7 montre bien que l’augmentation des températures, observée depuis la fin des années 1980 en Bourgogne, est corrélée à une avancée des dates de floraison, véraison et maturité. On peut avancer l’hypothèse que les dates de débourrement ne sont pas plus précoces du fait d’hiver plus doux donc de besoins en froid moins rapidement atteints pour la levée de dormance.

b. Les conséquences du décalage des vendanges Des vendanges plus précoces ont un impact :

‐ Plutôt positif en termes de qualité sanitaire car on vendange dans des conditions plus sèches, peu propices à la pourriture grise, un des principaux problèmes du vignoble bourguignon (CDA 89 ; CDA 71) ;

‐ Sur « la définition de la maturité » surtout pour les rouges. Les sucres, qui, auparavant

manquaient, se retrouvent en plus grande quantité. Cependant, ils produisent parfois des vins trop alcoolisés et l’acidité est quelquefois trop faible (CDA 89). Le degré potentiel en alcool a maintenant tendance à augmenter plus rapidement que l’évolution des composés aromatiques car la maturation se déroule à des températures plus

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Figure 8 :  Climats propices aux

principaux cépages (ONERC, 2005)

 

Figure 9 :  Evolution de l'indice de Huglin à Dijon de 1969 à 2003

(ONERC, 2005)

élevées lors de journées plus longues. Il est alors probable que les vins obtenus soient « brûlés » et perdent de leur typicité. L’ « effet canicule », observé en 1976 et dans une moindre mesure en 2003, peut être doublement négatif : il y a arrêt de l’évolution des tanins et des polyphénols du fait de dysfonctionnements de la photosynthèse et concentration de ces composés aromatiques immatures du fait de l’évaporation (ATVB) ;

‐ Plutôt négatif en termes de vinification : on vendange le raisin « chaud », la dynamique

thermique de la vinification est alors modifiée et difficile à maîtriser. Il faut que les vignerons s’équipent afin d’avoir des capacités de refroidissement suffisantes, ce qui signifie un certain investissement et des nouvelles charges énergétiques (CDA 89).

c. Vers un déplacement des régions viticoles et des cépages ?

La comparaison des différents sites fait apparaître une remontée des bonnes conditions culturales avec une maturation plus facilement atteinte (Chabin et al., 2007). Les travaux de Cédric Cuccia montrent que les conditions climatiques des années 1970 se retrouvent aujourd’hui déplacées d’environ 100 km vers le Nord et 200 m en altitude (CRC). Actuellement, les régions viticoles se situent en moyenne entre le 25 °N et le 45 °N et symétriquement au Sud. Les experts s’accordent à dire qu’une augmentation de 1 °C correspondrait à un déplacement relatif du climat de 180 km vers le Nord. Toutefois, il est difficile d’évaluer l’éventuelle régression de cette zone dans les régions déjà sèches. En effet, les deux limites extrêmes des régions potentiellement viticoles ne sont pas symétriques : la limite « froide » est beaucoup plus sensible à la température ; la limite « chaude » dépend d’autres facteurs comme les précipitations. Elle ne se déplacera probablement qu’à la suite d’une hausse conséquente des températures. (ONERC, 2005).

Pour définir les conditions propices à la culture de chaque cépage, de nombreux indices ont été créés. L’indice de Huglin, un des plus utilisés en France, s’exprime en degrés par an, et comptabilise les températures moyennes journalières supérieures à 10 °C. Dépendant de la latitude, il caractérise assez bien le climat général d’une région, ou le potentiel d’adaptation d’une espèce. A titre d’exemple, on voit sur la Figure 9 que la ville de Dijon voit son climat passer de frais à tempéré avec un pic en 2003 (ONERC, 2005). Si une hausse moyenne de l’ordre de 1°C ou 1,1 °C sur la période de croissance permettrait encore de poursuivre la culture des deux principaux cépages (pinot noir et chardonnay) sur les territoires bourguignons, les caractéristiques des vins seront modifiées (Pichery et Bourdon, 2007). L’analyse de l’indice de Huglin amène cependant à constater une tendance claire à ce que, dans le futur, les limites d’adaptation des cépages soient atteintes ou dépassées (Seguin,

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1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

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Yonne Côte d'Or Saône-et-Loire Tendance

Figure 10 : Poids unitaire moyen d’une

grappe au stade fermeture de la grappe (g), cépage chardonnay à

gauche et pinot noir à droite (source : BIVB)

 

Figure 11 : Evolution relative des niveaux de rendement (en % de la moyenne

du passé 1970-1999) pour 4 sites viticoles (Dijon en jaune), modèle STICS (Brisson et Levrault, 2010)

 

2007). Or, on constate sur la Erreur ! Source du renvoi introuvable. que (Pichery et Bourdon, 2007) :

‐ Le pinot noir est à sa limite d’adaptation pour produire des vins fins et élégants en Bourgogne et/ou des vins de garde. Il a peu de chances de s’adapter en cas d’accroissement durable des températures étant donné sa fenêtre climatique restreinte ;

‐ Le chardonnay apparaît comme beaucoup moins vulnérable.

2. Des augmentations de rendement En Bourgogne, il existe un observatoire du potentiel de récolte depuis 1994 organisé par le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne. Pour l’ensemble des cépages observés (pinot noir, chardonnay et aligoté), une augmentation du poids des grappes a été observée de près de 50 % : on est passé d’environ 40 g à 60 g (cf. Figure 10) avec cependant de fortes variations annuelles (BIVB).

2 en 2080 et de plus de 40 % baisse de la disponibilité de la ressource en

calculs (ONERC, 2009). L’étude du projet CLIMATdonnée hydrique, affiche une augmentation de renmoyenne de 1970 à 1999 à Dijon avec le scéna

Selon l’ONERC, on observerait en Bourgogne u

cénario Ane hausse du rendement de 35 % selon le

selon B2 sans adaptation du secteur. Cependant, eau n’a pas été prise en compte dans ces OR, avec le modèle STICS, qui intègre cette

dement d’environ 200 % par rapport à la rio A1B (cf. figure 11).

sla

a. Facteur climatique en cause : l’ gmentation de la teneur en CO2 atmosphérique et de la vigueur des ceps

assage de 280 ppm (parties par

au

Cette tendance est principalement attribuée à l’augmentation de la teneur en CO2

hérique qui stimule la photosynthèse (BIVB). Le patmospmillions) à une valeur comprise entre 450 et 1 000 ppm induirait une augmentation de l’activité photosynthétique de 30 %. Mais l’existence de phénomènes de respiration ramènerait l’augmentation de biomasse correspondante à 15-20 %. Cette augmentation, qui profite à l’ensemble de la plante, et pas seulement au raisin, ne permettrait une augmentation de rendement que d’un faible pourcentage (ONERC, 2005). Par ailleurs, l’effet fertilisant augmente de plus en plus lentement avec la concentration. Par contre, l’efficience d’utilisation de l’eau

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devrait être augmentée de l’ordre de 10 %, du fait de l’augmentation de la résistance stomatique (Seguin, 2007), ce qui atténuerait les impacts de la sécheresse. L’augmentation de rendement peut être aussi reliée à un phénomène observé plus général :

’augmentation de la vigueur est due à une initiation florale plus importante (effet température)

danges, qui augmente la durée entre les vendanges

s (la plante

b. Conséquences négatives sur la qualité du vin et la santé du vignoble

ien qu’a priori il soit intéressant d’avoir des rendements plus élevés, cela peut aussi avoir des

fait de l’augmentation du nombre de raisins ; ilution des composés

ndement maximal : toute production supplémentaire

u fait de l’augmentation de la vigueur, les ceps sont également plus sensibles aux maladies.

c. Incertitudes sur des risques climatiques limitant potentiellement cette

n risque climatique craint est celui du gel printanier. Fréquent entre fin mars et début mai, il

l’augmentation de vigueur des ceps (elle aussi impactée par le changement climatique). En effet, plus un pied est vigoureux (mesuré par le diamètre des sarments), plus il produira de grappes et plus celles-ci seront grosses (CDA 89). Let surtout à une augmentation de la mise en réserve de nutriments par le cep du fait (CDA 89) :

‐ de l’effet fertilisant donné par l’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique (effet direct du changement climatique);

‐ de l’avancement des dates de venet la chute des feuilles (qui elle a peu ou pas évolué) et donc la durée pendant laquelle la plante peut faire des réserves (effet indirect du changement climatique) ;

‐ de l’effet de la pratique d’éclaircissage réalisée lorsqu’il y a trop de grappemet alors en réserve ce qui était destiné aux grappes enlevées).

Bconséquences négatives :

‐ L’effet de dilution du‐ L’augmentation de la taille des raisins entraîne une seconde d

aromatiques. En effet, ces composés se trouvent surtout au niveau de la pellicule (on en trouve aussi dans la rafle et les pépins) et la taille des raisins augmentant, le rapport surface/volume diminue (ATVB) ;

‐ De plus, chaque appellation à un ren’est pas commercialisable (CDA 89).

DLes mécanismes sont peu connus mais il s’agirait d’une moindre production d’agents immunitaires du fait de l’utilisation importante de la ressource azotée pour la croissance végétative et la production de grappes (CDA 89).

augmentation de rendement

Upeut détruire les bourgeons de raisin et favoriser l’apparition de maladies via les blessures sur les grappes et les feuilles. Il y a donc un effet direct et indirect sur la baisse de rendement. Le réchauffement climatique, dans le contexte du gel, induit deux effets contraires : d’une part, il diminue le nombre moyen de jours de gel et d’autre part, il avance les dates de floraison. La probabilité d’observer un gel pendant une période critique du cycle de la vigne est donc plus forte. Cependant, comme nous l’avons vu, en amont du débourrement, il faut une période de froid pour lever la dormance (IUVV)… Il est donc difficile de dire quel paramètre sera dominant. Pour le moment, les travaux de Cédric Cuccia montrent que sur les 20 dernières années, il n’y a pas de tendance claire d’évolution des dates de débourrement (CRC) et donc a priori pas de risque accru de gel printanier. Dans le vignoble chablisien, historiquement soumis à ce type de risque climatique, il n’y aurait pas eu de véritable gel de printemps depuis 1994. C’est pourquoi les premiers crus et les grands crus, qui étaient auparavant tous équipés contre ce risque (chaufferettes etc.), ont tendance à ne plus installer de protection ; ce qui leur permet de réaliser un travail du sol au printemps (alternative aux herbicides). Deux autres raisons peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène : l’augmentation du coût de l’énergie et la possibilité d’utiliser les surplus de l’année précédente si le vignoble subit un dommage climatique. (CDA 89).

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Par ailleurs, avec l’augmentation de la température et donc de l’évapotranspiration, une augmentation des risques de sécheresse pourrait se produire. Or un stress hydrique excessif induit des effets notables et négatifs sur la croissance de la vigne (ralentissement), notamment si elle se produit avant la véraison (ONERC, 2005). En cas de sécheresse importante pendant la véraison, c’est la croissance végétative qui sera privilégiée (fermeture des stomates) au détriment du développement des grappes (IUVV ; ONERC, 2005). Pour le moment, il y a relativement peu de problèmes hydriques en Bourgogne, excepté dans le chablisien où les précipitations sont faibles et associées à des sols superficiels (IUVV). Dans le sud de la France, à certains endroits, l’irrigation (interdite en AOC) pourrait être envisageable pour assurer la survie de la vigne (INAO).

VULNÉRABILITÉS Le sol et la position de la parcelle sont des facteurs déterminants dans la vulnérabilité des vignobles face au stress hydrique : une parcelle en pente sur un sol drainant et peu profond sera plus vulnérable face à la sécheresse. Il est donc primordial de connaître la réserve hydrique des sols afin de déterminer la vulnérabilité des vignobles (CRECEP ; ATVB).

A l’inverse, des précipitations trop importantes peuvent être un handicap à la floraison car il y a un risque de coulures (les fleurs tombent) et de millerandage (petites baies). Les conséquences sont une baisse de rendement et une difficulté pour choisir de la date de vendanges (différence de maturité entre les millerands et les baies « normales ») (BIVB). Des épisodes pluvieux extrêmes provoquent également l’érosion des sols, pouvant conduire à une perte importante et quasi irréversible d’éléments fins des sols des vignobles (Perard et al., 2007). Cependant, l’évolution de la pluviométrie est pour le moment quasi-nulle en Bourgogne et sa prédiction très difficile.

3. Modification des ravageurs et des maladies

La hausse des températures observée en France depuis quelques décennies a déjà provoqué l’apparition d’espèces jusqu’alors limitées à l’Afrique du Nord ou au pourtour méditerranéen. Certains vecteurs de maladies pourraient voir leurs aires géographiques s’étendre vers le Nord comme le scaphoideus titanus pour la flavescence dorée (Boudon et Maixner, 2007). En revanche, la canicule de 2003 a aussi montré des effets inverses d’inhibition : les fortes températures ont inhibé certaines maladies comme le mildiou. Il est donc difficile d’évaluer avec certitude l’évolution des pathogènes de la vigne en fonction de la température, en partie à cause de l’existence de seuils, et à cause de la complexité des écosystèmes : une espèce qui migre vers le Nord peut se retrouver confrontée à de nouveaux prédateurs, ou inversement ne plus être soumise à la prédation, ce qui induirait probablement des dommages sérieux (ONERC, 2005). Par ailleurs, la pluviométrie influe aussi sur la santé de la vigne. Par exemple, l’oïdium et le mildiou (maladies septentrionales) sont très sensibles au régime des pluies (IUVV). Enfin, la résistance des différents cépages aux nouvelles maladies reste un des paramètres inconnus (ONERC, 2005). La sensibilité des vignobles aux maladies sera probablement changée avec des effets antagonistes du changement climatique : formation de cire favorisée par le rayonnement (ONERC, 2005), sensibilisation du fait de l’augmentation de vigueur… Les avis des professionnels bourguignons sont divergents sur l’évolution des maladies. Certains pensent qu’il n’y a pas de modification notable en Bourgogne (CRECEP ; ATVB). D’autres observent une remontée de plus en plus fréquente de l’oïdium (IUVV, CDA 89), un développement des maladies du bois (qui aiment la chaleur) ou encore de la flavescence dorée (remontée de la cicadelle) (CDA 89). En théorie, à long terme, on risque de voir l’apparition de nouvelles maladies venues du Sud (BIVB) et si les hivers sont moins rigoureux, cela pourrait augmenter la pression des ravageurs qui survivraient mieux d’une année sur l’autre (ATVB). En parallèle, d’autres maladies pourraient régresser comme le botrytis (un des problèmes majeurs en pinot noir) si les étés sont plus secs (BIVB ; CDA 89). Le point qui ressort est qu’il est difficile de savoir si l’apparition de telle ou telle maladie est réellement due au changement climatique. Il est également important de noter qu’il ne semble pas y avoir pas de réel système de mesure de ces populations de ravageurs (CRECEP).

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4. Variations de la qualité et donc de la typicité des vins En Bourgogne, dans les Hautes Côtes de Nuits, certains constatent déjà des effets directs du réchauffement climatique sur la qualité depuis 1996. Onze grandes années ont été produites successivement, avec des sommets de qualité rarement atteints. Il semble que ce rythme de onze grandes années successives n’a jamais été observé auparavant (Hudelot, 2007).

Figure 12 : Qualité du vin en fonction du

degré de stress hydrique (ONERC, 2005) 

Ceci peut s’expliquer par :

‐ Une meilleure maturation des vins du fait de l’augmentation de température (cf. I.1.b page 8) ;

‐ L’effet d’un stress hydrique modéré plus fréquent (Brisson et Levrault, 2010). En effet, un léger déficit hydrique est nécessaire à une maturation correcte des raisins. Il permet la concentration des sucres et l’équilibre sucre/acidité (ONERC, 2005) comme l’illustre la Figure 12.

‐ Le fait que le seuil de corrélation positive entre la température et la qualité des vins n’est pas encore atteint pour la majorité des vins. En effet, une équipe américaine aurait mis en évidence une relation quadratique entre la température moyenne de croissance de la vigne et la qualité du vin produit (classement Sotheby’s) (ONERC, 2005).

Enfin, l’augmentation du rayonnement pourrait aussi jouer. Les ultraviolets stimulent l’accumulation de flavonoïdes et d’anthocyanes, composés anti-oxydants qui participent pour une part importante à l’arôme final du vin (astringence, rondeur, etc.) (ONERC, 2005). L’effet global du rayonnement est toutefois difficile à découpler de la température. Il semblerait qu’il soit plutôt positif lorsqu’il fait frais et négatif lorsqu’il fait chaud (IUVV). On observe donc plutôt des effets positifs avec une maturité des raisins favorisée et, en général, de meilleurs millésimes, plus faciles à obtenir que dans les années 70 par exemple (CRECEP ; INAO). Les gens ont de moins en moins recours à la chaptalisation et si le degré alcoolique augmente un peu, on reste dans la marge de manœuvre des cahiers des charges des AOC. En Bourgogne, contrairement au Languedoc-Roussillon ou à la Provence, il n’y a pas réellement de problèmes, mais plutôt des opportunités. Cependant, il est difficile de faire la part des choses entre ce qui est dû au changement climatique et ce qui est dû à l’évolution des pratiques culturales (INAO). Par ailleurs, ces observations ne font pas l’unanimité : « On ne peut pas dire qu’il y ait réellement de changement aujourd’hui ». Les éventuels changements dans la qualité des vins dus à l’augmentation des rendements n’auraient pas été constatés du fait d’une adaptation déjà en place : l’éclaircissage (enlever des grappes). Si l’année 2003 a été différente, cela ne serait pas du fait stricto sensu des conditions climatiques, mais du fait que les viticulteurs aient vendangé trop tard (BIVB). Tous rappellent que les vins de Bourgogne d’aujourd’hui ne sont déjà plus les mêmes que ceux des années 1970. En effet, depuis les années 1970la qualité des vins a progressé du fait de l’évolution des techniques culturales et de vinification, et elle continuera sans doute à évoluer dans ce sens. (CRECEP). Si « le pinot noir ne sera jamais charpenté », il est très probable qu’il y ait des évolutions au niveau aromatique à plus long terme pour l’ensemble des cépages (BIVB). Ils vont sans doute être plus riches, plus alcoolisés (INAO). D’après certains

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professionnels des années comme 2003 peuvent « lisser » les vins qui sont alors plus homogènes (CRECEP) : « Ils sentaient tous le pruneau ». Seuls quelques uns ont réussi à garder une certaine signature, qui est apparue après plusieurs années de garde (INAO). La question est alors : est-ce que l’évolution des goûts des consommateurs ira dans le même sens (CDA 71) ? Il semble que la demande des consommateurs va plutôt vers des vins légers (INAO)…

Un problème qui pourrait se poser pour le pinot noir serait une augmentation brutale de la teneur en sucres des raisins, plus rapide que celle des composés phénoliques du fait du raccourcissement de la phase végétative. Cette situation mettrait les vignerons face à un dilemme : récolter les raisins dès qu’ils sont mûrs afin de ne pas avoir un degré alcoolique trop élevé au détriment des composés phénoliques ou attendre le développement des composés phénoliques avec le risque d’obtenir

des vins à 16 ° ou 17 ° (CRECEP). Par exemple, Beaune aurait perdu, en une trentaine d’années, les avantages des conditions de maturation progressive des latitudes tempérées pour acquérir certains inconvénients des latitudes plus méridionales. Cette évolution pourrait aboutir à « brûler les arômes », à avoir une forte teneur en sucres, gage d’une forte teneur en alcool et d’une plus faible proportion d’acides (Chabin et al., 2007). Par ailleurs, les nuits étant moins fraîches lors de la maturation, on pourrait observer une dégradation de la qualité aromatique des vins (Brisson et Levrault, 2010). Tous ces éléments ne favorisent pas l’expression de la typicité traditionnelle des terroirs et des millésimes et tend à donner aujourd’hui aux vins de la Côte de Beaune les caractères de vins des Côtes du Rhône.

VULNÉRABILITÉS Le pinot noir est beaucoup plus « difficile » et « fragile » que d’autres cépages de vins rouges. Il contient peu de composés phénoliques. Il est très sensible au climat et peut donner des vins très différents d’une année sur l’autre. En Bourgogne, il « a été gardé pour faire des vins qui donnent dans la finesse et l’élégance ». Il sera difficile de l’adapter au changement climatique. En revanche, le chardonnay posera moins de problèmes : c’est un cépage qui s’adapte bien et qui est facile à conduire. (CRECEP ; ATVB).

Enfin, du fait de l’augmentation de température, les acides maliques et tartriques risquent de se dégrader, rendant le pH plus élevé (moins acide). Le vin serait alors plus sensible à l’attaque des micro-organismes avant ou après la fermentation alcoolique. Ce phénomène pourrait surtout toucher le pinot noir dont les baies noires chauffent plus vite que celles du chardonnay (blanches) (CRECEP). Dans ces conditions, on serait amené à envisager une possible remise en cause de la typicité du vin et de la géographie des vignobles.

Les impacts du changement climatique posent alors de nombreuses questions : Allons‐nous vers une disparition du pinot noir en Bourgogne ? Comment concilier le changement climatique avec la notion de terroir ? L’appellation d’origine contrôlée peut‐elle être délocalisée ou sera‐t‐elle évolutive ?  Enfin,  des  impacts  indirects  pourraient  provenir  de  ceux  d’autres  secteurs,  comme  la filière « bois » : en effet, la vinification nécessite de nombreux fûts en chêne (provenant de France, d’Europe de l’Est et des Etats‐Unis). Si le changement climatique influe sur la qualité du bois de chêne, alors cela pourrait impacter la porosité des tonneaux et par là même la qualité des vins (CRECEP). 

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III. Pistes d’adaptation Les pratiques actuelles peuvent aussi bien amplifier que contrer les effets du changement climatique. Elles devront donc être adaptées et concerneront l’ensemble de l’itinéraire technique mis en œuvre par le vigneron ainsi que la vinification. De telles pratiques pourront être inspirées de celles utilisées dans des vignobles de conditions plus chaudes (ONERC, 2005). Actuellement, il y a peu d’adaptations si ce n’est le décalage des dates des vendanges. Le secteur est plutôt en état de veille notamment par rapport aux réserves hydriques des sols (CRECEP).

1. Changement du matériel végétal : à débattre Une première adaptation consiste en un changement du matériel génétique. Ceci peut s’effectuer à travers trois moyens : les porte-greffes, les clones et les cépages (IUVV).

a. Remplacement ou sauvegarde des cépages ? Il est possible que le pinot noir et le chardonnay puissent s’adapter au changement climatique. Le pinot noir a traversé le petit âge glaciaire mais surtout le Moyen Age où il semblerait qu’il faisait plus chaud qu’aujourd’hui. Ce cépage a une forte variabilité génétique et mute assez facilement (le pinot blanc et le pinot gris en seraient issus). La diversité génétique des cépages constitue en elle-même un moyen d’adaptation (INAO). En Bourgogne, à court terme, on peut donc jouer sur la variabilité génétique assez forte du pinot noir notamment à travers l’utilisation du conservatoire actuellement mis en place au niveau régional (CDA 89), devant des changements difficilement prévisibles, il est préférable de préserver le plus de solutions possibles. Cette adaptation sera d’autant plus rapide que les outils de génomique progresseront (CDA 71). Cependant, certains pensent que ce conservatoire génétique est à une échelle trop petite, qu’il n’est pas assez ambitieux. Il faudrait, par exemple, limiter l’utilisation des clones aux appellations régionales et communales et revenir à de la sélection massale (comme cela se fait de plus en plus) pour les 1ers et grands crus. Un débat s’impose : il y a tout un système économique autour de la sélection clonale, qui va de la recherche aux viticulteurs en passant par les pépiniéristes (INAO). Cependant cela aura une limite (CDA 89). Il est difficilement imaginable de changer de cépages ou de réaliser des mélanges : « le monocépage, c’est notre force et notre spécificité ». Cela limite les possibilités d’adaptation par cette voie (BIVB). Certains pensent donc qu’il ne faut pas changer de cépage car cela modifierait totalement les vins et il ne serait plus possible de faire de « grands vins » en Bourgogne comme on le fait aujourd’hui avec le pinot noir par exemple. Implanter de la syrah ou du cabernet serait faisable mais « on ne saura pas faire des vins comme ça et d’autres le font mieux que nous ». « Si c’est pour faire du petit vin, on a tout faux : avec nos coûts de production, c’est impensable » (ATVB). D’autres affirment que sur le long terme, il faut savoir rester ouvert et ne pas rejeter l’idée de changer de cépages et de faire des assemblages. « D’ici 20 ou 30 ans, on pourra sans doute faire de la Syrah ». Il faudra commencer par faire des expérimentations, puis l’autoriser comme cépage de Bourgogne afin de l’inclure petit à petit à travers des assemblages. Ce n’est pas en soit un problème car la Syrah ne sera sans doute alors plus utilisé dans le Sud de la France où les viticulteurs seront passés à des cépages actuellement en Espagne par exemple (CDA 89). On peut imaginer introduire des cépages plus tardifs comme de la Syrah dans le Beaujolais et du Merlot au pinot Noir (INAO). Il serait peut-être aussi intéressant de retravailler sur des cépages anciens (CDA 71, INAO). « On en a tellement supprimé au cours du dernier siècle qu’on peut bien en réinstaller quelques uns ! ». Actuellement, les cépages étant à l'origine de la typicité des vins et de leur notoriété, le choix du cépage est largement contraint par les règles d'appellation d'origine et les exigences du marché (Marguerit et al., 2010).

b. Amélioration génétique grâce aux clones : avoir une vision à long terme Compte tenu de la grande diversité génétique en vigne, l’amélioration variétale peut être considérée comme un moyen pertinent d'adaptation à un environnement variable. Cependant, il faut une vingtaine d’années pour sélectionner une nouvelle « génération » de clones. Cela

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implique d’avoir une vision à long terme. Dans l’idéal, il faudrait anticiper les critères de sélection vingt ans en avance mais cela n’est pas aisé. Les premières « générations » de clones en Bourgogne ont été sélectionnées dans les années 1960-1970 dans un objectif sanitaire (crise du phylloxera) et de productivité des plants. Cependant, il s’est avéré que les rendements ont été finalement trop élevés (supérieurs à 1 kg/pied) et la qualité des vins en a souffert, avec des vins parfois maigres, trop courts et acides. L’objectif de la deuxième « génération » de clones dans les années 1985-1990 a donc été de privilégier la qualité et non plus la quantité en diminuant la productivité des plants (ATVB). Aujourd’hui, une troisième « génération » est en train d’être sélectionnée en Côte-d’Or toujours avec des objectifs sanitaires et qualitatifs, mais aussi avec des objectifs de baisse des intrants notamment des produits phytosanitaires : la sensibilité aux maladies devient un des critères clés. A travers la sélection de la troisième génération en cours, des pieds dits « tardifs » ayant de petits grains moins matures que les pieds environnant lors de la prospection sont repérés et suivis. Un caractère tardif serait en effet intéressant pour contrebalancer l’avancée des vendanges (ATVB). Certains pensent que les clones ne sont pas une solution acceptable car « les clones, c’est l’inverse de la biodiversité » (CD89 ; INAO). Trois clones représentent déjà aujourd‘hui 90 % du vignoble chablisien qui a été mis en place dans les années 1960. De plus, les clones peuvent être exportés dans d’autres pays et cela contribue à « diluer notre identité ». Ils ont aussi montré leurs limites : non seulement les clones d’aujourd’hui répondent à des besoins d’il y a 20 ans qui ne sont plus ceux d’aujourd’hui, mais du fait du changement climatique, leur réponse a changé (CDA 89). De plus, l’argument d’immunité virale des clones, ne les empêche pas d’être parfois touchés par des viroses, qui se propagent vite ensuite du fait de l’homogénéité génétique. Avant l’arrivée des clones, on arrachait les vignes infestées et on laissait le sol en jachère pendant huit ans afin d’obtenir un terrain sain et cela fonctionnait. Aujourd’hui, pour des raisons économiques, plus personne ne veut faire ça (perte de 10 à 15 % du chiffre d’affaires) et les moyens de lutte chimique ont été interdits (molécules trop nocives pour l’environnement) (INAO). L’hybridation pourrait être une piste intéressante, mais elle a été peu développée en Bourgogne et, plus généralement, en France. Lors de la lutte contre le phyloxera, l’hybridation des pieds français avec des souches américaines s’est accompagnée d’une qualité moindre des vins (ATVB). Les hybrides sont interdits en AOC (seule exception :l’Armagnac) car ils font des vins médiocres et parfois dangereux (production de méthanol…). Certains pensent qu’on ne peut pas espérer en trouver de nouveaux car pratiquement toutes les combinaisons ont été testées au début du XXe siècle et il n’existe plus d’hybrideur en France (INAO). Cependant, des croisements entre cépages résistants à la sécheresse ou aux nouvelles maladies avec des cépages intéressants sur le plan aromatique pourraient apporter une adaptation au changement climatique (ONERC, 2005).

c. Le porte-greffe : un moyen d’adaptation plus flexible ? Les viticulteurs ont beaucoup plus de liberté pour le choix du porte-greffe (interface entre le sol et le greffon) que pour le cépage. Outre la tolérance au phylloxéra, le porte-greffe contribue à l'adaptation au milieu (adaptation à la présence de calcaire actif, à la sécheresse, à l'humidité...). Dans le contexte du changement climatique, ils peuvent influer sur les capacités d’extraction de l’eau du sol et donc être vecteurs d’une meilleure résistance à la sécheresse (ATVB), et ceci par différents moyens, aujourd’hui encore inexploités (Marguerit et al., 2010 ; Brisson et Levrault, 2010) :

‐ Une architecture racinaire qui permet d’aller prélever de l’eau plus en profondeur ; ‐ Une densité racinaire plus importante pour une capacité d’extraction de l’eau du sol plus

grande ; ‐ Des vaisseaux conducteurs plus efficaces (en jouant sur le nombre, le diamètre et la

conductivité hydraulique) ; ‐ Un contrôle de la demande en eau par le système aérien ; ‐ Un contrôle des échanges gazeux notamment la transpiration par divers signaux tels

que l’acide abscissique. En Bourgogne, les porte-greffes actuels ont tous été sélectionnés au début du XXe siècle : il y a peu de recherches et on maîtrise finalement assez mal leur comportement mis à part la tolérance au calcaire et la vigueur (INAO).

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2. Changements de pratiques culturales Un deuxième levier d’adaptation consiste en la modification des pratiques culturales et de la vinification : pour cela, il est nécessaire de réaliser des essais, aujourd’hui manquants (IUVV). Si on prend l’exemple de 2003, certains viticulteurs ont eu des vins atypiques et leurs voisins de très bons : les résultats ont été différents selon les choix techniques non seulement de 2003 mais aussi des années précédentes (INAO).

a. Limitation des rendements Les techniques actuelles, comme l’éclaircissage pour limiter le rendement, ne sont sans doute pas durables : lorsqu’on éclaircit, la vigne met alors en réserve ce qui était destiné aux grappes enlevées, ce qui augmente sa vigueur et elle aura donc tendance, a posteriori, à faire des grappes encore plus fournies (BIVB). La Chambre d’agriculture de l’Yonne conduit une expérimentation avec le BIVB depuis quatre ans sur la maîtrise de la vigueur. Une idée est de réaliser la taille non plus en hiver mais au même moment que les vendanges afin de limiter la mise en réserve. Pour le moment, les résultats ne sont pas probants, même si sur certains sites, il semble y avoir une tendance à la baisse. Il est nécessaire de poursuivre ces expérimentations qui pourraient constituer une piste d’adaptation. Une autre option serait d’augmenter le nombre de sarments lors de la taille afin d’épuiser la plante, mais si les températures continuent à croître, cela ne fera qu’augmenter à nouveau le rendement (CDA 89)

b. Lutte contre la sécheresse Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour lutter contre le déficit hydrique en jouant soit sur la disponibilité de l’eau, soit sur l’efficience de la plante à utiliser :

‐ Réduire les surfaces foliaires en limitant les densités de plantation ou en pratiquant l’effeuillage permet de réduire les besoins et les consommations d’eau (Pichery et Bourdon, 2007).

‐ Favoriser un enracinement plus profond des pieds (ONERC, 2005) par des pratiques comme le travail du sol : les vignes seront moins sensibles au stress hydrique comme aux pluies automnales (INAO) ;

‐ Pratiquer la mycorhization peut permettre une meilleure extraction des éléments nutritifs du sol dont l’eau (ATVB) ;

‐ Enherber les rangs ou les couvrir d’un mulch réduit l’évapotranspiration et de garantit une protection thermique (ONERC, 2005) ;

‐ L’irrigation de précision comme le goutte-à-goutte permettrait de maintenir le confort hydrique à son niveau actuel à Dijon (Brisson et Levrault, 2010). Cependant, cet aménagement est actuellement interdit pour les AOC bourguignons (Pichery et Bourdon, 2007) et la ressource en eau étant de plus en plus mobilisée par d’autres secteurs, plus prioritaires, il y a peu de chances que cela change (BIVB ; INAO).

c. Lutte contre l’échaudage et la grillure

L’idée est de créer de l’ombrage de façon à protéger les grappes du rayonnement : augmentation de la densité de plantation (ONERC, 2005), systèmes de protection à l'aide de filtres plastiques (Pichery et Bourdon, 2007), augmentation des surfaces foliaires afin de créer plus d’ombrage (CRECEP)… Par exemple, en 2003, sur les parcelles avec une charge excessive et peu de feuilles, les baies ont littéralement brûlé contrairement à celles où des feuilles ont été laissées pour faire de l’ombrage (INAO). Ces mesures peuvent entrer en contradiction avec celles concernant la lutte contre la sécheresse (création d’ombrage versus effeuillage).

d. Lutte contre le gel printanier En matière de prévention du gel printanier, de nombreux moyens ont été expérimentés et sont utilisés, en particulier en Champagne (Pichery et Bourdon, 2007) :

‐ Un système de chaufferettes disposées entre les ceps : ce système reste très polluant. L’installation d’un réseau de canalisations est très coûteux en termes de combustible (pétrole, gaz), de tuyaux et de main-d’œuvre (installation, mise en œuvre, désinstallation éventuelle…).

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‐ Un système d’aspersion : il consiste à arroser des bourgeons par de l’eau sans interruption pendant toute la durée du gel. Ce système demande peu de main d’œuvre pour être utilisé et est considéré comme très efficace. Mais il nécessite la présence d’un important point d’eau à proximité et l’installation technique est onéreuse.

‐ Un système de réchauffeur-brasseur : l’air, aspiré par une éolienne, est réchauffé, puis propulsé sur les ceps. L’emploi est aisé mais nécessite de gros investissements et son efficacité reste controversée.

‐ Un système de convecteurs : Des câbles électriques chauffants sont tendus horizontalement sous chaque rangée de branches, la chaleur étant transmise par le panache de convection.

Quel que soit le système mis en place, le coût de la lutte contre le gel est important, en termes d’équipements (installations techniques, systèmes de canalisation…), d’utilisation (main d’œuvre, eau, fioul, gaz, électricité…), d’entretien et de surveillance (Pichery et Bourdon, 2007). En Bourgogne, l’Yonne, particulièrement sensible, utilise déjà certains moyens d’actions (systèmes d’alerte, d’aspersion…) mais les autres départements en sont démunis. Une piste utilisée en Hautes Côtes est d’avoir des vignes hautes, larges et relativement espacées, ce qui par ailleurs permet de diminuer les coûts de production. Cependant, la tradition bourguignonne d’avoir des vignes basses bloque ce type d’évolution (BIVB).

e. Lutte contre les nouvelles maladies En ce qui concerne les maladies, certains professionnels ne sont pas très inquiets quant à trouver des solutions techniques et/ou chimiques puisqu’elles existent dans le pourtour méditerranéen (BIVB). Cependant, avec les objectifs de diminution d’utilisation des produits phytosanitaires, la lutte contre de nouveaux pathogènes peut se révéler problématique.

3. Modification de l’organisation du travail Une adaptation déjà en cours est de décaler non seulement les dates de vendanges, mais aussi toutes les autres interventions sur la vigne. Pour certains, l’année 2003 a été la preuve que cette adaptation n’est pas encore bien assimilée (BIVB). En effet, le raccourcissement du cycle peut poser plusieurs problèmes d’organisation du travail avec (CDA 89) :

‐ Une concentration des interventions, qui peut mener à des difficultés économiques (embaucher plus de main d’œuvre) ;

‐ Un rapprochement des cycles des parcelles tardifs et précoces qui oblige à vendanger non seulement plus tôt mais aussi plus rapidement. A Chablis, la machine à vendanger étant assez présente dans les exploitations et les vignobles assez petits, vendanger plus rapidement est quelque chose de faisable. C’est en aval que cela peut poser des problèmes. Par exemple, pour les rouges, la tradition est de vendanger en deux « tours » espacés de 10 à 15 jours nécessaires avant de transférer le vin de la première cuve à la seconde. Actuellement, il devient difficile de pouvoir réaliser ces deux tours, le deuxième étant trop tardif. Il faut alors que les vignerons augmentent leurs capacités de vinification (cuve additionnelle ou de plus grande taille). Ce problème ne se pose pas pour les blancs.

Au niveau des vendanges, des modifications sont à envisager afin de garantir une bonne dynamique thermique pour la vinification (Pichery et Bourdon, 2007) :

‐ Des vendanges de nuit ou au petit matin afin de préserver un peu de la fraîcheur du raisin, occasionnant des horaires décalés et un renchérissement du coût de la main-d’œuvre ;

‐ Le transport des raisins à la cuverie par camions frigorifiques afin d’éviter le risque de début de fermentation pendant le trajet. Cet aspect est important en Bourgogne, compte tenu du morcellement des exploitations avec des parcelles parfois éloignées du centre de vinification.

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Figure 13 : Évolution dans le temps des

trois principales composantes de qualité du raisin

(ONERC, 2005) 

4. Évolution de la vinification La vinification est un des moyens d’atténuer les effets d’un réchauffement de quelques degrés (ONERC, 2005).

Par exemple, l’avance délibérée d’une date de vendange, couplée à un refroidissement efficace de la récolte, permettra de conserver l’équilibre sucres/acidité (cf. Figure 13). Cependant, cela se fera au détriment de la complexité aromatique du vin, plus longue à se faire. Pour y pallier, la « Flash-détente », procédé qui permet d’extraire 50 % d’arômes et de pigments en plus, pourrait être utilisée (autorisée dans l’AOC Côtes du Rhône par exemple).

Si au contraire, on privilégie la maturité aromatique, on devra alors vendanger plus tard pour bénéficier d’une ré-acidification. Mais la concentration en sucres sera très élevée, ce qui rallongera la fermentation. Certaines techniques de soutirage d’alcool, plus avancées mais relativement coûteuses, pourront alors être envisagées comme la concentration en sucre par osmose inverse, l’électrodialyse, la filtration tangentielle (ONERC, 2005)… Les œnologues seraient en train de réfléchir à des techniques de désalcoolisation. Cependant, ces dernières altèrent la qualité du vin, sa typicité en est changée (INAO). La chaptalisation (ajout de sucre) est une pratique de moins en moins utilisée, ce qui représente un gain économique. Des techniques pour diminuer la teneur en sucres existent mais sont interdites. Enfin, le facteur utilisé pour déterminer la date des vendanges a tendance à devenir l’acidité et non plus le taux de sucres (CDA 89).

5. Changement de lieu de production ? Une dernière stratégie d’adaptation, plus radicale serait un changement de milieu, c’est à dire le déplacement des vignobles et faire par exemple du Bourgogne en Champagne. Les travaux de Cédric Cuccia montrent que les conditions climatiques des années 1970 se retrouvent aujourd’hui déplacées d’environ 100 km vers le Nord et de 200 m en altitude. Vient alors la question des appellations et des droits de plantation décidés à l’échelle européenne… (IUVV). Dans le système actuel de délimitation, il y a peu de marge de manœuvre : « De toute façon, on ne va pas déplacer les vignes ». Par ailleurs, il n’y a pas que le climat qui joue : les caractéristiques physiques et pédologiques des parcelles sont aussi déterminantes ainsi que le savoir-faire des viticulteurs : « il faudra s’adapter sur place » (INAO). Il ne faut pas oublier que la viticulture d’aujourd’hui n’est pas la même que celle d’hier. Une révolution importante, et qui a duré 70 ans, a eu lieu à la fin du XIXe et au début du XXe siècle avec l’apparition du fil de fer (palissades permettant la mécanisation) et des hybrides puis du greffage. Il faudra d’importants changements climatiques pour provoquer une révolution de la même ampleur (INAO). Par ailleurs, la difficulté est de concilier l’adaptation au changement climatique avec d’autres stratégies à court, moyen et long termes. On peut cependant trouver des synergies comme par exemple la mise en place de bandes enherbées comme frein à l’érosion à l’occasion de pluies plus erratiques et comme frein au lessivage et ruissellement des pesticides (CDA 71). Pour cela, il faut nécessairement une impulsion politique qui met l’adaptation au changement climatique comme une priorité. S’il n’y a pas une impulsion politique pour faire de l’adaptation au changement climatique une priorité et engager des travaux de Recherche et Développement, « on continuera à faire ce qu’on fait aujourd’hui, du bricolage » (CDA 89).

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L’adaptation au changement climatique sera donc un réel défi pour la Bourgogne. Si le secteur pourra a priori s’adapter à un réchauffement de un, voire deux degrés, d’importants investissements devront être faits dès lors que celui-ci dépassera les trois degrés, aussi bien sur le plan du vignoble que de la vinification. Par ailleurs, la caractéristique bourguignonne de faire des vins monocépages limite les possibilités d’assurer une régularité des vins d’une année sur l’autre. Faudra-t-il envisager de développer des de nouveaux cépages et/ou des vins d’assemblage (permettant de gommer certains défauts) ? Dans certains cas, des vignobles pourraient disparaître.

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Liste des Experts

Enquêtés (2011) : Le 21/03/2011 : Odile MEURGUES, Directrice de la Coordination des Recherches sur

chardonnay et pinot (CRECEP) Le 23/03/2011 : Jean-Michel MENANT, Responsable de l’Association Technique Viticole de

Bourgogne (ATVB) Le 30/03/2011 : Didier SAUVAGE, Chef du service Vigne et Vin de la Chambre

départementale d’agriculture de Saône-et-Loire (CDA 71) Le 30/03/2011 : Benjamin BOIS, Institut Universitaire de la Vigne et du Vin (IUVV) et Cédric

CUCCIA, Centre de Recherche en Climatologie (CRC) Le 31/03/2011 : Christine MONAMY, Responsable de la coordination technique du Bureau

Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) Le 8/04/2011 : Guillaume MORVAN, Responsable des actions Vignes et Vins de la

Chambre départementale d’agriculture de l’Yonne (CDA 89) Le 9/05/2011 : Eric VINCENT, Ingénieur terroir et délimitation de l’Institut national de

l'origine et de la qualité (INAO)

Autre expert enquêté par des étudiantes33

d’AgroSup’Dijon lors d’une étude apparentée : Le 21/01/2011 : Emilie FAVRE, Technicienne conseillère en viticulture, Cave coopérative

vignerons des terres secrètes (CCVT)

Autres experts conseillés (n’ayant pas pu être enquêtés) : Gilles SENTENAC, Institut français de la vigne et du vin M. ROCHARD, Institut français de la vigne et du vin Mme PERARD, Chaire UNESCO Roger BESSIS Tonneliers : M. FRANCOIS à Saint-Romain ou M. DAMY

3 Emmanuelle BORDON, Perrine DUPAS, Emmy-Louise DURBECQ, Marion HERVE et Kateryna PIDORENKO

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Bibliographie BIVB, 2011a. Le terroir de Bourgogne - Le vin de Bourgogne naît d'abord d'un terroir [en ligne] ; Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, [réf. du 17 mars 2011]. URL : <www.vins-bourgogne.fr/connaitre/la-terre-de-bourgogne/le-terroir/gallery_files/site/321/322.pdf> BIVB, 2011b. Eléments clés de la Bourgogne viticole [en ligne] ; Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, [réf. du 29 avril 2011]. URL : <www.vins-bourgogne.fr/connaitre/ses-reperes/chiffres-cles-de-la-bourgogne/les-chiffres-cles,38,126.html?> Boudon-Padieu E., Maixner M., 2007. Potential effects of climate change on distribution and activity of insect vectors of grapevine pathogens. Actes du colloque international et pluridisciplinaire « Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? » sous l’égide de la chaire UNESCO Vin et Culture, 2007 ; 8p. Brisson N., Levrault F., 2010. Changement climatique, agriculture et forêt en France : simulations d’impacts sur les principales espèces. Le Livre Vert du projet CLIMATOR (2007-2010) ; ADEME, Juin 2010 ; 336 p. ISBN : 978-2-35838-128-4 Chabin J.P., Madelin M., Bonnefoy C., 2007. Les vignobles beaunois face au réchauffement climatique ; Actes du colloque international et pluridisciplinaire « Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? » sous l’égide de la chaire UNESCO Vin et Culture, 2007 ; 13p. Hudelot B., 2007. Constats des effets du réchauffement climatique sur les vignobles d'altitude de Bourgogne (360 à 420 m), durant la dernière décennie - Résumé. Actes du colloque international et pluridisciplinaire « Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? » sous l’égide de la chaire UNESCO Vin et Culture, 2007 ; 2p. Madelin M., Bois B., Chabin J.P., 2010. Modification des conditions de maturation du raisin en Bourgogne viticole liée au réchauffement climatique [en ligne] ; EchoGéo, no.14, 2010, mis en ligne le 13 décembre 2010, [réf. du 16 mars 2011].URL : <http://echogeo.revues.org/12176> Marguerit E., Tandonnet J.P., Golard B., Peccoux A., Van Leeuwen K., Ollat N., 2010. Le porte-greffe, outil original et pertinent d’adaptation au changement climatique ; 2010 ; 4p OIV, 2010. Résolution OIV/VITI 333/2010 : Définition du « Terroir » vitinicole ; Organisation Internationale de la Vigne et du Vin, Juin 2010. ONERC, 2005. Impacts du changement climatique sur les activités viti-vinicoles ; Note technique no.3, Septembre 2005 ; 20p. Perard J., Chabin J.P., Madelin M., 2007. Compte rendu du colloque international, pluridisciplinaire « Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? » [en ligne] ; Chaire UNESCO Vins et Culture, 2007, [réf. du 16 mars 2011]. URL : <http://chaireunesco-vinetculture.u-bourgogne.fr/collclima.htm> Pichery M.C., Bourdon F., 2007. Éléments de réflexion sur quelques impacts économiques du réchauffement climatique sur la filière vitivinicole en Bourgogne ; Actes du colloque international et pluridisciplinaire sous l’égide de la chaire UNESCO Vin et Culture, 2007. Seguin B., 2007. Le réchauffement climatique et ses conséquences pour la viticulture. Actes du colloque international et pluridisciplinaire « Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? » sous l’égide de la chaire UNESCO Vin et Culture, 2007 ; 9 p.

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