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Actes du colloque « Prévenir les violences faites aux femmes, une action collective dans le pays aiglon » Lundi 16 mai 2011

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Actes du colloque

« Prévenir les violences faites aux femmes,une action collective dans le pays aiglon »

Lundi 16 mai 2011

SOMMAIRE.

La justice et la violence conjugale, Madame Carole ETIENNE, Procureur de la Républiqueprès du Tribunal de grande Instance d'Alençon

Monde hospitalier, quel accueil et quel rôle pour les urgences? Docteur AbderrahmanBENMOUFFOK, chef du service des urgences du centre hospitalier de L’AIGLE et MadameFrancine LENOURY, cadre socio-éducatif au centre hospitalier de L’AIGLE

L’intervention du service social départemental, quelles actions? Madame Marie-HélèneCHRETIEN, chef de service par intérim de la coordination des circonscriptions d’actionsociale du conseil général de l’Orne, Madame Virginie MARIETTE, référente socialeGendarmerie de la circonscription d’action sociale de Mortagne-au-Perche

Enfants témoins de violences, quels impacts? Madame Anne-Laure FOUQUERET,psychologue clinicienne au centre médico-psychologique Enfants/Adolescents de L’Aigle

Violences, quels mécanismes? Madame Catherine ELBAZDirectrice du Centre d'hébergement et de Réinsertion Sociale «La Clarté» à Alençon

Violences conjugales, quelles prises en charge sur le territoire? Association de ContrôleJudiciaire et de Médiation (ACJM), Association de Réinsertion Sociale des Adultes (ARSA),Centres d'Hébergement et de Réinsertion Sociale «Aurore»

Conclusions

La justice et la violence conjugale

Madame Carole ETIENNE,

Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance d'Alençon

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais d’abord vous remercier de vous être déplacés d’assez loin parfois pour honorer de

votre présence ce colloque.

Mes remerciements s’adressent également et tout particulièrement à M. le Maire de L’Aigle

qui nous accueille dans ses locaux.

Je suis heureuse d’ouvrir cette semaine de prévention des violences faites aux femmes et de

vous voir si nombreux car la lutte contre les violences faites aux femmes nécessite d’être tous

unis en vue d’une action commune.

Je regrette que M. le sous-préfet de Mortagne-au-Perche qui en est le maître d’œuvre ne puisse

être présent à mes côtés et formule à son égard des vœux personnels de prompt rétablissement.

Le combat contre les violences faites aux femmes concerne toute la société et ce combat passe

par une prise de conscience collective par qu’il faut que les esprits changent.

Les violences faites aux femmes se manifestent dans l’intimité, à l’écart des regards et la

douleur qu’elles provoquent est difficile à partager parce que le silence est souvent de

circonstance, pour préserver le couple, les enfants, le «bien-être» de la famille, les ressources

financières, … il faut éviter de se retrouver seule, peut-être à la rue, sans travail.

C’est pourquoi il faut redoubler d’efforts pour débusquer cette violence lâche qui se manifeste

à huis clos, soigneusement confinée, pour empêcher ce que je qualifierais les «atteintes de

l’ombre», celles qui ne troublent pas l’ordre public visible mais qui brisent les cœurs et les

âmes et portent atteinte à la dignité humaine.

La violence conjugale est un sujet encore tabou, c’est pourquoi il nous faut délier les langues,

sensibiliser tous les acteurs, les victimes et les agresseurs potentiels …

La violence conjugale n’est pas un épiphénomène qui se limite à de la violence physique

occasionnelle sans conséquence … Sans en arriver aux situations extrêmes, la violence peut

prendre différentes formes banalisées et touche beaucoup de femmes et dans toutes les classes

sociales aussi bien dans les zones citadines que dans les zones rurales.

La violence physique passe par la bousculade, l’empoignade, la gifle, les coups portés à main

nue ou avec une arme, le meurtre, elle produit différentes formes de troubles physiques,

hématomes, contusions, ecchymoses, fractures, elle est accompagnée d’injures, de menaces …

Il y a également la violence sexuelle.

Il y a aussi la violence psychologique qui est définie «par des actes répétés, qui peuvent être

constitués de paroles et/ou d’autres agissement, d’une dégradation des conditions de vue

entraînant une altération de la santé physique ou mentale».

Se pose bien sûr le problème de la preuve qui peut être constituée de documents électroniques

(message sur répondeur, vidéos, sms, e-mails) même si la preuve la plus probante reste le

certificat médical. C’est en effet le premier élément probatoire objectif.

J’en profite, dès maintenant, pour battre en brèche certaines idées préconçues:

Toute personne peut révéler des faits dont elle s’estime victime, dans avoir à rapporter la

preuve, ni de la plausibilité de ses dires, ni de ce que les faits dénoncés sont constitutifs d’une

infraction pénale ; il appartient au parquet, et non à la victime, de qualifier les faits au vu de la

procédure établie et si la remise d’un certificat médical au service enquêter au moment du

dépôt de la plainte constitue un point de départ utile aux investigations, cela n’est ne aucun cas

un préalable juridiquement nécessaire à la dénonciation des violences.

Le mis en cause peut être poursuivi par le parquet même en l’absence de plainte de la victime

ou même en cas de retrait de la plainte.

Toute personne peut révéler des faits, quelle que soit leur nature, la date et le lieu de leur

commission, auprès de tout parquet ou de tout service enquêteur.

Notre arsenal législatif a été complété progressivement et nous pouvons évoquer brièvement

quelques étapes importantes:

En 1990, la cour de cassation reconnaît le viol entre époux.

En 1994, le code pénal reconnaît comme circonstances aggravantes les violences commises par

le conjoint ou un concubin.

En 2004, la loi du 26 mai a donné au juge aux affaires familiales la possibilité d’attribuer la

jouissance du domicile conjugale au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences lorsque

celles-ci mettent en danger son conjoint ou les enfants. Il peut ainsi statuer en dehors de toute

procédure de séparation, toutefois la mesure d’éviction devient caduque si, à l’expiration d’un

délai de 4 mois à compter de son prononcé, aucune requête en divorce ou séparation de corps

n’a été déposée.

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive a introduit les mesures

d’éloignement du conjoint, concubin ou partenaire d’un PACS auteur de violences.

Elle a été complétée par la loi du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des

violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, introduit une aggravation des

peines encourues «pour un crime ou un délit lorsque l’infraction est commise par le conjoint, le

concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité mais également

lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié

à la victime par un pacte civil de solidarité; dès lors que l’infraction est commise en raison des

relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime» (art. 132-80 du code pénal).

Il faut aussi évoquer l'ajout par la loi du 4 avril 2006 de la mention du respect comme premier

devoir réciproque que se doivent les époux.

Cette même loi a consacré la jurisprudence de la cour de cassation sur le viol entre époux.

En 2007, la loin du 5 mars relative à la prévention de la délinquance a étendu le suivi socio-

judiciaire aux crimes et délits commis par le conjoint, le pacsé ou le concubin, l'ancien

conjoint, concubin ou pacsé. En 2010, le délit de violences psychologiques, admis par la

jurisprudence, a été consacré par le législateur. Il permet de prendre en compte les situations

les plus sournoises, les situations qui ne laissent pas de traces...

Sur le plan civil, la loi du 9 juillet 2010 a instauré une ordonnance de protection qui relève de

la compétence du juge aux affaires familiales et qui a pour objet d'assurer la protection de la

victime de violences au sein du couple ou d'un couple séparé et, le cas échéant, d'organiser les

relations matérielles et les relations avec les enfants après la séparation du couple.

Elle peut être prononcée avant la requête en divorce et les mesures d'interdiction d'entrer en

contact, d'interdiction de détenir une arme, d'autorisation de dissimuler son adresse durent

jusqu'au terme de la procédure de divorce à moins que le juge en décide autrement.

Il faut avoir à l'esprit que le traitement de ce type de délinquance ne peut être monolithique

parce que les violences au sein du couple répondent à une logique particulièrement complexe

et spécifique qui interdit toute automaticité de la réponse pénale.

Cela étant, la problématique spécifique des violences faites aux femmes s'attache à mettre en

œuvre des dispositifs de réponse pénale systématique envers les auteurs et de prises en charge

des victimes.

Trois procédures dites en temps réel sont privilégiées (une comparution immédiate peut être

décidée s'il s'agit de récidivistes, de violences graves ou habituelles, mais la plupart du temps,

les faits de violence conjugale justifient qu'un déferrement soit ordonné dans le cadre d'une

convocation par procès verbal avec contrôle judiciaire.

A cet égard, le parquet d'Alençon mène une politique d'éviction du domicile des auteurs de

violences conjugales, sauf, bien sûr, dans les cas extrêmes où la protection de la victime

implique qu'elle ne puisse pas être localisée par l’auteur des violences. Une convention a été

signée avec l'ARSA, association de réinsertion sociale des adultes, avec une prise en charge

immédiate du conjoint violent, l'instauration d'un contrôle judiciaire et d'une obligation de

soin.

L'éviction du conjoint violent hors du foyer familial constitue une étape décisive tant pour la

victime que pour l’auteur hébergé qui bénéficie d'une prise en charge psychologique, d'un

accompagnement social et, le cas échéant, sanitaire pour lutter contre d'éventuelles addictions.

Cette prise en charge est financée conjointement par la délégation départementale aux droits

des femmes et à l’égalité et le Fonds Interministériels de Prévention de la Délinquance.

Alors, je le redis, si la victime apparaît en situations de danger, sa mise à l'abri doit être

immédiatement organisée en lui trouvant un hébergement qui devra aussi permettre l'accueil

des enfants.

Il reste la convocation par officier de police judiciaire qui est délivré au mis en cause le

sommant de comparaître devant le tribunal correctionnel à une date ultérieure (ou encore d'une

convocation aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, procédure

qui repose sur la reconnaissance des faits par l’auteur et l'acceptation de la sanction proposée.

Le recours à la médiation qui est une alternative aux poursuites peut intervenir avec l'accord de

la victime lorsqu'elle n'est pas sous emprise et pour des actes de «faible gravité» qui relèvent

d'un dysfonctionnement relationnel lorsqu'une séparation n'est pas envisagée. Elle est dans ce

ressort confiée à l'ACJM.

Dans tous les cas, les procédures sont traitées en temps réel et les officiers de police judiciaire

se voient régulièrement rappeler que la nature même de ce type de faits rend nécessaire un

traitement systématique de ce contentieux dans le cadre de la permanence du parquet.

Une brigade de protection des familles est en place et opérationnelle qui repose sur vingt-trois

militaires du département «référents violences intra-familiales» dont six possèdent, au regard

de leur expérience, un statut de «référent expert».

Une convention relative à la mise à disposition d'un travailleur social par le conseil général de

l'orne au profit du groupement de gendarmerie départementale a également été établie entre le

conseil général, le préfet, la gendarmerie et le parquet d'Alençon.

Les missions de ce travailleur social, mis en place au sein de la compagnie de gendarmerie du

secteur du département le plus concerné par ce type de violences, consistent en l'accueil des

victimes ou des personnes en détresse sociale repérées lors d'une intervention ou à l'occasion

du service de la gendarmerie.

Dans tous les cas, les victimes sont dirigées vers l’association d'aide aux victimes parce que

nous savons que dénoncer des faits, condamner leur auteur, mettre à l'abri des enfants, obtenir

réparation à travers une indemnisation ne suffisent pas si ces mesures ne s'accompagnent pas

d'une prise en charge adaptée de la victime en favorisant notamment son insertion

professionnelle permettant d'accéder à l'autonomie par le logement et le travail, à

l'indépendance et donc à un choix de vie.

Améliorer le repérage des victimes: des lacunes subsistent dans le repérage des femmes

victimes de violences même s'il faut tenir compte du fait que cette violence n'est pas toujours

verbalisée, par espoir de modifier le comportement du conjoint, par crainte de briser l'unité

familiale, par honte en raison d'un processus de culpabilisation souvent opéré par l’auteur des

violences ou par ignorance de sa capacité à entreprendre les démarches nécessaires.

Le médecin est souvent le premier tiers extérieur au cercle familial qui va être informé des faits

ou qui va être en mesure de les suspecter de par l'exercice même de son métier.

A cet égard, les médecins doivent être sensibilisés à la rédaction et à la délivrance de certificats

médicaux pour une bonne prise en charge judiciaire ultérieure.

De plus, la loi du 5 mars 2007 a élargi les conditions de levée du secret médical; auparavant,

l'article 26-14-2° du code pénal disposait que le médecin, hormis pour les mineurs ne pouvait

porter à la connaissance du procureur de la République les violences constatées, sans l'accord

de la victime. Cette disposition a été modifiée pour élargir la procédure de signalement ans

accord préalable à « une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge

ou de son incapacité physique ou psychique » ce qui en pratique permet au médecin de signale

les sévices, privation ou violences physiques, sexuelles ou psychique commises sur la femme

en situation de vulnérabilité.

Améliorer leur prise en charge: information, aide et soutien en tenant compte du fait que la

victime se heurte à plusieurs difficultés:

➢ sa position de victimes: soin, aide psychologique, choix d'un avocat,

suivi de la procédure judiciaire

➢ l'avenir de son couple:entamer ou non une procédure de divorce

➢ la situation des enfants

➢ des considérations matérielles de première nécessité.

Je ne voudrais pas monopoliser la parole et vous laisse éventuellement la possibilité de réagir

ou de poser des questions ou bien, sans plus tarder, laisser la parole au docteur

BENMOUFFOK.

Je vous remercie de votre attention.

Monde hospitalier,

quel accueil et quel rôle pour les urgences ?

Docteur Abderrahman BENMOUFFOK, chef du service des urgences du centre hospitalier

de L’AIGLE

Madame Francine LENOURY, cadre socio-éducatif au centre hospitalier de L’AIGLE

1°) La prise en charge des violences par le service social hospitalier

L’équipe du service social hospitalier est composée de 3 assistantes sociales d’une secrétaire à

mi-temps et d’un cadre socio-éducatif. Les problématiques de violences faites aux femmes se

rencontrent dans presque tous les cas aux urgences et au pôle femme mère-enfant. En 2010

nous observons à travers notre bilan d’activité une augmentation de ces problématiques de

violences conjugales détectées.

Le fonctionnement aux urgences.

L’assistante sociale, affectée au service des urgences et à la PASS (permanence d’accès aux

droits et aux soins) est interpellée par l’équipe médicale par le biais d’une fiche de liaison qui

lui signale la situation. En même temps, si elle n’est pas dans le service, elle est jointe par

téléphone.

Dans un premier temps il y a échange avec l’urgentiste et les soignants présents. Les éléments

médicaux observés et diagnostiqués sont retransmis ainsi que les informations données par la

victime ou la personne qui l’accompagne.

A partir de ces données médicales, l’assistante sociale va rencontrer la femme dans une attitude

accueillante et compréhensive en ne remettant pas en doute ses paroles.

L’arrivée aux urgences est signe d’une situation de crise où la femme a besoin de soins et que

l’on prenne soin d’elle, démarche qu’il sera utile de valoriser. Prenant son récit au sérieux,

l’assistante sociale va entreprendre tout ce qui lui est possible pour lui porter assistance selon

là où elle en est par rapport à la situation de violence subie. En effet, l’entretien mené sans

jugement et dans un climat de sécurité va chercher à identifier où en est la victime dans sa

relation avec son partenaire (déni, culpabilité, honte, prise de conscience de la violence,

demande d’aide), afin de définir la demande de la personne et d’évaluer avec elle vers qu’elle

chemin elle peut aller: rester au domicile, se mettre à l’abri chez des proches, aller dans une

structure d’accueil d’urgence.

Lors de l’entretien l’assistante sociale devra situer son cadre d’intervention, et son

accompagnement sera sous tendu par son évaluation d’un besoin de protection de la victime et

de ses enfants.

Le rôle et l’action de l’assistante sociale en milieu hospitalier.

Notre intervention dans le cadre des urgences se réalise sur un laps de temps court, durant

lequel il faut à la fois écouter, informer, orienter et évaluer.

ECOUTER.

D’abord écouter et aider la victime à revaloriser son image pour l’aider à reprendre un peu

confiance en elle en favorisant sa prise de parole, en mettant en exergue les aspects positifs de

sa vie, en confortant ses qualités pour lui donner la force de se protéger, en rappelant

l’importance de prendre soins d’elle et de son corps (rappel de l’interdit de toute violence), et

en l’encourageant à reformer des liens familiaux souvent rompus pour casser son isolement

dans lequel elle est enfermée.

INFORMER.

Les domaines sont larges:

• les droits sociaux (sécurité sociale, allocations familiales, aides financières ou matérielles,

aide juridictionnelle….Il s’agit là de donner des informations très concrètes pour que la

victime puisse envisager une réorganisation possible de sa vie),

• le logement: évaluer si elle peut rentrer au domicile conjugal ou doit être accompagnée pour

trouver un logement temporaire, familial ou pérenne, en s’inquiétant de savoir si une mesure

d’éloignement de l’agresseur du domicile a été prise.

• les procédures civiles et/ou pénales à mettre en place et leurs conséquences judiciaires. Dans

ce cadre on peut aider, voire accompagner physiquement la victime pour qu’elle porte plainte à

la gendarmerie en même temps qu’on apporte des informations sur le rôle du JAF, d’un

avocat…

ORIENTER.

Avec l’adhésion de la personne et selon la situation, nous accomplissons un important travail

de relais avec les partenaires extérieurs pour orienter la victime vers les services compétents et

spécialisés comme le prévoit la circulaire du 19 avril 2006: le service social du conseil général,

le CIDFF, l’ACJM, un centre d’accueil et d’hébergement pour une mise à l’abri.

EVALUER.

Si notre travail se centre tout principalement sur la situation de la femme victime de violence,

il faut aussi de prendre en compte la situation des enfants s’il y en a et identifier s’ils sont aussi

victimes de violence ou si la violence risque de compromettre leur bien-être, leur santé ou leurs

conditions d’éducation. Au vue des éléments recueillis il pourra être nécessaire de faire une

note préoccupante au Conseil Général dans le cadre de la protection de l’enfance.

L’assistante sociale au cours de son aide apportée à la victime travaille en complémentarité

avec l’urgentiste et l’équipe médicale en informant du positionnement de la victime et de

l’évolution de la situation en précisant les relais passés pour permettre la sortie de la personne

dans les meilleures conditions possible de sécurité.

2°) La prise en charge des violences par le pôle femme-mère-enfant

Le pôle femme-mère-enfant de l’hôpital, dont le Dr LESEIGNEUR est chef de service, reçoit

environ 12 000 femmes en consultation et réalise environ 540 accouchements par an. Ce pôle a

également une mission d’accueil des urgences gynécologiques et obstétricales. Par rapport à la

question qui nous occupe aujourd’hui ce pôle rempli plusieurs missions et rôles.

L’examen gynécologique sur réquisition de la gendarmerie.

Lorsqu’une femme vient déposer plainte à la gendarmerie pour violences sexuelles, les

gendarmes après sa déposition procèdent à une réquisition auprès d’un gynécologue du service

pour qu’il effectue les examens et les prélèvements nécessaires. Le gynécologue établit alors

un rapport remis directement aux gendarmes ainsi que les prélèvements effectués qui seront

analysés par le service requis. Ces pièces feront parties du dossier de l’enquête.

Une victime peut aussi d’elle-même demander une consultation et réclamer un certificat

médical qui lui sera remis. L’accueil de la victime se fait donc au pôle femme mère enfant avec

respect et discrétion.

Dépistage au cours du suivi gynécologique et/ou au cours des suivis de

grossesse et au cours d’une hospitalisation.

Dans le pôle, il est très rare que des femmes confient d’elles-mêmes des problèmes de

violences conjugales même si on sait statistiquement qu’une grossesse peut favoriser des

conduites de violences conjugales. Cependant, le gynécologue comme l’équipe de sage-femme

peuvent dépister ou suspecter, en particulier lors du suivi obstétrical et de la consultation du

4éme mois de grossesse, des violences conjugales qui sont tenues sous silence par les femmes.

Certains indicateurs alertent, par exemple : consultations à répétition sans motif purement

médical, plaintes vagues sans origine manifeste, des marques inexpliquées, entretien confus, de

la tristesse… Des questions sont alors posées à la femme et selon l’évaluation des praticiens, la

situation est signalée à l’équipe pluridisciplinaire : équipe soignante, psychologue et assistante

sociale sage-femme PMI pour aider la femme à se protéger. Si la femme dévoile la violence

subie, l’accompagnement médical et social se mettront en place comme aux urgences mais au

plus long court s’il s’agit d’une grossesse.

L’hospitalisation dans le cadre d’«hébergement d’urgence»

Il s’agit le plus souvent d’une femme victime de violences conjugales en cours de grossesse, le

temps que l’accompagnement se mette en place avec les orientations adaptées.

Prévention et mise en œuvre d’accompagnement pluripartenarial dans un

travail anténatal sur la parentalité.

Quand des situations à risque psychosocial et/ou de maltraitance sont identifiées dans le pôle

ou par les partenaires extérieurs, elles sont évoquées au cours des réunions bimensuelles qui

ont lieu dans le pôle où sont présentes des sages-femmes et puéricultrices du service et les

partenaires de la petite enfance : psychologue du CAMPS, puéricultrice médecin de PMI,

assistante sociale. Alors est déclenché un projet d’accompagnement multipartenarial.

Les IVG.

Le motif est trop souvent imposé par le partenaire masculin, et ou après l’intervention des

femmes restent avec une importante détresse.

Les problématiques de violences faites aux femmes nous demandent un important travail en

complémentarité, à la fois à l’intérieur de nos services hospitaliers et avec nos partenaires

extérieurs et c’est de cette exigence que nous pouvons parvenir à mettre la situation de

violence ou de risque de violence à distance.

L’intervention du service social départemental,

quelles actions ?

Madame Marie-Hélène CHRETIEN, chef de service par intérim de la coordination des

circonscriptions d’action sociale du conseil général de l’Orne,

Madame Virginie MARIETTE, référente sociale Gendarmerie de la circonscription d’action

sociale de Mortagne-au-Perche

Les circonscriptions d’action sociale dépendent du pôle sanitaire social du Conseil général de

l’Orne. Elles sont au nombre de 4 (Alençon, Argentan, Flers et Mortagne-au-Perche) et sont

chargées de mettre en place la politique d’action sociale du Conseil général, dans les domaines

de compétence qui lui sont dévolus:

-l’accès aux droits de l’ensemble de la population du territoire;

-la lutte contre l’exclusion et l’insertion sociale et professionnelle de publics en

difficultés;

-la prévention et la protection de l’enfance;

-la politique d’accompagnement des personnes âgées.

Pour mettre en place l’ensemble de ces politiques, le personnel de la circonscription de

Mortagne intervient sur l’est du département, des cantons de la Ferté-Fresnel au Theil-sur-

Huisne, auprès d’une population d’environ 80 000 habitants.

Ces agents sont essentiellement des assistantes de service social (polyvalentes de secteur et

référentes RSA), des travailleurs sociaux «mission enfance» (8 éducateurs ou assistantes

sociales), des conseillers en économie sociale et familiale (mission logement et personnes

âgées), des psychologues, puéricultrices, médecin de PMI, sage femme et secrétaires.

Concernant plus particulièrement la prévention et l’accompagnement des femmes victimes de

violences, nous les rencontrons plus particulièrement dans notre mission d’accès aux droits ou

de prévention d’enfance en danger, mais aussi dans le cadre de l’ensemble de nos missions,

entre autre l’insertion et l’accompagnement des personnes âgées. L’une des difficultés qui se

présente pour apporter l’aide nécessaire réside principalement dans le repérage des victimes et

dans l’information des accompagnements que nous pouvons réaliser.

Aussi, nous avons engagé, avec les services de l’Etat et la Gendarmerie Nationale une

réflexion qui a aboutit en 2010 à la mise en place d’un référent gendarmerie sur le secteur de

Mortagne-L’Aigle.

En effet, plusieurs constats ont contribué à envisager cette expérience:

-le niveau de la violence intra familiale élevé sur la circonscription de Mortagne;

-des délais de transmission des informations préoccupantes repérée par la

gendarmerie qui pouvaient faire l’objet d’une intervention sociale,

-des difficultés à coordonner les accompagnements après le dépôt de plainte.

Depuis avril 2010, Mme Mariette intervient donc à mi-temps auprès des brigades de

gendarmerie de l’arrondissement, en ciblant plus particulièrement ses interventions sur le

secteur aiglons et mortagnais. Au niveau régional, une expérience similaire est mise en place.

Mme Mariette va donc vous présenter ses missions, ses méthodes d’intervention et les constats

posés depuis la mise en place de cette expérimentation.

Elle est accompagnée de Mme Samaha, qui intervient plus particulièrement auprès de

bénéficiaires du RSA et peut être amenée à accompagner des femmes et des familles

confrontées aux violences intrafamiliales

1°) La référente sociale gendarmerie

La référente sociale est rattachée au service social de la circonscription de Mortagne et est à

disposition des gendarmeries pour les situations à caractère social et notamment les violences

conjugales.

Dans un travail de proximité avec les gendarmes, elle a un rôle d’interface avec les partenaires

locaux. Elle apporte un soutien, une aide, une orientation aux personnes qui se présentent à la

gendarmerie qu’il y ait eu ou pas dépôt de plainte.

La violence conjugale touche tous les groupes sociaux et le poste de référent social permet

d’apporter un lieu d’écoute pour des personnes qui n’osaient pas faire la démarche vers le

service social.

Sur 9 mois d’activité: environ 60 situations ont pu être prise en charge dont 70% concernent

des situations de violences conjugales et dont la moitié des situations n’étaient pas connues par

le service social.

La référente sociale n’a pas vocation à accompagner les femmes sur le long terme mais évaluer

les besoins et orienter vers les services adaptés.

L’entretien va permettre d’évaluer à quelle phase en est la victime face aux violences, quel est

son projet et quels sont les dispositifs à proposer.

Les différentes phases constatées lors de la rencontre.

� Malgré l’intervention de la gendarmerie, la femme peut être dans le déni face aux violences.

Elle ne se reconnaît pas en tant que victime ou elle banalise les faits, elle peut chercher à

expliquer le geste de son conjoint «il a des soucis au travail»….

Elle peut se rendre responsable de la violence «c’est de ma faute…»

Dans l’échange, on va chercher à questionner la relation de couple, le fonctionnement: les

décisions dans le couple sont-elles prises en commun? A-t-elle déjà subit des humiliations en

public, privé devant les enfants, subit-elle des insultes, des mots blessants? A-t-elle accès aux

ressources du ménage, a-t-elle un compte? Quelle est la fréquence des violences, la durée dans

la relation? La présence des enfants au moment des violences, le comportement de l’enfant?

Madame a-t-elle un environnement social et familial? Existe-t-il un lieu d’accueil refuge en

cas d’urgence… (amis ou famille)?

Il est important de pointer que rien ne justifie la violence sous n’importe quelle forme:

physique, psychologique, économique ou sexuelle.

� La femme peut aussi se sentir coupable ou avoir honte.

Suite au dépôt de plainte et aux suites judiciaires, la femme peut se sentir coupable.

L’entourage peut aussi être culpabilisant «on a du mal à imaginer qu’il puisse faire ça»..

Il est important de valoriser sa démarche, de rappeler que la loi interdit et condamne les

violences

� La femme peut se reconnaître victime mais espère changer, «sauver» son mari.

Il faut essayer de comprendre quelles sont ses attentes, ses besoins, si Monsieur est dans une

démarches de soins, quelles aide apporter au couple pour qu’il trouve un autre mode de

communication…

On peut proposer une médiation, du conseil conjugal.

� On peut être face à une femme qui a déjà cheminé sur la situation, qui a déjà fait plusieurs

allers-retours, qui se reconnaît victime et demande de l’aide.

Les missions de la référente sociale.

� Ecoute

- Temps où la personne verbalise ses affects, ses ressentis, ses craintes; Elle parle de son vécu,

de son histoire; Elle expose ses questionnements, ses envies, ses besoins…

- Tenir compte de ses sentiments et lui faire savoir qu’elle n’est pas seule.

- Reconnaître l’injustice: personne ne mérite de subir la violence.

- Valoriser et conforter la démarche en gendarmerie, rappeler la loi, sécuriser

- Tenir compte de la place des enfants.

� Evaluation et Orientation

Suite à l’évaluation il est nécessaire de respecter le rythme de la personne, lui permettre

d’exprimer ses attentes, son projet de vie, ses besoins.

D’où l’importante du travail partenarial pour accompagner au mieux la victime vers les

dispositifs ou structures adaptés.

-Aspect juridiques: Conseil juridique vers associations, ou consultation d’avocat

-Hébergement: d’urgence ou temporaire vers CHRS, vers les bailleurs sociaux

-Aspect médical: Médecins, CMP ..

-Accès aux droits: Organismes CAF, CPAM…

L’accompagnement des femmes victimes nécessite du temps, le temps que la femme soit en

capacité de faire les démarches, ou le temps que le couple prenne conscience des difficultés,

qu’ils soient prêts au changement… Rester à l’écoute, donner de l’information sur les

démarches, les droits, donner les numéros nationaux…

Suite à ces rencontres, un relais est fait avec l’assistante sociale de secteur qui poursuivra

l’accompagnement dans la situation et selon les besoins de la famille, qui pourra avec le temps

apporter d’autres propositions d’aide.

2°) L’assistante de secteur.

Au quotidien, les assistantes de secteur travaillent en lien avec notre collègue de la

gendarmerie.

Généralement, nous intervenons en entretien tripartite au sein de la famille afin de prendre le

relais dans l’accompagnement. Il s’agit également d’un moment où l’on rappelle les faits ou les

actes de violence et la possibilité de mettre des mots sur ce qui s’est passé et pourquoi la

gendarmerie est intervenue. Dès lors, l’accompagnement va être différent car le déni de la

violence a été levé et le rappel à la loi a été fait par ma collègue.

Dans le cadre de l’accompagnement du service social, il est nécessaire de faire la distinction

entre le conflit conjugal et la violence conjugale: le conflit conjugal est un désaccord ou un

conflit ponctuel entre deux personnes ayant une relation d’égal à égal, la violence

conjugale est une relation inégalitaire avec un objectif de soumission de l’autre. C’est une

relation d’emprise qui s’exprime par des agressions physiques ou non physiques

(psychologique, verbale, économique ou administrative). La posture est différente s’il s’agit de

violences conjugales ou de conflit.

La posture professionnelle de l’assistante sociale va être d’accueillir, d’écouter, d’éclairer la

victime sur sa situation personnelle et de lui proposer des moyens d’aide et de suivi. Elle va

également l’informer de l’utilité d’un dépôt de plainte ou une main-courante. Il est nécessaire

de comprendre «comment cela se passe» au sein de la famille et du couple plutôt que de

demander pourquoi il y a de la violence afin de permettre à la victime de ne pas culpabiliser

(notion de honte). Il faut créer un rapport de confiance avec la victime afin de favoriser

l’expression d’une difficulté, faire émerger le questionnement et la parole afin de permettre à la

victime de décider ce qui est le meilleur choix pour elle et les siens (quitter ou non le domicile

familial).

Comme pour ma collègue référente sociale, il est très importance de travailler au quotidien en

réseau afin d’aider la victime à retrouver une autonomie et l’amener vers l’extérieur :

orientation psychologique (CMP…), médicale (médecin de famille…), vers le CIDF (Centre

d’Information des Droits de la Femme et des Familles, information juridique faite aux

femmes), voire un centre d’hébergement d’urgence, et bien sûr une autonomie financière par

une inscription à une formation ou un groupe de parole de femmes ou l’ouverture d’un compte

bancaire, par exemple.

La mission première de l’assistante sociale est la protection de l’enfance et l’évaluation du

danger existant ou non à l’égard des enfants au sein de la famille. La capacité à la victime de

protéger ses enfants au quotidien est une constante interrogation, de même que les aides qui

pourront lui être apportées.

Il faut toujours avoir à l’esprit que l’enfant a toujours une place dans ces violences: témoin ou

non de la violence entre ces parents, il est lui aussi victime, parfois même protecteur.

Enfants témoins de violences,

quels impacts?

Madame Anne-Laure FOUQUERET, psychologue clinicienne au centre médico-

psychologique Enfants/Adolescents de L’Aigle

Longtemps mise au second plan dans les situations de violences conjugales, la violence

psychologique est aujourd’hui au centre des préoccupations. Prendre la mesure de la dimension

psychologique de la violence a amené professionnels et politiques à s’intéresser aux impacts et

à la souffrance de l’enfant témoin de ces violences. Ainsi le Conseil économique et social

européen en 2006 recommandait que l’Etat «prenne expressément en charge cette

problématique lorsqu’il développe et met en œuvre son plan d’actions nationales de lutte

contre les violences domestiques», une campagne de prévention a été menée en 2010 et de

nombreux colloques sont organisés actuellement en France (le Canada est précurseur dans ce

domaine cela fait une dizaine d’années).

En 2006 L’UNICEF estimait à 275 millions le nombre d’enfants exposés à la violence

domestique.

Les études varient mais on estime en France que dans 70 à 85% des cas de violences l’enfant y

est exposé, en y assistant, en l’entendant ou en en voyant les conséquences. Même si les

violences ne sont pas dirigées contre l’enfant elles constituent un véritable traumatisme.

Ces constats sont alarmants dans la mesure où l’exposition aux violences va avoir un impact

sur le développement de l’enfant aussi bien sur un plan cognitif, psychologique que

physiologique. Ces répercussions varient selon le degré d’exposition, l’âge et le sexe de

l’enfant. Aussi s’agit-il, d’avoir connaissance de ces conséquences pour pouvoir mettre en

œuvre prévention et soins auprès de ces enfants.

1°) Impact psychologique des violences conjugales sur les enfants qui en sont

témoins.

On estime que dans 50 % des cas, l’enfant ne développe pas de symptômes visibles (pour

éviter à son parent un surcroît de soucis), mais dans tous les cas il souffre et est très fragilisé

par l’angoisse que génère la violence.

Que se passe-t-il pour l’enfant quand il est confronté aux violences?

Etre confronté à des accès violents imprévisibles, génère insécurité et confusion. D’une part, la

crainte que cela se reproduise va entraîner une hypervigilance chez l’enfant. D’autre part, il est

perdu dans ses représentations et ses affects: l’amour peut passer par des coups et des

réconciliations, il ressent des sentiments contradictoires pour ses parents (il aime son père et le

déteste pour ce qu’il fait à sa mère, il est inquiet pour sa mère mais lui en veut de ne rien faire).

L’enfant peut-être utilisé comme bouclier, il est contraint de choisir entre ses deux parents alors

qu’il les aime tous les deux.

D’autre part les parents ne sont pas disponibles pour l’enfant, ce qui met en péril son bon

développement. Il est confronté à un modèle relationnel inadapté. Il a l’impression que

contrôler ses sentiments est impossible. La mère par la fatigue et les sentiments dépressifs est

peu disponible pour l’enfant, il arrive même qu’elle projette sur l’enfant l’image de son

conjoint et ressente de l’agressivité à son égard (ex : « je n’y arrive pas avec lui, il est comme

son père, j’ai peur de ce qu’il va devenir en grandissant ») ou à l’inverse qu’elle attende de lui

qu’il la console et la comble. Il ne peut pas s’appuyer sur ses parents alors qu’ils devraient être

le pilier de son existence. Il n’a pas de modèle valable, il manque de sécurité. Il doit obéir à

quelqu’un qui transgresse la loi sociale pour imposer sa loi personnelle par la violence.

Enfin l’enfant peut se sentir responsable du déclenchement des scènes, soit parce qu’il n’a pas

obéi assez vite, qu’il a contrarié son parents par ses résultats scolaires, une maladresse, … Ce

ne sont que des prétextes aux explosions mais il porte le poids de la faute sur ses épaules et

également une mission de sauvegarde du parent victime. Il est animé du fantasme qu’en son

absence le pire peut arriver (par ex : une jeune fille, dont la mère a été agressée par le père

pendant qu’elle était à l’école, n’arrive plus à se rendre à l’école à la sortie de prison de son

père de crainte que sa mère soit en danger).

L’enfant se pose la question de dire ou ne pas dire : qui le confronte à la question de la loyauté

et aux conséquences pour lui et ses parents.

Ces responsabilités l’empêchent de vivre sa vie d’enfant.

Le temps du départ est aussi un moment de souffrance important pour l’enfant. Même si il a

longtemps attendu cette issue, il y a les conséquences : perte des jouets, des copains, de l’école.

Il y a la vie d’avant et d’après. Parfois ça met plusieurs mois à se mettre en place et il se

demande vers quoi ils vont. L’enfant est en même temps soulagé qu’ils ne soient plus à la

merci du père et angoissé par l’avenir. « Que vont-ils devenir ? », ce questionnement qui n’est

pas de son âge le hante.

Comment cela se manifeste-t-il ?

L’enfant va être touché quel que soit son âge.

Durant la période prénatale et bébé, l’enfant peut entendre les variations sonores et percevoir le

stress de sa mère. Ce qui va avoir des conséquences sur sa capacité d’attachement et sa sécurité

interne.

Quand l’enfant est en âge de comprendre, les répercussions vont être fonction de son niveau de

développement mais sont dans tous les cas préjudiciables. Selon l’âge ce sont les différentes

tâches de développement qui vont être mises en péril (ex: vers 4-6 ans au moment de l’Œdipe

c’est sa construction identitaire sexuée et son choix d’objet d’amour qui est mis en péril, durant

la période de latence (6-12) c’est l’investissement scolaire, à l’adolescence c’est le processus

d’individuation/séparation).

Les répercussions vont se manifester dans tous les domaines de la vie : physiologique, social et

psychologique, elles sont à la fois intériorisées (angoisse, mauvaise estime de soi) et

extériorisées (troubles du comportement, agressivité). On repère des différences selon le sexe

de l’enfant.

Chez le garçon, ce sera plutôt externalisé par l’agressivité, la colère, tandis que chez la fille

c’est plus intérieur elle ressent de la culpabilité et de la honte.

Sur le plan physiologique:

Il peut y avoir des conséquences profondes et durables puis que morphologiques.

En effet, lorsque l’on stresse une hormone le cortisol est sécrétée, l’augmentation répétée de

cette hormone est toxique et peut avoir des incidences sur la construction cérébrale.

Le mal-être de l’enfant va également se manifester par des troubles

psychosomatiques ponctuels ou durables dans le temps : maux de ventre, retard staturo-

pondéral, troubles de l’audition, céphalées, troubles sphinctériens, troubles respiratoires.

Troubles de l’alimentation et du sommeil.

Sur le plan psychologique: répercussions développementales et psychopathologiques

L’enfance étant le temps du développement et de la construction de soi plusieurs domaines de

développement vont être entravés dans leur mise en place.

Les apprentissages tels que le langage et les performances scolaires. L’enfant est en situation

de vigilance et d’angoisse, il a la tête pleine et n’est pas disponible pour investir les tâches

scolaires. Il peut être en difficultés pour demander de l’aide si ses parents sont peu disponibles.

L’enfant peut penser que c’est de sa faute il se pense alors «mauvais» et se met en situation

d’échec. Cela va générer des troubles des apprentissages tels que des troubles de l’attention et

de la concentration ou encore des troubles de la mémoire.

La relation aux autres: il a un modèle inadapté sous les yeux et ne peut acquérir les règles de

socialisation. Les limites sont difficiles à respecter de même que l’autre. Il va ainsi manifester

de la violence de l’agressivité dans la relation aux autres. Il peut agresser ses camarades et

frères et sœurs, justifiant ainsi inconsciemment le parent agresseur «il n’est pas si méchant

puisque je fais la même chose que lui.» En découle des Troubles du comportement ou

isolement, repli sur soi (en effet dans de tels circonstances il lui est difficile d’inviter un ami à

la maison ou de partager ce qu’il vit hors de l’école). A plus long terme, on observe une

perturbation de la capacité à entrer en relation au cours de sa vie adulte ainsi que des

perturbations des relations intimes et un risque accru de vivre également de la violence dans le

couple.

La construction identitaire: mésestime de soi. Les parents constituent des piliers qui permettent

à l’enfant de se construire, il s’identifie autant qu’à sa mère qu’à son père ainsi qu’à la relation

qui existe entre les deux. Si l’un est en position de faiblesse, cette construction identificatoire

est fragilisée et l’enfant aura une mauvaise image de lui-même, il peut également s’identifier

au parent auteur de violence et se penser lui aussi « mauvais » et condamné à le rester.

Il rencontre des difficultés à se repérer dans ses sentiments ce qui peut aller jusqu’ à des

sentiments dissociatifs.

Mais il peut aussi y avoir des troubles réactionnels à l’événement dont l’enfant a été témoin : le

syndrome post-traumatique qui se manifeste par des cauchemars, une anxiété accrue, des

peurs, des reviviscences diurnes ou encore la rumination.

Sur le plan social:

L’enfant rencontre des difficultés à s’insérer dans la société, de par ses troubles du

comportement, ses troubles scolaires et le repli sur soi.

Sans compter le départ qui peut provoquer une rupture totale avec l’environnement. La relation

avec les pairs est difficile, il ne s’entend pas bien avec ses camarades, ils n’est pas aimé des

autres enfants, se fait taquiner, agacer. Il peut aussi se battre, voler, utiliser des mots grossiers.

Il peut y avoir des comportements de délinquance, toxicomanie.

2°) Les facteurs de risque et de protection

Tous les enfants confrontés à la violence conjugale ne présentent pas les mêmes symptômes ni

des troubles aussi massifs les uns que les autres. Comment cela se fait-il ? Les études menées2

dans ce sens ont permis de dégager des facteurs de risque et des facteurs de protection qui vont

pouvoir être des pistes pour le travail.

Le niveau d’exposition de l’enfant.

•N’est pas au courant.

•Entend parler des scènes

•Expérimente les changements de son environnement

•Observe les conséquences de l’agression

•Témoin auditif

•Témoin oculaire

•Participation: l’enfant est instrumentalisé pour passer des messages ou blesser

l’autre

•Victimisation : il attire les fougues sur lui.

•Intervention : l’enfant essaie de protéger sa mère, il est impliqué, partie prenante

•Prénatal : conséquences sur santé mentale des mères

Le degré de sévérité des violences et la chronicité.

Il y a une différence entre être témoin de violence psychologique et voir son père menacer sa

mère avec un couteau par exemple.

L’état psychique des mères et la relation mère/enfant.

Une relation mère-enfant détériorée et/ou une dépression maternelle (femmes qui sont

épuisées, dépourvues d’énergie, elles-mêmes traumatisées par la situation qu’elles ont vécue)

2) Cf. Fortin, A, Trabelsi, M. et Dupuis, F. (2002) Les enfants témoins de violenceconjugale : analyse des facteurs de protection, Document synthèse, Montréal, Centrede liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP).www.clipp.ca.

vont être des facteurs de risque pour l’enfant. Sans compter que ces mères ont des styles

d’attachement fragiles, liés à leur propre histoire de maltraitance.

A l’inverse la bonne santé mentale de la mère, une bonne estime de soi, une certaine capacité à

rester attentive et disponible à l’enfant et à faire la part des choses entre relation conjugale et

maternelle va être un facteur de protection pour l’enfant de même qu’une bonne capacité à

protéger l’enfant.

L’environnement

Plus l’accès au soutien social va être aisé, plus l’enfant sera protégé. A l’inverse, un

environnement fragile va être un facteur de risque (ex: famille peu présente ou des situations

de violence également dans la génération précédente).

Les compétences et défenses de l’enfant

Plus l’enfant se sentira compétent, sera en capacité de trouver de l’aide à l’extérieur et aura une

stratégie d’adaptation le mettant à distance de la violence moins les conséquences seront

importantes.

Plus l’enfant va s’impliquer pour protéger son parent ou intervenir dans la relation parentale

plus il sera mis à mal.

3°) La prévention et le soin

Le processus de sécurisation est le premier temps essentiel dans le travail avec l’enfant.

Toutefois, la prise en charge de l’enfant rencontre des difficultés dans la mesure où lorsque les

enfants se sentent suffisamment en sécurité pour exister, ils vont exister avec les moyens qu’ils

ont et donc ils vont montrer encore plus facilement ou de manière encore plus violente leur

détresse ou leur souffrance. Ce moment est délicat car les mères se demandent ce qu’il se

passe. Elles se demandent pourquoi leurs enfants enfin en sécurité ne vont pas mieux.

Prévention: quelques pistes ouvertes par l’analyse des facteurs de risque

et de protection.

Auprès des mères.

Une action soutenue auprès des mères est tout à fait importante. D’autant plus que décider de

quitter ou ne pas quitter le conjoint n’est pas un processus linéaire, il y a «des rechutes».

La première chose à travailler est nous l’avons vu l’estime de soi.

Il y a une certaine vigilance à avoir quand il y a séparation concernant le droit de garde. La

séparation n’endigue pas la violence du partenaire. La confrontation avec l’ex-partenaire

violent reste difficile pour la mère et donc aussi pour les enfants qui revivent les situations de

tension et d’angoisse. Il peut être judicieux qu’un tiers accompagne l’enfant. Il faut parfois

mieux travailler une parentalité en parallèle et cesser de promulguer à tout prix la médiation

familiale néfaste pour le parent et donc par ricochet pour l’enfant.

Il faut envisager un accompagnement des jeunes parents dès la maternité.

On a également constaté que quand il existe des lieux de parole pour discuter des difficultés

par rapport aux enfants et conjoints, ils sont moins sujets à la violence familiale.

Au niveau de l’environnement.

Dans les centres sociaux ou de loisirs, il est important d’apprendre aux enfants et ados à

réfléchir sur la sexualité, la gestion de leurs émotions, accepter les émotions de l’autre.

Auprès de l’enfant.

Il faudrait pouvoir éviter de répéter la violence à l’école.

Dans le milieu de l’éducation, il s’agit de développer et multiplier les occasions de réussite de

l’enfant.

Prise en charge:

Il s’agit de travailler autour de l’événement traumatique, l’estime de soi, la relation aux autres,

la construction identitaire ou encore l’angoisse. Pour cela avec le psychologue, l’enfant est

invité à mettre des mots sur les événements, la mère aussi pour que chacun puisse comprendre

quelle était la place et le sentiment de l’autre dans la situation et aider la mère à redonner à

l’enfant sa place d’enfant même si cela peut demander un long moment. Le travail sera axé sur

les limites, le respect des règles, les façons légitimes de s’affirmer et la maîtrise de soi.

Un travail de groupe avec une médiation peut être intéressant pour revaloriser l’enfant et lui

permettre de s’essayer à des relations avec ses pairs dans un petit groupe avec l’attention et la

bienveillance d’adultes.

Pour conclure, de même que lorsque l’enfant est témoin de violences conjugales c’est

l’ensemble de son développement qui est affecté à court, moyen et long terme, de même soin et

prévention doivent s’attacher à ses différents champs affectifs et de compétences et toucher les

différents «lieux» où il grandit, ainsi que ses parents et éducateurs. Il s’agit que justice, social,

soin et éducation aille dans le même sens. Puisqu’un enfant seul, ça n’existe pas.

Bibliographie

Cote, I., Vezina, J.F., Dallaire, L., (2011), Tempête dans la famille, La violence conjugale et

l’enfant. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine.

Da Silva, J. (2007), Enfants : témoins ou victimes de la violence conjugale ?. Fos-sur-Mer :

Mémoires de plume.

Sadlier, K. (2010), L'enfant face à la violence dans le couple. Paris: Dunod.

Violences, quels mécanismes?

Madame Catherine ELBAZ

Directrice du Centre d'Hébergment et de Réinsertion Sociale «La Clarté» à Alençon

La violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec.

Jean Paul Sartre

Imaginez une marmite remplie d'eau froide, dans laquelle nage tranquillement une grenouille.

Le feu est allumé sous la marmite. L'eau se chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La

grenouille trouve cela plutôt agréable et continue de nager. La température commence à

grimper. L'eau est chaude. C'est un peu plus que n'apprécie la grenouille ; ça la fatigue un peu,

mais elle ne s'affole pas pour autant. L'eau est maintenant vraiment chaude. La grenouille

commence à trouver cela désagréable, mais elle est aussi affaiblie, alors elle supporte et ne fait

rien. La température de l'eau va ainsi monter jusqu'au moment où la grenouille va tout

simplement finir par cuire et mourir, sans jamais s'être extraite de la marmite.

Plongée dans une marmite à 50°, la grenouille donnerait immédiatement un coup de pattes

salutaire et se retrouverait dehors.

Cette expérience (que je ne recommande pas) est riche d'enseignements. Elle montre que

lorsqu'un changement négatif s'effectue de manière suffisamment lente, il échappe à la

conscience et ne suscite la plupart du temps pas de réaction, pas d'opposition, pas de révolte.

1°) Définir les violences conjugales.

L’Organisation Mondiale de la Santé définit la violence faite aux femmes comme « tout acte de

violence dirigé contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice

ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes,

la contrainte ou la privation de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. »3

Mais définir les violences faites aux femmes n’est pas suffisant. Il faut également de distinguer

conflit conjugal et violence conjugale. Ainsi, le conflit implique interaction, débat. Il est à

même d’entraîner une négociation et de faire évoluer les points de vue. La violence conjugale,

3: Déclaration de l’ONU sur l’élimination de la violence contre les femmes-novembre 1993.

par contre, est un processus de domination au cours duquel l’un des deux conjoints installe et

exerce une emprise sur l’autre en usant de tromperie, de séduction, de menaces, de contraintes

ou tout autre moyen à l’encontre de toute femme et ayant pour but et pour effet: de l’intimider,

de la punir, de l’humilier, de la maintenir dans des rôles stéréotypes liés à son sexe, d’ébranler

sa sécurité personnelle, sa personnalité.

La violence peut prendre des formes multiples. Elle peut être verbale (insultes, chantage,

menaces ...), psychologique (comportement ou propos méprisants, dénigrants humiliations,

contrôle de l’emploi du temps, suspicion…). Elle est bien sûr physique (coups, directs ou par

projection d’objets, ou par projection de la personne sur le sol, contre un mur….), elle est aussi

sexuelle (rapports sexuels forcés, imposition de pratiques ou de postures vécues comme

humiliantes, prostitution, mutilations sexuelles) ou économique (contrôle de l’argent, exigence

d’explications pour la moindre dépense, la personne n’a pas la libre disposition de son salaire,

doit rapporter la monnaie quand elle fait des courses…)

2°) Le cycle de la violence conjugale

La violence s’installe le plus souvent en plusieurs phases et conduit à un cycle qui débute par

la montée de la violence. Au début, il y a agression psychologique: ce qu’est la femme est

dénigrer, dévaloriser. Elle subit des violences verbales, injures, railleries, ….

Puis vient l’explosion de la violence, avec les violences physiques et la perte de contrôle. La

victime est terrorisée et impuissante.

Enfin, il y a la période de rémission, au cours de laquelle l’homme essaie de se

déresponsabiliser et culpabilise la femme. Se déroule alors une période qui peut être qualifiée

de lune de miel, durant laquelle l’homme jure qu’il ne recommencera pas. La femme est alors

entrée dans la spirale de la violence, avec des crises plus ou moins fréquentes, plus ou moins

violentes.

La violence s'installe progressivement, voire de façon insidieuse. Au début, ce sont les

remarques vexantes, les cris, les insultes. Les faits de violence ne sont pas toujours repérés à ce

stade. Puis il y a une aggravation progressive : les coups apparaissent jusqu'à aboutir parfois à

la mort par homicide ou suicide.

3°) Les facteurs favorisants

Si la violence touche tous les milieux socio-économiques, quel que soit le statut social, l’âge,

le niveau scolaire, la profession, la religion …, il existe certains facteurs «favorisants», le passé

de violence (personnel ou familial) de l'agresseur, la consommation d’alcool (désinhibiteur) ou

de drogues, la grossesse, qui met la femme en situation de vulnérabilité et l’instabilité

professionnelle du conjoint.

4°) La violence en chiffres.

Selon l’Enquête Nationale sur les Violences envers les Femmes en France (Enveff):

– 10 % des femmes interrogées ont été victimes de violences conjugales (physiques, sexuelles,

verbales, psychologiques) dans les 12 mois précédents. 6.7 % estime que ces violences ont

atteint un niveau « grave » , 2.7 % qu’elles vivaient un « enfer conjugal »

– 10 % des femmes avaient subi une agression sexuelle, 20 % ont été victimes de violences

dans l'espace public, 20 % ont eu à affronter des pressions psychologiques sur leur lieu de

travail

– 1,1 % des femmes interrogées, âgées de 20 à 24 ans, ont subi au moins une tentative de viol

ou un viol au cours des 12 derniers mois

– 13,7 % des femmes interrogées, en situation de chômage ou allocataire de minima sociaux,

ont subi des actes de violence conjugale au cours des 12 derniers mois

– 18 % des femmes interrogées ont été victimes d'agressions physiques au cours de leur vie

adulte (depuis l'âge de 18 ans).

– Une femme sur dix est victime de violences conjugales chaque année

– Une femme meurt tous les 4 jours des suites de violences au sein du couple (contre un

homme tous les 16 jours)

5°) Les intervenants sociaux.

Face aux situations de violences, les intervenants sociaux du CHRS agissent… Il est important

de respecter le rythme de la victime et les étapes de son parcours de désengagement de la

violence de son partenaire. Dans tous les cas, nouer le dialogue avec la femme, dans un climat

de confiance et de sécurité, permet de l’aider à exprimer sa demande et à évaluer ce qu'elle est

prête à accomplir.

Plusieurs démarches sont concrètement accompagnées : la consultation d’un médecin (pour les

soins, pour obtenir un certificat médical précisant notamment les constatations et la durée de

l’ITT 4), les démarches auprès des services de police ou de gendarmerie (pour déposer une

plainte ou consigner des déclarations dans une main courante ou un procès-verbal de

renseignement judiciaire) ; l’information, si nécessaire, des consultations juridiques

existantes5; l’évaluation des prestations auxquelles elle peut prétendre (prestations familiales et

sociales, protection sociale, logement, emploi, formation, etc.); le rassemblement des

témoignages écrits émanant de membres de la famille, d’amis, de voisins, de collègues, etc.6

6°) Quelques témoignages.

Au CHRS la Clarté, on entend des doutes:

– Mon mari me frappe parfois, il me dit que je l’énerve, est-ce vraiment un problème ?

– Je ne suis pas une femme battue, parfois mon ami dérape mais je ne me suis jamais retrouvée

à l’hôpital. Est-ce de la violence conjugale ?

– Je subis des violences psychologiques. Il ne me frappe pas mais il m’humilie, me rabaisse

tous les jours. Est-ce que c’est reconnu par la loi ?

– Mon mari me dit que je suis folle, que tout est de ma faute, que je le cherche, qu’il en a marre

de moi et qu’il va me faire enfermer.

Au CHRS la Clarté, on entend des craintes:

– J’ai peur qu’on ne me croit pas

– Si je le dénonce, est ce qu’on ne va pas me retirer la garde de mes enfants ?

– Est-ce que si je dépose plainte mon mari va aller en prison ?

– Pourquoi est-il important de dénoncer les violences subies ?

– Je suis victime de violence de la part de mon mari. Si je pars, est-ce que ce sera un abandon

du domicile conjugal ?

– Je voudrais quitter mon mari mais j’ai peur de me retrouver dans un lieu d’hébergement

– J’ai peur d’être isolée. La famille va me rejeter!

On entend encore…

4) A conserver dans un endroit sûr.

5) On trouve des consultations gratuites dans les mairies, tribunaux, centres d’information surles droits des femmes, maisons de la justice et du droit, associations d'aide aux victimes

6) Témoignages datés, signés et accompagnés de photocopies de pièces d’identité.

– Je suis mariée à un français, mon mari me maltraite et si je dis que je vais porter plainte, il

me menace de ne plus voir mes enfants

– Mon mari m’a pris mes papiers, qu’est-ce que je peux faire ?

- J’ai peur de porter plainte car mon mari me dit qu’il annulera ma carte de séjour et me

renverra au pays.

Merci à l’association Les Nids et à l’équipe du CHRS pour son travail acharné, permanent et

indispensable sans lequel rien ne serait possible.

Enfin, j’ai une pensée pour celles qui ont trouvé le courage, la force de résister et de se donner

le droit de choisir leur destinée. Je le dédie cette journée.

Violences conjugales,

quelles prises en charge sur le territoire?

Association de Contrôle Judiciaire et de Médiation (ACJM)

Association de Réinsertion Sociale des Adultes (ARSA)

Centres d'Hébergement et de Réinsertion Sociale « Aurore »

1°) L’ASSOCIATION ACJM

L’ACJM est une Association de type Loi de 1901, habilitée par le Ministère de la Justice,

intervenant au niveau régional sur l’ensemble de la Cour d’ Appel de Caen (hormis le TGI de

Lisieux). Sur le plan pratique, 3 antennes départementales assurent les interventions. L’antenne

de l’Orne est basée à Alençon, 6-8 rue des Filles Sainte Claire ; nous intervenons auprès des

deux TGI du département, à savoir Argentan et Alençon. Dans un souci de proximité, nous

assurons des permanences dans différents lieux:

-Argentan, 2 rue d’Auvergne, chaque jeudi de 9h30 à 12h et de 13h30 à 16h30 ;

-Flers, 35 rue St Sauveur, chaque mercredi de 9h30 à 12h et de 13h30 à 16h30 ;

-L’Aigle au CIAS 5 Place du Parc, les 2 ème et 4 ème mercredis de chaque mois, de

9h30 à 12h et de 13h30 à 16h30.

L’activité de l’ACJM se décline en 2 services distincts : Soutien et Prévention Judiciaire et

Aide aux Victimes

Le service de soutien et de prévention judiciaire.

Dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de justice, nous intervenons à plusieurs niveaux

pour des procédures de violences conjugales.

Lorsque la personne est placée en garde à vue et va ensuite être présentée à un magistrat, le

procureur de la République nous sollicite pour une enquête sociale. Il s’agit donc de situations

d’une certaine gravité. Dans un délai très rapide, nous nous rendons alors dans les lieux de

garde à vue, pour rencontrer le mis en cause, et recueillir des éléments sur son parcours de vie

(origines familiales, vie affective, parcours scolaire et professionnelle,…) ainsi que sur sa

situation actuelle. Un rapport est ensuite transmis au magistrat.

Par ailleurs, le but de notre intervention est aussi d’envisager avec le mis en cause la possibilité

concrète de son éviction du domicile familial, notamment en évoquant avec lui l’hypothèse

d’un accueil par l’ARSA, voire d’une solution dans un cadre familial et/ou amical.

L’exécution de cette mesure nécessite qu’une personne du service soit quotidiennement de

permanence, pour pouvoir répondre à la demande «au pied-levé».

A la suite de cette présentation au magistrat, ce dernier peut placer le mis en cause sous

contrôle judiciaire, pour une durée de 8 semaines maximum, avant son jugement. Dans la

pratique, le délai avoisine plutôt un mois en moyenne.

Dans cette hypothèse, dans la plupart des cas, l’ARSA est également saisi. En partenariat avec

ce service, notre rôle est de veiller au respect de ses obligations par le mis en cause:

interdiction de contacter la victime, obligation de soin,…

Enfin, le but de ce suivi est aussi d’amorcer une réflexion par rapport aux faits en cause, au

devenir de son couple,…dans l’objectif d’une non-réitération des faits.

Du fait de la brièveté de la mesure, des entretiens hebdomadaires au minimum sont mis en

place. Là encore, un rapport est transmis, pour l’audience, afin de rendre compte du

déroulement de la mesure et du respect des obligations.

Dans la pratique, on constate que, quasi systématiquement, lors de l’audience, la justice décide

d’un nouveau suivi (sursis avec mise à l’épreuve), qui permettra de prolonger le travail amorcé

sur une période beaucoup plus longue (18 mois à 3 ans selon les décisions).

Pour des situations a priori moins problématiques, le Procureur peut décider de nous confier la

procédure pour mise en œuvre d’une médiation pénale, c’est-à-dire la recherche d’un

arrangement amiable entre l’auteur et la victime des faits, afin de réparer les conséquences de

cette infraction et parvenir à un apaisement durable des relations.

En matière de violences conjugales, l’ACJM est particulièrement vigilante au risque d’emprise

au sein du couple, ce qui serait contraire à l’esprit de la médiation, qui nécessite un équilibre

entre les parties, et la possibilité de l’accepter ou la refuser de manière libre. Si nous estimons

que la victime n’accepte pas librement, qu’il y a banalisation et minimisation des faits par

l’auteur, nous retournons la procédure au Parquet sans mettre la mesure en place.

Le service d’aide aux victimes.

Au siège de l’antenne, l’ACJM assure une permanence du lundi au vendredi, avec un accueil

physique ou téléphonique (au 02.33.32.20.00). Les personnes sont majoritairement orientées

par les services de justice ou d’enquête.

Notre service se veut généraliste et accueille toute personne, quelque soit l’infraction pour

laquelle elle a été victime. Nous pouvons également être sollicités à tout moment de la

procédure (avant ou après une plainte, lors de la réception d’une convocation pour un

jugement, pour faire exécuter un jugement ayant octroyé des dommages-intérêts à la victime).

L’objectif est d’assurer une prise ne charge globale de la personne, et de l’aider à surmonter les

faits dont elle a été la victime.

Dans un premier temps, nous assurons une écoute, dans le respect du positionnement et des

choix de la victime (par exemple, une victime qui n’envisage pas, à court terme, de déposer

une plainte, alors qu’elle serait en droit de le faire).

Ce temps d’écoute consiste également à recueillir des éléments permettant une prise en charge

globale de la personne (situation sociale, psychologique, matérielle,…).

Par ailleurs, notre intervention a pour objet d’apporter à la victime une information générale

concernant ses droits, sa manière de les faire valoir, le processus judiciaire lié à ses démarches.

.A ce titre, nous allons par exemple vérifier son droit à l’aide juridictionnelle si une procédure

doit être engagée, ou l’aider dans des démarches judiciaires simples.

Lorsqu’une plainte a déjà été portée, la victime est parfois en demande de savoir ce qu’il en est

advenu, sans oser solliciter le Tribunal ou les services l’ayant reçue lors de cette plainte. Nous

pouvons alors effectuer cette démarche pour elle car l’ACJM est bien identifiée par ces

services, ce qui peut permettre de faciliter une telle prise de renseignements.

Notre intervention est une première réponse à la victime, généraliste. Dès lors qu’une prise en

compte plus spécifique est nécessaire, nous effectuons une orientation vers les services ou

professionnels compétents.

Les orientations principales se font vers les avocats, les juridictions, les services enquêteurs. La

victime peu bien évidemment connaître une détresse importante, pour laquelle une orientation

va être faite vers les services d’aide psychologique (psychologue victimologue des urgences,

CMP).

D’autres orientations sont également possibles selon les besoins évalués avec la victime

(assistante sociale, par exemple)

L’ACJM a signé une convention avec le Comité Départemental d’Accès au Droit (CDAD).

Dans ce cadre, nous délivrons, sous conditions de ressources, des bons de consultation gratuite

auprès des professionnels du droit (avocat en particulier). Ce dispositif vient compléter l’aide

juridictionnelle puisque ces bons peuvent être sollicités hors de toute procédure, pour un seul

rendez-vous de conseil juridique.

En matière de violence conjugale, quand la victime envisage une séparation, elle peut être

éclairée quand aux suites et conséquences d’une telle démarche grâce à ce bon, qui lui permet

de rencontrer un avocat….

2)L’ASSOCIATION ARSA

L’association ARSA intervient sur le territoire de l’Orne, auprès de publics en situation de

précarité dans une dynamique de l’urgence à l’insertion. A ce titre, elle gère un Centre

d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) sur Alençon et Flers, des accueils de jours,

des hébergements d’urgence, le SIAO départemental, le 115, des lits halte soins santé (LHSS)

des chantiers d’insertion, le 115… et différentes actions d’aide aux personnes en difficulté.

Elle met également en œuvre une action particulière: l’ accueil, l’hébergement, et le traitement

des auteurs de violences intra familiales, au Centre «Jean Rodhain» à Alençon et à l’accueil du

Bocage à Flers.

Il s’agit de permettre à celui ou celle qui est violent de mener une réflexion approfondie,

confronté à sa réalité, dans une approche pluridisciplinaire : psychologique, éducative, sociale,

juridique…

Les publics ciblés sont les auteurs de violences conjugales pour lesquels le procureur prononce

l’éviction du domicile suite à un dépôt de plainte. Cette action a pour objet la modification de

comportements, nécessitant donc un accompagnement des personnes à «la carte». La durée

sera celle de l’instruction, néanmoins pour le cas où la plainte serait abandonnée ou dans le cas

d’une relaxe, la poursuite de cette action devrait pouvoir être proposée à la personne.

L’association a une capacité d’accueil de 10 personnes sur les sites d’Alençon et de Flers, avec

un accueil immédiat, un hébergement de l’auteur, un accompagnement coordonné par un

travailleur social expérimenté et le traitement des questions associées à la violence

(addictions…), et l’intervention d’un psychothérapeute. L’action, débutée en 2008, a bénéficié

à 12 personnes en 2009 et 17 personnes en 2010.

Les indicateurs et méthodes d’évaluation prévus pour l’action sont la capacité de la personne à

adhérer à une démarche de réflexion et d’analyse lui permettant d’envisager sa relation à

l’autre de manière différente, le nombre de personnes adressées par les procureurs et le nombre

de reprises de relations conjugales pacifiées. Il est néanmoins difficile de trouver des

indicateurs de résultats fiables, d’autant que nous ne sommes pas toujours au courant de la

situation de la personne quelques mois après son départ. Pour autant, nous pouvons dire que

pour les 13 personnes en présententiel, il n’y a pas eu d’incarcération requise. Les peines de

sursis et de suivi mise à l’épreuve ont toujours été pondérées, au regard de la disponibilité et de

l’implication de l’auteur dans le programme proposé.

Pour ce qui concerne les effets du programme sur les auteurs, presque tous attachent de

l’importance aux actes qu’ils ont posé, ne les minimisent plus, même si la prise de conscience

sur leur consommation, leurs relations dans le couple, leur attitude face à la frustration et à la

loi n’est pas complète. Tous s’inscrivent dans les obligations de soins qui leurs sont faites.

La qualité et la précision des obligations contenues dans l’ordonnance délivrée à la personne

est importante pour la prise en charge de l’ARSA à suivre, notamment la notification du

service de contrôle judiciaire, car si le programme est inclus dans les obligations, il n’a pas

pour fonction de se substituer au contrôle exercé le plus souvent par l’ACJM à Alençon.

La compréhension de l’obligation de soins, et la question de la responsabilité personnelle de

l’auteur dans cette histoire de violence sur conjointe ou enfants sont déterminantes dans la «

pacification » des rapports permettant à la justice d’autoriser à nouveau la reprise de vie

commune dans 7 cas sur les 17. Il faut noter que comme les deux premières années, il n’y a

pas eu récidive.

3) L’ASSOCIATION AURORE.

L’association Aurore est présente sur l’Aigle au 4 rue Victor Hugo (à côté de l’ancienne

gendarmerie) depuis octobre 2010. Cette antenne de l’Association-mère d’Evreux est née de la

fusion avec l’Association ESPACE.

Les capacités de l’association.

L’association se positionne comme une plate forme sociale sur le territoire Aiglon, avec les

dispositifs suivants: 2 places d’urgence, une possibilité d’accueillir des femmes de manière

individuelle, et des nuitées d’hôtel complémentaires, 6 mesures d’hébergement pour les jeunes

adultes, 1 appartement tourné vers la famille, 16 places en Centre d’Hébergement et de

Réinsertion Sociale (CHRS), avec 4 places de stabilisation, et 12 places d’insertion où la

personne est hébergée, 20 places sur le dispositif Maison Relais, où la personne devient

habitante, locataire, 3 Lits Halte Soins Santé (dispositif LHSS), au 1er juillet, permettant la

prise en charge de personnes ayant une problématique de logement, avec un besoin de soins ne

nécessitant pas l’hospitalisation.

Le public de l’association.

Le public local accompagné a cette particularité qu’il est constitué de très jeunes adultes en

grande situation de précarité, rupture familiale, sans ressources, et sans construction

professionnelle, et d’hommes majoritairement de plus de 40 ans, en errance, avec des besoins

de tout: le toit, l’assurance de manger tous les jours, la santé et parfois des soins en urgence de

tous types: le corps, mais aussi une aide psychologique voire psychiatrique, et un

accompagnement structuré au niveau des conduites addictives, principalement alcool.

Vous aurez compris que nous accompagnons le public le plus précaire; pour celui-ci, la

violence n’est pas forcément banalisée plus qu’ailleurs, elle est cependant répétitive, et parfois

presque normale: «parce que mes parents le faisaient, je le fais à mon tour».

Ce schéma caricatural est la réalité de terrain; l’alcool aide beaucoup à cette reproduction

parents/enfants, et semble tout expliquer. Cependant ce constat doit être travaillé, afin de casser

la réduction qu’il exprime cette espèce de fatalité que nous même avons tendance à reconnaitre

comme un fait acquis.

Le phénomène nouveau est l’arrivée directe des femmes, la demande par téléphone, le besoin

de se renseigner «au cas où», mais aussi parfois de sauter le pas, de manière opportune ou lors

d’une réflexion mûrie: le rôle de l’information est alors capital.

Les actions de l’association.

Nous répondons toujours à une demande volontaire. En aucun cas, nous ne prenons la place du

médecin, du soignant. Nous écoutons, nous aidons à la formulation, et tentons d’aider la

personne à se projeter dans un «demain».

Cela passe par l’appropriation du lieu de vie, la sécurité, l’estime de soi, la confiance; cela

passe par l’identité, la reconnaissance et la valorisation. Cela passe aussi par les devoirs de la

personne accompagnée: être respecté ne peut exister que si les autres (les voisins, la famille,

les proches, l’inconnu dans la rue) sont respectés. Cela passe enfin par du cadrage, des

échéances dans le temps, des contrats où la personne doit retrouver la notion de s’engager, de

se projeter, de se responsabiliser.

Il est important aussi de ne pas enfermer dans la discrimination même positive, mais d’intégrer,

d’aider au retour à la norme, et parfois pour certains (souvent les plus jeunes) c’est

l’apprentissage du quotidien et de la vie dans la société.

Notre message est clair: accompagner dignement un public d’adultes vers et dans le logement,

au plus près des besoins repérés, dans un principe de ne jamais se substituer à, ce que nous

appelons l’Habitat Actif. Nous avons de multiples projets en cours, afin de répondre au mieux

aux problématiques du territoire, et pour cela notre première volonté est de travailler en réseau,

avec tous les partenaires existants et susceptibles de rentrer dans cette démarche. Le public

Aiglon suffit largement à faire travailler l’équipe de professionnels constitué de 5 personnes de

jour et une équipe de veilleurs de nuit.

Travail sur la parentalité, l’Association y travaille activement, travail de réflexion avec les

jeunes adultes accompagnés, qui sont déjà dans un schéma pré établi. Travail de réflexion de

l’équipe, afin de construire de l’hébergement solidaire, du logement partagé.

Tout passe par l’écoute, la parole libérée, la parole respectée. Tout passe par les compétences

des professionnels, afin de désamorcer certains mécanismes qui peuvent sembler inévitables,

fatals…

Nous restons avant tout une structure multi services, une plate-forme sociale avec un rôle

d’accueillant dans le sens noble du terme: l’accueil de la personne dans sa globalité, dans son

entièreté, sans jugement et sans a priori.

Quelques chiffres.

Ce sont 173 personnes accompagnées en 2010. 75 % d’hommes pour 25 % de femmes. Nous

suivons et orientons des femmes, des hommes, des familles mono parentales, de manière

ponctuelle ou plus longue. Nous accompagnons un public souvent fragile, démuni, vers le

logement et l’autonomie.

Enfin, nous sommes présents de jour comme de nuit, 24/24, 7 jours sur 7. Notre accueil de

jour, ouvert tous les après midi, est à même de recevoir la personne qui a besoin de prendre une

douche, laver son linge, souffler, parler…

Conclusions

En France, tous les quatre jours, une femme meurt sous les coups de son mari ou de son

compagnon.Cette statistique qui tombe comme un couperet, qu'il faut rappeler sans cesse et qui

a été rappelée lors de ce colloque du 16 mai à L'Aigle, a poussé les pouvoirs publics à réagir au

niveau national.

Ainsi, l'Etat s’est engagé dans un certain nombre d’actions pour lutter contre ces violences

parmi lesquelles on peut citer les plus emblématiques comme la mise en place depuis 2005

d’un plan triennal interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, la

désignation de la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale

en 2010, ou encore l’évolution de la loi pénale depuis 1990 rappelée par Mme le Procureur.

Mais l’action au niveau national, bien que nécessaire pour informer et donner une impulsion,

ne suffit pas. Il faut que l’action soit relayée à tous les échelons et surtout, le soit concrètement,

sur le terrain.

L’organisation d’une semaine d’actions sur le thème des violences faites aux femmes, dont ce

colloque est l’ouverture, est donc apparue comme une nécessité, car l’arrondissement de

Mortagne-au-Perche n’est pas épargné par les violences faites aux femmes. On peut, à titre

d’exemple, indiquer qu’en 2010, 58 faits de coups et blessures volontaires dans la sphère

familiale, et essentiellement à l’encontre des femmes, ont été recensés sur le ressort de la

Communauté de brigades de Gendarmerie de L'Aigle.

Tout au long de ce colloque le constat de la difficulté de parler et de dénoncer ces violences a

été souligné. En effet, le plus souvent, ces violences sont cachées ; elles sont tues ; elles sont

niées.Il faut bien avoir à l’esprit que les statistiques ne montrent que la partie émergée du

phénomène des violences faites aux femmes. Il faut, aux chiffres, ajouter tous les faits de

violences qui, sans avoir d’issue fatale, détruisent l’existence de nombreuses femmes.

En effet, les chiffres passent sous silence les mauvais traitements qui, dans l'anonymat des

foyers, peuvent même être considérés comme normaux. Le plus souvent également, la honte

ressentie rend muette la victime. Autrement dit, lutter contre ces violences insidieuses est

extrêmement difficile tant elles touchent à l'intime. Prévenir ces comportements ne repose sur

aucune recette, sinon la plus large information.

Les intervenants ont montré que, chacun dans leurs structures, des actions ont été mises en

place pour inciter les victimes à parler, et le cas échéant les rediriger vers les services qui sont

à même de les aider.

Parmi les exemples donnés, celui du travail en commun du Conseil général et de la

gendarmerie est particulièrement éclairant. Après plusieurs mois d’activité, la référente sociale

gendarmerie du secteur L'Aigle-Mortagne a eu à connaître une quarantaine de situations de

violences conjugales dont la moitié n’était pas connues par les services sociaux.

Les violences sont donc difficiles à dénoncer et à évaluer car elles sont complexes, multiples.

Mme Elbaz a bien mis en évidence que les violences touchent tous les milieux socio-

économiques, et sont protéiformes, pouvant être physiques, mais aussi verbales,

psychologiques ou économiques. Ces dernières formes de violences sont rarement dénoncées.

Comme cela a été souligné, ce qui caractérise la violence conjugale c’est une relation

inégalitaire avec un objectif de soumission de l’autre.

En outre, il ne faut pas oublier que ces violences intra familiales font souvent des victimes par

ricochet en la personne des enfants. Que ceux-ci soient eux aussi victimes ou témoins, Mme

Fouqueret a rappelé que le développement de l’enfant est affecté par ces violences. Là encore,

les chiffres ne le montrent pas et la conséquence est difficile à mesurer.

Cependant, la complexité du phénomène n’a pas entaché la mobilisation et l’action des acteurs.

Il faut à cet égard saluer le travail de terrain des toutes les structures qui offrent des solutions

pour les personnes en détresse: l’écoute évoquée par les assistantes sociales, l’hébergement

d’urgence organisé par l’association Aurore, les soins et l’information des victimes à l’hôpital.

A ces actions il faut ajouter celle de l’Etat. Qu’il agisse seul ou en collaboration avec d’autres

structures, comme l’ACJM chargée de la médiation pénale, l’Etat s’est doté d’outils efficaces.

Madame le Procureur a rappelé que l’arsenal pénal avait considérablement évolué et permet à

la justice d’agir rapidement.

L’une des mesures emblématiques est le système de l’éviction du conjoint violent qui donne la

possibilité à la famille de rester dans le foyer. L’ARSA, qui reçoit ces conjoints violents, a

montré que cette éviction, accompagnée de soins, trouve son efficacité puisqu’en 2010, 7

personnes éloignées du foyer sur les 17 ont été autorisées à reprendre une vie commune, et

comme les deux années précédentes, il n’y a eu aucune récidive.

Ce colloque avait un double but.

Il avait d’abord pour objet de comprendre les mécanismes qui mènent à la violence, de

sensibiliser le plus grand nombre à ce phénomène et de montrer que des solutions graduées

existent allant de la simple écoute, à la condamnation pénale.

Il avait aussi pour but de réunir les structures qui œuvrent dans ce domaine pour que des

interconnexions se créent et qu’ainsi se forme un maillage très dense qui ne laissera échapper

aucune situation. En effet, les nombreux partenaires qui peuvent apporter un concours dans

l'appréhension de problèmes doivent se connaître et savoir se coordonner. Depuis les actions de

prévention jusqu'au traitement pénal des auteurs, chacun a son rôle, qu'il s'agisse des

institutionnels, des collectivités locales ou des associations.