Actes de St Jean par Prochore

download Actes de St Jean par Prochore

of 231

Transcript of Actes de St Jean par Prochore

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    1/231

    Actes de St Jean l'Evangliste

    par

    Prochore

    Traduction franaise et texte grec

    mis en ligne

    par

    Albocicade

    2013

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    2/231

    Prambule

    L'ouvrage, mis sous le nom de Prochore ne parat pas remonter au

    del du iv sicle de l're chrtienne. Tandis que les Latins n'en

    ont fait aucun cas, les Grecs au contraire lui ont accord qelque

    autorit, et Simon Mtaphraste l'a pris pour base de sa vie de StJean.

    Il est par ailleurs fait mention de Prochore, comme disciple de St

    Jean et son successeur Ephse, dans une vie de St Jean en arabe.

    Seules les notes les plus essentielles ont t conserves. Elles sont

    rassembles en fin de document.

    La traduction franaise ayant t ralise antrieurement

    l'dition critique du texte grec par Zahn, sur un texte indtermin,

    il ne faut pas chercher une concordance absolue entre nos deux

    documents.

    Toutefois, dans la mesure o ma connaissance il n'existe

    pas d'autre traduction franaise dans le domaine public, il

    convient de la considrer comme une premire approche.

    Sources :

    Traduction et notes : Dictionnaire des Apocryphes, Tome 2, dit

    par Migne, 1858, col 759 816

    Texte grec : Acta Johannis, unter Benutzung von C. v.

    Tischendorf's Nachlass, bearbeitet von Theodor Zahn, 1880

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    3/231

    CHAPITRE PREMIER

    Il arriva qu'aprs l'assomption dans le ciel de Notre-Seigneur

    Jsus-Christ, Fils du Dieu vivant les disciples s'tant rassembls

    Gethsman, Pierre leur dit : "Vous savez, mes frres, commentNotre-Seigneur nous a laiss l'ordre d'aller dans le monde entier

    prcher l'Evangile toutes les cratures et les baptiser au nom du

    Pre et du Fils et du Saint-Esprit, et comme nous ne dsirons rien

    de plus que d'accomplir promptement ce qui nous a t

    recommand par le Seigneur, il convient, mes trs chers frres,

    que, par la grce de la Trinit, nous nous appliquions l'uvre

    que le Seigneur nous a prescrite, car il a dit : "Je vous enverraitous comme des brebis au milieu des loups ; soyez prudents

    comme des serpents et simples comme des colombes". (Matth.

    X). Vous n'ignorez pas, mes frres, que le serpent, lorsque

    quelqu'un veut le tuer, abandonne tout son corps, mais cache sa

    tte ; de mme, mes frres, exposons-nous la mort et ne

    renonons pas Jsus-Christ qui est notre chef ; de mme les

    colombes ne s'affligent pas lorsqu'on les prive de leurs petits et nesavent pas renoncer leur matre. Vous savez que Notre-Seigneur

    et Matre nous a dit : "Puisqu'ils m'ont perscut, ils vous

    perscuteront. C'est pourquoi, mes frres, il vous reste traverser

    beaucoup de tribulations, mais des biens sont rservs ceux qui

    souffrent des tribulations cause du saint nom du Seigneur".

    Jacques, le frre du Seigneur, rpondit Pierre et dit : "Tu as bien

    parl, Pierre, car le temps est venu o l'ordre du Seigneur doit

    s'accomplir ; vous savez cependant, mes frres, que le Seigneur

    m'a enjoint de rester Jrusalem". Et Pierre rpondit et dit :

    "Nous savons tous que c'est le lieu confi tes soins et que tu ne

    dois pas t'loigner de Jrusalem".

    Les aptres tirrent donc au sort (1), et il attribua l'Asie Jean qui

    gmit beaucoup et qui se jeta aux pieds des frres en versant des

    larmes. Et Pierre, le prenant de la main droite, le releva et lui dit :

    "Nous avons tous pour toi la plus grande vnration ; nousregardons ta patience comme un exemple et un encouragement

    pour nous tous ; que fais-tu donc, mon frre, et pourquoi troubles-

    tu nos curs ?" Et Jean rpondant Pierre dit : "Pardonne-moi,

    mon pre, de ce que j'ai t extrmement troubl au moment o

    j'ai vu que l'Asie m'tait assigne par le sort ; j'ai t effray des

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    4/231

    prils qui pouvaient m'attendre sur mer, et je ne me suis pas

    souvenu de la parole du Seigneur qui m'aimait et qui a dit : "Il ne

    tombera aucun des cheveux de votre tte". Excusez-moi, mes

    frres et priez pour moi, afin que le Seigneur me pardonne aussi.

    Je suis prt aller partout o m'appellera sa volont et son bonplaisir".

    Et tous les aptres se levant se tournrent vers l'orient, priant

    Jacques, le frre du Seigneur, de prononcer la prire laquelle ils

    se joignirent tous. Les aptres se dirigrent ensuite chacun vers le

    pays qui lui tait dsign, et chacun fut accompagn de l'un des

    soixante-douze disciples. Moi, Prochore, je fus signal par le sort

    comme devant exercer le ministre avec l'aptre Jean. Et nousdescendmes de Jrusalem Jopp o nous restmes trois jours

    dans la maison d'une veuve du pays de Tabite. Et un navire tant

    venu d'Egypte et devant continuer son voyage vers l'Asie, nous

    nous y embarqumes. Lorsque nous fmes dans le fond du navire,

    Jean fut saisi d'une grande tristesse, et il dit : "Mon fils Prochore,

    nous serons en butte beaucoup de tribulations et beaucoup de

    prils sur mer, et il ne m'a rien t rvl par le Seigneur au sujetde ma vie ou de ma mort, mais vous serez dlivrs des prils de la

    mort, et nul d'entre vous ne prira. Lorsque tu seras chapp, mon

    fils, aux dangers de la navigation, va en Asie, entre Ephse et

    attends-y pendant trois mois mon arrive ; si Dieu permet que

    j'arrive pendant ce temps, nous aurons nous acquitter des

    fonctions du ministre qui nous a t confi ; si les trois mois

    s'coulent sans que je revienne, retourne, mon fils, Jrusalem,

    auprs de Jacques, et fais ce qu'il commandera".

    Aprs que Jean, mon matre, m'eut ainsi parl, vers la onzime

    heure, il s'leva une tempte qui brisa le navire, et nous restmes

    dans le plus grand pril jusqu' la troisime heure de la nuit ; alors

    chacun saisit une rame ou un fragment quelconque pour essayer

    de s'chapper la nage, et, grce la misricorde de Dieu, nous

    fmes, vers la sixime heure du jour, pousss la cte aux

    environs de Sleucie et cinq stades de cette ville. Nous tions aunombre de quarante-deux personnes ; mais Jean ne s'y trouvait

    pas. Nous restmes longtemps tendus sur la rive, accabls de

    froid, de fatigue et de crainte et comme sans vie, et nous entrmes

    ensuite Sleucie, ayant perdu tout ce que nous possdions

    n'ayant rien manger. Nous demandmes du pain que l'on nous

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    5/231

    donna, et mes compagnons d'infortune se soulevrent contre moi,

    disant : "Quel est cet homme qui tait avec toi ? C'est un

    magicien qui, par ses malfices, a fait prir le navire afin de

    s'enfuir aprs s'tre empar de notre avoir, et tu es son complice.

    Remets-nous ce magicien, ou nous ne te laisserons pas sortir, cartu mrites la mort ; dis-nous d'o vient cet enchanteur ; nous qui

    tions dans le navire, nous nous trouvons tous ici, et lui seul a

    disparu".

    Ils excitrent ainsi contre moi les habitants de Sleucie et ils me

    jetrent en prison, et, le lendemain, ils me conduisirent devant le

    gouverneur de la ville, qui, me parlant avec svrit, me dit :

    "D'o es-tu et quelle est ta religion ? Quels sont tes moyens desubsistance et quel est ton nom ? Dis-nous toutes ces choses avant

    que nous te livrions aux tortures". Je rpondis : "Je suis du pays

    des Hbreux, je suis Chrtien de religion ; mon nom est

    Prochore ; j'ai t jet ici par un naufrage ainsi que ceux qui

    m'accusent". Le gouverneur dit : "Comment se fait-il que vous

    vous soyez tous sauvs et que ton compagnon seul ne paraisse pas

    ; il est certain que vous tes accuss d'tre des magiciens etd'avoir fait prir le navire par vos malfices, et, afin qu'on ne vous

    souponne pas de sortilges, toi seul tu es rest avec l'quipage,

    mais ton compagnon s'est enfui en emportant les biens qu'il y

    avait bord ; peut-tre aussi que, comme vous tiez des

    magiciens coupables d'avoir fait verser beaucoup de sang, la

    sentence divine a condamn ton compagnon prir, et toi seul tu

    as chapp la mort afin de trouver ton chtiment dans cette ville

    ; dis-nous donc de suite si ton compagnon a pri ou s'il est

    soustrait au danger".

    Je rpondis en versant des larmes : "Je te rpondrai, au sujet des

    questions que tu m'adresses, avec une franchise entire et selon ce

    que je sais. Et d'abord, s'il faut parler de moi, je ne suis pas un

    magicien, je suis Chrtien et disciple de Jsus-Christ ; le Seigneur

    Jsus-Christ, avant de monter au ciel, a donn cet ordre ses

    aptres : "Allez dans le monde entier et prchez l'Evangile toutes cratures, et baptisez toutes les nations qui voudront

    croire". Aprs son ascension, ses aptres, runis en un mme lieu,

    ont tir au sort dans quelle contre chacun d'eux devait aller

    prcher. Et le sort ayant attribu l'Asie Jean, mon matre, qui

    tait avec nous dans le navire, il en fut vivement pein, et comme

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    6/231

    il se refusa d'abord ce qui avait plu l'Esprit-Saint, il lui fut

    rvl qu'en punition de son pch il prouverait une tempte sur

    mer ; lorsque nous fmes embarqus, il me rvla l'avance ce

    que nous devions souffrir et me prescrivit de l'attendre Ephse

    pendant trois moi et qu'il viendrait dans cet intervalle, s'il taitencore vivant, afin d'accomplir la tche que Dieu lui avait confie

    ; il ajouta que s'il ne se montrait pas avant l'expiration du dlai

    qu'il fixait, je devais retourner dans mon pays. Mon matre n'est

    donc pas un magicien ; c'est un homme choisi et inspir par le

    Seigneur, prdicateur intrpide de la vrit et trs ferme dans la

    foi de Jsus-Christ.

    Lorsque j'eus ainsi parl, un nomm Slemnis, qui tait venud'Antioche, fut frapp des paroles que j'nonais avec fermet et

    il demanda qu'on me laisst me retirer, et j'en eus la permission.

    En quittant Sleucie, j'arrivai quarante jours aprs dans un village

    qui tait au bord de la mer, et, y trouvant une fosse, j'y entrai pour

    me reposer aprs les grandes fatigues que j'avais prouves ; et,

    peine y tais-je, que je vis une grande tempte qui jeta un homme

    sur le rivage de la mer ; j'eus grande compassion pour lui, carj'avais prouv de mon ct les horreurs du naufrage. Je courus

    vers lui, sans savoir que c'tait Jean, et, m'approchant, je pris sa

    main et je le relevais, et il me reconnut ; je le reconnus galement

    et nous nous embrassmes mutuellement en versant beaucoup de

    larmes et en rendant grces Dieu qui tend sa misricorde sur

    tous les hommes et qui seul, dans sa puissance infinie, les dlivre

    des prils ; nous restmes quelque temps privs de la parole par

    suite de l'excs de notre joie ; quand Jean fut revenu lui, il se

    mit me raconter ce qui lui tait arriv et comment il tait rest

    quarante jours, selon la volont de Dieu, ballott par les flots le

    long du rivage, et je lui fis de mon ct le rcit de ce que j'avais

    souffert.

    CHAPITRE II

    Nous nous levmes ensuite, et, nous loignant de cet endroit,

    nous entrmes dans un village, o, ayant demand du pain et de

    l'eau, nous mangemes et nous bmes, et nous nous mmes

    ensuite cheminer vers Ephse. Et quand nous fmes entrs dans

    la ville, nous nous arrtmes sur la place de Diane o taient les

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    7/231

    bains publics, et nous nous rendmes chez un homme qui

    s'appelait Dioscoride. Et Jean m'instruisait en disant : "Mon fils

    Prochore, que personne en cette ville n'apprenne de toi qui nous

    sommes, ni pourquoi nous sommes venus, jusqu' ce que Dieu

    nous ait rvl sa volont et ce que nous devons suivre ; mettonsseulement confiance en Jsus-Christ Notre-Seigneur". Et lorsqu'il

    me parlait ainsi, voici qu'une femme romaine, nomme Romca,

    qui tait robuste de corps et strile, avait t charge de la

    direction du bain, et se fiant sur sa force, elle frappait rudement et

    maltraitait les esclaves qui taient chargs du service du bain ; de

    sorte qu'aucun mercenaire ne voulait souffrir. Et quand elle nous

    vit assis solitairement et la tte penche, elle pensa que noustions des hommes dpourvus de ressource et tombs dans

    l'indigence, et elle crut que nous pouvions lui tre utiles et lui

    fournir nos services bon compte, et elle dit Jean : "D'o es-

    tu ?" Il rpondit : "Je suis un tranger". Et il dit : "De la Jude".

    Alors elle dit : "Quelle religion suis-tu ?" Et il rpliqua : "Je suis

    Chrtien". Elle demanda ensuite : "Comment es-tu venu ici ?" Il

    rpondit : "J'ai fait naufrage, car tel tait le bon plaisir de Dieu,mais j'en suis chapp et je suis venu en cette ville". Et elle dit :

    "Veux-tu me servir et travailler chauffer les bains ? je te

    fournirai ce qui est ncessaire pour le besoin de ton corps". Il

    rpondit qu'il le voulait bien, et elle me dit : "Et toi, d'o es-tu ?"

    Jean rpondit : "Il est notre frre". Alors Romca dit : "Il sera

    ncessaire pour verser l'eau", et elle nous conduisit dans les bains,

    et elle chargea Jean de chauffer la chaudire et moi de verser

    l'eau, et elle nous donnait chaque jour trois onces de pain, et elle

    nous promettait dans l'anne ce qui tait ncessaire notre corps.

    Le quatrime jour aprs que nous fmes entrs en fonction, Jean,

    mon matre, tait occup entretenir le feu, et comme il

    s'acquittait assez mal de cet emploi, Romca entra et, aprs lui

    avoir dit des injures et l'avoir frapp, elle lui adressa des menaces

    dans le cas o il ne ferait pas mieux son ouvrage. Moi, Prochore,

    de l'endroit o je rpandais l'eau, j'entendis tout ce que Romcaavait dit, et comme elle avait trait mon matre avec inhumanit,

    je fus grandement troubl ; je me tus cependant, et je ne profrais

    pas un seul mot ; mais mon matre sachant, par rvlation, que

    j'tais triste cause de lui, me dit : "Mon fils Prochore, lorsque le

    sort m'assigna l'Asie, mon me hsita, et j'prouvai une grande

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    8/231

    peine : j'ai prouv un naufrage, et toi, ainsi que ceux qui taient

    avec nous, vous avez eu le mme sort cause de moi ; je suis

    rest pendant quarante jours le jouet des vagues irrites, jusqu'

    ce que Dieu, mon Seigneur et mon Matre, contre lequel j'avais

    pch, eut bien voulu me ramener terre, et tu te laisseraistroubler par les paroles insultantes d'une femme, te laissant agiter

    par de vaines tentations ! Marche dans l'accomplissement du

    devoir qui t'est impos, et excute-le fidlement ; car Notre-

    Seigneur Jsus-Christ, crateur de toute choses, a t soufflet et

    flagell par sa crature, et notre pieux Matre nous a donn un

    exemple de patience, afin que nous soyons rsigns dans toutes

    nos souffrances, selon la recommandation qu'il nous a faite,lorsqu'il a dit : "Vous possderez vos mes dans la patience (2)".

    Jean ayant dit ces choses, je m'occupai de l'ouvrage que Romca

    m'avait command. Et tant venue de nouveau, elle demanda ce

    qui tait ncessaire nos corps. Et Jean dit : "Nous avons en

    quantit suffisante ce qui est ncessaire nos corps, et nous nous

    appliquons avec zle l'ouvrage dont nous sommes chargs".

    "Et comment se fait-il", dit-elle, "que chacun ici vous signalecomme des maladroits". Jean rpondit : "C'est que nous n'avons

    jamais eu nous livrer une occupation de ce genre, et qu'il est

    difficile de bien faire ce qu'on commence faire pour la premire

    fois ; mais si nous persistons, nous deviendrons habiles ; en tout

    mtier on ne saurait, ds le dbut, agir habilement et sans

    commettre d'erreur".

    Lorsqu'il eut ainsi parl, la femme se retira. Mais le diable qui,

    ds le commencement, cherche nuire aux bons, se transforma

    sous les traits de cette femme, et il vint frapper rudement Jean, en

    lui adressant de violentes injures et lui disant : "Je t'avais confi

    une tche que tu n'as pas su remplir ; je ne veux plus te garder ;

    fais de plus en plus chauffer la chaudire pour que je te jette au

    milieu". Et arrachant le manteau qui couvrait Jean, il dit en

    multipliant ses menaces : "Si tu ne veux pas que je t'te la vie,

    sors ; je n'entends pas que tu me serves davantage". Mais Jean,instruit par l'esprit de Dieu qui c'tait le dmon qui habitait dans

    ces bains, invoqua le nom de Jsus-Christ, et le mit aussitt en

    fuite.

    Et, un matin, Romca vint et dit Jean : "On dit que tu t'acquittes

    mal de ta besogne, mais je sais qu'on parle ainsi afin que je te

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    9/231

    rende la libert, et, je n'entends pas que tu me quittes ainsi ; si tu

    veux t'en aller, je te priverai violemment d'un de ces membres qui

    te sont le plus ncessaires". Jean ne lui rpondit rien. Et alors la

    femme voyant combien il tait patient et rsign, se mit le

    presser durement et se fcher, et elle dit : "Tu n'agis pas commemon esclave, mais comme un homme libre ; que rponds-tu ? est-

    ce que tu ne reconnais pas que tu es mon esclave ? rponds-moi

    donc". Jean dit : "Il est vrai que nous sommes tes esclaves ;

    j'entretiens le feu, et Prochore verse l'eau". Et Romca tait alors

    lie avec un homme de loi, et elle alla vers lui et lui dit : "Mes

    parents m'ont autrefois laiss des esclaves qui, s'tant enfuis, ont

    t retrouvs aprs bien des annes ; mais j'ai perdu les titres deleur achat ; ils sont venus vers moi, puis-je renouveler ces titres

    d'achats ?" Et il rpondit : "S'ils ne refusent pas de convenir qu'ils

    sont des esclaves que tes parents t'ont laisss, tu peux renouveler

    les titres, eux tant prsents et disant : Nous sommes tes

    esclaves".

    Et Jean sachant, par la rvlation de l'esprit de Dieu, ce qui se

    passait, me dit : "Mon fils Prochore, la femme que nous servonsveut nous faire avouer que nous sommes ses esclaves, et si nous

    en convenons, elle s'est dj assure de tmoins dignes de foi,

    pour recevoir notre dclaration, et elle aura un acte authentique

    qui nous mettra en sa servitude. Ne t'afflige pas de cela, mon fils,

    mais rjouis-toi de ce que nous avons t jugs dignes de souffrir

    l'outrage pour le nom de Jsus-Christ". Et tandis que Jean me

    parlait ainsi, voici que Romca vint, et elle prit Jean par la main,

    et elle se mit le battre, et elle dit : "Esclave fugitif, pourquoi,

    lorsque ta matresse vient, n'accours-tu pas au-devant d'elle et ne

    la reois-tu pas avec le respect que tu lui dois ? Tu crois pouvoir

    retrouver ta libert, mais tu resteras soumis ta matresse" ; et

    elle le frappait au visage pour l'effrayer et pour qu'il ft sa

    volont, et elle disait : "Est-ce que tu ne me rpondras pas ? est-ce

    que tu n'es pas mon esclave ?"

    Jean lui rpondit : "Je t'ai dj dit que nous tions tes esclaves ;j'allume le feu, et Prochore verse l'eau". Romca rpondit : "De

    qui es-tu l'esclave, esclave fugitif ?" Et Jean dit : "Pourquoi veux-

    tu que nous disions de qui nous sommes esclaves ?" Et elle dit :

    "Dites, nous sommes tes esclaves". Et Jean dit : "Nous t'avons

    dj dit, et nous reconnatrons par crit, que nous sommes tes

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    10/231

    esclaves". "Je veux", dit-elle, "que ce soit attest par votre aveu

    devant trois tmoins". Et Jean rpondit : "Ne diffre pas,

    aujourd'hui mme nous ferons ce que tu demandes". Et Romca,

    sortant du quartier du temple de Diane, nous conduisit devant des

    tmoins, et fit mettre nos dclarations par crit, et nous chargeachacun d'une besogne particulire. Et maintenant parlons de ces

    bains.

    CHAPITRE III

    Lorsqu'on les construisit, on dit que les dmons dployrent en

    cette occasion tous leurs artifices, car, au moment o l'on encreusait les fondements, ils persuadrent quelques enchanteurs

    d'y faire ensevelir vivante une jeune fille, et ils dirent que cela

    porterait bonheur l'difice, mais il en advint tout autrement ; car

    le diable sjournait en ce lieu et il se jouait des hommes, et trois

    fois dans l'anne, il touffait dans ces bains un jeune homme ou

    une jeune fille. Un habitant d'Ephse, nomm Dioscoride, avait

    observ quelle poque ce malheur se renouvelaithabituellement. Il avait un fils g de vingt ans et d'une grande

    beaut ; le dmon lui tendait des embches, cherchant

    l'trangler. Il vint un jour aux bains accompagn de ses serviteurs,

    et j'tais l, tenant le vase ncessaire pour remplir mes fonctions.

    Mais le dmon immonde s'lanant subitement, l'trangla et

    l'tendit mort, et ses serviteurs se retirrent pleins d'effroi et de

    dsolation, disant : "Hlas ! malheureux que nous sommes, que

    ferons-nous, car notre matre est mort ?" Et lorsque Romca

    apprit cela, elle dnoua les rubans qui ornaient sa tte, et elle

    s'arracha les cheveux, et elle poussait de grands cris, disant :

    "Malheur moi, misrable ! que dirai-je mon seigneur

    Dioscoride lorsqu'il apprendra que son fils unique est mort ? O

    grande Diane des Ephsiens, vient notre aide ; montre ta

    puissance l'gard de ce jeune homme ; nous tous, habitants

    d'Ephse, hommes ou femmes, nous reconnaissons que tugouvernes toutes choses, et de grands prodiges s'accomplissent

    par ton entremise ; coute ta servante, et rends le fils de mon

    matre, afin que tous ceux qui esprent en toi sachent combien ton

    pouvoir est tendu ; rends-nous ce jeune homme et rpare ce

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    11/231

    malheur, parce que tu es la desse vritable, et qu'il n'y a pas de

    dieu plus puissant que toi".

    Et aprs qu'elle eut arrach ses cheveux, et fut reste dans cette

    dsolation depuis la troisime heure jusqu' la neuvime, une

    grande foule s'tait rassemble ; les uns pleuraient le jeunehomme, et les autres s'affligeaient cause de Romca.

    Et tandis que cela se passait, Jean ayant accompli sa tche, vint

    moi et me dit : "Mon fils Prochore, que dit-on de cet

    vnement ?" Et quand Romca vit que nous parlions ensemble,

    avant que je n'eusse eu le temps de rpondre, elle vint et saisit

    Jean, et elle lui dit : "Esclave fugitif, les malfices dont tu as us

    depuis le jour que tu es venu auprs de nous sont enfin dcouverts; c'est cause de toi que la grande Diane m'a abandonne. Ou tu

    me rendras le fils de mon matre Dioscoride, ou je t'terai la vie

    cette heure". Jean rpondit : "Qu'est-ce qui t'est arriv, matresse ?

    raconte-le moi". Elle pleura de fureur, se mit le frapper et

    dire : "Mchant serviteur, prompt manger et paresseux quand il

    faut travailler, est-ce que tous les habitants d'Ephse ne savent pas

    ce qui est arriv, et que tu es venu vers moi, et tu te rjouis enm'insultant et en feignant d'ignorer que le fils de Dioscoride, mon

    matre, est mort dans les bains ?" Alors Jean s'loigna d'elle,

    n'ayant aucun ressentiment ni aucune peine pour ce qu'il avait

    prouv, et, un moment aprs, il entra dans les bains, et il en

    chassa l'esprit immonde, et par la puissance de Jsus-Christ

    Notre-Seigneur, il rappela l'me dans le corps du jeune homme, et

    il sortit des bains, tenant ce jeune homme par la main, et il le

    conduisit Romca, et il lui dit : "Reois le fils de ton matre".

    Quand elle le vit, elle fut frappe de terreur, et elle tomba terre

    comme morte et prive de sentiment. Jean la prenant par la main,

    la releva doucement, et elle tait tellement trouble par l'aspect

    d'un aussi grand miracle, qu'elle resta immobile comme une

    pierre, et que ce ne fut qu'aprs un espace de deux heures qu'elle

    reprit tout fait ses sens. Et elle n'osait regarder le visage de

    l'aptre ; mais remplie d'une confusion extrme, elle pensait enelle-mme : "Comment oserai-je lever les yeux sur celui dont j'ai

    fait mon esclave lorsqu'il ne l'tait pas, et contre lequel j'ai avanc

    des mensonges ? il ne mritait aucun mauvais traitement, et je le

    frappais sans cesse. O malheureuse ! qu'ai-je fait ? mort ! je

    t'invoque, viens et absorbe une misrable telle que moi". Et

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    12/231

    derechef, tombant en pmoison, elle se jeta par terre ; et Jean, la

    voyant ainsi change, la prit par la main, la releva et la munit du

    signe de la croix sainte. Et revenue elle, elle tomba aux pieds de

    l'aptre en pleurant, et en disant : "Je te demande avec instance,

    dis-nous qui tu es, car je suis sre que tu es dieu ou fils de dieu,puisque tu opres de tels prodiges".

    Jean lui rpondit : "Je ne suis ni dieu, ni fils de dieu, mais je suis

    le disciple du Seigneur Jsus-Christ, Fils du Dieu vivant, et j'ai

    repos sur sa poitrine, et j'ai entendu de lui les mystres que je

    t'annonce ; si tu crois en lui, tu seras sa servante, comme je suis

    son esclave". Alors Romca, couverte de rougeur et de honte, dit

    l'aptre Jean : "Homme de Dieu, je te prie d'oublier tous lestorts que j'ai eus ton gard ; pardonne-moi de t'avoir frapp,

    maltrait et injuri, et surtout de ce que, usant de faux

    tmoignages ton gard et celui de ton compagnon, j'ai menti,

    car j'ai dit que vous tiez mes esclaves". Jean lui dit : "Crois au

    Pre, au Fils et au Saint-Esprit, et tes fautes te seront remises".

    Romca rpondit l'aptre : "Homme de Dieu, je crois tout ce

    que j'entendrai de ta bouche". Et tandis que cela se passait, unefoule trs nombreuse s'tait runie, et un des serviteurs de

    Dioscoride courut lui annoncer ce que Jean, l'homme de Dieu,

    avait accompli, et comment son fils tait mort dans le bain, et

    comment Jean l'avait ressuscit, et comment une grande multitude

    de peuple l'embrassait revenu la vie. Lorsque Dioscoride apprit

    la mort de son fils, saisi aussitt de douleur et d'effroi, il expira.

    Et celui qui lui avait apport cette nouvelle revint aux bains o

    Jean enseignait, et o tait galement le fils de Dioscoride, et il

    s'criait : "Hlas ! Dioscoride, mon matre, est mort".

    Lorsque Thon, fils de Dioscoride, eut appris le trpas de son

    pre, il se leva aussitt, et, quittant Jean, il courut vers son pre,

    et il le trouva sans vie, et tendu par terre. Et il retourna vers Jean,

    livr une amre douleur, et se jetant aux pieds de l'aptre, il dit :

    "O homme de Dieu, toi qui m'as rappel la vie aprs ma mort, je

    te conjure de venir mon secours, car mon pre a expir aussittqu'il a appris ma mort ; ne force pas celui que tu as arrach au

    trpas d'prouver de nouveau la mort en succombant sa

    douleur". Et Jean, qui tait plein de bont, lui dit : "Ne te troubles

    pas, Thon, car la mort de ton pre sera la vie pour lui et pour

    toi". Et prenant Thon par la main, il lui dit : "Allons vers ton

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    13/231

    pre Dioscoride". Romca le suivait, ainsi qu'une grande foule de

    gens livrs la douleur et versant des larmes. Et Thon introduisit

    Jean auprs de son pre, et Jean, lui prenant la main, lui dit :

    "Dioscoride, lve-toi, je te le dis au nom de Notre-Seigneur Jsus-

    Christ, Fils du Dieu vivant" ; et aussitt Dioscoride se relevaplein de vie ; et la foule des assistants, ayant vu ce miracle, louait

    la grandeur de Dieu ; mais il y en avait parmi eux qui disaient que

    Jean tait magicien ; d'autres, d'un jugement plus sain, affirmaient

    que les magiciens n'avaient pas le pouvoir de ressusciter des

    morts.

    Lorsque Dioscoride fut revenu lui, il dit Jean : "N'est-ce pas

    toi, homme de Dieu, qui as ressuscit mon fils d'entre les morts ?"Jean rpondit : "Ce n'est pas moi qui l'ai ressuscit, c'est Jsus-

    Christ, Fils de Dieu, qui prche par ma bouche, qui l'a ressuscit".

    Et aussitt Dioscoride, tombant ses pieds, dit : "Que faut-il que

    je fasse pour que je sois sauv et que je devienne le serviteur de

    Jsus-Christ, Fils de Dieu ?" Jean lui rpondit : "Crois au nom du

    Pre, et du Fils et du Saint-Esprit, et reois le baptme". Et

    Dioscoride dit Jean : "Mon fils et moi, nous remettons en tesmains tout ce que nous possdons".

    Jean rpondit : "Ces biens terrestres ne sont ncessaires ni mon

    Dieu, ni moi". Et depuis cette heure Dioscoride et Thon

    suivirent Jean ; il les enseignait, disant : "Dieu qui tend sa

    misricorde sur tous, a envoy sur la terre son Fils qui est n de la

    Vierge Marie, qui a souffert, qui est mort et qui a t enseveli, qui

    est descendu aux enfers, et qui, en arrachant les fidles et

    triomphant de la mort (3), est ressuscit le troisime jour ; aprs

    sa rsurrection, il a apparu pendant quarante jours nous, ses

    douze aptres ; il a mang et bu avec nous, et il nous a command

    d'aller prcher l'Evangile dans le monde entier ; il nous a donn

    puissance sur toutes choses, nous mettant mme de gurir toutes

    les maladies, de ressusciter les morts, de chasser le dmon, et de

    baptiser les hommes pour la rmission des pchs. Et non

    seulement il nous a accord cette puissance, mais il l'a aussidonne ceux qui croient en lui par notre prdication, et surtout

    ceux qui, distingus par la ferveur de leur zle, seront aptes

    nous seconder dans le saint ministre. Ceux qui ne croient pas

    seront condamns".

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    14/231

    Et Jean ayant termin son discours, Dioscoride et son fils

    s'approchrent de lui, le priant de les baptiser. Et Jean leur dit :

    "Que Dieu te reoive ainsi que ton fils". Et tandis qu'il parlait

    encore, voici que Romca apporta les actes qu'elle avait fait

    dresser pour constater notre servitude, et elle les remit monmatre Jean, et il les dchira aussitt. Et ensuite il baptisa

    Dioscoride dans sa maison, ainsi que son fils Thon, et Romca.

    Et lorsque nous sortions de chez Dioscoride, nous vnmes aux

    bains o nous avions t employs comme esclaves, et Jean

    chassa de tout le territoire l'affreux dmon qui avait trangl

    Thon, et Dioscoride nous ramena ensuite en sa maison, et nous

    nous mmes table, rendant grces Dieu ; nous mangemes etnous bmes, et nous restmes avec lui jusqu'au soir.

    CHAPITRE IV

    Le lendemain matin toute la ville d'Ephse clbrait la fte de

    Diane, et la foule se rendait au temple o l'idole de Diane s'levait

    une grande hauteur. Jean vint et monta au temple, et il se plaa la droite de l'idole, et les habitants venant pour sacrifier taient

    revtus de robes blanches ; Jean qui avait gard les vtements

    salis avec lesquels il travaillait dans les bains, se faisait

    remarquer, et les Ephsiens, remplis d'indignation et de colre,

    prirent des pierres pour les lui jeter, mais, par la puissance divine,

    les pierres qu'ils lanaient contre l'aptre, se dirigeaient contre la

    statue de Diane, de sorte qu'elle fut toute brise ; et eux, en

    voyant qu'aucune des pierres qu'ils lanaient, ne pouvait toucher

    Jean, grinaient des dents, et plusieurs de ceux qui voyaient ce

    spectacle riaient.

    CHAPITRE V

    Lorsque l'idole se fut brise en tombant, Jean dit au Ephsiens :

    "Hommes d'Ephse, pourquoi vous livrez-vous de pareillesfolies en rendant un culte aux dmons et en abandonnant le vrai

    Dieu, auteur du monde entier et votre crateur ?" Dieu protgeait

    alors son aptre Jean contre la colre des Ephsiens, et aucun

    d'entre eux ne pouvait mettre les mains sur lui ; et Jean leur

    disait : "Voici que votre desse est dtruite, et qu'elle a t brise

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    15/231

    par les pierres que vous vouliez lancer contre moi ; relevez-la et

    rtablissez-la, comme elle tait et, si elle a quelque pouvoir,

    priez-la d'exercer sa vengeance contre moi qui ai t la cause de

    sa ruine ; qu'elle donne quelque tmoignage de sa puissance qui

    m'amne croire qu'elle est une desse ; autrement il sera videntque votre desse n'a aucun pouvoir".

    Les Ephsiens, entendant ces paroles, furent remplis de fureur, et

    ils voulaient derechef jeter les pierres l'aptre, mais les pierres

    retombaient sur eux, et ils se blessaient mutuellement. Et Jean, les

    voyant anims d'une rage comme celle des dmons, et se frappant

    les uns les autres, leur dit : "O hommes d'Ephse, pourquoi

    exercez-vous votre fureur les uns contre les autres ? arrtez-vouset voyez la terrible puissance du vrai Dieu que vous provoquez

    contre vous par vos excs car vous regardez comme de la folie la

    parole que je vous ai apporte pour votre salut ; arrtez-vous

    donc, et regardez avec attention".

    Alors l'aptre tendit sa main vers l'Orient en gmissant, et il dit :

    "Seigneur Jsus-Christ qui agis selon ta misricorde et ta

    compassion, montre ces hommes que tu es le vrai Dieu et qu'iln'y a pas d'autre Dieu que toi". Et quand il eut parl ainsi, il se fit

    un grand tremblement de terre, et quatre-vingts hommes prirent,

    et les autres, voyant ce qui s'tait pass, tombrent aux pieds de

    Jean, disant : "Seigneur, nous te prions de faire revenir ces morts

    la vie, et nous croirons en ton Dieu que tu nous prches". Jean

    leur rpondit : "Hommes d'Ephse, vous avez le cur dur et lent

    croire au vrai Dieu ; je sais que, si ces morts ressuscitent, votre

    cur restera endurci, ainsi que l'a t celui de Pharaon aprs qu'il

    eut vu des miracles et des prodiges". Toutefois les Ephsiens

    persvraient le prier en faveur de ceux qui avaient pri et ils se

    prosternaient devant l'aptre. Alors Jean, se rendant leur

    demande, leva les yeux au ciel, et resta longtemps dans le silence,

    en gmissant et en versant des larmes, et il dit : "Seigneur Jsus-

    Christ, toi qui es descendu sur la terre, pour sauver le genre

    humain, coute les prires de ton serviteur qui t'implore, et remetsles pchs de ton peuple ; fais que ceux qui sont morts en ce lieu

    reviennent la vie, afin qu'ils apprennent que tu es le Dieu

    vritable, et qu'ils croient en toi qui m'as envoy, et accorde-moi,

    ton serviteur, le don de leur prcher fidlement ta parole". Et

    quand Jean, le serviteur de Dieu, eut parl ainsi, le tremblement

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    16/231

    de terre cessa, et les morts qui gisaient par terre se relevrent, et

    tombant aux pieds de Jean, ils voulaient l'adorer ; mais Jean se

    mit leur annoncer la divinit unique du Pre, du Fils et du Saint-

    Esprit qu'ils devaient adorer, et que les trois personnes n'ont

    qu'une seule substance, et il leur enseigna beaucoup d'autreschoses que nous omettons d'crire dans ce livre.

    CHAPITRE VI

    Dioscoride nous conduisit ensuite chez lui et, aprs y tre rests

    quelque temps, nous nous rendmes en un endroit qui est appel

    le rempart de la ville, et nous y trouvmes un homme qui taitboiteux et paralytique depuis douze ans et que son infirmit

    mettait hors d'tat de se mouvoir ; lorsqu'il vit Jean, il se mit

    crier haute voix : "Aie piti de moi, Jean, aptre du Dieu

    vivant". Et Jean reconnaissant qu'il avait la foi, lui dit : "Au nom

    du Pre, et du Fils, et du Saint-Esprit, lve-toi", et aussitt le

    malade se leva, parfaitement guri.

    CHAPITRE VII

    Mais le dmon qui habitant dans le temple de Diane, voyant ce

    qu'avait fait Jean et que l'idole tait brise et qu'il avait t

    expuls de la ville, prit la forme d'un soldat ayant en sa main des

    papiers, et il s'assit en un lieu leva, et il criait avec force et il

    pleurait. Deux soldats passrent par l et voyant un homme revtu

    du costume militaire qui criait et qui pleurait, ils s'approchrent

    en disant : "Ami, qu'as-tu, et quelle est la cause de ta douleur ?"

    Lui ne rpondait rien, mais il continuait ses exclamations, et

    rpandant toujours des pleurs, il tenait des papiers falsifis. Et ils

    lui dirent derechef : "Apprends-nous le motif de ton trouble, et si

    nous le pouvons, nous y porterons remde".

    Continuant de gmir et de manifester la plus vive affliction, il

    rpondit : "Je suis accabl de dsespoir et je songe me donner lamort. Si vous voulez venir mon aide, je vous raconterai tout ce

    qui m'est arriv ; si vous ne le voulez pas, pourquoi vous

    rvlerai-je le secret de ma mort ?" Les soldats lui rpondirent :

    "Ton aspect et on costume montrent que tu es un homme

    honorable ; tu peux savoir si nous sommes en mesure de te

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    17/231

    secourir ou non". Le dmon leur rpondit : "Vous le pouvez". Et

    les soldats lui dirent alors : "En quoi pouvons-nous t'assister ?" Le

    dmon leur dit : "Jurez-moi par la grande Diane que vous ne me

    refuserez pas votre secours, et je vous raconterai tout ce qui m'est

    arriv, et montrez-vous bienveillants mon gard, car je suis untranger ; je vous en aurai une reconnaissance infinie, et vous

    m'aurez sauv la vie". Les soldats jurrent de l'assister dans son

    infortune et de lui prter tout leur appui. Alors le dmon leur

    montra des anneaux d'or et leur dit : "O mes amis fidles, voici ce

    qui vous est rserv pour vous ddommager de vos peines". Les

    soldats redoublrent d'instances auprs de lui et lui disaient :

    "Raconte-nous, ami, la suite de tes malheurs". Alors le dmon, enpleurant et en hurlant, leur fit le rcit suivant :

    "Je suis arriv de Csare ; le gouverneur de Jrusalem avait

    confi ma garde deux magiciens, l'un s'appelait Jean et l'autre

    Prochore. Je les gardai trois jours en prison ; le quatrime jour, ils

    furent conduits devant le juge et ils furent convaincus d'avoir

    commis des crimes nombreux. Le juge voyant quelle tait leur

    sclratesse, ne voulut pas dcider lui-mme de ce qu'il fallaitfaire d'aussi grands coupables et il ordonna qu'ils fussent

    ramens en prison. Je les y conduisis, mais ils trouvrent moyen

    de s'vader, et le juge l'ayant appris, m'ordonna de me mettre

    leur poursuite, m'annonant qu'il me pardonnerait, si je les

    retrouvais, mais que si je ne les ramenais pas, il faudrait que je

    subisse la mort ou que je ne revinsse jamais en Jude. Je sais

    quelle est la colre qui anime le juge contre ces malfaiteurs, et je

    n'oserai jamais reparatre devant lui si je ne les ramne pas". Et le

    dmon leur montra derechef des anneaux d'or disant : "Voici ce

    que j'ai emport de mon pays avec moi afin de ne pas tre sans

    ressources", et il montra des actes supposs qu'il disait contenir

    leurs aveux ; il ajouta qu'il avait entendu dire beaucoup de gens

    que les fugitifs taient Ephse ; "c'est pourquoi, dit-il, j'y suis

    venu comme un exil, abandonnant mon pays, ma femme et mes

    enfants. Je vous prie donc, vous qui voulez bien m'accorder votreamiti, de ne pas refuser votre appui un malheureux et de ne pas

    me priver de votre assistance".

    Les soldats lui rpondirent : "Ne te laisse pas accabler par la

    douleur et ne te fais aucun mal toi-mme. Ces magiciens sont

    ici, et nous te prterons notre secours pour que tu te saisisses

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    18/231

    d'eux". Le dmon rpondit : "Je n'ose pas me montrer eux car je

    crains qu'ils ne m'chappent encore par les ressources de leurs

    sortilges, mais vous, mes amis, attirez-les plutt dans quelque

    lieu cart, et tuez-les sans que personne le sache". Mais ils lui

    rpondirent : "Il vaut mieux que nous les remettions entre tesmains ; car si nous les tuons, comment pourras-tu retourner en ton

    pays ?" Le dmon dit : "Tuez-les, mes amis ; je n'ai plus aucune

    envie de revenir", et il en fit tant par ses paroles que les soldats lui

    promirent de les tuer condition de recevoir, pour leur

    rcompense, les anneaux d'or qu'il avait avec lui.

    Mais Jean connut toutes ces choses par la rvlation de l'Esprit de

    Dieu, et il sut tout ce que le dmon immonde machinait contrenous, et il me dit : "Mon fils Prochore, sache que le dmon qui

    habite dans le temple de Diane a suscit deux soldats contre nous

    et qu'il leur a dit beaucoup de mensonges. Dieu m'a fait savoir

    tout ce qu'il a dit. Maintenant sois ferme et prpare ton me la

    tentation, parce que le dmon dirige contre nous beaucoup de

    machinations et qu'il nous fatiguera par des tribulations

    multiplies". Et lorsque l'aptre eut dit ces paroles, les soldatsvinrent et se saisirent de nous, et Dioscoride tait alors absent. Et

    Jean leur dit : "De quoi nous accusez-vous, et pourquoi voulez-

    vous vous emparer de nos personnes ?" Ils rpondirent : "A cause

    de vos nombreux malfices" ; et Jean dit : "Qui est-ce qui est

    notre accusateur ?" Et ils dirent : "Laissez-vous conduire la

    prison, et vous verrez ensuite quel est votre accusateur". Alors

    Jean dit : "Vous ne pouvez, ni ne devez exercer aucune violence

    contre nous", mais ils commencrent nous frapper et nous

    conduisirent dans la maison d'un habitant de la ville, ayant le

    dessein de nous tuer, selon la promesse qu'ils avaient faite au

    dmon. Romca, sachant qu'ils s'taient empars de nous,

    accourut auprs de Dioscoride, lui racontant ce qui se passait. Et

    Dioscoride vint aussitt, et il nous dlivra de leurs mains, disant :

    "Il ne vous est pas permis de mener en prison des hommes contre

    lesquels il n'y a aucune accusation ; ils sont avec moi dans mamaison ; si quelqu'un veut les accuser, qu'il vienne, afin qu'ils

    soient jugs selon les lois". Alors les soldats dirent entre eux :

    "Allons et amenons leur accusateur qui exposera devant le juge

    ses justes sujets de plainte. Nous ne serions gure couts,

    Dioscoride s'opposant nous, et nous aurions de la peine

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    19/231

    l'emporter sur lui". Ils revinrent donc l'endroit o ils avaient

    d'abord rencontr le dmon ; et ne le trouvant pas, ils furent tout

    troubls et saisis d'inquitude, et ils disaient : "Comment ferons-

    nous, puisque nous ne le retrouvons plus ? Si Dioscoride trouve

    que nous n'avons pas dit la vrit et si nous sommes hors d'tat deprouver ce que nous avons avanc, il pourra, comme il possde

    une grande autorit, nous faire chtier trs svrement". Et tandis

    qu'ils parlaient ainsi, le dmon vint eux, revtu comme

    prcdemment d'un costume militaire, et il leur dit en les

    rprimandant : "Vous manquez de courage pour me servir". Mais

    ils lui racontrent tout ce qu'ils avaient fait, et comment

    Dioscoride nous avait dlivrs d'entre leurs mains, et ils dirent :"Si tu viens avec nous, il faudra bien qu'on nous les rende".

    "Allons", dit-il, et il allait derrire eux, criant et hurlant ; la foule

    s'attroupa autour d'eux, et le dmon racontait tout ce qu'il avait

    dj dit aux soldats, et les soldats confirmaient son tmoignage, et

    les auditeurs furent tous remplis de colre, et il y avait parmi eux

    beaucoup de Juifs. Et ils se rendirent la demeure de Dioscoride,

    frappant fortement aux portes et criant : "Livre-nous cesmagiciens, ou nous mettons le feu ta maison, et nous te ferons

    prir, toi et ton fils". Et la ville entire tait souleve et criait :

    "Remets-nous ces malfaiteurs ; lors mme que tu serais le

    gouverneur, tu n'aurais pas le droit de les protger".

    Jean, voyant tout ce tumulte, dit Dioscoride : "Nous mprisons

    les biens de ce monde, et nous n'avons aucun attachement pour

    nos corps ; Jsus-Christ est notre vie, et la mort est pour nous un

    profit ; notre Matre nous a enseign porter chaque jour notre

    croix et le suivre ; livre-nous donc au peuple". Dioscoride,

    entendant ces paroles, rpondit Jean : "Que plutt ma maison

    soit dtruite par le feu, et que mon fils et moi, nous vous suivions

    afin de gagner Jsus-Christ". Jean rpondit : "Ni toi, ni ton fils, ne

    devez cette heure souffrir le moindre mal, et pas un des cheveux

    de votre tte ne doit prir : livre-nous cette foule". Dioscoride

    rpondit : "Si je vous livre, je livrerai aussi mon fils". Jean dit :"Il est heureux que cette foule se soit rassemble, car ce

    rassemblement produira de grands biens ; laisse-nous sortir en

    sret ; reste dans ta maison avec ton fils, et vous verrez la gloire

    de Dieu". Et aussitt que nous fmes sortis, la foule se saisit de

    nous et nous conduisit au temple de Diane. Et lorsque nous fmes

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    20/231

    arrivs au temple, Jean dit ceux qui nous tenaient : "Habitants

    d'Ephse, quel est ce temple ?" Et ils rpondirent : "C'est le

    temple consacr Diane, notre grande desse". Alors il dit :

    "Restons-y un peu ; je me rjouis beaucoup d'y avoir t conduit".

    Et quelques-uns des assistants disaient : "Il est avantageux pournous d'tre ici, puisque Jean lui-mme en convient". Ils

    s'arrtrent donc, et Jean pria et dit : "Seigneur Jsus, que ce

    temple s'croule et tombe entirement, et que personne ne prisse

    ou ne soit bless dans sa chute".

    Et aussitt le temple s'croula, et personne n'eut le moindre mal.

    Alors Jean se retourna vers le dmon qui habitait en ce lieu, et lui

    dit : "Pendant combien de temps, esprit impur, es-tu rest dans cetemple ?" Et le dmon rpondit : "J'y ai fait mon domicile

    pendant deux cent quarante ans". Et Jean lui dit : "N'est-ce pas toi

    qui as excit contre nous des soldats et qui as fait soulever le

    peuple ?" Et le dmon en convient. Alors Jean lui dit : "Je te

    commande au nom de Jsus-Christ le Nazaren de ne plus habiter

    dans ce temple". Et aussitt le dmon sortit de la ville d'Ephse.

    Et tous les habitants furent frapps de surprise, et ils se disaiententre eux : "Nous ne savons par quel artifice cet homme a fait ces

    choses, mais il faut que nous le conduisions au juge de la ville, et

    qu'il soit puni selon la loi". Et un d'eux, nomm Marnon, de race

    juive, dit : "Je sais qu'il est un magicien ainsi que son compagnon,

    et qu'ils ont commis beaucoup de mfaits ; il convient donc qu'ils

    prissent comme des malfaiteurs". Et Marnon exhortait les

    assistants, non nous faire juger, mais nous mettre

    immdiatement mort, avant que nous eussions t mens devant

    le juge ; la foule s'y refusa cependant et nous amena devant le

    juge, qui dit : "De quel crime sont accuss les hommes que vous

    m'amenez ?" Et les assistants rpondirent : "Ce sont des

    magiciens et des malfaiteurs".

    Le juge dit alors : "Qu'est-ce qu'ils ont effectu par leur art

    magique ?" Et Marnon dit qu'ils avaient par leurs sortilges

    renvers le temple de Diane, et qu'un soldat qui tait venu deJrusalem, les accusait et les connaissait comme tant des

    magiciens et qu'il avait leurs aveux cet gard. Et le juge

    rpondit : "Que ce soldat vienne et qu'il nous fasse connatre la

    vrit". Et il nous fit charger de chanes et renfermer dans la

    prison. Les soldats parcoururent toute la ville pour retrouver celui

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    21/231

    qui leur avait parl, mais aprs trois jours, n'ayant pu le dcouvrir,

    ils revinrent vers le juge, disant : "Nous ne pouvons rencontrer cet

    homme qui a une connaissance certaine de leurs malfices". Le

    juge dit : "Nous ne pouvons punir des trangers contre lesquels il

    ne se prsente ni accusateurs ni documents, et nous ne saurionsles retenir en prison". Il ordonna donc que l'on nous tirt du

    cachot o nous tions, et nous fit des menaces, nous ordonnant de

    sortir de la ville. Et les habitants nous poursuivirent, et nous nous

    retirmes sur le rivage de la mer, l'endroit o Jean avait t jet

    par la tempte, et nous y restmes trois jours, et il nous fut ensuite

    permis de rentrer Ephse.

    CHAPITRE VIII

    Sur ces entrefaites, Domitien suscita sa seconde perscution, et

    tandis que Jean tait Ephse, l'empereur adressa au proconsul de

    cette ville une lettre, disant : "Nous avons appris qu'il y avait chez

    vous un nomm Jean, fils de Zbde, qui passe pour chrtien et

    pour le disciple de ce Nazaren que les Juifs ont crucifi causede ses crimes ; qu'il renonce son erreur et qu'il vive, ou qu'il

    prisse s'il y persiste". Le proconsul envoya des soldats pour faire

    arrter Jean, et, suivant l'arrt de l'empereur, il l'avertit de renier

    Jsus-Christ et, de cesser de prcher l'Evangile. Mais Jean lui

    rpondit : "Loin de moi de jamais renier le nom si doux de mon

    Seigneur, nom auquel tout genou se flchit et que toute langue

    confesse ; il vaut mieux obir Dieu qu'aux hommes cause de

    la grande gloire de sa Majest, et de la gloire qu'il a promise

    ceux qui l'aiment. Je ne renierai pas Jsus-Christ qui est mon

    Matre et qui m'a aim, et je ne cesserai pas de prcher l'Evangile

    de son nom, jusqu' ce que le cours du ministre qu'il m'a confi

    soit accompli". Lorsque le proconsul entendit les paroles de

    l'aptre, son visage changea par l'excs de sa colre, et il dit

    Jean : "Comment es-tu parvenu une dmence telle que tu excites

    contre toi la colre de l'empereur ?" et il ordonna aussitt qu'onl'enfermt dans la prison, en disant : "Il ne faut pas laisser en

    libert ceux qui se rvoltent contre le prince et qui mprisent les

    lois".

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    22/231

    CHAPITRE IX

    Le proconsul crivit Domitien, au sujet de Jean, une lettre ainsi

    conue : "A Domitien Csar, toujours auguste, le proconsuld'Ephse. Que ta majest sacre sache au sujet de Jean, fils de

    Zbde, concernant lequel tu nous as crit qu'il est venu en Asie,

    et qu'il a prch le Christ crucifi, qu'il affirme tre le vrai Dieu et

    le Fils de Dieu ; il dprcie le culte de nos dieux invincibles, et il

    renverse les temples vnrables qui ont t rigs par nos

    anctres. Comme il se livrait la magie, violant ainsi les dits

    impriaux, et comme par ses artifices et ses prdications, il attiraittout le peuple d'Ephse au culte d'un homme mort et crucifi,

    nous, enflamms de zle pour l'honneur des dieux immortels,

    nous avons ordonn qu'il ft amen devant notre tribunal, pour

    qu'il cesst de prcher et qu'il offrt aux dieux des libations qui

    leur fussent agrables. Comme il nous a t impossible de l'y

    dterminer, nous transmettons ces nouvelles ta majest

    impriale, afin qu'elle nous fasse savoir ce qu'elle dtermine danssa sagesse suprme au sujet de ce rebelle, et nous l'excuterons

    fidlement".

    CHAPITRE X

    Domitien disputait alors Rome avec Marcel et avec Lin au sujet

    de l'avnement de Jsus-Christ, et comme il vit qu'il ne pouvait

    les convaincre, il fut rempli de colre, et ce fut en ce moment

    qu'on lui prsenta les lettres du proconsul au sujet de Jean ; il se

    mit les lire et, de plus en plus irrit, il ordonna au proconsul de

    faire partir Jean d'Ephse et de l'envoyer Rome enchan. Le

    proconsul, recevant l'ordre de l'empereur, fit enchaner Jean et le

    conduisit avec lui Rome sous une escorte de soldats. Quand

    Domitien apprit son arrive, cet empereur impie ne voulut pas

    voir le visage de l'aptre, et il commanda au proconsul de faireconduire Jean devant la porte Latine et de le faire jeter tout vivant

    dans une cuve d'huile bouillante, aprs l'avoir fait flageller et lui

    avoir fait couper les cheveux, afin de le montrer

    ignominieusement au peuple. Le proconsul commanda de

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    23/231

    dpouiller l'aptre et de le fouetter cruellement aprs lui avoir

    ras la tte ; et les licteurs firent ce qui leur tait prescrit.

    CHAPITRE XI

    Le snat romain se runit ensuite avec le proconsul et avec le

    peuple devant la porte Latine, et l'ordre fut donn d'apporter un

    tonneau rempli d'huile bouillante dans lequel le bienheureux

    aptre Jean fut jet la veille des Nones de mai, nu, flagell et

    trait avec ignominie, mais protg par la grce divine de Notre-

    Seigneur Jsus-Christ, il sortit de cette huile enflamme et

    bouillante comme un athlte plein de vigueur, et sans avoirressenti la moindre brlure ; la protection du Seigneur qui

    l'animait fit qu'il n'prouva aucun mal, et qu'il se montra plein de

    force et de vigueur. Les fidles qui taient prsents pleuraient de

    joie, et levaient leur voix vers le ciel, louant la constance

    apostolique et le mrite de Jean l'Evangliste. Et les adorateurs de

    Jsus-Christ, qui taient devant la porte Latine, construisirent une

    glise, la ddiant sous le nom de Jean. Dieu se servit d'un tyrancruel pour arriver ses desseins, et de mme que Jean et Pierre

    avaient t compagnons par leurs vertus et par les miracles qu'ils

    avaient faits, de mme la volont du Seigneur tait qu'ils

    laissassent Rome le souvenir de leur triomphe. La porte

    Vaticane tait devenue triomphale et clbre cause de la croix

    de Pierre, la porte Latine doit aussi son renom au tonneau de

    Jean. Et le proconsul voyant que l'aptre tait sorti de l'huile sans

    avoir de mal, et oint comme un intrpide athlte de Jsus-Christ,

    fut frapp de stupeur, et il lui aurait rendu la libert s'il n'avait pas

    craint le courroux de l'empereur. Domitien dfendit au proconsul

    de faire davantage torturer Jean, et lui commanda de le garder

    jusqu' ce qu'il et statu son gard.

    CHAPITRE XII

    Aprs que ces choses se furent passes, le Seigneur apparut

    Jean, et lui dit : "Il faut que tu retournes Ephse, et au bout de

    trois mois, tu seras envoy en exil Pathmos ; cette ville a

    grandement besoin de toi, et aprs que tu y auras beaucoup sem,

    tu la convertiras moi". Nous entrmes donc de nouveau

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    24/231

    Ephse, et les idoles qui restaient furent brises, et il n'y avait pas

    un temple Ephse d'o la souillure des simulacres des faux

    dieux n'et t enleve. L'aptre Jean fit ces miracles Ephse

    avant d'tre exil, et il eut beaucoup souffrir de la part des Juifs,

    des Grecs et des Romains, que le diable suscitait contre nous. Etles prtres et les magistrats d'Ephse crivirent Domitien une

    autre lettre ainsi conue :

    CHAPITRE XIII

    "Les habitants d'Ephse Domitien, souverain de l'univers. Nous

    te prions de nous venir en aide, car des hommes, sortis de laJude, et qu'on nomme Jean et Prochore, sont venus jeter le

    trouble dans notre ville, y prchant une doctrine nouvelle, et ils

    ont dtruit, par leurs artifices magiques, tous les temples de nos

    grands dieux. Nous te faisons savoir ces choses pour que, d'aprs

    tes ordres, nous excutions ta volont leur gard".

    L'empereur ayant vu ces lettres ordonna que nous fussions exils,

    et il crivit en ces termes :

    CHAPITRE XIV

    "Domitien Csar, aux magistrats et aux habitants de la ville

    d'Ephse. Nous voulons que ces sclrats et ces impies magiciens,

    nomms Jean et Prochore, soient exils : notre clmence les a

    trop longtemps pargns, mais, maintenant qu'ils insultent les

    dieux immortels, il n'est pas juste qu'ils restent au milieu de ceux

    qui honorent les dieux. Nous ordonnons qu'ils soient relgus

    Pathmos, d'abord, parce qu'ils sont les ennemis du culte des

    dieux, ensuite, parce qu'ils mprisent nos lois et qu'ils se jouent

    de nos dits ; il faut qu'ils apprennent, en prouvant de grandes

    souffrances, respecter la grandeur des dieux et ne pas mpriser

    notre autorit".Cet ordre de Csar tant parvenu Ephse, les magistrats nous

    jetrent dans les chanes, mon matre Jean et moi, et ils nous

    frapprent, nous insultant et disant : "Est-ce l le sducteur qui,

    par ses malfices, commet tant de crimes ?" Et cent soldats furent

    envoys pour nous garder. Non seulement ils garrottrent Jean

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    25/231

    l'aptre et l'vangliste, l'ami de Dieu, mais encore ils le

    frapprent, en l'accablant d'injures, et ils nous conduisirent

    ensuite au navire.

    CHAPITRE XV

    Lorsque nous fmes entrs dans le navire, les soldats nous

    commandrent de nous asseoir au milieu du btiment, et ils nous

    donnrent pour notre nourriture six onces de pain et un petit vase

    plein d'eau, avec un peu de vinaigre. Jean ne prenait par jour que

    deux onces de pain et la huitime partie de sa portion d'eau, et il

    me laissait le reste. Lorsqu'arriva la troisime heure du jour, lessoldats s'assirent pour manger, et ils avaient en abondance des

    vivres et de la boisson de bonne qualit. Aprs avoir mang, ils se

    mirent jouer. Et, tandis qu'ils dansaient et qu'ils sautaient, un

    d'eux, un jeune homme, courant sur le bord du navire, tomba la

    mer. Son pre, qui tait aussi sur le navire, se livra un dsespoir

    extrme, et il se serait volontiers, lui aussi, prcipit la mer, si

    on ne l'avait retenu. Et quelques-uns des soldats et des officiers,venant l'endroit o Jean tait attach, et voyant qu'il ne pleurait

    pas, lui dirent : "Nous pleurons tous cause du malheur qui est

    survenu, et tu restes sans donner aucun signe de regret ?" L'aptre

    leur dit : "Que voulez-vous que je fasse pour vous ?" Et ils

    rpondirent : "Aide-nous, si tu le peux" ; car ils avaient entendu

    parler des nombreux miracles qu'il avait faits Ephse.

    Jean dit l'un d'eux : "Quel Dieu adores-tu ?" et il rpondit :

    "Apollon, Junon, Hercule et Bacchus" ; et un autre : "Et toi,

    quels sont tes dieux ?" et il rpondit : "Esculape et la grande

    Diane des Ephsiens". Il interrogea galement les autres, et

    chacun d'eux fit connatre ses erreurs, et Jean leur dit : "Des dieux

    aussi nombreux ne peuvent donc ni aider, ni secourir votre

    compagnon, et ils sont hors d'tat de vous assister dans vos

    embarras et dans vos chagrin ?" Ils lui rpondirent : "C'est parce

    que nous sommes immondes devant eux, qu'ils ont permis quenous prouvions ce malheur". Jean les laissa dans l'affliction

    jusqu' la troisime heure du jour suivant, et ensuite, mu de

    compassion pour celui qui avait pri, et touch de la douleur de

    tous les assistants, il dit : "Lve-toi, mon fils Prochore, et donne-

    moi la main", car il tait accabl par le poids de ses fers. Je me

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    26/231

    levai et je lui tendis la main, et il monta dans une partie leve du

    navire, et il pleura amrement, et il dit la mer : "Au nom du Fils

    de Dieu qui a march sur toi pied sec et pour lequel je porte ces

    chanes, comme tant son esclave, rends-nous sain et sauf le

    jeune homme que tu as englouti".Ds que Jean eut prononc ces mots, il s'leva aussitt un orage,

    et les vagues firent un grand bruit, de sorte que ceux qui taient

    bord du navire, craignirent d'tre submergs ; et une vague

    norme, tombant sur le navire, jeta le jeune homme sain et sauf.

    Tous ceux qui virent ce prodige, se prosternrent aux pieds de

    Jean, disant : "Vraiment ton Dieu est le Dieu du ciel et de la terre,

    et le crateur de toutes les cratures" ; ils dtachrent alors leschanes qui liaient le bienheureux aptre, et nous restmes avec

    eux en trs bon accord.

    CHAPITRE XVI

    Nous arrivmes ensuite auprs d'un chteau devant lequel s'arrta

    notre navire, et nous y sjournmes jusqu'au coucher du soleil.Lorsque ceux qui taient descendus terre furent revenus, nous

    partmes, et vers la cinquime heure de la nuit, il s'leva une

    tempte terrible, et le navire tait en grand danger de se briser, de

    sorte que la mort tait devant les yeux de nous tous. Et dix des

    hommes, qui taient bord, vinrent vers Jean, disant : "Aptre du

    Dieu vivant, toi qui, sauvant notre camarade des prils de la mer,

    nous l'as rendu vivant, et l'as restitu son malheureux pre, prie

    ton Dieu, afin qu'il apaise cette tempte, pour que nous ne

    prissions pas". L'aptre leur dit : "Taisez-vous, et que chacun de

    vous se tienne tranquille sa place". Tous gardrent le silence,

    mais les vagues s'agitant de plus en plus, ils se mirent crier :

    "Aie piti de nous aptre de Jsus-Christ" ; il leur rpondit :

    "Taisez-vous ; ce navire ne prira pas, et pas un d'entre vous ne

    perdra un cheveu de sa tte". Il se leva ensuite et dit : "O mer,

    l'aptre de Jsus-Christ te commande au nom de Jsus-Christ,calme-toi et reste tranquille". Et aussitt la mer devint

    parfaitement calme, et tous furent remplis d'tonnement.

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    27/231

    CHAPITRE XVII

    Aprs avoir navigu durant trente jours et autant de nuits, nous

    arrivmes Epidaure, o habitait Marnon qui avait, plusieursreprises, soulev les Ephsiens contre nous. Et quand il nous vit

    assis dans le navire, il dit ceux qui taient avec nous : "Qui sont

    ces hommes qui se trouvent avec vous, bord de ce btiment ?"

    Ils rpondirent : "Ce sont des chrtiens, et ils nous ont sauvs d'un

    grand pril pendant notre navigation". Marnon demanda :

    "Comment s'appellent-ils ?" Et nos compagnons rpondirent :

    "L'un d'eux se nomme Jean et son disciple s'appelle Prochore".Marnon monta alors sur le navire, et se mit crier : "Que faites-

    vous ici, magiciens, has de Dieu et des hommes ?" L'un des

    envoys du roi, qui tait avec les soldats chargs de nous garder,

    rprimanda Marnon, en disant : "Pourquoi profres-tu de

    semblables paroles contre des hommes saints ? Nous les gardons,

    et, suivant l'ordre du roi, nous les conduisons l'le de Pathmos".

    Lorsqu'il eut parl ainsi, Marnon descendit de la poupe, etdchirant ses vtements, il criait : "Mes frres, qui rsidez avec

    moi Epidaure, aidez-moi tous". Et, comme Marnon tait riche et

    qu'il avait de grands biens, une foule nombreuse s'empressa

    autour de lui, et demanda la cause de ses clameurs. "C'est",

    rpondit-il, "parce qu'il est arriv en cette ville des magiciens qui

    sont souills de crimes, et qui ont inflig de grands maux aux

    habitants d'Ephse. Ils sont venus ici pour nous faire souffrir les

    mmes peines. Venez donc avec moi, vous tous qui habitez

    Epidaure, mettons le feu au navire, et que ces magiciens

    prissent".

    Les habitants crurent aux paroles de Marnon, et voulurent brler

    le navire qui nous portait. Mais les envoys de l'empereur, voyant

    la mauvaise volont qui se manifestait contre nous, dirent :

    "Habitants d'Epidaure, prenez garde de rien faire contre ces

    hommes ; nous les conduisons en exil Pathmos, selon l'ordre del'empereur Domitien qui a command qu'ils y fussent relgus".

    Les habitants d'Epidaure s'arrtrent alors dans leur entreprise, et

    on leur montra les lettres scelles du sceau imprial, et ils dirent :

    "Pourquoi ne frappez-vous pas ces hommes de vos pes, afin

    qu'ils ne vous chappent point par leurs artifices, et qu'ils ne se

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    28/231

    drobent vos mains, ce qui attirerait sur vous la colre de

    l'empereur ? Ce sont des hommes fort dangereux, trs habiles

    dans la magie, et ils ont fait prir beaucoup de monde par leurs

    malfices ; celui qu'on appelle Jean est un fourbe digne de tous

    les supplices". Nos gardiens taient tonns de ces paroles, carMarnon les avait gars par ses paroles trompeuses, et il les pria

    de manger avec lui. Quand le repas fut fini, ils embrassrent

    Marnon, et ils revinrent furieux sur le navire ; oubliant les

    bienfaits que mon matre Jean leur avait accords, ils le lirent

    avec de lourdes chanes de fer, et ils nous remirent au rgime qui

    nous avait d'abord impos.

    CHAPITRE XVIII

    Nous partmes d'Epidaure et nous arrivmes Myrrha, o nous

    fmes retenus sept jours, cause de la maladie d'un des soldats,

    qui souffrait beaucoup de la dysenterie et d'un flux de sang, et, le

    huitime jour, il s'leva une querelle entre nos gardiens. Les uns

    disaient qu'il n'tait pas propos que nous nous arrtassions pluslongtemps, parce qu'il fallait accomplir l'ordre qui avait t

    donn, et achever le voyage commenc ; sinon on s'exposerait

    tre tax de ngligence et puni. Les autres rpondirent qu'il n'tait

    pas juste d'abandonner un camarade dans une situation fcheuse

    qui ne lui permettait pas de supporter les fatigues de la mer, et

    qu'il fallait attendre quelques jours, pour voir ce qu'il deviendrait.

    Jean, voyant que cette discussion se prolongeait sans rsultat, me

    dit : "Mon fils Prochore, va dire ce malade, au nom de Jsus-

    Christ, qu'il vienne vers moi". Je m'approchai du malade et je lui

    rptais ce que Jean m'avait dit, et il se leva aussitt, et il vint

    avec moi auprs de Jean. Et Jean lui dit : "Dis tes compagnons

    que nous devons partir d'ici et nous remettre en route". Et aussitt

    cet homme qui, malade depuis sept jours, n'avait pris aucun

    aliment, engagea ses compagnons se remettre immdiatement

    en chemin.

    CHAPITRE XIX

    Nous vnmes ensuite un endroit qui s'appelait Liphos, et une

    violente tempte nous y retint six jours. Ce lieu tait dpourvu

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    29/231

    d'eau douce, et nous tions tous tourments par la soif. Et Jean me

    dit : "Mon fils Prochore, fais descendre un vase dans la mer au

    nom de Jsus-Christ, et retire-le". Je fis ce qu'il me commandait,

    et il me dit ensuite : "Prends plusieurs vases et remplis-les de

    cette eau de mer". Je le fis, et tous ces vases se trouvrent aussittremplis de l'eau la plus douce, et Jean dit tous ceux qui taient

    sur le navire : "Au nom de Jsus-Christ crucifi, buvez" ; et tous

    burent, et furent saisis d'tonnement, et ils se disaient les uns aux

    autres : "Que ferons-nous cet homme qui opre les merveilles

    dont nous sommes tmoins ? Allons et dlivrons-le de ces chanes

    et demandons-lui qu'il nous pardonne le mal que nous lui avons

    fait, de peur que le feu du ciel ne descende et qu'il ne nousdtruise".

    Ils vinrent donc l'aptre, et lui dirent : "Homme de Dieu, ne

    t'irrite pas contre tes serviteurs ; nous accomplissons les ordres de

    l'empereur, et nous n'osons pas les enfreindre ; mais nous te

    dlivrons de tes chanes et nous ferons tout ce que tu nous

    demanderas". Et aussitt ils dgagrent mon matre Jean de ses

    liens. Et Jean leur dit : "Je compte pour rien les fatigues etl'inquitude de ce monde ; mais mon me prouve une joie

    extrme accomplir la volont et les prceptes de Jsus-Christ,

    mon Dieu, qui a t crucifi pour notre salut". Les soldats,

    entendant ces paroles, tombrent tous le visage contre terre, et

    dirent l'aptre : "Seigneur, voici que tout est en ton pouvoir ; va

    en libert o tu voudras : nous nous dirigerons vers notre pays".

    Jean leur dit : "Avez-vous assez de confiance dans votre

    empereur pour croire que vous ne vous exposerez pas sa colre,

    si vous me laissez aller ?" Et ils rpondirent : "Non, Seigneur".

    Jean leur dit : "Achevez donc ce que votre matre vous a

    command ; rendez-vous l'endroit qu'il a dsign, et retournez

    ensuite en paix chez vous". Et Jean leur enseigna ensuite, d'aprs

    l'Ecriture sainte, ce qui concerne le Fils de Dieu, et ayant cout

    sa parole, ils le prirent de leur donner le baptme, et il en baptisa

    en ce jour dix qui taient les chefs des autres. Et partant deLiphos, nous arrivmes Pathmos, et entrant dans la ville, les

    soldats nous remirent, d'aprs les ordres de l'empereur, ceux qui

    devaient nous recevoir. Les chefs qui avaient t baptiss prirent

    Jean de leur permettre de rester avec nous dans cette le, mais il

    ne le voulut pas et il dit : "Mes enfants, conservez seulement la

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    30/231

    grce que vous avez reue, et le lieu o vous rsiderez

    n'importera pas". Ils restrent dix jours, et ayant reu avec joie sa

    bndiction, ils retournrent tous, chacun en son pays.

    CHAPITRE XX

    Il y avait Pathmos un homme fort riche nomm Myron, et dont

    la femme s'appelait Flora ; ils avaient trois fils instruits dans la

    science de la rhtorique, et l'an d'entre eux tait possd du

    dmon. Myron nous ayant reus chez lui, son fils, qui tait livr

    l'esprit malin, connaissant la puissance de Jean, s'enfuit dans un

    autre pays, de peur que Jean ne chasst hors de lui l'esprit impur.Myron sachant que son fils s'tait enfui, dit sa femme : "Si ces

    hommes taient des gens de bien, notre fils ne se serait pas enfui ;

    il faut qu'ils soient, comme on le dit, des magiciens et des

    enchanteurs ; ils ont jet leurs malfices sur cette maison, et ils

    sont cause de la fuite de notre fils. O mon cher enfant, comment

    ai-je t assez insens pour recevoir chez moi ces magiciens qui

    sont cause que je t'ai perdu ?"Sa femme lui rpondit : "Si la chose est telle que tu le dis,

    pourquoi ne les chasses-tu pas de ta maison, de peur qu'ils ne

    frappent nos autres fils de pareils malfices et qu'ils ne les forcent

    s'loigner de nous et prir ?" Myron rpondit : "Je ne les

    chasserai pas, mais je leur infligerai beaucoup de tribulations

    jusqu' ce qu'ils fassent revenir ici notre fils ; ils seront ensuite

    punis rigoureusement". Myron tait le beau-frre du gouverneur

    de l'le de Pathmos, et tout ce qu'il avait dit sa femme fut rvl

    Jean par une inspiration divine, et il me dit : "Mon fils

    Prochore, sache que notre hte Myron mdite de nous faire

    souffrir beaucoup de maux. Car son fils an tait possd du

    dmon, et lorsque nous sommes entrs dans la maison, l'esprit

    immonde a eu peur que nous ne le chassions ; il s'est enfui

    transportant ce jeune homme dans un autre pays, et c'est pourquoi

    Myron est irrit contre nous ; mais que ton esprit ne se trouble pasau sujet des machinations de Myron contre nous". Et tandis que

    Jean me parlait ainsi, il arriva une lettre du fils de Myron conue

    en ces termes :

    "A mon pre et ma mre, moi Apollonide, salut. Un magicien

    nomm Jean, que vous avez reu dans votre maison, a accompli

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    31/231

    par ses prestiges beaucoup de choses criminelles, et il a envoy

    un esprit qui m'a poursuivi jusque dans cette ville, o aprs avoir

    souffert beaucoup de prils, j'ai trouv un homme nomm

    Cynops, plein de bont et de franchise, qui m'a racont la cause

    de mes malheurs. Et il m'a dit : "Mon fils Apollonide, si cemagicien n'est pas tu, tu ne pourras plus sjourner dans ta patrie,

    ni revoir tes parents". C'est pourquoi, mon pre, je te supplie

    d'avoir piti de ton fils et de faire prir ce magicien nomm Jean,

    afin que je puisse bientt jouir de tes embrassements, de ceux de

    ma mre et de mes deux frres".

    Myron ayant lu cette lettre, nous enferma aussitt, et se rendant

    auprs du gouverneur, il la lui montra ; le gouverneur fut d'autantplus irrit contre nous que le nom de Cynops se trouvait dans

    cette lettre, et tous ceux qui habitaient Pathmos respectaient ce

    Cynops comme un Dieu, cause de ces grands prestiges. Le

    gouverneur, mu des paroles de Myron et d'Apollonide, ordonna

    de livrer Jean aux btes ; nous fmes donc de la demeure de

    Myron, conduits la prison, et aprs y tre rests trois jours, on

    nous amena devant le gouverneur.Et il dit Jean : "Notre excellent empereur Domitien, aprs avoir

    entendu les accusations portes contre toi, t'avait condamn ; il t'a

    ensuite fait grce de la vie, et voulant te donner les moyens de

    t'amender il t'a envoy dans cette le, et voici que tu prtends y

    commettre des mfaits plus grands que ceux dont tu t'es rendu

    coupable Ephse ; car tu as chass le fils de mon beau-pre.

    Rponds-moi promptement avant que je ne te chtie, fais que

    mon parent revienne et dis quelle religion tu professes, et de quel

    pays tu es venu ici".

    Jean rpondit : "Je suis Hbreu, le serviteur de Jsus-Christ, Fils

    du Dieu vivant qui a t crucifi et enseveli pour les pchs des

    hommes et qui est ressuscit le troisime jour d'entre les morts ; il

    m'a envoy prcher l'Evangile toutes les nations pour qu'elles

    croient en lui et qu'elles aient la vie ternelle". Le gouverneur lui

    dit : "Le pieux empereur t'a condamn l'exil pour avoir prchpareilles choses. Apprends, insens, honorer les dieux et

    respecter les immortels ; observe les lois de l'empire et ne

    reprsente pas comme tant Dieu un homme qui a t condamn

    cause des troubles qu'il excitait". Le bienheureux Jean dit : "Je le

    vnre toujours comme tant immortel, et je l'annonce ceux qui

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    32/231

    doivent mener une vie pieuse". Le gouverneur rpondit : "Nous

    n'avons pas besoin d'entendre toutes les fables que tu dbites. Il

    t'a t dfendu de continuer prcher ainsi ; ramne Apollonide

    sain et sauf en cette ville, et rends-le sa famille".

    Jean rpondit : "Je ne puis cesser de prcher comme je le fais, etd'attendre ainsi la rcompense du salut ternel, qui m'est promise

    la fin de mon travail et que m'accordera celui que j'ai aim et en

    qui j'ai cru, mon matre Jsus-Christ qui est bni dans tous les

    sicles. Quant ton ami Apollonide, je n'ai rien fait contre lui ; si

    tu le permets, j'enverrai mon disciple le chercher et il le ramnera

    ici, et s'il a se plaindre de nous, il nous accusera en ta prsence".

    Le gouverneur ordonna d'en agir ainsi, et il retint en attendantJean li de deux fortes chanes. Et Jean lui dit : "Permets-moi

    dcrire Apollonide, et tu m'enverras ensuite ne prison". Le

    gouverneur l'ayant permis, Jean adressa cette lettre Apollonide :

    "Jean l'aptre de Jsus-Christ, Fils de Dieu, l'esprit malin qui

    habite en Apollonide ; je t'ordonne, au nom du Pre et du Fils et

    du Saint-Esprit, de sortir de la crature de Dieu et de ne plus

    t'introduire en elle, et de ne pas sjourner en cette le, mais de teretirer dans un dsert o nul homme n'habite. Et c'est ce que moi,

    Jean, je te commande au nom de la sainte Trinit".

    Moi, Prochore, je pris cette lettre et j'allai la ville o habitait

    Apollonide, et qui tait une distance de soixante milles. Et tant

    entr dans cette ville, je me mis le chercher, et je le retrouvais

    au bout de deux jours ; et aussitt que je me fus approch de lui,

    l'esprit immonde le quitta. Et aussitt Apollonide reprit ses sens,

    et il me dit : "Pourquoi es-tu venu ici, charitable disciple du

    meilleur des hommes ?" Et je rpondis : "Je suis venu pour te

    ramener auprs de ton pre qui te chrit, et de ta famille". Et

    aussitt il ordonna de prparer des chevaux, et nous nous mmes

    en route.

    Et quand nous fmes arrivs Pathmos, Apollonide me demanda

    o tait la demeure de Jean, et je rpondis que le gouverneur le

    retenait en prison charg de chanes. Alors, sans vouloir se rendreauprs de sa famille, il alla droit la prison, et le gelier tomba

    ses pieds, lorsqu'il le reconnut. Et Apollonide tant entr et ayant

    vu Jean, se prosterna devant lui, mais l'aptre le releva et lui dit :

    "Mon fils, que Dieu te bnisse". Et Apollonide dlivra aussitt

    Jean de ses fers, et il dit au gelier : "Si le gouverneur demande

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    33/231

    qui a dlivr ce prisonnier, dis-lui que c'est moi". Il nous

    conduisit ensuite la maison o son pre, sa mre et ses frres

    taient livrs la douleur. Et quand ils le virent, ils se levrent

    pleins de joie, et ils l'embrassrent en pleurant, et son pre lui dit :

    "Que t'est-il donc arriv, mon fils, pour que tu te sois chapp dema maison et que tu nous aies caus tous une affliction aussi

    vive". Et Apollonide rpondit : "Notre maison tait pleine de

    pchs et de dmons, et quand Jean, l'aptre du Seigneur, y est

    entr, nous l'avons mconnu, et nous n'avons pas su qui

    l'envoyait, mais j'ai appris qui il tait et de qui il tenait sa

    mission".

    Myron, entendant ces paroles, eut foi en son fils, et il dit : "Monfils, s'il en est ainsi, allons vers le gouverneur et annonons-lui ce

    que tu nous apprends ; c'est lui qui de concert avec moi, a fait

    mettre Jean en prison". Apollonide rpondit : "Ne t'inquite pas

    de cela, mon pre, j'ai dlivr Jean, et le gouverneur, qui est

    notre parent, veut ce que nous voulons". Et Apollonide introduisit

    Jean et lui dit : "Cher matre, annonce-nous des paroles utiles qui

    nous fassent recevoir la vie ternelle". Et Jean dit : "Je veuxd'abord que tu me racontes pourquoi tu as abandonn ta patrie et

    pourquoi tu t'es rfugi en un pays tranger". Et Apollonide dit :

    "Il y a plusieurs annes, tandis que je dormais, quelqu'un vint et

    me toucha ; je m'veillais aussitt, et je vis celui qui m'avait

    rveill ; ses yeux taient grands et brillaient comme des

    charbons ardents, et son visage resplendissait comme l'clair ; il

    me dit : "Ouvre la bouche", et aussitt il entra dans mon ventre, et

    ds ce jour, je connus tout ce qui devait arriver de bien ou de mal

    notre maison, et tous venaient moi et me questionnaient sur

    leurs affaires ; mais quand tu es entr dans cette maison, il me

    dit : "Apollonide, c'est un magicien", et il me rpta toujours :

    "S'il n'est pas mis mort, tu ne pourras revenir dans ton pays".

    J'interrogea Cynops, et il m'en a dit autant. Et quand le disciple de

    Jean est entr dans le lieu o j'habitais, j'ai vu l'esprit qui tait en

    moi en sortir ayant une forme pareille celle qu'il avait quand ilest entr en mon corps, et aussitt je me sentis dlivr de

    beaucoup de peines et rempli d'une grande joie et d'une

    consolation extrme".

    Et Jean dit Apollonide : "Mon fils, c'est un signe de la puissance

    et de la misricorde de Jsus-Christ, Fils de Dieu, qui a t

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    34/231

    crucifi pour nous et qui est ressuscit. Le dmon qui tait entr

    en toi, te chassa de ta maison lorsque nous y sommes entrs, car il

    craignait que nous ne le chassions par la puissance de Jsus-

    Christ. Maintenant, mon fils, non seulement nous triomphons de

    l'esprit impur en invoquant la puissance de Dieu, mais encorenous l'expulsons par une lettre". Et Jean me demanda la lettre

    qu'il avait crite au dmon et dont j'avais t porteur, et il la

    montra Apollonide. Lorsque celui-ci l'eut lue, il alla avec nous

    et avec ses frres, auprs du gouverneur, et il lui raconta tout ce

    qui s'tait pass. Le gouverneur, baissant la tte, nous rendit

    grces, et depuis il eut un grand attachement pour Jean, mon

    matre, et l'ayant quitt, nous revnmes dans la maison de Myron.

    CHAPITRE XXI

    Jean, rempli de l'Esprit-Saint, commena leur raconter les

    grandeurs de Dieu, et les instruisit dans les saintes Ecritures, et ils

    le prirent tous de les baptiser au nom du Pre et du Fils et de

    l'Esprit-Saint, et Jean baptisa en ce jour tous ceux qui taient dansla maison de Myron. Et la femme du gouverneur, la fille de

    Myron, qui s'appelait Chrysippe, voyant que son pre, sa mre et

    ses frres croyaient au Fils de Dieu, dit son mari : "Voici que

    toute la maison de mon pre croit en ce Dieu crucifi que Jean

    prche ; je dsire donc que nous croyions aussi afin que notre

    maison soit glorifie comme celle de mon pre, et puisque tu es

    en possession du pouvoir, aide-nous contre ceux qui perscutent

    Jean". Son mari lui rpondit : "Je ne puis faire ce que tu conseilles

    tant que je gouverne la province ; car la secte des Chrtiens est un

    objet de haine et de mpris universel, et si l'on voyait Jean et les

    autres chrtiens frquenter ma maison et celle de ton pre, on

    nous souponnerait d'tre chrtiens, et il en rsulterait de vives

    attaques contre nos maisons et je serai priv de ma charge.

    Lorsque j'exerais la magistrature en Grce, je me conformais,

    publiquement, au culte des gentils, mais en secret, je favorisaisceux qui croyaient en Jsus-Christ. Lorsque j'aurai accompli le

    temps fix pour tre gouverneur, il sera plus propos que je me

    dclare Chrtien. Toi, prends notre fils et entre dans la maison de

    ton pre, et coute avec zle la parole de Jean, et que ton fils soit

    baptis avec toi. Ne mprise aucune des paroles de Jean et ne

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    35/231

    m'en fais part que lorsque j'aurai embrass la foi. Car si les lois

    des Grecs condamnent ceux qui rvlent les mystres de leurs

    dieux, les Chrtiens doivent tre encore bien plus svres cet

    gard".

    Et Chrysippe, quittant son mari, prit son fils et vint chez son preMyron ; et tant entre, elle salua ses parents ainsi que l'aptre

    Jean. Et il lui demanda : "Pourquoi es-tu venue ici, ma fille ?" Et

    elle rpondit : "C'est, bon matre, pour que ma maison soit

    glorifie comme celle de mon pre". Et Jean lui dit : "Que Dieu

    dirige ton cur, celui de ton mari et celui de ton enfants, et qu'il

    conserve tout ce qui est en ta maison". Et Chrysippe, tombant aux

    pieds de l'aptre, dit : "Matre, donne-moi, ainsi qu' mon fils, lesigne de Jsus-Christ". Jean lui rpondit : "Allons d'abord parler

    ton mari pour que tu sois purifie avec son consentement".

    Chrysippe lui raconta ce que son mari avait dit, et Jean fut plein

    de joie en apprenant le consentement du gouverneur ; il instruisit

    Chrysippe et son fils, il lui recommanda d'observer tous les

    prceptes de la foi et il les baptisa au nom du Pre, et du Fils, et

    du Saint-Esprit.Myron, voyant que sa fille et son petit-fils croyaient en Jsus-

    Christ, fut rempli d'allgresse, et il apporta une grande somme

    d'argent sa fille et il lui dit : "Voil de quoi pourvoir nos

    besoins ; n'abandonne pas, je t'en prie, ma maison, et ne retourne

    pas auprs de ton mari de peur qu'il ne s'lve entre vous quelque

    querelle au sujet de Jsus-Christ". Et Chrysippe lui rpondit : "Si

    tu veux, mon pre, que je reste avec toi, que cet argent demeure ta

    proprit ; j'irai avec mon fils chez moi o nous avons ramass

    beaucoup d'or et d'argent, et, y prenant ce qui nous est ncessaire,

    nous reviendrons auprs de toi et nous ne ferons qu'un".

    Jean, entendant ces paroles, dit Myron : "Ce que tu proposes

    ta fille n'est pas permis ; Jsus-Christ ne m'a point envoy pour

    que je spare la femme de son mari, ni le mari de sa femme ; que

    ta fille retourne en paix dans sa maison, surtout puisqu'elle croit

    en Jsus-Christ du consentement de son mari. J'ai confiance dansle Seigneur qui m'a envoy prcher son Evangile ; le mari de

    Chrysippe sera du nombre des Chrtiens ; quant l'argent dont

    vous parlez, distribuez-le aux pauvres au nom du Seigneur, car il

    est dit dans l'Ecriture : "Celui qui donne aux pauvres donne

    Dieu". Jean renvoya ainsi Chrysippe avec son enfant auprs de

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    36/231

    son mari, et nous demeurmes chez Myron. Le lendemain, Myron

    apporta son trsor aux pieds de l'aptre et lui dit : "Prends cet

    argent et distribue-le aux pauvres". Jean lui dit : "J'entends avec

    plaisir ta proposition, parce que je sais qu'elle provient de l'amour

    de Dieu. Distribue de tes mains ce que tu possdes ceux qui enont besoin". Myron, fidle au prcepte de l'aptre, distribua aux

    pauvres ce qu'il possdait, et Dieu le bnissait, et chacun se

    rjouissait de ce qu'il tait assist selon ses besoins.

    CHAPITRE XXII

    Il y avait dans la ville un homme riche qui se nommait Basile, etsa femme s'appelait Charis, et elle tait strile. Basile vint trouver

    Rhodon, neveu de Myron, et lui dit : "Comment se fait-il que ton

    oncle Myron soit ainsi sduit par cet tranger et qu'il ne vienne

    plus avec vous ?" Rhodon rpondit : "Nous reconnaissons sa

    doctrine comme bonne, et nous l'coutons volontiers". Basile dit :

    "Puisque cet homme a tant de pouvoir, qu'il dise que ma femme

    ait un fils". Rhodon dit : "Il a une grande puissance au nom deson Dieu, et il peut faire ce que tu dsires". Basile se hta alors

    d'aller chez Myron, afin de voir Jean, et il demanda si Jean y

    demeurait, et il dit l'esclave qu'il dsirait le voir. L'esclave

    l'annona Myron qui dit Jean : "Basile est la porte et

    voudrait te parler" ; Jean se leva aussitt et alla au-devant de

    Basile qui s'humilia devant lui, et Jean lui dit : "Que Dieu exauce

    toutes les demandes de ton cur. Bienheureux l'homme qui ne

    tente pas le Seigneur ; il a puni svrement les Isralites qui le

    tentaient ; crois fermement en lui et il visitera ton pouse strile,

    et il coutera tes prires". Et Basile, voyant que Jean devinait les

    penses qui taient en son esprit, fut saisi d'admiration. Et Jean lui

    dit derechef : "Mon fils, crois au Seigneur Jsus, Fils de Dieu, et

    il te donnera, cause de ta confiance en lui, tout ce que tu

    souhaiteras". Basile rpondit : "Je crois en ce que tu as dit, et je te

    prie de prier le Seigneur pour que ma femme ait un fils". Jean luirpondit : "Je te le rpte, crois et tu reconnatras la gloire de

    Dieu".

    Et Basile revint chez lui plein de joie, et il annona sa femme ce

    que Jean lui avait dit, et ils furent tous deux se jeter ses pieds. Et

    Jean dit la femme de Basile : "Charis, que la grce de Dieu

  • 7/30/2019 Actes de St Jean par Prochore

    37/231

    claire ton cur et celui de ton mari, et qu'il t'accorde une

    postrit dsirable". Et, aprs leur avoir prch l'Ecriture, il

    implora sur eux la grce de Dieu, et, sur leur demande, il les

    baptisa au nom du Pre, et du Fils, et du Saint-Esprit. Et Basile

    demanda Jean d'entrer chez lui et d'y faire son sjour, maisMyron ne permit pas que nous quittassions sa maison ; et la

    femme de Basile mit au monde un fils qui fut appel Jean d'aprs

    le nom de son matre, et il y eut une grande joie dans toute la

    famille. Avant la naissance de cet enfant, Basile et Charis

    offrirent Jean une grosse somme d'argent pour qu'il la distribut

    aux pauvres. Mais Jean dit Basile : "Va dans ta maison, mon

    fils, vends ce que tu possdes, et tu auras un trsor dans le ciel".

    CHAPITRE XXIII

    Le mari de Chrysippe, la fille de Myron, ayant pass deux ans

    dans l'emploi de gouverneur, fut dpos de ses fonctions, et un

    autre fut nomm sa place. En allant chez sont beau-pre, il dit

    Jean : "Le souci des choses de ce monde afflige mon me et m'apriv de beaucoup d'or et d'argent et de grands biens ; je te prie de

    me baptiser et de me purifier de mes fautes". Jean le consola et

    l'exhorta ; il l'instruisit dans la doctrine sainte et il avertit de

    croire de tout son cur Jsus-Christ crucifi, Sauveur de tous, et

    il le baptisa au nom du Pre, et du Fils, et du Saint-Esprit.

    CHAPITRE XXIV

    Il y avait dans la mme ville un homme nomm Crsus qui tait

    juge, et sa femme se nommait Sline, et il avait un fils qui tait

    tourment par un esprit impur. Et apprenant les merveilles que

    Jean oprait au nom de Jsus, il prit son fils et vint chez Myron.

    Jean, le voyant, lui dit : "Crsus, tes pchs