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Note de lecture
Linguistique textuelle : Des genres de discours aux textes
Auteur de la ressource : Sébastien DEBRAUWERE, étudiant, Master IDEMM
Date de création du document : 09/11/2004
Date de mise à jour du document : 25/02/2005, revue par Marie-Hélène
CONDETTE, étudiante, Master IDEMM
Mots-clés : Jean-Michel Adam ; Linguistique textuelle ; Typologie des textes
Références bibliographiques de l’ouvrage
ADAM Jean-Michel, Linguistique textuelle : Des genres de discours aux textes.
Paris : Nathan, 1999. 208 pages. (Collection Nathan Université, Série
fac.linguistique). ISBN : 2-09-191342-1.
Résumé de l’ouvrage
Après avoir établi une typologie des textes, Jean-Michel Adam se propose de
définir « l’objet texte ». L’auteur remet tout d’abord en question la notion d’unité
phrastique qu’il considère comme étant un non sens. Comment analyser une phrase
sans prendre en compte le contexte dans lequel elle s’inscrit ? L’auteur aime à dire
que « chaque texte se présente comme un énoncé complet, le résultat d’un acte
d’énonciation » (p.40). Le travail de Jean-Michel Adam porte sur l’unité textuelle de
base : « l’unité minimale de base est la proposition énoncée ». […] Il ajoute qu’« elle
résulte d’une unité de l’acte d’énonciation et d’une unité liée constituant un fait de
discours et de textualité » (p.50). Cette proposition comporte trois dimensions
complémentaires :
- une proposition de référence (représentation discursive) ;
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- une proposition d’énonciation (prise en charge énonciative) ;
- une proposition de discours (valeur illocutoire d’orientation argumentative).
Ces trois dimensions participent grandement de la linguistique textuelle car J-M
Adam analyse avec soin les propriétés de l’énoncé et de l’énonciation : penser voire
rédiger le texte revient à le schématiser. Cette opération consiste à « réunir en un
seul concept l’énonciation comme processus et l’énoncé comme résultat » (p.102).
Tout acte discursif a pour visée de représenter verbalement une réalité et comprend
donc des interactions verbales. Jean Michel Adam porte un vif intérêt à ces
interactions et tente de dégager le schéma textuel et argumentatif des discours du
maréchal Pétain et du Général de Gaulle, lors de la défaite de l’armée française en
juin 1940.
Note détaillée de lecture
1. Pour une linguistique des grandes unités
Jean-Michel Adam étudie les discours et les textes « car le sujet parlant ne
s’exprime pas par mots isolés » (p.31). Ce serait contraire au bon sens que de limiter
la linguistique à l’analyse de catégories grammaticales autrement dit de phrases et
de mots. Tout acte de parole est certes composé de phrases. Mais comme le
souligne J-M Adam, « la langue n’est créée qu’en vue du discours » (p.23). Il est
alors bon de redéfinir le champ, voire l’objet d’étude de la linguistique, et de
considérer le texte comme étant un élément essentiel de la linguistique textuelle. Il
est d’abord nécessaire de remettre en cause ce que J-M Adam considère comme un
truisme, à savoir l’unité phrastique, pour pouvoir ensuite travailler sur l’unité textuelle.
L’auteur aime d’ailleurs à rappeler que « le concept de phrase est une invention
grammaticale tardive et que des écrivains comme Chateaubriand et même Flaubert
avaient encore le sentiment d’écrire plus des périodes que des phrases » (p.26).
Cette considération prend, dans cet ouvrage, tout son sens car l’auteur va par la
suite tenter de décomposer le texte en séquences. J-M Adam remarque très
justement qu’il est impossible de passer d’un texte écrit à un énoncé par extension.
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La question de l’énonciation est au cœur des préccupations intellectuelles de
l’auteur. L’approche d’Adam consiste à mettre l’accent sur « les opérations
énonciatives de mise en texte. » (p.28). Il s’intéresse également « au système
polystructuré et complexe de texte comme unité signifiante, unité considérée dans sa
singularité et son historicité d’événement communicationnel » (p.28). Mais l’auteur
cherche à définir le concept d’énoncé : « énonciation, dans une situation particulière
d’une phrase grammaticale complète » (p.31). Il souligne le fait que les concepts
d’énoncé et de discours sont étroitement liés. Il reprend la définition de discours
donnée par J. Moeschler et A. Reboul à savoir « une suite non arbitraire d’énoncés »
(p.31). J-M Adam tente, dans la linguistique textuelle, d’approfondir les travaux de
Bakhtine « qui lui ne sépare pas l’énoncé des genres de discours, c’est-à-dire des
pratiques sociodiscursives des sujets… » (p.31). J-M Adam conclut qu’une étude
linguistique de la langue ne peut être dissociée d’une étude linguistique du discours.
Le point de vue théorique de cet ouvrage est de préciser ce qu’est « la
translinguistique des textes » (p.32). Bakhtine, dans la Poétique de Dostoïevski,
précise que « … les rapports dialogiques sont un objet de la translinguistique… »
(pp.238-239). Le linguiste russe situe ces rapports à tous les niveaux : « le mot,
l’énoncé, le texte, et même entre des systèmes sémiotiques différents… » (pp.238-
239). Mais J-M Adam veut recentrer son travail sur les agencements de plus petites
unités : les paquets de proposition. D’un point de vue méthodologique, il considère
« la proposition énoncée et la combinaison de propositions dans la phrase complexe
comme l’unité maximale des linguistiques et pragmatiques phrastiques et […] la
proposition énoncée et sa mise en paquets comme l’unité de base de la linguistique
textuelle » (p.35). L’auteur va procéder d’une part à des opérations de segmentation
afin d’étudier les périodes et les séquences et d’autre part à des opérations de liage
afin de comprendre les agencements compositionnels. « La segmentation met en
évidence des plans de texte et aboutit à l’unité langagière d’un tout verbal… » (p.39).
Au terme de ce premier chapitre Jean Michel Adam veut définir le texte :
- le texte comme objet abstrait est « l’objet d’une théorie générale des
agencements d’unités » ;
- les textes « comme objets concrets sont l’unité de l’interaction humaine »
(p.40).
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2. De la phrase au(x) texte(s)
Jean Michel Adam précise, dans ce chapitre, « les grandes catégories de
marques qui permettent d’établir ces connexions à plus ou moins longue distance »
(p.44). Il cherche à étudier les relations qu’entretiennent deux propositions car,
comme le souligne Combettes, « la cohérence du texte n’est pas la résultante de
faits de grammaticalité » (p.44). Ces connecteurs doivent se comprendre comme des
expressions linguistiques qui traduisent les liens logiques entre deux propositions. Il
s'agit de certaines conjonctions de subordination (parce que, comme), de
coordination (donc, car), certains adverbes ou locutions adverbiales (en effet, par
conséquent, ainsi). Ces connecteurs appartiennent à une classe plus longue dite
catégorie textuelle. Il existe cinq catégories textuelles : les connecteurs, les substituts
anaphoriques, les deictiques et les modalisateurs. Les substituts anaphoriques sont
« des pronoms traditionnels de la 3e personne, déterminants possessifs
correspondant à des chaînes de référence » (p.46). Les positions de rhème et de
thème sont des parties d’un groupe nominal qui peuvent avoir soit une valeur de
thème (ce dont on parle) soit de rhème (ce qu’on dit du thème). Les déictiques
comportent une référence absolue (précise ou vague) ou une référence relative au
cotexte (anaphorique) ou au contexte (situationnelle).
J-M Adam remet en cause « l’unité phrase » et redéfinit une nouvelle unité qui
sera la « proposition énoncée ». Toute proposition énoncée comporte trois
dimensions ou plutôt trois actes :
- un acte de référence (représentation discursive) ;
- un acte d’énonciation (prise en charge énonciative) ;
- un acte de discours (valeur illocutoire d’orientation argumentative).
La proposition a pour objet d’énoncer une représentation et « un micro univers
sémantique » (p.50). Cette proposition présente un thème et développe à son propos
une prédication. L’acte d’énonciation est susceptible d’être marqué par un grand
nombre d’unités de la langue (sept grandes catégories) :
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- faits de polyphonie (locuteur / énonciateur) ;
- les différentes sortes de discours rapporté ;
- les indications d’un support de perceptions et de pensées rapportées ;
- les indices de personne ;
- les déictiques spatiaux et temporels ;
- les temps verbaux ;
- les modalités.
Si la proposition énoncée comprend trois actes, elle comprend également des
phrases. Se pose alors un problème majeur : les phrases « majuscule point »,
autrement dit typographiques, découpent des unités sémantiques inégales. Les
propositions sont regroupées dans des unités plus grandes appelées périodes. En
effet, les unités de base que sont les propositions sont liées entre elles pour pouvoir
donner un sens au texte. Il existe cinq types de liage :
- les liages du signifié ;
- les connexions ;
- l’implicitation ;
- les séquences d’acte de discours ;
- les liages du signifiant.
- Les liages du signifié :
Ce type de liage est assuré par deux opérations : la continuité référentielle et
l’isotopie. La continuité référentielle correspond aux anaphores et aux co-références.
Il faut définir l’isotopie comme un fait de redondance linguistique. Dans la
phrase « les chevaux hénissent », il y a trois unités qui marquent le pluriel. J-M Adam
remarque que « l’analyse des chaînes anaphoriques est inséparable d’une attention
à la cohésion isotopique » (p.55).
- Les connexions :
Il existe deux types de connexion : les connecteurs et les organisateurs.
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Les organisateurs comprennent « les marques temporelles » (puis),
« spatiales » (ici, là), « les marqueurs de structuration de la conversation » (bon, ben,
pis, alors), « les marqueurs d’intégration linéaire » (d’une part, d’autre part) et les
« introducteurs d’univers de discours » (selon, pour, d’après) (p.58).
Les connecteurs sont, comme il a été dit plus haut, des conjonctions de
coordination et de subordination.
Les chaînes d’actes de discours : un texte peut être considéré comme
constitué d’actes illocutoires.
- Les liages du signifiant (rythme) :
Il existe des liages formels rythmiques à plusieurs niveaux de complexité :
- reprises de phonèmes (allitérations programmées, rimes) ;
- reprises de syllabes ;
- reprises lexicales ;
- reprises morphosyntaxiques.
- Les opérations de liage regroupent les propositions en deux grands paquets de
propositions :
- des unités de texte non types dites périodes ;
- des unités types appelées séquences.
- Les périodes : les périodes correspondent à deux types de regroupement :
- le regroupement rythmique de propositions (par reprises de phonèmes /
graphèmes) ;
- le regroupement lié pris en charge par des organisateurs.
Mais pour Jean-Michel Adam « [i]l n’est pas possible de définir aucune règle
de segmentation propre aux périodes. » (p.63). Contrairement aux analyses des
grammairiens, les frontières de la période ne sauraient se confondre avec la phrase.
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Pour l’auteur, la période peut dépasser la frontière du point et même du saut de
paragraphe.
- Les séquences : il existe cinq types de séquences :
- séquence narrative ;
- séquence descriptive ;
- séquence argumentative ;
- séquence explicative ;
- séquence dialogale.
Jean-Michel Adam veut étudier deux autres types de liage complémentaires
qui participent de l’élaboration du texte. On peut définir le premier comme étant une
suite linéaire de parties autrement dit un liage compositionnel et le second comme
étant un tout cohésif cohérent à savoir un liage configurationnel.
- Les liages compositionnels : les liages compositionnels comportent des opérations
de planification et de structuration. La composition est réglée par des genres et des
sous genres et aboutit à des plans de textes fixes. La structuration fait intervenir la
segmentation, les périodes et séquences et aboutit à un plan de texte occasionnel.
Les plans de textes fixes sont des conventions (structure du sonnet par exemple).
- Les liages configurationnels : les liages visant à faire ressortir la compréhension
globale d’un tout. J-M Adam conclut qu’ « un texte peut être sémantiquement
résumable par un titre ou par une proposition » (p.78).
3. Types de texte ou genres de discours ?
Jean-Michel Adam veut, comme il le dit lui-même, « en finir avec les types de
texte » (p.81). En effet, considérer un texte à dominante narrative comme un type de
texte réduit le champ de l’analyse car, comme le dit l’auteur, le texte est composé
« de relations d’actions, d’événements, de paroles et de pensées » et « comporte
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également des moments descriptifs et dialogaux » (p.82). Cette conception de la
narration ne prend pas en compte « la complexité spécifique du texte en question »
(p.82). Il devient alors difficile de parler de types de texte car il ne faut pas oublier de
« situer les faits de régularité à savoir le récit, la description, l’argumentation et
l’explication… » (p.81). Jean-Michel Adam préfère parler de « types de pratiques
sociodiscursives, c’est-à-dire de genres » (p.83). L’auteur s’appuie ici sur les travaux
de Gérard Genette. Ce dernier distingue plusieurs genres de textes qu’il regroupe
sous différentes étiquettes :
- l’intertextualité (allusion, citation) ;
- la métatextualité (commentaire d’une œuvre par ou dans une œuvre) ;
- l’hypertextualité (des reprises, pastiches, imitations et subversions) ;
- l’architextualité (rapport d’un texte aux catégories génériques c’est à dire
types de discours) ;
- la paratextualité (rapports d’un texte à ce qui l’entoure matériellement –
péritexte).
Gérard Genette souligne, dans son ouvrage Palimpsestes, « qu’il ne faut pas
considérer les cinq types de transtextualité comme des classes étanches, sans
communication ni recoupement réciproques » (p.85). J-M Adam insiste sur le fait qu’il
ne faut pas confondre intertextualité et interdiscours. L’intertextualité fait écho aux
autres textes. L’auteur définit l’intertextualité comme étant une citation : « Le texte
s’écrit ainsi exemplairement avec et contre un texte auquel il apparaît comme lié
intertextuellement » (p.85). L’interdiscours entretient un rapport étroit avec les
genres discursifs « qui caractérisent une formation sociodiscursive » (p.85). J-M
Adam cherche à démontrer que tout acte de langage s’inscrit dans un échange et
défend le principe qu’il est plus pertinent d’analyser des genres discursifs et des
formations sociodiscursives que des types de texte. Il précise que « le discours doit
être plus pensé comme interdiscours et dans la diversité des pratiques
sociodiscursives humaines qu’ont pour métier de décrire anthropologues et
ethnologues, historiens de la culture, sociologues et sociolinguistes » (p.87). Jean-
Michel Adam s’inspire des travaux de Mikhaïl Bakhtine sur « les formes de la
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langue » et les « formes types d’énonciation » (p.87) pour établir trois hypothèses de
travail.
1e hypothèse : « Les genres sont d’une infinie diversité » (p.88). Il faut comprendre
que les différentes pratiques sociodiscursives s’inscrivent dans une dimension
diachronique : les genres sont associés à une réalité sociale et historique.
2e hypothèse : « Le caractère normé des genres, sans interdire la variation, rend non
seulement possible l’interaction verbale, mais il lui est indispensable » (p.90). Les
genres de discours sont par essence complexes. En effet, si le locuteur peut faire
varier les genres. Mais, il ne peut créer ni faire varier les formes de langue autrement
dit les structures grammaticales.
3e hypothèse : « Les genres influencent potentiellement tous les niveaux de la
textualisation » (p.91).
Jean-Michel Adam explicite cette hypothèse en s’appuyant d’une part sur une
citation de Tomachevski : « tout dans la littérature, depuis le choix du matériau
thématique, des motifs particuliers, depuis leur distribution jusqu’au système
d’exposé, au langage, au vocabulaire… Tout peut devenir un procédé canonique… »
(p.91), et d’autre part sur les observations de Bakhtine : « Ces trois éléments
(contenu, style et construction compositionnelle) fusionnent indissolublement dans le
tout que constitue l’énoncé, et chacun d’eux est marqué par la spécificité d’une
sphère d’échange » (p.91). Ces trois éléments s’apparentent à l’inventio, la dispositio
et l’elocutio autrement dit à la rhétorique. Le texte se situe donc dans une interaction
verbale qui comprend des pratiques sociodiscursives et « les trois pôles » de la
rhétorique classique.
4. Entre énoncé et énonciation
Jean-Michel Adam s’intéresse, dans ce chapitre, à la théorie de la
schématisation.
Il considère cette théorie « comme une représentation discursive » (p.101). Il
décrit la schématisation comme étant à la fois opération et résultat » (p.102).
L’opération de schématisation, autrement dit le fait de schématiser, consiste à
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construire une représentation verbale d’une réalité, que celle-ci soit « partielle,
sélective ou stratégique » (p.103). Il y a donc une représentation mentale de l’acte
discursif et le texte est par essence schématique. Il ne faut pas oublier que les textes
sont construits à partir d’interactions verbales et que « le schématiseur » (le locuteur)
cherche à agir verbalement sur ses interlocuteurs. J-M Adam conclut « qu’une
schématisation est le résultat et le moyen d’une intention et (d’inter) action » (p.106)
et dresse une liste d’actions langagières que « tout schématiseur » peut utiliser :
- Informer (décrire, renseigner, faire savoir) ;
- Enseigner (expliquer, instruire, docere) ;
- Démontrer et prouver ;
- Persuader (arguments, persuader, conseiller) ;
- Divertir (divertir, amuser, passer le temps) ;
- Ordonner-instruire (dire de faire, recommander) ;
- Evaluer : louer / blâmer (genre rhétorique épidictique) ;
- Juger : accuser / défendre (genre rhétorique judiciaire) ;
- Plaire (séduire, placere) ;
- Emouvoir (movere).
La schématisation peut ainsi combiner plusieurs grandes actions. L’interaction
peut varier ou induire des réactions selon les formations discursives utilisées. J-M
Adam montre que « l’insulte réelle vise à juger et à émouvoir et que l’insulte rituelle
vise à passer le temps, elle se définit comme un jeu verbal » (p.106).
La schématisation compte également six types d’images. L’opération de
schématisation comme représentation discursive propose un certain nombre
d’images symboliques. Cette activité comporte six types d’images « qui sont autant
de sortes de visions du monde » (p.107) :
- des images de la situation d’interaction sociodiscursive en cours ;
- des images de l’objet du discours (appelées aussi bien thème que
référent) ;
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- des images de A (nom du schématiseur) ;
- des images de B (nom du co-schématiseur) ;
- des images de la langue de B ;
- des images de la langue que B attend qu’on produise.
La schématisation s’inscrit dans une perspective d’interaction et présente
aussi bien :
- des images de la situation d’interaction sociodiscursive selon A et selon B,
c’est à dire « l’image que A se fait de la façon dont B se représente »
(p.108).
- des images de B selon A dans « le cadre d’une réplique réponse : des
images de représentations de B par B ».
- des images de la langue utilisée par A et des images de la représentation
que se B de L (la langue).
- des images de la représentation de A par A autrement dit des images de A
lui-même.
J-M Adam porte un vif intérêt à cette dernière représentation qui n’est autre
que la représentation discursive de soi ou ethos. L’auteur revisite l’ouvrage d’Aristote
et le concept de rhétorique et plus particulièrement ses trois « pôles » que sont
l’ethos, le logos et le pathos. L’ethos, le logos et le pathos correspondent
respectivement à la valeur démonstrative du discours, aux mœurs de l’orateur et à la
disposition de l’auditoire. J-M Adam remarque que « les trois pôles sont soumis,
selon les discours ou les moments d’un même discours, à des pondérations, à un jeu
de dominante(s) […] Lorsque par exemple, les pôles de l’ethos et du pathos écrasent
le logos, la manipulation n’est pas loin » (pp.109-110). Comme il a été dit plus haut,
la schématisation entretient un lien très étroit avec la rhétorique. Il faut prendre en
compte :
- ce que dit la schématisation : « elle instruit par le logos » (p.111) (au sens
d’énoncé et d’exercice de la parole) ;
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- que la schématisation parvient à « remuer chez le co-schématiseur B
(pathos) » (p.111).
L’ethos peut être rattaché à l’inventio (choix des arguments), à l’elocutio (choix de la
mise en mots) et à l’actio (mise en voix, gestes, ton).
5. Une pragmatique linguistique et textuelle
Jean-Michel Adam se demande s’il ne faut pas plus parler de pragmatique
textuelle que de linguistique textuelle dans la mesure où il cherche à analyser l’action
que font les locuteurs lorsqu’ils produisent un énoncé. L’auteur s’intéresse à la
théorie des « réseaux instructionnels » développée par Harald Weinrich et aux
données morpho-syntaxiques. La morphosyntaxique décrit les règles des
combinaisons des morphèmes et les affixes flexionnels (conjugaisons et
déclinaisons). Harald Weinrich explique que « le signe linguistique est un segment
textuel par lequel l'émetteur induit le récepteur à se comporter d'une certaine
façon.[…] D’après cette conception, le signe linguistique est un acte d’instruction
dans une situation communicative et la linguistique qui correspond à cette théorie
peut être appelée pragmatique ou plus exactement instructionnelle » (p.121). Tout
acte de discours doit se comprendre comme « une manifestation ostentatoire d’une
« intention communicative » (p.122). Comprendre-interpréter un énoncé, c’est être
capable d’accéder à un ensemble d’hypothèses intentionnelles qui motivent et
expliquent l’interaction verbale » (p.122). La schématisation textuelle fait sens
lorsqu’elle résulte « d’un travail opéré dans une situation donnée et à partir
d’instructions fournies par la schématisation » (p.122). Il ne faut pas oublier que si le
sens des énoncés est discursivement construit, cela ne veut pas dire que « ce sens
ne peut être construit à partir de rien » (p.123). Il faut prendre en compte la notion de
contexte et plus particulièrement :
- « l’environnement extralinguistique : contexte ou situation de l’interaction
sociodiscursive, c’est-à-dire, comme on l’a vu au chapitre 4, situation
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d’énonciation et situation d’interprétation (décalées ou non dans le temps
et / ou dans l’espace) ;
- « l’environnement linguistique immédiat : cotexte de la schématisation
textuelle » ;
- « les connaissances générales présumées partagées : représentations
psychosociales et préconstruits culturels de sujets inscrits dans l’histoire et
dans l’intersubjectivité » (pp.124-125).
J-M Adam tire trois conséquences directes de ce processus d’interprétation
pragmatique :
- « Toute phrase, quelle qu’elle soit, a toujours besoin d’un contexte ». Ce
n’est que dans une situation donnée que l’énoncé fait sens ;
- « Le contexte est choisi en fonction de son accessibilité ». Le contexte
spécifique l’emporte toujours sur le contexte général ;
- « Le contexte implique la mémoire » (p.125). Le contexte est considéré
comme une réalité historique et cognitive.
6. Rhétorique de l’appel : de Gaulle et Pétain en juin 1940
J-M Adam analyse dans ce chapitre les discours du maréchal Pétain et du
Général de Gaulle et tente de dégager le schéma argumentatif de ces deux appels.
J-M Adam refuse de considérer « l’appel du 18 juin » comme un texte car il
comprend plusieurs éléments appartenant à la schématisation. J-M Adam remarque
que « les grandes étapes du plan de texte de l’appel du Général de Gaulle –
l’ouverture, la clôture du noyau argumentatif et la clôture de l’appel proprement dit –
présentent trois échos-allusions à l’appel de Pétain » (p.143). J-M Adam donne un
exemple d’écho-allusion : « Alors que les derniers mots du discours du maréchal
Pétain sont : « le destin de la patrie », le texte du Général de Gaulle corrige cette
schématisation en sortant des limites hexagonales. Avec « le destin du monde », en
position de chute intermédiaire du noyau argumentatif, on ne peut pas dire que la
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question de la guerre et de la place de la nation française dans le conflit est
totalement révisée » (p.144). Les situations d’interaction sociodiscursive de ces deux
appels sont différentes :
- le maréchal Pétain jouit d’une certaine renommée légitimité puisqu’il
représente le gouvernement français ;
- le Général de Gaulle est inconnu du grand public et son discours
s’apparente à « un coup de force » (p.145).
Les deux discours s’appuient sur des stratégies argumentatives différentes :
- « le discours délibératif et le logos l’emportent sur l’épidictique (blâme des
choix de Pétain) et sur le pathos dans le texte de De Gaulle » ;
- « En revanche, l’épidictique, le pathos et l’ethos dominent entièrement
celui de Pétain » (p.155).
J-M Adam conclut que « le discours de Pétain tient plus du discours de
manipulation que de l’argumentation, en raison de l’affaiblissement du pôle des
preuves par le logos sur lequel, par contre, s’appuie plus largement le discours du
général de Gaulle » (p.155).
Bibliographie commentée
- ADAM, Jean-Michel. Eléments de linguistique textuelle : théorie et pratique de
l’analyse textuelle. Liège : Mardaga, 1990. 265 p. ISBN 2-87009-440-X
Commentaires : Jean-Michel Adam s’attache dans cet ouvrage à définir l’unité
d’analyse textuelle, à savoir la proposition énoncée. L’auteur étudie également les
organisateurs (énumératifs et reformulatifs) et les connecteurs (mais et certes). Ce
livre permet de mieux saisir la problématique développée par l’auteur dans La
Linguistique textuelle : Des genres de discours aux textes.
Catégorie : Ressource théorique
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- ADAM, Jean-Michel. « Quels types de textes ? » le Français dans le monde, Paris,
n° 192, Avril 1985, ISSN 0036 9395
Commentaires : Dans cet article, Jean-Michel Adam élabore des typologies de
textes. Il pose de cette manière les jalons de sa réflexion sur la linguistique textuelle.
- MAINGUENEAU, Dominique. L’énonciation en linguistique française. Paris :
Hachette Supérieur, 1994. 158 p. (Les Fondamentaux, 30) ISBN 2-01-144914-6
Commentaires : L’auteur analyse avec soin les déictiques, les embrayeurs et les
plans d’énonciation. Cet ouvrage s’adresse avant tout aux étudiants de premier
cycle.
- SIOUFFI, Gilles, VAN RAEMDONCK, Dan. 100 fiches pour comprendre la
linguistique. Rosny : Bréal, 1999. 224 p. ISBN 2-84291-453-8
Commentaires : c’est d’abord un ouvrage de vulgarisation. Les auteurs définissent
les différents domaines de la linguistique. Chaque fiche traite d’une notion relative à
la linguistique. Vous trouverez dans ce livre des fiches consacrées à la phrase, au
texte et à l’interaction verbale…
Webographie commentée
- BAUMGARTNER-BOVIER Annick, Enseignements et conférences du Professeur
Jacques Moeschler [en ligne]. Genève : Université de Genève. Mis jour le 15/10/04.
[Consulté le 21/01/05]. Rubrique Pragmatique, sémantique et cognition, (20 pages).
Disponible sur Internet : <http://www.unige.ch/lettres/linge/moeschler/>
Commentaires : Cette page est consacrée au professeur Jacques Moeschler et plus
particulièrement à ses publications. Les internautes ont ainsi accès à des articles
relatifs aux connecteurs pragmatiques, à la pragmatique, aux inférences
directionnelles et à « la représentation des événements dans la langue et dans le
discours ».
- Fabula, la recherche en littérature [en ligne], Paris : Fabula. Mis à jour le 03/02/05.
[consulté le 03/02/05]. Disponible sur internet : <http://www.fabula.org>
Catégorie : Ressource théorique
Université de Lille 3 – UFR IDIST – Méthodologie documentaire – page 16
Commentaires : Les chercheurs de l’association Fabula ont rassemblé sur ce site
leurs travaux et réflexions. Vous trouverez un article très intéressant sur la notion
d’intertextualité.
- MOESCHLER, Jacques. Linguistique et pragmatique cognitive : l’exemple de la
référence temporelle in BAUMGARTNER-BOVIER Annick, Enseignements et
conférences du Professeur Jacques Moeschler [en ligne]. Genève : Université de
Genève. [s.d.]. [consulté le 21/01/05]. Linguistique et pragmatique, (24 pages).
Disponible sur Internet :
<http://www.unige.ch/lettres/linge/moeschler/publication_pdf/linguistique.pdf>
Commentaires : L’auteur se propose d’étudier la pragmatique et plus particulièrement
les connecteurs, les inférences temporelles et les différents types de contenus.
- STOLTZ, Claire. Dialogisme et « translinguistique » de Bakhtine. Fabula, la
recherche en littérature [en ligne]. Paris : Fabula, [s.d.]. Mis à jour le 05/07/02.
[Consulté le 21/01/05]. Atelier de théorie littéraire (1 page). Disponible sur Internet :
<http://www.fabula.org/atelier.php?Dialogisme_et_%26quot%3Btranslinguistique%26
quot%3B_de_Bakhtine>
Commentaires : Claire Stoltz se propose d’expliquer à l’internaute ce qu’est la
translinguistique. Cet article est clair et permet de mieux comprendre le propos de
Jean-Michel Adam.