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Sommaire

Introduction : La transition iconomique ................................................................. 2

L'Iconomie : une affaire de culture numérique ! ....................................................... 2

Pascal Buffard, président du CIGREF – réseau des grandes entreprises

Transition iconomique et mutations stratégiques .................................................... 7

Laurent Faibis, président de Xerfi, co-président de l’Institut de l’Iconomie

Les mutations sectorielles : 2 activités témoins ................................................. 12

Energie et Iconomie : transition énergétique et optimisation ................................. 12

Aurélien Duthoit, directeur des synthèses, Precepta

Les centres commerciaux face à la transition iconomique .................................... 19

Isabelle Senand, directrice d’études, Precepta

Les entreprises face à la transition iconomique .................................................. 27

Informatisation et Iconomie :

des systèmes d’information efficaces et performants ............................................ 27

Alain Marbach, président-fondateur d’Elée

Iconomie et financement des start-ups :

de l’invention à l’innovation ................................................................................... 30

Sophie Pellat, partner IT Translation

Entreprises et Iconomie : des acteurs du rebond français ..................................... 34

Vincent Lorphelin, president de Venture Patents

Stratégie pour l’Iconomie ....................................................................................... 37

La transition iconomique et l'avenir du système productif

de la France .......................................................................................................... 37

Olivier Passet, directeur des synthèses économiques, Xerfi

Agir pour l'Iconomie : quelle stratégie adopter ? ................................................... 46

Michel Volle, économiste, co-président de l’Institut de l’Iconomie

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Introduction : La transition iconomique

L'Iconomie : une affaire de culture numérique !

Pascal Buffard, président du CIGREF – réseau des grandes entreprises

Pour le CIGREF, l’Iconomie est fille de l’Informatique et de

l’Innovation. Dès lors, notre légitimité à aborder ce sujet tient à la

fois à notre histoire et à notre mission.

- Notre histoire, puisque depuis sa création en 1970, le CIGREF

accompagne les dirigeants dans l’informatisation des grandes

entreprises françaises. Il y a quarante ans, le sujet principal était

l’automatisation des traitements de l’information. Depuis, notre

champ de compétence s’est étendu aux systèmes d’information, à leurs usages et aux

transformations de processus et d’organisations qui en découlent.

- Notre mission, puisque le CIGREF (réseau de grandes entreprises), a pour ambition de

« promouvoir la culture numérique comme source d’innovation et de performance ».

Pour ce faire, nous accompagnons aujourd’hui nos entreprises dans leur transformation

numérique. Notre ambition est de faire en sorte que la ressource numérique soit

considérée comme un facteur d’innovation et de performance, valorisée, optimisée et pilotée

avec la même intensité que les autres ressources de nos entreprises (humaines, financières,

juridiques etc.).

En résumé, nous sommes persuadés que la transition de nos entreprises vers l’Iconomie est

une affaire de compétitivité et de souveraineté ! Il s’agit ni plus ni moins – pour la France et

l’Europe - que de redynamiser l’avenir du système productif, synonyme de croissance, de

créations d’emplois à valeur ajoutée pour nos entreprises et les futures générations.

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La contribution du CIGREF à l’Iconomie repose sur 3 convictions majeures :

-Première conviction : Les transformations induites par le numérique marquent la

naissance d’une étape nouvelle dans l’évolution de l’humanité. Une évolution au moins aussi

importante quelle celle vécue lors du passage de l’oral à l’écrit ou de l’écrit à l’imprimé.

Nous partageons le point de vue de Milad Doueihi pour qui : « … le numérique, … est

devenu une civilisation qui se distingue par la manière dont elle modifie nos regards sur les

objets, les relations et les valeurs… ».

Nous sommes en effet convaincus que les transformations induites par l’arrivée des

technologies du numérique dans nos vies et dans nos entreprises marquent véritablement la

naissance d’une étape nouvelle dans l’évolution de l’humanité :

- pour la production et l’accès aux connaissances,

- pour la communication et l’organisation sociale,

- pour la prise de conscience du développement de l’homme et de son environnement.

Cet « humanisme numérique » n’est pas sans générer des risques nouveaux, auxquels il

convient que nous soyons particulièrement attentifs tant du point de vue sociétal que

managérial. La question du lien entre « éthique et numérique » est pour nous une question

centrale.

-Seconde conviction : Cette révolution modifie radicalement nos façons de vivre, de nous

comporter et de travailler. Désormais, on ne peut plus produire, ni prester de services, ni

vendre sans tenir compte de la composante numérique.

C’est pourquoi nous pensons qu’il y a lieu de parler de « culture numérique d’entreprise ».

Comment se caractérise cette culture numérique d’entreprise ?

Essentiellement, par le partage de l’information et de la connaissance entre tout ou partie

des parties prenantes de l’entreprise.

De fait, la culture numérique transforme tout à la fois les modes de communication, le lien

social, les représentations identitaires, et les valeurs que nous partageons. Elle est donc

aussi en train de transformer l’entreprise. De la transformer en profondeur.

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A ce titre, elle permet de construire une nouvelle forme d’intelligence collective, source de

création de valeur, d’innovation et de performance.

Dans ce contexte, le CIGREF poursuit 3 ambitions :

- Sensibiliser aux impacts de la culture numérique sur la création de valeur économique,

sociétale et environnementale.

- Développer une représentation partagée de l’informatisation

- Accélérer la transition et le développement de nos entreprises dans l’Iconomie

C’est pourquoi, le CIGREF a créé avec le CNAM « l’Institut de la Transformation

Numérique des Entreprises » (ITNE) destiné à former les cadres de nos entreprises.

-Troisième et dernière conviction : La mutation des grandes entreprises au sein de

l’Iconomie génère de profonds changements sur leurs stratégies, leurs modèles d’affaires et

leur gouvernance. Ces transformations impactent les compétences des collaborateurs et

induisent un nouveau type de leadership entrepreneurial. Mais surtout, elles modifient

l’image de l’entreprise, ses leviers de croissance, ses processus de création de valeur.

La Fondation CIGREF mène sur ces sujets un important programme international de

recherche en coopération avec 50 universités réparties en Europe, aux Etats-Unis et en

Asie. Notre objectif est d’esquisser le « design de l’entreprise à 2020 », afin de mieux

identifier ses usages numériques, ses espaces de création de valeur et leur mode de

gouvernance.

La question qui se pose légitimement aux dirigeants des grandes entreprises est bien celle

d’une rupture dans les modes de production. Cette rupture - portée par le numérique – a

pour principale conséquence et enjeu, l’émergence de nouveaux espaces de création de

valeur. Les composantes essentielles de ces derniers se situent en dehors des frontières

traditionnelles de la grande entreprise et donc en dehors de son contrôle.

En résumé, dans l’Iconomie, l’information et le management de l’information sont au cœur

de la transformation des systèmes de création de valeur.

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Cette dernière découle de moins en moins du coût de transformation de la matière par une

« main d’œuvre » plus ou moins qualifiée. Elle réside surtout aujourd’hui dans la capacité de

mobilisation de ressources immatérielles que constituent les capacités créatrices des

individus, ce que Jean-Pierre Corniou résume très justement sous le vocable « l’émergence

du cerveau-d’œuvre ».

Pour conclure, je voudrais souligner qu’elles sont à nos yeux, les synergies entre l’Iconomie

et la culture numérique d’entreprise !

1- Toutes deux constituent de nouveaux paradigmes au sens d’une manière singulière de

voir les choses, d’un système de représentations différent, qui nous ouvre de nouvelles

perspectives.

L’Iconomie et la culture numérique d’entreprise nous obligent donc à repenser nos modes

d’actions, nos représentations, nos institutions, nos régulations.

Si de son côté, l’Iconomie déclasse les modèles économiques jusqu’ici dominants, la culture

numérique pour sa part, révolutionne nos organisations et les modes de management

établis.

2- L’’Iconomie et la culture numérique d’entreprise constituent une véritable mutation

stratégique ; cette dernière n’est pas seulement de nature technologique.

- L’Iconomie stipule que notre capacité de rebond passe par notre aptitude à

participer à l’émergence d’une nouvelle organisation des activités économiques qui

mette l’homme au cœur, à la fois comme ressource et comme finalité.

- La culture numérique d’entreprise pour sa part se nourrit certes, de technologies

mais elle replace l’être humain – et non plus la machine – au cœur d’un nouvel

espace d’échanges et de partage de contenus.

Au final, force est de reconnaître combien il serait vain de vouloir régler « aujourd’hui » les

problèmes de « demain » avec les solutions « d’hier » !

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Face aux défis posés, nous sommes donc contraints de trouver des réponses globales et

systémiques tant les problématiques sont imbriquées, interconnectées et se renforcent les

unes les autres.

L’Iconomie - tout comme la culture numérique - exige une vision, un dessein, une ambition

qui se concrétise dans une orientation. Cette vision n’est pas prescriptive. Elle constitue le

fondement d’une réflexion qui s’engage aujourd’hui et que nous souhaitons partager avec les

différents acteurs de notre écosystème et les différentes parties prenantes de nos

entreprises.

En qualité de dirigeants, sommes-nous capable de poser un regard lucide et éclairé sur

l’impact de ces transformations sur nos entreprises ?

Au CIGREF, nous pensons qu’il est de notre devoir de penser aujourd’hui la transition

iconomique de nos entreprises, ce qui signifie de :

- savoir harmoniser vitesse, innovation et efficacité collective ;

- pouvoir concilier performance économique et environnement organisationnel ;

- vouloir mobiliser les valeurs d’engagement, de coopération et de confiance !

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Transition iconomique et mutations stratégiques

Laurent Faibis, président de Xerfi, co-président de l’Institut de l’Iconomie

Ce que je voudrais, c’est vous vous faire saisir la profondeur de la

transformation à laquelle nous assistons et sur laquelle Michel Volle

a été l’un des premiers à nous ouvrir les yeux chef Xerfi, il y a plus de

10 ans déjà. Nous avons choisi pour cette conférence de vous parler

de « transition iconomique». D’abord parce que les systèmes

d’information y sont au cœur, mais surtout parce qu’il s’agit bien

davantage qu’une simple évolution économique et technologique.

Michel Volle vous dira que nous vivons une véritable révolution

anthropologique.

Mais surtout je voudrais tenter de vous convaincre que ce basculement dans un nouveau

système de production et de consommation est déjà engagé. Nous sommes déjà dans la

transition iconomique. Cette transition peut constituer une fantastique opportunité pour une

puissance économique intermédiaire comme la France. Mais pour cela, il faut en décrypter le

sens et les enjeux, bâtir une stratégie, nouer les bonnes alliances, imprimer une volonté

tournée vers l’action.

Face à cette ardente obligation, il faut sortir des débats stériles du passé et des lamentations

déclinistes. Notre pays se complait dans l’autoflagellation et le rabâchage du bilan de ses

erreurs. Le diagnostic a déjà été fait 100 fois. Il est beaucoup plus difficile de prendre le

risque d’interpréter les signaux du monde qui vient.

Or sur toute une série de plans, celui des produits, des transactions, des comportements de

consommateurs, du fonctionnement des organisations, des modèles d’affaires, des formes

de concurrence, des économies d’énergie, c’est bien un nouveau monde qui est en train

d’émerger. La « transition iconomique » ouvre très grand une fenêtre d’opportunité

séculaire :

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D’abord parce que l’innovation technologique s’accélère de façon exponentielle.

Chaque secteur, même le plus mature, a aujourd’hui l’opportunité de se

réinventer :

- Grâce à l’électronique embarquée, les objets deviennent interactifs ; Mais

surtout ils apprennent à intégrer des schémas de comportement, à réagir

face à des masses de données toujours plus considérables.

- Et puis, il faut désormais savoir sortir de la distinction obsolète entre

industrie et service. Il faut penser le couple produit-service de façon

indissociable. La création de valeur viendra de ces nouveaux alliages

rendus possibles par Internet. Ils permettent de réinventer les usages

dans des domaines aussi variés que le travail, le loisir, la dépendance, la

santé, l’éducation, la culture, la mobilité. Ils permettent d’en révolutionner

l’accès, en cassant la nécessité d’un lien de proximité.

Nous entrons en fait dans un monde où la matière se programme et acquière

quasiment la même fluidité que l’information. Un Big Bang aussi considérable que

celui précurseur de la finance des années 80 : vitesse, accès permanent, flux

continus 24 heures sur 24, réduction drastique des coûts de communication et de

logistique.

Il faut imaginer ce qui va venir si l’impression 3D et l’accélération des progrès de la

robotique tiennent leurs promesses. Imaginez que nous puissions demain imprimer

les objets, et les livrer avec des automates intelligents. Imaginer que la petite série,

voire l’objet unique pourra cohabiter avec la production de masse.

Cette hyper-fluidité favorise l’irruption de nouveaux intermédiaires, de nouveaux

courtiers de biens et de services. Ces grandes plateformes B2B ou B2C deviennent

les pivots du système productif, grâce à la taille des réseaux et à la masse

d’information personnalisée qu’elles maitrisent. Une situation qui leur procure un

avantage considérable dans la détection des marchés, la conception des produits, la

personnalisation de l’offre.

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La concentration de pouvoir, la capacité d’extraire de la valeur de ces plateformes

devient telle, qu’elles deviennent de véritables « sur-traitants ». Oui, des sur-traitants

qui trônent au sommet du système de production et de distribution.

Cette évolution est bien sûr inquiétante. Mais, si on y réfléchit bien, elle permet aussi à

tout créateur, même isolé, de prototyper, de se procurer la logistique nécessaire à la

diffusion de ses produits, d’atteindre des prestataires et des consommateurs dans le

monde entier. Et de le faire avec une mise de fond et une prise de risque raisonnables.

Oui, David conserve ses chances face à Goliath.

Dans le monde qui se dessine, les rapports de force entre les acteurs et le jeu de la

concurrence sont eux-mêmes bouleversés. Dans un nombre croissant d’activités,

l’essentiel du coût réside dans l’investissement initial. L’avantage est au premier

entrant. Mais la citadelle du premier entrant n’est pas inexpugnable. C’est plus que

jamais par la singularité de ses produits, de son modèle d’affaires, de sa créativité,

qu’une entreprise peut prendre position sur un marché. Cette transition iconomique

donne d’ailleurs un rôle clé au fourmillement entrepreneurial, qu’un pays comme le

nôtre doit absolument favoriser.

Mais à l’heure où les chaînes de valeur sont irrémédiablement mondialisées, cela

pousse aussi à multiplier les accords de coopération internationale, entre les

entreprises, et même entre firmes concurrentes. Nous devons apprendre à passer de

la concurrence internationale à la coopétition mondiale. C’est parfois hors d’Europe

que nous trouverons les meilleurs alliés.

Dans la transition iconomique, le débat clivant entre énergies fossiles et polluantes,

et énergies renouvelables propres, perd de son acuité. D’abord parce que nous

n’avons jusqu’ici exploité qu’une toute petite partie des économies potentielles

ouvertes par l’exploitation des nouveaux matériaux et des nouveaux process. Ensuite

parce que tout le système énergétique devient hybride, capable d’optimiser toute la

chaîne, de la production, de la distribution et de la consommation d’énergie. C’est

tout l’enjeu du smart grid. Comme l’exposera Aurélien Duthoit, l’énergie la moins

chère et la moins polluante, c’est celle que l’on ne consomme pas.

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Cette grande transformation économique et sociétale émerge dans tous les domaines. Elle

voit se multiplier les objets connectés à nos smartphones. Des smartphones qui ne

constituent que les prémices de l’Internet des objets. Observez par exemple la lutte que se

livrent Google et Apple pour pénétrer les systèmes d’exploitation de l’automobile. Regardez

comment Google fait irruption dans le monde des constructeurs avec sa Google car. Et oui,

c’est un acteur du Web qui impulse l’innovation dans le domaine industriel. C’est Google qui

tente de réinventer la mobilité grâce à sa capacité à gérer des volumes gigantesques de

données, les fameux big data. C’est la pieuvre Google qui contracte déjà des partenariats

avec Audi, GM, Honda et Hyundai. Voilà déjà un exemple édifiant des nouveaux enjeux

d’alliages, je devrais dire de fusion entre produits et services, mais aussi des nouvelles

stratégies de coopétition internationales.

Bien sûr, dans ce monde d’hyper-information, hyper-connecté, hyper-industriel, la fiabilité

des systèmes d’information joue un rôle décisif. La qualité de l’informatisation est au cœur

de la performance. C’est le véritable système nerveux dont tout dépend. C’est pourquoi le

terme de révolution numérique nous parait bien court, et ne constitue que l’écume de la

transition iconomique. Alain Marbach, qui connait les questions d’informatisation de

l’intérieur, mettra le doigt sur la question centrale de l’efficacité du fonctionnement de ces

systèmes d’information.

Ne vous y trompez pas pour autant. Je ne suis pas venu vous parler d’un meilleur des

mondes. Car dans ce monde, les grandes plateformes de type Amazon ou Ebookers

disposent aussi d’un pouvoir exorbitant pour capturer la valeur et concentrer la richesse sur

quelques-uns. Certes, cette économie revendique l’efficacité des structures plates, ouvertes,

créatives, collaboratives. Mais il serait bien-sûr naïf de croire que la concurrence a perdu de

sa virulence et la cupidité sa férocité. Dans sa quête d’hyper-réactivité, d’hyper-fluidité et de

fonctionnement en continue, cette transition fragilise aussi l’emploi. Elle pose de façon

critique la question de la répartition des revenus et des richesses. Nul doute que l’hyper-

productivité de l’offre peut conduire à élaguer dramatiquement les revenus et donc la

demande. On ne pourra donc pas se contenter de la main invisible, et il faudra imaginer de

nouveaux modes de régulation.

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Il ne sert pourtant à rien de se cramponner à notre ancien monde, sous prétexte que le

nouveau comporte aussi ses risques. Il faut tout au contraire en saisir les ressorts, inventer

des business models imaginatifs, bouleverser notre conception de l’entreprise, créer de

nouveaux usages pour les consommateurs, tout comme les nouveaux modes de régulation

que j’évoquais. Dans l’Iconomie, c’est par l’intelligence partagée, l’ouverture des structures,

l’interaction permanente de l’entreprise avec son environnement local et mondial, que se

trouvent les clés du succès.

Or face à l’irruption de ces grands chambardements, la France est dans un vide stratégique.

Elle donne l’image de la fourmilière affolée. Elle multiplie les réformes tactiques. Elle ne

perçoit de la mondialisation que les menaces. Elle ne voit dans l’Etat que le sauveur

suprême où le bouc-émissaire. Elle s’abandonne au commerce de la peur. A tort, car si nos

intellectuels ou décideurs publics et privés prenaient la peine de comprendre les ressorts de

cette mutation, de regarder de plus près les initiatives qui se multiplient, ils verraient que

l’économie française regorge d’atouts, d’intelligence, de richesses et d’énergies, pour saisir

cette vague de la transition iconomique, réenchanter la technologie, et bâtir une vraie

stratégie pour impulser le rebond.

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Les mutations sectorielles : 2 activités témoins

Energie et Iconomie : transition énergétique et optimisation

Aurélien Duthoit, directeur des synthèses, Precepta

La prochaine révolution industrielle, ce n’est pas la transition

énergétique comme proposée par Rifkin, mais la transition

iconomique, qui implique on l’a vu l’informatisation de tout le

système productif, et pas seulement de la production d’énergie.

Le meilleur des leviers pour la transition énergétique est la

transition iconomique : l’hybridation des technologies énergétiques

et informatiques permet de réaliser des économies d’énergies

considérables à un horizon court. On aurait donc tort de se limiter

aux seules énergies renouvelables.

(Slide 1.1, page 15) La transition iconomique s’applique tout aussi bien à la production qu’à

la transmission, la distribution et la consommation d’énergie. Je vous propose d’en voir ses

implications concrètes dans le domaine de l’optimisation énergétique dans le bâtiment

résidentiel et tertiaire, en prenant appui sur des exemples concrets issus de nos travaux.

Nous avons choisi l’angle de l’efficacité énergétique car l’énergie la moins chère, c’est celle

que l’on ne consomme pas, et que l’optimisation est le meilleur des leviers pour apporter des

résultats à court terme.

Rappelons pour mémoire que le bâtiment concentre à lui seul 40% de la consommation

d’énergie finale en France, et que la France s’est fixée pour objectif d’en réduire la

consommation de 38% d’ici à 2020. Au rythme où se renouvelle le parc immobilier français, il

est totalement illusoire de miser sur la construction neuve : la priorité, c’est l’optimisation de

l’existant.

L’irruption de l’Iconomie sur les marchés de l’optimisation énergétique est évidente : (Slide

1.2, page 15) l’exemple le plus retentissant en date de cette hybridation de l’énergie et du

numérique, c’est l’acquisition du fabricant de thermostats intelligents Nest par Google pour

plus de 3 milliards de dollars. Plus proche de nous, c’est le projet expérimental Issygrid, à

Issy-les-Moulineaux, auquel contribue Alstom, Bouygues, ERDF, Microsoft, Schneider

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Electric ou encore Total. Ces initiatives incarnent parfaitement la transition iconomique

appliquée aux marchés de l’optimisation énergétique.

Premier point, les frontières entre matériel, logiciel et services s’estompent, et les acteurs

dominants sur le marché sont des ensembliers capables de coordonner tout à la fois ces

aspects. Pour prendre l’exemple de Nest (Slide1.3, page 16), il s’agit d’un bien matériel, en

l’occurrence des thermostats, auxquels on adjoint une couche logicielle qui les rends plus

intelligents et connectés, et une couche servicielle pour en assurer notamment l’installation,

le déploiement et l’optimisation. C’est une petite révolution sur un marché qui a longtemps

souffert des relations souvent conflictuelles entre énergéticiens, gestionnaires de réseaux,

fabricants de matériel électrique et groupes de BTP. Ce rôle croissant du logiciel a

également une autre conséquence typique de la transition iconomique : la machine devient

capable d’apprendre, et apporte une valeur-ajoutée encore supérieure en secondant

efficacement l’utilisateur.

Deuxième point, l’Iconomie fait entrer de plain-pied la consommation d’énergie dans le

domaine du Big Data (Slide 1.4, page 16). Ces appareils intelligents permettent une

information fiable, en temps réel, traçable de la consommation de l’énergie à un niveau

individuel, puis collectif. On ne peut pas gérer ce que l’on ne peut pas mesurer : à son

niveau, un ménage disposant d’appareils de mesure intelligents connait précisément le profil

de sa consommation d’énergie selon la pièce, l’appareil électrique ou l’heure, et peut donc

trouver sans difficulté les sources de gaspillage et les économies potentielles. A un niveau

plus global, l’ensemblier capable de collecter et d’analyser le comportement de millions de

clients dispose d’une mine d’informations pouvant permettre d’affiner la gestion du réseau

électrique. Ces informations s’intègrent dans le concept plus général du réseau électrique

intelligent, les fameuses smart grids.

Troisième point, l’Iconomie redéfinit la promesse de valeur des opérateurs et les poussent à

renouveler leurs modèles d’affaires. (Slide1.5, page 17) La promesse de valeur sur le

marché de l’optimisation énergétique consiste à faire réaliser aux clients des économies

d’énergie sur un horizon de cinq à sept ans en moyenne. Cette promesse comportait

jusqu’alors de nombreuses failles : la mesure de la performance est imprécise, l’incitation à

l’optimisation est faible quand l’énergie est un poste de coût marginal, le rendement à cinq

ans est trop lointain pour la plupart des structures, et les opérateurs hésitent à s’engager

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contractuellement sur des résultats. La transition iconomique va rendre cette promesse de

valeur plus fiable et plus lisible, on l’a vu, notamment grâce aux objets connectés intelligents

et au Big Data. Convaincus de la force de leurs solutions, des opérateurs proposent de

nouveaux modèles d’affaires. Prenons deux exemples. (Slide 1.6, page 17) Tout d’abord, les

Contrats de Performance Energétique, qui garantissent au client un objectif de réduction

d’énergie, et permettent de partager les bénéfices de ces économies entre opérateur et

client. Ce modèle n’est pas neuf mais rendu beaucoup plus pertinent par la transition

iconomique. Des opérateurs comme Dalkia, Cofely Services, SPIE, Bouygues et Schneider

Electric ont déjà signé de tels contrats. Un autre modèle, plus marginal, émerge et consiste

pour le fournisseur à financer tout ou partie de l’installation de son client, et d’être remboursé

au fur et à mesure grâce aux économies d’énergie générées. Ce modèle est particulièrement

incitatif pour le client car il garantit l’efficacité des solutions et abaisse le seuil

d’investissement initial.

Dernier point enfin, la transition iconomique bouleverse en profondeur les équilibres à

l’œuvre sur le marché. (Slide 1.7, page 18) On l’a vu, des groupes internet comme Google

investissent assez massivement le marché et rejoignent en cela d’autres opérateurs IT

apparus plutôt récemment comme les SSII, les éditeurs de logiciel, les sociétés de conseil,

les opérateurs télécoms et ainsi de suite. Il faudra à l’avenir également compter sur des

start-up innovantes à la Nest. On est désormais très loin du trio énergéticien – groupes de

BTP – équipementiers en matériel électrique qui contrôlait jusqu’alors l’essentiel du marché

tertiaire. La transition iconomique pousse les opérateurs à aller chercher ailleurs les

compétences qui leur font défaut dans une logique de coopétition, où les groupes coopèrent

pour évangéliser le marché et se livrent concurrence pour s’arroger un bénéfice maximal,

voire le pilotage de l’ensemble.

La transition iconomique appliquée à l’énergie va donc transformer en profondeur toute

l’offre des marchés de l’efficacité énergétique. En mettant le client au centre du dispositif,

elle va également avoir un impact fort sur le consommateur et son mode de vie en l’aidant à

être un agent actif d’un objectif global. A un niveau plus macro-économique, elle apparait

également indispensable pour rééquilibrer la balance commerciale française, déficitaire à

hauteur de 65 milliards d’euros pour le seul poste de l’énergie.

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Les centres commerciaux face à la transition iconomique

Isabelle Senand, directrice d’études, Precepta

On pourrait penser les centres commerciaux en danger face à la

transition iconomique. Les centres commerciaux ne sont-ils pas les

temples du commerce traditionnel, le symbole du commerce en dur

face à un e-commerce en plein essor ? Et pourtant, nous allons voir

que la transition iconomique, en bouleversant l’offre et la demande

de biens et services va profondément modifier ce monde d’espaces

marchands. La transition iconomique, déjà à l’œuvre, va

transformer tout à la fois (Slide 2.1, page 22) le comportement des

offreurs et leurs modèles d’affaires, la conception même du centre commercial, la nature de

l’offre et sa présentation ainsi que le comportement du consommateur.

Pour commencer, loin d’être désuet, le modèle du centre commercial peut devenir un

maillon fort de la distribution s’il s’intègre dans une stratégie cross-canal, prenant en

compte tous les canaux de distribution, (Slide 2.2, page 22) aussi bien dans le commerce en

dur que par les moyens de la communication et des transactions numériques. Cette

extension des centres commerciaux hors de leurs murs, y compris dans le cloud, va de fait

profondément transformer le modèle d’affaires des foncières, c'est-à-dire les groupes

immobiliers propriétaires des murs. Demain, le consommateur sera relié en permanence au

centre commercial, dans les murs et hors des murs. (Slide 2.3, page 23) Les centres vont

donc devoir investir massivement dans les technologies numériques, se préparer au « tout

connecté », et repenser un business model basé aujourd’hui pour l’essentiel sur la location

d’espaces.

Pour les enseignes commerciales, la mise en place de stratégies cross-canal est devenue

un passage obligé. Il s’agit d’accompagner le consommateur tout au long de son

parcours d’achat. (Slide 2.4, page 23) Plus des trois-quarts des enseignes leaders

disposent aujourd’hui d’un site marchand et de dispositifs mobiles pour accompagner

le consommateur où qu’il soit. Et si les ventes en ligne ne représentent qu’une part limitée

du chiffre d’affaires des enseignes, de l’ordre de 9% en 2013, elles ne cessent d’augmenter.

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Or, cette évolution est lourde de conséquences pour les foncières, car, rappelons-le, leurs

revenus sont largement liés à des loyers, des loyers eux-mêmes fonction du chiffre d’affaires

réalisé à l’intérieur du centre commercial, alors qu’une part croissante du chiffre d’affaires

sera réalisé via des connections numériques.

Mais la mutation ouverte par la transition iconomique va être bien plus profonde

encore. Prenons l’exemple du Big Data. Le traitement en masse des données ouvre de

nouvelles perspectives aux centres commerciaux pour affiner et sophistiquer la

connaissance du consommateur. Mais pas seulement. Le Big Data devient un enjeu

stratégique entre les enseignes et leurs bailleurs dans les centres commerciaux, et une

opportunité fantastique pour faire évoluer leur business model. De simple loueur, les

bailleurs peuvent se transformer en prestataires de services à forte valeur ajoutée, apportant

aux enseignes des moyens sophistiqués de recueil, de traitement et d’analyses des

données.

Bien sûr, les centres commerciaux et les enseignes disposent déjà de quantités

d‘informations sur la fréquentation et les clients. Mais ce qui se dessine, (Slide 2.5, page 24)

c’est la possibilité d’affiner considérablement ces données. Grâce aux smartphones des

visiteurs par exemple, il est désormais possible de connaître leurs déplacements, le temps

passé dans les centres commerciaux et dans les magasins. Il est aussi possible via la

lecture des plaques minéralogiques de remonter au fichier des cartes grises.

Bref, autant de nouvelles possibilités qui peuvent être croisées avec les informations

relatives au trafic sur Internet. (Slide 2.6, page 24) Cela ouvre par exemple la possibilité de

proposer en temps réel une offre personnalisée, un pricing personnalisé et une

gestion des stocks personnalisée en fonction de chaque client, que le client soit le

consommateur pour les enseignes, ou les enseignes pour les foncières propriétaires

des centres.

Ces changements vont influer sur la conception même du centre commercial de

demain. (Slide 2.7, page 25) Cela va passer par le développement de sites Internet pour

chacun des centres commerciaux, qui doivent aussi devenir « click and mortar » et cross-

canal. Si jusqu’à récemment les fonctionnalités étaient limitées (listes des boutiques,

horaires d’ouverture), les sites étoffent leurs services, avec l’objectif d’assurer un lien continu

avec le consommateur. A moyen terme, il s’agira encore plus de jouer la carte de

l’interactivité avec les visiteurs. La présence des centres commerciaux sur les réseaux

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sociaux doit désormais être pensée comme une extension virtuelle des centres. Il s’agit de

créer et d’entretenir une relation permanente avec les visiteurs.

Il n’est certes pas possible d’évoquer toutes les opportunités ouvertes par la

transition iconomique dans les centres commerciaux. (Slide 2.8, page 25) Je voudrais

ici seulement insister sur l’évolution des comportements des consommateurs, ce

qu’en marketing on appelle l’expérience d’achat. Je voudrais parler de la montée en

puissance du showrooming, qui permet de repérer les offres en magasin, puis de passer

commande en ligne sur sa tablette ou son smartphone. Les capacités de communication sur

les produits vont être démultipliées par les possibilités des technologies numériques. A tel

point que la vente physique en magasin pourrait même devenir secondaire. Comme

nouvelles expériences, on pense aussi à ce que peuvent faire les industriels : exposer leurs

produits, les mettre en scène. L’objectif est de créer une « expérience du produit », comme

le font les Apple Stores ou les Samsung Experience Stores, avant que les consommateurs

ne passent commande on line ou off line.

Dernier point enfin, la digitalisation des centres commerciaux va indéniablement

renforcer (Slide 2.9, page 26) les liens entre centres commerciaux, enseignes et

clients. En impactant directement les comportements du consommateur, la transition

iconomique replace le consommateur final au cœur de l’écosystème de la distribution.

L’achat en ligne, le showrooming, le développement des modes de consommation

collaborative (occasion, location, co-création, etc.) sont intimement liés à la numérisation de

la société. Internet a favorisé l’émergence de ces nouvelles formes de consommation, à

travers le développement de site dédiés à la vente de produits d’occasion (leboncoin.fr), de

comparateurs de prix et de produits (Kelkoo.fr) et a renforcé le pouvoir du consommateur

face aux marques et aux enseignes.

Le centre commercial de demain va devoir intégrer toutes ces transformations. Demain, il

devra remplacer le plaisir d'acheter, en perte de vitesse, par le plaisir de se promener.

Le centre commercial devra se muer en un carrefour où l'on vient partager des expériences.

Sa digitalisation viendra conforter cette tendance, en renforçant les liens entre le centre et

ses visiteurs. La transition iconomique va ainsi bouleverser la mission des centres

commerciaux, (Slide 2.10, page 26) qui de galeries marchandes ou de zones commerciales

entourées de parking vont devenir les nouveaux centres de désirs, de plaisirs et de loisirs.

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Les entreprises face à la transition iconomique

Informatisation et Iconomie : des systèmes d’information efficaces et performants

Alain Marbach, président-fondateur d’Elée

Michel Volle écrit « L'informatisation met en œuvre une

ressource naturelle inépuisable : le cerveau humain. Elle

transforme la nature à laquelle sont confrontées les actions et

les intentions. Ceux qui ignorent cela ne peuvent rien

comprendre au monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. »

Inépuisable, cela veut dire qu’aucune ressource ne limite

réellement l’intelligence et le travail intellectuel.

Aucune ressource ne limite l’intelligence qu’une informatisation

réussie peut apporter à des produits et services, peut apporter aux processus de l’entreprise,

à la relation avec le client.

« No limit for the intelligence in my services ».

Michel Volle attire aussi notre attention sur le fait que même le monde physique qui nous

entoure n’a plus les mêmes limitations.

Pas de limites donc pour l’intelligence que je peux apporter à mes produits et mes services.

Bien sûr, une pensée classique, et correcte, est qu’une série d’idées trop longue, qu’un plan

trop ambitieux, trop visionnaire, pourrait devenir indigeste. Attention, danger !

Cette pensée qu’il y a des limites à l’informatisation va conduire à la paresse. Elle est un

poison pour le chef d’entreprise.

Je préfère dire, à l’âge de l’Iconomie - « Pas de limites pour l’intelligence que nous pouvons

apporter à nos produits et nos services.».

Car en face d’une entreprise établie, il y a les Venture-Capitalist. Et même si les Venture-

Capitalist ne sont pas visionnaires, ils sont simplement systématiques, et ils vont aider les

acteurs visionnaires à financer les nouveaux modèles riches en informatisation.

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Alors, à l’âge de l’Iconomie, il n’y a pas d’autres choix que de prendre pour son entreprise le

vent d’une informatisation très forte, et c’est ce qui change depuis 10 ans.

Je voudrais maintenant dire où cette informatisation très forte doit se porter.

Une étude récente du Gartner dégage cinq critères communs, pour des sociétés gagnantes

aujourd’hui. Je veux vous faire constater que 5 de ces cinq critères sont affectés par cette

assistance d’un cerveau d’œuvre inépuisable.

Les deux premiers critères sont centrés sur le client :

1. Apporter un authentique enrichissement de l’interface du client avec votre produit ou

votre service

2. Conduire une relation client performante

Ils sont clairs : A nous de faire.

Les deux derniers critères sont attendus.

4. De l’innovation

5. Des produits et services admirables

Le troisième critère est plus étrange :

3. Un système d’information d’entreprise intégré et homogène

Pour ce critère, reprenons les mots de Michel Volle :

« Dans l'Iconomie, les produits sont des assemblages de biens et de services, chacun étant

élaboré par un partenariat. La cohésion de l'assemblage et l'interopérabilité du partenariat

sont assurées par le système d'information, devenu le pivot de l'entreprise. »

Notre entreprise, Elée, une jeune startup, accompagne une trentaine de grandes sociétés.

Nous les servons sur des enjeux de disponibilité, de qualité et de performance du système

d’information.

C’est évident pour moi que la question, « mon système d’information est-il le pivot de mon

entreprise ? », est rarement assez haut dans la pile. On ne sent pas le souffle de cette

question se propager dans les équipes.

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Les entreprises sont engluées dans des logiciels propriétaires chers, dans des systèmes de

données incohérents, dans des fonctionnalités dispersées. Elles ont peu de temps pour

penser des finalités amples et un fonctionnement meilleur pour le SI. 80% des systèmes

redondés sont incapables de basculer effectivement en cas de panne. Avec ces

équipements en double inutilisables, ces logiciels trop chers, les gens de l’informatique qui

deviennent fous dans l’incohérence subie, c’est entre 20% et 40% de nos dépenses

informatiques qui sont perdues.

Et les hommes du système d’information ont très peu de temps et d’argent pour améliorer

leurs outils. Comme si le fabricant de machines n’avait lui-même aucune machine

moderne pour les fabriquer, et n’avait pas de temps ni d’argent pour investir !

Un client me disait même à propos des galériens de son système d’information « notre

système est tellement fragmenté que pour 10 personnes qui exploitent le SI, il en faut 30

pour corriger leurs erreurs et les leurs ».

Et pourtant, un système d’information intégré est très efficace. Personne ne pense qu’une

moissonneuse batteuse passe efficacement dans un bocage fragmenté.

Je souhaite finir par quelques caractéristiques de gagnants d’aujourd’hui qui confirment la

thèse de Michel Volle, et de notre think tank :

En France, le Crédit Mutuel est la banque la plus compétitive ; toute son équipe dirigeante

est simultanément une équipe d’informaticiens, qui a développé de belles fonctionnalités

clients, a unifié son système d’informations et travaille sans relâche à cela, et développe en

interne les solutions sans doute les plus modernes de gestion de ce système d’information.

Free développe lui-même en interne les produits, services, et le système d’information

associé. OVH, le leader français de l’hébergement développe ses propres serveurs, à partir

d’une analyse rigoureuse du geste informatisé qu’il veut exécuter en coopération avec ses

clients !

Les entreprises américaines Google, Amazon, Salesforce et ServiceNow sont constamment

en train de proposer un seul système de production à leurs clients au pluriel, qui est

d’ailleurs aussi le leur.

A l’ère de l’Iconomie, nous croyons que le sursaut va naître de l’application rigoureuse de

cette idée : c’est un cerveau d’œuvre inépuisable qu’il faut mettre au travail, avec amplitude,

vite.

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Iconomie et financement des start-ups : de l’invention à l’innovation

Sophie Pellat, partner IT Translation

Hier la réduction des coûts et le volontarisme des états-majors,

aujourd’hui l’innovation et l’élan des entrepreneurs. Ce changement

radical de regard et d’intention est nécessaire pour faire partie de

l’économie de demain. Attention, c’est un changement et de mode de

pensée et d’acteurs. Et aussi de façon d’innover. Alors quelle est la

nouvelle donne ? La seule affirmation que l’on peut faire c’est que pour

innover il faut être innovant. A part ça, je ne peux que partager

quelques réflexions et une expérience acquise auprès des startup numériques à forte

intensité technologique.

L’innovation a de multiples visages tout autour de la planète et il n’existe pas de modèle

ultime la définissant. Elle est mouvement et se réinvente elle-même, régulièrement.

Il est connu aujourd’hui que les startup en sont un des éléments essentiels. Le principe est

simple : des équipes se constituent sur la base d’idées et de technologies, elles utilisent leur

agilité et toutes leurs compétences pour trouver un produit et un marché pour se développer.

Si elles réussissent elles auront innové soit amené une invention sur un marché ; et elles

pourront grandir et peut- être aussi être achetées par un grand acteur qui saura porter plus

loin les possibles du produit car ayant plus de moyens. L’innovation se propagera, le vecteur

aura éventuellement changé. Telle est la mission des startup.

Dans notre pays, comme dans quelques autres, il s’en crée tous les jours: la technologie est

accessible, les personnes pouvant l’exploiter nombreuses et il est bien connu que nous

sommes un pays d’idées. Créer une startup numérique est simple; et même les plus

ambitieuses n’ont besoin que de quelques centaines de milliers d’euros et d’une poignée de

personnes pour se lancer. Plus il s’en créée, plus l’économie peut espérer être enrichie ;

car même si toutes ne réussissent pas, celles qui le font ont un impact suffisant pour

changer les choses.

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Alors une pensée vient assez naturellement : trouvons des idées, trouvons des gens et

lançons de grands programmes de startup, volontaristes et notre économie innovera et se

transformera ! Oui, bien sûr ; mais hélas, non. Cela ne marche pas comme ça !

Car on ne peut, par décret et injonction, mettre en œuvre les individus sur ces chemins-là.,

car un cerveau ne créé pas sur commande. C’est peine perdue.

La startup c’est une aventure, intellectuelle et humaine. Une continuité de créations –

l’invention, le produit, l’entreprise, son mode de fonctionnement …

Cette aventure ne peut être menée par des individus qui la choisissent parce qu’ils en ont

envie et qu’elle leur ressemble.

Discutez avec des entrepreneurs et vous verrez : le cœur de l’innovation, ce sont eux, ce

sont les individus ! Leurs idées, leurs rêves et plus encore, leurs désirs : créer, être utile,

faire vivre la technologie que l’on a inventée être libre, s’amuser, changer le monde, être

reconnu pour cela, s’enrichir, se découvrir soi-même. Vivre autrement. Et bien d’autres

encore. Aucun n’est là par hasard et l’innovation qu’ils portent a toujours un lien très intime

avec eux. Et c’est ce qui les motive pour explorer, chercher, échouer, recommencer,

convaincre, réaliser avec des bouts de ficelle et avancer, toujours : cela ne peut se faire que

si on le veut au plus profond de soi, intensément. Ce sont les moteurs des individus qui sont

les moteurs des startup. Et donc de l’innovation.

Puisqu’on ne peut pas forcer le désir de créer, que peut-on faire ? Et bien donner envie,

espérer que ce désir naisse et soutenir celui des autres. Pour que l’ensemble puisse aller

plus loin et avoir une chance de réussir… Ce qui fait déjà beaucoup !

Et de fait cela mobilise tout un écosystème dont la proposition est très riche en France:

incubateurs, accélérateurs, financement d’état, cursus de formation ad hoc, des fonds de

capital-risque. Et aussi entrepreneurs emblématiques, business angels, concours, des

événements, des rencontres… Il y a beaucoup de monde autour des startup ! Et il faut bien

tout cela pour qu’elles puissent explorer et enfin émerger. Car, comme vous le savez, le

monde est complexe et il faut beaucoup de savoirs, de compétences et d’appuis pour que la

timide invention fasse son chemin et devienne une innovation triomphante.

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Il s’agit donc de partir des individus et de construire avec eux. Pas pour eux, pas autour

d’eux et pas malgré eux évidemment ; non, avec eux. Et conjuguer les projets, les possibles

et les intérêts.

C’est d’ailleurs exactement ce que fait un groupe de fondateurs qui s’associent : ils discutent

beaucoup et cela donne un pourcentage des parts, un rôle et un engagement pour chacun.

Ce faisant ils explicitent ce qu’ils veulent faire ensemble, ce fameux affectio societatis qui, en

droit français, fonde l’entreprise. C’est pour chaque startup un équilibre unique et subtil, un

équilibre essentiel à travailler au départ et à nourrir en suite, chaque fois qu’une nouvelle

personne rejoint le projet.

Il y a beaucoup de manières de construire avec une startup, chaque acteur de l’écosystème

en propose une et définit sa posture et son contrat – fournisseurs, associés, mécène,

prêteur. C’est varié, créatif et l’essentiel est de savoir quelle est sa place et ce que l’on peut

en attendre. Dans un équilibre bien construit.

Partir des individus et de leurs inventions cela induit beaucoup de choses ; accepter la

partie humaine de l’aventure, accepter de designer un projet à la mesure de ce que les

individus peuvent et veulent assumer et réfléchir dès le début à la possibilité de passer le

relai. Accepter que cela va bouger, changer, se redéfinir. Pas de certitude, juste celle de

l’envie de départ et des compétences et moyens disponibles. C’est aussi accepter que la

relation sera un élément clef du projet et piloter en conséquence.

L’entreprise pour laquelle je travaille a choisi de construire avec les individus au point de se

positionner à leurs côtés dès la création de l’entreprise. Nous rencontrons des équipes

porteuses de projet, nous discutons beaucoup, évaluons tous les aspects du projet, puis

nous nous mettons autour d’une table et décidons ensemble du projet que nous pourrions

bâtir. Nous ne savons pas plus qu’eux où il faut aller, nous avons des idées, des

compétences, de l’expérience, des relations et de l’argent ; et surtout nous travaillerons

aussi pour avancer avec eux. Cette entreprise est un investisseur doté de 30 millions

d’euros, et aussi un accélérateur qui mobilise une équipe et nous, nous l’appelons un co-

fondateur. C’est un nouvel objet dans le paysage de l’innovation et il est intéressant à

regarder.

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Ma conviction personnelle est que l’écosystème des startup du numérique est le creusé où

se forgent la société de demain et que tout ceci apporte bien des innovations: des

innovations de produits et services, mais aussi de nouvelles façons de travailler et d’innover.

C’est un laboratoire d’expérience pour toute la société et les grands groupes ne s’y sont pas

trompés en créant des départements pour interagir avec les startup.

Vivre avec les startup c’est bouger avec elle. Penser leur mode d’innovation c’est l’inventer

ensemble. Il n’y a pas de recette, l’innovation est en innovation. Je m’en tiendrai donc à ma

conviction qui est qu’il faut partir des individus et organiser le système pour orchestrer les

désirs de tous. Alors peut-être nous aurons le succès de tous.

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Entreprises et Iconomie : des acteurs du rebond français

Vincent Lorphelin, president de Venture Patents

Pour illustrer la troisième révolution industrielle, on aimerait avoir

des Amazon ou des Google français qui incarneraient la transition

iconomique. Comme nous n’en avons pas, ou pas encore, le

problème est de savoir dans la multitude des startup lesquelles

choisir ! Nous aimerions tous avoir une boule de cristal pour dire

comment sera constitué le CAC40 dans l’avenir !

Lors de la deuxième révolution industrielle, il y a un siècle, qui aurait

pu prédire le futur succès des startup de l’époque, parmi lesquelles

les Renault, Peugeot, Michelin, Zodiac, Galeries Lafayette, Air Liquide, la Compagnie

Générale d’Electricité ?

Cette dernière, par exemple, a été fondée en 1898 par Pierre Azaria, un ingénieur de 33 ans.

A l’échelle de l’histoire, on pourrait penser que la CGE s’est créée dans la grande vague de

la révolution de l’électricité. Non ! La CGE est un retardataire. En 1898, Thomson Houston a

déjà 20 ans, Edison General Electric et AEG ont déjà 15 ans. La CGE s’est donc lancée

dans un marché de l’électrotechnique déjà dominé par ces nouveaux géants.

Aujourd’hui de nouveau une startup française est partie à la conquête de la publicité sur

Internet, 15 ans après Google ! C’est Criteo, fondée en 2005 par Jean-Baptiste Rudelle, un

ingénieur de 36 ans. La pépite française réalise 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et

vaut 3 milliards de dollars. De même VentePrivee.com et ShowRoomPrivé.com réalisent

ensemble un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros. Elles se sont lancées dans le commerce

électronique alors qu’elles ont été fondées 10 ans après Amazon. Ou encore le service de

musique à la demande Deezer, s’est lancé en 2007, soit 6 ans après iTunes d’Apple.

Il y a un siècle déjà la France, qui a raté la révolution technologique, est partie en retard.

Mais elle a réussi la révolution des usages, ce qui l’a fait rebondir plus haut que les autres.

Elle a raté la pellicule photo mais a réussi le cinéma. Elle a raté la mécanisation de l’industrie

textile mais a réussi la mode. Elle a raté le moteur à explosion mais a réussi l’automobile.

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Aujourd’hui encore les startup françaises utilisent avec talent des technologies empruntées.

Criteo n’a inventé ni les cookies ni les publicités en ligne, mais les combine habilement pour

solliciter les prospects qui s’intéressent à un produit mais ne l’ont pas encore acheté. De

même ShowRoomPrivé.com met en œuvre les technologies du commerce électronique dans

l’univers des marques. Deezer met en œuvre les technologies du streaming pour réinventer

la radio.

Il y a un siècle déjà la France retrouve son énergie créatrice avec les innovations d’usages,

grâce auxquelles notre pays devient en dix ans le leader des principaux secteurs-clés. Dans

celui de l’automobile, par exemple, plus de la moitié des constructeurs dans le monde sont

français. Avant la nécessaire consolidation du marché, 600 startup essaient d’imposer leur

marque. Beaucoup disparaîtront, dont le leader mondial, De Dion Bouton, mais c’est leur

effervescence qui est vertueuse pour l’économie.

Aujourd’hui encore les startup françaises retrouvent un regain de dynamisme

impressionnant. Dans le palmarès Deloitte des entreprises ayant la plus forte croissance

mondiale, sans surprise la Californie arrive en tête et représente 110 entreprises. Mais elle

est déjà talonnée par la France, numéro 2 avec 86 entreprises, devant le Royaume–Uni avec

71 entreprises et l’Allemagne avec 27 entreprises. On trouve par exemple dans ce palmarès

la société Ymagis, qui remplace la pellicule et numérise les salles de cinéma. On trouve

TalentSoft, qui facilite la gestion des ressources humaines grâce à des logiciels dans le

cloud. LeKiosk, qui permet de lire sur tablette 10 magazines pour 10 euros par mois.

Robopolis, qui distribue des aspirateurs automatiques et autres robots domestiques. Ou

encore Marco et Vasco, qui crée des voyages touristiques sur mesure.

Il y a un siècle, le nouveau secteur de la mode crée davantage d’emplois que ceux qui

avaient été détruits par la mécanisation du textile. Les couturières sont équipées de

machines à coudre et, grâce à de nouvelles formes d’organisations, des dizaines de milliers

d’emplois sont créés par les grands magasins.

De même aujourd’hui, les nounous de la société O2 sont équipées de smartphones avec

lesquels elles flashent un code-barre sur le cartable des enfants, ce qui envoie un SMS

automatique pour rassurer les parents. Les artisans de ALittleMarket.com disposent quant à

eux d’une vitrine et d’un magasin virtuel pour leurs créations. Grâce à ces nouvelles formes

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d’organisations informatisées, ces sociétés font partie des premiers créateurs nets d’emplois

en France.

En résumé, aujourd’hui comme il y a un siècle, personne ne peut prédire quelles startup

figureront dans le futur CAC40. Pris individuellement, les acteurs du rebond semblent bien

fragiles, mal positionnés ou en retard. Pris dans leur ensemble, en revanche, ces acteurs

montrent un formidable dynamisme dans les innovations d’usage, dans la croissance et

même, depuis peu, dans la création d’emploi.

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Stratégie pour l’Iconomie

La transition iconomique et l'avenir du système productif de la France

Olivier Passet, directeur des synthèses économiques, Xerfi

Les exposés qui ont précédé nous ont permis de mesurer l’ampleur

des bouleversements qui percutent aujourd’hui le système productif,

dans tous les secteurs et comme Laurent Faibis nous l’a dit tout à

l’heure, sur toute une série de dimensions : les produits, les

transactions, les comportements de consommateurs (et des

citoyens), les organisations, les modèles d’affaires, les formes de

concurrence, l’énergie.

Vous en avez pu encore le saisir tout récemment, avec la

controverse juridique sur le délai de 15 minutes pour la prise en charge des clients des

Véhicules de Tourisme avec Chauffeur (VTC). Cet épisode est bien emblématique du

bouleversement que produit le développement de certaines plateformes sur les business

traditionnels, en l’occurrence celui des taxis, avec l’irruption des VTC, du co-voiturage ou de

l'auto-partage. (Slide 3.1, page 42) Il est symptomatique que les tensions liées à la

destruction créatrice ne soient plus incarnées par Florange, mais déborde sur le secteur des

services aux particuliers. Or l'Iconomie c'est bien cela. C'est la prise de conscience que les

bouleversements liées aux technologies de l'information concernent toutes les activités, les

amenant une à une à réinventer leurs produits et leur business model.

Et face à cela, les politiques tâtonnent. Et j’aimerais vous montrer maintenant en quoi cette

transition remet en cause l’action de l’Etat et redéfinit ses priorités dans au moins trois

domaine : (Slide 3.2, page 42) 1/ celui des normes ; 2/ celui des politiques de redistribution,

3/ celui de la politique industrielle.

1/ L’adaptation des normes face à de nouvelles réalités fonctionnelles

Nous avons évoqué la puissance intégratrice des grandes plateformes de type Amazon,

Booking etc. Ces véritables sur-traitants, pour reprendre un terme d’Henri Verdier, qui ont le

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pouvoir de prélever 15 à 30 % du chiffre d’affaires de certaines activités qu’ils

« intermédient ».

Avec ces plateformes, c’est un nouveau système de valeur qui émerge, avec en son cœur

des plateformes B2C, qui deviennent aussi concepteurs, éditeurs, grâce à une ouverture

privilégiée sur l’information client. Lieux aussi de co-conception, co-production, ouverts sur

l’open-source.

(Slide 3.3, page 43) Des plateformes B2B également, places de marché, qui mettent en

concurrence et intègrent toute une série de prestataires / producteurs / makers, parfois

minuscules. Et c’est dans ce nouveau contexte d’intégration qu’il faut repenser (Slide 3.4,

page 43) :

La taille critique de nos entreprises… l’obsession ETI est-elle encore valide ?

Conditionne-t-elle l’accès à l’international ? Car aujourd’hui un individu isolé peut

pénétrer une chaine de valeur mondiale. (ex : Etsy aux États-unis (produits faits

mains), ma petite mercerie…).

Repenser aussi la sécurisation de la relation de sous-traitance : l’économie de la

petite série, de l’hyper-réactivité, de l’hyper-variété, où chaque prestataire peut être

soumis à une enchère inversée, démultiplie les opportunités d’affaires mais crée

aussi une extrême volatilité des ordres qui précarise la situation des entreprises

sous-traitantes.

Repenser la stabilité de la relation d’emploi : une économie qui tend de plus en

plus vers l’ouverture d’accès en continu, immédiat au produit, crée inévitablement

une forte pression en faveur d’un travail « hyper-ajustable », sur des horaires

flexibles et atypiques. On le voit avec les nouvelles pressions pour l’ouverture le

dimanche, avec la question du détachement des travailleurs.

Je pourrais encore multiplier les domaines, en matière de droit de la concurrence par

exemple : comment définir une position dominante dans le cadre de la coopétition où

émergent de nouveaux partenariats entre géants, ou avec la diffusion de ce que l’on appelle

les marchés bifaces où les entreprises opèrent sur deux marchés simultanément ?

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En matière de propriété intellectuelle où la reproduction 3D risque demain d’étendre à

toute la sphère productive les redoutables questions de propriété intellectuelle que l’on

observe déjà dans les industries culturelles et qui ont dynamité l’équilibre du secteur.

Dans tous ces champs, on le voit, le législateur ne peut plus ignorer les problématiques de la

« transition iconomique ».

2- Deuxième champ : celui de la redistribution, face à une transition qui favorise de

très fortes agglomérations de pouvoir et de richesse sur quelques-uns.

Le monde connaît bel et bien aujourd’hui (Slide 3.5, page 44) une crise de débouchés ou de

surcapacités structurelles. Des surcapacités et une déflation larvée :

Liées d’abord à la mobilisation par les entreprises du travail low cost des émergents.

Liées à la faiblesse des taux d’intérêt, c’est-à-dire au faible coût de financement du

capital.

Amplifié enfin par la concurrence monétaire fiscale et sociale que se livrent les

différentes régions.

Or la transition, dont nous parlons, (Slide 3.6, page 44) favorise la concentration de la

richesse sur quelques-uns, en proue de l’innovation et de l’économie des plateformes. Mais

elle a besoin aussi pour se déployer d’un gros volume de logistique:

Quelques créateurs hyper-puissants d’un côté, qui disposent d’un pouvoir de réseau

et d’un pouvoir d’évitement de l’impôt considérables.

Une armée de petits jobs dans le transport, l’entreposage, la sécurité….de l’autre

Toutes les conditions sont réunies pour créer une fracture sociale, et redistributive,

maximale. C’est ce que l’on appelle le « progrès technique biaisé ». Le progrès technique

s'incorpore plus facilement au travail qualifié qu'au travail non qualifié et produit à son

paroxysme et sans correction de l’Etat à ce que l’on observe aujourd’hui aux Etats-Unis et à

travers le monde : le syndrome de la montée de quelques « hyper-riches » et de la

stagnation de la classe moyenne, constat qui a été bien instruit aux Etats-Unis.

Autrement dit, nous retrouvons le hiatus des premiers temps du taylorisme avant l’éclosion

du compromis fordiste et la démocratisation de la consommation. Il manque à cette

révolution Iconomique de l’offre une révolution des débouchés.

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La troisième révolution industrielle ne trouvera sa pleine puissance que lorsqu’elle aura

véritablement créé son « prosumer », selon le terme précurseur d’Alvin Toffler. Et l’Etat a un

rôle clé à jouer dans ce rééquilibrage.

3- Repenser enfin nos finalités de politique industrielle

Avec l’Iconomie, la problématique d’un Etat stratège ne peut plus être celle du rattrapage par

imitation sur quelques secteurs ou technologies prévisibles ; ni celle d’une ré-industrialisation

forcée, tant le clivage industrie/service n’est plus opérant ; ni celle d’une construction de

filières ancrées sur le territoire alors que ces dernières se conçoivent à échelle du monde.

L’Etat doit donc, dans ce nouveau contexte, s’emparer de nouveaux objectifs. Pour ne pas

dire de nouveaux objets :

(Slide 3.7, page 45) L’Etat peut et doit d’abord orienter les usages, notamment dans la

santé, la dépendance, la mobilité, la conception de la ville etc. Ce sont aujourd’hui les

seuls domaines sur lesquels nous avons prise. Le devenir d’une grande entreprise ou d’une

technologie sont de plus en plus incertains. Nous savons en revanche le type de solution

que nous souhaitons privilégier. Pour que ces domaines soient créateurs de valeur et non

seulement les espaces de déversement des emplois cassés dans l’industrie. Car nos projets

sociétaux, notre conception de la ville et du territoire agissent sur leur intensité

technologique, sur l’acquisition de compétences et de savoir-faire exportables également.

Soit, ces domaines mobilisent les outils de réseau, se structurent en plateformes, repensent

leur efficacité, leur « exportabilité ». Soit ils se transforment en coûts collectifs qui altèrent

notre compétitivité.

L’Etat peut jouer un rôle clé dans la diffusion des machines intelligentes et apprenantes

au sein des PME. C’est une priorité absolue. Il faut rompre avec notre tradition de

préférence pour le travail non qualifié, non « délocalisable » au détriment du capital. C’est

une mauvaise piste. Et ce n’est plus l’orientation du monde aujourd’hui. La robotisation des

tâches intermédiaires est la clé de la relocalisation des entreprises sur le territoire, enjeu

bien compris aux Etats-Unis ou en Allemagne

L’Etat doit favoriser le foisonnement des projets entrepreneuriaux, là où les

rendements sont croissants, où l’ordre d’arrivée est décisif pour la captation des marchés. Il

ne suffit plus comme dans les années 60 d’armer quelques secteurs clés et d’en maîtriser la

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filière sur le territoire. L’enjeu est de favoriser l’insertion d’un nombre croissant d’entreprises

innovantes dans le système de production mondial : dans une multitude d’activités, sur des

créneaux qui leur permettent de capter une part importante de la valeur. L’État doit

composer avec une logique plus diffuse de l’innovation car il n’y a plus unicité des solutions

comme par le passé, et agir en « capital-risqueur » plus qu’en programmateur.

Favoriser enfin l’accumulation de nouveaux actifs stratégiques ; les priorités infrastructurelles

ne sont plus les mêmes qu’il y a 20 ans : les infrastructures informationnelles au sein des

organisations et la cyber sécurité, sont les nouveaux actifs stratégiques.

En conclusion et en un mot, si l’économie française veut saisir la vague iconomique, l’État

doit faciliter la transition en agissant en intelligence avec l’histoire.

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Source : Xerfi

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Source : Xerfi

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Agir pour l'Iconomie : quelle stratégie adopter ?

Michel Volle, économiste, co-président de l’Institut de l’Iconomie

Dans une entreprise, dans une institution ou dans un pays, la

fonction du stratège est d'indiquer une orientation, de poser à

l'horizon du futur un repère qui oriente les volontés et les actions.

Aucune prospective, aucune stratégie ne pouvaient être

pertinentes au XIXe siècle si elles ignoraient la mécanique et la

chimie. Aucune ne peut l'être aujourd'hui si elle ignore

l'informatisation. Dans le monde que celle-ci fait émerger,

l'Iconomie est un repère.

Les machines mécaniques ont percé les montagnes pour le chemin de fer, ont été les

auxiliaires de la main d’œuvre sur les chaînes de fabrication et des jambes pour les

transports, ont industrialisé l'agriculture avec la chimie des engrais. L'informatisation

transforme elle aussi la nature à laquelle sont confrontées les actions et les intentions car

elle met en œuvre une ressource naturelle inépuisable : le cerveau humain. Ceux qui

ignorent cela ne peuvent rien comprendre au monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.

Jeremy Rifkin a donc tort lorsqu'il dit que la « troisième révolution industrielle » est celle de la

transition énergétique, car celle-ci ne peut se concevoir qu'en tenant compte de la transition

iconomique.

Après une révolution industrielle la macroéconomie est inopérante parce que les facteurs de

crise résident dans la microéconomie, dans l'intimité des organisations et des processus :

c'est là qu'il faut aller les dénicher.

L'informatisation a en effet des conséquences dans l'économie des entreprises, la

psychologie des personnes, la sociologie des pouvoirs, la philosophie des techniques de la

pensée et jusqu'aux valeurs qui orientent le destin des personnes, celui des institutions et

celui des nations.

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Si la technique apporte un Big Bang qui a transformé la nature, les conséquences de ce Big

Bang outrepassent donc la sphère de la technique. Les blocages que l'informatisation

rencontre s'expliquent par la crainte que ces conséquences suscitent.

C'est que l'informatisation invite chaque pays, chaque institution, chaque entreprise, chaque

personne à approfondir ses valeurs, ses priorités, son identité. Pour conquérir le savoir-faire

et le savoir-vivre qui sont nécessaires dans le monde qu'elle ouvre, il faut se poser des

questions fondamentales : qui sommes-nous ? Que voulons-nous faire ? Et, plus

profondément, qui voulons-nous être ?

Quel est donc le positionnement qu'ambitionne une entreprise ? Quelles sont les missions de

chaque institution ? Quelle est, dans le concert des nations, la personnalité que doit exprimer

chaque pays ? Voilà les questions auxquelles un stratège doit répondre.

Comment se déclinent-elles pour une entreprise ?

Dans l'Iconomie, les produits sont des assemblages de biens et de services, chacun étant

élaboré par un partenariat. La cohésion de l'assemblage et l'interopérabilité du partenariat

sont assurées par le système d'information, devenu le pivot de l'entreprise.

La mécanique, la chimie, l'énergie n'ont certes pas disparu mais elles se sont informatisées

– tout comme l'agriculture s'est mécanisée et chimisée au XIXe siècle. Une entreprise

agricole est alors restée une entreprise agricole mais la mécanique est devenue son premier

outil. Dans l'Iconomie, une entreprise agricole reste une entreprise agricole, mais

l'informatique devient son premier outil. Il en est de même pour l'énergie, les transports et

aussi la mécanique et la chimie. En fait, pour tous les secteurs.

Industrialiser aujourd'hui, c'est informatiser.

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L'emploi disparaît des usines, fortement automatisées ; il se condense d'une part dans les

tâches de conception qui précèdent la production, puis d'autre part dans les services qui

permettent au produit de dégager des effets utiles entre les mains des clients.

Plus qu'une économie de la connaissance ou de l'information, l'Iconomie est donc une

économie de la compétence : la main-d’œuvre est remplacée par le cerveau-d’œuvre. Il en

résulte que les relations entre les personnes, entre les spécialités et entre les entreprises ne

peuvent plus obéir au schéma hiérarchique ni au rapport de sous-traitance : l'échange que

nous avons nommé « commerce de la considération » s'impose, car un cerveau qui n'est

pas écouté cessera bientôt de fonctionner.

La concurrence est mondiale et violente. Chaque entreprise doit ambitionner de conquérir

une position de monopole temporaire sur un segment des besoins, de le protéger, puis de le

renouveler par l'innovation. Dans l'Iconomie, le moteur de l'innovation tourne à plein régime à

condition qu'il soit régulé de telle sorte que le monopole temporaire dure assez longtemps

pour rentabiliser l'innovation, mais pas trop longtemps car l'entreprise s'endormirait sur ses

lauriers.

Tout cela implique une adaptation difficile. Les plus grandes entreprises, notamment, sont

handicapées par une organisation qui était adaptée à l'économie antérieure. Elles sont

bousculées par des nouveaux venus plus agiles.

Ce monde bouillonnant et violent suscite des tentations auxquelles l'informatique offre des

outils puissants : sans elle, la Banque n'aurait pas pu commettre les mêmes folies, et le

blanchiment serait beaucoup moins efficace. Les possibilités qu'offre l'informatisation sont

donc accompagnées de dangers pour l’État de droit et la démocratie.

C'est pourquoi la question stratégique s'adresse non seulement aux entreprises, agents de

l'économie, mais à la société tout entière.

On entend souvent dire que la France est trop petite pour agir par elle-même et que

l'informatisation n'est possible qu'au niveau de l'Europe tout entière. Mais comment font donc

des pays comme la Finlande, la Suède, le Danemark, Singapour et la Corée du Sud, tous

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plus petits que la France et pourtant classés devant elle pour la qualité de leur

informatisation ?

Nous ne serons certes jamais assez reconnaissant envers les Américains pour ce qu'ils ont

apporté en informatique et en ingénierie. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de

définir une Iconomie qui soit la nôtre, car nous n'irons pas loin si nous nous contentons de

singer les Américains.

Chaque pays doit trouver dans son histoire, dans sa culture, le ressort qui lui permettra de

construire son Iconomie. L'affaire touche en effet les ressorts les plus intimes de

l'anthropologie et elle est donc trop profonde pour qu'on puisse se contenter d'un placage,

fût-il intelligent.

Ici l’État a un rôle à jouer. Il doit veiller à informatiser les grands systèmes de la nation – le

système de santé, le système éducatif, le système judiciaire – à la fois pour donner l'exemple

et pour gagner en efficacité. Une informatisation raisonnable du système de santé permettra

de combler le « trou de la sécu » tout en améliorant la qualité des soins, une informatisation

raisonnable du système éducatif contribuera à la qualité scientifique de la pédagogie tout en

éduquant les jeunes au monde d'aujourd'hui.

Les risques que l'informatisation fait courir à l’État de droit et à la démocratie doivent par

ailleurs recevoir une réponse législative et judiciaire qualifiée.

Enfin, la régulation doit tenir compte de la forme qu'a prise la concurrence : la concurrence

parfaite et le libre-échange ne sont plus les critères de l'efficacité dans une économie où il

faut conquérir et défendre des positions de monopole, développer des compétences, innover

et défendre les innovations – et ceux qui se cramponnent à ces critères, comme le font la

Commission européenne et l'OCDE, tournent le dos à l'Iconomie.

Nous autres Français avons dans l'Iconomie des avantages comparatifs dont il faut prendre

conscience. Les étrangers disent que nous sommes un pays bizarre car chez nous rien ne

marche et pourtant tout marche. Alors que les organisations sont boiteuses et les systèmes

d'information déficients, le fonctionnement d'ensemble n'est pas inefficace.

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Cela tient à cette « logique de l'honneur » qu'a évoquée Philippe d'Iribarne, à ce goût de la

belle ouvrage, à cet esprit d'initiative que l'on rencontre sur le terrain, à tous les niveaux,

dans nos entreprises et nos institutions. Le mot « débrouillardise », qui nous est tellement

familier, est intraduisible dans les autres langues.

Cet esprit actif, responsable, est celui de nos entrepreneurs et des animateurs qui, dans les

entreprises, font en sorte que ça marche. Or ce goût de l'action efficace, du produit de

qualité, c'est justement ce dont l'Iconomie a besoin pour s'épanouir.

La logique de l'honneur et le sens de la dignité personnelle qui l'accompagne sont selon

d'Iribarne l'héritage le plus précieux de notre République, celui auquel chacun de nous tient

le plus. C'est là une force latente, un ressort comprimé et qui ne demande qu'à se détendre

dans les volontés pour peu que l'horizon de l'Iconomie leur soit clairement présenté par un

stratège légitime.

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En savoir plus sur l’Institut de l’Iconomie :

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