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UNION INTERNATIONALE DES ASSOCIATIONS ET ORGANISMES TECHNIQUES (UATI) UNION INTERNATIONALE DES INGÉNIEURS ET DES SCIENTIFIQUES UTILISANT LA LANGUE FRANÇAISE (UISF) Actes de la Conférence FEMMES ET DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE « La Recherche au service de la Santé et de l'Esthétique » Sous le haut parrainage de Madame Antoinette SASSOU NGUESSO, Épouse du Président de la République du Congo ________ Célébration du 60 ème anniversaire de la création de l’UATI par l’UNESCO _______ UNESCO – Paris, jeudi 29 novembre 2012 UISF –UATI – Maison de l’UNESCO – 1, rue Miollis – 75015 Paris tel : 01 45 68 48 27/29 – courriels : [email protected] [email protected] Sites : www.uisf.fr www.uati.info

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UNION INTERNATIONALE DES ASSOCIATIONS

ET ORGANISMES TECHNIQUES (UATI)

UNION INTERNATIONALE DES INGÉNIEURS

ET DES SCIENTIFIQUES UTILISANT LA LANGUE FRANÇAISE (UISF)

Actes de la Conférence

FEMMES ET DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE

« La Recherche au service de la Santé et de l'Esthétique »

Sous le haut parrainage de Madame Antoinette SASSOU NGUESSO, Épouse du Président de la République du Congo

________

Célébration du 60ème anniversaire

de la création de l’UATI par l’UNESCO

_______

UNESCO – Paris, jeudi 29 novembre 2012

UISF –UATI – Maison de l’UNESCO – 1, rue Miollis – 75015 Paris tel : 01 45 68 48 27/29 – courriels : [email protected][email protected]

Sites : www.uisf.fr – www.uati.info

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SOMMAIRE

AVANT-PROPOS .............................................................................................................................................................. 4

I. INTRODUCTION........................................................................................................................................................... 5

II. PROGRAMME .............................................................................................................................................................. 6

III. SEANCE D’OUVERTURE........................................................................................................................................ 9

Allocution de Madame Lalla Aïcha BEN BARKA, Sous-Directrice Générale, Département Afrique

de l’UNESCO ................................................................................................................................................................................ 9

Allocution de Madame la Ministre Emilienne RAOUL, représentant Madame Antoinette SASSOU-

NGUESSO, Première Dame du Congo ........................................................................................................................... 11

Allocution de Son Exc. Dr. Gisèle OSSAKEDJOMBO-NGOUA-MEMIAGUE, Ambassadeur, Délégué

permanent du Gabon auprès de l’UNESCO et de l’OIF, Présidente d’honneur du Comité Directeur

« Femmes et Développement en Afrique » ............................................................................................................... 12

Intervention de Madame Christine BRUNEAU, Présidente Exécutive du Comité Directeur

"Femmes et Développement", Présidente de "Femmes de Demain" ........................................................... 13

IV. PRÉSENTATIONS INTRODUCTIVES ............................................................................................................ 14

Vidéo conférence du Professeur Luc MONTAGNIER, Prix Nobel de Médecine, Membre de

l’Académie des Sciences, Membre d’Honneur de l’UISF. .................................................................................... 14

Autour de la peau par Gilles BOËTSCH ....................................................................................................................... 15

V. PREMIERE SÉANCE DE TRAVAIL : SANTÉ ET ESTHÉTIQUE ........................................................... 18

Les problèmes réglementaires soulevés par la dépigmentation et l'éclaircissement de la peau :

médicaments détournés, cosmétiques, produits dépourvus de statut, par le Pr Laurence

COIFFARD, ................................................................................................................................................................................ 18

La peau et la santé : facteurs de convergence sociétale du développement en Afrique, par Isabelle

MANANGA OSSEY, ................................................................................................................................................................. 22

Dépigmentation volontaire par le Dr Antoine PETIT, Praticien Hospitalier, Service de

Dermatologie, Hôpital Saint-Louis (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) ......................................... 23

La dépigmentation volontaire, une construction à la fois esthétique et identitaire par Céline

EMERIEAU, ............................................................................................................................................................................... 27

VI. SECONDE SÉANCE DE TRAVAIL : SANTÉ ET DÉVELOPPEMENT.................................................. 32

Détection Précoce et Suivi de la Malnutrition Mère-Enfant(s) : un Dispositif de e-Santé Non

Invasif Innovant par Mv MORENO, T TOGOLA, JP CALISTE, P CHAUVET, A. DISSA, O. LY ................ 32

Risques environnementaux pour l’enfant à naître par le Docteur Claire FABIN, .................................. 39

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Diabète, une pandémie…Les molécules naturelles sur le podium par Eric SERÉE ............................... 44

VII. TABLE RONDE ...................................................................................................................................................... 47

Le marché des cosmétiques, évolution, par Nelly MARCHAL .......................................................................... 47

Qualité et sécurité des produits cosmétiques, par Amal AYAD ...................................................................... 47

Développement de micro entreprises ou cottage industries basé sur la valorisation des

ressources naturelles locales en utilisant l’information des brevets, par Henri DOU et Jacky

KISTER ....................................................................................................................................................................................... 48

La recherche et la cosmétique au service du développement des femmes du Burkina Faso, par

Mary BONNEAUD .................................................................................................................................................................. 53

VIII. SÉANCE DE CLOTURE .................................................................................................................................... 54

Clôture de la Conférence par Madame Véronique OKOUMOU, ............................................................................... 54

IX. SOIXANTIEME ANNIVERSAIRE DE LA CREATION DE L’UATI PAR L’UNESCO ...................... 56

A. Historique ................................................................................................................................................................................... 56

B. Contribution de S.Exc. Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire général de la Francophonie ..................... 61

C. Intervention de S.Exc. Monsieur Papa Momar DIOP, Ambassadeur, Délégué permanent du Sénégal

auprès de l’UNESCO...................................................................................................................................................................... 62

D. Intervention de Monsieur François AILLERET, Président sortant de l’Institut Pasteur et de

l’AFNOR, Directeur général honoraire d’EDF, Membre d’honneur de l’UISF ................................................... 63

ANNEXES ......................................................................................................................................................................... 65

Programme UATI-UISF 2012 ................................................................................................................................................... 65

Préparation des activités 2013 ............................................................................................................................................... 66

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AVANT-PROPOS

Le Groupement UATI-UISF agit exclusivement en faveur des priorités de l’UNESCO et privilégie dans ses interventions le développement technico-économique et sociétal par l’éducation, la science et la technologie, où les femmes ont un rôle capital à accomplir. C’est dans cet esprit que le Comité directeur « Femmes et Développement en Afrique » a été créé. Ce comité a tenu sa première conférence à l’Unesco le 29 novembre 2012. D’éminents spécialistes ont traité un problème d’actualité « La Recherche au service de la Santé et de l’Esthétique ». Le grand succès qu’a rencontré cette manifestation témoigne de l’intérêt suscité et nous encourage à poursuivre notre action. La République du Congo s’est déjà portée candidate pour accueillir la prochaine Conférence qui se tiendra à Brazzaville en mai 2013. Nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette opération et en particulier :

Les personnalités suivantes qui nous ont fait l’honneur de participer à la conférence :

Madame la Ministre Emilienne RAOUL, représentant Madame Antoinette SASSOU-NGUESSO, Première Dame du Congo,

S. Exc. Dr. Gisèle OSSAKEDJOMBO-NGOUA-MEMIAGUE, Ambassadeur, Délégué permanent du Gabon auprès de l’UNESCO et de l’OIF, Présidente d’honneur du Comité directeur « Femmes et Développement en Afrique »,

Madame Lalla Aïcha BEN BARKA, Sous-Directrice générale, département Afrique de l’UNESCO.

Les personnalités qui nous ont adressé un message d’encouragement et ont apporté leur

témoignage : S. Exc. le Président Abdou DIOUF, Secrétaire général de la Francophonie, Le Professeur Luc MONTAGNIER, Prix Nobel de Médecine, Membre d’honneur de

l’UISF, S. Exc. Monsieur Papa Momar DIOP, Ambassadeur, Délégué permanent du Sénégal

auprès de l’UNESCO, Monsieur François AILLERET, Président sortant de l’Institut Pasteur et de l’AFNOR,

Membre d’honneur de l’UISF, Messieurs les Ambassadeurs du Burundi, du Congo et de Djibouti qui nous ont fait

l’honneur d’assister à la conférence ;

Les conférenciers et les divers intervenants ;

Le Comité d’organisation, les membres du Comité directeur « Femmes et Développement en Afrique » et le personnel de l’Unesco qui se sont investis dans la préparation de cette conférence.

N.B. Ne figurent dans ce compte-rendu que les communications dont les textes nous ont été fournis par les auteurs. Tous les textes reçus ultérieurement seront mis sur les sites.

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I. INTRODUCTION L'UATI-UISF a décidé d'initier un cycle de conférences sur "Femmes et Développement en Afrique", thème prioritaire de l’UNESCO qui ouvre des perspectives de coopération avec le Département Afrique. Cette conférence s'inscrit donc dans l'axe de travail de l'UNESCO et participe à la préoccupation majeure de cette Institution sur les questions de Genre. L'UATI-UISF est heureux de contribuer par ses conférences et travaux à une approche pluridisciplinaire de la situation de la femme africaine et d'élaborer des propositions sur la politique de développement en Afrique. Dans le cadre global du sujet « Femmes et Développement par l’Education, la Science et la Technologie », le premier thème de conférence arrêté par le Comité Directeur a été

« La recherche au service de la santé et de l’esthétique de la femme africaine ».

Nous n'ignorons pas que d'importantes problématiques "Santé" de la femme africaine ont fait l'objet de recommandations dans la définition des objectifs du Millénaire. Selon Monsieur Kofi ANNAN, les objectifs du Millénaire pour le Développement, particulièrement l'éradication de l'extrême pauvreté et de la famine, ne peuvent être atteints si les questions de population et de santé reproductive ne sont pas carrément abordées. Cela signifie des efforts soutenus pour promouvoir le droit des femmes et un investissement important dans l'éducation et la santé, y compris, la santé de la reproduction et la planification familiale. Nous savons que le 5ème objectif du Millénaire pour le Développement, sur la réduction de la mortalité maternelle, ne sera pas atteint en Afrique. Il a été reconnu que l'accès universel à la santé de la reproduction est essentiel pour arriver à l'égalité des genres, combattre le VIH/SIDA et réduire la mortalité maternelle et infantile. Au-delà de ces réalités endémiques et incontournables, qui touchent l'organisation globale des sociétés africaines, il nous a semblé intéressant d'aborder la santé de la femme par sa dimension culturelle, en développant le thème "Santé et Esthétique". Parce que la femme africaine porte un soin particulier à son esthétique et utilise bien plus de produits cosmétiques que les occidentales ; parce qu'il est important de connaitre les produits fabriqués ou transformés en Afrique et l’industrie qui s’y rapporte. Les thèmes de la conférence sont variés. Ils couvrent des sujets tels que le diabète et les maladies qui lui sont associées, dont l’évolution est alarmante, les produits cosmétiques à vocation éclaircissante qui deviennent une préoccupation de santé publique. Cette conférence a pour objectif d’établir un bilan de situation et de présenter des recommandations. Les États, les laboratoires et les industries, peuvent contribuer à l'amélioration de la santé et de la beauté des femmes d’Afrique. Leur prise de conscience peut être renforcée par des messages lancés depuis l'UNESCO le 29 novembre 2012.

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II. PROGRAMME

8 H 15 - Accueil

9 h 00 – Ouverture de la Conférence Allocution de Madame Lalla Aïcha BEN BARKA, Sous-Directrice Générale, Département Afrique de l’UNESCO

Allocution de Madame Emilienne RAOUL, Ministre des Affaires Sociales, de l'Humanitaire et de la Solidarité, représentant Madame Antoinette SASSOU NGUESSO, épouse du Président de la République du Congo.

Interventions :

- S. Exc. Docteur Gisèle OSSAKEDJOMBO-NGOUA MEMIAGHE, Ambassadeur, Délégué permanent du Gabon auprès de l’UNESCO et de l'OIF, Présidente d’honneur du Comité Directeur "Femmes et Développement en Afrique"

- Mme Christine BRUNEAU, Présidente Exécutive du Comité Directeur "Femmes et Développement", Présidente de "Femmes de Demain"

- M. Philippe AUSSOURD, Ingénieur en Chef Honoraire des Ponts, des Eaux et des Forêts, Ancien

Contrôleur Général à EDF, Président de l'UATI.

10 h 00 - Introduction

Message du Professeur Luc MONTAGNIER, Prix Nobel de Médecine, Membre de l’Académie des Sciences, Membre d’Honneur de l’UISF.

Intervention du Docteur Gilles BOËTSCH, Directeur de recherche au CNRS, Directeur d'Unité UMI 3189 Environnement, Santé, Sociétés UCAD/CNRS/CNRST/Université de Bamako, Président (ex) du Conseil Scientifique du CNRS.

10 h 30 – Première séance de travail : Santé et Esthétique Modérateur : Monsieur Philippe AUSSOURD

Prof. Jean-Luc AKA EVY, Directeur Général des Arts et des Lettres, Professeur des Universités, Philosophie et Histoire de l'esthétique - République du Congo : Heurs et malheurs de la beauté de la femme africaine à l'heure de la mondialisation

Prof. Laurence COIFFARD, Professeur des Universités, Directrice du Laboratoire Pharmacie industrielle et Cosmétologie de l'Université de Nantes : Les problèmes réglementaires soulevés par la dépigmentation et l'éclaircissement de la peau : médicaments détournés, cosmétiques, produits dépourvus de statut

Mme Isabelle MANANGA-OSSEY, Directrice fondatrice de l'Association Label Beauté Noire, Présidente fondatrice de l'Observatoire international de Sécurité Réglementation Environnement, Membre du Comité Directeur "Femmes et Développement en Afrique" : La peau et la santé, facteurs de convergence sociétale du développement en Afrique

Dr. Antoine PETIT, Dermatologue à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, membre de la Société Française de Dermatologie : La dépigmentation volontaire et ses complications

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Prof. Philippe PICCERELLE, Professeur à la Faculté de Pharmacie de Marseille, spécialisé en

pharmacie galénique et cosmétologie et en ingénierie des systèmes de santé : Valorisation d'actifs naturels dans le cadre de la santé, de la beauté et du respect des traditions

Mme Céline EMERIAU, Docteure en anthropologie biologique, Chercheur associée au laboratoire UMR 7268 - ADéS - Anthropologie bio culturelle Droit Éthique et Santé : La dépigmentation volontaire, une construction à la fois esthétique et identitaire

12 h 15 - Déjeuner

14 h 00 – Seconde séance de travail : Santé et Développement Modérateur : Monsieur Serge ARNAUD, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Vice-Président de l’UATI-UISF

Mme Marie-Valérie MORENO, Ing.PhD, Cofondatrice et Directrice scientifique et technique de BioparHom, entreprise de génie biomédical : Détection précoce et suivi de la malnutrition mère-enfant(s) : un dispositif de e-santé non invasif innovant

Dr. Claire FABIN, Secrétaire Générale de ASSITEB-BIORIF, Médecin spécialiste en Santé au Travail et Hygiène Industrielle : Risques environnementaux pour l’enfant à naître

Dr. Fatimata LY, Présidente de l’Association Internationale d’Information sur la Dépigmentation Artificielle (A.I.I.D.A.), Médecin-chef du service de dermatologie, Maitre de Conférences Agrégé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal Les complications médicales de la dépigmentation artificielle (DA) en Afrique sub-saharienne - Oui la prévention est possible

Dr. Éric SÉRÉE, Maître de conférences à la Faculté de Pharmacie de Marseille, Spécialisé en micro-nutrition, application de la micro-nutrition à la prévention du diabète et des pathologies inflammatoires : Intérêt de molécules naturelles dans le traitement des troubles cardio-métaboliques

Pr. Daniel PARZY, Médecin Général, Directeur UMR MD3 IRBA - Aix-Marseille Université, Infections parasitaires - Transmission, Physiologie et Thérapeutique : Amélioration de la santé : concept de laboratoire nomade

15 h 30 – Table ronde Animée par M. Philippe DERMAGNE, Journaliste

Mme Nelly MARCHAL, Agrégée de Génie biologique, Secrétaire Générale du Fonds de Formation International pour la Biologie de la Santé : Le marché des cosmétiques, évolution

Mme Amal AYAD, Experte, cosmétologue chimiste : Qualité et sécurité des produits de beauté. Utilisation des produits cosmétiques en Afrique

Prof. Henri DOU : Docteur en Chimie, Professeur émérite de l'Université Paul Cézanne, Directeur d'ATELIS ;

M. Jacky KISTER, Directeur de Recherche au CNRS, spécialiste en Chimie des Systèmes Complexes, Sciences de l'Information de l'Université Aix Marseille III : Développement de micro-entreprises ou cottage-industries basés sur la valorisation des ressources naturelles locales en utilisant l'APA (Automatic Patent Analysis)

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Mme Mary BONNEAUD, Déléguée Générale de la Fondation L'OCCITANE : La recherche et la cosmétique au service du développement des femmes au Burkina Faso

17 h 00 – Séance de clôture

Intervention de Mme Saniye Gülser CORAT, Directrice de la Division pour l'égalité des genres de l'UNESCO, représentée par Mme Jane FREEDMAN Intervention de Mme Christine BRUNEAU Discours de clôture par Mme Véronique OKOUMOU, Déléguée générale pour l'Afrique du Comité Directeur "Femmes et Développement", Conseiller du Président de la République du Congo.

17 h 30 – Célébration du soixantième anniversaire de la création de l’UATI par l’UNESCO

Modérateur : Monsieur Elie ABSI

Témoignages

S.Exc. Monsieur Papa Momar DIOP, Ambassadeur, Délégué permanent du Sénégal auprès de l'UNESCO

Monsieur François AILLERET, Président sortant de l'Institut Pasteur et de l'AFNOR, Directeur général honoraire d'EDF, Membre d'Honneur de l'UISF

Interventions

M. Philippe AUSSOURD, Président de l'UATI

M. Élie ABSI, Professeur Honoraire de l'École Centrale de Paris, Premier Vice-président de l'UATI, Président de l'UISF : Missions et Prospectives

Comité d’organisation de la Conférence :

M. Philippe VUILLEMIN, Ingénieur conseil, Délégué de l'UATI/UISF, Secrétaire général, Mme Olfa JENDOUBI, Juriste en Droit International, Conseillère de l'UATI/UISF, M. Jean-Marie CARO, Vice-président du Groupe DEVER, Conseiller technique de l'UATI/UISF.

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III. SEANCE D’OUVERTURE

1. Allocution de Madame Lalla Aïcha BEN BARKA, Sous-Directrice Générale, Département Afrique de l’UNESCO

Excellence Madame Emilienne Raoul, Ministre des Affaires sociales, de l’humanitaire et de la solidarité, représentant Madame Antoinette Sassou Nguesso, Première dame de la République du Congo, Excellence Monsieur le Président de l’Union Internationale des Associations et Organismes Techniques (UATI), Excellence Monsieur le Président de l’Union internationale des ingénieurs et scientifiques utilisant la langue française (UISF), Excellence Docteur Gisèle Ossakedjombo-Ngoua Memiaghe, Présidente d’honneur du Comité Directeur « Femmes et Développement en Afrique », Excellence Madame Christine Bruneau, Présidente Exécutive du Comité Directeur « Femmes et Développement en Afrique » Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Distingués invités, Mesdames et Messieurs, Au nom de la Directrice générale, Madame Irina Bokova, je vous souhaite la bienvenue à l’UNESCO à l’occasion de la Conférence sur « Femme et développement en Afrique : la recherche au service de la santé et de l’esthétique ». Je voudrais, en son nom et au mien propre, féliciter les organisateurs de cette Conférence, l’Union internationale des associations et organismes techniques (UATI) et l’Union internationale des ingénieurs et scientifiques utilisant la langue française (UISF), ici représentés par leurs Distingués présidents, pour une initiative si importante. En s’associant à la présente Conférence, l’UNESCO témoigne, s’il en est besoin, son ferme attachement au partenariat avec les organisations représentatives de la société civile, proches des communautés de base et véritables actrices sur le terrain. La Conférence qui nous réunit aujourd’hui, bénéficie du haut parrainage de Madame Antoinette Sassou Nguesso, Première Dame du Congo, dont je tiens à saluer l’engagement en faveur de l’autonomisation des femmes et des jeunes filles et leur participation au développement. Nous avons en effet mené des actions conjointes telles que la Conférence sur « Femmes, eau et développement durable » en novembre 2010, ou encore plus récemment, en juillet dernier, le colloque à l’occasion du cinquantenaire de la journée internationale de la femme africaine en coopération avec l’Organisation de la femme africaine de la diaspora (OFAD). Votre présence, Madame la Ministre, atteste de cet engagement et au-delà, de la coopération étroite entre l’UNESCO et le Congo. Mesdames, Messieurs, Le thème de notre Conférence d’aujourd’hui « la recherche au service de la santé et de l’esthétique » ne semble pas, au premier abord, relever des domaines directs de compétence de l’UNESCO. Mais il nous faut nous rappeler que ce thème touche plusieurs aspects et à travers la recherche non seulement nous touchons a l’éducation et tout en se plaçant dans le cœur même de la science, de la technologie et de l’innovation, elle nous mène vers la création d’une culture scientifique, de la préservation et du développement des savoirs endogènes, de la promotion et de la transmission du patrimoine immatériel. Comme vous le constatez ce sont là des domaines privilégiés de notre Organisation commune.

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Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chers intervenants, Mesdames et Messieurs, Nous savons tous combien les ressources naturelles de l’Afrique et sa riche flore alimentent les recherches et les découvertes pharmaceutiques dans le domaine de la santé et de l’esthétique. Et bien entendu l’exploitation de ces ressources ainsi que leur transformation représentent des richesses qui constituent une formidable source de développement pour le continent. Et dans ce processus de production et de transformation, tout en s’appuyant sur la recherche, la femme, détentrice de savoirs locaux et autochtones, joue un rôle très important, même si cela n’est pas toujours reconnu ou récompensé ! Et pourtant c’est à travers elle que se fait la transmission des connaissances, particulièrement celles liées aux vertus des plantes médicinales et de manière plus large celle de la biodiversité. Elles détiennent des savoirs et savoir-faire sur la terre, le monde minéral et les bienfaits de la nature pour sa santé, celle de ses enfants, de sa famille et de la société. Il en est de même en matière d’esthétique qui, dans le langage courant, désigne l'ensemble des caractéristiques qui déterminent l'apparence d'une chose, un design, et est donné comme synonyme de beauté. Nul ne doute du talent et de la maitrise de la femme africaine dans la création et la confection des parures, des coiffures, et autres ornements, considérés comme des chefs d’œuvre d’art et d’artisanat. Les cultures africaines sont, comme nous en convenons tous, très riches en matière de soins esthétiques à base de racines, de différentes sortes d’argile, de produits d’origine animale, d’huiles essentielles pour l’aromathérapie. Les femmes sont les dépositaires des savoirs et techniques qui y sont liés. Encore faut-il alors que ce capital soit valorisé, que les communautés et notamment les femmes aient accès à des facilités permettant de développer leurs activités, qu’elles jouissent des revenus ainsi générés et de manière plus large, que le pays comme le continent bénéficie des retombées. Cela pose, autrement dit, la question de la répartition des richesses et au-delà de la vision de la société, sujets que vous ne manquerez certainement pas d’aborder. Mesdames, Messieurs, Je ne puis ne pas évoquer une autre dimension, induite par le thème de cette Conférence, celle de la question de l’esthétique en tant que représentation de soi, de l’identité, de l’imaginaire social. Nous savons que les canons de la beauté sont culturellement, socialement et politiquement marqués, mais nous savons aussi que certaines maladies dermatologiques, capillaires, les troubles métaboliques liés aux régimes amincissants sont souvent dus à des perceptions fondées sur des critères de beauté, souvent définis par d’autres cultures et miroités par un monde globalisé. Etre ou devenir une femme moderne, reconnue et valorisée par la société, équivaut alors, pour certains milieux, à l’adoption de nouvelles formes d’esthétique, parfois aux dépens de sa propre santé. Le thème dont vous débattrez aujourd’hui peut donc permettre de revisiter les notions de tradition versus modernité qui parfois portent les germes de ruptures socioculturelles. Il faut trouver des passerelles, concilier la tradition et la modernité, repenser les relations intergénérationnelles, les relations entre le monde rural et celui urbain. Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, Ces différentes questions comme celles que vous ne manquerez pas de relever durant cette journée nous montrent l’étendue et la richesse du thème abordé. Soyez-assuré que l’UNESCO suivra avec grand intérêt les différentes présentations qui seront faites par les éminents spécialistes que nous accueillons chaleureusement et dont la présence augure de riches débats. Je vous remercie de votre aimable attention.

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2. Allocution de Madame la Ministre Emilienne RAOUL, représentant Madame Antoinette SASSOU-NGUESSO, Première Dame du Congo

Mesdames et Messieurs les Participants, Distingués invités, Au nom de Madame Antoinette SASSOU N'GUESSO, Epouse du Président de la République du Congo, Présidente de la Fondation Congo Assistance. J'ai l'insigne honneur de la représenter, à l'occasion des 60 ans de l'Union Internationale des Associations et Organismes Techniques. Votre choix, de faire d'elle la marraine de cet évènement l'a profondément touchée et a exprimé un intérêt particulier sur le thème de la conférence "La recherche au service de la santé et de l'esthétique de la Femme Africaine". La mère et l'enfant sont au cœur de l'action qu'elle mène à travers sa Fondation La Fondation Congo Assistance. Il s'agit des questions reliées à la santé de la femme et de l'enfant, mais aussi des actions pour donner à la femme son autonomie économique. Mesdames, Messieurs les Participants, Distingués invités, La République du Congo a élaboré une feuille de route du Gouvernement pour accélérer la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile afin d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMM 4 et 5. Aussi a-t-on lancé le programme intitulé La Campagne pour l'Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle en Afrique (CARMMA). Mesdames et Messieurs les Participants, Distingués invités, En s'impliquant dans le domaine de l'éducation, de la formation professionnelle de la jeune fille mère, de sa santé notamment contre les grandes pandémies et l'assistance multiforme aux plus démunies, Madame Antoinette CASSOU N'GUESSO a donné à cette couche de notre population la chance pour un second départ par le biais d'une formation professionnelle qualifiante grâce à la création du Centre d'Animation Social pour l'adolescente-mère (CASAM) et la maison-école. Mesdames, Messieurs, Face à la féminisation du VIH/SIDA, 5% des enfants qui naissent des mères atteintes de ce virus décédaient avant leur premier anniversaire, la Présidente de la Fondation Congo Assistance, après un émouvant plaidoyer en faveur du couple mère-enfant, obtint des Laboratoires BOHRINGER INGELHEIM la mise à disposition gratuite, d’un médicament essentiel : la Viramune, qui permet d’arrêter la transmission materno-fœtale du VIH. La Fondation Congo Assistance, outre la femme séropositive dans le cadre du programme « Mon enfant vivra » a octroyé des microcrédits pour la réalisation de projets et autres activités génératrices de revenus. La liste de ses actions n’est pas exhaustive, cependant elle constate que, l’Union Internationale des Associations et Organismes Techniques (UATI) et la Fondation Congo Assistance œuvrent pour un même objectif : la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Lié à la santé, un autre volet de la conférence qui nous rassemble ce matin, porte sur l’esthétique de la Femme africaine. Au cours de cette conférence il sera beaucoup question de l’utilisation des cosmétiques par les femmes, l’impact sur leur santé. Je voudrai dire au nom de Madame Antoinette SASSOU N’GUESSO, première Dame du Congo et Présidente de la Fondation Congo Assistance, qu’elle adhère totalement à l’idée de lancer depuis l‘UNESCO des messages pour une meilleure prise de conscience des problèmes liés à ce sujet. Dans les communautés traditionnelles, la femme africaine mettait en valeur sa peau, ses formes, toutes les parties de son corps grâce aux produits que lui procurait la nature : le karité ici, l’huile d’argan là ou encore l’huile d’amande de palmiste, des essences de bois. Mais la tradition a aussi causé des dégâts que la chirurgie réparatrice tente de prendre en charge : je citerai l’excision, l’infibulation auxquelles il faut ajouter les fistules vésico-vaginales qui invalident la femme et la marginalisent. Mesdames, Messieurs, L’information, la prévention doivent être la base de toute action qui tente de préserver la santé et la beauté de la femme africaine. Je ne saurai terminer ce propos sans vous exprimer au nom de Madame Antoinette SASSOU N’GUESSO, Première Dame du Congo et Présidente de la Fondation Congo Assistance, tout son soutien et ses encouragements pour la réussite de vos travaux et ses félicitations aux organisateurs. Bon anniversaire à l’Union Internationale des Associations et Organismes Techniques pour ses 60 ans !

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3. Allocution de Son Exc. Dr. Gisèle OSSAKEDJOMBO-NGOUA-MEMIAGUE, Ambassadeur, Délégué permanent du Gabon auprès de l’UNESCO et de l’OIF, Présidente d’honneur du Comité Directeur « Femmes et Développement en Afrique »

Madame Lalla Aicha Ben Barka, ADC Département Afrique de l'UNESCO, Représentant Mme Irina BOKOVA, Directrice Générale de l'UNESCO, Madame la Ministre des Affaires Sociales, de l'Humanitaire et de la Solidarité, Représentant Mme Antoinette SASSOU NGUESSO, Epouse du Président de la République du Congo, Madame Christine Bruneau, Présidente Exécutive du Comité Directeur « Femme et Développement », Présidente de « Femmes de Demain », Professeur Luc Montagnier, Prix Nobel de Médecine, Membre de l'Académie des Sciences, Membre d'Honneur de l'UISF, Directeur Gilles Boëtsch, Directeur de Recherche au CNRS, Mesdames et Messieurs les Représentants de l'Union Internationale des Associations et Organismes Techniques (UATI) et de l'Union Internationale des Ingénieurs et des Scientifiques utilisant la Langue Française (UISF), Eminents Conférenciers, Professeurs, Docteurs, Chercheurs, tous en vos grades et qualités ; Distingués invités, Nous souhaitons à l'entame de cette Conférence « Femmes et Développement en Afrique » principalement axée sur la Recherche au Service de la Santé et de l'Esthétique, remercier Mme Irina BOKOVA, Directrice Générale de l'UNESCO, d'avoir permis que les présentes assises se déroulent au Siège de l'UNESCO, Temple des Savoirs, d'échanges, de dialogue des cultures, et de coopération internationale. Nous voudrions également remercier et féliciter les organisateurs, l'UISF, mais également et surtout les Représentants d'associations, tous les Chercheurs et instituts affiliés, les personnes privées, qui de par leur mobilisation et action, nous permettent d'avoir la tenue de cette Conférence ce 29 novembre 2012. Si l'UNESCO, notamment le Département Afrique, ont fait de « l’Afrique » et de « l'Approche Genre » des priorités, nous savons aussi qu'au plan global, les objectifs du Millénaire sur l'extrême pauvreté et la réduction de la mortalité maternelle sur notre continent ne seront pas atteints à l'horizon 2025. Se pose alors pour nous, ici présents ce jour, la question suivante : Comment atteindre ces objectifs si les Femmes, actrices principales de ce développement sont prisonnières, enfermées, en ghettos, dans l’inconscience, l’obscurantisme et le manque de connaissance sur les conséquences de ce qui affectent leurs vies au quotidien. La dépigmentation volontaire de leur peau avec des produits cosmétiques éclaircissants, avec tous les dégâts découlant desdits usages et notamment les nuisances sur leur santé ; L'utilisation de médicaments dangereux et toxiques ainsi que des préparations pharmaceutiques. Les approches méthodologiques nécessitent que nous nous penchions sur les causes de ces fléaux :

Le fait que ces Femmes se sentent mal dans leur peau ; La volonté de plaire aux hommes à n'importe quel prix ; La mal information et désinformation ; La volonté de paraitre et les initiatives pour ne citer que ceci.

Mesdames et Messieurs, Ces constats de Femmes africaines utilisant des produits pour rendre leurs peaux plus claires, sont graves pour nos sociétés en construction. Car les Femmes constituant avec les Hommes, les socles de nos sociétés, quelles valeurs ces Femmes transmettent elles à leurs enfants, filles et garçons, car ces phénomènes s'observent bel et bien chez des filles et chez des garçons ? C'est le lieu pour moi ici de féliciter et de remercier encore les Instituts et Centres de Recherche, les ONG, les privés et toutes personnes de bonne volonté qui s'impliquent dans ce combat :

D'abord pour informer le public et le consommateur et ainsi l'éduquer ; Ensuite pour aider ces consommateurs à sortir de ces cercles vicieux de dépigmentation et

de dépendance ;

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Egalement d'aider dans le cadre de recherche ; Développement, à mettre en place des structures et mobilisations publiques pour étudier les

impacts et utilisations de ces produits ; Enfin, éradiquer ces fléaux des temps modernes en proposant des solutions grâce à

l'éducation et en valorisant les aspects culturels de notre civilisation africaine.

La valorisation de la Beauté de la Femme Africaine, reposant sur ses valeurs culturelles, constituent des éléments sur lesquels les recherches et approches de solutions devront s'appuyer. C'est aussi le lieu d'interpeller les médias, la presse, en un mot les organes de communication sur les messages véhiculés, qui attirent et mettent les Femmes Africaines dans ces situations aux conséquences incommensurables. Nous souhaitons donc plein succès à vos travaux, à vos ateliers qui par leurs décisions et recommandations, redonneront aux Femmes leur dignité, leur bien-être, leur permettant ainsi de rester des actrices participatives au développement de nos pays. Je vous remercie de votre aimable attention.

4. Intervention de Madame Christine BRUNEAU, Présidente Exécutive du Comité Directeur "Femmes et Développement", Présidente de "Femmes de Demain"

Nous avons la chance tout au long de la journée de concrétiser une approche pluridisciplinaire de la santé des femmes par la culture, la recherche, l’économie du monde des cosmétiques et de certaines maladies associées. Débat de civilisation entre tradition et modernité…. Nous constatons que l’écologie et la femme dans son environnement peuvent contribuer à comprendre et à promouvoir la préservation des milieux, des espèces et l’usage intelligent des richesses naturelles d’Afrique. Faire une autre cosmétologie ? L’ « urgence de santé » liée aux risques environnementaux mais aussi à la qualité-sécurité nous a transporté dans la prospective d’un univers qui propose le renforcement :

Des femmes chercheurs (médecine) Des femmes entrepreneurs (formation) Des femmes politiques (planification de la santé)

Globalement, la sensibilisation et l’éducation des populations locales doit permettre de faire évoluer les comportements, mais la mise en place d’une vraie gouvernance de ces sujets appartient à la direction institutionnelle et politique au niveau national et international. Agir sur le développement qualitatif intègre la réalité d’une cosmétique locale, de coopératives de femmes, préservant l’environnement. « Désir de beauté, angoisse de santé », nouveaux thèmes pour l’UNESCO dont les compétences dans les thèmes culturels, autonomisation des femmes, science et engagement OMD se trouvent réunies. N’oublions pas la communication et le numérique qui sont irremplaçables dans la sensibilisation à ces sujets. Nous savons combien la publicité, l’image de la beauté conditionne les comportements. Laissons parler un SENGHOR et révéler la beauté objective de la « femme noire »

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IV. PRÉSENTATIONS INTRODUCTIVES

1. Vidéo conférence du Professeur Luc MONTAGNIER, Prix Nobel de Médecine, Membre de l’Académie des Sciences, Membre d’Honneur de l’UISF.

Bonjour, Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de cette importante réunion de m’avoir invité à m’exprimer à travers ce message vidéo. Je salue la présence de la représentante de la Directrice Générale de l’UNESCO, de MM les Ambassadeurs et de l’ensemble des organisateurs de cette réunion. Mesdames, Messieurs, je crois qu’il est tout à fait opportun de tenir un colloque sur la situation des femmes en Afrique, notamment en Afrique subsaharienne. Comme mes recherches portent essentiellement sur le virus du SIDA, je suis particulièrement sensible à l’importance de l’épidémie de SIDA chez les femmes africaines. Ainsi, près de 60% des personnes séropositives en Afrique sont des femmes, donc davantage que les hommes, et ceci pour différentes raisons. Je voudrais, d’une part, rappeler qu’après avoir détecté le VIH en 1983 à partir de patients européens atteints par le SIDA, ou ses signes précurseurs, notamment les hémophiles, les personnes transfusées et la population homosexuelle, je suis parvenu, d’autre part, avec mon équipe, à isoler le même virus, en analysant le prélèvement sanguin d’une femme provenant de l’ex-Zaïre, actuellement la République Démocratique du Congo. Cette femme était hospitalisée dans un hôpital parisien et nous avons réussi à isoler le virus dans son sang une semaine avant qu’elle ne meure ; son enfant en bas âge est également décédé du SIDA peu après sa mère. Ainsi, j’ai pu réaliser, dès 1983, que le SIDA allait toucher des femmes et des hommes en Afrique, et pas seulement les groupes à risque existant en Europe et aux États-Unis. Depuis, malheureusement, l’épidémie s’est véritablement et inexorablement propagée sur l’ensemble du continent africain, davantage que dans d’autres parties du monde. A l’heure actuelle, des millions de personnes vivent en Afrique avec le VIH parfois sans le savoir, vivent ou survivent d’ailleurs plus ou moins bien, car l’évolution vers l’immunodépression est inexorable. Certes, des progrès récents ont été accomplis et l’accès à la trithérapie s’est développé grâce à l’aide internationale, grâce aussi aux initiatives des gouvernements nationaux et aux associations non gouvernementales. L’information pour la prévention a effectivement été diffusée, mais pas suffisamment. En outre, certaines contraintes économiques et socioculturelles très importantes font que les femmes sont toujours extrêmement exposées au VIH. Je vais résumer rapidement ces raisons connues de chacun. En premier lieu, les femmes n’ont pas une grande liberté d’action et par conséquent elles sont souvent dépendantes économiquement des hommes, de leurs maris ou de leurs partenaires. En second lieu, des raisons biologiques expliquent également pourquoi ces femmes sont davantage exposées au virus du SIDA : les infections et les coïnfections vaginales sont fréquentes, de même que les coïnfections par d’autres virus, comme l’herpès. En outre, le sperme des hommes peut facilement infecter les femmes, davantage que les sécrétions vaginales qui ne peuvent pas facilement infecter les hommes. Ces facteurs biologiques ne sont pas encore d’ailleurs tous élucidés. Avec mon équipe nous travaillons toujours sur des cofacteurs infectieux bactériens qui pourraient favoriser l’infection par le virus du SIDA. Récemment nous avons trouvé des facteurs présents avec une plus grande fréquence au sein de la population africaine, ce qui explique peut-être cette plus grande diffusion du virus notamment en Afrique subsaharienne. Il convient de résoudre ce problème : identifier ces facteurs de risque et essayer de les analyser, de les supprimer peut-être, si ce sont des bactéries, par des traitements antibiotiques appropriés. Il s’agit, selon moi, d’un véritable espoir pour les générations futures , mais en attendant, bien évidemment, le seul moyen de réduire cette énorme épidémie demeure la prévention avec l’usage du préservatif, la réduction du nombre de partenaires, l’hygiène et le dépistage systématique. Espérons ainsi que les femmes vont prendre leur destin en main et essayer de s’opposer par exemple à des rapports non protégés ou non voulus. C’est un problème important qui va être discuté dans ce colloque et il faut toujours rappeler que l’information et l’éducation sont primordiales à ce sujet. Il

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faut absolument que les femmes soient informées, notamment celles qui sont déjà enceintes ou qui le seront prochainement : elles doivent se faire tester et dépister, afin d’avoir accès à un traitement qui les protègera, de même que leur enfant à naître. Ainsi il convient de développer davantage l’éducation sanitaire des femmes, l’information concernant la prévention et la transmission du VIH et de renforcer chez les femmes la capacité à être soi-même, de ne pas dépendre, ni physiquement ni socialement des hommes, et leur permettre de refuser de s’exposer à une éventuelle contamination par le VIH, par des rapports non consentis. Nous évoquons le cas du SIDA, mais il existe également d’autres maladies sexuellement transmissibles et infectieuses, où là aussi les femmes doivent être attentives et garder la responsabilité de leur corps avec l’aide des associations, des politiques gouvernementales et des organismes internationaux. Je vous souhaite donc un excellent congrès et regrette de ne pas pouvoir y assister de visu. Sachez enfin que je mobilise toute mon énergie avec l’aide de mon équipe afin de trouver un jour un vaccin contre le SIDA. De nombreuses pistes restent encore à explorer pour atteindre cet objectif. Merci pour votre attention.

2. Autour de la peau par Gilles Boëtsch1

La couleur de la peau constitue un marqueur identitaire. Cette couleur, plus que tout autre marqueur de nature biologique, a longtemps marqué les imaginations et construit des appartenances sociales rigides. Les relations entre la couleur de la peau, la transmission héréditaire et l’influence du milieu, en particulier du climat et de l’alimentation, ont toujours questionné les anthropologues depuis Buffon2 (1749). Celui-ci, à la fois monogéniste et créationniste, pensait que l’Homme avait été créé par Dieu dans le Caucase (où dit-il, on rencontrait les Hommes les plus beaux) et que c’était l’influence du climat et de l’alimentation qui avait transformé leur apparence, en particulier leur couleur de peau. Avant Buffon, le père Lafitau expliquait déjà que les « Nègres naissent noirs et les Caraïbes rouges, à cause de l’habitude qu’avaient leurs premiers pères de se peindre en noir ou en rouge » (Lafitau, 1724)3. C’est dire que les imaginaires sur les fonctionnements physiologiques étaient souvent très fantaisistes, surtout lorsqu’ils se réfèrent à l’identité. Ainsi, la couleur de la peau devint vite le premier critère des classifications raciologiques proposées par les anthropologues physiques du XIXe siècle ; Quatrefages nous parle de populations à peau blanche, jaune ou noire4, alors que Gerbe, dans un travail de valorisation du travail de Quatrefages, va parler de la couleur comme premier critère de discrimination entre « races humaines » à partir de tronc blanc (ou caucasique), tronc jaune (ou mongolique) et tronc nègre (ou éthiopique). La hiérarchie raciologique des anthropologues se présente ainsi : les premières « races » se distinguent par « la teinte claire de leur peau », les seconds par « une coloration qui varie du blanc au brun-jaunâtre ou au vert-olive », les troisièmes possèdent une « coloration de la peau variant du brun plus ou moins foncé au noir le plus pur »5. Les autres caractères physiques (taille, cheveux, forme de la tête) seront toujours considérés comme de moindre importance identitaire, tant chez les savants que pour le public. Par la suite, en étudiant la diversité intra puis inter populationnelle de la

1 Directeur de recherche au CNRS – Directeur de l’UMI3189 Environnement – santé – sociétés (CNRS – CNRST – UCAD – Univ. Bamako)

2 BUFFON Georges Louis Leclerc Comte de 1749 Histoire naturelle de l’Homme. Paris ; imprimerie royale.

LAFITAU Joseph François 1724 Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, Paris, Saugrain l'aîné –

Hochereau.

4 QUATRE FAGES Armand de, 1861, Unité de l'espèce humaine. Paris, Hachette. 5 BREHM Alfred Edmund s.d (1878), Les merveilles de la nature. T.II L’Homme et les animaux, description populaire des races humaines et du règne animal. Ed revue par Z. Gerbe Paris ; J.B. Baillière.

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variation de la couleur cutanée, les anthropologues de la seconde partie du XXe siècle mirent en évidence la présence de clines (ou variations continues) du blanc au noir, en allant des régions les plus tempérées aux régions les plus tropicales. Car en y regardant de plus près, l’observation de différences au sein d’une même population, en fonction du sexe, de l’âge ou du groupe social furent notables pour les anthropologues dès qu’ils daignèrent l’étudier hors de toute pensée typologiste. La peau de ceux qui pratiquaient des travaux pénibles au grand air, n’avait pas la même teinte que les individus des classes nanties vivant à l’intérieur de maisons. Ceci s’observait autant en Afrique, en Asie qu’en Europe. Le teint plus clair fut toujours considéré comme un signe de distinction, d’appartenance de classe. Ceci se retrouve en Asie, que ce soit en Inde dans le système de caste ou au Japon dans les groupes sociaux. L’esclavage stigmatisa le modèle, que ce soit en Afrique, au Brésil, aux États-Unis ou dans les colonies françaises créoles. La couleur de la peau positionnait alors l’individu dans une catégorie sociale comme ce fut le cas du temps de l’apartheid en Afrique du sud6. La peau claire fut un signe de classe. Mais il fallait entretenir cette teinte pour présenter une belle apparence, tout d’abord en évitant le soleil, puis en protégeant le corps par des vêtements enveloppants tels les gants, les chapeaux à larges rebords, les jupes longues, les ombrelles (comme en Extrême-Orient aujourd’hui), enfin par l’usage d’une cosmétique spécifique7 visant à éclaircir la peau à partir d’une substance blanche. Celle-ci est assez diversifiée : la céruse (carbonate de plomb), le talc, la craie, l’argile blanche, l’amidon de riz. Mais on peut aussi agir directement sur la pigmentation cutanée et les produits utilisés dans des préparations au cours de l’histoire par différents peuples furent nombreux : urine, jus de citron, fraise, papaye, moutarde….. Mais aujourd’hui, les produits sont plus agressifs. Ceux issus de l’industrie pharmaceutique : hydroquinone, dermocorticoïdes... ; ceux préparés de manière artisanale : produit à base de mercure, de soude, d’eau de javel, d’eau oxygénée….. Ce blanchiment cutané renvoie à l’idée que la blancheur de la peau a toujours été recherchée dans les sociétés occidentales en valorisant les attributs sensés l’accompagner : la fraicheur, la pureté et la douceur8. Ce n’est que depuis le début du XXe siècle que la peau halée fait partie des critères de nature9, de liberté, de loisirs parmi les populations du Nord. Etre bronzé, c’est montrer que l’on prend des vacances, que l’on a du temps-libre. Par le double jeu d’une construction sociale qui perdure en positionnant le teint pâle comme expression des castes dominantes et par l’apport des modèles coloniaux instituant le teint clair comme distance infranchissable et irréductible entre colonisateurs et colonisés - modèles repris dans l’univers de la mode internationale comme dans celui des « miss » - les femmes du Sud ont compris que la teinte de la peau avait une grande valeur sociale au niveau de leur paraître, donc intervenait de manière directe ou indirecte sur leur positionnement sur le marché de l’emploi comme sur le marché matrimonial. Un des effets de la mondialisation est de construire des canons de beauté à vocation universelle, c’est-à-dire renvoyant aux mêmes codes quel que soit les couleurs cutanées ou les morphologies. Car toutes les femmes s’identifient aux modèles de beauté fortement médiatisés par la télévision, le cinéma ou les magazines, qui représentent leur groupe de référence esthétique. La femme est relativement plus pâle que l’homme dans toutes les populations humaines. En premier lieu, son teint est moins brun et moins rougeaud que celui de l’homme, et ce, en raison d’une présence réduite de mélanine et de sang10. Cette légère différence entre les deux sexes, du côté de la

6 Pour une démonstration exemplaire de l’arbitrage de la classification raciale « étatique », voir le remarquable film « Skin » d’Antony Fabian (2009)

LANOE Catherine 2007, L’invention de la peau. Les techniques de blanchiment du visage à l’époque moderne, XVIe – XVIIIe siècle.

Communications, 81 : 107-120.

8 VIGARELLO Georges 1985, Le propre et le sale. L’hygiène du corps depuis le Moyen Age. Paris ; Seuil.

9 ANDRIEU Bernard 2008, Bronzage. Une petite histoire du soleil et de la peau. Paris ; CNRS Editions, (Coll. « Corps ») 10 FROST Peter 2010 Femmes claires, hommes foncés. p.155.

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teinte cutanée comme du côté de la douceur de la peau détermine les formes de socialisation. Dans ce processus d’éducation, la beauté occupe un large choix chez les femmes qui en font une arme de rivalité, de séduction, en réalité un véritable pouvoir. Depuis le bas âge, l’apprentissage des valeurs, du comportement, de la façon de parler, de marcher de se tenir se résume à un jeu de raffinement, d’élégance, d’expression de charme, bref une mise en valeur de la beauté féminine. A leur enfance, les filles reçoivent une éducation sur la façon d’entretenir leur corps avec tout le soin qui sied pour recevoir l’approbation d’un homme. Le corps est un élément très essentiel pour le paraître, il se présente comme un symbole identitaire et sexuel. Le corps de la femme étant un outil de fantasme pour l’homme, des modifications quotidiennes y sont apportées pour une satisfaction à ce besoin. Derrière le visible de la peau, élément objectif non effaçable, facilement repérable, se cache l’invisible des fantasmes humains, fantasmes touchant en premier lieu au sexuel, au rapport intime que l’être humain a à sa propre peau11.

Depuis les cinq dernières années, la pratique de la dépigmentation « radicale » a régressé au Sénégal, le phénomène a perdu son allure d’antan, bien qu’il existe toujours des consommatrices de ces produits éclaircissants. Les femmes s’adonnent de moins en moins à la décoloration de la peau. Est-ce une volonté manifeste de retour aux sources « back to roots », une idéologie qui accompagne l’ascension du président Barack Obama à la maison blanche ou encore la peur de devenir comme ces toutes premières dames xessalisées qui ont subi des dégâts cutanés considérables. La société sénégalaise a-t-elle appris à elle seule sa propre leçon à partir de ses propres femmes qui ont inconsciemment servi de cobayes ? Ou encore c’est l’impérialisme de la communauté noire américaine sur toutes les communautés noires du monde ? Combien de fois entend-on au Sénégal, face à la sensibilisation sur ce phénomène, cette réponse : « même les américaines font du xessal ». La « communauté-modèle » afro-américaine a pris du recul avec une politique sociale de revalorisation des racines noires, et dans cet ordre, les autres communautés noires pourraient bien suivre encore une nouvelle fois le modèle américain.

En outre, il faut souligner que les hommes « noirs » commencent à regarder les femmes « noires » avec un nouveau regard, peut-être une forme de résistance culturelle à la mondialisation ? Les mentalités commencent peu à peu à changer dans la société sénégalaise, même si la dépigmentation y fait encore de terribles ravages, car les femmes de la nouvelle génération commencent à accepter davantage la teinte naturelle de leur peau. Elles regardent sous un nouveau jour cette noirceur en lui apportant des soins pour sa beauté et sa douceur et non en pensant seulement à la décolorer.

Blanchir sa peau, en Afrique comme dans l’immigration, c’est en réalité vouloir changer de peau, même si cela se fait au détriment de sa propre santé12. La mode, les médias, en particulier les magazines beauté, les médecins, les vendeurs, les familles et les amies sont les acteurs de ces représentations et de ces pratiques des usages sociaux que les femmes africaines font de leur peau. C’est ce jeu complexe entre désir de beauté et angoisse de santé qui va se jouer dans cette journée.

11 BELLIARD Sabine 2012 La couleur dans la peau. Ce que voit l’inconscient. Paris ; A. Michel. p.15. 12 EMERIAU Céline. 2012 S’éclaircir pour faire « peau neuve » - Une pratique entre santé et identité. Nancy ; Presses universitaires.

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V. PREMIERE SÉANCE DE TRAVAIL

SANTÉ ET ESTHÉTIQUE

1. Les problèmes réglementaires soulevés par la dépigmentation et l'éclaircissement de la peau : médicaments détournés, cosmétiques, produits dépourvus de statut, par le Pr Laurence COIFFARD,

Professeur des Universités, Directrice du Laboratoire Pharmacie industrielle et Cosmétologie de l'Université de Nantes LPiC – UFR des Sciences pharmaceutiques et biologiques - MMS EA 2160 – FR CNRS 3473 - Université de Nantes – 9 rue Bias – 44035 Nantes cedex - Tel : 02.53.48.43.17 Introduction La dépigmentation volontaire est une pratique courante en Afrique subsaharienne. En effet, 25 à 67% des femmes seraient concernées, en milieu urbain.1-3 En France métropolitaine, sa prévalence est mal connue mais concernerait jusqu’à 20% des femmes à peau noire.4 Le recours à un corticoïde par voie cutanée, sur de larges surfaces corporelles, est quasi constant. Celui-ci est, le plus souvent, associé à de l’hydroquinone.5 En ce XXIe siècle, on se trouve donc confronté à la double problématique du bronzage pour les personnes de phototypes I, II et III et de la dépigmentation pour les personnes de phototypes V et VI. Le but commun étant d’atteindre la couleur de peau des sujets de phototypes IV, décrite comme « idéale ». L’objectif de ce propos est d’aborder quelques aspects réglementaires concernant les produits pouvant être concernés par cette pratique. Autour des corticoïdes et de l’hydroquinone Quels sont les corticoïdes concernés ? Il s’agit d’une part de la bétaméthasone (figure 1) que l’on retrouve, sous différentes formes galéniques, dans un certain nombre de produits (tableau 1).

Figure 1 : Formule de la bétaméthasone

Nom du produit Dosage en bétaméthasone Formes galéniques

Betneval® 0,1 % Crème, pommade, lotion Diprolène® 0,1 % Crème, pommade

Nous citerons, d’autre part le clobétasol (figure 2) présent à la dose de 0,05% dans la crème Dermoval®.

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Figure 2 : Formule du clobétasol

Les effets indésirables des dermocorticoïdes (on leur donne ce nom du fait de leur voie d’administration) sont extrêmement bien connus. Il s’agit de l’atrophie cutanée, des télangiectasies, des vergetures, du purpura, d’une fragilisation de la peau, d’une dermite péri-orale (si, bien sûr, le produit est appliqué sur le visage), de rosacée, de retard de cicatrisation et d’acné… mais aussi des phénomènes d’hypersensibilité, ce qui peut paraître paradoxal dans le cas de molécules utilisées pour traiter des manifestations allergiques !6

Bétaméthasone et clobétasol se retrouvent dans des dermocorticoïdes d’activité forte à très forte. Ces molécules étant classées dans la liste I des substances vénéneuses, seuls des médicaments peuvent en contenir. Pour la délivrance en pharmacie, une prescription médicale est obligatoire. Si l’on se réfère à l’Annexe II du Règlement (CE) 1223/2009 qui nous donne la liste des substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques, on trouve au n° d’ordre 300 : Glucocorticoïdes (corticostéroïdes). 7 Ces deux aspects réglementaires sont parfaitement cohérents. Toutefois, on trouve sur le marché des produits de type Hyprogel® (figure 3).

Figure 3 : Exemple du produit Hyprogel®

A la lecture de l’emballage de ce produit, on constate qu’il est fabriqué en Allemagne et qu’il contient du propionate de clobétasol à concurrence de 0,05%. Il s’agit donc bien d’un produit relevant de la réglementation du médicament. Pourtant, il est aisé de s’en procurer via de nombreux sites (http://www.topskinclear.com, http://newdaily.en.alibaba.com...) et même à Nantes, dans des boutiques afro. L’hydroquinone L’hydroquinone ou benzène 1,4 diol (figure 4) est une molécule qui présente de multiples applications essentiellement industrielles, liées à ses propriétés anti-oxydantes.

Figure 4 : Structure de l’hydroquinone

En effet, on la retrouve comme constituant de révélateur photographique, anti-oxydant pour caoutchoucs, stabilisant pour peintures et vernis…8 et, pour ce qui nous intéresse ici comme agent de dépigmentation de la peau. Son utilisation par voie topique n’est pas sans danger et parmi les effets indésirables de l’hydroquinone, on retrouve des érythèmes et de légères sensations de brûlures, une hyperpigmentation de la peau exposée au soleil ou ochronose.9,10

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L’Union européenne a classé l’hydroquinone comme mutagène catégorie 3. On peut s’interroger sur son potentiel carcinogène. La survenue de cancers épidermoïdes chez des patientes sénégalaises a été reliée à l’utilisation au long cours de produits dépigmentants.11 Si l’on se réfère au Règlement (CE) 1223/2009 précédemment cité, on constate que l’hydroquinone figure sur la liste des substances que les produits cosmétiques ne peuvent contenir en dehors des restrictions prévues. En l’occurrence, il n’est possible de l’utiliser que comme colorant d’oxydation pour la coloration des cheveux et ce à concurrence de 0,3%. Tout autre usage est donc prohibé dans le domaine cosmétique et relève du médicament. C’est le cas du trio de Kligman composé d’hydroquinone, de trétinoïne et d’acétate de dexaméthasone que le célèbre dermatologue proposait pour traiter certaines hyperpigmentations ou encore des spécialités pharmaceutiques Any®, Clairodermyl® ou encore Leucodinine® qui contiennent respectivement 8 et 10% de méquinol ou monométhylhydroquinone. Et pourtant… Prenons l’exemple du produit Skin Light (figure 5).

Figure 8 : Le produit Skin light

On peut lire sur le site http://www.lumibeauty.com : « la lotion SKIN LIGHT a été élaborée pour traiter et adoucir votre peau. Utilisée quotidiennement matin et soir, elle permet d'obtenir un teint uniforme aide à éliminer les taches noires et les boutons et à donner santé, éclat et une peau douce et satinée ». Il est très facile d’acheter ce produit via internet (http://www.lumibeauty.com, http://www.mybest-sarl.com...). Pour notre part, nous nous le sommes procuré aisément dans des boutiques afro, du centre-ville de Nantes. L’emballage mentionne les éléments décrits figure 9.

Lotion SKIN LIGHT La lotion SKIN LIGHT éclaircit votre peau. Elimine les vilaines taches et les boutons. La lotion SKIN LIGHT est conçue spécialement pour rendre la peau claire, rajeunie et uniforme. LE CHANGEMENT DE LA COULEUR N’AFFECTE EN RIEN SA QUALITE Ing : Huile végétale – Vitamine E – Hydroquine – Alcool – Glycérine – Antioxydant – Parfum Fabriqué par RODIS 04 BP 1282 Abidjan 04 RCI

Figure 9 : Retranscription des éléments figurant sur l’emballage du produit Skin light®

Un dosage par chromatographie en phase liquide a mis en évidence une teneur en hydroquinone supérieure à 5%. Nous avons mis ainsi en évidence la vente d’un produit illégal, non pas dans des conditions dites « à la sauvette », mais chez un commerçant ayant tout à fait « pignon sur rue » !

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Les solutions, les pistes… Il convient d’envisager de véritables alternatives cosmétiques dans la formulation desquelles prennent place l’acide ascorbique et ses dérivés, l’acide kojique, l’arbutine, l’acide ellagique, l’acide azélaïque, le 4-n-butylrésorcinol (Rucinol®), l’acide tranexamique ou encore le 5,5’-dipropyl-biphényl-2,2’-diol (Magnolignan®)… Le point commun à tous les candidats potentiels à une telle application est leur activité inhibitrice de la tyrosinase, enzyme-clé de la mélanogenèse. Seules des allégations de type « soin éclaircissant », « éclaircissement de taches brunes superficielles », « unification du teint » seront possibles. Seront-elles « suffisantes » dans le contexte présent ? Dans ce contexte cosmétique, il convient de rester prudent. L’acide kojique, ingrédient très utilisé depuis la fin des années 80 a été interdit en 2005 au Japon à cause de la mise en évidence de ses effets mutagènes. Il est à nouveau autorisé dans ce pays… L’acide azélaïque n’a, quant à lui, démontré son efficacité que dans l’acné puisque c’est, dans cette indication qu’a été obtenue l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des spécialités pharmaceutiques Skinoren® et Finacea®… Il convient surtout d’intensifier les opérations de police sanitaire avec une action conjointe de l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) ex Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui a déjà édité une liste de produits dangereux (hydroquinone, dermocorticoïdes) et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Enfin, les campagnes de sensibilisation, comme celle menée par la Mairie de Paris en 2009 et surtout une éducation au respect des différences restent capitales dans le processus de prévention. Bibliographie 1 Wone I et al. Prévalence de l’utilisation des produits cosmétiques dépigmentants dans deux quartiers à Dakar (Sénégal). Dakar Med 2000;45:154–157. 2 Del Giudice P et al. L’usage cosmétique des produits dépigmentants en Afrique. Bull Soc Pathol Exot 2003;96:389–393. 3 Mahe A et al. Skin diseases associated with the cosmetic use of bleaching products in women from Dakar, Senegal. Br J Dermatol 2003;148:493–500. 4 Arsouze A et al. Affections motivant une consultation dermatologique chez les patients afro-antillais en région parisienne et prévalence de la dépigmentation volontaire : étude descriptive portant sur 1045 patients. Ann Dermatol Venereol 2004;131(1):S19 5 Mahe A et al. Enquête épidémiologique sur l’utilisation cosmétique des produits dépigmentants par les femmes de Bamako (Mali). Ann Dermatol Venereol 1993;120:870–873. 6 Biver-Dalle C et al. Hypersensibilité aux dermocorticoïdes. Ann Dermatol Venereol 2012 ;139 :489-499. 7 Hydroquinone, Fiche INRS, édition 2006 8 Règlement (CE) No 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques 9 Grimes PE. Management of Hyperpigmentation in Darker Racial Ethnic Groups. Sem Cut Med Surg 2009;28:77-85. 10 Woolery-Lloyd H., Kammer J.N. Treatment of Hyperpigmentation. Sem Cut Med Surg 2011; 30:171-175. 11 Ly F et al. Premiers cas de carcinomes épidermoïdes sur terrain de dépigmentation artificielle. Ann Dermatol Venereol 2010;137 :128-131.

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2. La peau et la santé : facteurs de convergence sociétale du développement en Afrique, par

Isabelle MANANGA OSSEY,

Directrice fondatrice de l'Association Label Beauté Noire, Présidente fondatrice de l'Observatoire international de Sécurité Réglementation Environnement, Membre du Comité Directeur "Femmes et Développement en Afrique"

La journée du 29 novembre sur le thème « femme et développement en Afrique, a un sens très particulier pour l'association Label Beauté Noire que j’ai fondée en 2004 en France qui a pris une envergure nationale pour qu'en 2011 la question de la dépigmentation volontaire soit reconnue comme un enjeu de santé publique par les autorités sanitaires en France. L'Association Label Beauté Noire, reconnue d’utilité publique, a multiplié les contacts avec la recherche en médecine et en cosmétique dans ce domaine et tous les acteurs représentés en France. Dans le même temps, l'Association Label Beauté Noire est devenue un lieu de questionnement et de réflexion auprès de personnalités politiques, de la vie civile et également de nombreux observateurs sensibles au thème de la protection, de la prévention et de l'éducation. Les solutions envisagée sont la mise en place d'un label de qualité, de sécurité, de protection, de garantie de toute innocuité des produits cosmétiques, sans oublier que les législations et les réglementations peuvent s’avérer différentes d’un pays à un autre Cependant, derrière notre combat se trouve l'espoir de trouver de bonnes solutions. Au fur et à mesure, nous avons pu trouver un écho et un intérêt, à la fois dans la société civile, mais aussi auprès des professionnels du domaine de la recherche et de la cosmétique et des médias, à une échelle nationale, voire internationale. La femme africaine, la femme à la peau noire, métissée et/ou mate, intéresse de plus en plus les fabricants de cosmétiques qui souhaitent aujourd'hui s'engager dans « l'ethno cosmétologie ». Par ailleurs ; il y a là à définir un échange en terme de développement durable. Le deuxième point concerne l’éducation qui nous semble fondamental pour protéger les femmes avec la mise en place d’outils de prévention, d’éducation, qui ne méritent pas de frontière et sont facilement transposables dans de nombreux pays. L’éducation doit rester une béquille constante de la recherche qui ne résoudra pas tout en laboratoire. Ces deux points sont plein d'espoir, néanmoins nous devons rester en alerte sur plusieurs points : - Tout d'abord s'assurer d'un travail honnête, sûr et transparent. Par économie ou tout simplement

car il s'agit de nouveaux produits, de nouvelles gammes qui n'ont pas été testées - Il faut développer et continuer d’interroger les pouvoirs publics, car eux seuls peuvent appuyer

et soutenir la prévention, l'éducation et les soins qui resteront, hélas, nécessaires. - Être vigilant pour une recherche qui s'adresse véritablement à notre santé et notre bien-être,

pour éviter de n'être perçu que comme un nouveau « champ » de consommation, sensible à une mode superficielle : la recherche doit s'adresser à nos corps, à leur santé afin qu'elle reste un progrès.

- Il faut être en surveillance constante sur les images et les symboles de beauté utilisés dans le développement de ces nouveaux produits et aussi malheureusement par la contrefaçon directe, en ce sens que l’émergence de ce marché est également un risque. qui favorisera de nouveaux produits moins contrôlés.

Pour toutes ces raisons et enjeux ici énumérés, le combat doit aujourd'hui se dérouler en Europe et en Afrique en même temps. Au début, ici en France, le chantier nous semblait pharaonique, voire irréaliste, mais nous avons réussi à mobiliser tant de compétences que désormais nous pouvons en toute objectivité affirmer que tout est possible avec le total engagement de tous. Ainsi débute, en tout optimisme, un organe de gestion et d’administration au service du développement concret de l’Afrique. C'est donc tout naturellement que la cause se poursuit partout où il y aura des femmes (et des hommes, mais les femmes sont le pilier de l'éducation et de la communication à transmettre).

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3. Dépigmentation volontaire par le Dr Antoine PETIT, Praticien Hospitalier, Service de Dermatologie,

Hôpital Saint-Louis (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) Introduction

La Dépigmentation Volontaire (DV), aussi appelée « Dépigmentation Artificielle », consiste à appliquer des agents externes sur sa peau pour en éclaircir la teinte naturelle. La DV est extrêmement répandue depuis une quarantaine d’années dans le monde entier. En Afrique subsaharienne, on estime qu’elle est pratiquée par 25% à 70% des femmes vivant en milieu urbain, mais par des hommes dans certains pays d’Afrique centrale francophone ou d’Afrique anglophone ; elle est répandue en Inde et au Pakistan, en Indonésie, au Vietnam, en Amérique du Sud, dans le Maghreb et le Moyen Orient, au Mexique et aux USA, en Haiti et quelques autres îles des Antilles anglophones, ainsi qu’en Europe [1,2].

En Région Parisienne, environ 20% des femmes adultes d’origine africaine qui consultent un dermatologue se dépigmentent [3]. Les produits utilisés pour la DV et leurs complications sont comparables à ce qui a été rapporté au Sénégal, en dehors d’un taux de complications infectieuses plus important en Afrique [4-6]. Le commerce de produits éclaircissants licites et illicites est connu dans la plupart des villes du monde, et sur Internet. Une liste indicative de produits utilisés en France a été récemment établie à l’usage des dermatologues [7].

Toutes les substances connues aujourd’hui pour éclaircir la teinte naturelle de la peau font courir à celui qui les utilise un risque d’effets secondaires d’autant plus sévères et fréquents que leur pouvoir dépigmentant est plus prononcé. Les agents les plus efficaces sont responsables d’effets indésirables inesthétiques, mais aussi médicaux parfois très graves. Aussi la DV est-elle parfois regardée comme un véritable problème de Santé Publique en Afrique [1,2]. Néanmoins, les pratiques dépigmentantes restent très variables d’un individu à l’autre, avec une dangerosité parfois quasiment nulle, ailleurs considérable.

Substances utilisées

Les dépigmentants dangereux sont produits dans de nombreux pays, y compris européens, par des entreprises industrielles qui leur donnent un statut soit de cosmétiques, soit de médicaments. Une grande partie d’entre eux sont interdits à la vente dans leur pays de production et destinés à l’exportation vers des pays où les contrôles sanitaires sont plus lâches et les médicaments sont plus facilement détournés de leur usage médical. Ils entrent aussi dans des circuits artisanaux de distribution, de frelatage ou de contrefaçon, par lesquels ils peuvent diffuser tant en Europe qu’en Afrique et dans le reste du monde. La vente directe sur Internet facilite aussi l’acquisition de produits illicites.

La première catégorie de dépigmentants est représentée par les dermocorticoïdes. Les dermocorticoïdes sont des médicaments topiques. Ils sont répartis en quatre grandes classes d’activité du plus fort (niveau IV) ou moins fort (niveau I), selon leur potentiel anti-inflammatoire et vasoconstricteur. Les effets secondaires de ces produits dépendent essentiellement de leurs caractéristiques pharmacodynamiques et sont donc grossièrement parallèles à leur efficacité anti-inflammatoire et dépigmentante. Le plus puissant des dermocorticoïdes est le propionate de clobétasol, commercialisé sous forme de crème à 0,05% par les laboratoires Glaxo sous le nom de Dermovate® (Dermoval® en France). C’est un médicament qui rend d’inestimables services en dermatologie. De nombreux topiques revendiquant le même principe actif sont, selon leur emballage, produits en Suisse ou en Italie et exportés vers des pays d’Asie ou d’Afrique ; le plus connu est le Movate® mais il en existe de nombreuses autres : Tenovate®, Topifram®, Fashion Fair®, P&C®, Lemonvate®, Edguard®, Lumière®, Civic®, Clobetaderm®, Charme®, Plaisir®, l’Ivoirienne® etc. Certains d’entre eux sont, d’après leur emballage ou leur nom, manifestement destinées à la DV plutôt qu’à un usage médical.

Le dépigmentant le plus connu du grand public est l’hydroquinone. Ce dérivé aromatique employé dans l’industrie chimique est souvent présenté comme la principale source de danger de la DV. En réalité, l’hydroquinone est peu ou pas dangereux dans les topiques où sa concentration ne dépasse pas 2% ; aussi la FDA a-t-elle maintenu encore en 2008 l’autorisation de distribution libre de tels cosmétiques aux USA. Il s’agit d’éclaircissants « antitaches » d’efficacité modérée. Les autorités européennes ont quant à elles complètement interdit depuis 2001 les topiques

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éclaircissants à l’hydroquinone, quelle qu’en soit la concentration, au motif que cet agent chimique peut être cancérigène dans certains modèles animaux (l’hydroquinone reste cependant parfois présente pour d’autres raisons et à des concentrations beaucoup plus faibles dans des shampooings). Toutefois, il n’existe pas de preuve directe d’un effet cancérigène de l’hydroquinone chez l’homme. Aux USA comme en Europe, l’hydroquinone reste disponible à la prescription médicale comme l’élément essentiel de traitement du mélasma et d’autres hyperpigmentations pathologiques, à des concentrations variant en général de 4% à 10% (malheureusement, les dermatologues français doivent se contenter de préparations magistrales). Des concentrations d’hydroquinone parfois beaucoup plus élevées, jusqu’à 20%, ont été mesurées dans des échantillons de cosmétiques illicites destinés à la DV, notamment au cours de campagnes de dosages à Genève [8]. D’une manière générale, on retrouve de l’hydroquinone dans un très grand nombre de cosmétiques illicites, y compris certains qui disent n’en pas contenir ou seulement à très faible concentration.

La troisième catégorie est celle des caustiques ou « décapants ». Il s’agit en règle de produits domestiques ou de bricolage : de la soude diluée au sable ou au ciment, du liquide vaisselle au dentifrice etc. Leur objectif est d’entraîner une brûlure superficielle de l’épiderme, avec destruction mélanocytaire, qui sera suivie d’applications de dermocorticoïdes pour éviter l’hyperpigmentation cicatricielle.

La quatrième catégorie est celle des mercuriels, heureusement beaucoup moins utilisés actuellement, car très toxiques. On trouve encore sur le marché parisien des « savons antiseptiques » au mercure. Le mercure peut donner par passage transcutané une intoxication très grave, avec notamment des manifestations neurologies, rénales etc.

La cinquième et dernière catégorie, hétérogène, regroupe tous les autres produits, parmi lesquels des dépigmentants mineurs à la toxicité réduite ou nulle inclus dans des cosmétiques autorisés dans les pays européens et aux USA. Les pratiques consistant simplement à éviter la stimulation naturelle de la pigmentation par les ultraviolets, grâce au port de vêtements et à des applications de crèmes photoprotectrices (« écrans solaires ») sont les moins dangereuses, bien qu’elles puissent à l’extrême être impliquées dans un manque de vitamine D ; elles peuvent à peine être qualifiées de DV. Il existe à l’inverse des dérivés de l’hydroquinone, comme le monobenzyléther d’hydroquinone, connus pour la puissance de leur effet dépigmentant. D’autres molécules sont en voie de mise au point ou d’évaluation dans un but thérapeutique. Enfin, il faut noter que la composition affichée sur les emballages des produits est souvent imprécise, voire mensongère, et que des substances indéterminées pourraient entrer dans la composition des produits dépigmentants.

Pratiques et complications

Il n’existe pas de schéma universel de pratique de la DV. Les habitudes varient suivant les

personnes et au cours du temps chez une même personne : les changements de produits sont très fréquents, dans un but de modulation de la pratique (par exemple en fonction des saisons) ou dans la recherche illusoire d’un dépigmentant idéal, notamment dès que surviennent des complications à type de taches noires. Par ailleurs, la DV a surtout été étudiée par des dermatologues dans des sous-populations de sujets souffrant de complications importantes liées à des forme de pratique particulièrement intenses ; mais l’usage régulier de substances autorisées, à faible pouvoir éclaircissant et peu toxiques, est fréquent aussi, bien que moins décrit.

Chez les sujets consultant en dermatologie pour des complications inesthétiques de la DV, une pratique très répandue en France et en Afrique subsaharienne consiste à mélanger des tubes de crème au clobétasol dans des pots de crème ou de lait corporel à l’hydroquinone. L’avantage est que, outre son pouvoir dépigmentant propre, le dermocorticoïde annule en partie les effets irritants ou allergisants de l’hydroquinone. On peut aussi utiliser des crèmes seules, des laits, des gels, des huiles… L’application des dépigmentants est souvent décrite comme longue, très minutieuse, visant à répartir uniformément les produits sans oublier aucune région. Les décapants sont moins souvent utilisés, ponctuellement dans le temps ou sur des zones de peau limitée. La DV commence souvent chez les femmes à l’adolescence, en lien avec la pression de l’entourage et le désir de séduction. Quelques enfants sont « initiés » par leurs parents.

Les complications liées à l’usage des dermocorticoïdes sont toutes les complications classiques de la corticothérapie. Localement, la peau devient fine, atrophique, tarde à cicatriser, s’infecte plus

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facilement (virus, champignons, bactéries, gale…), se couvre de vergetures souvent très larges et nombreuses, dans des localisations inhabituelles. Il peut exister une acné, des folliculites infectieuses, une hyperpilosité, une rosacée etc. Le passage du médicament à travers la barrière cutanée produit des effets secondaires généraux tels que déclenchement ou aggravation d’un diabète ou d’une hypertension artérielle [9], diminution des défenses immunitaires, complications ophtalmologiques.

Les complications liées à l’usage de l’hydroquinone sont des dermites d’irritation et des eczémas, en partie prévenus – ou masqués - par l’utilisation conjointe de dermocorticoïdes. On attribue de plus à l’hydroquinone, appliquée pendant de longues périodes à de fortes concentrations et sans protection solaire suffisante, une forme particulière de dyschromie appelée « ochronose exogène ». Il s’agit d’altérations des fibres du derme qui produisent des taches noires foncées persistantes, au relief micro granuleux (« en grains de caviar ») sur les zones exposées à la lumière, pommettes ou autres régions du visage et du décolleté. Il s’y associe souvent une coloration bleu-vert des zones cartilagineuses de l’oreille externe.

Parmi les autres complications, on peut citer les brûlures avec les produits caustiques, les dyschromies variées, notamment la classique hétérogénéité pigmentaire du dos des mains, les leuco mélanodermies dues aux dérivés de l’hydroquinone, une mauvaise odeur corporelle, de curieuses poïkilodermies photo distribuées, extrêmement défigurantes, dont on ignore l’agent responsable, des dermites lichénoïdes du visage, les complications neurologiques et rénales des dérivés mercuriels, heureusement moins utilisés de nos jours, et les complications fœtales en cas d’utilisation pendant la grossesse [10].

Enfin, le développement de cancers de la peau en lien avec la DV est souvent cité mais il n’existe à ce jour aucune certitude quant à ce risque, qui est déduit d’arguments théoriques : la destruction du pigment mélanique amoindrit la protection naturelle de la peau contre les rayons ultraviolets, principaux responsables de carcinomes cutanés et l’hydroquinone pourrait avoir elle-même un potentiel carcinogène. Toutefois, la prudence est de règle car des cas de carcinomes cutanés ont récemment été signalés chez des femmes ayant pratiqué la DV pendant longtemps [11].

Motivations, opinions, connaissances

La DV s’inscrit principalement chez les femmes dans des démarches de beauté, de séduction et

de mode [12] soutenues et amplifiées par la publicité pour les produits éclaircissants, très présente sur différents medias aussi bien en Afrique qu’en Europe ou en Inde. La valeur esthétique de la clarté est souvent décrite comme universelle mais relève aussi de déterminants socio-historiques faisant intervenir des questions d’identité « raciale » et de positionnement social variables selon le contexte géographique. Ces éléments apparaissent en règle plus nettement dans la dépigmentation masculine, qui est plus rare (chez les Africains francophones, les sujets originaires du Congo et de la République Démocratique du Congo sont les principaux intéressés). Ils contribuent au caractère délicat de toute recherche ou communication sur le sujet, et pourraient expliquer en partie la rareté des travaux qui lui sont consacrés, notamment dans le champ des sciences sociales [13]. Ils s’accompagnent aussi d’un certain degré de culpabilisation des personnes pratiquant la dépigmentation, et de stigmatisation de leur pratique par celles qui y sont opposées. Ainsi, une femme se dépigmentant « à l’extrême » peut-elle être à la fois valorisée par quelques proches et vivement condamnée par d’autres personnes de son entourage.

La DV s’enracine aussi en partie dans l’importance singulière des préoccupations esthétiques liées aux « taches » chez les femmes noires ou métissées. Sur les peaux foncées en effet, la plupart des petites lésions cutanées et agressions minimes de la peau se traduisent non par des rougeurs transitoires, mais par des taches foncées parfois persistantes. La dermatologie n’a pas toujours les moyens de venir à bout de telles lésions, qui engendrent beaucoup de frustrations. Même certaines inégalités physiologiques font aussi l’objet d’une demande d’ « unification » du teint - un terme désignant en fait principalement l’éclaircissement. Aussi la recherche du teint « uni et sans taches », vanté par d’innombrables cosmétiques spécialisés, apparaît-elle parfois comme une forme mineure, un mode de début, voire une « euphémisation » de la DV.

Des informations sur les dangers de la DV ont été diffusées dans de nombreux pays africains. En France, beaucoup d’utilisatrices de ces produits semblent se rendent compte par elles-mêmes des complications inesthétiques qu’ils entraînent sur la peau. Toutefois, même lorsqu’elles sont parfaitement conscientes du rôle néfaste des produits utilisés, elles éprouvent souvent les plus

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grandes difficultés à interrompre leur pratique. Ce phénomène fait parfois évoquer un comportement addictif [14].

Par ailleurs, nombre de personnes ont entendu dire que les produits pouvaient être dangereux pour leur santé en général, mais très peu connaissent véritablement le rôle des corticoïdes et leurs effets généraux potentiels ; on cite le plus souvent l’hydroquinone et le risque de cancer ; parfois cependant l’atrophie cutanée (« on voit les veines à travers la peau ») et le retard de cicatrisation (« la césarienne ne se referme pas ») sont évoqués et attribués aux crèmes « très fortes » (celles qui contiennent du clobétasol).

Quelques messages importants

o Si un produit éclaircit beaucoup, il est certainement dangereux. Il n’y a pas de bon produit efficace (même américain...).

o S’il n’y a pas d’effet secondaire aujourd’hui, il pourra en apparaître demain : le délai est variable.

o Certains risques esthétiques sont définitifs : vergetures, ochronose... o Il existe des risques généraux graves liés au passage des produits à travers la peau jusque

dans le sang : HTA, diabète, glaucome, cataracte, infections... o Certains effets secondaires sont vraiment gênants : mauvaise odeur, boutons et taches... o Si le produit éclaircit beaucoup, il est certainement dangereux car il n’y a pas de « bon

produit » efficace. o La mention « sans hydroquinone » sur l’emballage d’un cosmétique ne signifie pas que le

produit est sans danger ! D’abord, cette mention est peut-être mensongère. Surtout, l’hydroquinone n’est pas le seul danger.

o Le clobétasol est particulièrement dangereux.

Références :

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Bull Soc Pathol Exot. 2003;96:389-93. Arsouze A, Fitoussi C, Cabotin PP, Chaine B, Delebecque C, Raynaud E, Kornfeld S, Dehen L,

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Campagne de dosage de l’hydroquinone dans les produits cosmétiques. DASS de Genève. 2003 et 2005. www.geneve.ch/consommation/docs/AG_hydroquinone_2003.pdf

Raynaud E, Cellier C, Perret JL. Depigmentation cutanée à visée cosmétique. Enquête de prévalence et effets indésirables dans une population féminine sénégalaise. Ann Dermatol Venereol. 2001;128:720-4.

Mahé A, Perret JL, Ly F, Fall F, Rault JP, Dumont A. The cosmetic use of skin-lightening products during pregnancy in Dakar, Senegal: a common and potentially hazardous practice.Trans R Soc Trop Med Hyg. 2007;101(2):183-7.

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Petit A. La Dépigmentation Volontaire : réalités, interprétations, résistances. L’autre (Cliniques, Cultures et Sociétés) 2007;8(1):95-108.

Petit A. La dimension addictive de la Dépigmentation Volontaire. Mémoire de recherche : www.clinique-transculturelle.org/pdf/memoire_master_petit.pdf

4. La dépigmentation volontaire, une construction à la fois esthétique et identitaire par

Céline EMERIEAU,

Docteure en anthropologie biologique, Chercheure associée au laboratoire UMR 7268 - ADéS – Anthropologie bio culturelle Droit Éthique et Santé

En mai 1939, une compagnie d’assurance porte plainte contre une usine de tannerie à Chicago. Les ouvriers d’origine africaine, après examen médical, ont dénoncé la présence d’agents dépigmentants dans les gants en caoutchouc utilisés dans le cadre de leur travail. Cette expertise donna lieu à la première étude médiatique sur l’action dépigmentante de l’hydroquinone par Oliver et son équipe en 1940 (Oliver, 1940). Pour beaucoup d’études et d’ouvrages consacrés à l’éclaircissement de la peau, celle-ci marque le début de la pratique. Elle a été suivie de nombreuses autres études abordant la pratique essentiellement dans une approche biologique au travers l’étude de composants dépigmentants et leurs actions, initiant le développement du marché des produits éclaircissants en Afrique. Ainsi d’après les études réalisées à l’époque, les États-Unis et l’Angleterre auraient été les premiers pays producteurs de produits éclaircissants à base d’hydroquinone. Ils auraient ensuite exporté ces produits vers l’Afrique, plus précisément vers les anciennes colonies anglaises comme l’Afrique du sud, où les produits auraient été introduits en 1956, ou encore le Kenya. La pratique aurait ensuite été importée vers les pays d’Afrique de l’Ouest dans les années 70-80 pour aujourd’hui couvrir tout le continent (Emeriau, 2010). Aujourd’hui, on considère qu’il existe quatre grandes classes de produits éclaircissants :

- les produits à base de dérivés mercuriels (que l’on retrouve plus rarement en vente en France) - les produits à base d’hydroquinone (en vente dans magasins afro sous le nom de « produits éclaircissants » sous forme de crèmes, laits, lotions ou encore savons). - les produits à base de corticoïdes (en vente en pharmacie sous forme de tube de crème, délivré sur ordonnance selon les règles en vigueur). - les produits détournés de leur usage premier : shampoing Dop, eau de Javel…

Souvent les femmes mélangent les produits entre eux selon des recettes maisons qu’elles gardent secrètes ou selon le mélange le plus classique à savoir un tube de corticoïde incorporé dans un grand pot de lait éclaircissant contenant de l’hydroquinone. Les différents produits dépigmentants ont pour action d’altérer :

- soit la mélanine, c’est-à-dire le pigment lui-même, - soit la mélanogénèse, c’est-à-dire le processus de synthèse de la mélanine,

- soit le mélanocyte, c’est-à-dire l’organite contenant la mélanine.

Ces effets, plus ou moins intriqués, sont variables selon le produit, sa concentration et la durée de son application. Certains produits engendrent des complications dermatologiques. Les cas les plus fréquemment rencontrés sont les troubles de la pigmentation appelés dyschromies, l’acné, les vergetures, l’hyperpigmentation rebond après l’arrêt de la pratique ou encore l’hyperpigmentation autour des yeux et au niveau des phalanges (Marchand et al., 1976). Un amincissement cutané peut

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aussi être observé, ce qui provoque de lourdes complications en cas d’intervention chirurgicale (Mahé et al., 1994). Dans le cas de complications systémiques, Raynaud et son équipe ont pu mettre en évidence que l’éclaircissement de la peau ainsi que l’âge étaient des facteurs de risques pour le diabète et l’hypertension (Raynaud et al., 2001). Autre conséquence néfaste mais non nocive des produits est ce que quelques chercheurs ont appelée « the fish odor syndrome », qui comme son nom l’indique, désigne l’odeur forte que peuvent dégager des femmes qui utilisent des produits « forts » (Olumide et al., 2008).

Mais la pratique ne peut pas se réduire à une approche dermatologique. D’un point de vue social, la peau se situe au centre d’une dynamique dans laquelle la couleur de la peau joue un rôle important. L’épiderme est le support et l’écran de l’image sociale qui nous définit en tant qu’individu et nous identifie en tant qu’être unique. Cette image exposée au regard de l’autre, s’inscrit dans un référentiel socio-culturel et chromatique, en référence à la couleur de la peau. Ce référentiel est défini par des normes et représenté par des canons esthétiques largement diffusés par les médias. La peau étant une surface malléable, l’individu peut modifier son image. Par un travail de l’apparence et par un processus de subjectivation des normes, l’individu peut ainsi se conformer ou se distinguer des canons de beauté. Cette appropriation et individualisation du corps ne peut toutefois s’extraire totalement d’une prescription sociale. C’est là toute la complexité du processus d’intériorisation où se croisent une prescription collective, des injonctions sociales, culturelles, religion et une volonté ou intention personnelle. Ainsi, les modifications corporelles, comme c’est le cas pour la pratique de dépigmentation volontaire, matérialisent une quête identitaire qui s’inscrit dans une réalité à la fois biologique, sociale et subjective. Au cours d’une étude réalisée à Marseille sur la pratique (Emeriau, 2010), on a pu interroger des femmes (s’éclaircissant ou non) et des vendeurs. D’après leur discours, la pratique serait réalisée par les femmes africaines13 quel que soit leur pays d’origine, leur situation sociale ou encore leur âge. Cela ne signifie toutefois pas qu’elles pratiquent l’éclaircissement de la peau de la même façon ni pour les mêmes raisons. Trois grandes catégories ont ai ont ainsi pu être mises en exergue :

- Les femmes qui ne s’éclaircissent « pas du tout » : valorisation de la peau noire et d’une beauté naturelle - Les femmes qui s’éclaircissent « un peu » : utilisation de produits pour un effet « naturel » - Les femmes qui s’éclaircissent « beaucoup » : utilisation de produits « forts » pour un résultat significatif et remarquable.

Toutes les générations sont touchées, mais selon les tranches d’âge la pratique ne sera pas marquée par les mêmes influences et n’aura pas la même finalité. De façon schématique, les mères appartiendraient à la catégorie « beaucoup », utiliseraient des produits pas chers et souvent très nocifs, et suivraient les conseils des vendeurs. Les filles appartiendraient plus au groupe « un peu », seraient sensibles à la marque dans le choix du produit et suivraient plus facilement le discours des publicités et des magazines. Elles sont également plus sensibles à la question des effets secondaires de certains produits notamment ceux considérés comme étant « forts ». Globalement, quel que soit l’âge, les femmes débuteraient la pratique sensiblement de la même façon :

- pour palier des problèmes d’acné ou de taches sur le visage. Elles commencent par utiliser des produits dits « unifiants » puis « éclaircissants ». - sur recommandation et influence de l’entourage féminin, par exemple en passant de la crème sur le dos d’amies ou de cousines.

Les femmes savent qu’elles prennent des risques pour leur santé, mais elles n’en connaissent pas réellement les conséquences. Elles se disent très peu concernées car comme beaucoup l’expliquent, elles ont trouvé le « bon produit », celui qui agit sans abîmer la peau. Néanmoins, certaines, par mesure de précaution :

- testent les produits sur un bras ou une jambe avant d’en mettre sur le visage, - préfèrent les acheter en pharmacie plutôt que sur le marché, - font confiance au discours des publicitaires qui se veut rassurant.

13 L’étude portait uniquement sur les femmes bien que la pratique se retrouve également chez les hommes.

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Ces différentes démarches témoignent d’une distinction difficile à faire entre les produits « sains » et ceux qui sont à l’origine des effets secondaires. Cet argument sanitaire n’amène pas les femmes à cesser la pratique. En revanche, la connaissance des risques et la nocivité de certains produits sembleraient avoir un impact chez les jeunes filles interrogées. Concernant les conseils des médecins, beaucoup de femmes interrogées disent que les produits qu’ils prescrivent ou recommandent « ne marchent pas ». Deux raisons peuvent en partie expliquer leur scepticisme : elles attendent souvent un résultat immédiat et la plus part des produits dermatologiques ne sont pas adaptés à leur problème de peau. De plus, face à une femme qui s’éclaircit, le médecin demande de cesser l’utilisation des produits ce qui n’est pas toujours envisageable pour elle. Parmi les médecins rencontrés, beaucoup ne connaissent pas la pratique. Ceux qui y ont été confrontés se sentent généralement impuissants face à la dépigmentation et donc face aux effets secondaires qui lui sont liés. Les femmes se ferment, n’en parlent pas de peur d’être jugées car elles utilisent des produits parfois très forts et donc susceptibles d’être dangereux. Elles ne se sentent pas comprises car leurs discours est bien souvent réducteur, réduisant la pratique à la volonté et l’intentionnalité des femmes, occultant tous les déterminants sociaux. Parallèlement il y a les vendeurs qui entendent l’importance que peut avoir la peau claire et unifiée pour les femmes. Ils proposent des produits jugés adaptés à leur peau, leur donnent des conseils et la démarche à suivre pour faire disparaître leurs problèmes de peau. Les vendeurs jouent de l’image négative des médecins et dermatologues s’imposant au regard des femmes comme les « experts de la peau noire ». Le discours des vendeurs, appuyé par celui des publicités, valorisent la peau claire en l’associant à des symboles de réussite sociale au travers de références à l’Occident. Quelques exemples issus des publicités pour produits éclaircissants :

- le nom de certaines marques : « Miami », « Empire » (dont le logo représente le Colisée) ou encore « B&C » signifiant « Beauty and Class ». - une femme avec un collier de perle et une veste rose pastel - des produits éclaircissants sur une table en marbre au milieu de bijoux et de cartes postales provenant de Londres et de Paris.

L’Occident symbolise dans ces publicités, et probablement dans l’imaginaire de ces femmes, la beauté, la réussite et le pouvoir. Par la beauté, et donc par la peau claire, les femmes affichent un statut social, allié à la représentation d’une aisance financière, de réussite et de pouvoir dont l’emblème même reste les femmes de président. Yasmine, une femme interrogée, nous expliquait en effet qu’en Côte d’Ivoire il fallait être « claire comme Henriette Bédié », la femme du président qui affichait fièrement sa peau éclaircie. Les publicités pour produits éclaircissants possèdent rarement un décor. Pour autant deux d’entre elles situent la scène sur la plage. Cela paraît paradoxal à première vue de venter les mérites de produits dépigmentants avec une femme s’exposant au soleil sur la plage. Mais dans ces publicités, cette mise en scène signifie : vacances, détente, situation financière confortable ; des valeurs caractéristiques de la population occidentale. D’autre part, la plage est associée à la séduction et à l’exposition des corps. Là encore, ce sont des codes occidentaux qui sont utilisés pour symboliser la séduction : la poitrine est mise en avant alors qu’elle n’est traditionnellement pas considérée comme érotique en Afrique, les deux femmes ont des visages métissés, l’une a même les cheveux blonds. Elles sont en contact tout en fixant le lecteur. La peau claire est un élément du pouvoir de séduction des femmes, un pouvoir face aux hommes mais également aux femmes quand pour certaines la rivalité s’impose ; un pouvoir qui peut également apporter dans l’imaginaire des femmes une forme d’indépendance, quand elle ne peut pas être acquise autrement, notamment par l’éducation. La couleur de la peau, tout comme sa beauté, n’est plus une fatalité. Il est possible, comme en Occident, de la façonner selon les canons de beauté, suivant des normes qui semblent s’occidentaliser si l’on en croit ces publicités.

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Des gammes de produits associent aux crèmes éclaircissantes des produits pour nettoyer la peau : ils vont la laver de ses impuretés et gommer la noirceur pour favoriser l’éclaircissement. Une fois leur peau nettoyée, les publicités promettent à ces femmes un teint lumineux, éclatant, rayonnant de lumière : la peau « zéro défaut » valorisée par les magazines. On retrouve cette opposition entre blancheur, lumière, pureté et noirceur, obscurité, impureté datant notamment de la colonisation sous l’influence chrétienne (Douglas, 1971; Stenou, 1998). La peau noire des populations africaines symbolisait alors le manque d’hygiène, la souillure physique et religieuse. L’idée véhiculée par ces publicités ne serait pas uniquement de s’embellir mais également, insidieusement de s’alléger du poids stigmatisant de la peau noire ; un gommage identitaire que dénoncent beaucoup de femmes réfractaires à la pratique. La pratique est perçue à la fois comme un travail de la beauté mais également comme une modification de l’identité. Les représentations valorisantes de la peau claire, et le discours social qui y est lié, créent une tentation forte chez les femmes et les jeunes femmes. La grande majorité souhaite selon ses dires « être différente », « briller », « être vue de loin » et remarquées par son entourage. Elles commencent généralement timidement, puis pour certaines occasions comme un baptême, un mariage ou un retour au pays, s’éclaircissent sur tout le corps pour la première fois. Les remarques encourageants, mais aussi l’apparition d’effets secondaires tels que les taches et les boutons, font que les femmes s’installent dans la pratique, utilisant pour certaines des produits de plus en plus forts. Se crée alors un cercle vicieux qui fait qu’elles ne peuvent plus arrêter. La peur de l’ « effet rebond » finit d’entériner la hantise de voir apparaître une peau encore plus noire si elles cessent la pratique, un noircissement aux représentations sociales négatives associées à la maladie ou aux soucis financiers. Anturya en témoigne au travers de l’exemple de sa tante qui a dû cesser l’utilisation des produits à cause d’une maladie mais qui a repris une fois guérie. Celle jeune femme qui n’approuve pas la pratique, exprime l’étrangeté pour elle de voir sa tante changer de couleur de peau aussi rapidement avec des teintes aussi « contrastées » : « elle était vraiment très très noire, et puis elle est redevenue claire, ça faisait vraiment bizarre ». C’est de l’utilisation de produits forts et de cet engrenage que naissent les critiques négatives, parfois virulentes contre la pratique allant jusqu’à des propos déshumanisants envers ces femmes à la peau noircies. Aminatta évoque le cas d’une amie qui a utilisé le prétexte du deuil de son père pour ne pas reprendre les produits, seule situation sociale imposant de cesser la pratique. Sadio, elle, a cessé lorsqu’elle a quitté son pays d’origine pour venir en France. Mais elle parle des efforts qu’il lui faut pour ne pas reprendre. Elle nous montre fièrement une photo d’elle lorsqu’elle avait la peau claire : « Si j’avais amené les photos, je t’aurai montré comment j’étais encore plus claire avant ! […] Si tu me vois ici, tu vas jamais croire que c’était moi ». Elle en parle avec fierté même si elle a fait le choix de ne plus s’éclaircir à cause des risques pour la santé, renonçant ainsi selon elle à sa féminité. D’après ces différents discours, il semblerait que ce qui est perçu pour certaines femmes comme une ascension valorisante sur l’échelle chromatique, et ce d’autant plus que celle-ci est rapide et intense, soit dénué de sens pour d’autres ; le reflet probable d’une divergence entre deux générations tant sur leur représentation de l’éclaircissement de la peau que sur celle de la santé. Les magazines féminins pour les femmes africaines n’évoquent pas ou très peu la pratique de l’éclaircissement de la peau, ou encore la place et l’importance de la teinte de peau. Les objectifs affichés sont : éclat, luminosité et uniformité du teint, insistant sur la valorisation d’une beauté « naturelle », sans « artifice », révélatrice de l’essence même de l’individu. Le naturel ne ment pas, contrairement à l’artificiel. Les publicités pour produits éclaircissants ont repris à leur faveur la dualité entre naturel et artificiel. Elles proposent des produits qui ôteraient ce masque de noirceur pour laisser apparaitre le vrai visage des femmes : gommer la noirceur pour un résultat « naturel ». Pour d’autres, ce changement en profondeur de la couleur de la peau n’est pas de l’ordre de l’esthétisme ou de la séduction, mais avant tout d’ordre identitaire, témoignant d’avantage d’une volonté d’estomper la noirceur de leur peau, marqueur de racines africaines. Ainsi pour Fatou : « Ils croient que ça va les rendre plus belles mais ça va être leur même visage » dans le sens où elles vont

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rester les mêmes. Ce n’est pas parce qu’elles modifient le « paraître » qu’elles vont changer l’ « être ». Elles ne pourront pas « devenir comme un Blanc », pas plus que ne l’est un africain albinos. Yasmine qui tente de dissuader ses sœurs d’utiliser des produits leur dit : « Le Bon Dieu t’a donné la peau qu’il faut ». Elle conclue : « On est entre nous les Noirs, nous on se dit que normalement le Noir devait être complexé par rapport au Blanc, mais aujourd’hui le Noir est complexé par rapport aux métisses et à celui, à son proche qui est clair de peau que lui ». Or la démarche ne repose pas uniquement sur une dimension individuelle comme semble le penser Yasmine. Aminatta qui était sensibilisée contre les problèmes liés à la pratique par sa mère infirmière, qui a une bonne situation professionnelle et un mari qui ne lui impose pas de s’éclaircir la peau a été amenée à utiliser des produits à deux reprises : la première fois pour lutter contre des problèmes de peau car tous les autres produits qu’elle avait testés avant n’apportaient aucun un résultat concluant ; et la deuxième fois lors de son mariage sous la pression de sa belle-famille alors qu’elle-même, sa mère et son mari était contre. Les femmes rencontrées ont tenu différents types de discours, parmi elles :

- Sadio qui regrette sa peau claire et doit faire des efforts pour ne pas reprendre la pratique. - Diene qui dit s’éclaircir « juste un petit peu » puis nous exhibe fièrement sa photo datant du mariage de sa fille où elle avait la peau claire, ou encore nous parle de sa peau très éclaircie lorsqu’elle retourne au pays. Elle arrêtera « sûrement un jour », quand elle interdit formellement à ses filles d’utiliser ses produits. - Idriss qui s’éclaircit la peau mais ne veut pas que ça se voit, juste un peu pour embellir la peau mais qui doit rester « naturelle » - Fatou qui avoue qu’une peau claire « c’est joli », de même qu’un xhessal peut être réussi, pourtant elle tentera de dissuader toutes ses amies d’utiliser des produits à cause des problèmes de santé mais aussi parce que la beauté doit être « naturelle ». - Anturya qui ne voit pas ce qu’il y a d’esthétique à s’éclaircir la peau, et ne trouve pas plus convaincant l’idée de « devenir comme un Blanc ».

Ces différents discours témoignent de la diversité des influences entourant la pratique, des influences à la fois africaine et occidentale, tant sur la notion de santé, beauté, des symboliques des couleurs de peau ou encore des marques d’appartenance à un groupe (Emeriau, 2012). Par ce travail, le corps des femmes se retrouve au cœur de mutations sociales et croisements culturels en mouvance que ce soit en France ou en Afrique. La couleur de la peau est un critère esthétique mais également un critère identitaire fort encore aujourd’hui, ce qui explique le rejet et l’exclusion par certains des femmes qui s’éclaircissent. Là où pour certains la peau éclaircie symbolisera la féminité, pour d’autres elle marquera le rejet des racines africaines. Douglas, M., (1971). De la souillure, essais sur les notions de pollution et de tabou, Paris, Maspero. Emeriau C., (2012). S’éclaircir pour faire "peau neuve". Une pratique entre santé et identité, Nancy, Presses Universitaire de Nancy (coll. Épidémiologie du corps). Emeriau C., (2010). Éclaircissement de la peau chez les femmes africaines vivant à Marseille, Thèse en anthropologie biologique, Marseille, UMR 6578. Mahé, A., Kéita S. and Bobin P., (1994). "Complications dermatologiques de l'utilisation cosmétique de produits dépigmentants à Bamako (Mali)." Annales de dermatologie et de vénéréologie 121 (2): 142-146. Marchand, J. P., Ndiaye B., Arnold J. and Sarrat H., (1976). "Les Accidents des pratiques de dépigmentation cutanée cosmétique chez la femme africaine." Bulletin de la Société Médicale d'Afrique Noire de Langue Française 21: 190-99. Oliver E. A., Schwartz L. and Warren L. H., (1940). "Occupational Leukoderma." Archives of Dermatology and Syphilology 42 (6): 993-1014. Raynaud, E., Cellier C. and Perret J. L., (2001). "Dépigmentation cutanée à visée cosmétique. Enquête de prévalence et effets indésirables, dans une population féminine sénégalaise." Annales de dermatologie et de vénéréologie 128: 720-4. Stenou, K., (1998). Images de l'Autre. La différence : du mythe au préjugé, Paris, Seuil / Éditions Unesco.

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VI. SECONDE SÉANCE DE TRAVAIL

SANTÉ ET DÉVELOPPEMENT

1. Détection Précoce et Suivi de la Malnutrition Mère-Enfant(s) : un Dispositif de e-Santé Non Invasif Innovant par Mv Moreno1, T Togola2, JP Caliste3, P Chauvet4, A. Dissa2, O. Ly2

1. Département recherche, BioparHom (BpH), France 2. Agence Nationale de Télésanté et d’informatique Médicale (ANTIM), Mali 3. Département formation, Université de Technologie de Compiègne (UTC), France 4. Département recherche, Institut français de recherche de médecine de montagne (Ifremmont), France Introduction

Le Mali est l’un pays ayant les taux de mortalité infantile et maternelle les plus élevés dans le monde. Un enfant sur deux meurt de sous-alimentation et beaucoup sont malnutris. En outre, l’accès aux soins essentiels n’est pas équitable au Mali et le taux de couverture sanitaire reste faible. Près de 8 décès sur dix des moins de cinq ans surviennent à domicile.

Le défi est d’assurer que les femmes et les enfants des zones les moins accessibles d’un pays, puissent accéder à des services de soins continus et soutenus par un système national de santé fort. Ces services essentiels doivent être fournis selon une stratégie qui intègre à la fois les soins à domicile, le porte à porte, l’approche communautaire et les structures sanitaires. La santé et la survie du couple mère-enfant sont liées et la plupart des interventions pour sauver la vie de la mère profite à son petit enfant.

L’utilisation des technologies mobiles pourrait permettre de relever ces défis et de résoudre les difficultés liées aux interventions pour la survie de l’enfant et la santé maternelle particulièrement dans les zones d’accès difficile, et pallier l’insuffisance d’infrastructures et la lenteur observée dans la collecte des données. Pour le gouvernement malien, les TIC représentent un important moyen non seulement pour diversifier l’économie, mais aussi pour conduire à un développement humain durable soutenu par les progrès technologiques innovants. Dans le but de promouvoir une utilisation judicieuse et efficiente des TIC dans le système de santé, l’Agence nationale de télésanté et d’informatique médicale (ANTIM) a été créée en 2008 sous la tutelle du Ministère de la santé par les autorités maliennes.

C’est dans ce cadre que s’inscrit ce projet réunissant l’ANTIM, l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), BioparHom (BpH) et l’IFreMMont (IMont).

Sous la gouvernance de l’ANTIM, le défi est de mettre en réseau, pour chaque centre de soins communautaire, des capteurs biomédicaux avec les spécialistes des hôpitaux des grands centres urbains. Pour ce faire, l’ANTIM met en place un projet réunissant les experts médicaux de l’ANTIM et des centres urbains Maliens et des partenaires : l’UTC pour assurer des formations permettant l’autonomie des centres de soins, BpH pour la mise en place de capteurs innovants non invasifs (nutrition, cardiologie, pneumologie, neurologie, oncologie…), notamment pour la qualification de la dénutrition dans un premier temps et l’IMont pour la plateforme de support TIC (ResaCor) ainsi que d’autres capteurs (Sp02, E-stéthoscope, lunettes vidéos…).

Matériel et Méthode

La première phase du projet s’est déroulée durant l’été 2012. Les premiers tests consistaient à valider la capacité des capteurs à fonctionner dans un environnement climatique différent (chaleur pour l’électronique et les électrodes), ainsi que la capacité des algorithmes cliniques à détecter la dénutrition sur des enfants non caucasiens.

L’Indice de Masse Corporelle [1] a été validé par l’OMS [2] comme critère universel de détection de la malnutrition et du surpoids (selon en corrélation avec la circonférence brachiale). Cependant, de nombreuses études effectuées sur des populations asiatiques notamment [3] ont montré que cet

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indice devait être ajusté selon l’origine ethnique. Suite à cela, l’OMS a corrigé [4] et proposé de nouvelles limites d’agréments pour détecter principalement le surpoids, comme le montre le tableau 1.

OMS 2004

OMS 1995 OMS 2004

IMC (kg.m-²)

Asiatique Caucasien Polynésien

Dénutrition - 15 -

Insuffisance pondérale

- 18,5 -

Norme saine

- 18,5<IMC>24,9 -

Surpoids >23 >25 >28,5

Obésité > 27,5 > 30 > 35

Tableau 1 : limites d’agréments proposés par l’OMS en 1995 puis corrigé en 2004 pour les populations asiatiques et polynésiennes.

L’OMS n’a pas proposé de correctif de l’IMC pour les populations africaines car les études sont rares. Deurenberg et coll. propose deux études en 1995 [5], puis 1998 [6], ainsi que Luke et coll. [7], et Rush et coll. [8]. Ces études portent sur différentes ethnies et s’interrogent sur la pertinence d’appliquer les critères caucasiens à des Nigérians, des Éthiopiens, des Noirs américains ou d’autres. Les résultats sont décrits figure 1.

Figure 1 : graphique de synthèse des comparaisons de la mesure de l’IMC appliquer à différentes ethnies ayant une même composition corporelle, le même sexe et le même âge [5-8].

On note en effet qu’à IMC identique, pour approcher la composition corporelle, il faut abaisser les critères pour les Asiatiques ou Éthiopiens, tandis qu’il faut les élever pour les Polynésiens ou les Nigérians.

En outre, d’autres auteurs ont montré les limites de l’IMC et ont proposé d’autres critères de détection de la dénutrition, permettant notamment d’en identifier les causes et donc de mieux les traiter, tels que le pourcentage de masse grasse ou encore l’indice d’activité métabolique [9, 10, 11].

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

5

IMC

(kg.m

-²)

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N’ayant donc pas de limites d’agréments de l’IMC adaptés à la population malienne, nous avons choisi d’appliquer les mêmes que pour des Caucasiens, en prenant en compte le biais de cette approche. De plus, pour enrichir la détection de la dénutrition et de permettre d’en isoler les causes, d’autres critères ont été testés (voir tableau 2).

Tableau 2 : déf

Tableau 2 : définition des critères de dénutrition utilisés sur les populations étudiées.

En plus des populations maliennes, une population caucasienne (Français en zone semi-urbaine) de 77 enfants a été introduite, indépendamment, pour tester et valider les critères de dénutritions plus récents présentés précédemment.

C’est ainsi que durant cette première phase d’étude, 416 enfants maliens ont été mesurés dans deux écoles privées et deux écoles publiques de Bamako. Les tableaux 3 et 4 présentent les caractéristiques des populations. Des tests de Student non appariés ont été effectués.

FILLES

T-test Ca/Mali Priv

T-test Ca/Mali Pub

T-test Pub/Priv

Maliennes, Public

Maliennes, Privé Caucasiennes

Effectif 126 100 33

Moy.±DS Moy.±DS Moy.±DS

Âge * *** * 11,4±2,6 10,7±2,6 9,5±1,2

IMC (kg.m-2) NS *** NS 16,2±3,1 16,9±3,7 17,4±1,9

Poids W (kg) NS NS NS 36,0±11,9 36,1±14,1 32,8±5,7

Taille H (cm) *** *** NS 85,2±8,1 87,4±9,1 136,9±8,5

Tableau 3 : Comparaisons des caractéristiques identitaires des populations étudiées, Ca pour caucasien, Priv pour école privée, Pub pour école publique (P<0,001 : *** ; P<0,01 : ** ; P<0,05 : * ; P>0,05 : Non Significatif)

Garçons caucasiens ET Maliens

Filles caucasiennes ET Maliennes

Dénutrition IMC [OMS, 2]

<14,5 <14

Dénutrition IAM [Barbosa, 9 et 10]

<5 <5

Dénutrition MG [Mc Carthy, 12]

<12% <15%

Obésité MG [Mc Carthy, 12]

>26,5% >33 %

Déshydratation [Kyle, 11]

<67,4 % <67,4 %

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Tableau 4 : Comparaisons des caractéristiques identitaires des populations étudiées, Ca pour caucasien, Priv pour école privée, Pub pour école publique (P<0,001 : *** ; P<0,01 : ** ; P<0,05 : * ; P>0,05 : Non Significatif)

On note qu’il n’y a pas de différences significatives entre les différentes populations de l’étude en termes de poids. En revanche, comme les tailles sont significativement différentes, on obtient des différences significatives en termes d’IMC. On souligne aussi que la population caucasienne est significativement plus jeune de 2 ans en moyenne que les populations maliennes étudiées.

Pour accéder aux critères de dénutrition, outre l’IMC, un impédancemètre multifréquence Z-Metrix® (BioparHom, France) a été utilisé [13, 14]. Huit indices sur les 80 proposés ont été retenus pour analyse. L’appareil avait été modifié pour s’adapter à un usage en routine clinique, et une bande de détection automatique de la dénutrition, selon certains des critères énoncés, permettait de faire apparaitre instantanément l’état du patient : dénutri, bien nutri ou surpoids.

Les indices retenus pour analyse sont les suivants :

-Indices tissulaires : pourcentage de masse grasse (%W), contenu minéral osseux (CMO en %W)), masse musculaire (%W) [15],

-Indices hydriques : volume en eau extracellulaire (Ve en % Vt eau totale) [16], volume en eau intracellulaire (Vi en % Vt) [14], et l’hydratation de la masse non grasse.

-Indices métaboliques : Indice d’activité métabolique/Indice de vitalité ou angle de phase (IAM) et la masse de cellule active/Potentiel de forme [9-11].

Résultats et Discussion

Les tableaux 5 et 6 présentent le nombre de sujets dénutris détectés selon le critère choisi.

FILLES Maliennes, Public

Maliennes, Privé

Caucasiennes

Effectif % Effectif % Effectif %

Dénutris IMC 36 28,6 22 22,0 0 0

Dénutris MG 73 57,9 53 53,0 0 0

Obèses 4 3,2 7 7,0 0 0

Déshydratés 115 91,3 55 55,0 0 0

Dénutris IAM 40 31,7 27 27,0 0 0

Tableau 5 : Comparaisons des caractéristiques identitaires des populations Féminines étudiées (Poids, Âge, Taille, IMC)

GARCONS

T-test Ca/Mali Prive

T-test Ca/Mali Pub

T-test Pub/Priv

Maliens Public

Maliens Privé

Caucasiens

Effectif 85 105 44

Moy. ±DS Moy. ±DS Moy. ±DS

Âge *** *** NS 11,2±2,5 11,2±2,7 9,4±1,0

IMC (kg.m-2) *** *** NS 15,1±2,1 15,7±2,6 17,9±2,9

Poids W (kg) NS NS NS 32,2±10,4 34,3±10,8 34,9±8,5

Taille H (cm) *** *** NS 83,9±4,9 84,8±6,3 138,8±8,2

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GARCONS Maliens, Maliens, Privé

Caucasiens

Effectif % Effectif % Effectif %

Dénutris IMC 33 38,8 35 33,3 1 2

Dénutri MG 62 72,9 72 68,6 1 2

Obèses 1 1,2 2 1,9 0 0

Déshydratés 69 81,2 66 62,9 0 0

Dénutris IAM 13 15,3 15 14,3 0 0

Tableau 6 : Comparaisons des caractéristiques identitaires des populations masculines étudiées (Poids, Âge, Taille, IMC)

Les résultats obtenus sur la population caucasienne vérifie que les seuils utilisés pour les critères de dénutrition non IMC sont pertinents.

On note environ 30% d’enfants dénutris (filles ou garçons) selon le critère de l’IMC. Tous les enfants détectés par le critère « IMC » présentaient aussi un des autres critères (IAM, MG ou hydratation). En revanche, certains enfants présentant une dénutrition tissulaire, hydrique ou métabolique n’ont pas tous été détectés par l’indice IMC. Les enfants en école privées présentent globalement les mêmes troubles qu’en école publique mais de façon moindre pour l’ensemble des indices. Les filles sont moins touchées par la dénutrition tissulaire mais plus par la dénutrition hydrique et métabolique que les garçons.

Les figures 2 et 3 présentent les résultats obtenus respectivement pour les filles et les garçons sur l’ensemble des 8 indices sélectionnés pour l’analyse.

Figure 2 : profils des 8 indices analysés pour les filles

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Figure 3 : profils des 8 indices analysés pour les garçons

On note des résultats globalement similaires entre les filles et les garçons. Les Caucasiens ont une masse musculaire et une masse de cellules actives trop faible, tandis que les Maliens montrent des bons résultats sur ces indices ainsi qu’une bonne santé osseuse. En revanche, la masse grasse est significativement trop faible ainsi que le niveau d’hydratation avec une déshydratation plus profonde (intracellulaire) chez les garçons. On note une faiblesse, non statistiquement significative, de la capacité d’échanges transmembranaires des cellules chez les Maliennes. On retrouve sur l’ensemble des indices et pour les deux genres, un profil similaire entre les écoles privées et publics mais le profil des enfants en école privée est plus proches des limites saines.

Conclusion

Grâce à cette première phase d’étude, on a pu vérifier que le capteur Z-Métrix pouvait permette malgré les conditions environnementales difficiles, d’effectuer des mesures valables. On note également que l’IMC peut être enrichi par d’autres critères de dénutrition, permettant de mieux cibler la cause de la dénutrition (tissulaire, hydrique ou métabolique). Ceci en vue de mettre en place un suivi thérapeutique nutritionnel pour pallier cette dénutrition, et ce dès les premiers symptômes sans attendre la dénutrition sévère. Un régime riche en eau et en minéraux (fruits, légumes ou compléments alimentaires) pourront corriger les problématiques hydriques. Un travail sur les nutriments (acide gras notamment) permettra d’agir sur les échanges transmembranaires ou encore un régime plus riche permettra d’augmenter la masse grasse tout en maintenant la masse musculaire. On souligne également certaines différences entre les genres et la typologie d’école qu’il faudra affiner.

Perspectives

La prochaine phase à court terme sera de mesurer les mères des enfants et de mettre en place une sensibilisation. En outre, les enfants détectés subiront une thérapeutique nutritionnelle et seront suivis jusqu’à rétablissement. A moyen terme (2013), on peut envisager la création et la validation de modèles et de normes pour la population malienne (pour tous les âges et genres). Suivi de la mise en place de capteurs, dans quelques centres communautaires de santé bétatesteurs, mis en réseau de télécommunication pour débuter les premiers échanges de données à distance avec l’ANTIM. Les premières formations seront alors dispensées et les premières analyses ergonomiques et d’acception socioculturelle pourront débuter. A plus long terme (2014), on peut prévoir un déploiement sur l’Ouest africain (Mali, Sénégal, Niger, Burkina Faso…) et l’ajout de nouveaux capteurs pour une plateforme e-diagnostic complète, comme schématisée figure 4.

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Figure 4 : schéma du réseau de télémédecine projeté à long terme (2014)

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2. Risques environnementaux pour l’enfant à naître par le Docteur Claire FABIN,

Secrétaire Générale de ASSITEB-BIORIF, Médecin spécialiste en Santé au Travail et Hygiène Industrielle Les risques environnementaux sont malheureusement souvent révélés par des catastrophes industrielles ; pour autant ils sont fréquemment multifactoriels, l’exposition y est souvent difficile à être repérée et à être quantifiée tant dans le temps que dans l’espace. Garantir la santé d’une future mère et de son enfant du fait d’une exposition toxique potentielle est d’autant plus difficile à évaluer que la reproduction humaine est une fonction fragile. Déjà les connaissances des risques professionnels dans ce domaine sont encore parcellaires dans des métiers classiquement très féminins comme ceux du secteur infirmier1 et pourront l’être encore davantage dans des secteurs d’activité ou à des postes depuis peu féminisés. Pour autant, les effets potentiels d’une exposition tant environnementale que professionnelle sur la fonction de reproduction et la grossesse devraient pouvoir être maîtrisés pour protéger l’enfant à naître. Dans les pays industrialisés, les malformations représentent en moyenne 3% des naissances et la première cause de mortalité2. Leur origine est inconnue dans 60% des cas même si quelques outils sont en place, par exemple des registres de malformations congénitales permettant de colliger des données sur l’exposition des femmes à un certain nombre de toxiques environnementaux professionnels ou extra professionnels3 ou le repérage des expositions professionnelles aux produits cancérogènes mutagènes et reprotoxiques par enquêtes4-5. Le taux d’avortements spontanés s’élève de 10 à 15% de l’ensemble des grossesses diagnostiquées. Les risques de prématurité sont aussi à prendre en compte. D’autres difficultés pour évaluer le risque de toxicité pour la grossesse sont liées aux points suivants

Les conséquences d’une exposition toxique sont différentes selon l’âge de la grossesse. Les risques varient selon l’âge de la grossesse : o déjà en amont : risques sur la fertilité masculine ou féminine, marqués par une

augmentation du délai pour concevoir,

o selon les stades de la grossesse : avortements, malformations, anomalies fonctionnelles, accouchement prématuré, petit poids de naissance...

o après la naissance des problèmes peuvent se rencontrer lors de l’allaitement ou du maternage.

Les effets sont variables selon les organes touchés en particulier les organes génitaux.

Les difficultés peuvent être liées à l’utilisation des modèles animaux, pas toujours représentatifs; ainsi la maturation des cellules sexuelles est différente chez les rongeurs et chez l’homme.

La référence à cette difficulté demeure la tristement célèbre Thalidomide dans la fin des années 50 avec malformation en particulier majeure des membres, le produit étant tératogène chez le lapin, le singe et l’homme, mais non chez le rat où il avait été testé. Nous ne citerons que quelques exemples de risques connus pour avoir des conséquences chez la femme enceinte.

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Parmi les risques physiques, le bruit avec risque d’atteinte cochléaire de l’enfant en cas de forte intensité et basses fréquences et les vibrations en particulier de basses fréquences entraînant des perturbations hémodynamiques au niveau du placenta avec risque de décollement placentaire, vibrations retrouvées avec des véhicules type tracteurs, engins de chantier ou de manutention6. Il persiste une controverse sur les lignes hautes tensions pourtant classées potentiellement cancérogènes chez l’homme en raison de lien avec la survenue de certaines leucémies de l’enfant. La référence d’exposition environnementale aux rayonnements ionisants demeure l’accident de Tchernobyl en 1986, les effets des rayonnements sur le foetus dépendant de la dose reçue et de la date de l’exposition et en cas d’exposition massive, le risque de malformations majeures en particulier du système nerveux réel. D’après une étude publiée sur la région de Tchernobyl, sont rapportés entre 2000 et 2006 trois fois plus de cas de jumeaux, et de malformations majeures neurologiques que dans le reste de l’Europe bien que certaines données sur les femmes ayant donné naissance à ces bébés soient incomplètes7. Je n’ai pas retrouvé d’études sur les grossesses et les enfants dans les secteurs où ont eu lieu des essais atomiques. A noter suivis particuliers pour les femmes enceintes et les enfants autour de Fukushima. Vis -à -vis du risque chimique, quelques rappels de catastrophes environnementales: • Minamata : atteinte à grande échelle d’enfants de femmes de pécheurs japonais en lien avec la pollution alimentaire en particulier des poissons due au mercure rejeté dans les années 50.

• Seveso : nuage de dioxine en 1976 avec augmentation du nombre de fausse-couches mais aussi 30 ans plus tard des perturbations thyroïdiennes chez les enfants.

• Bhopal en Inde en 1984 où était fabriqué l’isocyanate de méthyle utilisé dans la synthèse des carbamates : l’accident a certes entrainé plusieurs milliers de morts mais 25 ans plus tard on déplore de nombreux cas de stérilité et des malformations. Dans différents secteurs d’activité, des risques chimiques pour la reproduction sont retrouvés: industries chimique, du plastique, de l’électronique, de la chaussure, nettoyage, agriculture et secteur de la santé. L’action des produits chimiques dépend en particulier de la période, de l’intensité d’exposition, de l’affinité préférentielle du toxique pour un organe ou un tissu particulier avec la notion de période critique propre à chaque organe ainsi que de facteurs maternels8. L’étiquetage des produits chimiques ne comporte pas le symbole « dangereux pour la grossesse ». Outre les pictogrammes de toxicité (non spécifiques) dans l’ancienne réglementation, il convient de repérer les phrases de risque de R 60 à R 63 : « R 60 Peut altérer la fertilité - R 61 Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant - R 62 Risque possible d’altération de la fertilité - R 63 Risque possible pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant » De même pour la nouvelle classification au pictogramme danger (non spécifique) s’ajoutent les phrases des catégories classées H 360 et H 361 : « H 360 Peut nuire à la fertilité ou au fœtus - H 361 Susceptible de nuire à la fertilité ou au fœtus » ainsi que les lettres F ou D selon que l’atteinte soit au niveau de la fertilité ou de la descendance. Selon une étude bretonne faite entre 2002 et 2005, tout secteur d’activité, 30% des femmes enceintes signalent une exposition régulière à un produit pouvant contenir des solvants dans des professions variées de secteurs tels chimie, santé et coiffure. Parmi les malformations retrouvées significativement, fentes orales, malformations génitales chez les petits garçons ainsi que des membres 9. Les petits conditionnements, les cosmétiques, les nouveaux produits ainsi que les médicaments ne relèvent pas du même étiquetage que les produits chimiques. Or, parmi les médicaments, un risque durant la grossesse pour un certain nombre d’entre eux existe avec risque d’atteinte malformative ou répercussion sur la vie foetale10. Durant la grossesse, pas d’automédication ni d’arrêt de prise médicamenteuse sans avis médical. Risque aussi en cas d’exposition professionnelle voire familiale aux médicaments lors de leur préparation, de leur administration ou lors de la gestion de leurs déchets.

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Si on se réfère à l’exemple cité dans la revue « Prescrire » des composés dans certains cosmétiques éclaircissants, rétinoïdes, acide salicylique, mercure, hydroquinone et corticoïdes11, la présence de produits reprotoxiques existe dans de telles préparations ; l’usage de tels « cosmétiques »est sans doute encore plus à risque chez la femme enceinte. L’exposition aux pesticides à partir d’études complexes en population professionnellement exposée travaillant en milieu agricole ou dans des serres et en population générale de régions agricoles, respectivement 9 et 10 études12 : atteinte de la fertilité, mais aussi du développement embryonnaire et fœtal dont malformations congénitales en lien en particulier avec l’intensité et la précocité de l’exposition. Parmi ces malformations, malformation pénienne et défaut de descente testiculaire chez les petits garçons13. Autres données sur des suivis de cohorte d’enfants dont les mères avaient été exposées avant leur naissance : retentissement sur le développement moteur et cognitif et ce jusqu’à 7ans ou moindre développement intellectuel14-15-16-17. Les pesticides appartiennent au large domaine des perturbateurs endocriniens 18-19-20toxiques environnementaux tant professionnels qu’extraprofessionnels. Parmi les autres produits répertoriés, solvants, PCB, HAP, métaux (plomb, manganèse mercure, cadmium, chrome, fumées de soudage) médicaments : ubiquité des produits, très large utilisation(résines époxy, emballages alimentaires, plastifiants, retardateurs de flamme, antiadhésifs, antitaches, conservateurs...) y compris dans le domaine de la santé, substances retrouvées dans des produits de grande consommation telles bisphénols , phtalates , polybromés, composés perfluorés ou parabènes, déchets générés et effets transgénérationnels possibles si on se réfère à la publication récente au sujet du Distilbène21. Parmi les voies d’absorption, les voies cutanée et alimentaire sont à prendre en compte. Les perturbateurs endocriniens, substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme, produisent des effets pathologiques sur cet organisme ou sa descendance à la suite d’une modification de la fonction hormonale, de façon directe ou indirecte avec possibilité de dysgénésie testiculaire c’est-à-dire baisse de qualité du sperme, risque de cancer du testicule ou malformation des organes génitaux externes; illustration par cette étude australienne de survenue d’hypospadias(malformation pénienne) tant par exposition chez la mère (métaux lourds, phtalates) que chez le père (organopolychlorés ou biphénols) 22. Parmi les polluants environnementaux, les polluants aériens sont à noter : Selon cette synthèse de 41 études complexes sur particules et fumées23, où interviennent des associations de polluants, petit poids de naissance, retard de croissance intra utérine et prématurité semblent retrouvés ainsi que certaines malformations .cardiaques 24 . Prudence aussi quant à l'interprétation des résultats des études sur des incinérateurs anciens tant pour les grossesses (davantage de jumeaux Llyod Ecosse1988- Hakan Suède 1998-davantage de filles dans les zones les plus proches) que pour les malformations, fentes palatines et dysplasies rénales en particulier25. Quant aux polluants des sols, une étude anglaise sur 23 sites retrouve davantage d’anomalies chromosomiques et de malformations chez les enfants nés de parents séjournant à moins de 3 kilomètres des décharges même si existent d’autres facteurs comme l’exposition maternelle professionnelle 26. Une autre étude retrouve un petit poids de naissance bien que de façon non significative en 2004 27. Si on se réfère à plusieurs études de dépistage de populations installées sur sites et sols anciennement pollués, il est sans doute nécessaire d’être vigilant pour des reprises de terrain ou des installations non officielles dans des endroits sans archives cadastrales 28. La pollution des eaux se rencontre déjà dans des situations d’exposition comme celles liées aux phénomènes de bioamplification en milieu aquatique tout au long de la chaine alimentaire jusqu’à atteindre des teneurs 1000 fois plus élevées en fin de chaîne. Les eaux peuvent être polluées par résidus chimiques ou médicamenteux, illustrées ici par deux exemples :

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le nonylphénol , agent surfactant dans la filière textile, interdit en Europe est retrouvé dans les eaux de lavage des vêtements fabriqués ailleurs où l’usage de ce produit est toléré

les médicaments 26

La première mise en évidence de médicaments dans les eaux remonte à 1976 : dans les eaux de la station d’épuration de « Big Blue Rivers » à Kansas City dans le Missouri, équivalence de 8,64 kg d’aspirine déversés chaque jour. • Difficulté stations épuration en lien avec établissements hospitaliers pour les anticancéreux ainsi que certains antibiotiques faiblement dégradés

• Risques pour la santé possibles en particulier des personnes fragiles dont les femmes enceintes par l’apport potentiel au niveau alimentaire de quelques composés médicamenteux dont les doses cumulées seraient supérieures à la dose thérapeutique Donc encore plus de prudence chez la femme enceinte pour les eaux de récupération ou de ruissellement, surtout s’il n’existe pas de station d’épuration. Parmi les polluants alimentaires, sont à rapporter les cas d’exposition accidentelle au PCB avec empoisonnement par de l’huile de riz contaminé, comme rapportés dans l’ouest du Japon en 1968 et à Taïwan en 1979 avec, pour les enfants exposés in utero, retard de croissance intra utérine, anomalies morphologiques et retard intellectuel. Selon une étude dans le Massachusetts, entre 1993 et 98, le petit poids de naissance était inversement corrélé au taux de PCB dans le sang du cordon 30. Des malformations sexuelles ont été rapportées dans d’autres études. Pour le mercure, au-delà des catastrophes de Minamata dans les années 1950 ou d’Irak dans les années 1950-70, des accouchements d’autant plus prématurés que le taux de méthyl-mercure dans les cheveux ont été signalés dans le Michigan31. De même, un taux élevé de bisphénol urinaire était significativement retrouvé lors d’accouchements précoces selon cette étude faite au Mexique 32. Les emballages plastiques avec les marquages suivants : 1 PET ou PETE PolyEthylène-Téréphtalate, 3 V ou PVC PolyChlorure de Vinyle, 6 PS PolyStyrène et 7 PC PolyCarbonate peuvent relarguer, dans certaines conditions en particulier de vieillissement ou de chaleur, phtalates pour les deux premiers, nonylphénol pour le 6 PS et bisphénol pour le dernier. Quant aux risques biologiques, l'hyperthermie, l'hypoxie et les toxines bactériennes peuvent entraîner une prématurité, une hypotrophie ou une mort fœtale. Tout risque infectieux est à éviter chez la femme enceinte: en effet la gravité et la fréquence d’une affection peuvent être modifiées pendant la grossesse et d’autre part une grossesse peut être menacée par le déroulement d’une affection d’allure relativement bénigne, situations pouvant potentiellement survenir en cas d’exposition de type catastrophique. Quelques conseils au quotidien • Au niveau alimentaire -en réduisant la chaîne alimentaire pour réduire la concentration en mercure et en dioxine par exemple en conseillant la chair de petits poissons à moindre concentration. -en évitant les légumes à forte surface de captage ou à croissance lente en raison du risque de contamination par voie atmosphérique du cadmium. Si possible, donc, choix des aliments, lavage, épluchage, cuisson suffisante ainsi que choix du récipient et des ustensiles pour éviter de réchauffer ou de stocker de la nourriture dans des emballages en plastiques codifiés 1, 3, 6 ou 7 PC. Attention aux papiers d’emballage issus de l’imprimerie pouvant contenir des solvants en contact avec les aliments. • Prévention du tabagisme pendant toute la grossesse tant actif que passif

• Pas d’automédication ni prise de « médicaments de la rue »

• Utilisation de cosmétiques « validés » en privilégiant ceux notés sans parabène.

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Réduction des contacts avec les « produits dangereux » par exemple en ne les stockant pas au domicile.

• Si possible, prises en compte de l’absence de bisphénol signalée sur certains produits usuels (objets de puériculture, papier thermosensible, contenants alimentaires ...) ainsi que de l’absence de certains phtalates dans le domaine médical pour le matériel et dispositifs médicaux. Au total Les études souvent complexes ne sont, sans doute, pas assez nombreuses et peu concernent le suivi de cohortes de travailleurs et les travailleuses du secteur informel qui récupèrent et valorisent les déchets sans protection adaptée ni d’utilisateurs et utilisatrices de produits dégradés ou détournés de leur usage initial en particulier dans une utilisation domestique. La prévention des risques environnementaux aux conséquences potentiellement graves pour la femme enceinte et l’enfant à naître inclue le renforcement de l’information, des politiques de prévention ainsi que des connaissances en particulier grâce à des apports pluridisciplinaires et l’optimisation des structures d’alerte afin que puissent être mener à terme des grossesses sereines et sûres et ne pas exposer à des risques professionnels ou environnementaux l’enfant à naître. Bibliographie 1 Quansah R., Jaakkola J.J. Occupational Exposures and Adverse Pregnancy Outcome Among Nurses: Systematic Review and Meta-Analysis J. Womens’Health 2010 Oct 19(10) pp. 1851-62 2 Mark M. Tératogénèse due à l’action de facteurs externes Faculté de Médecine de Strasbourg 2003-2004 29 pages 3 BEH thématique Registre des malformations congénitales 2008 28-29 pp245-260 4 Guignon N. Sandret N. les expositions aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques DMT 104 4ème trimestre 2005 pp. 471-483 5 Guignon N. Sumer : pourquoi une nouvelle enquête en 2009 DMT 116 4ème trimestre 2008 pp. 521-524 6 Dupery M., Fabin C. et coll Vibrations, chariots automoteurs et engins de chantier-enquêtes épidémiologique, ergonomique et métrologique DMT 2ème Trimestre 2011 126 pp. 261-274 7 Wertelecki W. Malformations in a Chornobyl-Impacted Region Pediatrics 2010; 125:4 pp.836-843 8 Pagès M., Falcy M. Evaluation du risque solvants pour la grossesse DMT n° 80 4ème Trimestre 1999 pp. 335-353 9 Garlantézec R. et coll Exposition aux solvants pendant la grossesse : étude Pélagie Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2008 ; 69 :pp.272-275 10 www.lecrat.org 11 Prescrire Cosmétiques éclaircissants: beaucoup d’effets indésirables Mai 2011 tome 31n°331 pp.350-357 12 Programme Régional Santé Environnement Bretagne 2010 Pesticides et Santé État des connaissances sur les effets chroniques en 2009 13 Benitez-Leite S., Macchi ML., Acosta M. Malformaciones congénitas associadas a agrotoxicos Pediatria vol 34-numero 2 2007 17 pages 14 Horton M.K., Rundle A. et coll Impact of prenatal exposure to Piperonyl Butoxide and Permethrin on 36 –month neurodevelopment Pediatrics 2011; 127:3 pp.699-706 15 Rauh V. Arunajadai S 7- year Neurodevelopmental Scores and Prenatal Exposure to Chlorpyrifos, commun Agricultural Pesticide; 2011; 10.1289/ehp.1003160 16 Engel SM. Prenatal Exposure to Organophosphates, Paraoxonase 1 and Cognitive Development in Childhood; 2011; 10.1289/ehp.1003183 17 Bouchaud M. Prenatal Exposure to Organophosphate Pesticides and IQ in 7-year old Children; 2011;10.1289/ehp.1003185 18 INSERM Reproduction et environnement Expertise collective Avril 2011 737 pages 19 TEDX 2011 The TEDX List is maintained by TEDX (The Endocrine Disruption Exchange): www.endocrinedisruption.org Risques environnementaux pour l’enfant à naître C.FABIN UNESCO 2012 Page 6

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21 Kalfa N. et al Prevalence of hypospadias in grandsons of women exposed to diethylstilbestrop during pregnancy: a multigenerational national cohort study Fertil Steril 2011 vol 95n°8 pp2574-2578 22 Nassar N., Abeywardana, P., Barker, A., Bower, C, Parental occupational exposure to potential endocrine disrupting chemicals and risk of hypospadias in infants. Occupational and Environmental Medicine. 67(9), 585-589. 2010 23 Laaïdi et al Conséquences de la pollution de l’air sur l’issue de la grossesse : revue de la littérature Environnement Risques et Santé- 2011 vol 10 n°4 pp287-98 Juil-Aout 2011 Synthèse 24 Vrijheid M. Ambient Air Pollution and Risk of Congenital Anomalies: A Systematic Review and Meta-Analysis. Environ Health Perspect 201010.1289/ehp.1002946 25 Camard J.P.(ORS) Franconi A.(Deur, IAURIF) L’incinération des déchets en Île-de-France : Considérations environnementales et sanitaires 264 p. Décembre 2005 26 Vrijheid M. et al Chromosomal congenital anomalies and residence near hazardous waste landfill sites the Lancet, vol 359 issue 9303 pp 320-322, 26 January 2002 27 Morgan O. Vrijheid M. Risk of low birth weight near EUROHAZCON hazardous waste landfill sites in England. Arch Environ Health, 2004; 59(3):149-51 28 BEH Pollution des sols: de l’exposition des populations à la santé publique Beh 09/12/2008 n°47-48 29 Académie nationale de Pharmacie « médicaments et environnement » Rapport de l’Académie Nationale de Pharmacie Septembre 2008 30 Sagiv SK, Tolbert PE, Altshul LM, Korrick SA. Organochlorine exposures during pregnancy and infant size at birth Epidemiology 2007 Jan;18(1):120-9 31 Xue F., Holzman C, Rahbar MH, Trosko K, Fischer L.et al Maternal fish consumption, mercury levels, and risk of preterm delivery. Environ Health Perspect 2007 Jan;115(1):42-7. 32 Cantonwine D. et al Bisphenol a exposure in Mexico City and risk of prematurity: a pilot nested case control study. Environ Health 2010 Oct 18; 9:62

3. Diabète, une pandémie…Les molécules naturelles sur le podium par Eric Sérée Problématique

Le diabète de type 2 est une pathologie qui se caractérise par une mauvaise régulation du taux de sucre dans le sang. Cette maladie progresse de façon constante et alarmante au niveau planétaire. Monsieur BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies nous signale : « Le cancer, le diabète et les maladies du cœur ne sont plus des maladies des riches. Aujourd’hui elles touchent les populations et les économies des pays les plus pauvres encore plus que les maladies infectieuses. Elles représentent une urgence de santé publique sous-estimée. » L’Afrique connaitra la progression de la prévalence de diabète la plus importante dans le monde au cours de la période 2010 – 2030. Le nombre de personnes souffrant de diabète en Afrique augmentera de 98,1% au cours des 20 prochaines années, passant de 12,1 millions en 2010 à 23,9 millions en 2030. A cette date, la prévalence de cette maladie avoisinera les 5% de la population du continent. Une des causes de la pathologie est l’existence d’un état inflammatoire de faible intensité, mais chronique. L’inflammation peut être la conséquence, en partie, d’une modification de la flore intestinale par le régime alimentaire (surnutrition ou sous-nutrition) ou de la pollution environnementale. Cette flore altérée se caractérise alors par la présence de germes inflammatogènes Gram-. Le diabète se caractérise par l’émergence de maladies associées telles que les pathologies cardiovasculaires, neurologiques, ophtalmologiques, bucco-dentaires… Ces complications sont sévères et leur traitement onéreux. Il est donc capital d’avoir recours aux soins. Malheureusement, les traitements actuels n’éradiquent pas la maladie et n’empêchent pas sa progression. Au-delà d’une

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bonne hygiène alimentaire et physique, il n’existe actuellement pas de traitement qui prévienne l’apparition du diabète ou des pathologies associées. Le taux de glucose dans le sang est régulé par la synthèse d’insuline. A ce jour, une stratégie thérapeutique majeure consiste à augmenter la sécrétion d’insuline par augmentation de la production ou la durée de vie d’une hormone intestinale, la Glucagon Like Peptide one (GLP-1), qui induit physiologiquement la synthèse d’insuline. Cependant, la durée de vie de cette hormone intestinale GLP-1 est de moins d’une minute car elle est très vite dégradée par une protéine, la dipeptidyl peptidase 4 (DPP4), une enzyme ubiquitaire. L’hormone GLP-1 native ne peut donc pas être utilisée dans le traitement du diabète en raison de sa disparition rapide consécutive à sa dégradation par la DPP4. Aussi, des parades ont été développées par l’industrie pharmaceutique, telles que l’utilisation d’agonistes du récepteur au GLP-1 (Exenatide), d’analogues au GLP-1 (Liraglutide) et d’inhibiteurs de DPP4 (Sitagliptin, Vildagliptin, Saxagliptin, Allogliptin). Mais toutes ces stratégies, si elles sont efficaces, ont des effets secondaires néfastes.

Premièrement, les analogues au GLP-1 (Liraglutide) doivent être injectés chaque jour en sous cutané. Deuxièmement, ce traitement ne respecte pas la physiologie d’action de l’hormone qui est hépato portale et non sous cutanée. Ces deux principales causes affectent considérablement l’efficacité de cette thérapeutique.

Les inhibiteurs de DPP4 (Sitagliptin, Vildagliptin, Saxagliptin, Allogliptin) ne sont pas soumis à de tels problèmes, car ils sont administrés de façon orale et permettent de protéger le GLP-1 sur le lieu même de production. Cependant l’efficacité de ce traitement dépend du taux de sécrétion de GLP-1 par l’intestin. Or les diabétiques ont en général un taux de sécrétion de GLP-1 très faible. L’utilisation d’inhibiteurs de DPP4 est donc conditionnée par le taux de GLP-1 chez les patients.

Pour pallier à ce problème, les inhibiteurs de DPP4 sont utilisés en association avec la metformine qui induit la sécrétion de GLP-1. L’association des deux molécules offre donc une complémentarité qui se traduit par une augmentation de l’efficacité du traitement. Or, l’utilisation de metformine provoque chez 50% des patients une intolérance intestinale qui oblige une diminution des doses de metformine (perte d’efficacité) ou bien un arrêt du traitement.

Une stratégie idéale serait d’induire la sécrétion naturelle et physiologique de GLP-1 sur son site de production (intestin), en renforçant l’action de la metformine. Accessoirement on pourrait bloquer sa dégradation par l’utilisation d’inhibiteurs de DPP4 et ce sans effets secondaires intestinaux.

Le Resvératrol, une molécule de choix sélectionnée dans le traitement du diabète Le Resvératrol est une molécule naturelle synthétisée par de nombreuses plantes, et dont on a prouvé l’implication dans la réduction de l’impact du diabète déclenché par un régime riche en graisse. L’efficacité de cette molécule a été largement décrite et les mécanismes d’action proposés impliquent l’augmentation de l’activité mitochondriale et de la sensibilité à l’insuline. Cependant l’utilisation de cette molécule chez l’homme sous forme de compléments alimentaires ou de nutraceutiques est limitée. En effet, si aucune toxicité n’est à ce jour connue chez l’homme, cette molécule est très vite éliminée après son absorption (moins d’une heure). Pour contourner ce problème, il existe aujourd’hui une forme galénique qui permet d’augmenter la biodisponibilité du Resvératrol et de maintenir sa concentration thérapeutique active dans le sang pendant plus de six heures.

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Basé sur cette stratégie, les chercheurs ont utilisé le Resvératrol sous cette forme galénique innovante pour démontrer les avantages du Resvératrol chez l’animal. Les résultats sont les suivants :

augmentation du taux de GLP-1, diminution de l’inflammation et les risques cardiovasculaires et neurologiques, restauration de la flore intestinale qui est altérée chez le diabétique. normalisation de la glycémie.

Leurs résultats préliminaires confirment la possibilité d’associer le Resvératrol à la Metformine ou aux inhibiteurs de DPP4. Le Resvératrol est aujourd’hui une molécule de choix dans le traitement de nombreuses pathologies. De plus, le Resvératrol est une molécule extraite à partir de végétaux, dont une herbe sauvage qui se développe très facilement. Il serait donc aisé d’envisager une culture de cette plante localement favorisant ainsi un développement durable. Un transfert de technologie ou une collaboration avec les acteurs principaux dans ce domaine permettrait de prévenir ou soigner le diabète à moindre coût en l’associant avec la metformine (molécule peu onéreuse). La prévention ou le soin de cette pathologie se traduit aussi par une prévention des autres pathologies associées au diabète. Nous pouvons donc voir au travers de cet exemple qu’il est possible d’utiliser des molécules naturelles, de les valoriser par la mise au point d’un brevet de galénique visant à augmenter leur biodisponibilité. La validation clinique peut conduire à élaborer des « alicaments » et participer aux développements économique et durable. Les transferts de technologies SUD-NORD et NORD-SUD sont le ciment de cette volonté de redonner les lettres de noblesses aux molécules naturelles.

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VII. TABLE RONDE

1. Le marché des cosmétiques, évolution, par Nelly MARCHAL

Il y a 10 ans, le marché des cosmétiques en Afrique était entre les mains des « géants » internationaux de la parfumerie : potentiel de ventes encore inexploité, besoins énormes, croissance annuelle des distributeurs évaluée à 30%, effets de mode, prestige des marques; des filiales de distribution envisagées se heurtent aux barrières douanières. Importation frauduleuses 60% du marché. Les quelques industriels locaux cherchent leurs places « dans l’univers du cosmétique, la part de rêve compte autant que l’efficacité du produit » (industriel du Ghana). Préférence aux produits importés : prestige de l’étiquette, du flaconnage : contrefaçons, fabrications dans des échoppes locales ou importées d’Asie, des problèmes de production et de vente illicites comparables à ceux du marché frauduleux des médicaments, … On assiste parallèlement à un accroissement important et rapide de la demande, donc de la consommation, des besoins d’importation, les nouveaux utilisateurs sont conditionnés par la publicité : télévision, affichage, radio. On commence à identifier des dangers liés à des produits de mauvaise qualité, à l’utilisation de substances détournées de leur usage (produits d’entretien ménagers, médicaments périmés) , sont dressées des listes de produits chimiques interdits . Tous ces risques et le constat des pathologies qui en sont la conséquence concerne en premier lieu les cosmétiques de blanchiment. Sont mises en place :

- des règles sévères d’étiquetage - des mesures de prévention non seulement l’information des utilisateurs potentiels mais aussi celles pour les distributeurs d’une meilleure traduction de la composition des appellations commerciales - règlementation, certification, normes homologation pour autorisation de commercialisation. - moyens de contrôles, laboratoires accrédités nationaux, internationaux.

Les marchés en développement :

- Bio Cosmétiques, Diversité des produits naturels, importés de pays producteurs - Cosmétologie Ethnique, - Création de Bio-Industries (formations de techniciens à prévoir) - Réactifs de contrôle spécifiques commercialisés par des firmes pharmaceutiques.

Attention on lit encore sur internet : « Créer et vivre de nos cosmétiques en Afrique, cours, formations, accompagnement, assistance technique, formulations, (savon, détergent, shampooing…). Le courrier des demandes et commentaires qui suivent cette offre peuvent justifier une vigilance certaine.

2. Qualité et sécurité des produits cosmétiques, par Amal AYAD

Un produit cosmétique est "une substance ou une préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l'épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres et les organes génitaux externes, ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles" (cf. article L.5131-1 du code de la santé publique).

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La réglementation cosmétique Les produits cosmétiques sont strictement encadrés par une réglementation très précise qui, pour mieux protéger le consommateur, est la même en France et dans toute l'Union européenne (Directive européenne dite Directive "Cosmétiques").

De sa formulation avec les premiers tests en laboratoire jusqu'à sa mise en vente, le produit cosmétique doit impérativement subir une batterie de contrôles.

Avant de proposer un produit cosmétique au public, chaque fabricant a l'obligation d'établir un dossier (passeport) validé par un évaluateur de la sécurité et tenu à la disposition des Autorités (ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et DGCCRF), lesquelles peuvent venir le contrôler à tout moment.

Chaque dossier peut être, à tout moment et sans préavis, examiné par Ces Autorités Sanitaires.

La réglementation impose enfin l'étiquetage des nombreuses informations qui sont utiles au consommateur. La sanction : retrait pur et simple du marché Les cosmétiques en Afrique de l’Ouest Aucun contrôle sur les produits importés qui contiennent des Corticoïdes (produits éclaircissants agressifs et nocifs), des dérivés mercuriels et de l’Hydroquinone. Aucun contrôle sur les produits fabriqués sur place. Donc toutes les dérives sont pratiquées avec utilisation de ces molécules agressives et nocives.

Décision N° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les États membres de l’UEMOA. Bien que l‘UEMOA (Union Economique Monétaire Ouest Africaine) réunie à Dakar en Octobre 2010 ait adopté des lignes directrices en vue de mettre en place des réglementations cosmétiques sur le modèle de la réglementation de l’Union Européenne

Notre COMBAT serait d’ALERTER, d’INFORMER afin de PREVENIR tous ces problèmes sanitaires inhérents à ces pseudo cosmétiques pour Garantir la sécurité des produits cosmétiques.

La réglementation est faite dans le but de préserver la santé des consommateurs en garantissant « la qualité, l’efficacité, la sécurité d’emploi des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle mis à leur disposition ».

3. Développement de micro entreprises ou cottage industries basé sur la valorisation des ressources naturelles locales en utilisant l’information des brevets, par Henri Dou*

(Atelis, FBS-ESCEM) et Jacky Kister** (METICA)

*Atelis, France Business School, 1 rue Léo Delibes, 37205 Tours Cedex [email protected] http://www.ciworldwide.prg **METICA Université Aix Marseille, Centre de Saint Jérôme, 13397 Marseille Cedex 20 [email protected] Résumé L'information brevet est importante car elle constitue une encyclopédie technique gratuite accessible à tous. Le développement de systèmes d'analyse automatique de larges groupes de brevets conduisent à réaliser une cartographie rapide dans un domaine donnée des compétences, produits, entreprises évolution et données protégées ou pas (brevets déchus, de plus de vingt ans ou

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non étendu dans le pays). Ceci conduit dans bien des cas entre autre dans le domaine des produits naturels (végétaux ayant diverses propriétés) à favoriser le développement de cottage-industries ou micro-entreprises. Ainsi, au lieu d'utiliser la main d'œuvre locale uniquement pour la cueillette, on va créer une valeur ajoutée permettant un développement régional concerté. Différents exemples montreront l'application de cette méthodologie dans divers pays africains et asiatiques. Entrée en matière Les brevets sont souvent perçus comme un outil de protection des inventions. Mais, ils ont une autre rôle qui pou le développement et l’innovation est tout aussi important : celui d’informer. En effet les brevets constituent une encyclopédie technologique vivante. La base de données mondiale des brevets qui est accessible via le site de l’EOB14 (Office Européen des Brevets), couvre plus de 90 pays et contient plus de 65 million de références. C’est cette base que nous allons utiliser comme source d’information, et permettra de donner des indications précises Le brevet et les informations brevets Les brevets sont une source unique d’information puisque ce qui est publié dans les brevets n’est que très rarement publié ailleurs. De ce fait, ne pas utiliser ces informations c’est se priver d’une encyclopédie technologique, « up to date », gratuite et en évolution permanente. Nous allons examiner dans cette partie de la présentation les brevets et ses caractéristiques principales, puis les méthodologies d’accès aux informations. Le brevet Le brevet est un document qui assure la protection d’une invention pendant une durée de 20 ans. Chaque année des droits sont perçus par les Offices de brevets pour maintenir cette protection. Au plus le temps de vie du brevet est long au plus fortes sont les annuités à payer. De ce fait bien des brevets après 8 à 10 années de vie sont abandonnés et tombent dans le domaine public. En ce qui nous concerne, quelques points importants sont à souligner :

Un brevet quand il obtenu dans un Etat donné, assure simplement la protection de l’invention dans cet Etat.

Il y a douze mois de délai entre le premier dépôt (ci-dessus, numéro de priorité dans cet Etat) et une extension possible dans d’autres pays, assurant ainsi une protection plus large.

On peut aussi protéger une invention simultanément dans plusieurs pays avec les brevets PCT (Patent Cooperative Treaty), WO (Mondiaux), et EP (Européens).

Le cas de l’Afrique. Il existe deux familles d’Etats qui sont regroupés dans deux institutions différentes l’OAPI qui regroupe les pays d’Afrique francophone, et l’ARIPO qui regroupe les pays de langue anglaise. On peut ainsi en prenant un brevet au niveau de l’OAPI ou de l’ARIPO protéger ou étendre une invention dans plusieurs pays africains à la foi.

Ce n’est qu’il y a peu d’années, que des brevets sont étendus en Afrique. Il y a quelques années on n’étendait pas les brevets aux pays africains en estimant que leur niveau de développement n’était pas suffisant.

De ce fait, bien des brevets, même récents, n’ayant pas été étendus au niveau de l’Afrique, peuvent être utilisés librement sur le continent africain.

L’accès aux brevets L’accès aux bases de données les plus importantes : brevets mondiaux sur le site Espacenet de l’OEB15 (Office Européen des Brevets), brevets US à partir des deux bases de l’USPTO16 (US Patent

14 http://worldwide.espacenet.com/eclasrch?classification=ecla&locale=en_EP&ECLA=C09D5 15 http://worldwide.espacenet.com/eclasrch?classification=ecla&locale=en_EP&ECLA=C09D5 16 http://www.uspto.gov/patents/process/search/

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and Trademark Office) : brevets en cors de demande et brevets accordés, brevets US en texte intégral (pour la recherche) sur Google Patent17. On va distinguer ici deux niveaux, l’un qui consiste à rechercher très précisément une ou des notices de brevets (à partir des mots du titre et des résumés, es noms d’entreprises ou de la Classification Internationale des Brevets). Dans ce cas il faudra utiliser les bases de brevets citées ci-dessus, avec comme préférence la base mondiale des brevets de l’OEB. Cette base est gratuite, et à partir du site cité en référence on peut accéder à une grille d’interrogation mais aussi à la signification de la CIB18. On recherche ce qui fait l’objet de brevets dans un domaine donnée. Par exemple l’utilisation ou la production d’une huile essentielle. Dans ce cas, il faut réaliser une recherche plus large, qui va conduire à des centaines, voire des milliers de brevets. Dans ce cas, il faudra, même si la source d’information est gratuite, un logiciel spécialisé19 pour réaliser une APA20 21 (Automatic Patent Analysis), qui permettra de mieux connaître le sujet, ses développements, les principaux acteurs, les brevets utilisables gratuitement, etc. C’est cette méthodologie de travail que nous allons développer ensuite. Elle a été appliquée dans le cadre de la section PME de l’OMPI (Office Mondial de la Propriété Intellectuelle) dans différents pays africains et ceci avec succès. Un logiciel résident permet le télé déchargement des brevets, la réalisation de bases locales qui peuvent être mises à jour, et l’analyse en temps réel des informations. On peut ainsi mettre en place des centres locaux à l’image des télé centres brésiliens22 par exemple, pour favoriser le travail et l’innovation locale dans certains domaines. Le fonctionnement de l’analyse automatique des brevets Le système de travail utilisé est un logiciel d’APA (Automatic Patent Analysis) qui est vendu sous forme d’un abonnement annuel de 600€ par an. Il a été développé par la société Matheo-Software. Il permet d’interroger les bases de données de l’OEB, et US , de réaliser les bases locales et de faire automatiquement toutes les analyse nécessaires à la compréhension du sujet.

Le fonctionnement du système

La figure suivante présente le schéma général de fonctionnement du système. A partir d’une liaison Internet on entre dans la base de données de l’OEB par exemple et ensuite on effectue la recherche à partir d’une grille qui prose un certain nombre de possibilités. Une fois la recherche effectuée, le logiciel présente les résultats sous forme de titres des brevets. On peut alors choisir les brevets à télé décharger soit en faisant une sélection soit en télé déchargeant l’ensemble des brevets objet de la recherche.

17 http://www.google.com/advanced_patent_search 18 Classification Internationale des brevets qui permet un accès aux technologies et applications. Elle est disponible gratuitement sur l’internet (voir site de l’OEB) 19 http://www.matheo-patent.com pour accéder à la description et à une version d’essai du logiciel. 20 L'importance du traitement bibliométrique des brevets pour développer l'activité industrielle. Exemple des bitumes en Algérie, Dou Henri, Dalila Mohellebi, Jacky Kister, RIST (Revue de l'Information Scientifique et Technique, vol 19, n°1, Février 2012 21 Implementing strategic information by using APA (Automatic Patent Analysis) - Example in the field of corrosion resistant steel, Henri Dou, Daniel Coelho, GTM (Global Text Mining), Montreal, September 5th, 2012 22 http://blog.eworky.com/l%E2%80%99incroyable-succes-des-telecentres-bresiliens/

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Figure 1 – Fonctionnement de Matheo-Patent23 24 25

Les bases de l’analyse Une fois le télé déchargement effectué on peut accéder aux brevets et à leur description, mais comme cela peut prendre du temps selon le nombre de brevets, il existe un moyen automatique de réaliser les listes d’inventeurs, d’entreprises, de CIB, de mots des titres et des résumés, des dates et des dessins (souvent présent dans la première page des brevets). A partir de ces listes des sélections peuvent être réalisées, permettant de créer des groupes de brevets spécifiques qui peuvent être analysés en détail. (Matrice entre les différents champs documentaires, réseaux, etc.). L’objectif est de répondre aux questions essentielles suivantes : Qui fait quoi, où, comment avec qui, quand, dans quels domaines. Ces différentes réponses alimenteront les analyses classique du type SWOT, 5 forces de Porter ainsi que de possibles « brain storming ». Mise en perspective du travail d’analyse Les pays en développement et entre autre certains pays africains possèdent d’abondante ressources naturelles qui sont la majeure partie du temps exporté telles quelles, sans création de valeur ajoutée. Apporter aux acteurs de ces domaines des informations sur la création de produits à plus forte valeur ajoutée en tenant compte des capacités techniques locales, permet de mettre en place des centres de réflexion qui aboutiront en un premier temps à une prise de conscience de ce qui peut être réalisé, puis ensuite au développement de « cottage industries » et donc à un début de développement technologique.

23 http://www.matheo-software.com

24 Inteligência Informacao e conhecimento - A bibliometria e os softwares. Matheo Analyzer e Matheo Patent (Chapter), Dou Henri, "Inteligência Organizacional e Competitiva", Kira Tarapanoff organizer, editor UNESCO, Brasilia 2006, ISBN 857652063

Bibliometry technique and software for patent intelligence mining (chapter) in Managing Strategic intelligence. Techniques and Technologies, Henri Dou and Jean-Marie JM Dou Jr, Editor Mark Xu, IGI Global, England ISBN 978-59904-243-5 hard cover 15 May 2007 978-1-5994-245-9 e-book

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Les produits naturels Un domaine privilégié de travail est celui des produits naturels. Ces derniers sont l’objet de cueillettes sur place et ensuite d’extraction de principes essentiels, généralement avec des techniques ancestrales. Une connaissance de ces domaines à travers les informations brevets peut permettre un début de développent technologique te entre autre une amélioration de la qualité des produits obtenus. Les cueillettes étant souvent un travail réalisé par du personnel féminin, cela aboutira à terme à une amélioration de leur condition. En effet, pour vendre sur le marché international des huiles essentielles ou des huiles extraites à partir de noix spécifiques ou de graines, il est nécessaire de prendre des précautions élémentaires au niveau de la cueillette, ceci pour éviter de travailler avec des produits oxydés ou moisis. La connaissance des contraintes du marché permettra de passer de la production quantitative à une production plus réduite mais de plus haute valeur ajoutée. La liaison entre le produit local et les études de laboratoires Pour assurer une meilleure qualité, il est nécessaire de réaliser un « mapping » des différents produits finaux obtenus afin de contrôler leur qualité d’une part, mais aussi leur vieillissement (ce qui conduira à la notion de gestion se stock).L’information brevet est dans ce cas fondamentale car elle permet la mise en perspective des différentes utilisations des produits ainsi que du contexte industriel (sociétés déposantes, donc parties prenantes dans le domaine). On aboutit ainsi au développement de « clusters » virtuels mettant en jeu les acteurs locaux de terrain, des spécialistes en information et entre autre en APA26, des laboratoires27 susceptibles de contrôler les produits obtenus28 et de mettre en place les conditions standard de cueillettes, de séchage, de distillation et de stockage. Exemples Diverses approches ont été réalisées29 entre autre par l’OMPI dans des pays d’Afrique Francophone ; Des missions envoyées sur place on permis de sensibiliser les acteurs de diverses filières ananas par exemple. En Indonésie un travail du même ordre, mais plus poussé au niveau du travail de laboratoire a été effectué avec le patchouli, des travaux sont en cours avec la muscade. D’autres aspects comme celui de la valorisation des produits obtenus à partir des noix de coco ont fait l’objet de publications.30 Conclusion Il faut informer les différents acteurs des filières de produits naturels des potentialités de ces derniers. Que ce soit au plan industriel, au niveau de la cosmétique, des normes ou des appellations géographiques. L’Information brevet est essentielle d’autant plus que les inventions protégées par certains brevets peuvent être utilisées gratuitement en Afrique31 car bien des brevets n’ont pas été étendus dans cette région. D’autre part cette information qui est à la fois scientifique, technique et

26 Palm Oil Strategy – General Considerations and Strategic Patent Analysis Dou H, Asia Pacific Journal of Innovation and Entrepreneurship, 2009, vol 2, pp. 75-93 27Chemometric analysis of mid infrared and gas chromatography data of Indonesian nutmeg essential oils, Nathalie Dupuy, Josiane Molinet, Florence Mehl, Fanny Nanholy, Yveline Le Dreau, Jacky Kister, Indusial and crop Products, vol43, may 2013, pp.596-601 28 Integration of Competitive Intelligence and Watch in Academic Scientific Research Laboratory (Chapter) J. Kister and H. Dou, Competitive Intelligence and Decision Problems, Edited by Amos David, ISTE, WILEY, 2011, ISBN 978-1-84821-237-4, pp225-242 29 Strategic Dependence of a Developing Country - Vision from Patents Dou H, Manullang S, Dou JM Jr, Third Euroepean Competitive Intelligence Symposium, June 11-12th, 2009, Editor Malardalen University, Box 883, Vastera Eskitsina, Sweden

30Competitive Intelligence and Regional Development within the Framework of Indonesian Provincial Autonomy, Henri Dou, Sri Damayanty Manullang, Education for Information, n°22, June 2004, 31 Chinese Strategy in Intellectual Property Management, Henri Dou, VSST 2012 Ajaccio

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commerciale constitue un lien entre les productions locales et les scientifiques locaux, évitant ainsi un « exode interne » de ces derniers. Il faut donc mettre en place les conditions de création de centres régionaux qui joueront un rôle moteur dans le développement de ces filières32.

4. La recherche et la cosmétique au service du développement des femmes du Burkina Faso, par Mary Bonneaud

L’OCCITANE est une marque de cosmétique crée en 1976. La recherche et développement est au service de l’esthétique de tous et également au service du développement des femmes du Burkina Faso. L’OCCITANE participe au développement des femmes de 2 façons :

Par la cosmétique et la production de beurre de karité au Burkina :

L’OCCITANE travaillent avec 15 000 femmes regroupées en 5 coopératives pour le sourcing du beurre de karité appelé « l’Or des Femmes » (noix de karité transformées). Le beurre de Karité est un ingrédient de beauté idéal pour les peaux sèches à très sèches, connu dans le monde entier et l’un des best-sellers de L’OCCITANE. Aujourd’hui, le service filière ingrédient qui source le karité et travaille à la durabilité de la filière, dépend de la Recherche et Développement. La R&D est donc sensibilisée et a mis en place plus de 130 formules qui utilisent du beurre de karité afin d’assurer une augmentation constante des commandes de beurre (550 tonnes en 2012) et de maintenir ainsi sur le long terme ce partenariat avec les coopératives. De la même façon la R&D a développé des formules qui contiennent plus de 20% de beurre de karité malgré la complexité que cela induit dans les formules pour continuer le co-développement.

Cet échange va au-delà d’une simple transaction commerciale. L’OCCITANE valorise le travail des femmes en leur achetant directement le beurre fabriqué sur place. Elles sont rémunérées à un prix équitable, qui couvre les coûts de production, les coûts environnementaux et sociaux et laisse une marge pour l’investissement. L’OCCITANE préfinance la production à hauteur de 80%, et aide les groupements à améliorer la production, à exporter et à rechercher de nouveaux débouchés. Le PNUD a d’ailleurs ouvert une étude de cas sur notre business model et a cité L’OCCITANE comme une entreprise exemplaire pour favoriser le développement des femmes.

Par des actions d’alphabétisation de formations

L’histoire partagée entre L’OCCITANE et les femmes du Burkina Faso se prolonge au travers des actions de la Fondation. Depuis sa création en 2006, la Fondation L’OCCITANE mène des actions pour l’émancipation économique des femmes burkinabè. Elle soutient notamment des programmes d’alphabétisation et des projets d’entrepreneuriat féminin à l’aide du microcrédit et des formations à des activités génératrices de revenus, afin de permettre aux femmes de devenir plus autonomes. Le développement des femmes commence par l’éducation avec des programmes d’alphabétisation de base mais également en mettant en avant des femmes entrepreneurs modèles ou en encourageant des étudiantes engagées. Depuis 2006, plus de 7 000 femmes ont pu bénéficier de l’appui de la Fondation L’OCCITANE. Plus d’informations sur www. fondation.loccitane.com ou sur http://www.facebook.com/fondationloccitane

32 Différents travaux sont accessibles sur cette thèse sur le site : http://www.ciworldwide.org

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VIII. SÉANCE DE CLOTURE

Clôture de la Conférence par Madame Véronique OKOUMOU, Conseiller du Président de la République du Congo, Déléguée générale pour l’Afrique de « Femmes et Développement » Mesdames et Messieurs, Nous voici arrivés au terme de nos travaux ! Cette initiative prise par le Groupement UATI-UISF de lancer une activité sur le thème "Femmes et développement en Afrique" répond à une attente déjà exprimée et s'inscrit dans le cadre des actions plus générales que nous menons sur l'Education, la Science et la Technologie pour le Développement en Afrique. La Conférence d'aujourd'hui constitue le point de départ d'une action multiforme traduite par l'organisation de conférences, séminaires, ateliers, groupes de réflexion et interventions sur le terrain. Les sujets abordés tout au long de cette journée ont été purement philosophiques, scientifiques, techniques et socioculturels. Ils témoignent par la qualité des présentations effectuées de l'importance accordée au rôle des femmes dans le processus de développement en Afrique. Il conviendrait de souligner, qu'en ma qualité de Déléguée générale pour l'Afrique, j'ai initié quelques actions destinées à un public diversifié pour l'année prochaine et qui se dérouleront en Afrique, plus précisément au Congo Brazzaville et au Bénin, suivant le calendrier ci-après :

Mars 2013 : Atelier sur le thème "La Gestion des Ménages", Mai 2013 : Séminaire sur le thème "Le Laboratoire et la Sécurité alimentaire", Novembre 2013 : Forum sur le thème "Oser entreprendre au Féminin". 2013 au Bénin : Atelier sur le thème "La Micro finance, un levier pour l’entreprenariat

féminin, cas du Bénin".

Il me semble très important de vous rappeler que notre programme d'activités répond aux orientations mentionnées dans l'accord-cadre signé entre l'UNESCO et l'UATI en septembre 2011, pour une durée de six ans. Aussi, au-delà de ces actions, que le Comité Directeur "Femmes et Développement" a validées, ma première mission a été de créer des délégations locales dans les Pays-Membres. C'est ainsi que nous avons eu la participation de :

- Madame Aïssata TOURE, Déléguée du Mali, - Madame Christine BOTCHI-MOREL, Déléguée pour la Suisse, - Les Déléguées de la Belgique, de la République Démocratique du Congo, du Cameroun, de

la Côte d'Ivoire, du Congo-Brazzaville et du Bénin ont présenté leurs excuses pour des raisons de calendrier.

- En ce qui concerne les autres pays, nous attendons la confirmation de la mise en place de leurs bureaux.

Comme vous avez pu le noter, nos activités impliquent principalement les pays francophones (d'Europe et d'Afrique), ainsi que la Diaspora africaine. Par ailleurs, les déléguées ainsi désignées sont déjà actives, au travers de leurs associations, dans des actions de développement existantes et vont constituer le "Réseau Femmes et Développement". Le but des manifestations que nous organisons et le déploiement des activités sur le terrain, en Afrique, avec l'aide et le soutien des Délégations dont je viens de parler, visent à assurer un

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développement technico-économique dans différents domaines où l'entreprenariat féminin a toute sa place. C'est le cas de l'industrie de la cosmétique où de nombreuses perspectives s'ouvrent à nous et vont permettre d'assurer un équilibre plus harmonieux- qu'il ne l'est aujourd'hui- entre la demande et une offre de qualité, excluant les produits nuisibles pour la santé des femmes et des hommes. Il en est de même du marché des denrées alimentaires où de nombreux problèmes pourraient trouver leur solution par la mise en place de procédures et de processus assurant une sécurité certaine dans leur consommation. Ces concepts s'appliquent autant à l’industrie pharmaceutique pour garantir une protection efficace des populations et d'abord des femmes et des enfants. Pour cela, la place de l'éducation et de la formation professionnelle est fondamentale pour qu'un changement des mentalités et des comportements s'opère dans des conditions optimales. Le Groupement UATI-UISF rend un vibrant hommage à Madame Antoinette SASSOU NGUESSO, Première Dame du Congo, Présidente de la Fondation Congo Assistance, qui a accepté d'apporter son parrainage et son soutien sans réserve à cet évènement et qui a confirmé son appui aux différentes manifestations programmées et à venir. Le Groupement UATI-UISF est très sensible à l'implication de la Direction Générale de l'UNESCO ainsi qu'à la mise à disposition de ses structures. Mes remerciements vont droit à l'ensemble des Conférenciers qui se sont rendus disponibles, malgré leurs charges de travail et nous ont produit des interventions riches et de grande qualité. Ils vont ensuite aux organisateurs et aux différentes équipes de travail de l'UATI-UISF pour leur mobilisation et leur efficacité. Je vous remercie de votre aimable attention, vous souhaite une bonne soirée et un bon retour à ceux qui sont venus de loin.

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IX. SOIXANTIEME ANNIVERSAIRE

DE LA CREATION DE L’UATI PAR L’UNESCO

A. Historique

1. Qu’est-ce que l’UATI ? L’UATI est une ONG internationale à vocation technico-scientifique. Ses activités ont constamment évolué en fonction des centres d’intérêt de l’UNESCO et au gré des contextes mondiaux et des défis qui en découlent. Elle se compose de membres collectifs ayant des compétences scientifiques ou techniques et des activités internationales. Elle entretient des relations privilégiées avec l’ONUDI, la FAO et l’ECOSOC.

2. Création de l’UATI

L’UATI fut créée par l’UNESCO le 2 mars 1951 avec pour missions immédiates :

assurer un trait d’union entre l’UNESCO et l’Industrie ; coordonner les activités des associations adhérentes à l’UNESCO ; aider à la formation de nouvelles organisations dans les domaines insuffisamment

représentés par les associations existantes ; développer les relations d’assistance mutuelle entre les associations adhérentes ainsi

qu’avec d’autres associations similaires. Ainsi l’UATI a été une des premières ONG à l’UNESCO. Elle était classée comme organisation de catégorie A, avec le statut le plus élevé dit de relation de consultation et d’association. Un arrêté du Ministère de l’Intérieur français, du 25 novembre 1952, officialise l’existence juridique de l’UATI. Pour illustrer le développement des activités de l’UATI et l’évolution de ses relations avec l’UNESCO, nous considérons successivement les 3 étapes suivantes.

3. Période 1951-1965

Cette période se caractérise par une coopération active de l’UATI avec l’UNESCO qui lui assurait une aide financière directe. Au cours de cette période, l’UATI a engagé un important travail sur l’élaboration de dictionnaires multilingues concernant divers domaines techniques.

4. Période 1965-1999

À partir de 1965, la subvention directe de l’UNESCO a cessé. L’aide s’est poursuivie sous la forme de contrats en vue de réaliser des missions précises. Ce changement a amené l’UATI à faire évoluer ses activités et à élargir ses relations.

Parmi les nouveaux champs d’intervention, citons en particulier les axes suivants :

énergie, environnement et développement ; coopération Université-Industrie :

2 importants Congrès internationaux ont été organisés par l’UATI en 1995 et 1997 ; réduction des catastrophes naturelles, dont notamment :

- éradication des gaz nocifs du lac Nyos au Cameroun, - séminaires inter-caraïbes.

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En 1994, pour répondre aux souhaits de l’UNESCO, un rapprochement s’est produit entre l’UATI et la FMOI en vue de remplir des missions communes en matière d’ingénierie et de développement technologique. Dans ce but, une ONG faîtière a été créée : l’ICET (Conseil International des Sciences de l’Ingénieur et de la Technologie). Les objectifs poursuivis par l’ICET n’ont pas été atteints. En effet, l’UATI et la FMOI ont des structures différentes et des modes d’action distincts. Officiellement, l’ICET a été dissous en 2011. 5. Période 2000-2012 Bien qu’elle soit courte, cette période a été riche en événements. L’UATI a subi un acharnement calomnieux inattendu et surprenant. Il a fallu le contenir et continuer à progresser. Il nous a causé une forte perte d’énergie et de temps. L’UATI a poursuivi son action dans le respect des axes stratégiques majeurs de l’UNESCO tels que :

amélioration de la sécurité humaine grâce à une meilleure gestion de l’environnement ; adaptation des politiques scientifiques aux besoins de la société ; développement urbain sous toutes ses formes ; protection des populations vis-à-vis des risques naturels ; conservation du patrimoine urbain.

Parmi ses interventions, citons les manifestations suivantes en France :

le séminaire méditerranéen sur « La gestion des risques urbains », Marseille, décembre 2003 ;

la conférence internationale sur « La mobilité et la cohésion sociale dans les mégapoles », UNESCO-Paris, mai 2004 ;

le séminaire « L’accès à l’énergie pour tous », UNESCO - Paris, octobre 2006 ; le séminaire international sur « La valorisation du patrimoine urbain en Méditerranée »,

2008 ; le séminaire international sur « Le patrimoine urbain en Europe et en Méditerranée », 2010 ; l’étude préliminaire du programme « Médinas 2030 » pour le compte de la BEI : étude pilotée

par l’UATI, 2010 ; le séminaire « Traitement des déchets et des eaux usées », UNESCO - Paris, novembre 2010 ; l’accord européen CWA (CEN Workshop Agreement) « Développement durable des villes

historiques et culturelles », adopté par le CEN en octobre 2010 et publié début 2011 – action pilotée par AVEC, mais avec une forte implication de l’UATI ;

le séminaire « Innovation et Technologie pour le développement », UNESCO – Paris, juin 2011 ;

le colloque « Comment diminuer la fracture existant entre les propositions des Nations Unies et les décisions des Gouvernements en matière de développement durable ? » UNESCO – Paris, juin 2011 ;

l’organisation d’un campus Euro-méditerranéen « Prévention du patrimoine culturel face aux risques naturels », en association UATI-AVEC, juillet 2011 ;

la conférence « Éducation et culture de la paix », UNESCO – Paris, mars 2012. Depuis 2004, les actions de l’UATI sur le plan international se sont confondues avec celles de l’UISF. Le site www.uisf.fr reprend les principales actions réalisées depuis 2003 et en annexe vous trouverez le programme 2012. 5.1. Union Internationale des Ingénieurs et des Scientifiques utilisant la langue française (UISF) L’UISF a été créée à l’initiative de l’UATI, il y a 25 ans. En 2003, ses objectifs ont été actualisés et son fonctionnement profondément remanié. Ces deux associations se sont rapprochées pour créer un groupement UATI-UISF se consacrant exclusivement aux priorités de l’UNESCO.

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Un des objectifs principaux de l’UISF est de créer un espace d’échange, de coopération et de réalisation en

commun de projets d’intérêt régional ou général.

Dans ses interventions sur le plan international, son mode d’intervention privilégié est d’agir à travers ses

Réseaux régionaux.

Les activités de l’UISF dans sa forme nouvelle ont débuté en septembre 2003. Les opérations qui on été

menées depuis cette date ont permis d’asseoir sa crédibilité et de conquérir la confiance de ses partenaires.

Elles répondaient toutes à des besoins exprimés. Dès le début, une cellule a été créée pour être à l’écoute

de ses partenaires et des ses Réseaux régionaux. L’UISF a toujours été attentive à leurs sollicitations et a

agi le mieux possible.

Ainsi, après quatre mois d’existence, en décembre 2003, l’UISF a organisé, à la demande de ses

partenaires tunisiens, son premier séminaire à Tunis, sous l’égide du Ministère de l’Équipement, sur "la

Pathologie des Constructions". Cette opération a été le point de départ d’un important programme de

collaboration entre l’UISF et les Pays du Maghreb. Par cette opération, l’UISF a voulu montrer sa volonté

d'agir et de répondre rapidement aux sollicitations qui lui sont adressées.

Les objectifs visés par l’UISF couvrent un champ d’activités très étendu et les besoins à satisfaire sont énormes. Bien entendu, elle ne peut pas être présente partout, répondre à toutes les demandes et intervenir sur tous les sujets. Afin de cadrer les interventions et de bien cerner les actions, les règles suivantes ont été imposées: avec les autres associations, scientifiques ou techniques, rechercher la complémentarité et la

collaboration. Pour sa part, l’UISF est prête à associer à ses programmes des partenaires qui partagent ses préoccupations ;

bien cibler les actions et répondre à des besoins exprimés. Il importe que les bénéficiaires, adhérents ou non à l'UISF, soient des partenaires actifs qui partagent avec elle l'effort à fournir et la charge à supporter ;

éviter la dispersion et les interventions ponctuelles sans lendemain. Les actes de l’UISF doivent s'inscrire dans le cadre d'un programme global ayant des objectifs clairs. La continuité dans les actions, leur cohérence et l'obtention de résultats concrets et exploitables sont des exigences essentielles ;

pour les interventions sur le plan international, compter sur les réseaux, régionaux ou par spécialité. C'est à travers eux qu’agit l’UISF.

C’est sur ces bases que l’UISF a mené ses interventions de manière satisfaisante. En particulier, elle a tenu à Dakar, en décembre 2006, un important colloque « Enseignement supérieur, Recherche et Développement industriel ». Près de 15 pays africains y ont pris part. Pour satisfaire aux recommandations adoptées, un intense travail sur le terrain a été mené avec l’appui de ses réseaux en Afrique. En janvier 2010, l’UATI-UISF a remis à l’UNESCO, dans le cadre du programme de participation 2008-2009, un rapport « Science et Technologie pour le Développement en Afrique ». Ce document résume la situation sur le plan scientifique et technologique et préconise un plan d’action. Ce plan a été présenté à la réunion du Comité sur les ONG du Conseil exécutif de l'Unesco le jeudi 1er avril 2010. Il préconise diverses actions qui ont été immédiatement mises en application. Dans ce cadre, les deux Conférences maghrébines, à Tunis en 2010 et à Rabat en 2011, ont rassemblé respectivement 400 et 350 participants. La Conférence de Rabat a bénéficié d’une bienveillance exceptionnelle de la part des autorités marocaines. Quatre ministères ont apporté leur parrainage et deux Ministres sont intervenus à l’ouverture et à la clôture. A la Conférence de Libreville en octobre 2012, le Premier Ministre et six ministres de son gouvernement nous ont fait l’honneur d’ouvrir cette manifestation et d’assister au début des travaux. La prochaine Conférence est prévue à Alger en octobre 2013. Cinq séminaires d’approfondissement, pris en charge par cinq établissements algériens distincts, préparent cette rencontre.

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En plus des Conférences annuelles, notre démarche comporte, la constitution de Groupes de Réflexion et l’organisation de séminaires et d’ateliers pour approfondir divers points liés au développement. L’objectif final est de remettre aux autorités concernées et aux instances intéressées des recommandations concrètes et des conclusions pratiques résultant des travaux réalisés. Le succès rencontré montre que cette démarche répond à une attente. Les encouragements reçus incitent à poursuivre cette action. Les interventions de l’UATI-UISF ne se limitent pas au monde francophone. Elle est ouverte à toute collaboration ayant pour objectif le développement technico-économique et sociétal. 5.2. Accord-Cadre avec l’UNESCO

L’UATI a signé, en septembre 2011, un accord-cadre qui régit leur coopération. Nous donnons ci-après les deux premiers articles qui en précisent l’objet et les domaines concernés.

Article 1er – Objet

L'objet du présent accord est d'établir, pour une durée de 6 ans, un cadre général dans lequel l'UATI

se charge d'exécuter, pour le compte de l'UNESCO, certaines tâches prévues dans le programme de

cette dernière.

Article 2 - Responsabilités générales

L'UATI s'attachera à favoriser dans ses activités celles qui correspondent à la stratégie de l’UNESCO et à ses priorités. Elle privilégiera, en particulier, celles qui se rapprochent des deux axes suivants, actions qui seront menées en liaison étroite avec le Secteur des Sciences.

Sciences, technologie et innovation au service du développement. L’approche suivie par l’UATI consiste à contribuer aux deux objectifs essentiels suivants :

o développer les capacités des pays en vue d’éradiquer la pauvreté, en augmentant son

potentiel humain et de production, d’améliorer le bien-être des populations et de freiner la fuite des cerveaux,

o maîtriser le savoir au service du développement durable.

Pour atteindre ces deux objectifs, l’UATI sera amenée à entreprendre des actions qui nécessitent parfois un rapprochement avec divers Secteurs de l’UNESCO. Citons notamment les activités suivantes :

éducation adaptée : sciences de l’ingénieur, formation technologique et professionnelle, apprentissage tout au long de la vie professionnelle pour accéder à de nouvelles connaissances ou compétences, renforcement de la capacité des pays à conduire le développement par la formation de décideurs,

renforcement du potentiel d’un pays et de ses capacités, en favorisant l’accès des femmes aux sciences et à la technologie,

développement de l’approche éthique dans l’exploitation des sciences et des technologies, développement des infrastructures (TIC, voies de communication...)

gestion de l’eau : eau et santé, sécheresse, désertification,… maitrise de l’énergie et ressources énergétiques, sciences de la vie et génie génétique, priorité Afrique : l’UATI accorde une place particulière à l’Afrique dans ses activités, et la

privilégie dans ses interventions : approfondissement de notions de base et leur prise en compte dans l'enseignement technique (chaîne du progrès, villages solaires, pérennité des installations, gestion des ouvrages, référentiels techniques...) ; formation des jeunes aux techniques de base

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(maintenance et fiabilité des équipements, techniciens de laboratoires...), resserrement des liens

universités-industrie, transferts technologiques et adaptation de nouvelles technologies, coopération inter-régionale en matière de recherche et d'organisation de cycles de formation sur des techniques avancées...

Gestion des risques, et prévention des catastrophes naturelles ou industrielles.

Les actions de l’UATI visent les deux objectifs suivants :

o atténuation des effets négatifs des catastrophes naturelles ou industrielles, o renforcement des capacités scientifiques et technologiques pour protéger les populations, les

patrimoines et l’environnement par - la formation d’un personnel spécialisé et la sensibilisation des populations,

- le développement d’un urbanisme adapté pour les villes dans les pays en voie de développement.

Le Groupement UATI-UISF est le principal acteur dans la réalisation de ce programme.

6. Conclusions Depuis 60 ans, l’UATI, qui a été une des premières ONG créées par l’UNESCO, a toujours agi dans le respect des axes majeurs de cette Organisation. Le Conseil Exécutif vient de la reclasser comme partenaire officiel de l’UNESCO, avec le statut d’Association. De fait, elle reste un partenaire ayant des obligations à remplir. Elle met l’expérience acquise sur le terrain et la compétence de ses experts à la disposition de l’UNESCO pour intervenir dans l’exécution de ses programmes. Son parcours est marqué par des périodes fortes et des moments difficiles. Actuellement, nous sommes dans une période d’expansion intense. Dans ses programmes de coopération, l’UATI-UISF agit de préférence sur le plan régional. Elle vise le « Développement technico-économique et sociétal par l’Education, la Science et la Technologie », ainsi que, par voie de conséquence, la lutte contre la pauvreté. La notion de « chaîne du progrès » que nous avons déjà présentée dans divers rapports, guide notre action. La science et les nouvelles acquisitions de la recherche, ainsi que l’ingénierie et la formation professionnelle, sont des maillons essentiels dans cette chaîne. Son bon fonctionnement conduit à l’innovation et à la croissance. Pour mener à bien nos interventions, nous comptons sur nos réseaux locaux et sur un important groupe d’experts bénévoles prêts à s’investir pleinement et à se rendre sur le terrain. Dans l’immédiat, le Groupement UATI-UISF privilégie dans ses activités les deux premières priorités de l’UNESCO : Éducation, Science et Technologie pour le Développement en Afrique ; Femmes et Développement.

Un principe général guide nos actions : ne s’engager que dans des opérations ayant des objectifs clairement définis, en évitant les interventions ponctuelles sans lendemain

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B. Contribution de S.Exc. Monsieur Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie

Note liminaire L'Union Internationale des Associations et Organismes Techniques (UATI) a été créée le 2 mars 1951 à l'initiative de l'UNESCO, dans le but de faciliter ses relations avec l'ingénierie et les milieux industriels (classement UNESCO catégorie A). Dans ce cadre, l'UATI assure la représentation de l'ingénierie et de la technologie à l'international dans des domaines pluridisciplinaires. L’Union Internationale des Ingénieurs et Scientifiques utilisant la langue française (UISF) est à la fois une émanation et un membre de l'UATI. En 2003, les deux ONG ont conjugué leurs efforts et mobilisé leurs moyens pour constituer le Groupement UATI-UISF et agir ensemble en faveur des priorités de l’UNESCO. Depuis cette date, l’OIF a suivi les activités de l’UISF, réalisées aussi bien dans le cadre du Groupement UATI-UISF qu’en dehors de celui-ci.

L’engagement francophone, le sens des réalités du développement et la volonté d’efficacité de l’Union Internationale des Ingénieurs et des Scientifiques utilisant la langue française (l’UISF) sont loin de m’être inconnus. Je ne peux manquer de les louer à nouveau, au moment où l’on célèbre le 60ème anniversaire de la création de l’UATI par l’UNESCO et où y est accueillie sa première Conférence du cycle « Femmes et Développement en Afrique ». En effet, depuis 2003 et le premier colloque africain de Dakar en 2006 sur « L’Enseignement supérieur, la Recherche et le Développement industriel en Afrique », jusqu’à la toute récente Première Conférence pour l’Afrique subsaharienne sur le thème « Éducation, Science et Technologie pour le Développement en Afrique », l’UISF n’a cessé de se mobiliser. Cette dernière Conférence s’est tenue conjointement avec le Colloque « Normalisation et Développement en Afrique », les 15 et 16 octobre 2012 à Libreville (Gabon), juste après notre XIVème Sommet de la Francophonie à Kinshasa, en liaison avec la délégation permanente du Gabon auprès de l’UNESCO et en collaboration avec le Réseau Normalisation et Francophonie (RNF) et les partenaires locaux. Elle faisait suite aux deux Conférences maghrébines annuelles de Tunis en 2010 et de Rabat en 2011. L’UISF s’est donné pour objectif d’agir en faveur du progrès technico économique et d’œuvrer de façon déterminée et cohérente au renforcement des compétences africaines et maghrébines francophones, à l’amélioration des connaissances et aux transferts de technologies adaptées à des pays très divers dans leurs besoins et leurs possibilités, sans jamais perdre de vue son axe : une action fondée sur le partage d’une langue, le français, et d’un idéal, le savoir au service du développement. Dans cet esprit, l’UISF a joué un rôle déterminant dans une décision récente et capitale de la Francophonie de reconnaitre l’importance du rôle des associations de professionnels francophones, qui apportent un soutien vital au français comme langue technique, scientifique, économique, financière …, conformément à l’article 40 de la Déclaration du XIIIème Sommet de Montreux. De même, en 2012, aussi bien lors de la Journée de la Francophonie du 20 mars, qu’à l’occasion du Forum mondial de la langue française, à Québec début juillet, l’UISF a apporté un éclairage nécessaire touchant la compréhension des nouveaux défis qui se posent au français dans les pays en développement et sur la réponse qu’il convient d’y apporter. Aujourd’hui l’UISF consolide les actions entreprises dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne et travaille à atteindre le même objectif de rassemblement et de coopération, comme elle est parvenue à le faire au niveau du Maghreb, en soutenant la culture scientifique et technique comme outil essentiel de développement, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les plans culturel et social. Sans cet attachement obstiné à la fonction essentielle des sciences et des technologies dans l’amélioration de la situation des populations, où qu’elles vivent, et au rôle du français dans la diffusion et la compréhension des savoirs essentiels, il n’y a ni développement, ni francophonie viables. C’est l’honneur de l’UISF de se battre pour cela. C’est son honneur de ne jamais manquer une occasion de rassembler les personnes de bonne volonté et de former les scientifiques et les techniciens de l’avenir, comme elle le fait une nouvelle fois dans l’organisation de ce colloque sur le thème « Femmes et Développement en Afrique ».

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C. Intervention de S.Exc. Monsieur Papa Momar DIOP, Ambassadeur, Délégué permanent du Sénégal auprès de l’UNESCO

Depuis 2006, la Délégation Permanente du Sénégal suit avec intérêt les activités de l’UATI - UISF, notamment celles qui se rapportent au développement technico-économique en Afrique. Et ces activités ne cessent de prendre de l’ampleur. Pour résumer, citons les étapes principales de cette opération. En décembre 2006, un important colloque, intitulé « Enseignement supérieur, Recherche et Développement industriel » s’est tenu à l’Ecole Polytechnique de Dakar, en collaboration avec l’UISF. Une douzaine de pays africains y étaient représentés. A l’issue du colloque, une recommandation portant sur le lancement d’un programme de collaboration sur le thème « Education, Science et Technologie pour le Développement en Afrique » a été adoptée à l’unanimité et l’UISF a été sollicitée pour mettre en œuvre ce projet. Au cours de la période 2007-2009, l’UISF a entrepris un travail en profondeur pour dégager les priorités et définir un schéma directeur. En juin 2009, l’AGEPAR (l’Association des Gestionnaires et Partenaires Africains des Routes) a tenu ses Assises à Dakar. A cette occasion, et à l’initiative de Monsieur Ousmane DIOP, Délégué permanent adjoint du Sénégal auprès de l’UNESCO, une réunion s’est tenue dans le bureau du Ministre des Infrastructures du Sénégal, au cours de laquelle Monsieur Absi a présenté les résultats des travaux préparatoires déjà réalisés, ainsi que l’accord-cadre de coopération qu’il venait de signer avec l’AGEPAR. Monsieur le Ministre a apprécié le travail entrepris et encouragé la mise en application du programme préconisé. En janvier 2010, l’UATI - UISF a remis à l’UNESCO, dans le cadre du Programme de Participation, un rapport intitulé « Science et Technologie pour le Développement en Afrique ». Il analyse la situation en Afrique sur le plan technico-économique et présente un programme d’action pour deux zones distinctes : le Maghreb et l’Afrique Subsaharienne. Ce rapport a été très largement diffusé et il a fait l’objet de deux interventions de Monsieur Absi :

- L’une à la réunion du comité sur les ONG du Conseil Exécutif de l’UNESCO, le jeudi 1er avril 2010 ;

- L’autre à la réunion plénière du « Groupe Afrique » de l’UNESCO, le 10 Juin 2011. Plus récemment :

Trois Conférences majeures ont déjà eu lieu : - à Tunis en décembre 2012, - à Rabat en décembre 2011, - et à Libreville en octobre 2012.

Une Conférence est programmée pour octobre 2013 à Alger. Cinq séminaires préparatoires d’approfondissement sont déjà engagés.

Trois équipes travaillent actuellement pour préparer les étapes suivantes en Afrique subsaharienne : au Congo, en Côte d’Ivoire et au Sénégal.

Tout ceci témoigne d’une dynamique puissante en faveur du développement technico-économique en Afrique. Le succès que rencontrent ces conférences, l’intérêt qu’elles suscitent et l’ampleur que prennent les travaux montrent bien que la démarche suivie répond à une attente. Nous ne pouvons qu’encourager tous les acteurs qui interviennent dans ces opérations et inciter l’UATI - UISF à étendre son action à tous les pays africains qui le souhaitent.

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D. Intervention de Monsieur François AILLERET, Président sortant de l’Institut Pasteur et de l’AFNOR, Directeur général honoraire d’EDF, Membre d’honneur de l’UISF

J’ai rencontré l’UATI pour la première fois il y a bien longtemps, par l’intermédiaire de Roger GINOCCHIO qui en était le Président. Ce n’est que plus récemment que j’ai participé à son activité dans le cadre de l’UISF qui a toute sa place au sein de l’UATI. Je veux souligner la pertinence de deux initiatives :

La première, celle de l’UNESCO qui a créé l’UATI pour apporter de la cohérence, des synergies, de la coordination à des organismes ayant comme objectif commun l’aide, sous des formes très diverses, aux pays en développement ou en transition.

L’autre initiative c’est celle de l’UATI qui a donné naissance à l’UISF et en a fait un de ses membres, à la personnalité originale.

L’UISF a clairement montré son efficacité dans le domaine de la science et de la technologie avec un champ d’action particulier, celui de la francophonie. Le partage de la langue française, la culture scientifique et technique, l’art de l’ingénieur, ont constitué le ciment des membres de l’UISF. Le dynamisme de ses responsables, et tout particulièrement aujourd’hui du Président Elie ABSI, a permis au fil des ans de développer un programme d’actions pragmatiques et centrées sur les priorités des pays en développement. J’en donnerai trois illustrations que j’ai personnellement vécues en tant que Président de l’Association Française de Normalisation, l’AFNOR :

En 2008, s’est tenu à Dakar un colloque sur « Normes et Développement » qui a permis d’illustrer à quel point la normalisation pouvait être un facteur de croissance des pays africains. En effet la conformité aux normes, pratiquement devenues aujourd’hui internationales, est un moyen privilégié et peu coûteux pour donner aux produits et services un label, un « passeport », qui leur permet de franchir les frontières. Mais également pour faire connaître les bonnes pratiques et éviter ainsi aux pays en développement de reproduire dans leur démarche de croissance, les mêmes erreurs que les pays développés ont pu commettre.

Les échanges ont été très constructifs et ont montré ce que la normalisation pouvait apporter aux pays en développement pour augmenter la valeur ajoutée des produits et services, pour renforcer les acteurs économiques de ces pays et enrichir une gestion rationnelle des ressources de base comme l’eau, le bois ou l’énergie.

En 2010, j’ai participé à Tunis à la conférence organisée par l’UISF sur « Science et Technologie pour le Développement du Maghreb ».

A cette occasion on a évoqué l’importance d’une présence active des normalisateurs des pays en développement dans les instances internationales pour faire valoir leurs spécificités. La conférence a abordé tous les domaines de la normalisation qui, au-delà des produits et services, couvrent également les systèmes de management et des sujets transverses comme la métrologie, la sécurité ou les questions sociétales. Ce sont donc les problèmes de fond du développement qui ont été au cœur des échanges. Enfin, il y a quelques semaines, l’UISF a tenu une place essentielle dans la Semaine Nationale de la Qualité organisée au Gabon à Libreville avec une large participation internationale.

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Personnellement, je suis intervenu pour dire ma conviction que l’Afrique était engagée dans une période durable de progrès économique et social. Pour entretenir cette dynamique, l’Afrique a besoin d’augmenter sa part du commerce mondial, ce qui exige une croissance en volume et en valeur de ses exportations. Cela suppose une modernisation des acteurs économique, pour garantir leur compétitivité en termes de coûts mais aussi en termes de qualité de leur production. Ce sont là des domaines où la normalisation et la certification peuvent apporter une contribution unique, efficace et peu coûteuse. Mon témoignage ne porte que sur un domaine particulier, celui de la normalisation, mais dans le monde compliqué et internationalisé dans lequel nous vivons, il me semble bien illustrer le rôle de l’UISF et plus largement de l’UATI et de ses membres.

Aussi il faut être très reconnaissant à l’UNESCO d’avoir eu la clairvoyance de créer l’UATI il y a 60 ans. Il convient aussi de souhaiter à tous ceux qui agissent dans le cadre de l’UATI de poursuivre leur action avec conviction et courage. Plus que jamais les pays en développement ont besoin de leur contribution. Les progrès de ces pays sont d’ailleurs très positifs pour les pays avancés. Il s’agit là d’un jeu gagnant-gagnant. Je vous remercie de votre attention.

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ANNEXES

Programme UATI-UISF 2012

Toutes nos actions de coopération répondent à des besoins exprimés par des instances compétentes et doivent viser le développement. Dans nos interventions, nous privilégions les priorités de l’UNESCO et nous évitons les actions ponctuelles sans lendemain ou qui n’ont pas d’objectifs clairement définis. Elles sont organisées et menées en liaison avec nos réseaux régionaux et en collaboration avec nos partenaires locaux.

1. Appui au congrès « Évènements extrêmes fluviaux et maritimes » de la Société Hydrotechnique de France (SHF), UNESCO - Paris, 1er février 2012.

2. Séminaire « Liban : Maîtrise de l’énergie – État des lieux et opportunités », en partenariat avec la

Chambre de Commerce franco-libanaise, UBIFRANCE - Paris, 8 février 2012. 3. Séminaire «Éducation et culture de la paix », UNESCO – Paris, 13 mars 2012. 4. ● Colloque « Conservation du patrimoine bâti », organisé en collaboration avec l’Université de

Tlemcen (Algérie), 23 juin 2012 ; ● Réunions de travail à l’Université d’Alger USTHB, 24 et 25 juin 2012, en vue de la préparation de

la troisième Conférence « Science et technologie pour le développement au Maghreb » prévue à Alger en 2013.

5. Contribution au Forum Mondial de la langue française, Québec (Canada), 2-6 juillet 2012.

Les organisateurs du Forum invitent 20 personnes membres de l’UISF venant de divers établissements d’Afrique (écoles d’ingénieurs, laboratoires nationaux, organisations professionnelles, …). Le but est de faire connaître les travaux de coopération menés avec l’UISF et d’élargir la collaboration à d’autres partenaires. A cet effet, nous organisons un atelier autour du thème « Éducation, Science et Technologie pour le Développement en Afrique ».

6. Colloque « Durabilité structurelle et environnementale des constructions », Beyrouth (Liban), 27-

29 septembre 2012, en collaboration avec l’Ordre des Ingénieurs et Architectes de Beyrouth (OIAB), Colloque remis à une date ultérieure. 7. ● Première Conférence pour l’Afrique subsaharienne sur le thème « Éducation, science et

technologie pour le développement en Afrique » ; ● Colloque « Normalisation, développement et coopération internationale ». Ces deux manifestations se tiendront à Libreville (Gabon) les 15 et 16 octobre 2012, en liaison avec la Délégation du Gabon auprès de l’UNESCO, en collaboration avec le RNF et avec nos partenaires locaux (ANTT et LBTPG).

8. Colloque « Conception et exécution des routes – Nouvelles technologies », Beyrouth (Liban),

novembre 2012, en collaboration avec l’Ordre des Ingénieurs et Architectes de Beyrouth (OIAB). 9. Nouveau secteur d’activité : « Femmes et développement », thème prioritaire de l’UNESCO

Deux pôles sont prévus : - Pôle 1 : Femmes et Afrique - Pôle 2 : Femmes et Développement par l’Éducation, la Science et la Technologie

Page 66: Actes de la Conférence FEMMES ET … · Cette conférence s'inscrit donc dans l'axe de travail de l'UNESCO et participe à la préoccupation majeure de cette Institution sur les

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Lancement prévu à l’occasion du colloque « La recherche au service de la santé et de l’esthétique de la femme africaine », 29 novembre 2012 à l’UNESCO - Paris

10. Célébration du 60ème anniversaire de la création de l’UATI par l’UNESCO, novembre 2012.

11. Cycle de formation « Génie sismique – Dynamique des sols » organisé en liaison avec l’UITI-USF par

le centre universitaire Ain Temouchent, Algérie, décembre 2012.

Préparation des activités 2013 Les travaux en cours portent notamment sur l'organisation des rencontres suivantes:

Troisième Conférence maghrébine « Science et technologie pour le développement au Maghreb », Alger 2013.

Cette Conférence comprend : 5 séminaires d’approfondissement :

- La géotechnique au Maghreb, par l’Université USTHB d’Alger ; - Eau et Développement durable, par l’École Polytechnique d’Alger ; - Conservation du patrimoine bâti, par l’Université de Tlemcen (point 4) ; - Génie sismique, par le Centre Universitaire de Aïn Temouchent (point 11) ; - Eau, Énergie et Réchauffement climatique, par l’Université de Tlemcen.

des ateliers ou tables rondes sur les thèmes suivants : Eau et Énergie, Réactivation du Groupe

Maghrébin de Génie sismique, Conservation du patrimoine.

des Séances plénières.

Colloque « Modélisation numérique en hydraulique », organisée à Casablanca en mai 2013, en partenariat avec l’École Hassania des Travaux Publics et l’Association Internationale d’Ingénierie et de Recherche Hydraulique et Environnementale.

Discussions relatives à des actions éventuelles à Abidjan, Brazzaville, Dakar.