Actes Forum Pauvreté 2008

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Actes du forum « Quelles politiques pour les quartiers et les populations pauvres » du 16 septembre 2006 1 TABLE DES MATIERES Introduction 3 Plénière n°1 Chômeurs, précaires, travailleurs pauvres : quels revenus pour vivre à Paris ? 4 Plénière n°2 Logement à Paris : comment stopper la ségrégation sociale ? 15 Plénière n°3 La santé, révélateur et facteur d’inégalités 24 Conclusion 31 Annexes Enquête de l’APUR Paris, synthèse des données sociales, juin 2006 32

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TABLE DES MATIERES

Introduction 3

Plénière n°1Chômeurs, précaires, travailleurs pauvres : quels revenuspour vivre à Paris ? 4

Plénière n°2Logement à Paris : comment stopper la ségrégation sociale ? 15

Plénière n°3La santé, révélateur et facteur d’inégalités 24

Conclusion 31

AnnexesEnquête de l’APURParis, synthèse des données sociales, juin 2006 32

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INTRODUCTION

Corine Faugeron,Secrétaire des Verts Paris

Bienvenue à notre journée consacrée au thème« Quelle politique pour les quartiers et lespopulations pauvres ? ». Cette réflexion entre dansle cadre de notre réflexion pour le programme desVerts à Paris. Nous débattrons de quartiers et depopulations pauvres, un sujet sur lequel noustravaillons depuis longtemps et qui estmalheureusement loin d’être nouveau…On s’aperçoit que les modèles chargés de répondreà ces questions ont plutôt échoué, il faut chercheraujourd’hui d’autres solutions pour arrêter cettepauvreté. Il y a un an, les Verts avaient voté auconseil de Paris un vœu intitulé « 2005 plusd’excuses » dont le postulat était : nous n’avonsplus le droit d’accepter qu’il y ait toujours plus depauvreté. Ce vœu était un appel à mobilisation

pour trouver des solutions. Ce n’est donc pas unenouvelle problématique au sein des Verts, quiaurait surgi au moment des émeutes de l’annéedernière.L’enjeu aujourd’hui est d’arriver à collaborer avecles personnes qui sont sur le terrain, pouvant êtrepauvres, et les associations qui sont aussi là pourendiguer la question. A Paris, la construction desquartiers de relégation doit absolument êtrearrêtée.Autour de ces questions, nous avons invité un desparticipants auxquels vous pourrez poser desquestions. L’échange qui découlera de cettejournée nous permettra d’enrichir notre réflexion.Je vous remercie d’être là et je passe la parole àDan Lert, l’organisateur de ce forum.

Dan Lert,Secrétariat exécutif, délégué aux acteurs sociaux

Je voudrais tout de suite remercier l’ensemble despersonnes qui vont intervenir tout au long de lajournée. C’est déjà une réussite importante d’avoirpu associer autant de compétences de personnesengagées sur le terrain de la lutte contre lesinégalités pour débattre ensemble. Pour nous, ilest important que ce dialogue s’engagemaintenant, alors que les Verts sont enresponsabilité à la mairie de Paris et qu’ils mènentdes politiques sociales. Les indicateurs sociaux nesont pas bons à Paris et les écarts de revenusprogressent. Il faut évaluer ces politiquespubliques avec des acteurs de terrain. Noussouhaitons que cette confrontation soit durable,positive. C’est une relation où chacun garde saplace. En tant que parti politique participant à lamajorité parisienne, nous assumons laresponsabilité des politiques publiques locales,mais nous souhaitons avoir en permanence ce liencritique avec les acteurs sociaux. C’est notremanière d’avancer et c’est le choix aujourd’hui quiest fait de rassembler à la fois des chercheurs, desresponsables associatifs, des gens engagés dans lalutte de terrain.

Alors pourquoi le choix des questions sociales ? Onconstate tous les jours à Paris dans la rue, dans lesévénements dramatiques, que la pauvreté estprésente. Il y a eu la série d’incendies dramatiquesqui ont donné l’occasion au Ministre de l’Intérieurde procéder à des expulsions indignes, la

polémique, cet été, sur l’hébergement des SDF àParis qui devient un problème très criant, etc.Nous souhaitons apporter des réponses à cesproblèmes de mal-logement en réévaluant noschoix politiques, avec l’ensemble des gens qui ontdes responsabilités sur ces questions.Il faut analyser aussi cette réunion comme unchoix politique. Nous ne souhaitons pas que cesquestions des quartiers populaires soient réduitesà une dimension sécuritaire, ce qui estactuellement le cas dans le débat politique.Comme le rappelait Corine, nous n’avons pasdécouvert la pauvreté au moment des émeutes enbanlieue malgré l’ampleur des événements qui onttouché la France, mais nous avons été révoltés parla réaction politique, qui n’est pas à la hauteur desproblèmes sociaux posés.

Cette réunion est une première tentative dedialogue pour trouver réellement des réponsessociales à ces questions. Car il s’agit bien dans cesquartiers, de questions sociales, de chômage, dejeunes, de travailleurs pauvres, de précaires…Dans cette perspective, je remercie les Verts et lesnon-Verts qui ont participé à l’organisation de cettejournée. La qualité des débats et desproblématiques proposées leur est largement due.Je passe la parole à Mylène Stambouli, Adjointeau maire de Paris, chargée de l’exclusion, qui vaanimer cette première table ronde autour desquestions de l’emploi et des revenus.

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Plénière n°1Chômeurs, précaires, travailleurs pauvres : quels revenus pour vivre à Paris ?

Mylène Stambouli,Adjointe au Maire de Paris chargée de la lutte contre l’exclusion

Nous allons engager les interventions sur lapremière table ronde : « Chômeurs, précaires,travailleurs pauvres, quels revenus pour vivre àParis ? » avec Michel Castellan, qui nous faitl’amitié d’être présent. Administrateur à l’INSEE,animateur à la Mission d’Information sur laPauvreté et l’Exclusion Sociale (MIPES) à la RégionIle-de-France, et militant, nous avons travailléensemble ces dernières années.

Avant de te passer la parole, je veux juste poserdeux questions auxquelles tu répondras à traverston intervention :

- Quelle est la place de Paris dans la régionIle-de-France, les données statistiques aujourd’hui,des chiffres 2005 sur la réalité sociale du chômage,de la précarité aujourd’hui ?

- A quoi correspond ce fameux seuil depauvreté ? Comment le calcule-t-on ? Est-ilpertinent ? Comment y réfléchir ici sur despolitiques sociales ?

Michel Castellan

Je précise que j’interviens là à titre de militant,personnel, et que je n’engage ni l’INSEE ni lamission d’information sur la pauvreté et l’exclusionsociale, tout en m’appuyant sur leurs travaux etleurs réflexions. Je vais essayer d’intervenir sur deux sujets :

1- Quelques éléments de cadrage sur lapauvreté à Paris en Ile-de-France ;

2- Sur les travailleurs pauvres : qu’est-cequ’on peut en savoir aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’on appelle par là travailleurspauvres, comment peut-on les connaître ?

Tout d’abord, quand on approche la pauvreté, on asouvent tendance à parler des minima sociaux.

Dans un document édité par la MIPES en 2005, onraisonne en allocataires, donc pas forcément enpopulation couverte : on a 130 000 bénéficiairesde minima sociaux fin 2005, et la plus grandepartie au RMI, puisqu’il y en a 62 000. Quand onregarde l’évolution 2004-2005, tout augmenterelativement faiblement, sauf l’allocationd’insertion, dont les chiffres étaient beaucoup plusforts en 2004. Sur les bénéficiaires du RMI, il fautavoir en tête que la proportion de rentrants de

moins d’un an est de l’ordre de 29% et de 26%pour ceux de plus de 5 ans dans le dispositif. Seuls46% ont un logement autonome, c’est-à-dire queles autres sont peut-être propriétaires, mais ilssont le plus souvent hébergés ou sans domicile oudans des situations de rupture de logement. Surles bénéficiaires du RMI, presque 9% sont ensituation d’intéressement, c’est-à-dire en situationde reprise d’emploi.Une autre approche de la pauvreté est possibleavec « les allocataires à bas revenus ». Là, onutilise la source des Caisses d’allocations familiales(CAF) pour regarder combien il y a de pauvres ausens CAF.

Concernant le seuil de pauvreté, j’ai beaucoup demal à répondre à cette question, parce que le seuilde pauvreté est déterminé à partir d’unerépartition statistique des revenus. On prend lamédiane, c’est-à-dire le point au milieu de larépartition, puis on dit : le seuil de pauvreté c’estla moitié ou 60% de la médiane. C’est tout à faitconventionnel. Il donne une indication sur les gensqui ne peuvent pas prétendre au niveau de viemoyen de la population. Cependant, prendre unseuil national serait assez juste mais ne tiendraitpas compte du coût de la vie à Paris. Un seuilnational ferait apparaître qu’il y a à peu près 5%de pauvres en Ile-de-France. On voit bien que lesgens à Paris ou en Ile-de-France ont desproblèmes de transport, de logement, et donc tenircompte de la situation locale ou régionaleconduirait à considérer un seuil plus fort.Faut-il prendre des seuils locaux ou régionauxalors qu’on a une législation qu’on veut unique surle RMI ? Ceci pose de nombreuses questions qui

ParisIle-de-France

Allocation Adulte Handicapé (AAH) 20 794 96 560

Allocation Parent Isolé (API) 4 745 30 244

Allocation de Solidarité Spécifique (ASS)

19 850 77 290

Allocation d'Insertion (AI) 5 130 14 660

Allocation Supplémentaire Vieillesse (ASV)

15 155 47 358

Revenu Minimum d'Insertion (RMI) 62 574 229 228

Allocation Supplémentaire du Fonds Spécial d'Invalidité (ASI)

1 948 6 785

Allocation Equivalent Retraite (AER) 500 3 300

Total 130 696 505 425

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ne sont pas politiquement neutres sur ladétermination du seuil de pauvreté. Je me limiteraià situer le niveau du seuil à chaque fois. Là, pourla CAF, en 2005, le seuil de bas revenu est de 786euros par mois. Ceci permet de caractériser lapopulation pauvre.

Source CAF 31/12/2005

Je voudrais souligner deux points.Premièrement, 62% d’isolés dans les allocataires,ça veut dire 75 000 personnes. Un tiers de lapopulation dans les foyers à bas revenus (220 000personnes) sont des personnes seules, ce chiffreest plus fort à Paris qu’en Ile-de-France. C’estimportant.Deuxièmement, un tiers sont des enfants de moinsde 20 ans (70 000 à peu près), c’est-à-dire que16% de la population de moins de 20 ans vit dansun ménage pauvre.

Pour compléter ces approches j’aborderais lesquestions de précarité par rapport à l’emploi, aulogement et à la croissance des situations devulnérabilité.

Sur Paris, le taux de chômage desjeunes est plus faible que dans le reste de l’Ile-de-France, par contre le taux de chômage est plusimportant pour les gens plus âgés. Les personnesqui ont plus de 50 ans sont une fois sur deux auchômage de longue durée ou de très longuedurée. Il y a des caractéristiques propres à Parisimportantes à connaître.

Les problèmes d’accès au logement :la question du logement est prégnante du fait deson coût et de sa rareté. Ainsi il y a 100 000demandes de logement social sur Paris, on voitque l’accès au parc HLM est difficile, doncbeaucoup de pauvres sont contraints d’aller dansle secteur libre, qui héberge autant de pauvres quele parc HLM. Et il faut savoir que dans ce cas-làleur taux d’effort net est très important. Un pauvrelogé dans le secteur libre va dépenser en moyenne36% de ses dépenses en loyer, alors que celui enparc HLM va dépenser 14%,.Enfin, il y a bon nombre de personnes mal prisesen compte dans les statistiques. Celles-ci reposent

sur des enquêtes, auprès de personnes qui sontlogées. Ainsi, les personnes qui sont sans domicile,mais pas forcément à la rue, ont une sur-mobilité,et donc il y a tout un continuum de situationsqu’on sous-estime fortement. Il ne faudrait pas selimiter, en considérant que les gens sont dansdeux populations, soit à la rue (estimations INSEE2001 : 100 000 personnes), soit en logementordinaire. En fait, il y a beaucoup plus depersonnes en situation de « rupture delogement », et elles sont à l’hôtel, hébergées.. etbougent beaucoup.

Dernier point sur les questions depauvreté : je voudrais signaler qu’on voit de plusen plus de situations de vulnérabilité. LeSecours catholique va insister dans son rapportannuel sur l’isolement des personnes, la rupturefamiliale. Je n’ai pas eu les chiffres 2005, mais il ya une forte croissance dans les situations desurendettement, des personnes ayant déposé desdossiers à la Banque de France. C’est un indicateurde précarité. Il est difficile également de réduire lenombre d’expulsions. Autant on peut agir sur leparc HLM, autant on voit que sur le secteur libre,sur Paris, le niveau d’assignations reste élevé, etles expulsions aussi. C’est très dur d’interpréter lesstatistiques d’une année sur l’autre, parce que çamélange secteur libre et public, et puis lesdifférentes étapes de la procédure d’expulsion nesont pas en adéquation. Mais c’est vrai que lesexpulsions restent un sujet prégnant.

En conclusion de cette première partie sur lapauvreté, je voudrais insister sur deux idées.Tout d’abord, médiatiquement, on insistebeaucoup sur les personnes sans domicile, ce quin’est qu’un aspect des choses, et sur les minimasociaux. Cependant, on voit bien qu’un pauvre surdeux touche un minima social… Je dirais que lapauvreté en général est silencieuse, et l’on ne peutpas la réduire uniquement à l’image qu’onmédiatise. Je crois qu’il y a plein de situationscachées qu’il faut prendre en compte, des gens quine sont pas dans des processus sociaux, ignorésdes services sociaux, mais qui vivent des situationsde pauvreté, et dont on ne parle pas.Deuxièmement, il y a toute une partie des jeunesexclus des statistiques, du RMI, d’un certainnombre de dispositifs, qui sont dans des situationsd’emploi précaire ou étudiant, et qui connaissentde réelles situations de pauvreté. Je crois que lasituation des étudiants, des jeunes est un sujet àpart entière.

Je vais aborder ma deuxième partie sur lestravailleurs pauvres. Je vais resituer troisapproches qu’on a menées à la MIPES.

Paris Ile-de-France

Nombre d'allocataires à bas revenus dont (%) 121 327 499 571

Isolés 62,0 48,0

Couples sans enfant 6,7 6,4

Familles monoparentales 17,1 24,0

Couples avec 1 ou 2 enfant(s) 10,2 14,5

Couples avec 3 enfants ou plus 4,0 7,0

Dont percevant le RMI (en %) 47,1 42,4

Aucun minimum versé par la CAF (en %) 42,1 44,1

Percevant une aide au logement (en %) 58,9 57,5

Population (*) des foyers allocataires à bas revenus 222 319 1 120 055

en % de la population estimée en 2004 10,3 9,9

dont enfants de moins de 20 ans 69 984 447 474

en % des moins de 20 ans estimés en 2004 16,7 15,2

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« Le risque d’être un travailleur pauvreaugmente quand on est dans unesituation de précarité de l’emploi »

Une première approche, selon laquelle« un sans domicile fixe sur trois déclare travaillerselon l’enquête INSEE de 2001 ». Ce chiffre a étémédiatisé, repris dans la presse. À la MIPES, on afait une enquête « une nuit donnée », sur le publichébergé en centre d’urgence ou CHRS, les chiffresconfirment que c’est probablement un peu moinsd’un sur trois, mais il y a effectivement une réalitédes gens qui travaillent, sans domicile, contraintsde se retrouver dans des circuits d’urgence. Çac’est un premier aspect des choses.

Le deuxième point sur lequel on a fait untravail était de demander à l’IRES (organismed’étude très en lien avec lemonde du travail) de faire uneétude qualitative sur lestravailleurs pauvres. Plutôtcentrée sur les CHRS et lemonde de l’urgence, elle faisaitapparaître que pour cespersonnes tout était difficile. On leur demande desgaranties, ils subissent la concurrence desétudiants… Ce travail doit être accessible dans lesite de la MIPES1.

Puis on a demandé à l’INSEE de faire une étudestatistique sur l’Ile-de-France dont je vais vousrendre compte pour connaître la situation destravailleurs pauvres2. Alors là, pour avoir unminimum d’observations statistiques, on a pris unseuil de pauvreté régional, supérieur au seuilnational, et à 60%. Pour l’INSEE, un travailleurpauvre c’est quelqu’un qui travaille et qui vit dansun ménage pauvre. La définition d’une personnequi travaille correspond à un actif (soit chômeursoit ayant un emploi) au moins six mois dansl’année, et qui a eu au moins un mois ou plus enemploi dans les douze derniers mois. C’est un peucomplexe, mais les gens de l’INSEE aiment bienêtre précis quand ils définissent quelque chose.Pour situer le seuil de pauvreté utilisé : 885 eurospar mois et par unité de consommation. Sous ceseuil, ça représente 15,6% de la populationfrancilienne. Voici quelques résultats de l’enquête :10% des travailleurs franciliens vivent dans unménage dont le niveau de vie est inférieur au seuilde pauvreté régional, ça représente à peu près500 000 personnes.Premier facteur : la précarité de l’emploi. Onvoit bien que ceux qui ont des périodes d’activité

1 P53 et suivanteshttp://www.idf.pref.gouv.fr/mipes/documents/document_pauvrete_precarite_fevrier05.pdf2 Un travailleur francilien sur dix a un faible niveau deviehttp://www.insee.fr/fr/insee_regions/idf/rfc/docs/alapage266.pdf

alternées avec du chômage auront un taux depauvreté plus grand, les chiffres le montrent.Ensuite, ceux qui sont salariés en CDD sont surtoutdes jeunes, premiers exposés à la pauvreté. Poursituer un ordre de grandeur, la moitié destravailleurs pauvres sont quand même dans ladernière catégorie : CDI toute l’année. On voit bienque le risque d’être un travailleur pauvreaugmente quand on est dans une situation deprécarité de l’emploi.Deuxième facteur : le faible niveau dequalification. Les travailleurs pauvres sont enmajorité des ouvriers, des employés. Le taux de

pauvreté plusgrand pour lesgens sans

diplôme.Effectivement,

c e c i v aamener à ce

que, globalement, 45% des travailleurs pauvressont immigrés. Ce sont les chiffres franciliens. Lesous-emploi accroît le risque de pauvreté. On aregardé le rapport taux de pauvreté destravailleurs / temps de travail, et l’on voit que lerisque d’être un travailleur pauvre quand on est àtemps partiel ou en sous-emploi augmentefortement, ce qui est le cas d’une majorité defemmes, à 71%. Globalement, dans la populationdes travailleurs pauvres, les femmes nereprésentent que 45%, mais celles qui sont àtemps partiel, en sous-emploi, c’est à peu près70% des femmes. Par rapport aux secteursprofessionnels, la moitié des travailleurs pauvressont dans des services à la personne,opérationnels, aux entreprises, commerces, hôtels,construction. Par rapport aux situations familiales,ceux qui ont des charges d’enfant, qu’ils soientavec un conjoint non travailleur ou parent isolé,représentent la grande majorité. Voilà lesprincipales conclusions de cette enquête accessiblesur le site de l’INSEE Ile-de-France (mars 2006)qui montre que les travailleurs pauvres ne sont pasforcément des gens qui travaillent de nuit ou dansdes situations particulières, mais des gens qui ontun travail souvent à temps plein, mais très malpayé.

En conclusion, je voudrais donner un point de vuepersonnel. À la MIPES, on était dans la lutte contrel’exclusion. Je crois que l’exclusion commence dansle monde du travail. Lutter contre l’exclusion, c’estpermettre à chacun de trouver une place dans lasociété. Nous sommes dans un monde où l’ondemande à chacun d’être performant, et oùl’entreprise exclut ceux qui ne sont pasperformants et les met sur le bord de la route.L’enjeu est que ces gens-là gardent une place en

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entreprise, et que l’entreprise s’adapte pour quechacun puisse trouver une place. À la MIPES,pendant la rencontre faite avec les travailleurspauvres, on avait essayé d’impliquer lesorganisations syndicales, des inspecteurs dutravail, des assistantes sociales d’entreprise : il mesemble que ces acteurs sont directementconcernés par la lutte contre l’exclusion et il y aune convergence à faire des actions en la matière.Je signale que le collectif Alerte, l’an dernier atenté de se rapprocher des acteurs de l’entrepriseet a signé en mai dernier un manifeste en communsur la lutte contre l’exclusion. Je crois qu’il y a une

évolution positive. De plus, par rapport à unesituation de pauvreté, on pense aux aides. Il fautque la puissance publique puisse intervenir. Mais ilfaut trouver des dispositifs de droit commun.Beaucoup de personnes ne recourront pas auxaides pour plusieurs raisons : elles ne savent pasce à quoi elles ont droit ; elles trouvent les aidesstigmatisantes. Et donc le non recours est trèsimportant. Il est important de trouver desdispositifs de droit commun pour assurer à chacunun niveau de vie correspondant à ce qu’il a besoinpour vivre. Je vous remercie.

Mylène Stambouli

Nous avons fait distribuer à l’entrée le programmedes Verts, où l’on retrouve un certain nombre depréoccupations, notamment sur les jeunes, lademande d’une allocation d’autonomie, lalimitation du temps partiel et la création dedispositifs pertinents au niveau national. Cespréoccupations peuvent permettre d’éviter cephénomène que tu nous décris, et notamment quitouche les femmes. Cependant, il va falloir se

battre dans les mois qui viennent pourqu’effectivement, dans les différents programmes,on puisse avancer.Je vais donner la parole à Jean-Pierre Guenanten,du Mouvement national des chômeurs et précaires.Il va nous donner la vision de la réalité vécue deschômeurs qui viennent dans vos permanences etdans vos maisons de chômeurs.

Jean-Pierre Guenanten,Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP)

Le MNCP, Mouvement National des Chômeurs etPrécaires compte 6 000 adhérents. En Ile-de-France, nous avons 4 associations. L’origine de lacréation de ce mouvement, c’est la non-prise encompte des problèmes spécifiques aux chômeurs,en particulier par les syndicats de salariés. Nousavons participé à plusieurs actions pendant vingtans : la mise en place de la loi contre lesexclusions, les comités de liaisons avec lesinstitutions (ANPE, AFPA, DDTEFP) par laconsultation des personnes au chômage, le combatsur les recalculés, lamise en place du RMI.On s’aperçoit que notreprésence dans lesgrandes villes et enparticulier sur Paris estdifficile et que notre implantation est plus simpledans les petites et moyennes villes de province.

Le MNCP et les associations du mouvementtravaillent sur 3 axes :

Le premier est l’accueil (l’information, lesuivi, l’accompagnement, l’orientation despersonnes avec une approche généraliste etd’éducation populaire). Parallèlement on essaie de

mettre en place des formations et des activitésdites « du temps libéré ».

Le deuxième axe, c’est la défense desdroits individuels et collectifs (de témoignagesindividuels construire une défense collective). Apriori, nos maisons de chômeurs devraientaccueillir les personnes sur le volet « chômage »,mais rapidement d’autres problèmes spécifiquesapparaissent (santé, logement…).

Troisième axe : la mise en placed’activités d’économie solidaire. À notre

échelle, nous avons créé600 emplois, (jardinssolidaires, restaurantsso l ida i res , c rèchessociales, entreprisesd’insertion,…).

Sur le sujet d’aujourd’hui, je vais partir de constatset proposer des débuts de solutions. Enpréambule, le droit à l’emploi est inscrit dans laconstitution française. Je vais démarrer sur l’aspectprécarité. Pour l’illustrer, des chiffres : l’insécuritésociale gagne du terrain et l’emploi se précarise :des emplois en CDD, des missions d’intérim, destemps partiels imposés (différents des tempspartiels choisis) et beaucoup d’emplois aidés. En

« En 20 ans, la précarité a augmentéde 2,5 millions de personnes »

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« Le revenu, ou plutôt le manque derevenus, reste le principal frein à l’emploi »

20 ans, la précarité a augmenté de 2,5 millions depersonnes. L’emploi précaire devient la norme, enparticulier pour les jeunes générations : 80% desembauches pour les moins de 25 ans sont en CDDpour une moyenne d’un mois et demi. Aujourd’hui,1,7 millions de salariés ont un CDD. Chaque jour600 000 personnes travaillent dans le cadre d’unemission intérim. Chaque année, 800 000 à 900 000personnes sont licenciées. On s’aperçoit aussi quela fin de CDD ou de mission intérim reste laprincipale cause d’entrée au chômage, devant leslicenciements, et c’est quelque chose d’asseznouveau. On peut rajouter le CNE quicontrairement au CPE existe toujours et relèvebien de la précarité quant à sa conception.Quelles sont les réponses à apporter face à cetteprécarité grandissante ? Il y a un outil essentiel,c’est l’assurance chômage. Pourtant, on s’aperçoitque le chômage est de plus en plus mal indemnisé,quant au montant et à sa durée. Par exemple, en1979, il fallait avoir cotisé trois mois pour avoirdroit au chômage, aujourd’hui on en est à 6 moisminimum. Il n’y a pas eu de réévaluation duchômage en 2005 pour la première fois. Il y a euune modification du régime des intermittents, celuides saisonniers avec pour conséquence d’exclureencore des dizaines de milliers de personnes del’indemnisation du chômage. Les conséquencesdirectes, c’estqu’un chômeurs u r d e u xseulement estindemnisé etque cela contribue à un basculement vers lesminima sociaux. Il nous semble que le RMI n’étaitpas fait pour ça à l’origine, et pourtant aujourd’hui,on rencontre des allocataires du RMI avec bac +4,bac +5. En France, 3,3 millions de personnes sontconcernées par les minima sociaux, et si on yrajoute les ayants-droits, cela correspond à 6millions de personnes. Sur le plan de la formation,i l existait l ’AFR, (Allocation FormationReclassement), créée en 1998, et qui permettaitl’accès à des formations longues, de 40 heures à 3ans. Cette AFR a été supprimée en 2001.Aujourd’hui, le PARE permet une formation, maiscourte, en fonction des métiers en tension, et doitêtre homologuée par les ASSEDIC. Bref, financersa formation par les ASSEDIC, ça n’existepratiquement plus, sauf dans le bâtiment, larestauration et les services à la personne.Pour ce qui concerne les minima sociaux, le RMI etl’API (Allocation parent isolé) sont à la charge desdépartements et le risque de disparité territorialeest important. Autre constat un RMI en 1990correspondait à 67 SMIC horaires, en 2004 c’est 50SMIC horaires. Le montant du RMI a donccomplètement chuté dans le rapport que l’on peut

faire avec le coût de la vie et, de plus, ce montantest largement sous le seuil de pauvreté européen.Il en est de même pour l’ASS et l’API. Face à cela,la réponse est le suivi personnalisé, mais aussi lecontrôle, la stigmatisation et la radiation !!!

Autre problème, la communication autour deschiffres du chômage : on nous parle de 9% dechômage en France, mais en y incluant toutes lescatégories exclues du comptage, on devrait parlerde 15%. On nous dit qu’il y a 300 000 emploisvacants en France mais il y a plus de 3 millions depersonnes qui cherchent du travail. Ce climat desuspicion est insupportable. On rend les gensresponsables de leur situation, coupables, et celafonctionne : 80% des Français étaient d’accordpour réduire l’indemnisation des chômeurs.Aujourd’hui, il est demandé de la flexibilité àl’emploi, sans sécurité en contrepartie. Une étudefaite par Eurostat prouve que la France est l’un despays qui traite le moins bien les chômeurs auniveau de la part de PIB consacrée aux dépensesactives et passives sur le chômage. La flexibilitéserait une variable d’ajustement nécessaire pourune meilleure adaptabilité des entreprises auniveau économique, aux exigences du marché, à lacompétitivité ! Si effectivement le salarié estcontraint à une certaine flexibilité, il faut

a c c o m p a g n e r c ephénomène par unesécurité, une garantie.Auss i nous avonsentamé une réflexion

commune sur la sécurisation des parcoursprofessionnels, avec les mouvements de chômeursAC, APEIS, Génération Précaire, Stop précarité, etle collectif des intermittents d’Ile-de-France. Nousavons reçu l’Union syndicale solidaire, la CGT, laCFTC sur ce sujet et entendu leurs propositions enla matière…

Nous pensons que chacun doit être protégécontre le licenciement, les fins de contrats etdoit pouvoir bénéficier d’un statut de vie sociale etprofessionnelle ouvert à tous, que l’inemployabilitén’existe pas. S’il y a une véritable volonté politique,le plein emploi peut encore exister, certes avec desaménagements.Nous refusons aussi la logique de « workfare »,retour à l’emploi forcé ou de « learnfare »,obligation d’accepter une formation au rabais.L’une de nos revendications premières, c’est ledroit pour tous à vivre décemment par unevéritable remise à plat et une refonte dusystème d’assurance chômage qui, pour nous,est devenu totalement inadapté aux enjeux de lapériode. Nous pensons qu’il faut un accès pourtous les chômeurs, les travailleurs en emploi

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discontinu, en stage, en temps partiel imposé, enmission d’intérim, les précaires, y compris lesjeunes de moins de 25 ans, à ce statut de viesociale et professionnelle, qui serait une base etqui permettrait, quoi qu’il arrive (licenciement, finde CDD, fin de mission, démission) de garantir lemaintien d’un revenu individuel ayant pourréférence un SMIC revalorisé, en adéquation avecle coût de la vie. Ceci devrait être couplé à desdroits sociaux afférents à ce statut, quipermettraient la formation, la continuité sur lespoints retraite, la progression de carrière…Sur le mode de financement, nous pensons qu’ilfaudrait créer un fond mutualisé, qui reposesur les revenus du travail comme aujourd’hui(cotisations des salariés et des entreprises) avecune parenthèse pour les emplois aidés : cesemplois aidés doivent être supprimés, au moinsdans le secteur marchand car ils remettentcomplètement en question la notion de cotisationssociales et de solidarité nationale. Une étude trèsrécente de la Cour des comptes démontre quel’exonération des cotisations pour les Entreprisescorrespond à 24 milliards d’euros, et que pourl’ensemble des aides publiques on en est à 60milliards d’euros (parallèlement, l’impôt sur lasociété, c’est 50 milliards d’euros !) et pourtant,aucune évaluation probante ne démontre que celagénère réellement de l’emploi.

Nous demandons aussi un niveau de cotisationsmajoré pour les entreprises usant et abusantde la précarité, dans le sens où elles ne prennentpas de risques en prenant des gens jetablesfacilement. Il faut aussi taxer le capital, lesdividendes. Dans le fonctionnement d’uneentreprise il y a trois leviers sur lesquels agir : lamasse salariale, les bénéfices réinvestis, lesdividendes. On s’aperçoit que les dividendesaugmentent pendant que le coût salarial diminueet que le niveau des investissements reste stable.On pense que l’Entreprise doit trouver les moyensd’une restitution sociale. Enfin, l’Etat et lescollectivités locales doivent aussi participer à cefond mutualisé par un redéploiement des fondsdédiés aux minima sociaux et aux entreprises.L’ensemble des réseaux associatifs concernés doitêtre consulté voire impliqué dans ce dispositif.

Nous pensons que le revenu, ou plutôt lemanque de revenus, reste le principal frein àl’emploi. Il est primordial de solutionner cetaspect. Nous sommes contre une politiquesystématique de contrats aidés, d’exonération decotisations et pensons que cela pénalise l’idéemême d’une solidarité nationale basée sur laparticipation de tous. La solution contre lechômage, c’est avant tout un choix et une volontépolitique. Je vais m’arrêter là, j’ai été, je crois, unpeu long !

Mylène Stambouli

Suite à ce que tu as dit, je voudrais quand mêmete rappeler que nous n’avons pas mis en œuvre leRMA à Paris. Je ne sais pas s’il y a beaucoup devilles en France qui ont pu effectivement refuser cedispositif, en tout cas dans le secteur marchand. Jele revendique car ça a été une bagarre de madélégation. En ce qui concerne les contrats aidés,le groupe Vert est souvent intervenu au conseil deParis sur la mise en oeuvre de ces contrats pour

éviter tous les effets que tu dénonces à juste titre.Deuxième chose, le programme des Verts présentela notion de contrat d’activité, mais je pense qu’onva y revenir dans le débat, ce qui, à mon sens,répond à ta préoccupation et à votrepréoccupation sur la sécurisation d’un parcours etd’un revenu garanti. Je donne la parole à DidierPiard.

Didier PIARD,Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS)

Je suis responsable du secteur « publics etactivités » au siège de la FNARS qui regroupe surle territoire national 700 associations et 2 200établissements dont vous connaissez plus souventnos adhérents, comme le Secours catholique,Emmaüs ou l’Armée du Salut, que la fédération.Dans les 2 200 établissements, vous avez descentres d'hébergement de réinsertion sociale etdes activités solidaires. En termes clairs : des

ateliers de chantiers d’insertion utilisant descontrats aidés, nous en avons plus de 650.Par ailleurs, je suis vice-Président desGroupements d’employeurs pour l’insertion et laqualification. On remarque depuis un certainnombre d’années, et surtout dans nos centresd’hébergement, un nombre de plus en plusimportant de salariés pauvres. Nous recevionsplutôt des personnes sans ressources ou des gensqui avaient des minima sociaux comme on dit, nos

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« Les contrats aidés aident à maintenirles personnes aidées dans la pauvreté »

activités étaient d’essayer de trouver des solutionsà la fois d’emploi et de logement. Sur unestructure d’urgence à Nantes sur six mois, il y avaitenviron 10% des gens qui avaient un profil detravailleur pauvre, en majorité en CDI à tempspartiel ou complet ou en contrat intérim ou autre…

Quelques points très rapidement : ce débat autourde ce qu’on appelle grosso modo le temps partielsubi. Ce qui me frappe, c’est de voir que laréflexion sur ce temps partiel subi est relayé auchapitre de la diversification du travail. Ceproblème est très rarement abordé sous l’angle dela pénurie de l’emploi. On a oublié ceux qui veulenttravailler plus et qui n’y parviennent pas.Le deuxième constat : « les contrats aidés aident àmaintenir les personnes aidées dans la pauvreté ».Beaucoup de réseaux associatifs disent : « Fautpas dire ça, on va supprimer tous les CES ». LaFNARS le dit, surtout avec les nouveaux contratsqui ont été mis en œuvre avec le plan de cohésionsociale, alors que nous, on voulait un contrat quisoit de droit commun, pas stigmatisant, souple, etqui permette la prise en compte de tous lespublics. On s’est retrouvé avec un contratmorce l l é , cont ra t d ’aven i r , cont ra td’accompagnement à l’emploi, etc. D’ailleurs surl’Ile-de-France, si on lit l’étude de la DARES, ons’aperçoit qu’à Paris vous n’avez quasiment pasutilisé de contratsd’avenir. 6% desdemandeursd’emploi inscritsen 2005 ontutilisé les 3 contrats CIE, avenir, et contratd’accompagnement à l’emploi. D’ailleurs, choseétonnante, c’est que la CNAF, entre juin 2005 et2006, il y a eu 33 000 contrats d’avenir alors quel’Etat en avait prévu 200 000 en 2005. Jerappellerais aussi que la DARES dit, pour 2005, 18000 contrats d’avenir, par contre 135 000 contratsd’accompagnement à l’emploi, dont 35% dejeunes. Je rappelle quand même qu’il y a unebonne partie de l’activité de l’insertion économiqueau jou rd ’ hu i , l e s j ardins d’ insert ion,l’environnement… qui ont besoin de personnes quine sont pas en capacité d’aller dans une entreprisedite classique, mais qui, quelque part, quand vousvous baladez dans des chemins forestiers, quandvous allez au parc de Sceaux, dans l’espaceenvironnement, vous êtes content de trouver deschemins propres, sympas, avec des gens qui sontcompétents, je parle des jardiniers, maraîchers, oupaysagistes.

Je vais peut-être faire quelques propositions :- Combiner les revenus du travail et

ceux de la solidarité, c’est une bonne approche.

Le cumul temporaire d’un minimum social avec unrevenu d’activité est une mesure pouvant favoriserla reprise d’emploi. La FNARS a été favorable àl’expérimentation de ce dispositif qui est dansl’esprit du revenu de solidarité actif, proposé par lacommission famille, vulnérabilité, pauvreté… Oncommence à l’expérimenter sur un certain nombrede départements avec les Conseils généraux.

- Deuxièmement, tu l’as dit très justement,je pense que les partenaires sociaux ont loupé uneétape lors de la renégociation de l’assurance-chômage. C’est vrai qu’il faudrait vraiment s edoter d’un système rénové, articulant unecohérence entre un système public et unrégime paritaire. Il n’est pas juste, efficace, dedemeurer dans un système d’assurance qui octroieun seuil maximal d’indemnisations élevées pourceux qui cotisent longtemps et le mieux, et quiexclut de fait une proportion importante dechômeurs. La FNARS pense qu’il serait plus justed’ouvrir un droit à l’allocation d’assurance chômagedès le premier jour de cotisations pour une duréeen fonction de la durée de cotisation. Là, la mairiede Paris ne peut rien y faire. Mais c’est importantqu’un parti politique porte ça.

- En parallèle de la réforme chômage, l’Etatsolidaire devrait aussi créer une allocation desolidarité , sous conditions de ressources,ouvertes à tous demandeurs d’emploi inscrit à

l’ANPE et recherchantactivement un emploi.C e t t e a l l o c a t i o nconcernerait les salariésayant perdu un emploi,

ayant épuisé leurs droits à l’assurance-chômage,les jeunes entrant sur le marché du travail, ou lespersonnes relevant d’une période longued’inactivité. Donc, les personnes en difficultéd’aptitude professionnelle pourraient éviter d’avoirrecours au RMI. Il serait plus efficace de mettre enplace un système garantissant une meilleuresécurisation des parcours professionnels : accès àl’emploi, forte mobilité, emplois successifs decourte durée avec possibilité de se former tout aulong de la vie. Tous les partis en parlent, mais ilfaudrait avancer sur cette question.

- Il faut aussi qu’on ait un service publicde l’emploi digne de ce nom et qui s’il y a unpeu de flexibilité, garantissant des parcours et unsoutien fort aux demandeurs d’emploi. Alorsjustement, la formation est un antidote à lapauvreté. Aujourd’hui il n’y a plus du tout,quasiment, de formation pour les gens en grandedifficulté. L’Etat s’est désengagé totalement. Lesconseils généraux reviennent un peu par lafenêtre, contraints dans le cadre des minimasociaux, ils commencent à repayer la formation

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« La formation est un antidote à la pauvreté »

que le conseil régional ne veut pas payer car pasassocié lors du désengagement de l’Etat.

- Faciliter les passerelles avecl’entreprise classique. Il faut qu’on en parle,parce qu’on parle toujours de précarité de l’emploi,mais les entreprises, on les oublie. Elles nousoublient aussi parfois, mais il faut qu’on ait un vraidébat de fond sur le secteur de l’entreprise.Je rappelle qu’on est toujours en train de dire queles dispositifs d’insertion coûtent cher, ce n’est pasvrai. La dernière étude en Ile-de-France, et dansles Pays de Loire, et qui a été confirmé par uneé t u d e d uConseil nationalde l’insertionpar l’économie aussi en Aquitaine, montre quepour un euro donné par l’Etat, ça lui en rapportetrois. Cela rapporte à l’Etat en termes d’économielocale, et surtout en termes d’accès à une activitépour les populations. Deuxièmement, ce dont onparle peu, c’est le pilotage. La décentralisation, ilva falloir faire avec. Donc qu’est-ce qu’on fait surles territoires entre l’Etat, les collectivités, les

associations ou les entreprises ? Est-ce qu’on co-construit quelque chose qui nous permette d’avoirdes outils qui fonctionnent ? Qui pilote ? L’Etat sedésengage, mais peut-il être garant d’une certaineéquité sur le territoire ?

On ne peut pas faire sans les personnesconcernées, il y a une loi qui nous y oblige, la loide 2002, de devoir pouvoir donner une place auxusagers. On voit qu’il y a du travail important àfaire. Je finirais sur Alerte, c’est-à-dire l’ensembledes réseaux adhérents à l’Uniopss, qui ont

r e n c o n t r é l e spartenaires sociaux.Le 25 octobre

dernier, un premier travail a été fait avec le Medef,la CGT, la CFDT, etc. sur toutes ces questionsd’emploi. Je crois que c’est une nouveauté que lesréseaux associatifs arrivent à réunir et à engagerune réflexion avec l’ensemble des partenairessociaux. Cette démarche d’acculturation doit êtrepoursuivie.

Débat

Intervenante :Je voulais parler du « flicage » de l’ANPE. Leschômeurs qui se retrouvent à l’ANPE sontculpabilisés et montrés du doigt par les agents decette structure. Au contraire, les chômeurs del’APEC sont bien traités, ce sont de « bonschômeurs ». Ainsi, la majorité de ces personnesse retrouvent avec un salaire supérieur au SMIC,sont bien considérées et ne subissent pas depression pour choisir un emploi. Tout à l’heure, leseuil de pauvreté décrit dans l’étude, 885 eurospar mois, correspond à peu près au SMIC net. Orle SMIC net est en général le salaire proposé pourtous les emplois pour lesquels on accepte (etencore c’est de plus en plus rare) des personnessans expérience professionnelle. Donc, lechômage des jeunes a une raison toute simple,les jeunes n’ont pas d’expérience professionnelleet tout ce qu’ils peuvent trouver c’est des contratsextrêmement précaires payés au SMIC, et une foisqu’ils se retrouvent au chômage, là ils touchentenviron 700 euros par mois.Malheureusement, il y a un gros problème decomposition sociologique des Verts. Le dramec’est l’image des Verts, et aussi, le fait qu’il y ades gens qui ne connaissent pas la vie despauvres. D’ailleurs, le mot pauvre est devenuextrêmement tabou, et pour beaucoup de monde,le pauvre est la personne qui est vraiment dans la

« merde », dans la rue, alcoolique, etc. alors quenon…

Intervenant :D’une part, j’aimerais avoir des données sur lesstatistiques concernant les sortants de prison, etplus précisément sur l’accueil au niveau social ?Et d’autre part, pour Mylène, quels sont lesdispositifs municipaux pour les sortants deprison ? À ma connaissance, il n’y en a aucun surParis.Après plus de cinq ans de mandat, et plusieursdécennies d’existence, les Verts peuvent enfin seposer la question : « quelle politique pour lesquartiers et les populations pauvres? » Notreanalyse est uniquement une analyse degestionnaires. Donc comme le fait le PS depuisdes décennies, notre projet pour 2008 est degérer la crise. Nous ne proposons aucune remiseen cause du fonctionnement de la société. Alorsjuste une question : sommes-nous en traind’amorcer un tournant électoral ? En lisant cetexte, on a l’impression que tout ce que les VertsParis proposent, c’est de l’assistanat. En gros,c’est de l’accompagnement en fin de vie. On ne vapas s’attaquer aux riches qui embauchent desdiplômés au SMIC, on va bien au contraire aiderles smicards à supporter la pauvreté avec bac +8.Est-il question de changer quoi que ce soit aumode de répartition des richesses, par exemple,

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en mettant en cause le diktat du diplôme danscertains métiers à haute valeur ajoutée,notamment ce qui est à la mode en ce moment,le BTP ? Nullement. Est-ce que les Verts parlentde s’attaquer aux discriminations racistes ousexistes à l’embauche ? Nullement. Parconséquent, notre image auprès des populationspauvres est déplorable.

Intervenante :Françoise Galland, élue du 20ème arrondissementJe voudrais mettre l’accent sur ce qu’on appelleles offres d’emploi non satisfaites. Il est vrai qu’onculpabilise énormément les chômeurs en leurdisant : « il y a des emplois, vous n’avez qu’à lesprendre ». Une étude faite sur ces offres d’emploinon satisfaites a montré qu’une partie de cesoffres correspond à des personnes qui n’existentnulle part.De plus, sur la question de la santé et de laprécarité. Je suis élue sur le 20ème et je reçois despersonnes qui me donnent l’impression d’être« saucissonnées ». D’un côté, on leur dit : « vousavez un problème de logement ? Allez au bureau13 » ou « Un problème de crèche ? Bureau 9 »...C’est une chaîne sans fin. Or des familles qui nesont pas spécialement pauvres, mais pas richesnon plus, plutôt modestes, ne s’en sortent pas. Ily a un réel problème de prise en charge général,d’aide plus générale. Je me demande s’il nefaudrait pas prendre l’idée de refaire des boursesdu travail ou des lieux dans lesquels il n’y auraitpas de sectorisation.Dernier point : on sait aujourd’hui que lespénuries, les problèmes sont tels que certainespersonnes à qui on peut proposer telle ou tellechose parce qu’on y arrive, le refuse, pourquoi ?Parce qu’il est clair que l’on ne les dirige pas versles bons endroits…

Intervenant :J’ai une demande : que les personnes qui sont àl’ANPE soient formées. Les conseillers de l’ANPEsont, en général, des universitaires, il faudraitqu’ils soient réellement formés à conseiller lesgens. Ces agents sont très souvent incompétents,ils savent bidouiller leur machine et puis c’esttout.

Intervenant :Alain Lorente, Verts du 15ème arrondissementIl faudrait penser à rendre l’écologie populaire.Outre le traitement social du chômage, du RMI,etc. il faut donner à chacun les moyens de faire satrajectoire, sa propre vie. À travers l’action desassociations, il faut renverser la tendance. Celapasse par le commerce équitable, une

redynamisation de la proximité, par tout unniveau d’implication. Enfin, je ne suis pas dumême avis qu’un intervenant précédent.Effectivement, en mettant une spécificité sur Pariset en disant : on va augmenter l’aide sociale, onva faire un appel d’air. Ceci se joue déjà sur Parisavec le remboursement de la carte orange pourles chômeurs mais ce que tu proposes, c’est del’assistanat et ce n’est plus renverser la vapeur.

Intervenant :Les témoignages que nous avons entendus et leschiffres qui ont été énoncés sont l’équivalent d’untsunami social. Ce que nous vivons dans ce payspose des questions politiques bien plusimportantes que le simple fait de proposerquelques « mesurettes » qui nous permettraientd’améliorer la situation. J’accompagne, depuistrente ans bientôt, les plus pauvres et notammentles SDF au quotidien et si je ne suis pasdécouragé, c’est parce que la rencontreindividuelle permet toujours, heureusement,d’avancer ensemble. Mais, ce que vit notre payssur le plan social et les systèmes qui sont érigés,non pas pour répondre aux difficultés des pluspauvres mais pour essayer de les maintenir dansla survie, sont de l’ordre de la cruauté et de lamaltraitance. Il me semble que nous ne pouvonsplus continuer à aménager la pauvreté ou en toutcas, les conséquences de la pauvreté. Il nousfaut, et pas nous seuls évidemment les Verts, unevéritable politique de rupture. Si, à partir desétats des lieux faits ce matin, nous ne faisons pascette rupture et nous ne prenons pas desdécisions qui consistent à vouloir arrêter deconstruire des systèmes qui mettent etentretiennent l’humanité dans des conditions demaltraitance, je crois que nous n’irons pas trèsloin.

Intervenant :Jean-Marc Pasquet, membre du secrétariatexécutif.Je voulais rebondir sur certaines interventionsdont le thème était la santé et la précarité. Jepense qu’il y a une vision, certainement, nouvelleà avoir et notamment, dans la dimension aide. Onsait très bien qu’un des grands problèmes de lasanté aujourd’hui, c’est la montée de l’obésité.Notamment chez les jeunes des milieux populaireset les femmes en situation de minima sociaux :deux sur trois sont dans ce cas. Précarité, obésité,il y a un lien très fort. Graphiquement, moins lerevenu est élevé, plus l’obésité est élevée. Cephénomène s’observe de génération engénération et ce qui se joue effectivement dansl’enfance va être important sur l’état de santé del’adulte. Ainsi, cela a une incidence sur sa capacité

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à se situer par rapport à l’emploi et lesconséquences sont importantes. En matières demaladies cardio-vasculaires, cancers, diabètes, il ya une progression.Je pense qu’au point de vue des aides, l’idée,lancée par Serge Hefez qui est l’animateur du plannational nutrition, me semble intéressante àcreuser. Cette idée de cinq fruits et légumes parjour pourrait peut-être se traduire en termes dechèques santé. Cela permettrait de façon non-stigmatisante d’apporter une aide positive. L’accèsà certains types de consommation, plus saine quela bouffe industrielle sur laquelle se rabattenteffectivement les gens aux plus faibles revenus,serait facilité. Des aides du type chèque-restaurant, par exemple, ne sont pas perçuescomme stigmatisantes et ce sont pourtant desaides. Sur l’aspect alimentation, il y acertainement à réfléchir au niveau parisien, etsurtout à agir. On peut ainsi estimer qu’unemesure de ce type, ciblée sur une population de225 000 personnes, représenterait, selon lestravaux de notre commission municipalebudgétaire, 4 à 5 points de fiscalité. Si notrepolitique sanitaire n’a pas de prix, elle a un coût :c’est à nous de l’assumer.

Intervenant :Louis Jouve, Vert du quartier latinJ’ai regretté de la part des deux intervenants qu’iln’y ait pas eu une spécificité sur la ville de Parisparce que ce n’est pas la même pauvretéqu’ailleurs. Ce qui m’intéresserait, c’est qu’onnous dise quelle est la pauvreté à Paris ? Quels ensont ses caractéristiques ?Concernant l’emploi, vous nous avez dit trèsjustement qu’on peut être travailleur salarié etêtre pauvre parce que le prix du logement estdécisif. Mais, malgré tout, sur l’emploi, à aucunmoment, il n’a été relevé ce déséquilibrefantastique : il y a 1,7% emploi par parisien enâge de travailler. C’est d’ailleurs pour cette raisonqu’il y a tant de personnes qui veulent venir àParis, qui sont intéressés par ce marché du travailimportant. Or, on sait aussi qu’il y a 300 000emplois vacants en France. Je voudrais donnercomme exemple le travail de la SIEMP, entreprisepublique chargée de réhabiliter les logementsinsalubres s’élevant au nombre de 400. La moitiédes appels d’offres n’est pas satisfaite parce qu’iln’y a pas de petites entreprises de BTP dans Parisou à proximité immédiate de Paris. C’est l’un desgisements de l’emploi. De plus dans ce domaine,tout un système de travail au noir est en place. Lasociété française est composée d’ouvriers etd’employés, et je me demande si cette populationpeut vivre à Paris. N’existe-il pas trop d’emploistertiaires sur Paris ? Quand je vois 330 000

étudiants inscrits à Paris, je me tourne vers mescamarades et je leur dis : est-ce normal ? Alors,pourquoi on n’est pas plus centré sur cettequestion : comment les petites entreprises de BTPpeuvent prendre des petits marchés de travaux derénovation et de restauration ? Sur cette analysedu marché du travail, je voudrais que l’on soit unpeu moins pessimistes. Certes, il faut despolitiques d’accompagnement mais il fautégalement montrer que sur Paris, il y a beaucoupd’emplois et que de nombreuses choses sontpossibles.

Intervenant :Juste quelques précisions sur la question de lapauvreté. La population parisienne pauvre auniveau de ses revenus est plus pauvre que lamoyenne de la région parisienne et nationale, cecià l’intérieur d’une ville riche. De plus, MichelCastellan a réussi à bien expliquer comment sepositionnait le problème : sur 10% de pauvres, ona des statistiques d’ordre différent de celle de laCAF et des minimas sociaux, et ces statistiquesexcluent bon nombre de personnes (les personnesâgées, les moins de 25 ans, les étudiants, maisaussi toute une population de sans papiers, dedemandeurs d’asile…). On tourne donc plutôtautour d’un minimum de 15 % de pauvres.La deuxième question posée sur le revenu citoyenparisien revient à poser la question du coûténorme de ce revenu qui pose des problèmespolitiques. Il y a deux questions qui me paraissentcentrales. L’une, qui est parisienne, mais passimplement, est l’articulation avec les personnesqui sont au SMIC. En effet, vu le fonctionnementactuel du système d’aides (pas spécifique à lamairie de Paris mais à l’Etat), si une personne sortde cette aide et se retrouve avec des revenusmoins importants, il y a un véritable problème.Ainsi, il y a des véritables problèmes d’articulationqui sont aussi posés par le Revenu de SolidaritéActive (Grenoble). Le deuxième problème, aussipolitique, est l’articulation avec les questionsnationales. Comment une collectivité territorialeriche utilise ces moyens alors que d’autrescollectivités ne peuvent pas les utiliser ? Il y adonc un problème de péréquation qui en tout casdoit se poser sur le plan du territoire.

Intervenante :Françoise Kiéfé, membre du SE des Verts ParisJe pense que c’est un danger de vouloir faire unrevenu minimum d’insertion au niveau local parcequ’il y a des risques d’inégalités encore plusaccrus dans des communes où il y a de l’argentau détriment de celles où il y a des difficultésfinancières graves.

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Jean-Pierre Guenanten :Sur une analyse spécifique Paris, c’est vrai que j’aieu peut-être une présentation un peu généralistemais je pense quand même que c’est un problèmegénéraliste et qu’il est difficile d’appréhender çasur le secteur parisien uniquement. Par contre,l’intervention par rapport au bâtiment, au BTP, àla restauration, il y a une niche visiblement.Cependant, il faut quand même se rappeler quece sont des travaux qui ont été très souventcomplètement dénigrés à l’école déjà au départ,qui sont également mal payés et où les conditionssont difficiles. Il nous faut donc les revaloriserréellement au niveau des salaires et de tout lereste.L’idée de recréer les bourses de travail esteffectivement intéressante. Les gens ne sont pasdu tout au courant de leurs droits, ils connaissentsouvent leurs obligations mais leurs droits trèspeu. Il y a un gros travail d’informations à faire.Sur l’incompétence de l’ANPE, j’ai envie dedéfendre un petit peu les agents de l’ANPE parcequ’il me semble que ce n’est pas un métier facile.Un agent de l’ANPE a 130 personnes dans sonportefeuille, ils ont une pression phénoménale ence moment qui les pousse aux contrôles et auxradiations. Sur la façon globale d’appréhender leschoses, il ne faut pas aller vers desaménagements, ça demande une vraie démarcheet une vraie réforme.Pour parler du chômage, nous reposons sur unsystème qui date de 1958 et aujourd’hui, ce sonttoujours les même bases mises en place par leGénéral De Gaulle. Elles ont très peu évolué, àpart que les indemnisations ont diminué et lesmontants ont baissé. De même, on est encore surdu paritarisme basé en 1958, il y a des syndicatsqui ne sont pas du tout représentés dans lescommissions paritaires, c’est un autre débat maisje pense que c’est une démarche générale. C’estun changement de fond qu’il faudrait et non desaménagements.

Didier PIARDL’exclusion, ça ne fait pas trop recette. C’est àpeine une page dans le programme des partis.Nous, associations, on a aussi un discours qui estparfois un peu misérabiliste, il faut peut-être faireattention. Il nous faut une politique qui soit dansla durée et lisible par les populations qui sonttouchées. Nous pouvons faire des dispositifs, desdécrets mais prévoir un minimum d’accès auxdroits serait déjà pas mal, en général les gens n’yaccèdent pas.J’ai apprécié quelques propositions, c’est vrai quele revenu minimum d’existence est une questionque l’on se pose. Il faut quand même soulignerque les conseils généraux qui pilotent aujourd’hui

les dispositifs RMI, selon l’IGAS, sont surl’insertion professionnelle et non plus surl’insertion sociale. Que va-t-on faire des autres ?De ceux qui ne travaillent pas vite mais quibossent, qui ont besoin d’un rythme aménagé, ilne faut quand même pas les oublier.Troisième point, je vous remercie d’avoir parlé del’entreprise parce que je n’ai pas les mêmes pointsde vue sur les métiers, je suis aussi du côté del’entreprise. C’est la première fois, je crois, qu’unefédération comme la nôtre ait créé desg r o u p e m e n t s d ’ e m p l o y e u r s . D a n sl’accompagnement, il y a des adaptations qui sesont faites, et notamment pour des gens peuqualifiés. Ainsi, j’ai du mal à entendre lastigmatisation permanente qui ne permet pasd’avancer sur ces questions. A Paris, et en Ile-de-France, c’était un choix des acteurs. Même avecune directrice générale de la formationprofessionnelle d’insertion du conseil régional, quiest Catherine Barbarot, je n’ai jamais réussi àmonter aucun groupement et ceux qui ont vu lejour se sont effondrés, donc c’est quand mêmesignificatif du niveau de difficulté.Et dernier point, sur les revenus minimumsuniversels, il faut tester ces mesures mais ellepeut créer d’autres types d’inégalités, c’est trèscomplexe.

Mylène StambouliLe groupe de travail du programme desmunicipales va continuer à travailler sur lesquestions sociales. On tourne autour de débats àParis sur les compétences des uns et des autres,nous sommes une ville et un département. Nouspouvons réagir à la fois avec les compétences dudépartement et de la ville mais nous sommesaussi en articulation totale et permanente avec cequi se passe au niveau de l’Etat et nous nesommes pas indifférents à ce qui va se passer en2007 naturellement. Nous n’avons pas étéindifférents au changement gouvernemental et àla politique qui a été menée depuis 5 ans. Eneffet, au niveau national, il y a eu plus 12%d’allocataires du RMI. C’est la conséquence desconventions UNEDIC, du changement des statutsdes intermittents, d’un certain nombre dedécisions gouvernementales qui ont forcémentdes conséquences sur notre territoire parisien.Sur le revenu minimum parisien étudié pendantcette mandature, on ne peut pas être allocatairedu RMI et avoir une autre allocation versée par laville de Paris. Cela poserait des problèmes légaux.On ne peut pas raisonner uniquement, localementsur des propositions. Alors, je vois bien qu’onnavigue entre une volonté de rupture et puisd’aménagement avec la recherche de propositionschèque-santé, chèque-fruit et légumes qui

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tenteraient de colmater des phénomènes quenous observons. Sur ce dernier point, outre le faitque c’est stigmatisant, les associations sont engénéral plutôt opposées à cibler les populations.Mais plutôt par rapport à l’éducation d’une famille,d’une personne. Je voulais mettre le doigt sur

cette articulation de compétence et le faitqu’après, les réponses sont à rechercher. J’ai bienentendu que le revenu minimum parisien posedes difficultés mais vivre en dessous du seuil depauvreté dans Paris nous paraît insupportable etintolérable.

Plénière n° 2Logement à Paris : comment stopper la ségrégation sociale ?

Fabienne Giboudeaux,Présidente de la SIEMP et conseillère municipale du XXème arrondissement, chargée de l’urbanisme.

J’introduis cette plénière sur le problème del’insalubrité, je suis assez concernée puisque lequartier du bas Belleville et Ménilmontant est suividepuis 2001 sur les questions d’insalubrité.

L’objet du débat cet après-midi n’est pas de faireun exposé exhaustif de la politique des Verts enmatière de logement mais d’échanger avec lesassociations de terrain sur des prospectives. Notrebut également est de voir ce qui est faitaujourd’hui, comment l’améliorer et améliorer lesdispositifs de la mairie de Paris sachant que leproblème de l’accès au logement pour les pluspauvres et les plus démunis ne peut pas sepenser qu’à l’échelle parisienne.

Comment répondre aujourd’hui à unepolitique du logement à Paris pour les plusprécaires sachant, par exemple en ce quiconcerne le droit du travail et le contrat de travail,qu’il y a de plus en plus de personnes en situationprécaire, basculant du chômage au RMI et que laclasse moyenne se paupérise à grande vitesse etvient grossir les demandeurs de logement ? Cettesituation sociale est générée par la politique dugouvernement qui entraîne aussi des demandessociales fortes au niveau de notre ville.

Comment faire une politique de logementà Paris sachant que la loi SRU s’est faitcomplètement dépouiller de son sens parl’intervention des députés de droite depuis 2002 ?

Le problème du coût de l’énergie et del’eau va être de plus en plus important pour lesplus démunis, d’autant plus que ce coût ne serapas pris en charge par les aides à la personne.L’APL ne touche que le montant du loyer et onvoit bien que le problème du coût de l’énergie etdes charges pèsent de plus en plus sur les plusdémunis. Face à ces difficultés, les politiques sont

très timides et aujourd’hui, il n’y a pas de vraievolonté de la part des gouvernements à mettre enplace des programmes ambitieux dans cedomaine.

Comment répondre à une politique delogement à Paris sachant que les financementsproposés pour les logements sociaux neconcernent pas les plus démunis ? Le financementPLAI est très insuffisant par rapport aux besoinsdes parisiens.

Comment faire une politique de logementquand Paris est sous la pression de la spéculationimmobilière, où les loyers dans le privé sont deuxou trois fois plus élevés que dans le reste de laFrance et que maintenant une grande partie de laclasse moyenne et des plus précaires n’ont plusaccès aux logements privés ?

Toutes ces questions doivent être débattues avecles associations qui travaillent sur le terrain, quiont d’autres expériences que, nous, élus, et quiont d’autres points de vue. En échangeant, despistes peuvent être trouvées.Les Verts ont réfléchi sur l’intervention du parcexistant : acheter des immeubles, acheter dans lediffus pour freiner cette spéculation immobilière etconventionner l’existant sont des pistesimportantes. Mais, il y a d’autres pistes à suivre etc’est pour cela que nous sommes réunis cetaprès-midi. Je tiens d’ailleurs à remercier nosinvités de s’être déplacés cet après-midi pournous faire part de leur expérience.

Je vais donner la parole à Benoîte Bureau du DAL,à Joaquim Soares de la fondation Abbé Pierre et àPierre Henri, directeur de France Terre d’Asile. Ilsvont se présenter et vont expliquer l’action qu’ilsmènent à Paris.

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Actes du forum « quelles politiques pour les quartiers et les populations pauvres » du 16 septembre 200616

« Le relogement des classes moyennesest donc privilégié par rapport aurelogement des plus pauvres »

Benoite Bureau,Déléguée du Droit Au Logement (DAL)

Un des problèmes qui se pose à Paris et un peupartout en France, c’est le manque d’adaptationentre l’offre de logements sociaux et la demande.Par exemple, à Paris, il y a 100 000 demandeursde logements, 70% de ces demandes delogements relèvent du logement très social, 97%de ces demandeurs de logement sont en dessousdes plafonds du demandeur de logement socialclassique et 2,5% relève du logementintermédiaire. Or, la ville de Paris construitaujourd’hui un tiers de logements très sociaux, untiers de logements classiques et un tiers delogements intermédiaires. Dès la construction delogements sociaux, le relogement des classesmoyennes est donc privilégié par rapport aurelogement des plus pauvres.Deux explications sont possibles. Tout d’abord, laconstruction de ces logements est financée parl’Etat. Mais aussi, les politiques municipales et lespolitiques des bailleurs sociaux privilégient trèslargement le logementintermédiaire ou lelogement HLM standard.Ce dernier permet quandmême de loger les classesintermédiaires. En effet,pour un couple avec deuxenfants, le plafond de ressources pour accéder àun logement social classique est d’environ 5 000euros par mois de salaires, hors prestationssociales et tout autre revenu. Ce sont déjà desclasses moyennes.

Les logements adaptés aux ménages les plus endifficulté sont plutôt les PLAI. Ils sont construitsen très petit nombre car il existe un problème definancement de l’Etat mais aussi parce qu’il y ades blocages au niveau local : rares sont ceux quiveulent bien construire du PLAI. La constructionde logements intermédiaires, plutôt que de PLAI,contribue même parfois à la gentrification decertains quartiers. Dans les 19ème et 20ème

arrondissements, par exemple, certainsimmeubles considérés comme des taudis ont ététransformés pour beaucoup en PLS. Et lesménages en situation très précaire qui y vivaientauparavant n’ont donc pas pu être relogés surplace, et beaucoup d’entre eux ont dû quitter lequartier. Quelques chiffres qui mettent enévidence ce déséquilibre : sur les logementsfinancés par la SIEMP en 2005, on compte 117logements intermédiaires, 26 logements àl’accession à la propriété, 188 logements de typeHLM classique, et seulement 27 logements PLAI.Il nous faut dénoncer publiquement cette

faible proportion de logements PLAI et latrès large part de logement pour les classesmoyennes que finance aujourd’hui la villede Paris.

Je souhaiterais aborder maintenant la questiondes hôteliers marchands de sommeil. Depuisplusieurs mois, au DAL, nous menons une lutteavec des familles qui vivent à l’hôtel dans desconditions très difficiles. On parle souvent de ceshébergements comme des meublés mais, enréalité, ce sont des hôtels de tourisme payés à lanuit, à peu près 1 200 euros par mois et parchambre. Les familles payent en partie ceschambres d’hôtels, ce qui correspond la plupartdu temps à une part très importante de leurressource, jusqu’à 900 euros pour des gens quitouchent le SMIC, le reste est pris en charge parles services sociaux. C’est la ville de Paris quifinance ces hébergements temporaires à l’hôtel

par le biais del’Aide Sociale àl’Enfance et la villealimente donc cemarché tout à faitparticulier. A Paris,6 0 0 h ô t e l s

hébergent des familles. Cet hébergement soi-disant temporaire, s’est transformé peu à peu enlogement de très longue durée, des personnesrestent bloquées deux, cinq, dix, voire quinze ansdans ces hôtels. Cette situation est très dure àvivre pour les familles. Les chambres sontexiguës, insalubres ou vétustes, elles ne sont pasadaptées à la vie de famille. De plus, les famillessont, vis-à-vis des hôteliers, dans une situation dedomination. Un hôtelier dans son hôtel a toutpouvoir, il ne respecte en aucun cas les lois quiexistent à l’extérieur.Ainsi, nous luttons pour une réforme profonde dece système d’hébergement. La ville de Parisconsacre 12 millions d’euros par an àl'hébergement hôtelier et l’Etat, quant à lui,investit 52 millions d’euros pour Paris et l’Ile-De-France. Une des solutions que nous préconisonsse base sur le modèle anglais. Depuis le milieudes années 80, la ville de Londres a commencé àremplacer le système de logement à l’hôtelpar la location de logement dans le privé.Les bailleurs sociaux, à la demande de la ville,louent des logements dans le privé et au prix dumarché privé. Ils hébergent ainsi des familles sanslogis et des demandeurs d’asiles qui vivaient dansdes « bed et breakfast ». Ce système estbénéfique pour tout le monde. D’un côté, les mal

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Actes du forum « quelles politiques pour les quartiers et les populations pauvres » du 16 septembre 2006 17

« Le manque de logements sociauxalimente la cherté du parc privé et donc

exclut plus encore les travailleurs pauvres »

logés améliorent considérablement leur conditionde vie et d’un autre côté, cela coûte moins chèreà la puissance publique.Nous poussons cette revendication depuisquelques mois mais pour l’instant elle ne passepas du tout au niveau de la ville de Paris. En effet,la ville préconise avec l’Etat une réforme del’hébergement en organisant une forme demoralisation de ces marchands de sommeil : desagents iraient donc vérifier que les hôtels ne sontpas trop vétustes et la collectivité publique

consacrerait de l’argent à leur rénovation, enéchange d’une baisse des tarifs par les hôteliers.Les familles seraient donc maintenues dans deshôtels, dans des condit ions un peu« améliorées », mais toujours trop proches del’indécence.Nous revendiquons le droit au logement pour toutle monde, pas le droit aux logements décentsquand on a de l’argent et le droit auxhébergements de « merde » pour les pluspauvres.

Joaquim SoaresDirecteur de l’Espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre

L’espace solidarité habitat reçoit par an, 1 600 à 1700 ménages qui vivent dans des logementsinsalubres ou qui recherchent un logement ouparfois simplement un hébergement.Mon propos va s’articuler autour de trois points.Le premier est celui de vouloir restituer le mallogement dans son contexte de l’agglomérationparisienne qui me semble être une échellepertinente. Celle-ci va nous permettre d’analyserl’ampleur des mécanismes qui, aujourd’hui, sont àl’œuvre en matière d’exclusion. Puis de déclinerles conséquences qu’ils entraînent sur le public.Pour terminer, nous allons voir quelles peuventêtre les pistes de progrès.

Aujourd’hui, la région francilienne est l’une desplus riches d’Europe, bien que ce soit une toutepetite région. On y trouve la plus forteconcentration des lieux de décisions au niveau desgrandes entreprises et de cadres. C’est la régionde France où il y a le plus d’impôt sur la grandefortune et où leproduit intérieur brutéquivaut à celui deq u e l q u e s p a y seuropéens. Donc,c’est une région àmille facettes car elle concentre à la fois beaucoupde richesse et de pauvreté. En effet, elle est lelieu d’arrivée de la moitié de l’immigrationinternationale au niveau national et beaucoup deménages vivent en dessous du seuil de pauvreté,650 000 ménages sur la région parisienne.Sur Paris, ce nombre s’élève à 225 000, ce quireprésente 20% de la population du département.Un RMIste sur deux est concentré soit sur Paris,soit en Seine-Saint-Denis.On voit apparaître en Ile-de-France des situationsd’exclusions autour du logement qui sont de plusen plus étranges. Le phénomène des travailleurspauvres qui dorment en centre d’hébergementreprésente un tiers de la population hébergée. Les

phénomènes des campings à l’année, des cabanesdans les bois, etc. se développent aussilargement. Sur Paris, on dénombre un certainnombre de personnes dormant dans les parcs etjardins, dans le bois de Vincennes, le bois deBoulogne, sous le périphérique.

Pour rentrer dans le vif du sujet, on voitapparaître en Ile-de-France une ségrégationspatiale qui est de plus en plus prononcée. Onconstate deux phénomènes. Tout d’abord, lesentreprises ont tendance à se localiser sur lesterritoires les plus aisés. Ensuite, sur les territoiresles plus pauvres, là où il y a des frichesindustrielles et beaucoup de logements sociaux,on continue à construire des logements sociaux.Ainsi, la ségrégation dans l’espace est de plus enplus forte dans cette région. Sur les 406communes franciliennes qui sont soumises à la loiSRU, 40% sont loin d’atteindre les 20% delogement social. Paris n’a pour sa part que 15%.

Cetteségrégation

spa t i a le es tégalement liéeau parc privé. Lesystème est de

plus en plus sélectif pour ne pas dire discriminantvis-à-vis de certaines catégories de populations.D’autant plus que la pénurie de logement à loyeraccessible a pour effet de renforcer encore plus lasélection dans le parc privé. La flambéeimmobilière n’est pas neutre dans cette pénuriede logement à loyer accessible. Le fait qu’il n’y aitpas suffisamment de logement social alimente lacherté du parc privé et donc exclut plus encore lestravailleurs pauvres, les populations à faiblesrevenus ou à revenus modestes. Il faut savoir quesur les huit dernières années, la flambéeimmobilière a été de 90% en euros constants. Lacapitale en est à 106%.

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« Les ménages pauvres sont loinde pouvoir accéder à leurs droits »

Les conséquences sont bien connues :alimentation d’un marché du parc indigne enpleine vitalité sur la capitale comme sur l’Ile-De-France. Comme Benoîte l’a expliqué, les ménagespauvres sont loin de pouvoir accéder à leursdroits. Ils sont face à des propriétaires très bienorganisés et qui font de leurs locataires desotages. Ils ne peuvent se révolter contre eux carla nuit suivante ils risqueraient de dormir dans larue.Donc pour résumer ce parc indigne prospère parla présence :

d’une pénurie de logement social, ou delogements à loyers accessibles,

de propriétaires peu scrupuleux, de populations au statut bancal en

situation de précarité économique, sociale ouadministrative comme les sans-papiers.

L’Ile-de-France compte 340 000 demandeursofficiels de logement, un tiers est concentré surParis. D’un autre côté la capitale a une politiquede construction locale ambitieuse, une productionde 4 000 logements sociaux par an. Cependant, àce rythme, il paraît difficile d’absorber le niveaude demandes(100 000 sur ledépartement).De plus, il paraîtégalementdifficile d’absorber structurellement le type dedemande quand on analyse le niveau des revenusde ces 100 000 demandeurs. En effet, la structuredes revenus de ces demandeurs de logementmontre que les deux tiers sont des revenus dulogement très social. Donc quand la ville se donnecomme ambition de construire 700 à 800logements par an très sociaux, on voit bien ledécalage.

Si l’on souhaite sortir de cette situation, on peutpoursuivre et amplifier les efforts de constructionde logement très social sur Paris. Mais aussiélargir la focale et voir que la répartition de ceteffort doit se jouer sur toute l’agglomérationparisienne et pas uniquement sur les limitescommunales de la ville de Paris.

Deux ou trois pistes de progrès pour Paris : L’accès aux droits est à approfondir

et à intensifier. Les actions de la puissancepublique et des associations doivent êtresuffisamment fortes et offensives pour aider lesménages pauvres. Si Paris continue ses politiquesde rénovations urbaines, ces populations vontcontinuer de migrer en première ou deuxièmecouronne, ne pouvant pas se maintenir sur lacapitale par manque d’offre locative.

Il faut que la collectivité parisiennesoutienne plus les associations qui font dela maîtrise d’ouvrage associative. Ellescaptent de l’offre immobilière dans le parc privé ettravaillent en faveur des plus démunis.

De même, pour les collecteurs du1% logement. Aujourd’hui, en France, ils

représentent 24 à 27% du parcsocial, c’est un levier important.Ces collecteurs interviennentbeaucoup dans les quartiers ditsdégradés à travers l‘ANRU (Agence

Nationale de Rénovation Urbaine). La fondationémet d’ailleurs un certain nombre de critiquequant au but de ces actions : faire de la mixitésociale, mais encore faut-il la définir.

Cependant le 1% s’adresse à unecatégorie de populations qui est intégrée dans lemilieu du travail. Il faut donc construired’autres passerelles pour les populationsexclues du travail, du logement. Les richessesdes uns devraient profiter aux autres.

Pierre HenryDirecteur de France Terre d’Asile

Comment aider les populations pauvres à accéderà un logement pérenne ? Comment faire de Parisune ville ouverte ? Quels contenus donner à lamixité sociale ? A l’évidence, ces questions sontimportantes et on aimerait les voir débattre aucœur de la prochaine présidentielle. Je voudraisdonc remercier les Verts d’avoir organisé cedébat.

D’une certaine manière, je suis le non-spécialisteen matière de logement autour de cette tablepuisque l’objet social de notre organisation est dedéfendre et de promouvoir le droit d’asile. Nous

intervenons sur toutes les chaînes de l’asile : de laprise en charge des demandeurs lorsqu’ils arriventsur le territoire national, jusqu’à l’aide àl’intégration des réfugiés statutaires lorsqu’ils ontobtenu le statut.Pour tenter de répondre aux questions : commentaider les populations pauvres à accéder aulogement pérenne ? Et comment éviter laségrégation sociale ? Nous sommes évidemmentobligés de s’interroger sur les raisons de cetteségrégation. Les intervenants précédents l’ont faitsur les facteurs de précarité. Il est indispensable

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« Il faut mettre fin à la ségrégation des territoires(…) Aujourd’hui, il y a la place pour une véritableanticipation, pour une véritable programmation »

de prendre en considération les questions duchômage et de la vulnérabilité de l’emploi.Parallèlement, il nous faut articuler des réponsesqui vont bien au-delà de la seule question dulogement. Nous l’avons vu, les parisiens subissentaujourd’hui la spéculation effrénée sur le foncier,l’augmentation remarquable du locatif (26% surles dernières années), la raréfaction descatégories de logement à coût modéré, ladisparition de 1 000 logements chaque année.Mais aussi, un parc social saturé alors qu’il atteintà Paris et dans la région parisienne desproportions qui sont beaucoup plus importantesque dans le reste de la France et un dispositifd’hébergement pour les personnes défavoriséestotalement saturé. D’ailleurs, la région Ile-De-France consomme 46% des créditsd’hébergement qui lui sont alloués chaque annéepour l’hébergement d’urgence.De plus, le phénomène migratoire à Paris et dansla région parisienne concerne en réalité lesdemandeurs d’asile puisque 45% des demandesd’asile se concentrent sur Paris et sur la régionparisienne. Ainsi, fin 2005, un peu plus de 7 000personnes en situation administrative irrégulièreséjournaient àl’hôtel sansaucunepossibilité desortie.A travers ceconstat, il y a une hétérogénéité de réponses àapporter. Tout d’abord, il faut mettre fin à laségrégation des territoires. L’inégalité spatialeet économique, à l’intérieur de la région, seretrouve au sein des quartiers pauvres et riches.Elle va se décliner avec toutes les conséquencesque cela engendre en matière d’accès aux droitsmais aussi à la santé, au travail et au savoir.D’une manière générale, les réponses se situentau niveau des politiques nationales, du pouvoird’achat, de l’information, de l’accès au travail, dela création d’emploi.

Quelques pistes de réflexion pour Paris : Arriver à faire cohabiter des mètres carrés

à des prix différents pour le développement delogement à rendement modéré. Bien sûr, il fautqu’il y ait des investisseurs qui acceptent cerendement modéré et, là, cela renvoie encore unefois à une politique de la ville mais aussi de l’Etat.

Dégager du foncier, piste sur laquelle lesVerts travaillent depuis longtemps.

Continuer la rénovation des logementsinsalubres.

Favoriser la construction de logementsintermédiaires avec des maisons relais et desrésidences sociales.

Régulariser les personnes en situationadministrative irrégulière.

Solidarité avec d’autres territoires où desoffres de logements et d’emplois sont disponibles.On favorise ainsi le départ d’un certain nombre depopulations volontaires vers d’autres villes ourégions. De tels projets sont aujourd’hui difficilesà articuler.

Travailler pour un meilleur budgetaccordé à l’hébergement d’urgence. En 2004 et2005 les crédits pour ce type d’hébergement se

sont situés à unn iveau b ieninférieur aux

dépensesconsommées

dans les annéesprécédentes. En 2006, la logique est toujours lamême. L’Etat agit comme si en sous-évaluant demanière chronique les besoins et en plaçant l’offresous contrainte, on réduisait la demanded’hébergement.

Sur le plan politique, de telles actions montrent lavolonté de cesser de travailler dans l’urgence.Aujourd’hui, il y a la place pour une véritableanticipation, pour une véritableprogrammation.

Débat

Intervenant :Jacques Boutault, maire du 2ème arrondissementEn tant qu’élu d’un arrondissement central deParis, le premier problème auquel je suisconfronté, ce sont les demandeurs de logement,c’est vraiment la partie visible de la pauvreté dansle centre de Paris. Ces personnes vivent pourtantdans un arrondissement qui a de belles façades,notamment grâce à l’injonction de ravaler, maisqui recèle un nombre incroyable de logements

dégradés, sans confort, exigus. De nombreusespersonnes vivent dans des situations de sur-occupation, qui versent 70% de leur revenu pourse loger. Elles souffrent également de laspéculation immobilière et ne peuvent plus faireface à leur loyer. Elles font donc l’objet d’évictionsliées au marché, que ce soit les ventes à ladécoupe ou le phénomène des congés pourvente.Quels sont les outils qui sont à ma disposition ?

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Le premier est la préemption. Au cours de cesdernières années, nous avons particulièrementpréemptés dans le centre de Paris. Nous avonspermis au nombre de logements sociauxd’augmenter de 100%, c’est-à-dire que noussommes passés de 100 à peu près 200 logementssociaux dans le 2ème arrondissement sur un fichierde presque 1 000 demandeurs. Cependant, sur lecompte foncier de la ville, la préemption doitreprésenter à peu près 1 pour 1 000 del’ensemble des transactions qui sont réalisées surl’ensemble de Paris au cours d’une année, c’estdérisoire. On ne règle pas le problème de cettemanière.Ainsi, parmi les pistes déjà évoquées, je voudraisen retenir deux qui me paraissent importantes.La première, citée par Benoîte Bureau, est « lapréemption dans le diffus », notamment pourloger des personnes en situation d’urgence.L’argent investi dans le diffus pour l’hébergementd’urgence ne serait pas investi dans les hôtels eton pourrait loger des familles beaucoup plusdignement. Je pense que, nous, les Verts, devonsporter cette idée parce qu’elle est réaliste etnécessaire face à l’urgence.La seconde concerne le droit au logementopposable. Ce droit permettrait d’inscrire dans laloi que l’Etat est tenu de loger les personnes quin’ont pas les moyens de le faire, comme c’est lecas pour l’éducation. L’Etat est tenu de donner àchaque enfant une éducation. L’effet pervers, quiprobablement en découlerait, pourrait être lareconstruction d’un urbanisme qui poseproblème : les grands ensembles.

Intervenant :Jean-Marc Pasquet, membre du secrétariatexécutifAujourd’hui, nous savons très bien que lespolitiques de rénovation urbaine ou d’améliorationde voiries, de la création d’espaces verts, ont deseffets importants sur la spéculation immobilière etsur l’augmentation du foncier. Les régions se sontengagées dans une démarche de créationd’établissements publics foncier. Quelle est votreposition à ce sujet ?De plus, comment faire en sorte pour que lespropriétaires privés puissent choisir entre remettreleur bien sur le marché privé ou faire du logementsocial de fait, conventionné avec la municipalité.On peut estimer que 3 000 logements sociaux ettrès sociaux peuvent ainsi être récupérés sur leslois de 48 et de 89 et les petits hôtels insalubres.Nous pouvons ainsi agir au niveau parisien dansune mesure de type donnant/donnant, enrénovant un parc social pour partie mal entretenucontre une garantie de loyers accessibles pour lesbas revenus ou ceux et celles qui en sont

carrément privés. L’enjeu est d’importance, cettenouvelle politique permettrait de doubler l’effortactuel sur le logement social, essentiellementconcentré sur la construction et insuffisammenttourné vers les couches de population les pluspopulaires.Intervenant :Fabrice, militant dans le 18ème arrondissement.A l’heure actuelle, les locataires de logementsociaux sont présents ad vitam aeternam dansleur logement. Ne pourrait-on pas mettre en placeune restriction sur la sortie d’un certain nombrede locataires ? Nous pourrions regarder lesrevenus des locataires et leur faire despropositions de sortie en fonction de leur niveaude vie. Bien sûr, il ne faut pas nier la question dela spéculation immobilière. Les gens ont de plusen plus de difficulté à trouver des logements dansle privé.

Intervenant :Sébastien, militant dans le 13ème arrondissement.Je souhaiterais revenir rapidement sur la critiquefaite à l’agence nationale du renouvellementurbain par Joaquim Soares. Vous reprochez àcette agence de détruire des logements mais est-ce qu’il ne faut pas quand même mieux détruireles logements les plus dégradés au lieu de leslaisser sous perfusion par divers processuscomme le Palulos ? Est-ce que le fait de construiredes logements en accession permettrait de fairesortir des HLM des familles qui ont des revenustrop élevés, de les faire accéder à la propriété.Ainsi, on pourrait libérer des logements HLM pourrefaire du logement social ou très social.

Intervenant :Denis Laurent, Solidarités Nouvelles pour leLogement.Notre association veut mobiliser les habitants, lescitoyens pour créer du logement social dans lediffus. En un peu plus de dix ans, nous avons créé130 logements sur Paris, du PLAI exclusivementpour du logement d’insertion. L’objectif suivantest le relogement des familles qui ont réussi àavoir l’autonomie nécessaire pour ne pas être enéchec dans un logement social classique. Aumilieu des années 90, le relogement pouvait sefaire dans le parc privé ce qui est maintenanttotalement exclu.Je vais d’abord intervenir sur une condition quinous apparaît indispensable et incontournable,c’est l’opposabilité juridique du droit au logement.Les associations ne demandent qu’une chose, quecette mesure soit prise. L’Etat, toujours garant,délègue ses compétences au niveau territorial. Ilgénère non pas des moyens supplémentaires,

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mais a une obligation de résultat. Le Parlement amis en place une expérimentation qui doit êtrefaite sur une collectivité territoriale. Elle mènerasans doute à un échec parce que ce n’estabsolument pas possible de faire ça sur un seulterritoire. Etant aujourd’hui ici avec les Verts,j’aimerais voir une mobilisation très importantesur cet objectif de terrain et associatif, afind’arriver à un résultat.D’autre part, le droit au logement existe maisseulement pour ceux qui en ont un. Mais ceux quisont en dehors du logement n’ont aucun droit.Sachant que ce droit au logement est unecondition d’accès au droit à la famille, au droit à lascolarité, au droit à la santé, etc… C’est un enjeuabsolument essentiel.Deuxièmement, je vais parler des scandales desventes à la découpe et des achats des résidencessecondaires à Paris. Ces dernières se chiffrentautour de 15 %. Que faire ? La ville de Paris ditavoir de grandes ambitions mais n’applique que leminimum de la loi SRU, c’est-à-dire l’étalementsur 20 ans du déficit. Pourtant elle a les moyensde faire plus grâce notamment aux sociétésqu’elle contrôle. Elle peut faire plus de PLAI, plusde logement social ou pas social, réduire lesloyers d’un certain nombre de logements.Sur l’occupation en logement social, d’après nous,il y a environ 25 000 logements qui sont occupéspar des personnes dont les ressources dépassentle plafond du logement considéré. Donc, il nes’agit pas d’être gentil ni d’être électoraliste, ils’agit de penser aux enjeux les plus importants età ceux qui sont les plus défavorisés. Bienévidemment, il ne s’agit pas de mettre à la porteceux qui les occupent mais d’essayer de trouverun certain nombre de solutions et de contraintes.D’un autre côté, il y a les logements en sousoccupation, au nombre de 4 000 environ. Onretrouve un peu le même problème. Nous savonstrès bien que plus les familles sont nombreuses,plus les surfaces sont importantes et plus lestemps d’attente sont longs. Ainsi, si nous pouvonsrécupérer des grands logements non occupés, iln’y a aucune raison que certains aient des droitsprivilégiés par rapport à d’autres qui n’en n’ontabsolument pas.Enfin, les problèmes de logement sont égalementdes problèmes de mixité sociale et d’opinionpublique. Il est important d’aller vers l’ensembledu public, de l’opinion, pour communiquer etsensibiliser. Cela semble être irréalisable mais onne peut pas faire autrement. Nous devons nousdonner l’obligation de mettre chacun devant sesresponsabilités et de proposer des actes desolidarité et de citoyenneté, en sachant versquelle politique aller.

Intervenante :Tout d’abord, quel est l’ordre de priorité pourl’accès aux logements sociaux ? Prend-on lerevenu ou l’ancienneté comme critèresprioritaires ? Est-ce vraiment cela que nousvoulons assumer parce que le droit opposable,avec l’idée de solidarité ce n’est pas le droitd’habiter où je veux.Puis, quels sont les standards, les normes de cequ’on peut accepter pour parler d’un logementdécent ?

Intervenante :Syrine Catahier, élue dans le 18ème

arrondissement.Je voulais revenir sur le droit de propriété.Comme on revendique toujours un droit dulogement opposable, je me disais « ne serait-ilpas plus pertinent de réformer le droit depropriété ? ». Ce droit revendiqué comme un droitabsolu et sacré justifie tout type d’opération,notamment, les congés pour vente. De plus, auniveau de l’arrondissement, même si lespersonnes ont suffisamment de revenus, onobserve une discrimination raciale très forte. Deplus en plus de personnes d’origine étrangère qui,même si elles ont des bons revenus, ne peuventpas prétendre à avoir un logement sur le parcprivé.Sur la commission d’attribution des logementssociaux, dans le 18ème, on arrive à de tels niveauxd’urgence que parfois, on ne sait même pluscomment choisir. Nous sommes obligés de fairedes sortes de niveaux discriminants dansl’urgence entre la personne qui va être expulsée,la personne qui est toute seule avec un enfanthandicapé, etc… Les choix fait par la mairie nesont pas toujours équitables.

Intervenant :Dan Lert, membre du SE, délégué aux acteurssociaux.Lors de la préparation de cette plénière, il y a unequestion qui a fait débat entre nous : l’applicationde la notion de mixité sociale à Paris, j’auraissouhaité avoir votre opinion sur cette applicationà Paris.

Intervenant :Je souligne l’intérêt d’un rapport qui a été produiten 2005 sur la réforme de l’hypothèque. Sonintérêt premier est la possibilité pour descollectivités territoriales, d’acquérir en diffus desappartements pour répondre à des objectifs demixité sociale.Deuxièmement, en tant que RMIste, moi-même,je ne vois pas comment on peut vivre à Paris et

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supporter le coût locatif. Je constate que lessystèmes de garantie de loyer, comme leLOCAPASS, sont réservés aux salariés et non pasà la masse de gens qui sont précarisés.De plus, les statistiques de l’APUR relèvent que17% des RMIstes sont en colocation ou sont SDF.La colocation est un mode d’habitat qui monte enpuissance du fait de la cherté des loyers.J’aimerais qu’on réfléchisse à des mesuresincitatives ou de sécurisations quant à lapossibilité d’utiliser des grands appartements pourrésoudre des problèmes de logement. Il fautréfléchir à des dispositifs à levier multiple. Parexemple, pour revenir à cette histoire de viagerhypothéqué, on peut très bien imaginer que laville, d’un côté acquière par cette technique, desappartements liés du point de vue des familles etdes propriétaires à des dispositifs de sécurisationquant au parcours résidentiel.

Intervenant :Je suis assez préoccupé par la discriminationraciale rampante à l’accès au parc social,notamment pour des classes moyennesimmigrées. Certaines familles migrantes, quirésident à paris ou en proche banlieue, ont lechoix entre rester dans leur logement inadapté,accepter du logement « passerelle » ditd’insertion ou bien accepter le relogement enlointaine banlieue avec toutes les difficultés quecela pose.

Intervenant :Ma première question porte sur le parc privé.Jusqu’à quel point connaît-on le taux de vacancedans le privé ?De plus, quelle la proportion des propriétaires quine louent pas parce qu’ils ont peur du marché ?Enfin, quel dispositif pourrait-on mettre en placepour que ces propriétaires qui ne louent pas dansle marché puissent louer à des institutions, avecdes systèmes de compensations financières ?Quel organe intermédiaire pourrait servir degarantie à la fois au propriétaire et au locataire ?

Fabienne GiboudeauxJe propose de clore les interventions afin quechaque intervenant puisse réagir.Juste un petit point sur le logement PLAI. Unproblème important est présent à Paris : lesmaires d’arrondissement décident en général desfinancements de leurs logements. Et ilschoisissent la plupart du temps de ne pas faire dulogement social. C’est un vrai problème defonctionnement démocratique parisien que l’onretrouve aussi pour les foyers de travailleursmigrants. C’est également une question de

répart it ion terr itor iale. En effet, lesarrondissements où l’on construit du logementsocial en ont déjà beaucoup, c’est le 20ème, le19ème. Il faut faire du logement social partout. Lamixité n’est pas simple même au niveau duterritoire parisien.Construire dans le diffus, on sait faire. La SIEMPfait la gestion du logement dans le diffus, elleachète des logements dans des copropriétés, elles’en sert essentiellement pour loger despersonnes dans des types de logements relais,elle a du personnel qui assiste à des réunions decopropriété, qui suit les travaux de copropriété etqui gère. Bien sûr son dispositif est encore àaméliorer.Enfin, on ne peut surtout pas dire que la ville nepourrait pas gérer les problèmes de logementexistant aujourd’hui.

Joaquim SoaresJe veux bien tenter quelques réponses sur trois ouquatre points. Certaines questions se recoupent etsont liées. La question des établissements fonciersest liée à celles de la mixité sociale, de ladiscrimination, de la répartition équilibrée sur leterritoire du peuplement et du type d’habitat.Doter le Conseil Régional d’un outil foncier uniquequi agisse dans toute la région était une occasionformidable pour avoir une certaine cohérence enmatière de logement. Cet établissement auraitaidé toutes les communes, y compris les pluspauvres, à faire du logement social. Cependant, lechoix du législateur a été clair : il n’a pas vouludonner la compétence logement à la région ettrois départements – les Hauts-de-Seine, lesYvelines et le Val d’Oise – vont sans doute sedoter de leur propre outil foncier. La collectivitéparisienne a fait beaucoup d’efforts en matière deconstruction de logement social sur les troisdernières années. Une chose est sûre, quand il ya une volonté politique les moyens financierssuivent. Le choix politique aurait pu être de dotertoute l’Ile-de-France d’un établissement uniquefoncier mais cela n’a pas été le cas. On voit bienune volonté de se protéger, de protéger certainsterritoires de certains types de populations.On retombe alors sur la question de la répartitionsocio-spatiale du logement et de la ségrégationurbaine. L’Agence Nationale de RénovationUrbaine (ANRU) est là pour créer de la mixitésociale sur tous les territoires, ce qu’elle ne faitpas totalement. Alors, je me demande aujourd’hui« pourquoi on ne va pas faire de la mixité socialedans les communes qui n’ont pas de logementsocial ? ». Parallèlement, il nous faut agir sur lesterritoires qui se protègent et qui refusent lespopulations les plus démunies. C’est sur ce pointqu’il faut faire de la mixité sociale aujourd’hui, ce

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n’est pas dans les quartiers forcément les plusdégradés.Ensuite, j’observe que les familles des immeublesqu’on démolit ne sont pas relogées sur lacommune. On les envoie encore plus loin, dansles communes semi-rurales où il y a peu deservices aux personnes, peu de transport public.Elles vont donc être privées de la ville.Concernant la discrimination, aujourd’hui, lesbailleurs sociaux ont tendance à se protéger vis-à-vis des familles à risques qui ne présentent pasles profils adéquats. Quelles sont les familles àrisques aujourd’hui ? Les familles monoparentales soi-disant parceque leurs ressources ne sont pas suffisantes, les jeunes issus de l’immigration encohabitation ou qui sont en galère par rapport àune insertion professionnelle, les familles africaines, subsahariennes.Les motifs invoqués par les bailleurs sont toujourstrès légaux. Ils prétendent que les ressources sontinsuffisantes ou que le logement n’est pas assezgrand pour la famille. De plus, les maires fontaussi pression sur les bailleurs pour que cesfamilles ne viennent pas loger dans le patrimoinesocial.Concernant la mixité des types d’habitats, jepense que les orientations prises aujourd’hui ausein de la collectivité parisienne – on a évoqué lePLU – me semblent aller dans le bon sens.L’obligation qu’ont les constructeurs dans lesopérations privées de plus de 1 000m2 à avoir25% de logements sociaux est une avancée.Cependant on peut se demander quel type delogement social sera construit ? Aujourd’hui, Parismanque de logement très social donc il fautaugmenter les efforts.Concernant les hôtels meublés, une question sepose tout de suite : « Quel type d’hébergementdécent offre-t-on aux familles qui vivent àl’hôtel ? ». C’est une question très importante carnous allons mettre un certain nombre d’annéesavant de résorber cette crise du logement. Alors,si nous n’avons pas le choix et que l’on doit faireappel à ce segment immobilier d’hébergement,pourquoi ne pas contractualiser avec ces hôteliersun certain niveau de prestation ? Cela pourraitpermettre aux familles de vivre dans desconditions décentes. Nous pourrions avoir unevraie situation de dépannage en attendant de voirl’issue de cette crise de logement. Ainsi, avoir unobjectif d’intervention qui vise à la fois à remonterl’offre du logement et à améliorer l’hébergementexistant, me semble être deux choses qui vont depair et sur lesquelles il faut pouvoir réagir.

Benoîte BureauJe voudrais tout d’abord revenir sur un fait qui me

semble important. J’ai entendu que certains necomprennent pas pourquoi les familles qui luttentpour être relogées le sont avant d’autres. Deuxpoints d’explication. Premièrement, ces famillesqui luttent sont comme les autres familles enattente de relogement depuis longtemps, elles nes’opposent pas entre elles. Deuxièmement, cesfamilles produisent des avancées et duchangement dans l’ensemble du système. Lesluttes de mal-logés pèsent dans le rapport deforce politique, nous savons très bien que c’est lemoyen pour avoir des conquêtes sociales.Concernant le logement social de fait,effectivement la rénovation urbaine etl’amélioration des quartiers, pas la rénovationurbaine de l’ANRU, fait disparaître le logementsocial de fait. Le dilemme est clair, d’un côté larétention de l’habitat insalubre améliore la vie desgens, mais de l’autre côté, on perd du logementsocial de fait. Parallèlement, on ne peut pas dire :« on ne rénove pas afin de laisser le logementsocial de fait pour les plus pauvres ».De plus, dans les opérations d’amélioration del’habitat, il y ait une vraie contrepartie sociale.Aujourd’hui, quand on rénove un logementinsalubre où sont logées des personnes en PLAI,on construit du PLS à la place alors qu’on devraitconstruire du PLAI. De même, il faudrait que lesquartiers rénovés aient de nombreux logementsconventionnés, avec la mise en place d’une réellecontrepartie sociale à la rénovation, afin d’éviterles phénomènes d’éviction et d’épuration socialebien connus. Il nous faut remplacer le logementsocial de fait par du vrai logement social.Une précision sur les chambres de bonne, elles nesont pas interdites à la location mais n’ouvrentpas droit aux allocations logement, ce qui estnormal.Au DAL, on est farouchement opposés à ladémolition du logement HLM. Vu la crise, ontrouve anormal de démolir du logement.Pourquoi ? Premièrement, parce que le nombre delogement diminue. La politique de l’ANRU mène àdes soldes négatifs de construction de logementsdans certains départements. En Seine-Maritimepar exemple il y a eu moins 1 000 logements en2005. Deuxièmement, les logements reconstruitsne sont pas pour les populations dont leslogements sont démolis. Plutôt que de démolir leslogements et d’en chasser les habitants, souventles plus démunies, nous pensons que cesquartiers devraient être améliorés en apportantdes transports en communs, des services, enrénovant et désenclavant.Enfin, pour essayer d’endiguer la crise dulogement, nous avions proposé de fermer leshôtels, quitte à les transformer en PLAI derrière,de louer des logements dans le privé pour

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héberger les familles qui sont à l’hôtel et deréquisitionner des logements qui sont vides. Lesstatistiques de l’INSEE indiquent quand même 2millions de logements vide en France, 400 000logements vides en Ile-de-France et 136 000logements vides à Paris pour 100 000demandeurs de logements en France et 350 000en Ile-de-France, donc il y a plus de logementsvides que de demandeurs. Bien sûr, une partie deces logements n’est pas occupable de suite mais ily en a quand même une partie qui est gardéevacante dans des buts spéculatifs. L’application dela loi de réquisition et l’arrêt des expulsions sontdeux points importants que les Verts doiventprendre en compte dans leur programme. Il y a10 000 expulsions réalisées par la force publiquetous les ans.

Pierre HenrySur la question de la mixité, il faut bienévidemment arriver à imposer un système desanctions communes qui ne s’inscrivent pas dansune politique de mixité sociale.Par ailleurs, je pense également qu’il faut mettre

en place un certain nombre de dispositifs micro-économiques.Concernant les hôtels, depuis trois ans nous lesavons totalement supprimé du parcd’hébergement d’urgence. Nous avons passé unaccord avec l’Union nationale des propriétaires etavec la FNAIM pour aller sur le marché privé etfavoriser la cohabitation à l’intérieur desappartements plutôt que le placement à l’hôtel.Parallèlement, nous devons travailler sur d’autresdispositifs : les fonds d’autonomie logement. Untel dispositif permettrait de dépasser les limites duLocapass, du FSL et de rassurer les bailleurssociaux.Enfin, concernant le taux de rotation insuffisant àl’intérieur des HLM, le problème réside dans le faitqu’il y a des effets de seuil. Ainsi, derrière ceproblème se pose celui de l’accès à la propriété etde la facilitation de la sortie du dispositif HLM.Nous devons travailler dans les interstices del’ensemble de ces difficultés. Différents dispositifsont déjà fait leurs preuves ; simplement il fautpeut-être les généraliser sans a priori de logique.

Plénière n°3La santé, révélateur et facteur d’inégalités

Bernard Jomier,Adjoint au Maire du 19ème chargé de la Santé et des risques environnementaux

Tout le monde connaît l’adage selon lequel il vautmieux être riche et bien portant que pauvre etmalade, mais l’adage ne dit pas une chose :quand on est pauvre, on est plus facilementmalade. En effet, les conditions sociales etéconomiques dégradées altèrent l’état de santé etlimitent l’accès aux soins. Mais inversement,quand on est malade, on est plus facilementpauvre. Un mauvais état de santé dégrade lesconditions économiques et sociales, compliquel’insertion économique et sociale. A Paris, nousavons 16 quartiers en politique de la ville qui sontpour simplifier les 16 quartiers les plus défavoriséséconomiquement de la capitale. Sur ces quartiers,il a été mis en évidence que les habitants ont desconditions de santé qui sont moins bonnes que lamoyenne des parisiens. L’indicateur utiliséclassiquement est l’étude des caries dentaireschez l’enfant de 6 ans. A l’entrée en CP, le taux decaries dentaires dans les quartiers en politique dela ville se situe autour de 50%. Alors que lamoyenne parisienne se situe plutôt autour de20%. Les populations ayant des problèmes

particuliers, comme le fait d’être migrant de façonrécente, d’être usager de drogue, d’être dans laprostitution, de s’ouvrir dans un handicap mental,voient leur état de santé se compliquer.

Faut-il mettre en place des dispositifsspécifiques en direction de ces populations ?

Faut-il agir au niveau du territoire ? Les dispositifs doivent-ils être ciblés sur

les populations ou doivent-ils être plus généraux ? Faut-il mettre en place des lieux de soins

particuliers ? Pour favoriser l’accès aux soins les

dispositifs doivent-ils être intemporels ?

Nous allons maintenant essayer de répondre à cesquestions avec nos trois invités. Tout d’abord,Maddy de Nantes qui anime actuellement lecollectif des médecins généralistes pour l’accèsaux soins et qui a été partie prenante à la créationde l’association des familles victimes dusaturnisme. Puis, Didier Maille, qui travaille àl’observatoire de la santé des étrangers et qui estmembre aussi du Comité médical pour les exilés

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« Il faut attendre que les enfants soient intoxiquéspar le saturnisme pour qu’il y ait intervention »

(COMEDE). Cet organisme, fondé en 1979, est uncentre de soins au Kremlin-Bicêtre qui s’adresseparticulièrement aux migrants. Enfin, Philippe

Lefebvre, qui est vice-président de l’institutRenaudot, institut spécialisé sur les questions desanté communautaire.

Dr Maddy DenantesCollectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins

Le collectif des médecins généralistes pour l’accèsaux soins existe depuis quelques années. Ilregroupe des médecins dans toute la France quicommuniquent par Internet sur tous lesproblèmes d’accès aux soins.Je débuterais par les problèmes de C M Ucomplémentaire – Aide Médicale Etat(AME). L’enquête du fonds CMU sur le Val-de-Marne a montré ce que nous dénonçons depuislongtemps au Comegas : le refus, de la part dessoignants, de recevoir dans leur cabinet lesbénéficiaires de la CMU. Pour ce qui est de l’AME,ce type d’enquête n’est pas fait car les résultatsseraient catastrophiques. Tout d’abord, le pointpositif est que la CMU marche bien. Les soignantssont payés très rapidement. Elle donne accès à unpanier de soins tout à fait convenable. Cependant,des points négatifs existent. Premièrement, leseuil qui donne droit à la CMU complémentaire estde 598 euros par mois. En sachant que leminimum vieillesse et l’allocation adulte handicapésont à 610euros parmois , unepartie de lapopulationparmi les plus pauvres n’a donc pas accès à cedroit. Deuxièmement, le refus de soin. Uneenquête faite par Que Choisir en décembre 2004,a montré que Paris était la ville où l’on refusait leplus les bénéficiaires de la CMU, toutspécialement par les spécialistes, les dentistes.Alors qu’en province, il y avait 0 % de refus dansla plupart des départements (hors grandes villes).Ainsi, en juin 2006, le Comegas a saisi la HALDE(Haute autorité de lutte contre les discriminationset pour l’égalité) sur ces refus de soins. Mais, ilfaut vraiment se mobiliser sur ce problème.Concernant l’AME les taux de refus sont énormes.

Deuxième problème typiquement parisien que jesouhaite aborder est l’interdiction du droit dela dispense des frais. Pour rappel, la dispensed’avance des frais appelée aussi tiers payantpermet au patient qui va voir un médecin de nerien payer s’il a une pathologie sévère à 100 % oude payer juste la partie sécurité sociale, soit 16euros. Cependant, ce droit existe pour lespharmacies, les spécialistes, les radiologues, maispas pour les médecins généralistes. En général,

en France, bien que la convention médicalen’autorise pas le tiers payant, il est pratiquépartout, sauf à Paris où il est interdit. Il faut doncvraiment être actif sur ce point pour changer leschoses. Ainsi, une personne gagnant 600 eurosn’a pas la CMU et doit payer les généralistes 21euros. S’il ne peut pas payer, les médecins n’ontpas le droit de se faire payer, il faut faire uneconsultation gratuite. Cette obligation d’avancerles 21 euros est un obstacle très important dansl’accès aux soins. De plus, l’interdiction depratiquer le tiers payant commence à s’étendre endehors de Paris ce qui va entraîner la perte de cetoutil pour le maillon de base qu’est le médecingénéraliste.

Concernant le problème d’absence demutuelles, Paris est un peu plus performantqu’ailleurs puisqu’il y a le complément santé villede Paris, aide pour acquérir une mutuelle.Cependant, cette aide ne touche que les

personnes eninvalidité, les

personneshandicapées,

les personnesâgées. Que fait-on des autres ? Ceux qui gagnent600 euros mais qui ne rentrent pas dans cescatégories ? Au niveau national, le crédit d’impôtsou l’aide à la mutualisation permettant d’acquérirune mutuelle, ne marche pas. Alors combien depersonnes n’ont pas de mutuelle sur toute laFrance ? On parle de 8 à 10 % de français quin’ont pas de mutuelle – pas tous pour des raisonsfinancières mais sans doute beaucoup. Ainsi, unepetite partie de la population n’a pas de quoi avoirune mutuelle ou bien a une mutuelle de mauvaisequalité et pour qui chaque soin est une difficulté.C’est donc un vrai problème d’accès aux soins.

La quatrième chose dont je voulais parler est lapermanence d’accès aux soins de santé.Dans tous les hôpitaux, une PASS de permanenceexiste mais seulement certaines fonctionnentcorrectement. Il est important de vérifier que lesPASS fonctionnent et d’informer sur l’existence deces permanences. Quand un patient n’a aucundroit à la sécurité sociale, le personnel hospitalierdoit savoir rediriger le patient vers la PASS.

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« L’accès des populations étrangères etautres au système de santé de droit

commun est indispensable »

Dernier point que je voulais évoquer : l es a t u r n i s m e . Cette maladie altère ledéveloppement cognitif et psychomoteur desenfants, et se transmet de la mère à l’enfantquand elle est enceinte. Un rapport venant desortir montre que sur le territoire français, trèspeu d’enfants touchés par cette maladie sontdépistés. Au niveau parisien, la loi de juillet 1998a provoqué des changements, la situation n’estplus du tout la même que celle de 1993 oùrégnait une indifférence absolue face au

saturnisme. Aujourd’hui, les choses ont changémais il reste encore à faire. De nombreux enfantsintoxiqués restent sur place, dans le lieud’intoxication. Un des plus gros problème résidedans le fait qu’il faut attendre que les enfantssoient intoxiqués pour qu’il y ait intervention,alors que la loi prévoit une intervention dès lerisque d’accessibilité au plomb. Enfin, l’informationn’est pas encore correctement faite. Nous devonsmieux informer les soignants sur les repérages dela maladie.

Didier MailleResponsable juridique au Comité Médical pour les Exilés (COMEDE) et membre de l’Observateur du Droit à laSanté des Etrangers (ODSE)

Le COMEDE est un très gros centre de santé enIle-de-France qui reçoit 5 000 patients par an.Nous sommes hébergés par l’Assistance Publiqueau CHU Bicêtre, à Porte d’Italie. Etant responsabledu service juridique, je vais faire un peu de droitpour dégager quelques perspectives sur l’actiondes étrangers.Par ailleurs l’ODSE regroupe les ONG travaillantsur la santé et les étrangers pour collaborer etfaire du lobby ensemble. On y retrouve Médecinsdu Monde, le COMEDE, les grandes ONG Sida, lesONG sur le droit des étrangers, comme le MRAPet la CIMADE.

Pour débuter, je pose cette question : Doit-onavoir une approche populationnelle ou non sur laquestion des étrangers ? Je pense que noussommes tous d’accord pour dire qu’une approchepopulationnelle estinacceptable. Notremot d’ordre est : droitcommun. L’accès despopulationsétrangères et autresau système de santéde droit commun est indispensable. CommeMaddy l’a bien montré, le système de santé esttrès compliqué. Alors je me demande ce qu’onpeut faire pour simplifier le système en termesd’accès aux droits ? Les étrangers sont uneillustration très concrète de tous les progrès qu’ilreste à faire dans ce domaine.

Deuxièmement, je pense que si on ne veut pasune médecine à deux vitesses, il faut une bonneprotection maladie. Les constats que font nosONG de terrain sont clairs, il n’y a pas de dispensecomplète d’avance des frais. Alors ouvrir desdroits à un système de protection maladieest déterminant. Avant la loi CMU du 27 janvier1999, les personnes en situations de précarité

possédaient la carte Paris Santé. Avec ce système,c’était les conseils généraux qui devaient financerles soins des pauvres. Ainsi, la CMU a le mérite defaire que chaque personne, y compris les non-travailleurs, les non-actifs, les RMIstes, lesprécaires et les pauvres, soit à la sécurité socialeet ait une mutuelle. Cependant, sur les 5 millionsqui bénéficiaient à l’époque de l’aide sociale (laMG, la MD), les étrangers en séjour précaire, ditsplus directement les sans papiers ou les étrangersqui n’ont pas les bons papiers, ont été laissésdans une aide médicale spéciale. Alors,aujourd’hui, 180 000 personnes sont hors du droitcommun. De plus, on observe desdysfonctionnements massifs d’accès aux soins despopulations pauvres. Pourquoi ? Parce que lesystème de santé français très compliqué associéà une précarisation du statut des étrangers fait

que ces personnesne sont jamaistotalement en règle.En effet, si on n’apas les bons papiers,on ne pourra pasa c c é d e r a u x

médecins.

Pour terminer, il faut intégrer l’ensemble desrésidents en France à un système unifié deSécurité Sociale. Il faut donc arrêter de mettreà part 180 000 sans papiers étrangers en séjourprécaires, sans parler des personnesnouvellement arrivées en France. Nous parlons degens qui travaillent avec nous, qui vivent avec destitres de séjour précaire ou qui n’ont pas depapiers, qui prennent le métro avec nous depuisde nombreuses années… Donc, nous militonsunanimement pour que l’Assurance Maladie soitsimplifiée et généralisée afin d’intégrer ces200 000 étrangers à une CMU véritablementuniverselle. Ceci diminuera les problèmes d’accès

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« Il est de plus en plus clair que lesmunicipalités ont à investir le champ de lasanté et qu’elles en ont toute légitimité »

aux soins pour l’ensemble de la populationpauvre. Bien évidemment, prendre comme motd’ordre « tout le monde a la CMU » veut direrenforcer l’Assurance Maladie et la SécuritéSociale et se demander si l’on veut privatiser laSécurité Sociale. Ceci ne rentrant pas dans lescompétences des politiques locales, des mesurestransitoires pourraient être prises sur Paris. Toutd’abord, pour simplifier le parcours de soins, ilfaudrait que les bénéficiaires de l’AME aientla carte Vitale. L’AME est une protection maladie

avec laquelle les bénéficiaires n’ont pas le statutd’assuré social et donc n’ont pas de carte Vitale.Ainsi, à l’échelon municipal, des actions desensibil isation d’un certain nombre deprofessionnels de santé de pharmacie pourraientêtre faites.Nous avons besoin de la municipalité et des éluspour faire pression sur la Caisse Primaired’Assurance Maladie. Il reste de nombreuseschoses à faire pour fluidifier et faciliter l’accès auxdroits des entrants dans le système.

Philippe LefèvreVice-président de l’Institut Renaudot

L’institut Renaudot est un centre de ressources ensanté communautaire. Nous posons la question dela santé pour tous et les moyens pour y arriveravec la participation de chacun. Nous sommes aucentre de la démocratie sanitaire en essayant den’oublier personne. Je suis également médecingénéraliste et psychothérapeute dans un centrede santé communautaire, salarié pour soignermais également pour faire de la prévention etpromouvoir la santé. Les habitants, lesprofessionnels et les élus participent à la gestiondu centre.

Alors qu’il est toujours dit que ce n’est pas de leurcompétence, car ne recevant pas de moyenfinancier, il estde plus en plusclair que lesmunicipalitésont à investir lechamp de lasanté et qu’elles en ont toute légitimité. Ellestouchent tous les secteurs de la santé, del’éducation aux personnes âgées, en passant parl’environnement et parfois le soin.

Concernant les populations en situation deprécarité, les réponses que l’on peut apporter nepeuvent pas être sectorielles. Les secteurspsychiatrique, social, du logement, etc. doiventtravailler ensemble pour parvenir à améliorer lesconditions de vie de ces personnes. Enfin, il nousfaut avancer avec la population et pas seulementsur le volet de l’information.

Ainsi, nous proposons une organisation trèsdifférente de la santé publique. La loi de santépublique de 2004 a décentralisé les pouvoirs à larégion considérée comme l’acteur local. Tout sepasse maintenant au niveau des plans régionauxde santé publique (PRSP) gérés par lesgroupements régionaux de santé publique(GRSP). Nous savons bien évidemment que les

inégalités sont infra régionales, voir même infradépartementales ou infra municipales. Commentles prendre en compte ? Quand les secteurs sonttrop grands, on voit apparaître des inégalités etdes façons de faire qui ne sont pas adaptées à lapopulation. Il est donc important de mettre enplace les mêmes protocoles au niveau local qu’auniveau régional. Le niveau local correspond àenviron 50 000 habitants, cela peut être unemunic ipa l i té , un quar t ie r ou uneintercommunalité, voire un pays au niveau rural.A cet échelon, il pourrait y avoir un diagnosticcommunautaire, pour évaluer les besoins, etsurtout pour mobiliser les ressources

h u m a i n e s (lesdifférents acteurs quesont les habitants, lesprofessionnels, lesassoc ia t i ons , l e sinstitutions, les élus).C e d i a g n o s t i c

permettrait d’élaborer un plan territorial desanté. Bien sûr, les priorités de santé localedoivent être coordonnées avec les prioritésrégionales. Ce plan serait validé par uneconférence locale de santé, qui serait l’équivalentde la conférence régionale. Y serait associé unobservatoire local sanitaire et social, à l’instar del’observatoire régional, ou une veille sanitaire. Ilaurait pour but d’intégrer les nouveaux besoins aufur et à mesure, voire d’alerter la population oules autorités. Enfin, il faudrait un coordinateursanté pour 50 000 habitants, ce qui signifieembaucher environ 1 000 personnes sur leterritoire français. Sur Paris, 40 coordinateurssanté seraient utiles, ce qui fait 2 pararrondissement.D’autre part, des ateliers santé ville (ASV)pourraient être mis en place à Paris. Ces ASVsont reliés directement à la problématique de lapolitique de la ville pour les quartiers défavorisés,surtout en banlieue parisienne. Ils cherchent à

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regrouper les différents acteurs de la santé, etpas seulement les professionnels de santé, afind’évaluer les besoins et de coordonner les actionsde santé. Aujourd’hui, dans toute la France, on encomptabilise 140, l’objectif étant de doubler cenombre en 2006. L’intérêt de ce dispositif résidedans la présence d’un coordinateur santé, financépar l’état. Ces ASV n’ont pas pour vocation degérer des thématiques particulières et ne sont pascoordonnés par la région ou le département.

Le partenariat entre les collectivités locales ou

territoriales et les dispositifs nationaux de santédoit être renforcé pour accroître les moyens desvilles de s’impliquer dans la santé.

Enfin, le cadre ville santé OMS a été mis en placepour les villes, afin de développer desprogrammes de santé. Ce dispositif estinternational mais de nombreuses villes, grandesou petites, ont choisi de s’y inscrire. Il estintéressant car il permet de voir les différencesentre les villes, de partager ce qui se fait et demettre en commun les outils utilisés.

Débat

Intervenante :Anne Charlotte Massius, Verts 12ème

Peut-il y avoir des sanctions disciplinaires de lapart de l’ordre des médecins vis-à-vis de ceux quin’acceptent pas de recevoir les patients couvertspar la CMU ?De plus, j’ai l’impression qu’il est devenu trèsdifficile de trouver des médecins spécialistes àParis qui ne pratiquent pas le dépassementd’honoraires. Pouvons-nous agir pour que lesmédecins spécialistes à Paris pratiquent des tarifs« normaux », « conventionnés » ?

Intervenante :Mylène Stambouli, Adjointe au Maire de Paris,chargée de la lutte contre l’exclusionJe voulais attirer votre attention sur la question del’épidémie de la grippe aviaire. Dans le plan decrise, largement travaillé au niveau de l’Etat etdes collectivités, il est annoncé que dans les 5ans, on a 80 % de risque d’avoir une épidémie quise développe. Ainsi, les populations dont nousparlons aujourd’hui, celles qui sont soit à la rue,soit en grande difficulté, soit dans des foyers,dans de l’hébergement collectif, dans des squatsetc. courent plus de risque que les autres. Eneffet, elles pourront soit attraper la maladiebeaucoup plus facilement de part leurs conditionsde vie, soit être propagateurs de cette maladie. Jecrois que nous devons réfléchir sur ce sujet carces populations ne s’incarnent pas dans les plansqui sont actuellement préparés.

Intervenant :M. Sissoko, membre du collectif des sans-papiersdu 19ème

Je souhaitais m’adresser à Didier Maille, duCOMEDE. J’aimerais avoir des informationsprécises sur le médecin de la préfecture. Tout lemonde sait très bien que certains sans-papiers ontdes traitements de longue durée qui ne peuvent

pas être prescrits dans leur pays d’origine ; serait-il possible de faire en sorte que le médecin de lapréfecture prenne cet argument en compte pourla délivrance des papiers ?Par ailleurs, au nom du collectif, je souhaiteremercier la sympathie et le travail fait par lesmédecins du COMEDE. Ils prennent leur tempslors d’une visite, contrairement aux médecinsgénéralistes classiques.

Intervenant :Comment se fait-il que la prévention soit le parentpauvre de la médecine ? De plus, quelle est votreposition sur le programme REACH ? Ceprogramme va bientôt être revu au niveaueuropéen, il est pour le renforcement de moins desubstances chimiques dans les produits qui nousentourent.

Intervenant :A l’échelle d’une ville, ne pourrait-on pas cotiser àla place des exclus pour la sécurité sociale ?Par ailleurs, il me semble que la collectivité neprend pas assez en compte la question de lasanté mentale. De même, quelle est la prise encharge des SDF étant dans une situation dedésocialisation et d’alcoolisme très sévère. Lesmédecins qui les acceptent voient leur clientèlequitter leur cabinet. Alors, plus aucun médecin neles accepte et ils sont obligés d’aller aux urgencesqui sont complètement surmenées. Je medemande comment est réparti le budget entre laprévention, l’urgence, la médecine générale et lamédecine de pointe ?

Intervenant :M. Gassama, président du collectif des sanspapiers du 19ème

Tout d’abord je remercie les Verts de nous avoirinvités à ce forum.

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J'aimerais poser une question aux docteurs etgénéralistes présents. Actuellement, au collectif,nous avons l’impression qu’il est très difficiled'obtenir l'Aide Médicale Etat (AME). Les critèresd’obtention de cette couverture maladie ontcomplètement changé. Nous rencontrons denombreux sans-papiers qui n’arrivent pas àl’obtenir alors qu’ils sont sur le sol français depuislongtemps, qu’ils y travaillent… Qu’en est-ilréellement ?De plus, une campagne de sensibilisation sur ledépistage concernant les maladies graves, telsque l'hépatite B ou l'hépatite C mais aussi le SIDA,est-elle prévue prochainement ? Nous savons quedans la communauté étrangère l’information surl’existence de ces maladies, sur le dépistage et surles moyens pour les soigner ne passe pastoujours.

Intervenante :Francine Guillaume, Verts du 19ème

Je voulais revenir sur la loi de 2004 qui a donnéles pouvoirs à la région. Etant conseillèrerégionale, je me rend compte, qu’en matière deplans de santé, la région n’est pas sollicitée pourdonner son avis, les décisions sont prises parl’autorité préfectorale. Ainsi, il y a bien unproblème de dissociation des niveaux et demobilisation générale des acteurs de la santé.Par ailleurs, je me demandais si une réflexionspécifique sur les capitales et zones capitales enterme de santé communautaire et de préventionavait eu lieu ? Car un des gros problèmes sur cesthèmes est l'amplitude du nombre de populationà viser et leur dispersion.

Intervenante :Violette Baranda, Conseillère de ParisY a t-il des disparités géographiques en matièrede santé ? Les pathologies sont-elles différentesau nord et au sud de Paris, à l’est et à l’ouest ? Jesouhaitais avoir confirmation sur cette questioncar j’ai entendu qu’il y aurait dans le nord-estparisien 40 % de cancers en plus que dansl'ouest.

Maddy DenantesConcernant les médecins qui refusent de recevoirdes patients couverts par la CMU, nous y avonsbeaucoup travaillé au Comegas. Bien sûr, unetelle attitude est interdite par la loi mais ça nesuffit pas. Il faut que le conseil de l’ordre desmédecins et l’organisme de répression desfraudes s’y impliquent. Cependant, les personnesvictimes de ces refus de soins ont d’autres soucis,donc la plupart du temps, elles n’insistent pas etvont chercher un autre médecin qui les acceptera.

Ainsi, le problème réside dans le fait que cespersonnes ne portent pas plainte contre lesmédecins. Il faudrait une mobilisation généralepour faire changer les choses. Elle a déjà un peueu lieu au printemps quand les résultats del’enquête ont été envoyé à l’ordre des médecins.Mais il reste encore beaucoup à faire.Par ailleurs, le manque de spécialistes pratiquantun tarif correct, c’est-à-dire de secteur I, un tarifde service public, s’explique par des problèmesd’architecture de notre protection maladie. Cettequestion est liée à la précédente. En effet, unmédecin généraliste peut faire un dépassementd’honoraires (il passe en secteur II) et s’il reçoitun patient couvert par la CMU il ne gagnera pasplus d’argent, c’est la même chose pour lesspécialistes qui sont en secteur II. Le refus desoins touche surtout les professionnels du secteurII.Concernant la question sur le dépistage,effectivement, il y a un énorme travail à faire.C’est la compétence du médecin généraliste qu'ilsoit en dispensaire ou en cabinet libéral. Il connaîtses patients, il les revoit. Il est le maillon centraldes affaires de dépistage et il est capital d'avoirun médecin généraliste pouvant aider dans lesdémarches à suivre. Cependant, les médecins quireçoivent des patients affiliés à l'AME,contrairement à la CMU, ne sont pas remboursésimmédiatement. Ainsi, de nombreux médecinsrefusent les soignants à l’AME. Il faudrait doncque tout le monde ait la CMU de base, ainsichaque patient possèderait une carte vitale et denombreux problèmes seraient réglés. Enattendant, nous devons faire un travaild'information. Les médecins doivent savoir qu’ilsn’ont pas le droit de refuser des patients et cesderniers doivent savoir que les médecins n’ont pasle droit de les refuser.Pour conclure, je trouve que Paris devraitremonter le seuil CMU ou, si ce n’est pas possible,mettre en place une aide à la mutuelle pour lespersonnes qui sont juste en dessus du plafond.Actuellement, le seuil pour avoir la CMU estseulement de 10 euros en dessous du minimumvieillesse et de l'allocation adulte handicapé, c'estscandaleux. Il indispensable que tout le monde aitune mutuelle. Il faut se battre contre le mode decotisation de la mutuelle.

Didier MaillePour répondre à la question sur le médecin de lapréfecture, il est clair que s’il refuse de donnerdes cartes de séjour pour les étrangers gravementmalades, c’est notamment parce que la santé estavant tout une chose politique et non technique.Les problèmes de santé touchent véritablement àdes questions de politique au sens noble, de

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politique de solidarité ou pas. Au COMEDE, onpartage votre avis, bien qu’il y ait 16 000étrangers régularisés en France sur des questionsde maladie, on voit des refus qui nous paraissentinacceptables. Nous sommes tributaires de l’Etat,des décisions qui y sont prises et notamment enmatière d’immigration. Les chiffres du COMEDEmontrent qu’en 2000-2001, il y avait 98% de gensrégularisés et aujourd’hui, plus il y a de demandesmoins il y a de personnes régularisées.Concernant l'Aide Médicale Etat (AME), 50% del'activité et des dépenses d'un centre de santécomme le COMEDE est consacré à lever lesobstacles que rencontrent les patients. Vousmettez le doigt sur un problème considérable pourles populations étrangères, mais globalement pourles populations en séjour précaire. La propositionde cotiser pour ces personnes n’est pas réalisable,cependant il existe d’autres solutions. Les 15 ONGde l'observatoire des droits à la santé desétrangers propose qu’une CMU véritablementuniversitaire soit mise en place. Evidemment, cen’est pas une compétence de la ville.

Philippe LefevreLe cadre de Ville Santé OMS n'est pas lié à lasanté communautaire. Il est relié à l’OMS pourque les villes puissent améliorer l'accès à la santé.Nous nous sommes rendus compte que lesproblèmes d’accès aux soins étaient égalementprésents dans nos pays (pas seulement dans lespays en voie de développement), on nous a doncdonné des éléments pour évaluer les besoins etpour ensuite fédérer et se relier à d'autres villes.Par ailleurs, la santé et l'éducation doivent êtrel'affaire de tous. Je suis content que la santédevienne un enjeu politique. On est très en retardpar rapport à d’autres pays, comme le Québec oumême les Etats-unis. J'espère que la santé seraau centre des débats des prochaines élections.Les Verts doivent prendre en compte cesproblèmes de santé car, vous le savez bien, dèsque l’on prend en compte l'environnement, ontouche aux problèmes de la santé.De plus, il faut se donner les moyens d'aider tousles acteurs de la santé, aussi bien lesprofessionnels que les patients. Les honorairesdes médecins coûtent très cher, en francs lemontant s’élève à 500 000. Cependant, on neparle que des honoraires alors que le coût induit(médicaments, arrêts de travail, examens, …) estde 1.5 MF. Il faut donc se concerter et travaillersur ce problème sans le laisser aux seulsprofessionnels de la santé.

Bernard JomierConcernant les questions de santé, notammentliées aux crises de la grippe aviaire, de la canicule

et autres, je pense que le problème est que noussommes dans une société où règne la réactivité etde moins en moins la pro-activité. En effet, j’ail’impression qu’aujourd’hui ce n’est plus tolérablede mourir dans la rue quand on est SDF mais qu’ilest normal d’exclure les gens de leur logement.Evidemment, je schématise mais il est clair queles solutions proposées ne s’appliquent pas sur lescauses mais sur les conséquences.C’est la même pratique qui s’applique pour lacanicule ou la grippe aviaire, on fait des plansd’urgence. C’est seulement à ce moment que l’onva développer des dispositifs d’accès aux soinsnotamment. Certaines municipalités ont mis enplace des maisons médicales de gardes afin defournir des soins la nuit. A Paris, il y a les centresde santé, ils sont vieillots mais peuvent servir. Ilfaut que nous réfléchissions à l’utilité de cescentres. C’est d’autant plus important qu’avecl’augmentation de la population, de nouveauxproblèmes de soins vont apparaître. Nous nepouvons pas agir seulement dans l’urgence, aumoment de crises. Nous provoquons nous-mêmesde plus en plus de pathologies et nousn’intervenons qu’en bout de chaîne, c’est un vraiproblème.Par ailleurs, le problème de la prévention estcompliqué car il est divisé en différents budgets,on estime qu'elle pèse un à deux pour cent dubudget santé en France. C’est une part ridicule.De plus, au-delà de la part de la prévention, lapart des budgets consacrée à aborder les facteursenvironnementaux, dont on sait qu'ils progressentdans la détérioration de l'état de santé, estabsolument dérisoire. Cela rejoint notrethématique car nous savons très bien qu’unenvironnement dégradé va souvent de pair avecdes conditions sociales dégradées. À Paris, lespopulations qui habitent le long du périphériquefont partie des populations les plus défavoriséesde la capitale. Elles souffrent du bruit, de lapollution de proximité avec le périphérique, etc. Ily a donc un lien évidement entre les conditionssociales et les conditions environnementales.Enfin, je voulais préciser que le groupe santé desVerts a travaillé et travaille beaucoup sur lesquestions que vous avez abordées, la questiondes dispositifs spécifiques versus dispositifsgénéraux, la question de l'échelle des territoires.Je tiens à remercier tous les intervenant d’êtrevenus cet après-midi. Vous avez compris quenous avons la volonté de mettre la santé au cœurde notre politique. En effet, elle doit être unthème central d’une politique de solidarité et dejustice sociale. Enfin, merci d’avoir souligné queles cartes ne sont pas seulement entre les mainsdes professionnels mais de tout le monde.

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Conclusion

René DutreyPrésident du groupe les Verts au conseil de Paris

J'ai beaucoup apprécié la qualité des débats et lefait qu’il y ait eu une réelle confrontation avec lesacteurs sociaux, les acteurs associatifs et lesmilitants. Cet échange est vraiment nécessaire,pour les acteurs associatifs d’une part et pour lesélus d’autre part. Les premiers en ont besoincomme soutien à ce qu’ils peuvent vivre tous lesjours sur le terrain et les seconds pour unemeilleure organisation politique, pour serégénérer et confronter leur bilan à la réalitésociale. Bien évidemment, en tant qu’élu notrebilan sera toujours en deçà de la crise que noussubissons aujourd'hui à Paris et sur le territoirenational.Les trois domaines évoqués ce jour, logement,revenus et santé, sont les bases élémentaires etfondatrices à l’épanouissement personnel etprofessionnel de chaque personne. S’épanouirdans la vie, avoir un toit, avoir de quoi subvenir àses besoins, pouvoir se soigner est le minimumnécessaire.La ligne directrice de cette journée a été deconstater que si ces trois domaines sontlaissés dans une simple logique de marchésans intervention publique, nous allons toutdroit vers une catastrophe sociale ethumaine . Ainsi, l’intervention publique estnécessaire, il faut la revendiquer. Ceci vacomplètement à l'envers du rouleau compresseurambiant auquel on peut assister. En effet, onentend de plus en plus, et même de la part desexclus et des plus pauvres (aurait-on réussi à lesmonter les uns contre les autres ?), que « certainsprofitent ». Je l’entends souvent dans mespermanences de mairie d’arrondissement. C’estun mensonge, je ne sais pas où sont les gens quiprofitent, je fais des permanences, je reçoisbeaucoup de monde et je ne les vois pas etpourtant ils devraient venir à la mairie pourdemander plus d’aide. Bien sûr, je ne dis pas qu'iln'y a pas de resquilleurs mais je m’oppose audiscours que nous sert la politique nationale denotre pays. Cette stigmatisation de « tout exclu

est un profiteur potentiel » est à combattre. Cediscours lèse énormément le nôtre, nous avonsdonc la responsabilité d’aller à l’envers de cesystème.Par ailleurs, bien que les politiques prônent leplein emploi comme solution adéquate auxproblèmes de notre société, il est évident pournous que nous n’arriverons jamais à ce pleinemploi. Il y aura toujours une portion de lapopulation qui n'aura pas accès à l’emploi. Ainsi, ilnous faut réfléchir à un revenu différent pour tousqui permette simplement à chacun de subvenir àses besoins.

Enfin, le choix de faire de la mixité sociale étaitune vraie avancée, l’obligation de la loi SRUd’avoir 20% de logements sociaux était une réelleprogression. Seulement, aujourd'hui, la mixitésociale est en train de devenir le premierargument pour chasser les pauvres à tous lesniveaux, chez les bâilleurs sociaux et dans lesnouveaux quartiers où l’on remplace leslogements très sociaux par des catégoriesintermédiaires. Pour résumer, cette mixité socialeest maintenant employée pour « tuer lespauvres ». D’autant plus que les maires s’arrêtentà 20% de logement sociaux alors qu’il en faudrait70% pour satisfaire les populations concernées.Pour revenir à Paris, les Verts ont un bilan positifdans les différents domaines où ils ont travaillémais ce bilan n'est pas à la hauteur de la crisesociale qui sévit aujourd'hui à Paris et dans lasociété. Je pense qu'il y a deux types d'élus. D’uncôté, les élus gestionnaires qui adoptent latechnique de « l'emmerdement minimum » pourrester le plus longtemps au pouvoir. De l’autrecôté, les élus qui acceptent de gérer mais qui nese satisferont jamais du monde dans lequel ilsvivent. Ainsi, je crois que des journées commecelles d’aujourd'hui permettent aux Verts derester absolument ancrés dans cette deuxièmecatégorie.

Dan LertMembre du SE, délégué aux acteurs sociaux

Je remercie toute l'équipe qui a permis le bondéroulement de ce forum : le comité depréparation, les modérateurs et modératrices, lespersonnes qui se sont occupées du son, celles qui

se sont occupées du café ce matin et celles quiont préparé ces débats tout au long de l'été.

Merci à vous.

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ANNEXES