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    Sigmund FREUD (1907)

    Actes obsdants etexercices religieux

    Traduction franaise de Marie Bonaparte, revue par lauteur, 1932.

    Un document produit en version numrique par Jean-Marie Tremblay, bnvole,professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi

    Courriel:[email protected] web: http://pages.infinit.net/sociojmt

    Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi

    Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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    Sigmund Freud (1907), Actes obsdants et exercices religieux. Trad. fr., 1932. 2

    Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marie Tremblay, bnvole,professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi partir de :

    Sigmund Freud (1907)

    Actes obsdants et exercices religieux

    Une dition lectronique ralise de larticle Actes obsdants et exercicesreligieux. Traduction franaise par Marie Bonaparte revue par lauteur, 1932.

    Originalement publi en 1907. Rimpression. Paris : Les Presses universitaires deFrance, 1973, 3e dition, 101 pages. (pp. 81 94).

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    dition complte le 16 aot 2002 Chicoutimi, Qubec.

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    Sigmund Freud (1907), Actes obsdants et exercices religieux. Trad. fr., 1932. 3

    Bibliothque de psychanalyseDirige par Daniel Lagache

    Sigmund Freud

    L'avenir d'une illusion

    Presses universitaires de France

    Traduit de l'allemand par Marie Bonaparte

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    Sigmund Freud (1907), Actes obsdants et exercices religieux. Trad. fr., 1932. 4

    Le prsent ouvrage est la traduction franaise de :DIE ZUKUNFT EINER ILLUSION(Imago Publishing Co, Ltd., Londres, 1948)

    Sigmund FREUD avait revu lui-mme cette traduction franaisedeL'Avenir d'une illusion, ainsi que celle des essais qui suivent.

    Dpt lgal. - 1re dition : 2e trimestre. 19713e dition : ter trimestre 19731971, Presses Universitaires de France

    L'avenir d'une illusion (1927)

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    Sigmund Freud (1907), Actes obsdants et exercices religieux. Trad. fr., 1932. 5

    Actes obsdantset exercices religieux

    (1907)

    Zwangshandlungen und Religionsbungen. Cette tude a d'abord parudans la Zeitschrift fr Religionspsychologie, dite par BRESLER etVORBRODT, vol. I, fasc. 1, 1907, Puis dans la deuxime suite de laSammlung kleiner Schriften zur Neurosenlehre.

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    Je ne suis certes pas le premier qu'ait frapp la ressemblance qui existeentre les actes obsdants des nvross et les exercices par lesquels le croyanttmoigne de sa pit. Le nom mme de crmonial , que l'on a donn certains de ces actes obsdants, m'en est une garantie. Cependant cetteressemblance me semble tre plus qu'une ressemblance superficielle, de tellesorte que l'on pourrait, d'une intelligence de la gense du crmonial nvro-tique, se risquer tirer par analogie des conclusions relatives aux processuspsychiques de la vie religieuse.

    Les gens qui pratiquent des actes obsdants ou un crmonial appartien-nent, avec ceux qui souffrent de penses obsdantes, de reprsentationsobsdantes, d'impulsions obsdantes, etc., un groupe clinique particulier l'affection duquel on a coutume de donner le nom de nvrose obsession-nelle 1. Mais il ne faudrait pas essayer de faire driver de son nom lecaractre essentiel de cette affection., car, proprement parler, d'autres phno-mnes psychiques morbides peuvent galement prtendre ce que nousappelons caractre obsdant . Une connaissance dtaille de ces tats doit

    encore actuellement tenir lieu de dfinition, vu que nous n'avons pas jusqu'prsent russi dgager le critrium, sans doute trs profondment situ, de lanvrose obsessionnelle, critrium dont on devine cependant la prsence danstoutes les manifestations de cette affection.

    Le crmonial nvrotique consiste en petits actes : actions surajoutes ouentraves ou bien rangements, lesquels, l'occasion des actes de la viequotidienne, sont excuts toujours de la mme manire ou bien d'une faonqui varie suivant des rgles donnes. Ces activits nous font l'impression desimples formalits ; elles nous apparaissent comme totalement dnues desens. Elles n'apparaissent pas sous un autre jour au malade, et il est pourtantincapable de ne pas les accomplir, car tout cart du crmonial est puni d'uneinsupportable angoisse, qui oblige refaire aprs coup ce qui avait t omis.

    Tout aussi mesquines que les actions elles-mmes du crmonial sont lesoccasions et les sortes d'activits que le crmonial environne, en rendant plusdifficile, et en tout cas en retardant l'accomplissement: par exemple, l'actionde s'habiller et de se dshabiller, de se coucher, de satisfaire les besoinscorporels. On peut dcrire la faon dont s'exerce un crmonial en remplaanten quelque sorte celui-ci par une srie de lois non crites. Par exemple, en ce

    1 Cf. LWENFELD, Die psychischen Zwangserscheinungen (Les Phnomnes psychiques

    obsessionnels), 1904.

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    qui touche le crmonial du lit : la chaise doit se trouver devant le lit dans uneposition dtermine, les vtements doivent y tre plis dans un certain ordre ;la couverture du lit doit tre borde aux pieds. Le drap doit tre bien tir, sansplis ; les oreillers doivent tre disposs de telle ou telle manire, le corps lui-mme doit se trouver dans une attitude strictement dtermine ; ce n'estqu'alors qu'on a le droit de s'endormir. Dans les cas lgers, le crmonialparat tre l'exagration d'un ordre habituel et justifi. Mais la consciencetoute particulire avec laquelle il est excut et l'angoisse qui surgit s'il estomis donnent au crmonial le caractre d'un acte sacr . Tout ce qui letrouble est en gnral mal tolr ; il doit tre accompli l'exclusion du public,de la prsence d'autres personnes.

    Toutes les formes d'activit peuvent devenir des actes obsdants au sens leplus large, quand ces activits sont surcharges de petites actions surajoutes,sont rythmes d'arrts et de rptitions. On ne peut s'attendre trouver defrontire nette entre le crmonial et les actes obsdants . Le plus sou-vent, les actes obsdants sont issus d'un crmonial. La maladie est constitue,

    en plus de ces deux phnomnes, par des interdictions et des empchements(aboulie), qui en ralit ne font que poursuivre l'uvre des actes obsdants, entant que certaines choses ne sont pas du tout permises au malade, et qued'autres ne le sont qu' la condition d'observer un crmonial prescritd'avance.

    Il est curieux de voir que la compulsion comme les interdictions (devoirfaire une chose et ne pas avoir le droit d'en faire une autre) ne frappent audbut que les activits solitaires des hommes et laissent intact pendant long-temps leur comportement social ; c'est pourquoi de tels malades peuvent,pendant de longues annes, traiter leur mal en affaire prive et le dissimuler.Bien plus de gens d'ailleurs souffrent de semblables formes de la nvroseobsessionnelle que ne l'apprennent les mdecins. En outre, beaucoup de ces

    malades trouvent cette dissimulation une circonstance favorisante dans cefait qu'ils arrivent fort bien remplir leurs devoirs sociaux pendant une partiede la journe, aprs avoir consacr un certain nombre d'heures leursmystrieux agissements dans une retraite la Mlusine.

    Il est ais de voir o se trouve la ressemblance entre le crmonial nvro-tique et les actes sacrs du rite religieux : dans la peur, engendre par laconscience, en cas d'omission, dans la complte isolation de toutes les autresactivits (dfense d'tre drang) et dans le caractre consciencieux et mticu-leux de l'excution. Mais les diffrences sont tout aussi frappantes, diffrencesdont quelques-unes sont si clatantes qu'elles font de cette comparaisonquelque chose de sacrilge : la plus grande diversit des actes crmoniauxpar opposition la strotypie du rite (prire, gnuflexion, etc.) ; le caractre

    priv de ceux-ci par opposition au caractre public et collectif des exercicesreligieux ; et surtout cette diffrence que les petits actes du crmonial reli-gieux ont un sens et une intention symbolique, tandis que ceux du crmonialnvrotique semblent niais et dnus de sens. La nvrose obsessionnellesemble ici la caricature mi-comique, mi-lamentable d'une religion prive.Cependant, c'est justement cette diffrence la plus tranche entre le crmo-nial nvrotique et le crmonial religieux qui disparat lorsque, grce latechnique d'investigation psychanalytique, on pntre assez avant pour

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    comprendre les actes obsdants 1. Cette investigation permet de mettre radica-lement fin l'apparence d'aprs laquelle les actes obsdants seraient niais etdnus de sens. Elle rvle aussi d'o provient cette apparence. On apprend voir que les actes obsdants sont, sans exception et dans tous leurs dtails,pleins de sens, qu'ils sont au service d'intrts importants de la personnalit etqu'ils expriment et des vnements influence persistante, et des pensescharges d'affect de l'individu. Ils ralisent ceci de deux manires., en tant quereprsentation directe ou bien en tant que reprsentation symbolique ; ilconvient donc de les interprter soit biographiquement, soit symboliquement.

    Je ne pourrai me dispenser de citer ici quelques exemples l'appui de cetteassertion. Quiconque s'est familiaris avec les rsultats dus l'investigationpsychanalytique des psychonvroses ne sera pas surpris d'apprendre que ceque reprsentent les actes obsdants ou le crmonial drive de la vie la plusintime, voire de la vie sexuelle du malade.

    a) Une jeune fille observe par moi tait soumise la compulsion, aprs

    s'tre lave, de faire tourner plusieurs fois la cuvette en rond. La significationde cet acte crmonial se trouvait dans le proverbe : Il ne convient pas dejeter de l'eau sale avant d'en avoir de propre 2.

    Cette action avait pour but de donner un avertissement sa sur, qu'elleaimait beaucoup, et d'empcher celle-ci de divorcer d'avec un mari peusatisfaisant avant d'avoir nou des relations avec quelqu'un de mieux.

    b) Une femme qui vivait spare de son mari obissait pendant les repas la compulsion de laisser les meilleurs morceaux, par exemple de ne mangerque les bords d'une tranche de viande rtie. Ce renoncement s'expliquait par ladate o il avait pris naissance. Il s'tait manifest pour la premire fois le jouro elle avait annonc son mari qu'elle lui refuserait dsormais les rapports

    conjugaux, c'est--dire le jour o elle avait renonc ce qu'il y avait demeilleur.

    c) La mme malade ne pouvait en ralit s'asseoir que sur un seul sige etne parvenait s'en relever qu'avec difficult. Le sige, d'aprs certains dtailsde sa vie conjugale, symbolisait pour elle son mari, qui elle restait fidle.Elle expliquait par cette phrase sa compulsion : On se spare si difficilement(d'un homme, d'un sige) aprs s'y tre assise une premire fois.

    d) Pendant tout un laps de temps elle avait eu coutume de rpter un acteobsdant particulirement frappant et absurde. Elle courait de sa chambre une autre pice, au milieu de laquelle se trouvait une table, elle arrangeaitd'une certaine faon le tapis qui se trouvait dessus, elle sonnait la fille de

    chambre, qui devait s'approcher de la table, puis elle congdiait celle-ci avecun ordre indiffrent. Au cours des efforts que nous fmes pour expliquer cettecompulsion, il lui vint l'esprit que le tapis de table en question portait unetache d'une vilaine couleur et qu'elle disposait chaque fois le tapis de tellesorte que la tache dt sauter aux yeux de la fille de chambre. Le tout tait ainsi

    1 Cf. S. FREUD, Sammlung kleiner Schriften zur Neurosenlehre (Suite de petites tudes sur

    la doctrine des nvroses), Vienne, 1906 ; 3e d., 1920.2 Man soll schmutziges Wasser nicht ausgiessen, ehe man reines hat.

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    la reproduction d'un vnement relatif son mariage, vnement qui avaitensuite donn son esprit un problme rsoudre. Son mari, au cours de leurnuit de noces, avait t victime d'une mauvaise fortune qui n'est pas rare. Il setrouva impuissant et courut plusieurs fois cette nuit-l de sa chambre lasienne afin de rpter la tentative. Le matin suivant il avait dit qu'il devraitavoir honte devant la fille de chambre de l'htel, qui allait faire les lits ; aussiprit-il un flacon d'encre rouge et en versa-t-il le contenu sur le drap, maisd'une faon si maladroite que la tache rouge se produisit un endroit vraimentpeu en rapport avec son dessein. Elle rejouait ainsi par cet acte obsdant lascne de sa nuit de noces. La table et le lit font en effet eux deux lemariage.

    e) Cette mme malade prsentait une compulsion noter le numro dechaque billet de banque avant qu'il ne sortt de ses mains : or, cette com-pulsion comportait aussi une explication biographique. Au temps o elleadmettait encore l'ide de quitter son mari, au cas o elle trouverait un autrehomme plus digne de confiance, elle s'tait laiss faire la cour, dans une ville

    d'eaux, par un monsieur des intentions srieuses duquel elle doutait cepen-dant. Un jour o elle avait besoin de petite monnaie, elle le pria de lui changerune pice de cinq couronnes. Il le fit, empocha la large pice d'argent et ajoutagalamment qu'il ne s'en sparerait jamais, cette pice ayant pass par sesmains elle. Au cours de rencontres ultrieures, elle fut maintes fois tente delui demander qu'il lui montrt la pice de cinq couronnes, en quelque sortepour se convaincre de la foi qu'il convenait d'accorder ses hommages. Maiselle s'en abstint en vertu de la bonne raison que l'on ne saurait distinguer l'unede l'autre des pices de monnaie de mme valeur, Ainsi le doute ne fut pasdissip, et il laissa aprs lui la compulsion noter les numros des billets debanque, numros grce auxquels chaque billet se distingue individuellementde tous les autres de mme valeur.

    Ces quelques exemples, emprunts au vaste ensemble de mes observa-tions, ne sont destins qu' illustrer la proposition d'aprs laquelle tout, clansles actes obsdants, est plein de sens et interprtable. Il en est (le mme ducrmonial proprement dit ; la preuve en exigerait seulement un expos pluscirconstanci. Mais je ne m'y mprends nullement : nous semblons nous trefort loigns, par l'lucidation des actes obsdants, de la sphre d'ides de lareligion.

    C'est une des conditions de l'tat pathologique que la personne qui obit une compulsion le fasse sans en connatre la signification, au moins la signi-fication principale. Seuls les efforts du traitement psychanalytique pourrontlui rendre conscient le sens de l'acte obsdant et par l les mobiles qui l'ypoussent. Nous exprimons cet tat de choses important en disant que l'acte

    obsdant sert manifester des mobiles et des reprsentations inconscientes. Ilsemble y avoir l une nouvelle diffrence d'avec les exercices religieux, maisil faut se rappeler qu'aussi bien le dvot isol exerce en rgle gnrale lecrmonial religieux sans demander quel en est le sens, tandis que le prtre etl'investigateur peuvent cependant connatre ce sens, le plus souvent symbo-lique, du rite. Les mobiles qui poussent imprieusement les croyants auxexercices religieux leur restent cependant tous inconnus, ou bien sontreprsents dans leur conscience par d'autres mobiles mis en avant leurplace.

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    L'analyse des actes obsdants nous a dj permis de jeter un coup d'il surl'tiologie de ceux-ci et sur l'enchanement des mobiles qui les dterminent.On peut dire que celui qui souffre de compulsion et d'interdictions se com-porte comme s'il tait sous l'empire d'un sentiment de culpabilit, dont il ne

    sait rien d'ailleurs, d'un sentiment inconscient de culpabilit, ainsi qu'ilconvient de dire en ne tenant pas compte du heurt des mots ici associs. Cesentiment de culpabilit prend sa source dans certains processus psychiquesprcoces, mais trouve un lment de reviviscence perptuelle dans la tentationque renouvelle chaque occasion actuelle. D'autre part, il donne naissance une angoisse expectante, une attente du malheur, toujours aux aguets, an-goisse lie par le concept de lapunition la perception interne de la tentation.Quand un crmonial est en train de se constituer, le malade sait encoreconsciemment qu'il doit faire ceci ou cela sans quoi un malheur arriverait et,en rgle gnrale, la sorte de malheur attendre est encore communique saconscience. Mais le rapport, dmontrable dans chaque cas, qui existe entrel'occasion o l'angoisse expectante surgit et l'lment de menace qu'elle

    contient est dj cach au malade. Ainsi le crmonial commence par tre unacte de dfense ou une assurance contre quelque chose, une mesure deprotection.

    Au sentiment de culpabilit du nvros obsessionnel correspondent lesprotestations des dvots lorsqu'ils affirment savoir qu'ils sont de grandspcheurs dans leur cur ; il semble que les exercices de pit (prires, invo-cations, etc.), aient la valeur de mesures de dfense et de protection, mesurespar lesquelles les dvots font prcder chaque activit de la journe et surtoutchaque entreprise sortant de l'ordinaire.

    On acquiert une intelligence plus profonde du mcanisme de la nvroseobsessionnelle si l'on estime sa juste valeur le fait primordial se trouvant sa base et qui consiste toujours dans le refoulement d'une pulsion instinctive(d'une composante de l'instinct sexuel), pulsion qui tait contenue dans laconstitution de la personne en jeu, qui put se manifester un certain temps danssa vie infantile et devint ensuite la proie du refoulement. Une scrupulositparticulire, dirige contre les objectifs de cet instinct, est engendre en mmetemps que le refoulement de cet instinct. Seulement cette formation raction-nelle psychique ne se sent pas sre d'elle-mme, mais constamment menacepar l'instinct demeur aux aguets dans l'inconscient. L'influence de l'instinctrefoul est ressentie sous forme de tentation, et c'est au cours du processus durefoulement lui-mme que nat l'angoisse, qui, en tant qu'angoisse expectante,s'empare du domaine de l'avenir. Le processus de refoulement qui conduit lanvrose obsessionnelle est qualifier de refoulement incompltement russi,

    refoulement qui menace de faiblir de plus en plus. C'est en quoi il estcomparable un conflit qui ne saurait connatre de fin ; des efforts psychiquestoujours renouvels sont ncessaires afin de maintenir l'quilibre contre lespousses constantes de l'instinct. Les actes crmoniaux et obsdants naissentainsi, d'une part, titre de dfense contre la tentation, d'autre part, titre deprotection contre un malheur attendu. Mais contre la tentation, les actes deprotection semblent bientt ne pas suffire ; alors surgissent les interdictionsqui doivent nous garder distance de la situation o nous serions tents. Ainsiqu'on peut le voir, les interdictions remplacent les actes obsdants, tout

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    comme une phobie a pour but d'pargner la ncessit d'une crise d'hystrie.D'un autre ct, le crmonial reprsente la somme des conditions sous les-quelles d'autres choses, pas encore absolument dfendues, restent permises ;de mme le sens du crmonial religieux du mariage est de permettre au dvotla jouissance sexuelle, par ailleurs entache de pch. La nvrose obsession-nelle, comme toutes les autres affections analogues, a encore pour caractreque ses manifestations (ses symptmes, parmi lesquels les actes obsdants)remplissent cette condition d'tre un compromis entre les forces psychiques enconflit. Ainsi les symptmes ramnent au jour quelque chose du plaisir qu'ilssont destins empcher, ils se mettent au service de l'instinct refoul nonmoins que de l'instance refoulante. Et mme, avec le progrs de la maladie,les actes, qui l'origine servaient plutt la dfense, se rapprochent toujoursdavantage des actions condamnes par lesquelles, dans l'enfance, l'instinct semanifestait.

    On pourrait retrouver quelque chose de ces rapports dans le domaine de lavie religieuse : la rpression, le renoncement certaines pulsions instinctives

    semble aussi tre la base de la formation de la religion ; cependant ce nesont Pas, comme dans la nvrose, des composantes exclusivement sexuellesdont il s'agit ici, mais des instincts gostes, nuisibles la socit, auxquelsd'ailleurs une contribution sexuelle n'est le plus souvent pas trangre. Lesentiment de culpabilit man d'une tentation qui ne s'teint jamais, l'an-goisse expectante sous forme de la peur des chtiments divins, nous avonsappris les reconnatre au domaine de la religion plus tt qu' celui de lanvrose. Peut-tre en vertu des composantes sexuelles qui s'y mlent, peut-tre par suite des qualits gnrales de l'instinct, la rpression des instincts audomaine de la vie religieuse se manifeste-t-elle aussi comme insuffisante etjamais acheve. Des rcidives totales de pch sont mme plus frquenteschez le dvot que chez le nvros, et elles conditionnent une nouvelle espced'activits religieuses, les actes de pnitence, auxquels on trouve des pendants

    dans la nvrose obsessionnelle.Nous l'avons vu : un caractre particulier et dgradant de la nvrose

    obsessionnelle consiste en ce que le crmonial s'attache de petits actes de lavie quotidienne et se manifeste sous forme de prescriptions et de restrictionspuriles. On ne comprend ce trait frappant de la structure du tableau cliniquequ'en apprenant voir que le mcanisme du dplacement psychique, dcou-vert par moi d'abord dans la formation du rve, domine les processuspsychiques de la nvrose obsessionnelle. Dans les quelques exemples d'actesobsdants que j'ai cits, on peut dj voir comment le symbolisme et lesdtails de l'excution de l'acte s'difient grce un dplacement de ce qui estpropre, important, une chose mesquine mais substitutive, par exemple d'unhomme un sige. C'est cette tendance au dplacement qui modifie toujours

    davantage le tableau des phnomnes morbides et qui en vient pour finir faire de la chose la plus minime la plus importante et la plus pressante. On nesaurait mconnatre qu'au domaine religieux n'existe une tendance semblableau dplacement de la valeur psychique, et la vrit dans le mme sens, detelle sorte que peu peu le crmonial mesquin des exercices religieuxdevient l'essentiel, aprs qu'a t mis de ct son contenu idatif. C'est aussipourquoi les religions subissent par saccades des rformes qui s'efforcent dertablir la relation originelle des valeurs.

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    Le caractre de compromis des actes obsdants en tant que symptmesnvrotiques est celui que l'on reconnat le moins nettement dans les actesreligieux qui leur correspondent. Et cependant quelque chose nous rappelle cetrait de la nvrose quand nous voyons combien souvent tous les actes que lareligion rprouve - les manifestations des instincts rprims par la religion -sont justement accomplis en son nom et soi-disant son profit.

    En vertu de ces concordances et de ces analogies, on pourrait se risquer concevoir la nvrose obsessionnelle comme constituant un pendant patholo-gique de la formation des religions, et qualifier la nvrose de religiositindividuelle, la religion de nvrose obsessionnelle universelle. La concordan-ce la plus essentielle rsiderait dans le renoncement fondamental l'exerciced'instincts constitutionnellement donns, la diffrence la plus dcisive dans lanature de ces instincts qui, dans la nvrose, sont d'origine exclusivementsexuelle, et dans la religion aussi de nature goste.

    Un renoncement progressif des instincts constitutionnels, dont l'exercice

    pouvait donner au moi un plaisir primaire, semble tre l'une des bases del'volution culturelle des hommes. Une partie de ce refoulement des instinctsest accomplie par les religions, en tant qu'elles incitent l'individu offrir ensacrifice la divinit ses plaisirs instinctifs. A moi est la vengeance , dit leSeigneur 1. On croit reconnatre dans l'volution des vieilles religions que biendes forfaits auxquels l'homme avait renonc avaient t passs Dieuet taient encore permis en son nom, de telle sorte que la cession la divinittait le moyen par lequel l'homme se librait de la domination de ses instinctsmauvais et nuisibles la socit. Aussi n'est-ce pas un hasard si toutes lesparticularits humaines - avec les mauvaises actions qui en drivent - taientattribues aux anciens dieux dans une mesure illimite, et ce n'tait pas unecontradiction qu'il ne ft pourtant pas permis de justifier ses propres forfaitspar l'exemple divin.

    FIN DE LARTICLE.

    1 Deutronome, XXXII, 35. (N. de la Trad.)