Action de Groupe Et Convention d'Arbitrage
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Master 2 Droit des Contrats
Action de groupe et convention darbitrage Sous la direction de Monsieur le Professeur Christophe Seraglini
Maxime Alcina Anne Universitaire 2013-2014 Universit Paris XI Jean Monet
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Sommaire
Partie 1- La convention darbitrage vecteur de remise en cause de la protection des intrts du consommateur ? ............................................................................................ 12
1- Lutilisation dloyale de la convention darbitrage : lexemple nord-amricain ......... 12 2- La relative protection des consommateurs en droit franais face larbitrage .......... 18
Partie 2- la convention darbitrage vecteur damlioration de la protection des intrts des consommateurs ? ............................................................................................................. 26
1- Lopportunit incertaine de larbitrage collectif ........................................................ 27 2- Les obstacles linstauration dune procdure darbitrage de groupe en droit franais ........................................................................................................................................ 31
Conclusion ....................................................................................................................... 35
Bibliographie ................................................................................................................... 36
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Introduction
Il ny a ni justice ni libert possible lorsque largent est toujours roi .
Albert Camus, in Camus Combat, 2002.
Tout semble les opposer. Dun cot, laction de groupe, fer de lance des rgles
consumristes labores au soutien du faible. De lautre, la convention darbitrage,
instrumentum dune justice contractuelle prive au service des possdants. Pourtant, lun et
lautre de ces mcanismes entretiennent des rapports intenses, troits et ambigus. Tantt
conflictuelles, tantt fusionnelles, les relations que partagent consommation et arbitrage
sont un terrain fertile au dveloppement de divers contentieux, larges rflexions et
processus innovants.
La justice arbitrale est-elle la mieux mme de trancher les litiges qui opposeraient
professionnels et consommateurs ? Droit de la consommation et droit de larbitrage
peuvent-ils tre concilis tout en prservant les garanties de protection des
consommateurs ?
Cest par raction plus que par action que le droit de la consommation sest dvelopp et
affirm comme une figure indispensable la protection des consommateurs tout en
participant au bon fonctionnement du march. Ainsi, il est propre sappliquer aux relations
qui existent actuellement ou potentiellement entre professionnels et consommateurs. Sil
nexistait, jusqu peu, pas de vritable dfinition du consommateur ou du professionnel au
sein du mme du code de la consommation et que cette question fut lobjet de long et
sulfureux dbats1, des dfinitions ont nanmoins t proposes. Cest majoritairement sur le
niveau de comptence de chacun de ces deux protagonistes quelles se construisent. Partant,
il faut comprendre que le professionnel est avant tout celui qui est comptent, linverse du
1 J.P. Chazal, Le consommateur existe t-il ? D. 1997 p. 260.
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consommateur, lui disposant par nature dun niveau de comptences beaucoup moins lev
que son oppos2.
En droit franais, le professionnel peut se dfinir comme la personne physique ou morale
qui agit dans le cadre d'une activit habituelle et organise de production, de distribution ou
de prestation de services3 . La notion de consommateur doit tre entendue ngativement,
en tant que non professionnel, qui conclue des actes qui ne sont pas ncessaires une
activit professionnelle4. Depuis la loi du 17 mars 2014, le consommateur est dfini comme
toute personne physique qui agit des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activit
commerciale, industrielle, artisanale ou librale 5.
Schmatiquement, le droit de la consommation est construit dune manire duale. Dabord,
il renferme de nombreuses rgles qui ont pour vocation de protger les intrts des
contractants faibles en amont de leurs engagements, par llaboration dobligations
prventives propres leur donner les moyens, thoriques, de sengager en pleine
connaissance de cause et de chose. En la matire, cest lobligation gnrale dinformation
est reine6. Ensuite, ses dispositions peuvent aussi trouver sappliquer aprs que le
consommateur se soit engag, dans une dimension curative, par lapplication de
mcanismes lui fournissant des armes propres contraindre, en justice sil le faut, le
professionnel de rtablir un quilibre quil aurait rompu par ses manuvres malicieuses.
Cest cette seconde nature, plus sanctionnatrice, qui est reste longtemps contestable. En
effet, si lon peut, dans une certaine mesure, se satisfaire des rgles de protection garanties
par le Code de la consommation, leffectivit des moyens judiciaires offerts aux
consommateurs afin de faire entendre et respecter leurs droits en justice est en revanche
beaucoup plus contestable. Majoritairement, le litige de consommation est par nature petit
et ne met en jeu que de faibles sommes cot consommateur. Cot professionnel, en
revanche, cest un tout autre calcul qui doit soprer.
2 G. Raymond, Contrats de consommation, JCP Conc. Cons, 15 mai 2009. 3 J. Calais-Auloy, J. Steinmetz, Droit de la consommation, Dalloz, 7e d., 2006. 4 P. Malaurie, L. Ayns et P. Stoffel-Munck Droit civil, Les obligations, Defrnois 2008, n 421. 5 Art. prliminaire du Code de la consommation. 6 Art. L 111-1 al. 1 du Code de la consommation : Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connatre les caractristiques essentielles du bien.
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Partant, le lgislateur franais a tent de prendre en compte la ralit conomique du litige
de consommation en ouvrant la voie dune forme de recours collectif indirect avec laction
en reprsentation conjointe7. Cette procdure innovante se solda par un chec cuisant
puisquelle ne fut actionne qu 5 reprises depuis sa cration en 1992 et dcrie comme
une vritable action mort ne 8, participant au renforcement la franaise du dficit
chronique de moyens juridiques. Il tait crit que lefficacit des dispositions protectrices du
Code de la consommation ne passerait que par la voie du vritable recours collectif,
permettant aux consommateurs de se regrouper pour unir leurs forces et restaurer un
quilibre port disparu depuis trop longtemps.
De nombreux Etats, forts de la prise de conscience des ncessits de dvelopper des modes
de recours collectifs, ont dcid de franchir le cap de lintroduction dactions collectives dans
leurs systmes juridiques. Si ce mcanisme trouve sa source dans une pratique de
lAngleterre mdivale9, cest aux Etats-Unis10, au milieu du XXme sicle, quelle fut
popularis sous le terme de class action. Sil nexiste pas de forme commune de class action,
elle peut toucher de nombreux domaines11 tout en sadaptant aux nombreuses spcificits
juridiques des Etats, elle peut tre dfinie communment comme une action introduite par
une personne pour le compte de toute une srie de personne ayant des droits identiques, qui
aboutit au prononc dun jugement ayant autorit de force juge lgard de tous les
membres de la classe (groupe) 12 . Lessor de cette procdure outre-Atlantique tient
notamment au fait quelle est souvent accompagne dune hypermdiatisation pour se
transformer, parfois, en vritable luttes des classes, combats conomiques ou cologique
entre pots de terre et pot de fer. En 1993, la Pacific Gas Company fut contrainte verser plus
de 333 millions de dollars dindemnits aux victimes de sa pollution des eaux
californiennes13, plus rcemment, la socit Ferrero fut contrainte verser 4 dollars de
7 Art. L. 422-1 L. 422-3 du Code de la consommation. 8 L. Bor, Laction en reprsentation conjointe : class action franaise ou action mort ne ? D. 1995 p. 267. 9 S.C Yeazell, From medieval group litigation to the modern class action, Yale University Press, 1987. 10 Art. 23 Federal Rules Of Civil Procedure (FRCP). 11 Le Brsil a par exemple opt pour une class action ouverte au droit de la consommation alors quIsral la tendue aux valeurs mobilires. 12 S. Piedelivre, Droit de la consommation, Economica. Pour une autre dfinition, voir G. Jahan, Doit-on importer les class action en France pour mieux dfendre le consommateur ? Gaz. Pal. 19 octobre 2008, n292, p.20. 13 Erin Brokovich, seule contre tous, ralis par Steven Soderbergh, 2000.
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ddommagement par amricain ayant achet un pot de Nutella entre 2008 et 2012 pour
un cot total de plus de 3 millions de dollars14.
Lintroduction, ou non, en France dun mcanisme de class action, fut lobjet dun long et
sulfureux dbat. Si les organismes de dfense des consommateurs, politiques, auteurs ont
rclam lintroduction dun mcanisme quivalent dans le systme juridique franais depuis
plus de 30 ans15, ce projet fut un temps oubli. Cest en 2005 lors des vux du Prsident de
la Rpublique aux forces vives de la nation que le projet repris vie alors quil fut demand au
gouvernement de proposer une modification de la lgislation pour permettre des groupes
de consommateurs et leurs associations dintenter des actions collectives contre les
pratiques abusives observes sur certains marchs. En parallle, la Commission europenne
affirma a plusieurs reprises sa faveur ladmission dactions de groupe au sein des Etats
membres de lUnion Europenne 16 , y soulignant la fois des ncessits dordre
concurrentiel tenant la lutte contre les ententes et les abus de position dominante17, et
des ncessits quant leffectivit de la protection des consommateurs18.
Malgr les avantages indniables de la procdure de class action en terme deffectivit des
garanties accordes aux consommateurs19, les diffrents travers rencontrs aux Etats-Unis
furent des obstacles majeurs lentre en vigueur dune action de groupe en France. Parmi
ceux-ci, on peut relever la multiplication des procdures envers les socits les plus riches20,
le chantage exerc leur gard pour les contraindre transiger, les risques trop levs de
dstabilisation du march ou lincitation des clients par les avocats grassement rmunrs21.
Par la mme, les rticences taient justifies par les atteintes potentielles certains aspects
14 Top 10 Class-Actions Lawsuits, http://www.cnbc.com/id/35988343. 15 Rapport de la commission de refonte du droit de la consommation, prside par Jean Calais-Auloy, Proposition pour un nouveau droit de la consommation, Doc. Fr, 1985 ; S. Guinchard, Une class action la franaise ? D. 2005, p. 2180. 16 Recommandation Commission Europenne - IP/13/524, 11 juin 2013. 17 Livre blanc du 2 avril 2008 sur les actions en dommages et intrts pour infraction aux rgles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, COM(2008)165 . 18 Livre vert du 27 novembre 2008 sur les recours collectifs pour les consommateurs, COM(2008) 794. 19 C. Habibi, C. Philibert, Lintrt des class actions dans le traitement judiciaire des dommages de masse, LPA 25 mars 2014 n60 p. 18. 20 Pratique du deep-pocket. 21 Rapport d'information de MM. Laurent BTEILLE et Richard YUNG, fait au nom de la commission des lois n 499 (2009-2010) - 26 mai 2010.
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de la tradition juridique franaise dont notamment le heurt du principe selon lequel nul ne
plaide par procureur 22.
La voie de la raison semble lavoir finalement emport puisque la loi Hamon n2014-344 du
17 mars 2014 est venue introduire dans notre droit une vritable action de groupe la
franaise insre aux articles L.423-1 L. 423-26 du Code de la consommation23. Petit pas
ou pas de gant pour certains 24 , dsormais, une association de dfense des
consommateurs, reprsentative au niveau national () peut agir devant une juridiction civile
afin dobtenir la rparation des prjudices individuels subis par des consommateurs placs
dans une situation similaire et ayant pour origine commune un manquement dun ou des
mmes professionnels ses obligations lgales ou contractuelles 25.
Il sagit dune vritable action de groupe la franaise assortie de ses propres spcificits26.
Outre le monopole daction des associations de consommateurs agres27, elle est reste
cantonne au seul droit de la consommation pour les prjudices patrimoniaux 28 . Sa
procdure se dcompose en trois tapes successives. La premire concerne le jugement, qui
va permettre au juge du Tribunal de grande instance de statuer sur la responsabilit du
professionnel et de dfinir le groupe de consommateurs concern tout en y fixant les
critres de rattachement ainsi que les prjudices susceptibles dtre rpars et les lments
permettant lvaluation de ce prjudice29.
La deuxime tape concerne ladhsion au groupe par les consommateurs, selon les rgles
de lopt-in, induisant que seuls ceux ayant manifest leur volont seront considrs comme
appartenant au groupe. Ce mcanisme a par ailleurs t confirm par le Conseil
22 Cons. Cons, 25 juillet 1989 DC n89-257. 23 G. Raymond, Actualit : impact de la loi n2014-344 du 17 mars 2014 sur le droit de la consommation, JCP. Conc., Conso, 17 avril 2014. 24 J-P. Grandjean, action de groupe : petit pas ou pas de gant ? JCP. G n40, 30 sept. 2013, 1007. 25 Art. L. 423-1 al 1 du Code de la consommation. 26 K. Haeri, B. Javaux, Laction de groupe la franaise, une curiosit. JCP G n13 31 mars 2014, 375 ; M. Bacache, Introduction de laction de groupe en droit franais propos de la loi n2014-344 du 17 mars 2014, JCP G n13 31 mars 2004, 377. 27 J-D Bretzner, Ombres et lumires autour de la qualit pour agir dans laction de groupe, Gaz. Pal, 16 mai 2013 n136, p. 31. 28 Art. L. 423-1 du Code de la consommation. 29 Art. L. 423-3 du Code de la consommation.
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constitutionnel dans sa dcision du 13 mars 201430 dans laquelle il a soulign que cela
prservait la possibilit quont les consommateurs de poursuivre la rparation individuelle
de leur prjudice. Cest le juge qui dterminera les mesures ncessaires la publicit propre
permettre aux consommateur dtre informs de laction, elle seront la charge du
professionnel et ne pourront tre mises en uvres quune fois les voies de recours
puises31, il fixe les modalits dadhsion au groupe et le dlai pour y adhrer, compris
entre 2 et 6 mois aprs la fin des mesures de publicit32.
Enfin, la troisime et dernire tape consiste la mise en uvre du jugement et permettre
aux consommateurs ayant adhr au groupe dtre indemniss individuellement par le
professionnel33.
Il est important de noter que le lgislateur a instaur la possibilit pour lassociation de
consommateur dengager une procdure de mdiation avec le professionnel dont lventuel
accord devra faire lobjet dune homologation judicaire34. Enfin, toujours dans un souci de
favoriser le rglement rapide des litiges, il est possible de procder par la voie de laction de
groupe simplifie dans lhypothse o l'identit et le nombre des consommateurs lss sont
connus et quils ont subi un prjudice d'un mme montant. Le juge, aprs avoir statu sur la
responsabilit du professionnel, pourra condamner ce dernier les indemniser directement
et individuellement, dans un dlai et selon des modalits qu'il fixera35.
Linstauration de laction de groupe dans le systme juridique franais reprsente donc une
avance considrable en matire de protection et de garantie des droits des consommateurs
afin que les dispositions protectrices ne restent pas lettre morte, elle leur permet dsormais
denvisager sereinement de parvenir faire valoir efficacement leurs intrts, mmes
minimes, devant un juge.
30 Cons. Cons, 13 mars 2014 DC n2014-690. 31 Art. L 423-4 du Code de la consommation. 32 Art. L 423-5 du Code de la consommation. 33 Art. L 423-11 du Code de la consommation. 34 Art. L 423-15 du Code de la consommation. 35 Art. L 423-10 du Code de la consommation.
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Ce qui nous amne sur le terrain de larbitrage, cest la question de savoir si les dispositions
protectrices du droit de la consommation ne pourraient pas ventuellement voir leur
applicabilit remise en cause. Une convention darbitrage, en ce quelle a pour effet de
soumettre ses parties une procdurale arbitrale, ne risque t-elle pas de remettre en
question lordre public protecteur instaur par le lgislateur pour protger le
consommateur?
La convention darbitrage peut tre dfinie comme la convention par laquelle les parties
dcident de faire trancher par un ou plusieurs arbitres les litiges dj ns ou naitre en
elles 36. Elle est par ailleurs assortie dune double nature puisquelle peut prendre la forme
la fois dune clause compromissoire ou dun compromis darbitrage et la distinction
formelle entre les deux tient un critre temporel, savoir si le litige est dj n ou pas.
Ainsi la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties un ou plusieurs
contrats s'engagent soumettre l'arbitrage les litiges qui pourraient natre relativement
ce ou ces contrats , alors que le compromis est la convention par laquelle les parties
un litige n soumettent celui-ci l'arbitrage 37.
Trs tt dj, dans larrt Prunier de 184338, la nature conflictuelle des rapports entre
arbitrage et protection de la partie faible se manifesta. La Cour de cassation dcida de priver
deffet la clause compromissoire insre dans un contrat conclu entre un assureur et un
assur dans le cadre de ce qui serait aujourdhui un contrat dadhsion. Elle y voyait pour les
parties faibles un risque de se faire imposer une procdure arbitrale dans des contrats dont
elles ntaient pas en mesure de ngocier les termes et refusa quune telle clause ne se
gnralise au pril des intrts des parties faibles. Dj, il apparaissait que la justice
arbitrale ntait pas la mieux adapte lorsquun dsquilibre dcoulait de la relation
contractuelle. Pourtant, comme le relve Philippe Delebecque, il existe un vritable dcalage
entre droit de larbitrage interne et droit de larbitrage international en matire de clauses
compromissoires insres dans des contrats de consommation internationaux, consacrant
36 J. Ortscheid, C. Seraglini, Droit de larbitrage interne et international, Montchestien, p. 79. 37 Art. 1442 du Code de procdure civile. 38 Cass. Civ., 10 juillet 1843, S.1843, 1, p. 561 ; Rev.arb. 1992, 399 et 259.
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ainsi un droit de la consommation deux vitesses 39. En effet, si Le droit interne reconnat,
au contraire du compromis darbitrage, linvalidit de la clause compromissoire insre dans
un contrat de consommation puisquelle aurait pour effet de mettre en jeu des droits
indisponibles, il en va autrement en droit international o il est reconnu que la clause
compromissoire insre dans un contrat de consommation est efficace.
Larbitrage, lorigine mode de rsolution alternatif des litiges, est devenu si vertueux pour
les acteurs du commerce international que certains auteurs en sont amens se demander
sil est encore vritablement un mode alternatif de rglement des diffrends40. Son essor
tient au fait quil est loutil de rsolution des litiges qui sadapte le mieux aux exigences des
professionnels en terme de confidentialit et de clrit, et permet en mme temps de
prserver un bon fonctionnement du march en rduisant les temps de procdure,
favorisant la mdiation ainsi que par les dcisions mesures, parfois rendues en quit.
Malgr des cots certains, larbitrage reprsente une vritable alternative la justice
tatique41 et son succs dans le monde des affaires nest plus dmontrer. On voit toute la
contradiction entre une justice arbitrale payante qui tend se librer des modalits dune
procdure tatique qui ne rpond plus efficacement aux besoins dun commerce libralis et
la nature mme du litige de consommation qui par ses faibles cots ne justifierait presque
jamais la saisine dun juge tatique, encore moins celle dun tribunal arbitral, ainsi, pour
Charles Jarrosson, en matire de litige de la consommation, le jeu n'en vaut pas la
chandelle 42.
La puissance de laction de groupe est telle qucomporte de nombreux risques juridiques et
conomiques que les socits qui en feraient lobjet ne peuvent pas ignorer43. Ainsi il est
dans leur intrt dlaborer des stratgies visant rduire au maximum les risques encourus
par un ventuel recours collectif, notamment par lusage de la convention darbitrage, qui
est cense carter la comptence des tribunaux tatiques au profit des tribunaux arbitraux.
39 P. Delebecque, Arbitrage et droit de la consommation, Rev. Droit et Patrimoine 2002 p. 104. 40 I. Beyneix, L-C Lemmet, Larbitrage international est-il encore vritablement un mode alternatif de rglement des diffrends ? RTD Com. 2012 p. 225. 41 D. Vidal, Droit franais de larbitrage commercial international, d bilingue franais/anglais, Gualino 2004. 42 C. Jarrosson, Rev.arb., 1996,781 43 Les recours collectifs et stratgie juridique internationale, les stratgies de rduction du risque de class action dans un cadre international, Centre europen de droit et dconomie de lESSEC, 28 avril 2011, Revue Lamy de la Concurrence 2011.
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Lensemble de ces considrations nous amne constater quaction de groupe et
convention darbitrage entretiennent des relations complexes. Ds lors, la question
laquelle nous tenterons de rpondre au long de ce travail est savoir quelle influence exerce
la convention darbitrage sur les nouvelles dispositions protectrices qui permettent aux
consommateurs dintenter une action de groupe devant le juge tatique.
Nous analyserons dune part le rapport conflictuel quiil existe entre laction de groupe et la
convention darbitrage (1re partie), avant de nous consacrer au rapport fusionnel
quentretiennent action de groupe et convention darbitrage (2me partie).
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Partie 1- La convention darbitrage vecteur de remise en cause de la
protection des intrts du consommateur ?
Lentre en vigueur de dispositions protectrices nest pas sans remettre en cause les intrts
conomiques de certains acteurs sur le march. Laction de groupe nayant jamais encore
t utilise en droit franais, il est indispensable de sinspirer et danalyser les
problmatiques souleves par la confrontation entre les actions collectives et le recours
larbitrage en Amrique du nord (1), avant deffectuer un travail prospectif en se
demandant si et comment les mmes problmatiques destructrices des protections
accordes aux consommateurs peuvent tre rencontres en France, ce qui nous poussera
nous demander si une clause darbitrage insre dans un contrat de consommation est
efficace alors quelle est susceptible de porter atteinte une matire dordre public, en
somme, lexercice dun recours collectif (2).
1- Lutilisation dloyale de la convention darbitrage : lexemple nord-
amricain
Il sagira dune part de mettre en exergue les problmatiques (A), avant denvisager les
rponses apportes par les juridictions. (B).
A- le constat
Le droit de la consommation nest pas une matire relevant de la comptence rationae
materiae exclusive des juges tatiques nord-amricains. Les arbitres ne sont donc pas privs
du pouvoir de trancher un litige qui opposerait un professionnel un consommateur. Nous
pourrions voir dans cet lment, coupl lexistence de la procdure de class action, une
faveur opportune la garantie daccs la justice des consommateurs pour faire valoir leurs
droits. Cependant, comme indiqu prcdemment44, les class actions prsentant des enjeux
conomiques colossaux pour les entreprises, certaines dentre elles, pour se protger des
44 Les recours collectifs et stratgie juridique internationale, les stratgies de rduction du risque de class action dans un cadre international, Centre europen de droit et dconomie de lESSEC, 28 avril 2011, Revue Lamy de la Concurrence 2011.
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risques lis aux recours collectifs, ont eu recours un usage dloyal des clauses darbitrage
en les dtournant de leur finalit afin dempcher les consommateurs dintenter des recours
collectifs. Cela nous ramne lessence mme de la justification lintroduction de laction de
groupe en France, savoir que les demandes potentielles tant trop faibles pour tre juge
individuellement, en soumettant obligatoirement un arbitrage, les professionnels excluent
la possibilit quun groupe de consommateurs puisse se constituer pour obtenir ce que seuls,
les consommateurs nauraient jamais obtenu. De surcroit et de manire plus surprenante, il
serait envisageable que des professionnels, malgr des lgislations interdisant les clauses
darbitrage obligatoire dans les contrats de consommation, introduisent diffrentes clauses
de rglement pralable des litiges afin ou dvincer une class action, ou tout du moins den
retarder au plus son dclenchement.
Lexemple le plus parlant dune telle manuvre se retrouve dans laffaire Dell, dans laquelle
la Cour suprme du Canada avait considr que la clause compromissoire ne permettait pas
aux consommateurs dintenter un recours collectif45. En lespce, la socit Dell, spcialise
dans la vente de matriel informatique, avait par erreur affich des prix de vente
exceptionnellement bas sur son site internet de vente en ligne. Se rendant compte de cette
bvue, la socit informa ses acheteurs de son refus de donner suite aux commandes
effectues pour ces produits. En raction, lun des acheteurs, soutenu par lUnion des
Consommateurs, dposa une requte auprs dune Cour suprieure en autorisation
dexercer un recours collectif contre la socit Dell au nom de tous les consommateurs qui
avaient vu leurs commandes refuses. La dfenderesse leur opposa que les juges tatiques
ntaient pas comptents pour connatre de ce litige puisque les contrats de vente taient
assortis dune clause compromissoire et que par consquent, le litige devait tre renvoy
larbitrage. La Cour suprieure puis la Cour dappel considrrent que la clause darbitrage
tait inopposable au requrant. La Cour suprme du Canada va, linverse de ces dcisions,
considrer que lexistence dune clause compromissoire dans un contrat de consommation
peut potentiellement neutraliser le recours aux tribunaux tatiques, notamment en matire
de recours collectifs46.
45 Dell Computer Corp. c/ Union des Consommateurs, 2007 CSC 34. 46 D. Buisson, En qute de larbitrage collectif : La jurisprudence qubcoise aurait-elle donn naissance une nouvelle procdure hybride ? in La justice en marche : du recours collectif larbitrage collectif, Les journes Maximilien-Caron, d. Thmis 2006 p. 79 ; M. De Fontmichel, Arbitrage et actions de groupe les leons Nord-Amricaines, Rev. Arb., 2008 n4 P.
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Certains auteurs47 ont sembl apercevoir une attnuation de la rigueur de cette position
dans la dcision Dell depuis que la Cour suprme du Canada stait positionne plus
modrment dans laffaire Seidel de 201148, en considrant que les clause compromissoire
et de renonciation expresse tout droit dintenter un recours collectif ou dy participer
contenues dans un contrat dadhsion taient nulles en ce quelles privaient le
consommateur de la possibilit dintenter un recours collectif devant une juridiction
tatique. Il faut prciser que cette affaire reposait sur des circonstances despce trs
particulires. Une dcision divergente Kerry Murphy49 de 2013 semble stre range dans le
sens de la dcision Dell50.
A linstar des pratiques observes au Canada, les professionnels amricains ont eux aussi pris
linitiative dinsrer des clauses darbitrage dans les contrats conclus avec leur clientle,
notamment dans les contrats dadhsion et certaines sont mme alles jusqu introduire
des clauses interdisant expressment dintenter un recours collectif, aussi connues sous le
nom de class action waivers.
Cette analyse fait donc ressortir que les protections accordes aux consommateurs sont
incertaines en ce quelles peuvent tre contournes par la voie de larbitrage. Il est difficile
de se satisfaire dune telle situation et ce problme na pas manqu dtre pris en compte
par les tribunaux.
648 ; S. Bachand, L.Y. Fortier, La nouvelle loi franaise sur larbitrage : vues dOutre-Atlantique, Cah. de larbitrage, 1 janvier 2013 n1, P. 9. 47 P. Bienvenu, M. Valasek, La Cour suprme du Canada a t-elle chang de cap en matire darbitrage ? Commentaire sur larrt Seidel v. Telus Communications Inc., Cah. de larbitrage, 1 juillet 2011, n3, P. 799. 48 Seidel c. TELUS Communications Inc., 2011 CSC 15, [2011] 1 R.C.S. 531. 49 Murphy v. Amway Canada Corporation, 2013 FCA 38 (CanLII). 50 Clauses darbitrage priv, renonciations aux recours collectifs et Loi sur la concurrence du Canada, Actualit juridique : http://www.nortonrosefulbright.com/files/clauses-darbitrage-prive-renonciations-aux-recours-collectifs-et-loi-sur-la-concurrence-du-canada-pdf-288kb-77940.pdf.
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B- la raction
A priori, ces constatations nous amneraient penser qu choisir entre limprativit de
larbitrage et limprativit des dispositions protectrices des consommateurs, cest la faveur
larbitrage qui semble lemporter.
Cependant, certaines dcisions semblent aller contre courant cette lopinion majoritaire en
reconnaissant clairement le caractre abusif, ingal et inquitable de linsertion de telles
clauses. Ainsi, au dbut des annes 80, dans une affaire Keating v. Superiour Court51, la Cour
suprme californienne avait considr quen cas de silence de la clause darbitrage, il est
possible de concilier larbitrage et le recours collectif. Sont ainsi poses les prmices de la
procdure darbitrage de groupe, la class action arbitration. Les juges, soucieux de garantir
la protection des consommateurs, vont faire le choix astucieux de donner effet la clause
darbitrage sans pour autant priver les consommateurs de la force dont ils disposent
lorsquils se regroupent. Par la mme, cette solution tend naller ni lencontre des rgles
impratives de protection des consommateurs, ni lencontre des rgles impratives
garantes de la primaut de larbitrage sur les juridictions tatiques.
Sans rentrer dans le dtail de ltude du mcanisme de la class arbitration sur lequel nous
reviendrons dans la suite de notre travail, il convient nanmoins de prciser que la
procdure de class arbitration consiste, comme en matire de class action, permettre un
groupe de demandeur de se constituer pour intenter une action devant une juridiction
arbitrale plutt que de le faire devant une juridiction tatique.
Plus rcemment, laffaire Bazzle v. Green Tree Financial Corp.52 est venue apporter des
prcisions sur les relations quentretiennent procdure de class action et la convention
darbitrage. Lespce portait sur des contrats de prts assortis dune clause compromissoire
51 Keating v. Superior Court, 645 P. 2d 1192 (Cal. 1982), Larbitrage collectif : Une solution pour les consommateurs ? , Etude prsente au Bureau de la consommation dIndustrie Canda par Option consommateurs, juin 2007, p 12 ; M. De Fontmichel, Arbitrage et actions de groupe les leons Nord-Amricaines, Rev. Arb., 2008 n4 P. 648. 52 Green Tree Financial Corp. V. Bazzle 123 S.Ct 2402 (2003) ; E. Ordway, B. Derains, Gaz. Pal. Arbitrage, 8 novembre 2003 n312, P. 49 ; M. De Fontmichel, Le faible et larbitrage, sous la direction de Th. Clay Universit de Versailles Saint-Quentin, 2011, cop. 2013, Economica. P. 132.
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base sur le Federal Arbitration Act. Les juridictions de Caroline du Sud saisies considrrent
que le recours collectif demand par les requrants tait possible, mais quil devait se
drouler sous la forme dun arbitrage. Devant la Cour suprme des Etats-Unis, la socit
Green Tree, organisme de crdit, soutenait en somme quen application de la clause
darbitrage, le litige ne pouvait tre soumis une procdure de class action. La Cour refusa
ce moyen et considra, en se fondant sur le principe de comptence-comptence, quil
appartenait larbitre et non aux juridictions tatiques ou fdrales de se prononcer sur la
possibilit dintenter un recours collectif dans le cadre mme dune procdure darbitrage.
Mme si la Cour suprme ne se prononce pas totalement sur la validit de la class action
arbitration, il nen demeure pas moins que la possibilit de cumuler la procdure arbitrale
avec le recours collectif semble tre admise et la dcision relve de la comptence arbitrale.
Malgr cette solution qui, du point de vue de la protection du consommateur, semble tre
satisfaisante, une dcision de la Cour suprme des Etats-Unis est venue remettre en
question ces avances. Dans laffaire AT&T v. Conception53, les poux Conception taient
opposs la socit AT&T, ils reprochaient cette dernire de leur avoir factur un prix
pour des tlphone mobile annoncs gratuits dans la publicit de la socit. Il sagissait en
lespce dun contrat dadhsion assorti dune clause compromissoire qui interdisait
expressment le recours collectif et devant les juges tatiques et devant les juridictions
arbitrales. Un recours collectif fut nanmoins intent, ce quoi la socit AT&T opposa les
termes de la clause compromissoire. Les juges californiens saisis donnrent raison aux
requrants qui soutenaient que la clause compromissoire ne pouvait tre applicable en ce
quelle inquitable compte tenu des dispositions lgislatives californiennes protectrices du
consommateurs.
A linverse, la Cour Suprme considra que dans des contrats de consommation, une clause
darbitrage prvoyant expressment une interdiction tout recours collectif tait valable.
Elle fait directement prvaloir les dispositions du Federal Arbitration Act sur la lgislation
53 AT&T Mobility LCC v. Conception USC 09-883 (2011) ; M. Rezzouk, Les class actions lamricaine en question Les recours collectifs, quels enjeux stratgiques et conomiques ? Centre europen de droit et dconomie de lESSEC, 28 avril 2011, Revue Lamy de la Concurrence 2011 ; C. Anadon, La class action amricaine est-elle en danger ? Revue Lamy Droit des affaires 2010, P. 55. P. Pietrois-Chabassier, AT&T Mobility LLC v. Concepcion: lvolution Outre-Atlantique face au conservatisme franais, soumis le 24/04/2012, Universit Paris Ouest Nanterre La Dfense, Arbitrage International, Master dtudes bilingues des droits de lEurope.
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protectrice californienne. Cest une solution qui peut certes paratre abrupte en matire de
protection des consommateurs et trs favorable aux professionnels, mais comme le relve
Monsieur De Fontmichel dans ses travaux, la socit proposait un arbitrage individuel gratuit
pour le consommateur proximit de son domicile. Ainsi, les professionnels peuvent, en
fonction des termes de la clause compromissoire et en offrant la partie rpute faible une
action individuelle quitable, se protger contre toute demande collective son encontre54 .
Dans cette dcision, les juges justifirent leur position en soutenant que le recours la class
action arbitration ne concorderait pas avec les avantages mme de larbitrage. Notamment
dans le fait que qu linverse de la class arbitration qui implique une procdure lourde,
publique et fastidieuse, larbitrage est une justice de vitesse qui doit sappuyer sur une
procdure peu formelle55.
Ce raisonnement a par ailleurs t raffirm rcemment dans laffaire Compucredit Corp et
al. v. Greenwood et al. de 201256 , puisque la Cour suprme amricaine a considr que le
Federal Arbitration Act devait primer sur le Credit Repair Organization Act, texte assurant
des protections des consommateurs en matire de crdit et sur lequel ils staient fonds
pour intenter une class action, et quainsi, une clause compromissoire insre dans un
contrat conclu entre un professionnel et un consommateur devait recevoir application en
dpit de lexistence de ces dispositions protectrices.
Dans le dbat qui oppose la prminence de lautonomie de la volont, fondement mme
de la convention darbitrage, celle de la prservation des dispositions consumristes, la
tendance semble donc dfinitivement se tourner dans le sens de larbitrage.
Si certains peuvent se montrer sceptiques quant cette dcision pour le moins svre
lgard des consommateurs, il nen demeure pas moins que larbitrage collectif est un mode
alternatif de rglement des litiges en expansion. Des institutions darbitrage telles que
lAmerican Arbitration Association ou le Judicial Arbitration and Mediation Services ont 54 M. De Fontmichel, Le faible et larbitrage, sous la direction de Th. Clay Universit de Versailles Saint-Quentin, 2011, cop. 2013, Economica. P. 135. 55 P. Billiet, Class Action in the European Union, Maklu, 2013, P. 8. 56 Compucredit Corp et al. v. Greenwood et al No. 10948. Argued October 11, 2011Decided January 10, 2012 ; C.L.G, Clause compromissoire et consommateur : cest possible, Revue Lamy de Droit Civil, 2013 p. 100.
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adopt des rglements spcifiques la procdure de class arbitration et le nombre
darbitrages collectifs na cess daugmenter aux Etats-Unis, dune centaine administrs par
lAAA en 2006 prs de 300 en 201157.
Laction de groupe tant devenue un recours effectif en droit franais, il convient dsormais
de sinterroger sur une ventuelle transposition des problmatiques observes en Amrique
du nord en France qui seraient de nature remettre en cause les protections accordes aux
consommateurs franais.
2- La relative protection des consommateurs en droit franais face
larbitrage
A titre liminaire, il convient de prciser quen matire darbitrage, au contraire des
lgislations trs librales rencontres en Amrique du Nord notamment, mais aussi, plus
proches, en Espagne et au Portugal, qui admettent larbitrabilit des litiges de
consommation, le champ de comptence rationae materiae laiss aux tribunaux arbitraux
franais savre beaucoup moins tendu. Au sein mme des rgles franaises, il existe une
disparit en la matire entre le droit de larbitrage interne et le droit de larbitrage
international. A laune de ces lments, nous envisagerons dabord si une convention
darbitrage interne pourrait tre de nature remettre en cause lexercice de laction de
groupe (A), avant de nous tourner vers la mme situation mais dans le cas dune convention
darbitrage internationale impliquant un consommateur international (B).
A- Limprobable remise en cause de lexercice dune action de groupe au
regard du droit de larbitrage interne
Le droit de la consommation franais est une matire trs fortement teinte de
considrations dordre public dans le sens o il vise prserver les intrts dindividus
57 B. Le Bars, R. Kaminsky, Class arbitration : une solution alternative la class action franaise ?, Dcideurs Stratgie Droit Finance, 4 fvrier 2014 ; G. Born, The U.S. Supreme Court and Class Arbitration: A Tragedy of Errors, Kluwer Arbitration Blog, 1 juillet 2011.
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considrs en situation de faiblesse lgard de leur cocontractant58, lalina 4 de larticle L
132-1 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives affirme expressment que
les dispositions du prsent article sont d'ordre public . Cest la nature profondment
dsquilibre du rapport contractuel entre ces deux acteurs qui doit guider le raisonnement
qui permettra de savoir si, comme en Amrique du nord, le caractre impratif de larbitrage
pourrait ventuellement tre mme de porter atteinte une protection anime par lordre
public.
Partant, il est difficile dimaginer que larticle L 423-1 du Code de la consommation qui fonde
lexercice dune action de groupe par une association de consommateurs agre
reprsentative au niveau national pourrait trouver ne pas tre appliqu ds lors quil
existerait une convention darbitrage liant les consommateurs reprsents par lassociation
un professionnel. Deux hypothses sont nanmoins envisager, le droit franais
subdivisant la convention darbitrage entre la clause compromissoire et le compromis
darbitrage.
La clause compromissoire, tout dabord, se dfinit comme la convention par laquelle les
parties un ou plusieurs contrats sengagent soumettre l'arbitrage les litiges qui
pourraient natre relativement ce ou ces contrats 59, nest valable que dans les contrats
conclus raison dune activit professionnelle, sous rserve des dispositions lgislatives
particulires60, a contrario, elle ne lest pas dans les contrats conclus entre professionnels et
consommateurs. Par ailleurs, elle nest valable que si toutes les parties exercent une activit
professionnelle la date de sa signature61. On peut donc constater ici a faveur accorde la
prservation des intrts de la partie faible qui pourraient tre atteints en cas dimposition
dun arbitrage, laissant toute place lexercice dune action de groupe dans le cas o les
conditions seraient runies. Certains pourraient en revanche voir dans larticle L 132-1 du
Code de la consommation une attnuation du principe dinvalidit des clauses
compromissoires. Ce texte prvoit quune clause est abusive ds lors quelle a pour effet de
crer un dsquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au dtriment du 58 J. Hauser et J.-J. Lemouland, Ordre public et bonnes murs, Rpertoire de droit civil, Dalloz, mars 2004 (MAJ 2014), n82. 59 Art. 1442, al 2, du Code de procdure civile. 60 Art. 2061 du Code civil, L. n2001-420, 15 mai 2001, JO 16 mai ; Ch. Jarrosson, Le nouvel essor de la clause compromissoire, JCP G 2001, I, 333. 61 Cass. 1re civ. 29 fvr. 2012, n11-12.782.
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non professionnel ou du consommateur. Le texte renvoie en outre une liste indicative de
clauses, dont notamment celle qui aurait pour objet ou effet de supprimer ou dentraver
lexercice dactions en justice ou de voies de recours par le consommateur, notamment en
lobligeant saisir exclusivement une juridiction darbitrage non couverte par des
dispositions lgales 62. Ds lors, la clause compromissoire ne serait pas, comme lexprime a
contrario larticle 2061 du Code civil, invalide ds lors quelle est insre dans un contrat de
consommation, mais simplement rpute abusive au sens de larticle L 132-1 du Code de la
consommation, laissant la possibilit au professionnel de dmontrer quelle ne cre pas de
dsquilibre significatif au dtriment du consommateur63.
Nous pourrions tre tents daffirmer que ce raisonnement nest que thorique et lon voit
mal, en pratique, comment une telle situation pourrait ne pas tre abusive puisquelle
conduirait clairement obstruer la voie laction de groupe au bnfice dun arbitrage
individuel. Mais de surcroit, dsormais, cette protection vient se coupler avec le nouvel
article L 423-25 du Code de la consommation qui, au titre des dispositions diverses sur
laction de groupe, indique quest rpute non crite toute clause ayant pour objet ou effet
d'interdire un consommateur de participer une action de groupe . Ds lors, il reviendra
au professionnel de dmontrer que la clause darbitrage est valable et ne remet pas en
cause la possibilit pour un consommateur de participer une action de groupe. Alors si
thoriquement, une telle dmonstration reste possible, encore une fois en pratique, on voit
mal comment la clause compromissoire naurait pas pour effet de limiter la possibilit pour
un consommateur dadhrer une action de groupe. On peut donc affirmer que la remise en
cause de lexercice futur dune action de groupe par linsertion dune clause compromissoire
au sein dun contrat de consommation est un exercice impossible, ce qui constitue une
confirmation dans la tendance daugmentation de la protection des consommateurs.
Pour Philippe Delebecque, larbitrage ne saurait pntrer le droit de la consommation, du
moins sur le fondement dune clause compromissoire, le compromis restant concevable dans
les conditions du droit commun 64. En effet, linverse de la clause compromissoire, la
62 C. Seraglini, Les parties faibles face l'arbitrage international : la recherche d'un quilibre, Cah. arb. vol. IV, Pedone, d. 2008, p. 49. 63 Art. R 132-2 Code de la consommation. 64 P. Delebecque, Arbitrage et droit de la consommation, Rev. Droit et Patrimoine 2002, op cit.
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validit du compromis darbitrage nest pas remise en cause. Rappelons que le compromis
darbitrage est la convention par laquelle des parties en litige dcident de faire trancher
celui-ci par un ou plusieurs arbitres65. Larticle 2059 du Civil dispose ce titre que toutes
personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition , entendu
donc que le consommateur peut valablement compromettre une fois le litige n, puisque les
droits protgs par lordre public sont devenus disponibles. Dans ses travaux, M. De
Fontmichel remarque que le droit franais de larbitrage ne considre pas utile de protger
la partie faible dans un compromis darbitrage puisquelle nest plus considre comme ayant
accept le recours larbitrage par crainte de ne pas conclure le contrat convoit 66. Le
compromis apparat donc comme linstrument ultime de manifestation de volont des
parties de se soumettre une procdure arbitrale. Il ne peut pas, par nature, se rapprocher
des formes dun contrat dadhsion puisquil requiert un consentement exprs des parties.
Pour M. Ousmane Diallo, conclu aprs la survenance du litige, il exprime une relle
prfrence pour ce mode de rglement 67.
A ce titre, dans un arrt du 25 fvrier 201068, la premire Chambre civile de la Cour de
cassation a considr que les stipulations dun compromis darbitrage conclu entre un
professionnel et un consommateur ne pouvaient tre remises en cause en application des
dispositions relatives aux clauses abusives de larticle L 132-1 du Code de la consommation.
En effet, les juges distinguent entre le fond et la forme en soutenant que le compromis
darbitrage nest pas une clause figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et
un professionnel mais bien un contrat part entire et que par consquent il ne pouvait tre
dclar abusif. En parallle, le nouvel article L 423-25 du Code de la consommation semble
se placer dans la ligne de cette dcision puisque il nvoque que le cas de la clause. Lacte de
volont que constitue le compromis sera prserver. Implicitement, cela se montre en
adquation avec les rgles de lopt-in qui laissent la possibilit aux consommateurs de rester
silencieux sils nentendent pas adhrer laction de groupe. Hypothtiquement, le
consommateur qui prfrerait passer individuellement par la voie de larbitrage plutt que 65 J. Calais-Auloy, H. Temple, Droit de la consommation, Dalloz, 8me dition. 66 M. De Fontmichel, Le faible et larbitrage, sous la direction de Th. Clay Universit de Versailles Saint-Quentin, 2011, cop. 2013, Economica. P. 281. 67 O. Diallo, Le consentement des parties larbitrage international, PUF 2010. 68 Civ. 1re, 25 fvr. 2010, Guichard c/ Association gnrale de prvoyance militaire vie, RTD. Com. 2012 p. 520, note E. Loquin ; A. Plissier, Le compromis d'arbitrage n'est pas une clause abusive, JCP G n 24, 14 Juin 2010, p. 659.
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par le recours collectif ne serait pas susceptible de voir la sentence arbitrale rendue en effet
du compromis darbitrage remise en cause.
Bien que la dcision de 2010 fragilise la position du consommateur en rejetant la primaut
de la police des clauses abusives, il nen demeure pas moins que sa porte ne semble pas
exercer une forte influence sur le domaine de laction de groupe. En effet, lhypothse
consisterait envisager que le professionnel convainque lensemble des consommateurs
placs dans une situation similaire ou identique en leur qualit de victime de conclure un
compromis darbitrage, ce qui impliquerait des moyens logistiques colossaux, ne serait-ce
que pour se mettre en contact avec leurs clients. A linstar du raisonnement adopt en
matire de clause compromissoire, la protection accorde au consommateur en lui
reconnaissant la possibilit dintenter une action de groupe ne semble pas rellement
pouvoir tre remise en cause. Il sagira dsormais de se poser les mmes questions en
matire internationale.
B- La remise en question thorique de lexercice dune action de groupe au
regard du droit de larbitrage international
Sil est clair que larticle 2061 du Code civil prohibe indirectement linsertion dune clause
compromissoire dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, et
par la mme rend difficile, voir impossible, que lexercice dun recours collectif puisse tre
entrav par le jeu dune convention darbitrage, il en va bien autrement lorsque la relation
entre ces deux parties implique des ordres juridiques nationaux distincts.
Larticle 150469 du Code de procdure dfinit larbitrage international comme celui qui met
en cause des intrts du commerce international. La jurisprudence est cependant venue
prciser que la commercialit ne constituait pas une condition pour que larbitrage soit
international. La 1re Chambre civile de la Cour de cassation na pas manqu de raffirmer ce
principe dj solidement consacr 70 en rappelant que linternationalit de larbitrage
69 Ancien article 1492 du Code de procdure civile. 70 C. Seraglini, Les parties faibles face l'arbitrage international : la recherche d'un quilibre, Cah. arb., vol. IV, Pedone, d. 2008, p. 52.
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sapprcie au travers dune dfinition conomique selon laquelle il suffit que le litige soumis
larbitre porte sur une opration qui ne se dnoue pas conomiquement dans un seul
Etat71. En consquence, il faut retenir que les litiges de consommation internationaux et
larbitrage international ne sont pas des notions incompatibles. Cette dcision, couple un
arrt Zanzi du 15 janvier 1999 qui avait consolid les distorsions entre droits interne et
international de larbitrage en affirmant que la prohibition de la clause d'arbitrage en
matire civile, dicte par l'article 2061 du Code civil, est sans application nest une rgle de
droit interne, non applicable dans l'ordre international72.
Partant, priorit est donc donne la procdure arbitrale et il est devient tout fait
envisageable quune multiplicit de contrats de consommations internationaux chacun
assortis dune clause darbitrage puissent entrer dans le champ dapplication dun arbitrage
international. Concrtement, des consommateurs pourraient se retrouver parties un
arbitrage qui ne leur serait en tout et pour tout pas dans leurs intrts. Cela nous amne
donc nous interroger sur la question de la validit dune telle clause et de ses
consquences quant lventualit dune entrave lapplication des dispositions
protectrices relevant de lordre public interne.
A ce titre, un parallle indispensable avec laffaire Rado73 doit tre fait. Lespce portait sur
un consommateur franais, Madame Rado, qui, suite un dmarchage domicile, avait
conclu une convention douverture de compte auprs dune socit amricaine New-
yorkaise en lui donnant mandant pour grer les fonds et cest ainsi plus de 400 000 dollars
qui avaient t investis. Quatre mois plus tard, le solde du compte tait devenu dbiteur et
le consommateur avait saisi le Tribunal de grande instance de Paris afin de rcuprer ses
fonds. La socit sopposa la comptence du TGI en invoquant la clause compromissoire
contenue dans la convention qui prvoyait un arbitrage aux Etats-Unis sous lgide de la
National Futures Association, alors que le consommateur soutenait la nullit manifeste de la 71 Civ. 1re, 26 janv. 2011, n 09-10.198, B. Moreau Rpertoire de droit commercial, Dalloz 2009 (MAJ janv. 2014). 72 Cass. civ. 1re, 15 janvier 1999, Zanzi, Bull. civ. I, no 2, C. Seraglini, Les parties faibles face l'arbitrage international : la recherche d'un quilibre, op. cit ; J. P. Ancel, L'attractivit du droit franais pour l'arbitrage international dans L'arbitrage des conflits commerciaux en France et aux Etats-Unis , LPA 13 dcembre 2007 n 249, p. 21. 73 Cass. 1re civ. 30 mars 2004, Rado c/ Painewebber, E. Loquin, RTD Com. 2004 p. 447 ; I. Najjar, Clause compromissoire et consommation de produits financiers, D. 2004 p. 2458 ; Th. Clay, Arbitrage et modes alternatifs de rglement des litiges : panorama 2005, D. 2005, p. 3050.
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clause. Cette affaire a t loccasion pour les juges de confirmer le raisonnement adopt
dans laffaire Jaguar de 1997 74 . En effet, la Cour, aprs avoir retenu le caractre
international de lopration litigieuse, considra quen labsence de nullit manifeste, la
clause compromissoire devait recevoir application en vertu de lindpendance dune telle
clause en droit international sous la seule rserve de lordre public international quil
appartiendra aux arbitres de mettre en uvre sous le contrle du juge de lannulation pour
vrifier leur propre comptence, spcialement en ce qui concerne larbitrabilit du litige .
Force est donc donne larbitre, en vertu du principe de comptence-comptence, de
rpondre lui mme la question de larbitrabilit du litige de consommation qui lui est
soumis.
Rapportes la question du respect des dispositions impratives internes qui permettraient
dintenter une action de groupe, ces considrations ne semblent pas vraiment sorienter
vers la protection des consommateurs. En effet, comme le relvent Messieurs Eric Loquin et
Christophe Seraglini dans leurs travaux, en outre des nombreux obstacles matriels et
logistiques qui se dresseraient sur la route du consommateur qui entreprendrait de remettre
en cause la sentence arbitrale, notamment la participation un arbitrage tranger,
linconvnient majeur rside dans lillusoire contrle du juge de lannulation. Ds lors, le
non respect des dispositions impratives franaises pourrait ventuellement inciter le juge
de lannulation intervenir seulement dans le cas o la dcision trouverait tre excute
en France, ce qui ntait pas le cas en lespce. A linverse, si lexquatur dune sentence
arbitrale dans laquelle larbitre serait suppos avoir respect les rgles impratives internes
tait demande, alors le juge tatique pourrait procder un contrle du respect de ces
dispositions par la sentence, encore que la violation devra tre flagrante, effective et
concrte.
Quid de larticle L. 423-25 du Code de la consommation ? La clause compromissoire insre
dans un contrat de consommation international doit-elle tre rpute non crite lorsquelle
a pour effet dinterdire au consommateur de participer une action de groupe ? A priori, au
regard de ces dveloppements, notre position serait de dire quil reviendrait larbitre, en 74 Cass, 1re civ 21 mai 1997, Rev. arb. 1997.537, note E. Gaillard.
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vertu du principe de comptence-comptence dappliquer lui mme cette rgle. En
revanche, le critre de la nullit manifeste aperu dans laffaire Rado pourrait trouver
sappliquer plus facilement.
Mme sil est pour le moment encore difficile dimaginer la concrtisation de telles
hypothses qui remettraient en cause lexercice dune action de groupe tout juste ne en
droit interne, alors que nous nous trouvons sur le terrain du droit international, cette
problmatique mritait dtre tudie car leuropanisation du droit de la consommation ne
saurait faire abstraction longtemps de la dfense collective des consommateurs une
chelle europenne. Ainsi, la possibilit pour les professionnels dinsrer des clauses
compromissoires dans les contrats de consommations deviendrait, linstar des exemples
amricains, un moyen de se prmunir contre les risques judiciaires dune action de groupe
intente par des consommateurs ressortissants dEtats membres de lUnion Europenne
contre un professionnel lui aussi ressortissant 75 et il deviendrait alors indispensable
dinnover afin de garantir leffectivit de toute la lgislation consumriste europenne.
La convention darbitrage peut donc potentiellement apparatre comme un vecteur de
remise en cause de la protection du consommateur. Mais il serait rducteur de sarrter
cette conclusion. Partant, il convient de se demander si, linverse, la convention darbitrage
ne pourrait pas tre un vecteur damlioration de la protection du consommateur.
75 C. Pietro, Cohrence europenne des recours collectifs, rponse la consultation publique de la Commission europenne, Collection Trans Europe Expert vol. 2, UMR Droit compar de Paris.
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Partie 2- la convention darbitrage vecteur damlioration de la protection
des intrts des consommateurs ?
Le presque mode de juridiction de droit commun quest devenu larbitrage en matire de
commerce international ne fait aujourdhui plus aucun doute. La nature informelle, rapide et
confidentielle fait de larbitrage un mode aim et reconnu de rglement des litiges entre les
divers acteurs du commerce international. Cependant, cette justice prive, mais payante,
implique la mise uvres de cots certains, parfois colossaux pour que la procdure arbitrale
prenne vie et que les commerants puissent songer voir leur litige tranch. Une tude
comparative des cots dun arbitrage devant les plus importantes institutions darbitrage
mene en 2010 par messieurs Louis Flannery et Benjamin Garell publie par la Global
arbitration Review76, fait ressortir que les cots prominents de larbitrage ne sont pas une
lgende. Par exemple, devant la Chambre de commerce international, pour un litige mettant
en jeu 10 millions de dollars, le cout de larbitrage slverait en moyenne plus de 400 000
dollars, pour plus de 800 000 dollars lorsque le litige implique met en jeu plus de 100
millions de dollars.
Partant, il nest pas insens de se montrer sceptique quant considrer que la justice
arbitrale, en tant que mode de rsolution privilgi des litiges entre possdants, na pas sa
place sur le terrain du droit de la consommation. Pourtant, force est de constater qu
linstar de lessence du mcanisme tatique de la class action, la fois garant des intrts
des consommateurs et rgulateur du march, le modle innovant aperu aux Etats-Unis de
procdure de class action arbitration, aussi arbitrage de groupe, pourrait bien redistribuer
les cartes. Cette procdure nous amne cette fois placer notre au niveau des effets de la
convention darbitrage. Ainsi, il sera ncessaire denvisager la dsirabilit et lopportunit
dun tel mcanisme pour garantir les intrts des consommateurs (1) avant de sattacher
aux considrations pratiques dune ventuelle intgration en France (2).
76 L. Flannery et B. Garell, Arbitration costs compared: the sequel, Global Arbitration Review, 15 janvier 2013, disponible ladresse suivante : http://www.shlegal.com/Asp/uploadedFiles/File/Newsletters/2013_newsletters/Arbitration_costs_compared-GAR 15_January_2013.pdf.
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1- Lopportunit incertaine de larbitrage collectif
Avant denvisager les consquences de larbitrage de groupe (B), ce mcanisme mrite que
nous nous attachions au pralable le caractriser (A).
A- Les caractristiques de larbitrage collectif
Dans une premire partie, nous avions constat que lutilisation dloyale de la convention
darbitrage par les professionnels qui la dtournaient de sa finalit conduisait assurment,
tout du moins aux Etats-Unis, porter srieusement atteinte aux intrts des
consommateurs qui pouvaient alors tre privs dexercer un recours collectif devant un juge
tatique contre une socit peu vertueuse.
Ainsi, dans des affaires Keating v. Superiour Court77 et Bazzle v. Green Tree Financial Corp.78,
les juges tatiques amricains avaient considr quune convention darbitrage et lexercice
dune class action ntaient pas incompatibles au sein mme de la seule procdure arbitrale,
laissant le soin larbitre, en vertu du principe de comptence-comptence, de se prononcer
sur lopportunit dune telle alliance. Par ailleurs, mme si cette conciliation nest pas sans
susciter quelques critiques, lunion entre larbitrage et le recours collectif procdure semble
aujourdhui admise, plusieurs grandes institutions darbitrage comme lAmerican Arbitration
Association (AAA) ou le Judicial Arbitration and Mediation Services (JAMS) ont dailleurs
adopt des rgles propres rgir une telle procdure79. A ce titre, on peut noter une
sentence arbitrale rendue en 2007 en lapplication des rgles de lAmerican Arbitration
Association dans laquelle le tribunal arbitral a considr que la clause darbitrage en cause
tait de nature couvrir larbitrage dune action de groupe. En lespce, la socit
dfenderesse navait identifi aucune norme ou principe connu en arbitrage international
invalidant larbitrage des class actions. Un bmol doit cependant tre appos quant la 77 Keating v. Superior Court, 645 P. 2d 1192 (Cal. 1982), Larbitrage collectif : Une solution pour les consommateurs ? , Etude prsente au Bureau de la consommation dIndustrie Canda par Option consommateurs, op. cit. ; M. De Fontmichel, Arbitrage et actions de groupe les leons Nord-Amricaines, op. cit. 78 Green Tree Financial Corp. V. Bazzle 123 S.Ct 2402 (2003) ; E. Ordway, B. Derains, op.cit. ; M. De Fontmichel, Le faible et larbitrage, op. cit. 79 P. Billiet, Class arbitration in the European Union, Maklu ; G. Born, The U.S. Supreme Court and Class Arbitration: A Tragedy of Errors, Kluwer Arbitration Blog, 1 juillet 2011.
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porte de cette sentence en matire de protection des consommateurs, puisquelle
concernait le domaine boursier80. Dans le mme sens, lAllemagne, pionner europen, a elle
aussi rejoint le rang des Etats qui se sont dots dune procdure darbitrage collectif
cependant limite au domaine boursier dans le cadre des litiges impliquant des actionnaires
ou des dirigeants en application des DIS Supplmentary Rules for Corporate Law Dispute81.
Ce corps de rgles prvoit en somme une exclusion explicite tout recours devant une Cour
de droit tatique. Enfin, la class arbitration semble aussi tre admise dans le cadre dun litige
opposant un Etat des plusieurs investisseurs, en effet, dans laffaire Ambiente Ufficio S.P.A
and Others v. The Argentine Republic82, un tribunal arbitral avait retenu sa comptence dans
une procdure entame par plus dune centaine de demandeurs.
Larbitrage de groupe peut revtir plusieurs dnominations, ainsi les qualificatifs darbitrage
collectif, de class arbitration, class action arbitration, classwide arbitration ou encore
arbitrage des actions de groupe renvoient tous la mme notion83. Daprs Philippe Billiet,
lorsque lon parle de class arbitration, il sagit tout simplement dune class action intente
devant le for arbitral84, pour Bernard Hanotiau, il sagit de larbitrage initi par un groupe
dindividus.
On peut donc dire que larbitrage collectif est un mode hybride de rsolution alternatif des
litiges qui permet un groupe de consommateurs victimes dun prjudice commun dagir
devant une juridiction arbitrale contre un mme dfendeur pour obtenir rparation de ce
prjudice.
Concrtement, la procdure darbitrage collectif qui apporte le plus grand nombre de
prcisions sur la manire dont un groupe consommateurs pourrait exercer un recours est
80 L. Mitrovic, Arbitrage des actions de groupe : un metteur averti en vaut deux, Les Echos n20117, 25 fvrier 2008, p.15. 81 Introduction and arbitration clause for the supplementary rules for corporate law disputes, http://www.dis-arb.de/de/16/regeln/dis-supplementary-rules-for-corporate-law-disputes-09-srcold-id15. 82 Ambiente Ufficio S.P.A and Others v. The Argentine Republic, ICSID Case nARB/08/9, 8 fvr. 2013, note B. Remy, JDI Clunet n1, Janvier 2014. 83 B. Hanotiau, Complex Arbitrations, Multiparty, Multicontract, Multi-issue and class actions, Kluwer Law International. 84 Class arbitration, which is a class action taking place in the arbitration forum , P. Billiet, Class arbitration in the European Union, Maklu, p. 11.
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celle prvue par lAAA85, adopte peu aprs la dcision Green Tree. Il est intressant de
noter les trois tapes caractristiques de la procdure de lAAA en la matire86. Larbitre
devra dabord analyser la clause darbitrage afin de savoir si elle permet ou non denvisager
un recours collectif dans le cadre de la procdure arbitrale et rendra une premire sentence.
Si la rponse est positive, larbitre devra ensuite procder la class certification , et ainsi
dterminer si tous les membres supposs de la class sont bien dans une situation similaire,
tant au niveau du prjudice que de la convention darbitrage. La class arbitration ne sera
admise uniquement sil apparat quelle est plus efficace que toute autre mthode pour un
traitement quitable et efficace du litige. Aprs notification de la dcision de larbitre aux
membres de la class potentiellement identifis, ces derniers disposeront dun dlai de 30
jours pour contester la position de larbitre devant un juge tatique87. Cette lgislation a fait
le choix de application du systme de lopt-out, en vertu duquel seuls les membres qui en
ont fait demande expresse seront exclus de la classe. Cest uniquement lexpiration de
cette procdure que larbitre pourra statuer sur le fond du litige.
B- Lopportunit controverse de larbitrage collectif
Dans lesprit, reconnatre la possibilit dun arbitrage de groupe revient accorder un
maximum defficacit la convention darbitrage, sans pour autant remettre en cause les
garanties de protection qui sont reconnues aux consommateurs par les dispositions
lgislatives.
Si lon ne voit pas bien les avantages que pourrait retirer un consommateur dune procdure
arbitrale, larbitrage de groupe, en revanche, serait alors un moyen, linstar du recours
collectif exerc par la voie tatique, de corriger le dsquilibre qui pourrait exister entre les
parties si le consommateur devait se dfendre seul devant un tribunal arbitral, ce qui lui
confre un effet positif certain. Group, le consommateur incarne une vritable puissance
propre affirmer fermement ses intrts. Ds lors, le groupe, pris en cette qualit dagent
85 Supplementary Rules for Class Arbitrations, disponible ladresse suivante : https://www.adr.org/aaa/faces/rules/searchrules/rulesdetail?doc=ADRSTG_004129&_afrLoop=303313977902713. 86 B. Hanotiau, Complex Arbitrations, Multiparty, Multicontract, Multi-issue and class actions, op. cit. ; M. De Fontmichel, Le faible et larbitrage, op. cit. ; G. Nater-BassNA, Class Action Arbitration : A New Challenge ?, Kluwer Law International 2009, vol. 27 Issue 4. 87 Les rgles du JAMS noffrent pas un tel dlai.
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conomique puissant, devient un vritable acteur du fonctionnement du march interne et
international, et sera surtout en mesure de rivaliser avec les professionnels puisque le
dsquilibre financier originel sera corrig. Larbitrage de groupe serait alors exerc entre
deux parties aux forces gales et permettrait leur permettrait, chacune de bnficier des
avantages dune procdure arbitrale.
Larbitrage de groupe reste avant tout un arbitrage. Ds lors, mme si la procdure serait
alourdie par rapport un arbitrage classique, les traits caractristiques de la procdure
arbitrale continueront jouer. Ainsi, linstar des arbitrages collectifs observs aux Etats-
Unis, il pourra sagir dune action plus rapide que laction de groupe tatique, bnficiant de
lexpertise des arbitres et des institutions qui ont labor leurs propres rgles pour encadrer
le droulement de la procdure, pouvant favoriser plus rapidement le rglement amiable du
litiges par la voie de la mdiation.
Au contraire de cet avantage certain, une partie de la doctrine prfre retenir de ce
mcanisme latteinte quil porte lessence mme de la procdure arbitrale qui doit rester,
pour ne pas tre dnature conforme aux caractristiques qui ont fait son succs, une
procdure rapide, confidentielle et informelle, linverse dune procdure de recours
collectif qui repose sur une procdure trs formelle ainsi que des exigences leves de
publicit, notamment lors de la phase qui permettra tous les consommateurs qui
rpondent aux critres dintgrer le groupe.
Au del de ces critiques procdurales, la libert de choix laisse larbitre pour savoir si
lexercice dun recours collectif est ou non possible et opportun va crer une certaine
inscurit juridique que les dfenseurs des socits commerciales ne manqueront pas de
relever. Nous lavons dj remarqu, mais tout recours collectif intent contre une socit,
mme non aboutissant, lui fera supporter des cots importants. Ainsi, ces dernires
cherchent adopter des stratgies pour se prmunir de tels risques, comme la cration dun
service aprs vente, une campagne de communication cible, des offres compensatoire, voir
mme cr leur propre systme de rsolution des conflits avec leur clientle. Le simple fait
de rester soumis un choix incertain cre donc un climat qui ne garantit pas un
fonctionnement sain du march.
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En outre, mme si la nature protectrice de larbitrage collectif nest pas remise en cause, on
peut se demander si et pourquoi il faudrait, pour assurer la protection des consommateurs,
remettre en cause la nature mme de lInstitution arbitrale. A cela, certains rpondront
quau contraire, cest la force de lautonomie de larbitrage qui lui permet de fusionner avec
une voie de recours dorigine tatique.
2- Les obstacles linstauration dune procdure darbitrage de groupe en
droit franais
Mme sil existe de nombreux obstacles linstauration dune procdure darbitrage de
groupe en France, nous tenterons denvisager comment, laune de la rcente procdure
daction de groupe, ils pourraient tre surmonts. Ces contraintes manent dune part des
questions darbitrabilit (A) et dautre part des principes fondamentaux de procdure (B)
A- La question de larbitrabilit
Mme si lintroduction de laction de groupe marque une avance dans le respect des
garanties protectrices accordes au consommateur, en ltat actuel du droit franais, le juge
tatique reste pour linstant le seul comptent pour juger des litiges mettant en cause la
relation tablie entre un professionnel et un consommateur. Alors que la procdure hybride
darbitrage collectif a pu se dvelopper aux Etats-Unis puisque les litiges de consommation y
sont arbitrables, lincomptence rationae materiae des tribunaux arbitraux en matire
interne pour les litiges de consommation constitue un obstacle important lintroduction
dun arbitrage de groupe en France. Nous relverons que le compromis darbitrage, la
diffrence de la clause compromissoire, constitue une exception ce principe, puisquun
consommateur peut y tre valablement partie. Dans le mme temps, il apparat presque
impossible denvisager le dveloppement dune procdure darbitrage de groupe sur le
fondement dun compromis darbitrage.
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Cependant, si lon prend en compte les caractres spcifiques les contrats internationaux
assortis dune clause compromissoire, lincomptence rationae materiae des tribunaux
arbitraux ne constituerait plus un obstacle lapplication dun arbitrage de groupe. Alors
pourquoi serait-il irrel de penser quune multiplicit de consommateurs internationaux
tenus par une convention darbitrage et lss de la mme manire par un professionnel ne
pourrait pas valablement se regrouper devant un for arbitral pour faire valoir efficacement
leur droit rparation ? Le droit international, marqu par une plus grande souplesse que le
droit interne, semblerait donc mieux mme de constituer un terrain favorable laccueil
de la procdure darbitrage de groupe. Peut tre faudrait-il prciser qu limage de la
dcision Green Tree de la Cour suprme amricaine, la question de savoir si la convention
darbitrage permet ou non lexercice dun recours collectif dans le cadre dune instance
arbitrale devrait relever de la comptence unique de larbitre.
B- Les questions de procdure
Avant tout, il faut observer que laction de groupe franaise permet de la constitution du
groupe selon la technique de lopt-in qui implique que les consommateurs qui souhaitent
faire partie du groupe doivent manifester expressment une telle volont. Dans le cadre
dun arbitrage de groupe, lapplication de la technique de lopt-in viendrait prserver la
nature consensuelle de larbitrage. Les rgles de laction de groupe en France ne permettent
qu une association de consommateur agre de mettre en uvre cette procdure. Ainsi,
on pourrait imaginer que le recours collectif devant le tribunal arbitral serait non pas exerc
directement par les consommateurs, mais bien par une seule et mme entit, charge par
les consommateurs dagir en leur nom. Cela aurait en outre comme avantage de permettre
aux consommateurs qui souhaitent intgrer le groupe de rejoindre lassociation au cours de
linstance.
Un autre obstacle tient la constitution du tribunal arbitral et la nomination des arbitres
ainsi que le soulve par M. Billiet dans ses travaux88. Il constate que daprs le systme de
larbitrage collectif amricain, les membres de la class absents nont pas la possibilit de
88 P. Billiet, Class arbitration in the European Union, Maklu, p. 40.
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participer au choix dun arbitre puisque les arbitres sont nomms par les reprsentants de la
class pour le compte des membres actuels et futurs de la class, qui ne pourraient pas
participer la nomination des arbitres. En parallle, le dfendeur se retrouverait lui dans
une situation o il ne serait pas en mesure de nommer les arbitres comme il aurait pu le
faire en cas darbitrages individuels. Or cette pratique pourrait ventuellement aller
lencontre de la rgle consacre dans larrt Dutco du 7 janvier 1992 selon laquelle le
principe dgalit entre les parties dans la dsignation des arbitres est dordre public89. Le
non respect de ce principe aurait pour effet de remettre en cause la validit de la
constitution du tribunal arbitral.
Face cela, on pourrait penser que le fait que ce soit une association de consommateur
unique qui reprsente le groupe rsolve ce problme en ce quelle est reprsentative dun
ensemble de consommateurs devant le tribunal arbitral. Ainsi, le processus de nomination
des arbitres aurait lieu uniquement entre la socit dfenderesse et lassociation requrante
ce qui permettrait que le principe dgalit entre les parties soit respect.
Larbitrage pourrait aussi potentiellement prsenter un avantage srieux en terme de
tribunal comptent compte tenu de lautonomie du for arbitral par rapport tout loi
tatique. Cette autonomie permettrait en effet de prvenir tous les risques de forum
shopping qui pourrait favoriser lun ou lautre des acteurs au litige.
Pour le moment, en droit franais, les limites thoriques lemportent clairement sur les
avantages pratiques dont dispose larbitrage de groupe. Mme sil est vident quadmettre
larbitrage de groupe aurait des effets bnfiques en matire de protection des
consommateurs mais aussi sur le fonctionnement du march, il est encore trop tt pour
lenvisager. La question nest pas encore de savoir si la possibilit dexercer un recours
collectif peut tre admise devant un tribunal arbitral, mais plutt de savoir comment va
rellement sappliquer la toute jeune procdure daction de groupe. Ces considrations ne
sont pour autant pas dnues dintrts si lon place dans une optique de trouver les
dispositions les plus efficaces pour protger les consommateurs. A terme, nous pourrions
89 Civ. 1re 7 janvier 1992, Socits BKMI et Siemens v. Socit Dutco, n 89-18708.
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esprer que le droit franais sinspire de la pratique arbitrale nord-amricaine en matire de
recours collectifs, tout en tentant dviter ses drives.
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Conclusion
Ne serait-ce quen France, peu avant lentre en vigueur de la loi Hamon, plusieurs acteurs
du paysage juridique franais se sont regroups autour dun site internet, spcialis dans la
saisine dmatrialise des tribunaux. Cest cette initiative bien pense qui leur a permis de
lancer deux actions runissant chacune plus de 600 plaignants contre des sites de vente en
ligne qui il tait reproch de ne pas avoir rempli convenablement certaines de leurs
obligations contractuelles lgard de leurs clients. Lobjectif tait limpide : permettre des
consommateurs lss par un mme professionnel et pour un litige similaire, de regrouper
leurs plaintes et tenter, voir forcer, une mdiation. Car en cas dchec, loutil informatique
amnera autant de saisines quil y aura dinscrits laction collective90. Sous la menace dun
raz de mare, les professionnels auront tout intrt trouver un terrain dentente, sous
peine de grer quantit de demandes individuelle. Mme si cette class action new age
ou action de groupe 2.0 91 ne peut tre exempte dun certain regard critique92, il nen
demeure pas moins quelle reflte une tendance de plus en plus affirme : celle de se
regrouper pour restaurer un quilibre port disparu depuis trop longtemps.
Alors peine intgre dans le systme juridique franais, laction de groupe serait-elle dj
une procdure dsute ou simplement une premire tape dans la voie de la collectivisation
des recours pour garantir le respect du droit ? Comme la russi laction de groupe,
larbitrage collectif russira t-il surmonter les obstacles juridiques qui ne lui permettent pas
encore dexister en France ?
90 Explication de la procdure sur le site : http://www.actioncivile.com/how_to. 91 V. Clavires, Laffaire qui risque de coter 16 milliards aux banques, Paris Match 5 fvrier 2014. 92 Critiques tenant notamment au fait que la socit puisse faire le choix dtudier profondment chaque dossier, en exclure une grande partie en raison de lhtrognit des saisines, et de sengager pleinement dans la procdure judiciaire, alors que la plateforme ne tend pas accompagner les plaignants au cours de lventuelle procdure judiciaire, J. Mucchielli, Laction de groupe 2.0 bouscule dj la profession, Dalloz actualit 17 fv. 2014.
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