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LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 19 N°19 | MAI 2014 UNE DÉCENNIE EN MOUVEMENT 13 ANS À LA TÊTE DU CHŒUR SAISON 14-15 SOUS L'EMPRISE DE L'AMOUR APRÈS AIX-EN-PROVENCE, STRASBOURG ET BRUXELLES, LE DE ROBERT CARSEN EMBRASE LA NOUVELLE SAISON LA WALLY RIGOLETTO BALLET DU GRAND THÉÂTRE CHING-LIEN WU APRÈS LE FILM CULTE DIVA, L'AIR DE RETROUVE TOUT SON ÉCLAT DANS LA NOUVELLE PRODUCTION DU GRAND THÉÂTRE LES ABONNÉS DU TEMPS BÉNÉFICIENT DE 15% DE RÉDUCTION AU GRAND THÉÂTRE.

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Journal du Cercle du Grand Théâtre et du Grand Théâtre de Genève - N°19 - Juin 2014

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LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

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UNE DÉCENNIE EN MOUVEMENT

13 ANS À LA TÊTE DU CHŒUR

SA ISON 1 4 - 1 5

SOUS L'EMPRISEDE L'AMOUR

APRÈS AIX-EN-PROVENCE, STRASBOURG ET BRUXELLES, LE

DE ROBERT CARSENEMBRASE LA NOUVELLE SAISON

LA WALLY

RIGOLETTO

BA L L ET DU GR A N D T H É ÂT R E

CHING-LIEN WU

APRÈS LE FILM CULTE DIVA, L'AIR DE

RETROUVE TOUT SON ÉCLAT DANS LA NOUVELLE PRODUCTION

DU GRAND THÉÂTRE

LES ABONNÉS DU TEMPSBÉNÉFICIENT DE 15%

DE RÉDUCTIONAU GRAND THÉÂTRE.

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Directeur de la publication Tobias Richter

Responsable éditorial Mathieu Poncet

Responsable graphique & artistique Aimery Chaigne

Ont collaboré à ce numéroKathereen Abhervé, Bienassis, Gisèle de Neuve, Daniel Dollé, Pierre Frei, Omar Garrido, Sandra Gonzalez, Frédéric Leyat, Wladislas Marian, Benoît Payn, Christopher Park, Mathieu Poncet.

Impression SRO-Kundig Parution 4 éditions par annéeAchevé d’imprimer en mai 20146 000 exemplaires

Il a été tiré 40 000 exemplaires de ce numéro et encarté dans le quotidien LE TEMPS

11, bd du Théâtre CP 5126 CH-1211 Genève 11 T +41 22 322 50 00F +41 22 322 50 [email protected]

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BUZZ OP 2-3Quoi de neuf dans le monde de l’opéra

à Genève et ailleurs

OPÉRATION 4-15La Wally... Le dernier bijou de Catalani

La Maledizione... Le retour du clown tristeMiruna Boruzescu. Elle ne viendra pas

Ching-Lien Wu ouvre une nouvelle partition EN BALLET 16-18

Philippe Cohen : une décennie en mouvement

PLEIN FEUX 20-25Retour de presse sur la saison 13-14

De Butterfly au bunraku CARNET DU CERCLE 26-27

Le mécénat, la clé du succès d'une saison artistique DIDACTIQUE 28-40

Saison 14-15 : « L'amour est éternel tant qu'il dure »Chère Gisèle

Le Liederabend Labo-MSous le charme de Wagner

Le vaisseau à quai

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Photo de couvertureLe tableau d'Albert

Bierstadt Mount Corcoran a inspiré la scénographie

d'Ezio Toffolutti pour la nouvelle production

de La Wally. © THE BRIDGEMAN ART LIBRARY

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Partenaire du Ballet du Grand Théâtre de Genève, la manufacture hor-logère Vacheron Constantin, la plus ancienne manufacture au monde avec une activité ininterrompue depuis sa fondation en 1755, organisait le 12 février 2014 un cocktail dînatoire à l’issue de la première repré-sentation de Mémoire de l’Ombre, le nouveau programme chorégraphié par Ken Ossola pour la compagnie genevoise. À la fin du spectacle, les invités se sont réunis dans le foyer du Bâtiment des Forces Motrices où ils ont pu partager leurs impressions avec le chorégraphe ainsi qu’avec les danseuses et danseurs de la compagnie. Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre a adressé quelques mots à un auditoire conquis par le ballet qu’il venait de voir. FL

L ' h e u r edu Ballet

Go Out ! vernis au barLe 6 février dernier, le Grand Théâtre de Genève accueil-lait pour la troisième fois, un vernissage du magazine Go Out !. Près d’une centaine de personnes avaient répondu présent pour célébrer, dans le bar de l’amphithéâtre, la sortie du numéro 18 de ce magazine culturel devenu incontour-nable dans le paysage média-tique du canton. M. Sami Kanaan, conseiller administra-tif en charge du département de la culture et du sport, a adressé à cette occasion quelques mots à l’assemblée. FL

(de gauche à droite)

Elvita Alvarez (collaboratrice personnelle du magistrat), Sami Kanaan, Olivier Gurtner (co-directeur de Go-Out !) et Murielle Perritaz (directrice du secteur programmes de Pro Helvetia).

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Le chorégraphe Ken Ossola et Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève.

Les 22 danseuses et danseurs du Ballet du

Grand Théâtre de Genève en compagnie de Philippe

Cohen, Ken Ossola et du scénographe Nicolas

Musin (tout à droite).

RectificatifDans la dernière édition d’ACT-0, plusieurs coquilles et erreurs factuelles ont échap-pé à l’œil du réviseur dans l’article de Christopher Park, « Voyage d’hiver de Jonas Kauf-mann ». C’est au printemps 2012, et non au printemps 2013 comme indiqué, que Jonas Kaufmann a suspendu à l’improviste ses engagements pour une durée d’environ trois mois. Plus loin, à la fin de l’article, il était dit que l’inté-gralité de la salle s’était ven-due en un temps record pour le récital de Jonas Kaufmann, or le record de vente des bil-lets semble être encore détenu par Renée Fleming, salle com-plète avant le début de la loca-tion au guichet. Merci à Mme Hélène Baud, de Carouge, pour sa lecture attentive et ses commentaires constructifs.

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Chœur en fêteLe mois d’avril a été particulièrement riche en activités pour le Chœur du Grand Théâtre. Outre leur participation à la production de Götterdämmerung, les artistes du Chœur et leur chef, Ching-Lien Wu, se sont produits lors de deux concerts exceptionnels, tant par l’intérêt des œuvres interprétées que par le défi artistique qu’elles représentent. Le 6 avril, au Foyer du Grand Théâtre, dans le cadre du Festival Musique & Sciences, le public a pu apprécier deux pièces très différentes d’Arnold Schoenberg : Friede auf Erden op. 13 à huit voix, composée en 1907 sur un texte du poète zurichois Conrad Ferdinand Meyer, première œuvre a capella du compositeur et la seule d’ins-piration chrétienne et De Profundis op. 50, composée en 1950 sur le Psaume 130, en hébreu, et qui est sa dernière composition achevée. Le 27 avril, dans la série des Concerts du Dimanche au Victoria Hall et dans le cadre du partenariat avec la Ville de Genève, le Chœur du Grand Théâtre, accompagné par l’organiste Diego Innocenzi et sous la direction de Ching-Lien Wu, a offert à une salle comble un bel hommage à Richard Wagner. Le programme était composé de trans-criptions pour orgue et de chœurs de Die Meistersinger von Nürnberg, Lohengrin, Götterdämmerung, Tannhäuser et Parsifal, ainsi que du cycle Drei Gesänge zu Tristan und Isolde, un arrangement pour 16 voix à ca-pella de Clytus Gottwald. L’accueil très chaleureux du public a salué le travail des artistes et de Ching-Lien Wu, qui après de nombreuses années à la tête des Chœurs, et ayant largement contribué à la réus-site de tant de spectacles, s’envolera vers d’autres cieux à la fin de cette saison. OG

Le Cercle de JonasDepuis trois saisons, le Cercle du Grand Théâtre et le Grand Théâtre de Genève coréalisent un concert exceptionnel et concrétisent ainsi une relation qui va bien au-delà du soutien financier. Ainsi, après la soirée consacrée à Igor Stravinski avec l’orchestre, les solistes et le chœur du Théâtre Mariinski placés sous la direction de Valery Gergiev (avec Gérard Depardieu comme récitant) ; après le récital de la fabu-leuse Elīna Garanča accompagnée par la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken dirigé par Karel Mark Chichon ; c’était au tour du célèbre ténor allemand Jonas Kaufmann d’être l’hôte de cette soirée de prestige. Accompagné au piano par Helmut Deutsch, il a interprété le Winterreise de Franz Schubert devant une salle comble. Suite à l'ovation qui a conclu ce récital, Jonas Kaufman s’est adonné à la traditionnelle séance de dédi-cace. Puis la soirée a continué dans les foyers du Grand Théâtre où un cocktail avait été organisé pour les membres du Cercle. FL

(ci-dessus)

Françoise de Mestral et Jean Kohler. (ci-dessus, à droite)

Thierry Servant, Charles de Mestral, Tobias Richter et Caroline Caffin.

(ci-contre)

Les artistes entourés par des membres du Cercle du Grand

Théâtre : S.A.S. la Princesse Andrienne d’Arenberg,

Tobias Richter, directeur du Grand Théâtre, Pierre-Alain Wavre,

Françoise de Mestral, Véronique Walter, la secrétaire du Cercle et son

président Luc Argand.

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Le Chœur du Grand Théâtre avec l'Orchestre de la Suisse Romande sous la baguette de Frédéric Chaslin lors de la version concertante de Sigurd d'Ernest Reyer en octobre 2013 au Victoria Hall. Ici avec les solistes Anne-Sophie Duprels et Marie-Ange Todorovitch.

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I ls sont légion celles et ceux qui avouent ne pas connaître, ou ne pas avoir vu La Wally, le cin-quième et dernier opéra d’Alfredo Catalani. Et pourtant, les cinéphiles ont entendu l’air le plus célèbre de cet opéra interprété par Wilhelmenia

Wiggins Fernandez, dans le film de Jean-Jacques Beneix Diva, sorti en 1981 et couronné par quatre récompenses lors de la cérémonie des Césars.

OUBLIÉ DANS LES RAYONS D’UNE BIBLIOTHÈQUE« Ebben? Ne andrò lontana » a tiré l’œuvre de l’oubli où il était tombé depuis sa création triomphale à La Scala de Milan, le 20 janvier 1892, sous la baguette d’Arturo Toscanini qui créa l’ouvrage au Metropolitan Opera en 1909 avec Emmy Destinn dans le rôle-titre et qui nom-ma sa fille Wally par admiration pour le compositeur. L’œuvre ne manque pas de charme, recèle de très beaux passages musicaux et mérite d’être découverte. Certes le livret n’a pas un intérêt dramatique exceptionnel, comme bien d’autres opéras, mais la musique composite peut être considérée comme une synthèse entre la fibre italienne et le romantisme allemand, deux composantes à priori antinomiques. L’influence wagnérienne est évi-dente, mais ne saurait faire oublier les autres, notam-ment celle de Weber, du grand opéra français, ou encore du vérisme naissant de l’époque.L’héroïne appartient à la galerie des personnages issus du romantisme décadent du XIXème siècle. Elle trouve ses origines dans un livre d’une obscure romancière bavaroise, Wilhelmine von Hillern. Die Geier-Wally (La Wally aux vautours) est parue en 1875, et c’est par hasard que Catalani a découvert le roman dans un jour-nal italien. Il se met à la recherche d’un librettiste. Son

éditeur, à l’époque Ricordi, ne lui est pas d’un grand secours, car il ne s’occupe que de Verdi et Puccini. Il se tourne alors vers Illica, le futur librettiste de Puccini et d’autres compositeurs véristes, et dont ce sera le deu-xième livret.À la fin heureuse du roman où l’héroïne disparaît dans une tempête de neige, le musicien et son librettiste subs-tituent une fin tragique où le héros est emporté par une avalanche et où l’héroïne se précipite à sa suite après une invocation à la neige purificatrice. Une fin qui n’est pas sans rappeler Floria Tosca se jetant du haut du châ-teau Saint-Ange. Les neiges des hauts sommets du Tyrol n’ont rien à envier aux coups de couteau et au soleil in-candescent du vérisme. Elles deviennent un personnage qui métamorphose un père autoritaire et borné, une fille vindicative, passionnée, violente et sauvageonne et un chasseur machiste mal dégrossi en héros. À la fois tout feu et tout flamme et plus froide que la glace, la Wally, habitée par des pulsions suicidaires, est attirée par les neiges éternelles brûlantes et fatales. L’air de Walter du premier acte peut sembler prémonitoire de la fin de l’ou-vrage. Il parle d’une jeune femme qui aspire à la pureté de la neige, périt dans une avalanche et se transforme en fleur, en edelweiss, peut-être.

Ebben? Ne andrò lontana, / Come va l’eco della pia campa-na... / Là, fra la neve bianca! / Là, fra le nubi d’or! / Laddove la speranza, la speranza, / È rimpianto, è rimpianto, è dolor! / O della madre mia casa gioconda, / La Wally ne andrà da te, da te lontana assai, / E forse a te, e forse a te non farà mai più ri-torno, / Ne più la rivedrai! / Mai più... mai più... / Ne andrò sola e lontana / Come l’eco della pia campana, / Là, tra la neve bianca! / N’andrò, n’andrò sola e lontana... / E fra le nubi d’or!Eh bien, je m’en irai loin, / Aussi loin que l’écho de la

par Daniel Dollé

La Wally...Le dernier bijou de Catalani

(ci-dessus)

Hariclea Darclée, la créatrice du rôle de Wally en 1892.

(au-dessus, à droite)

La maquette du décor de l'acte III.

> LA WALLY d'Alfredo Catalani DIRECTION MUSICALE Evelino Pidò MISE EN SCÈNE Cesare Lievi DÉCORS & COSTUMES Ezio Toffolutti WALLY Ainhoa Arteta / Morenike Fadayomi STROMMINGER Bálint Szabó VINCENZO GELLNER Vitaliy Bilyy GIUSEPPE HAGENBACH Yonghoon Lee WALTER Ivanna Lesyk-Sadivska

AFRA Ahlima Mhamdi IL PEDONE Bruno Balmelli Chœur du Grand Théâtre Orchestre de la Suisse Romande Au Grand Théâtre 18 | 20 | 22 | 24 | 26 | 28 juin 2014

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« Là-haut où se trouve l’aire des vautours… au bord du précipice vertigineux se tenait une silhouette de femme, vue depuis le bas, elle n’était guère plus grande qu’une fleur de rhododendron des Alpes, mais dont la silhouette se dessinait distinctement dans le bleu du ciel et sur les sommets glacés du lointain. Décidée et immobile, elle se tenait là, malgré le vent d’altitude qui soufflait et la menaçait, elle regardait sans vertige vers le précipice […]. Son courage et sa force étaient sans limite, comme si le vautour la prenait sous son aile, son esprit était abrupte et inabordable, comme les cimes rocheuses, sur lesquels les vautours construisent leur nid et qui déchirent les nuages dans le ciel… »WILHELMINE VON HILLERN, LA WALLY AUX VAUTOURS

pieuse cloche... / Là, à travers la neige blanche ! / Là, à tra-vers les nuages d’or ! / Là où l’espoir / Est regret, est re-gret, est douleur ! / Ô de toi ma mère, maison joyeuse, / La Wally s’éloignera, très loin de toi, / Et peut-être, peut-être ne reviendra-t-elle jamais plus vers toi, / Tu ne la rever-ras plus ! / Jamais plus... Jamais plus. / Je m’en irai seule et loin... / Aussi loin que l’écho de la pieuse cloche, / Là, à travers la neige blanche ! / Je m’en irai, je m’en irai seule et loin... / Et à travers les nuages d’or ! »La WaLLy, Wally (I, 1)

LES SOURCES DE LA WALLYMais que nous raconte le roman de Wilhelmine von Hillern ? Wallburga Stromminger, la jolie fille du paysan le plus riche de la vallée, avait grandi, fille unique, auprès de son père ambitieux, fier et sans cœur. Sa mère était décé-dée peu après sa naissance. Le père voit en la Wally l’héri-tière de la ferme et l’élève à la dure comme un garçon.Lorsque un vautour, prédateur de moutons, vint instal-ler son nid sur une paroi rocheuse au-dessus de la vallée, aucun des jeunes hommes du village n’osa s’approcher du nid. Stromminger se moque des couards, et, sous le regard de tout le village, il fait descendre sa propre fille encordée le long de la paroi, où Wally, armée d’un unique couteau, vide le nid sous les assauts enragés du vautour. Lorsque l’enfant égratigné et ensanglanté est remonté avec le poussin dans les bras, elle reçoit l’unique baiser de son père qu’elle n’avait jamais reçu auparavant, non pas par compassion, mais par fierté pour sa fille qui, par son courage, a couvert de honte tous les jeunes garçons du village. Elle élève le poussin comme un animal do-mestique, et depuis, on la nomme la Wally aux vautours.Au moment de sa confirmation, à l’âge de 16 ans, elle fait la connaissance du jeune Joseph Hagenbach qui vient

de tuer un ours qui menaçait la vallée voisine. Tous les cœurs se tournent vers le pimpant Joseph aux ours, et Wally tombe amoureuse de lui au premier regard. Seul le vieux Stromminger ne l’aime pas et délaisse la fête avec sa fille, après une brève rixe. Il avait eu, dans le passé, une affaire de coups et blessures avec le père de Joseph décédé. Lorsque pour la première fois de son enfance, Wally se met à pleurer, le père la bat avec sa canne.Pour des raisons financières, Stromminger veut marier sa fille avec Vinzenz Gellner, un jeune homme taciturne et peu communicatif, qui la poursuit depuis bien long-

(ci-dessus)

Les chutes de Staubbach, près de Lauterbrunnen (1865), une toile d'Albert Bierstadt qui a inspiré le décorateur Ezio Toffolutti pour sa scénographie.

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(ci-dessus)

Esquisse d'un des costumes de Wally par Ezio Toffolutti.

(en-dessous)

Quelques masques de la production sèchent au soleil aux

ateliers Sainte-Clotilde.

(ci-dessous)

Aux ateliers menuiserie Michel-Simon, le décorateur

Ezio Toffolutti en grande conversation avec Soizic

Rudant, chargée de fabriquer une marionnette-pantin pour un

costume de cette production.

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temps. Wally ne veut rien entendre. Comme il ne peut pas l’obliger, il la met au ban tout l’été sur le Hochjoch, un pâturage d’altitude entre les rochers et les glaciers, où elle vit seule et sans aide comme bergère de moutons et de chèvres. Seul Hansl, le vautour l’accompagne.À son retour, elle trouve Vinzenz Gellner, installé par son père malade, dirigeant la propriété. Suite à une rixe, elle met le feu à la grange et profite de la confusion pour fuir. Courtisée, mais ne parvenant pas à oublier Joseph, elle repart dans la montagne.Lorsque le père meurt, Wally devenue riche héritière re-vient au village, après avoir revu, par hasard, Joseph qui venait de sauver une femme des dangers de la montagne. Son séjour sur les sommets et ses épreuves l’ont rendue froide et d’une humeur massacrante. L’hypocrisie des habitants de son village l’aigrit encore davantage et la fait redouter comme son père. Consciente de sa force, elle fait savoir que seul celui qui pourra de force l’embrasser, serait son homme. Beaucoup essayent, mais échouent.Lorsque Joseph l’invite à danser et lui arrache un baiser qu’elle lui aurait bien donné sans lutter, il l’abandonne seule, au milieu de la foule en liesse, pour rejoindre Afra, celle qu'il avait sauvée des dangers de la montagne.Furieuse, aveuglée par la colère, Wally promet sa main à celui qui tuera Joseph et le déposera aux pieds d’Afra. Gellner, toujours épris d’elle, lui offre son bras vengeur. Il blesse Joseph de deux coups de fusil et le pousse dans le précipice. Lorsque Wally se précipite pour le rejoindre, elle entend des appels au secours. Joseph est toujours en vie. Encordée, elle descend le rejoindre et parvient à la sauver.Pendant que Joseph est soigné dans la propriété de Wally par Afra, l’héroïne se retire sur le Hochjoch et ne désire que la mort. Elle ne peut se suicider, le curé l’a interdit. Elle espère une mort miséricordieuse prochaine et le par-don céleste. Affaiblie et rejointe par Joseph désormais guéri, elle apprend la vérité. Afra est sa demi-sœur, et Joseph regrette son baiser volé et son attitude déplorable par la suite. Il a voulu se faire pardonner et se rendre, dans la nuit, auprès d’elle. C’est là que Gellner l’a agressée.Ils se pardonnent mutuellement, retournent à la ferme et partagent une année heureuse ensemble. « Wally et Joseph sont morts jeunes. Les tempêtes qu’ils avaient subies, avaient ébranlé leurs racines. », conclut la romancière.

QUE NOUS RACONTENT CATALANI ET ILLICA ?Vers 1800, dans un village tyrolien, le vieux propriétaire Stromminger, père de Wally, fête ses 70 ans. Il offre la main de sa fille à Gellner qui en est amoureux. Mais la jeune fille secrètement éprise de Hagenbach dont la fa-mille est détestée de son père, choisit de quitter la mai-son paternelle pour ne pas renoncer à son amour.Acte I - À Hochstoff, village sud-tyrolien, Stromminger, un propriétaire foncier, fête son soixante-dixième anni-versaire. Pendant un concours de tir, il parle avec Gellner du village rival voisin, Sölden. Walter, un jeune chanteur de ballades, passe par là, et se fait taquiner au sujet de son amitié pour la fille de Stromminger, la peu com-mode Wally. Un groupe d’hommes de Sölden revient de la chasse, avec à leur tête Hagenbach, qui se vante d’avoir tué un ours. Ceci est l’occasion pour Stromminger de lui chercher querelle, et Hagenbach le jette par terre. Wally fend précipitamment l’attroupement qui s’est formé, et empoigne Hagenbach pour l’écarter. Tout le monde s’en va atterré, sauf Gellner et Stromminger. Gellner insinuant que Wally est secrètement amoureuse de

Hagenbach, Stromminger en arrive à la conclusion que Gellner cache lui-même son amour pour la jeune fille. Il fait venir sa fille pour arranger leur mariage, mais elle refuse. Impuissante à convaincre son père, elle décide d’aller vivre dans les montagnes au-dessus du village.Acte II - Un an s’est écoulé. À la mort de son père, Wally a hérité de sa fortune. Elle est revenue au village. C’est le matin de la Fête-Dieu et Hagenbach, attablé avec ses amis à l’auberge d’Afra à Sölden discute de Wally, appa-remment inaccessible. Une fois les villageois partis à la messe, Gellner aborde Wally et la provoque en lui an-nonçant que Hagenbach va épouser Afra. Les gens com-mencent à danser et organisent sur la piste de danse un jeu dont le prix est un baiser. Hagenbach parie qu’il réus-sira à obtenir un baiser de Wally, mais il met la plume de son chapeau à l’envers, pour signifier que toute pro-messe qu’il fera est fausse. Il danse avec Wally et lui dit qu’il l’aime. Elle tombe dans ses bras et l’embrasse, mais revient sur terre lorsqu’on éclate de rire et réalise la feinte de Hagenbach. Furieuse et blessée, elle demande à Gellner de tuer Hagenbach.Acte III - Plus tard dans la soirée, Walter a raccompagné Wally à pied jusqu’à Hochstoff. À la nuit tombante Gellner revient aussi. Il se cache près du pont. Hagenbach, qui vient demander pardon à Wally, est précipité par Gellner dans le ravin. Il prévient Wally que la mission est accom-plie. Bouleversée, celle-ci descend précipitamment dans le ravin pour secourir Hagenbach. Elle réussit à remonter le jeune homme inconscient et le confie à Afra.Acte IV - Wally est retournée dans la montagne. Walter vient la voir et essaie de la persuader de revenir au village pour Noël. Elle refuse et Walter la laisse à sa rêverie. Elle ne reconnaît pas d’abord la voix de Hagenbach qui l’ap-pelle, mais il arrive finalement jusqu’à elle et la persuade de la sincérité de son amour. Au cours de la descente, une avalanche l’ensevelit. Les appels de Wally restent sans réponse et elle se jette à sa suite dans l’avalanche.

UNE PARTITION AUX MILLE TRÉSORSPour Catalani, La Wally sera le chant du cygne. Le com-positeur meurt à 39 ans, une année et demie après la création de son opéra en 4 actes, au cours de laquelle apparaissait le vérisme italien, un mouvement auquel Catalani n’appartient pas. Verdi, qui de son vivant, n’avait que mépris pour le compositeur qu’il qualifiait de maes-trino, dira de lui, après sa mort : « ce fut un homme bon et un musicien remarquable. » Un autre opéra « connu » de lui, Loreley fut représenté à Turin le 16 février 1890.De nombreuses cantatrices, dont la Callas et la Tebaldi ont succombé au charme de cette musique et ont enre-gistré au minimum l’air « Ebben? Ne andrò lontana ». Alors ne boudons pas le plaisir, laissons les musicologues mau-gréer et les soi-disant érudits asséner leurs anathèmes sur une partition qui recèle bien des trésors et qui peut procurer des plaisirs à celui qui veut bien la découvrir et l’entendre, en n’oubliant pas qu’il était peut-être difficile de percer entouré de Verdi et de Puccini. Accompagné par la RTS, Arte et Mezzo qui diffuseront le spectacle à l’antenne, le Grand Théâtre se réjouit de vous faire découvrir une œuvre trop rarement jouée, une copro-duction avec l’Opéra de Monte-Carlo qui présentera l’ouvrage pour commencer l’année 2016. Vous pourrez voir l’œuvre en live, la voir et la revoir avec un plateau prestigieux, sous la direction d’un habitué de la scène genevoise, Evelino Pidò. DD©

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Q ui d’entre vous ne connaît pas « La donna è mobile » ou encore « Caro nome », des tubes que l'on aime entendre et réentendre sans jamais se lasser, et qui ont séduit bien des générations. Le lendemain de la

première, on entendait siffler « La donna è mobile » dans les rues de Venise. Verdi avait pressenti ce succès, le 28 avril 1850, il écrivait à Francesco Maria Piave : « Si la police le permettait, il y aurait un sujet qui serait l’une des plus grandes créations du théâtre mo-derne. Qui sait ! Ils ont autorisé Ernani, la police permet-tra peut-être celle-ci aussi, qui ne contient aucune scène de conspiration. Essayons ! Le sujet est grand, immense et le personnage principal est une des plus belles et des plus fières créations du théâtre mondial. Il s’agit du Roi s’amuse, le personnage dont je parle est Triboulet, et si Varesi est sous contrat, tant mieux pour lui et pour nous. » Le Roi s’amuse est un drame historique en cinq actes et en vers de Victor Hugo représenté pour la première fois à Paris le 22 novembre 1832, à la Comédie-Française. Le héros principal en est le bouffon Triboulet, le fou du roi que Rabelais décrit dans Pantagruel : « Proprement fol et totalement fol, fol fatal, de nature, céleste, jovial, mer-curiel, lunatique, erratique, excentrique, éthéré et juno-nien, arctique, héroïque, génial […] ». Souvent moqué à cause de son physique ingrat, Louis XII le prend à son service, tente en vain de lui donner les bonnes manières. Il en fera le fou du roi. Il est alors coiffé de son coque-luchon à oreilles d’âne orné de grelots. Il tient à la main

un « sceptre », sa marotte. Inattaquable par sa position de fou du roi, il peut se moquer des gens sans déclencher leur colère. Plus qu’un bouffon, il participe au Conseil. Il est l’auteur de nombreuses réparties. Lorsqu’il offensa une des maîtresses de François 1er, il fut condamné à mort. Quant au choix de sa mort, Triboulet fit la réponse suivante : « Bon sire, par sainte Nitouche et saint Pansard, patrons de la folie, je demande à mourir de vieillesse. »La pièce fut un échec public et fut interdite et censu-rée par la monarchie et la noblesse qui s’y voyaient cri-tiquées. La description qui en était faite de la vie disso-lue et libertine à la cour de François 1er, ne plaisait ni au public ni à la critique. Francesco Maria Piave, le librettiste, a habilement trans-posé la pièce de Victor Hugo, en remplaçant la chronique des mœurs dissolues à la cour du roi, par l’histoire d’un bouffon et d’un duc à la cour de Mantoue. Triboulet devient Rigoletto, du français rigoler. L’action du drame de Victor Hugo est respectée, à d’infimes détails près. Certaines répliques italiennes sont la traduction littérale des vers du dramaturge français. La pièce de théâtre se termine sur : « J’ai tué mon enfant ! J’ai tué mon enfant ! », et l’opéra s’achève sur « Ah! La maledizione! », le protago-niste essentiel de l’œuvre. D’abord censurée dans l’em-pire austro-hongrois, l’opéra triompha, lors de sa création au Teatro La Fenice de Venise, le 11 mars 1851.Rigoletto, le 17ème opéra de Verdi, composé en 40 jours, marque le début de sa trilogie populaire qui se poursui-vra en 1853 avec Il Trovatore et La Traviata. Il est consi-

(ci-contre)

Rigoletto pris à son propre piège lors du finale du premier acte.

Après 18 ans d’absence, Rigoletto revient sur la scène de la place de Neuve, une œuvre dont on ne se lasse pas et qui figure toujours parmi les ouvrages les plus représentés du répertoire lyrique. Il s’agit d’une coproduction internationale qui a commencé brillamment lors de l’ouverture du Festival d’Aix-en-Provence 2013. Après avoir été présentée à l’Opéra national du Rhin et au Théâtre royal de la Monnaie, elle fait escale à Genève, avant de partir au Théâtre du Bolchoi, où elle fera partie du répertoire. N’est-ce pas là une belle et nouvelle preuve des synergies lyriques internationales qui ignorent les frontières ?

La Maledizione Le retour du clown triste

> RIGOLETTO de Giuseppe Verdi DIRECTION MUSICALE Alexander Joel MISE EN SCÈNE Robert Carsen LE DUC DE MANTOUE Arnold Rutkowski RIGOLETTO Andrzej Dobber / Franco Vassallo GILDA Ekaterina Siurina / Sophie Gordeladze SPARAFUCILE Sami Luttinen MADDALENA Ahlima Mhamdi GIOVANNA Varduhi Khachatryan

LE COMTE DE MONTERONE Maxim Kuzmin-Karavaev MATTEO BORSA Fabrice Farina LE COMTE DE CEPRANO Daniel Mauerhofer

Chœur du Grand Théâtre Orchestre de la Suisse Romande Au Grand Théâtre 3 | 6 | 8 | 9 | 10 | 12 | 14 | 16 septembre 2014

par Daniel Dollé

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déré comme l’opéra de la maturité artistique de Verdi. Les voix et l’orchestre sont au service du texte et de l’efficacité théâtrale. Gardez la tension dramatique, tel pourrait être le conseil donné par le maestro et le met-teur en scène aux interprètes de Rigoletto. Avec cet ou-vrage, on peut parler du premier jalon du style verdien qui réclame des artistes ayant le diable au corps. La bella voce, toujours indispensable, n’est pas prédominante, la voix devient un instrument de théâtre. Si on doit évo-quer le baryton Verdi, déjà présent en filigrane dans les œuvres précédentes, on est pleinement en droit de le faire avec Rigoletto. Une œuvre qui aurait du s’appeler La Maledizione, mais la censure en décida autrement.Dans la Gazetta previligiata di Venezia, en mars 1851, on pouvait lire : « On ne saurait juger un opéra comme ce-lui-là après une seule représentation. Hier, nous étions submergés par la nouveauté ou, plutôt, par l’étrangeté du sujet, par la nouveauté de la musique, du style, de la forme même des morceaux et nous n’avons pu nous en faire une idée complète. En gros, c’est purement et simplement Le Roi s’amuse de Victor Hugo, avec toutes ses tares. Le com-positeur, ou le poète, saisis par une nouvelle flambée d’af-fection pour le satanique, genre bien dépassé aujourd’hui, cherchent le Beau idéal dans les difformités et l’horreur. Leurs effets, ils les recherchent non dans les registres ha-bituels de la pitié et de la terreur, mais dans les tourments et la destruction de l’âme. Nous ne saurions, en bonne conscience, approuver un tel goût. Malgré cela, l’opéra a été un succès total ; le compositeur a été acclamé, réclamé presque après chaque morceau et deux numéros ont dû être bissés. À vrai dire l’instrumentation est stupéfiante, admirable ; l’orchestre vous parle, vous implore, vous emplit de passion... Il vous saisit par des passages suaves, pleins de fraîcheur. On n’entendit jamais éloquence so-nore aussi puissante. » La malédiction omniprésente dans l’ouvrage est annoncée dès le prélude, que Verdi a com-posé en dernier et qui est la synthèse de l’opéra.

À travers une répétition lancinante de la note Do, nous sommes plongés au cœur du drame placé sous le sceau de la malédiction. Le thème en Do mineur est annoncé par les cuivres, trompettes et trombones, à découvert. Les accords ponctuent un rythme pointé qui marque l’insis-tance et créent un climat angoissant. Le caractère pesant de ce prélude contraste avec l’ambiance festive de la pre-mière scène. La fête bat son plein et nous présente rapide-ment les personnages du drame. Nous passons de l’inté-riorité de la malédiction à l’extériorité de la fête tapageuse, un contraste que nous connaissons également dans La Traviata. De Do mineur, nous passons à La bémol majeur, des rythmes de danse vifs contraignent à une conversa-tion brillante et désinvolte accompagnée par une banda qui donne à la fête libertine ses couleurs crues et violentes qui traduisent le vouloir jouir, plutôt que le raffinement. C’est là que nous allons faire la connaissance d’une figure insolite de l’univers verdien, un duc libertin et désinvolte

qui considère que « le charme des femmes est un don qui fleurit notre existence, et que la fidélité est un tyran cruel des cœur qu’il nous faut détester comme un mal cruel. »

« La constanza, tiranna del core, / Detestiamo qual morbo crudele. […] / No v’ha amor se non v’ha libertà. »RigoLetto, Il Duca (I, 1)

« La fidélité, ce tyran des cœurs, / Nous la détestons comme un mal cruel. / […]Il n’y a pas d’amour s’il n’y a pas de liberté. »RigoLetto, Le Duc (I, 1)

Lorsque Rigoletto quitte les fastes de la cour, il devient autre, il change de personnage, il change de costume et de masque. Il cache ce qu’il est, l’intendant des plaisirs du Duc et l’amuseur public. Pour faire rire, il raille. Son rire est amer et grimaçant. Après la rencontre de l’homme qui rit, Rigoletto, avec celui qui tue, le sicaire Sparafucile, l’être difforme, tant sur le plan physique que moral, retrouve sa fille, son rayon de soleil. Il la garde comme une pension-naire de harem, sans lui révéler la nature de ses activités, de crainte de perdre la tendresse de Gilda, ou d’aliéner son affection. Cet attachement exceptionnel au caractère passionnel fait immédiatement penser à une relation in-cestueuse avec une maîtresse-fille et ce qui donne à pen-ser aux courtisans qu’il s’agit de la maîtresse de Rigoletto qui rencontre avec le Duc son vrai rival, jeune, beau et Don Juan, tout son contraire. Le traumatisme du viol, plus fort pour le père que pour la fille, condamnera le Duc à mort. Mais la maledizione proférée par Monterone rôde toujours et s’abat sur le père trop aimant. Le vénal Sparafucile tue Gilda qui meurt afin de sauver la vie de celui qu’elle a aimé. La farce a tourné à la tragédie. L’acte III de l’œuvre constitue un des sommets de l’opéra. Il renferme notamment, le fameux air « La donna è mobile », une chanson facile à retenir, et sur toutes les lèvres au lendemain de la création. René Leibowitz fait remarquer un certain parallélisme de cet air avec le « Caro nome »

(ci-dessus)

Gilda se meurt dans les bras de Rigoletto lors du finale du

troisième acte.

(ci-contre à droite

et page de droite)

Dessins extraits du carnet de croquis du décorateur

Radu Boruzescu.

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de Gilda au premier acte, de manière très différente, les deux airs expriment une volonté de vie et une aspiration au bonheur. Après cet air, nous arrivons à un moment de grande beauté, le quatuor d’une lisibilité dramatique permanente. C’est le seul extrait auquel Victor Hugo ne refusa jamais sa reconnaissance. Le quatuor du troisième acte demeure le point culminant musical de l’œuvre. Dans « Un dì, se ben rammentomi… Bella figlia dell’amore », chaque protagoniste véhicule une caractéristique musi-cale propre. Il s’agit de quatre lignes vocales d’une par-faite clarté. Le Duc amorce le quatuor en séducteur mo-dèle grâce à une mélodie belle, mais banale. Maddalena s’en amuse, à la manière d’une coquette satisfaite de ce babillage, mais nullement dupe. Gilda exprime sa déchi-rure, l’anéantissement de son rêve à travers un chant dra-matique et Rigoletto laisse éclater son exaspération. Après avoir fait interdire l’opéra jusqu’en janvier 1857, date de la première représentation au Théâtre des Italiens, à Paris, Victor Hugo, après procès et autorisa-tion du Tribunal de la Seine, revient à de meilleurs senti-ments à l’égard de Rigoletto, l’écrivain déclarera, non sans jalousie, à propos de ce quatuor : « Ah ! Si je pouvais, moi aussi, faire jouer simultanément deux scènes où les gens disent des choses différentes ! ».Le rideau tombe sur un fortissimo, une brutalité qu’on rencontre souvent chez Verdi. Rigoletto comprend alors le pouvoir de la malédiction, l’axe porteur du drame, qui devient le cœur de l’œuvre grâce au prélude et au final. Grâce à Shakespeare et Victor Hugo, Giuseppe Verdi a embrassé l’esthétique de la totalité et l’a traduite dans son langage, avec un souci de cohérence, loin des situa-tions ramenées à des modèles idéaux.Rigoletto est l’occasion de retrouver au Grand Théâtre de Genève des protagonistes qui sont devenus des grands noms de la scène internationale, notamment Robert Carsen qu’on ne présente plus et qui avait fait une per-cée internationale avec Mefistofele au Grand Théâtre, en 1988. Plus récemment, il nous a offert un extraordinaire Richard III et, plus proche encore, en 12-13, il a parti-cipé au tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau avec la création mondiale de JJR (citoyen de Genève). Une occasion également de rendre hommage à celle que les équipes du Grand Théâtre attendaient, Miruna Boruzescu, la créatrice des costumes de Rigoletto, qui malheureusement nous a fait ses adieux trop pré-cipitamment. Robert Carsen est de retour avec une équipe qui ne nous est pas inconnue : Ian Burton, dra-maturge, et complice de longue date, Radu Boruzescu, le décorateur, Philippe Giraudeau, le chorégraphe qui, en 2012, a redonné vie à la merveilleuse production de Juliette ou La clé des songes mise en scène par Richard Jones, sans oublier Peter van Praet qui réalise les éclai-

rages avec Robert Carsen. Hormis Philippe Giraudeau, ils avaient tous contribué à rendre hommage à Jean-Jacques Rousseau, lors des festivités du tricentenaire de sa naissance.Nous n’irons ni à la cour de Mantoue, ni dans un tripot où le jeu et la mafia règnent en maître, c’est sous un cha-piteau de cirque que Robert Carsen et son équipe nous donnent rendez-vous, et cela fonctionne. Le propos est cohérent et mené de bout en bout grâce à la beauté des images et à la poésie. Les plus blasés d’entre nous qui seraient à la recherche de nouveautés à tout prix, quitte à accepter les contresens et l’absurde, pourraient être ten-tés d’évoquer « le cirque dans le théâtre, après le théâtre dans le théâtre ». Mais le lieu choisi par le metteur en scène est juste et devient le bon écrin pour faire évo-luer Rigoletto, dont l’unique préoccupation est sa fille, le bouffon, le clown triste, un personnage ambigu qui de-vient sa propre victime. Jusqu’où pourra-t-il supporter les vices de son patron, le Duc de Mantoue ? Lorsque le Duc séduit sa fille qu’il tient cachée dans une roulotte du cirque, naît un désir de vengeance, une haine que peut connaître un père lorsque sa fille est outragée.Pour servir ce chef d’œuvre du répertoire lyrique et le concept de Robert Carsen, vous trouverez des interprètes de renom international qui côtoient de jeunes talents en devenir. Entre autres Rigoletto sera interprété par Franco Vassallo, que vous avez pu entendre dans I Puritani et Macbeth, où il a remplacé Davide Damiani malade. Le rôle n’a plus de secret pour lui, il le chante sur les plus grandes scènes internationales. Vous pourrez également décou-vrir Andrzej Dobber, un chanteur polonais devenu un des grands barytons verdiens de sa génération. Gilda est confiée à Ekaterina Siurina, présente sur les plus grandes scènes internationales. La soprano, née à Ekaterinbourg, mène une carrière prestigieuse. Mariée au ténor améri-cain Charles Castronovo, ils constituent la preuve que l’amour se conjugue dans toutes les langues. Vous retrou-verez également le ténor Arnold Rutkowski, remarqué la saison dernière en interprétant Pinkerton dans Madama Butterfly. Les artistes de la Troupe des jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre seront également de la par-tie, Ahlima Mhamdi, remarquée dans le rôle de Fenena de Nabucco, interprètera le rôle de Maddalena, la sœur du tueur à gage, et Sophie Gordeladze, qui a quitté la troupe à présent, sera de retour pour chanter Gilda au cours de deux représentations.Sûrs qu’au retour de votre période estivale, vous ne vou-drez pas manquer le destin fatal du clown, nous vous don-nons rendez-vous le 3 septembre avec une œuvre dans laquelle l’amour se décline sous de multiples formes : amour sensuel, amour filial, amour idéal, amour sacrifi-ciel… DD

(ci-dessous)

Dessins des costumes du chœur et des figurants par Miruna Boruzescu.

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de Genève) au Grand Théâtre), en passant par le théâtre et l’opéra. Ce n’est pas sans grande émotion que Robert Carsen évoque la personnalité de Miruna : « Miruna avait une personnalité profondément originale, à la fois très drôle et très mélancolique. » Miruna avait une santé fra-

gile, mais elle ne s’en plaignait pas, elle suivait ses traitements, fastidieux et contraignants, consciencieuse-

ment, épaulée par son époux. Jamais elle n’abandonnait son travail, sou-

cieuse des moindres détails. Ses des-sins, ses modèles restent des œuvres d’art qui séduisent et fascinent.Longue serait la liste de toutes les

œuvres qui ont trouvé une nouvelle vie grâce au regard de Miruna, nombreux sont

les artistes qui ont bénéficié de son talent : Lucian Pantilie, figure principale du ci-

néma roumain, Claude Régy, Antoine Bourseiller, Fernando Arrabal, Andrei Șerban, Petrika Ionesco mais également

Rudolf Noureev.Lorsqu’à la rentrée, le rideau se lèvera sur

Rigoletto, un pincement au cœur, nous nous rappellerons de cette grande artiste que fut

et restera Miruna Boruzescu. Avec l’ouvrage de Verdi, Miruna nous lègue une nouvelle fraction de

son immense talent. DD

D ébut du mois d’avril 2014, Miruna Boruzescu, la talentueuse costumière de théâtre et de cinéma nous a quit-tés, en laissant un grand vide pour son mari, l’acteur et scénographe roumain

Radu Boruzescu, mais également pour tous ceux qui avaient eu le privilège de la connaître et de la rencontrer. Son nom est gravé dans bien des mémoires du Grand Théâtre et le restera longtemps encore. Chacune et cha-cun se souvient de son immense talent, de son coup de crayon, mais également de sa grande gentillesse, de son sourire et de son humanité.Les deux époux furent déclarés personae non gratae pour avoir participé au Réviseur, la pièce de théâtre de Gogol, interdite par la censure sous Ceaușescu. Ils partirent s’installer en France, mais resteront marqués par ce qu’ils vécurent en Roumanie et lors de leur exil. Ils se firent rapidement un nom en France et les plus grandes institutions purent profiter de leur art : le Théâtre national de Chaillot, la Comédie-Française, le Théâtre de la Ville et l’Opéra national de Paris, entre autres. Les festivals les réclament et les acclament, les grandes institutions lyriques européennes les invitent et outre-Atlantique : au Metropolitan Opera de New York, le Lyric Opera de Chicago, l’Opéra de Vancouver font appel à leur savoir-faire.Un savoir-faire dont le Grand Théâtre de Genève a bénéficié à plusieurs reprises. Cette collabo-ration commence en 1995, avec le Faust, de Charles Gounod, mis en scène par Robert Carsen et marque le début d’une relation privilégiée avec le metteur en scène cana-dien que nous accueillerons à deux re-prises au Grand Théâtre au cours de la saison 14-15. Ensemble, ils réaliseront une vingtaine de spectacles qui vont du musical à la création contem-poraine (Richard III et JJR (Citoyen

Nous l’attendions, mais

elle ne viendra pas…par Daniel Dollé

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(ci-dessus)

Le travail au Grand Théâtre de Miruna Boruzescu à

travers ses croquis et quelques photos de production : Faust en 1995, Richard III et JJR

(Citoyen de Genève) en 2012.

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plaisir peut apporter le chant, la musique.Régulièrement saluée par la critique et le public, la « petite Chinoise » est une vraie magicienne qui ne connaît jamais l’ennui. Grâce à une main de fer dans un gant de velours, elle dirige les 42 artistes du Chœur, toutes et tous de fortes personnalités venus d’horizon divers et de cultures différentes. Malgré cela, elle est parvenue à une grande précision et à une extrême cohésion avec les artistes qui sont, par ailleurs, d’excellents solistes que nous applau-dissons parfois au cours de certaines représentations, ou au cours de concerts. Malgré des commentaires toujours flatteurs au sortir des spectacles, elle n’échappe pas aux controverses, mais, peut-être, est-ce là le sort de celles et ceux qui ont un vrai talent et un message à transmettre ? L’amour côtoie bien souvent la haine et ces derniers de-meurent les proies de la passion sans qui toute vie de-vient insipide.Mais d’où vient-elle ? De l’Orient, me direz-vous. Mais encore ? Elle commence le piano à l’âge de 6 ans et entre dans une école aux horaires aménagés pour les enfants musiciens qu’elle côtoie jusqu’à ses 15 ans. Très rapide-ment elle s’intéresse à la rencontre théâtre-musique en réalisant des spectacles à partir de fables. Faire de la mu-sique était une évidence pour elle. Plus tard, elle rejoint le département musique d’une école spécialisée. Une fois diplômée de l’École normale de Taïwan, elle se tourne vers l’Occident où elle rejoint le Conservatoire national supérieur de musique (CNSM) de Lyon où elle est rapi-dement remarquée pour ses dons de chef d’orchestre. Pendant ses études à Lyon, son disque de chevet était devenu la Salomé dirigée par Herbert von Karajan. Elle nous confie que, pendant très longtemps, ses opéras pré-férés étaient des ouvrages sans chœur. Sa passion wagné-rienne ne viendra que plus tard, et probablement fut-elle confortée lorsqu’elle sera assistante de Norbert Balatsch au Festival de Bayreuth, en 1996.Certaines rencontres furent déterminantes dans la car-rière de la « petite Chinoise ». Entre autres, celle avec Bernard Tétu, le créateur, au CNSM de Lyon, de la pre-mière classe en France destinée à la formation de chefs de chœurs professionnels, et celle avec Gunther Wagner, remarquable chef de chœur qui a su insuffler sa passion à bien des élèves. Très vite les rumeurs du talent de Ching-Lien se propagent, et malgré quelques galères inhérentes à la vie de bohème, elle reçoit régulièrement des propo-sitions d’engagement. Chef de chant au Grand Théâtre de Nantes en 1989, chef des chœurs assistante au Théâtre du Capitole à Toulouse en 1990, auprès de Gunther Wagner, Ching-Lien Wu est nommée en 1991 chef des chœurs à l’Opéra national du Rhin à Strasbourg, une structure

Ching-Lien Wuouvre une nouvelle partition

Existe-t-il encore une âme, dans la cité gene-voise et les environs, qui ne connaisse pas Ching-Lien Wu, la cheffe du Chœur du Grand Théâtre ? Fluette par sa taille, mais impres-sionnante par son talent et sa passion pour

la musique qu’elle a mis au service du beau chant. Après treize saisons au Grand Théâtre, elle décide de s’envoler vers d’autres contrées plus nordiques, vers de nouvelles aventures. Elle part à Amsterdam, au Nederlandse Opera dirigé par Pierre Audi, où elle retrouvera Marc Albrecht, le directeur musical. Elle part, non sans un pincement au cœur, mais n’est-ce pas là le destin, le sort réservé à toutes celles et à tous ceux qui ont soif de connaissances, de nouveaux horizons et d’expériences nouvelles ? N’est-ce pas là le passage obligé des artistes qui depuis fort longtemps ont aboli les frontières et les barrières linguis-tiques ? N’est-ce pas là la condition nécessaire pour ne pas s’engourdir, ou s’enliser dans les ornières de la routine qui ne conviennent nullement aux métiers pour lesquels flamme et passion sont les leitmotifs essentiels ? Son cœur restera à Genève et nous sommes certains qu’elle y reviendra souvent. Elle emporte avec elle le souvenir du travail remarquable qu’elle a pu effectuer grâce au talent et au professionnalisme des artistes du chœur qui lui étaient confiés.Tous les mélomanes, tous les afficionados du bel canto genevois, et ceux venus d’ailleurs se rappellent des ova-tions réservées au Chœur du Grand Théâtre lorsqu’elle venait saluer à l’issue de la représentation Place de Neuve, ou lorsqu’elle dirigeait un concert avec le mOtet qu’elle a dirigé de 2002 à 2012. Récemment, on pouvait lire, à propos de Nabucco, sous la plume de Claudio Poloni : « Il est vrai que le Chœur du Grand Théâtre, soigneusement préparé par Ching-Lien Wu, a offert une prestation mé-morable, avec des registres équilibrés et homogènes, des attaques précises et de superbes pianissimi tenus de longues secondes durant. Le Chœur a indubitablement été le grand triomphateur d’une production de fort belle tenue. » Nombreux sont celles et ceux qui se souviennent de la dernière Fête de la Musique en 2013, pour laquelle Ching-Lien et son équipe avaient rassemblé environ 500 choristes amateurs pour rejoindre le Chœur du Grand Théâtre pour séduire avec maestria une salle comble qui avait du mal à quitter les lieux à l’issue du concert. Et de-puis, une question revient toujours : à quand la prochaine fois ? Dans les yeux de chaque « artiste d’un moment », elle a su faire briller une étincelle de bonheur inestimable, grâce à sa fougue et à son talent. Ses gestes précis, éner-giques et sans excès font déferler une onde sonore qui envahit, ne laisse jamais indifférent et qui montre quel

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qui réunit trois villes d’Alsace : Colmar, Mulhouse et Strasbourg. Le travail qu’elle y accomplit jusqu’en 2001 est salué par la critique française et internationale.C’est à cette époque que j’ai eu le privilège et le bon-heur de côtoyer Ching-Lien pendant près de dix ans, au cours desquels elle a souvent été invitée aux opéras de Montpellier, Rouen et Shanghai ainsi qu’à Radio-France pour divers ouvrages lyriques et oratorios. À l’été 1991, nous nous étions retrouvés au Festival de Radio France à Montpellier où le chœur de l’Opéra du Rhin participait à la version concertante de Il Pirata de Vincenzo Bellini, à l’abbaye de Fontvieille. Je me rappelle des mines circons-pectes lorsqu’elle prit ses fonctions. Rares étaient celles et ceux qui voulaient croire à un avenir serein pour elle, et ce malgré son talent. Comment allait-elle pouvoir diriger ces très fortes personnalités qui composaient le chœur, qui venaient de traverser une période très chaotique et qui n’avaient toujours pas oublié Gunther Wagner ? Ce ne fut pas simple, avoue-t-elle aujourd’hui, mais très ra-pidement elle s’imposa par son talent et par sa passion pour un art qui nous réunissait. Les plus dubitatifs furent rapidement obligés de reconnaître sa force de caractère et ses immenses capacités à reconstruire un des fleurons du théâtre qui était devenu Opéra national. Rapidement, elle fut adoptée par tous ceux qui croisaient son chemin. Ching-Lien donnait l’impression d’être chez elle. Nos rapports étaient parfois tendus, mais jamais pour des futilités. Elle était en quête de perfection pour son art. Passionnés nous l’étions tous deux, mais il m’incombait certaines responsabilités qui ne me permettaient pas tou-jours de céder à ses exigences. Nous avons fait la route ensemble pendant dix ans partageant nos soucis, nos doutes et nos échecs, dans une ambiance toujours convi-viale. Je l’ai vue nous quitter le cœur serré, mais le temps était venu pour elle d’aller vivre d’autres expériences sur les bords du Léman, dans une institution placée très haut sur l’échiquier international.Aujourd’hui, une nouvelle page se tourne. Au cours des cinq saisons passées en sa compagnie, j’ai pu découvrir une « petite Chinoise » bien différente, plus détendue, ainsi que quelques facettes supplémentaires d’une belle artiste. Au nom du Grand Théâtre, de l’ensemble du per-sonnel, en votre nom, cher public, nous lui disons un Grand Merci pour toutes les joies qu’elle nous a offertes. Nous serons tous au rendez-vous des représentations de La Wally à partir du 18 juin pour l’ovationner encore au milieu de ses choristes. Persuadés que nous la reverrons souvent, nous lui souhaitons bon vent et de bien belles aventures musicales à Amsterdam, où elle nous attend nombreux. DD

Ching-Lien Wuouvre une nouvelle partition

Ching-Lien Wu sur les marches

du Grand Théâtre en mai 2014.

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Christopher Park Chaque saison, le public gene-vois redécouvre son Ballet. Pas seulement parce qu’il y a toujours de nouveaux visages dans les rangs de la compagnie, mais surtout parce qu’elle offre chaque sai-son deux créations à son public. Cette saison, le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn par Michel Kelemenis (au Grand Théâtre avec le Basel Sinfonietta, dirigée par Robert Reimer), puis au BFM, une soirée entière confiée au Genevois Ken Ossola, avec Mémoire de l’ombre et les musiques de Mahler. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Philippe Cohen L’invitation pour revenir à Genève réaliser une deuxième pièce de répertoire a été faite à Michel Kelemenis alors que sa première pièce, le Cendrillon de Prokofiev, n’était pas encore créée. J’avais un tel plaisir et une telle confiance dans la mise en forme de Cendrillon que dans la semaine précédant la première, j’ai demandé à Michel de réfléchir à un deuxième projet, analogue mais résolument autre. La proposition de tra-vailler sur le Songe d’une nuit d’été est venue de moi, car les autres pistes évoquées étaient trop proches ou éloi-gnées de l’idée de revisiter une œuvre connue du ballet classique. C’était un grand défi pour le chorégraphe qui ne connaissait de l’œuvre que son titre et il a donc fallu qu’il s’y plonge. À la première lecture, il a compris les complications de cette pièce à la fois très circulatoire et très courte de Shakespeare. L’autre volet de ce défi était la brièveté de la musique de scène de Mendelssohn et mon insistance à ce que la soirée entière soit exclusive-ment dédiée à Mendelssohn. Sur le résultat final, diffi-cile de dire. Je ne crois pas qu’on soit resté derrière les ambitions de Michel Kelemenis pour son projet, mais peut-être un peu à côté. Je lui ai d’ailleurs fait part de cette impression que son approche intellectuelle, très cérébrale, de la déconstruction de Shakespeare sur le canevas de Mendelssohn, était tout à fait juste et cohé-rente, mais que pour diverses raisons la réalisation dra-matique n’était pas aussi claire que son concept. Ce dé-calage a fait qu’en restant un très beau spectacle, le Songe ne m’a pas paru, au niveau dramaturgique et scénique, aussi développé que le concept du chorégraphe. Sa danse reste extrêmement sophistiquée, élaborée, intelli-gente plus qu’intuitive et pour le public au sens large, le Songe a été un succès, les gens ont beaucoup aimé cette intelligence, cette belle danse et ces beaux costumes, le charme joyeux de la musique. D’ailleurs, le choix de l’Octuor pour la première partie, malgré mes appréhen-sions envers cette musique si peu scénique, a été plutôt réussi. Pour l’autre partie du public du Ballet, profes-sionnels de la danse et habitués, certains ont très vite assimilé le parti-pris de Kelemenis de ne pas raconter

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Une décennieen mouvement

Philippe Cohen et le Ballet du Grand Théâtre

En cette fin de saison 13-14 s’achève la dixième année de Philippe Cohen à la direction du Ballet du Grand

Théâtre de Genève. Laissant son poste de directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse

de Lyon, l’ancien danseur et pédagogue appelé par Jean-Marie Blanchard pour remettre une compagnie en quête

d’identité artistique et administrative sur les rails, se trouvait devant un beau défi. Patiemment, à petits

et grands pas, Philippe Cohen a su faire graviter vers Genève les personnalités et les énergies qui ont,

dix ans plus tard, construit le merveilleux outil de création chorégraphique et la compagnie de réputation

internationale qu’est le Ballet de Genève. Pour lui parler, nous l’avons cherché et trouvé encore une fois sur la route

(Bangkok, l’un des points de chute désormais obligé du Ballet en tournée). Conversation sur les temps perdus et

gagnés d’une saison riche en événements, visions du futur : Philippe Cohen fait le bilan de sa saison numéro dix.

un entretien avec Christopher Park

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le Songe d’une nuit d’été et j’ai entendu s’exprimer des sentiments positifs à l’égard de sa fidélité à un certain es-prit de démesure shakespearienne. Pour ceux qui ont été déçus de ne pas reconnaître l’œuvre qu’ils connaissent si bien, il était évidemment facile de chercher des poux au chorégraphe qui était resté à côté de l’œuvre, comme je le disais auparavant.En ce qui concerne Mémoire de l’ombre, ma grande affec-tion pour Ken Ossola et mon admiration pour son travail ont été à l’origine de cette troisième invitation à créer pour le Ballet. Ce crescendo final, sa première soirée en-tière de danse pour le public genevois, a été une réussite, pour ce que je sais de lui et de son potentiel créateur. Il a même été au-delà de ce que ses deux premières cho-régraphies pour le ballet (Ombre fragile en 2008 et Lux en 2010) me laissaient imaginer. À tel point que, malgré ma tendance à être fidèle aux artistes comme Ken avec qui les choses se passent bien, je lui ai dit après Mémoire de l’ombre que, vu mon âge et l’évolution de ma carrière vers la retraite, ce serait probablement notre dernière création ensemble. C’est ailleurs, désormais, que Ken Ossola portera son talent et son travail ; nous avons at-teint le bout d’un processus qui demande cinq à six ans avant d’envisager une nouvelle collaboration et qui sait où je serai à ce moment-là !

ChP On le sait, le Ballet de Genève, sous votre direction, a multiplié et élargi l’horizon de ses tournées internatio-nales. Les destinations indiquées à la fin des programmes de salle étonnent autant par leur proximité et leur acces-sibilité culturelle et sociale, que par leur éloignement géo-graphique et leur prestige. Pouvez-vous évoquer les hauts et les bas de la compagnie on the road en 13-14 ?

PhC Dès qu’on sort de la maison et qu’on montre notre travail ailleurs, qu’on voit des salles pleines et des gens heureux qui apprécient le spectacle (un public debout c’est toujours agréable !), cela rend la charge de travail et l’effort des déplacements – considérables cette saison – supportables. Nous avons eu beaucoup de programmes à remonter, le travail était lourd et nous en avons payé un peu les conséquences, en ce que cela a eu son impact sur le processus de renouvellement de l’effectif de la compagnie, commencé depuis 2010. Certains danseurs, pour qui l’horizon de la retraite se profilait déjà depuis trois ou quatre ans, ont précipité leurs décisions, d’autres nous suivront jusqu’en juin 2014. Il faut permettre cela, tout en sachant garder dans la compagnie, des « piliers » de pratique et de mémoire qui puissent intégrer les nou-veaux. Cette année, nous avons accompli le processus en intégrant huit nouveaux danseurs. Mais quand des dan-

seurs travaillent beaucoup, sont fatigués, c’est là que les accidents et les blessures sont plus fréquents, ce qui nous a également affectés lors de nos dernières tournées.Quand je pense aux tournées de cette saison qui s’achève, je dirais sans hésiter que la pièce de notre répertoire qui a reçu le meilleur accueil international est Glory d’Andonis Foniadakis, ou alors le double programme Lux et Glory, dont Glory reste le moteur. C’est indéniablement notre carte de visite en ce moment. Mais il y a les autres : Roméo et Juliette continue son bout de chemin, que nous avons présenté à Bangkok, entre autres. Or, du temps de mon activité à Lyon, j’ai beaucoup travaillé avec le Bangkok Ballet, dont est issu l’une de nos danseuses les plus re-marquées, Sarawanee Tanatanit. Lorsque Madeline Wong a quitté le ballet, nous perdions notre Juliette en exercice, mais d’un commun accord avec la chorégraphe, nous avons choisi Sarawanee pour la remplacer dans ce rôle. Sarawanee avait pris le rôle déjà à Hong Kong et Taipei, mais nous avons eu une représentation à Bangkok et j’ai eu le plaisir de voir cette danseuse dont j’accompagne la carrière depuis qu’elle a 11 ans, offrir dans sa ville, à ses compatriotes une Juliette thaïe, ce qui ajoute une part d’émotion à la prestation artistique proprement dite.Mais notre passage à Pékin cette saison aura certainement marqué le plus beau temps fort de notre activité inter-nationale. Ce n’était pas gagné d’avance : l’entreprise qui avait organisé notre tournée nous proposait plusieurs des-tinations, dont Shanghai, mais pas Pékin. J’ai manifesté ma surprise, et ils ont finalement trouvé un accueil dans un théâtre de la capitale, mais pas celui que j’ambitionnais pour la compagnie, « L’œuf géant », le National Centre for Performing Arts, qui sert de salle d’opéra à Pékin. Avant ma direction, la compagnie avait tourné en Chine, mais dans des conditions épouvantables et je tenais à être fi-dèle à ma stratégie d’excellence pour le Ballet en refusant de renouveler ce genre d’expérience. J’ai fait valoir cela à nos interlocuteurs, et fort de la nouvelle image de marque internationale du Ballet de Genève, j’ai pu poser la phrase un peu osée de « Si on va à Pékin, c’est NCPA, ou rien. », sa-chant que si nous allions y être, notre affiche suivrait tout de même celle du Lac des Cygnes des Ballets de Monte-Carlo ! Je l’ai obtenu, en échange – mais ça c’est avec grand plaisir – d’une représentation de Roméo et Juliette quasi gratuite au théâtre du campus de l’université de Pékin, car les places au NCPA sont aussi – sinon plus chères – qu’au Grand Théâtre de Genève et qu’il attire par conséquent un public nanti. Humainement, le souvenir de cette soi-rée reste très vif, de voir le bonheur et l’enthousiasme de tous ces étudiants après le spectacle. Il faut quand même avouer que de jouer dans ce que j’estime être le plus beau théâtre contemporain au monde, créé par Paul Andreu, qui

Philippe Cohen et le Ballet du Grand Théâtre

(ci-dessus)

En 03-04, Philippe Cohen fait sa première saison en tant que directeur du Ballet du Grand Théâtre et c'est la chorégraphie d'Andonis Foniadakis Selon désir qui inaugure sa prise de mandat.

Mémoire de l'Ombre est la troisième collaboration du chorégraphe Ken Ossola avec le Ballet du Grand Théâtre.

Roméo et Juliette de Joëlle Bouvier fait partie depuis plusieurs saisons des « must » de tournée du Ballet du Grand Théâtre à travers le monde.©

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Salad de Houston et nous avons sympathisé, en imaginant établir un lien chorégraphique entre Zurich et Genève. Mais ce genre de lien inter-cantonal et au-delà des diffé-rences linguistiques n’est jamais facile à réaliser à Genève. Là-dessus s’est greffé le festival Steps, qui mettait le Ballet de Zurich et sa nouvelle direction en vedette cette année et qui a parrainé des invitations mutuelles des deux com-pagnies romande et alémanique, inscrivant donc une prestation du Ballet de Genève à Steps. La coïncidence a voulu que ces politesses mutuelles aient lieu l’année même où nous fêtons le bicentenaire du rattachement de Genève à la Confédération helvétique. Tobias Richter était enthousiaste à l’idée de réunir toutes ces volontés en un mini-festival réunissant les plus grandes compagnies de danse suisses (à savoir Lausanne, Zurich et Bâle) et c’est lui-même qui a insisté pour que le Ballet de Genève ouvre ou clôture ce festival. L’intérêt pour son contenu s’est vite manifesté car ce genre de rassemblement n’avait jamais eu lieu, entre autres pour les motifs habituels de méfiance interne qui font que tout événement rassem-bleur en Suisse part avec un sérieux handicap. Même entre Genève et Vaud, on a parfois l’impression qu’il faut un visa pour aller d’un canton à l’autre et à mes débuts ici, j’ai vite compris qu’il était plus facile d’emmener ma compagnie en Australie plutôt qu’à Lausanne. La mise en œuvre de Helveticdanse est donc, dans une certaine mesure, un succès politique et au niveau de sa réception par le public, une franche réussite. Le pu-blic de Genève a pu non seulement voir les classiques de Béjart représentés pour la première fois au bout du lac, mais aussi saluer le travail de chorégraphes remar-quables, jamais encore venus à Genève comme Johan Inger ou Alexander Ekman. Et je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si, il y a dix ans lorsque je suis arrivé à la tête du Ballet, de telles découvertes et un accueil si enthousiastes auraient été possibles.

ChP Parlons enfin des deux saisons extra-muros du Grand Théâtre dans ses locaux provisoires à l'Opéra des Nations. Comment le Ballet les vivra-t-elles et qu’envi-sagez-vous comme adaptations à ces deux années de transhumance?

PhC Il reste encore beaucoup d’aspects à éclaircir quant à ce nouvel espace, son emplacement, son occupation, son exploitation et son quotidien: où sera accueilli le Ballet pour son travail quotidien de classes et de répétitions, par exemple? Quant à la programmation, notre temps hors les murs pourrait signifier un changement percep-tible dans mes choix, ou alors pas du tout. Il est évident que faire un programme pour le Grand Théâtre, le BFM ou l'Opéra des Nations, ce n’est pas la même chose. Et en même temps, les projets que j’élabore actuellement pour le Ballet courent jusqu’en 2017, voire 2018 si je suis encore là. La nouvelle réalité de l'Opéra des Nations me donne l’envie d’explorer autre chose ; non pas d’innover, mais de proposer quelque chose de différent. Vous compren-drez qu’il ne m’est pas possible de trop en parler main-tenant, mais pour le premier programme extra-muros en automne 2015, j’échafaude un projet tourné à la fois vers le meilleur du passé du Ballet, en y ajoutant une création courte par un chorégraphe de renom, selon l’usage établi. Le fait que nous soyons « ailleurs » donne plus de sens à ce genre de rétrospective que si nous l’avions faite au BFM ou à la place de Neuve.

en plus d’être une réussite architecturale, offre des condi-tions optimales d’interprétation. Nous avons presque rem-pli cette vaste salle à deux reprises avec Giselle, bénéficiant d’une belle couverture médiatique et de deux ovations, ce qui est appréciable quand on sait à quel point les Chinois sont peu expansifs. Résultat : la compagnie est réinvitée au NCPA et ailleurs en Chine en 2016.S’il fallait évoquer une destination de tournée près de chez nous où j’ai ressenti un plaisir particulier à ame-ner la compagnie, ce serait Monaco, où l’Opéra de Monte-Carlo nous a accueillis sur l’invitation de Jean-Christophe Maillot, qui est un ami d’enfance et un col-lègue avec lequel j’ai toujours gardé une relation très suivie et intime. Cela fait vingt ans qu’il dirige son Ballet et moi, dix ans le mien : il nous a donc invité pour ce double anniversaire et ce fut une grande joie de pouvoir s’offrir au public dans un si beau cadre. Il faut cependant aussi parler des moments moins exal-tants que nos tournées nous ont fait vivre, particulière-ment notre plus récente tournée aux États-Unis en février où aboutit une série de problèmes ayant surgi au mois de décembre dernier. Deux de nos danseurs chevronnés en arrêt pour plusieurs mois : l’un pour cause de hernie discale et celui qui le plus souvent fait la doublure de ses rôles, blessé en répétition avec rupture du ménisque et des ligaments croisés. On a dû remplacer ces effectifs dans une compagnie encore peu sûre d’elle-même suite aux re-nouvellements récents dans ses rangs. Nous partions donc aux États-Unis un peu fragiles, pour une longue tournée d’un mois entier, à une distance considérable et avec des destinations pas toujours directement atteignables entre elles... Pas de chance, pendant notre premier spectacle, Glory à Pittsburgh, l’un des danseurs se fait une déchirure musculaire et ne peut finir le spectacle : stress supplémen-taire et ce, en début de tournée. Le lendemain, en direc-tion pour Victoria au Canada, nous rencontrons un pépin administratif : les organisateurs de notre tournée n’avaient pas prévu que pour l’un de nos danseurs, un visa était aus-si requis pour entrer au Canada ! Nous découvrons cela à l’embarquement à Pittsburgh et le problème n’est pas des moindres : le danseur en question est, après ses deux col-lègues plus anciens mais blessés, le seul capable de danser le rôle de Roméo pour le Roméo et Juliette que nous présen-tons à Victoria. Deux jours de démarches téléphoniques intenses ont permis d’obtenir un visa d’urgence, mais la série noire continue avec l’un de nos maîtres de ballet qui fait un burn-out en pleine tournée. Nous savions que, comme toute tournée avec ses distances et ses déplace-ments (14 vols en avion en un mois), ce voyage étasunien n’allait pas être facile. La compagnie a été formidable ; nous étions en plus que sous-effectif et tous les danseurs ont fait preuve de courage et de flexibilité. Mais un pro-blème de plus avec un danseur ou une danseuse, et nous aurions été obligés d’annuler la tournée.

ChP Le ballet est rentré de tournée, à la fin avril, res-tant à Genève le temps d’ouvrir le festival Helveticdanse au BFM avec une prestation de ce Glory, si apprécié à l’étranger et qu’on n’avait pas revu ici depuis sa création en février 2012. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce festival et sa signification ?

PhC Le projet est parti d’une rencontre avec Christian Spuck, qui venait de prendre ses fonctions comme direc-teur du Ballet de Zurich. Nous étions au festival Dance

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Sarawanee Tanatanit dans Giselle, une chorégraphie de

Pontus Lidberg et dans Glory d'Andonis Foniadakis.

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Alors que le Grand Théâtre de Genève vient d’annoncer la programmation de sa saison artistique 14-15, il est temps de revenir sur les spectacles de la saison en cours, qui se terminera en juin avec La Wally, au travers d’extraits d’articles parus dans la presse suisse et internationale.

Le Nozze di Figaro

Il faut dire qu’on ne se lasse pas de cet impérissable chef-d’œuvre […]. La salle genevoise, remplie comme un œuf, l’a confirmé en réservant un accueil enthousiaste à la pro-duction de Guy Joosten […].Le Courrier - Christophe Imperiali, 11.09.2013

Les beaux décors conçus par Johannes Leiacker (mis en valeur par d’excellents éclairages) sont moins anodins qu’ils ne le paraissent de prime abord. […] Mais le plus intriguant, ce sont ces carreaux de verre qui se fissurent au fur et à mesure de la « folle journée » pendant laquelle Figaro espère obtenir la main de Suzanne. Le Temps - Julian Sykes, 11.09.2013

Pour une folle journée dans un espace organisé de manière aussi millimétrée, il fallait des chanteurs capables d’être d’excellents acteurs. C’est une réussite absolue, tant les interprètes se prêtent au jeu de bonne grâce et avec une aisance qui fait se succéder non seulement moments plaisants et instants tragiques, mais toute une palette d’attitudes, de mimiques et de jeux de scène où les gags alternent avec la poésie la plus pure. Tout cela sans préju-dice de la dimension vocale et de la sensibilité musicale.forumopera.Com - Fabrice Malkani, 12.09.2013

Un tel écrin est favorable à l’expression réjouissante de chanteurs fort bien dirigés, avec le physique des rôles et une évidente complicité. Vocalement homogènes, ils concourent à faire de cette soirée une jolie réussite. David Bižić est parfaitement à son aise. Son Figaro est alerte, impertinent, dupe mais pas benêt, ce que révèle un visage d’une grande mobilité. Le chant est rond, le timbre sonore et la projection idéale. opera magazine - Jean-Marc Proust, novembre 2013

Sigurd

Le Chœur du Grand Théâtre, très bien préparé par Ching-Lien Wu, relève admirablement bien le défi […]. Et l’OSR brille, cordes fiévreuses, bois virevoltants et cuivres aux élans fiers, sous la baguette animée de Frédéric Chaslin. Le Temps, Julan Sykes, 11.10.2013

Dans le rôle de Brunehilde, Anna Caterina Antonacci comble l’audience avec son incomparable diction, sa mu-sicalité sans faille, son art de la déclamation, sa voix ample et son medium corsé, sa présence magnétique enfin. Son grand air du IV, « Ô palais radieux de la voûte étoilée » nous a donné le frisson, de même que les deux magni-fiques duos qui suivent, d’abord un tumultueux avec sa sœur Uta, puis un autre évanescent avec Sigurd.CLassiqueinfo.Com - Emmanuel Andrieu, 16.10.2013

Le chef français Frédéric Chaslin, qui s’est chargé d’effec-tuer des coupures pour réduire l’œuvre à un peu moins de 3 heures (car depuis sa création, l’opéra a toujours subi des coupures), insiste particulièrement sur les couleurs orchestrales et chorales, avec beaucoup de succès. Il dote le chœur, disposé au fond de la scène jusqu’au niveau de la première galerie, d’un caractère égal à un deuxième or-chestre ; avec la belle acoustique de cette salle mythique, leur apport sonore est considérable.resmusiCa.Com - Victoria Okada, 17.10.2013

Anna Caterina Antonacci apparaît idéale en Brunehilde : sa voix, à la fois lumineuse et ardente, se déploie sans effort dans cette tessiture de grandes soprano. Elle apporte au rôle une constante noblesse de ton, qui se révèle magnifi-quement dans l’air « Ô palais radieux de la voûte étoilée ! ».opéra magazine - José Pons, décembre 2013

Die Walküre

[…] Wagner aurait pris un plaisir sans vergogne avec cette version genevoise de son œuvre. Die WeLT - Stephan Hoffmann, 09.11.2013

On n’a jamais vu une Walkyrie d’une telle tendresse. münChner merkur - Beate Kayser, 09.11.2013

[…] si l’on ouvre l’oreille à cette sonorité chambriste, on découvre à nouveau la musique de Wagner. neue zürCher zeiTung - Peter Hagmann, 09.11.2013

Metzmacher dirige un Wagner [...] qui résonne par endroits de manière fascinante […].frankfurTer aLLgemeine zeiTung - Christian Wildhagen, 11.11.2013

Une revue de presse par Frédéric Leyat

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LE Retour de presse sur la saison 13-14

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Dorn réagit à la moindre pulsion de la musique […].Tages Anzeiger - Regine Müller, 09.11.2013

Metzmacher et Dorn élèvent Wagner, à leur manière, vers de nouveaux degrés d’urgence et d’imminence. Süddeutsche Zeitung - Helmut Mauró, 15.11.2013

Simple mais jamais simpliste, cette Walkyrie marque le triomphe du jeu et des voix.Tribune De genève - Rocco Zacheo, 09.11.2013

Petra Lang en Brünnhilde est naturellement énergique. La voix est large, pleine et sonore, au grave charnu, à l’aigu présent […]. Le Temps - Julian Sykes, 09.11.2013

Dans un décor épuré et atemporel […], le metteur en scène Dieter Dorn impose aux différents protagonistes […] une direction d’acteurs sensible et fouillée. Le monDe - Marie-Aude Roux, 11.11.2013

[…] la direction orchestrale, remarquablement nuancée, vive et acérée, d’Ingo Metzmacher refuse toute grandiloquence. Les éChos - Philippe Venturini, 14.11.2013

Quant à Petra Lang, en très bonne forme, elle triomphe sans peine dans la partie soprano de son répertoire, Brünnhilde rayonnante et d’une ardeur électrique. opéra magazine - François Lehel, décembre 2013

La Chauve-Souris

L’Orlofsky de Marie-Claude Chappuis ne mérite que des louanges, elle promène sur scène son ennui d’enfant trop gâté avec un naturel teinté d’ironie auquel elle ad-joint une voix de poitrine large, posée, une projection précise et une diction impeccable, ce qui n’a rien d’éton-nant pour cette spécialiste du lied [...]. Mireille Delunsch reprend au débotté le rôle de Rosalinde et y insuffle son habituel charisme vocal et scénique. Elle avait déjà inter-prété le rôle à Salzbourg dans sa langue originale et a appris le texte français en quelques jours.forumopera.Com - Tania Bracq, 17.12.2013

La distribution est de haut niveau : Teodora Gheorghiu incarne une Adèle enjouée et lumineuse, […] Nicolas Rivenq est un Gabriel von Eisenstein plein de panache et d’élégance, Marc Laho un Alfred aux aigus solaires, René Schirrer un Frank débonnaire et Marie-Claude Chappuis un Prince Orlofsky blasé à souhait […].ConCerToneT.Com - Claudio Poloni, 17.12.2013

Il faut souligner l’excellente prestation de Nicolas Rivenq, dans le rôle de Gabriel von Eisentsein. Il s’approprie par-faitement son personnage, se jouant avec aisance de la tessiture exigeante du rôle.Le Courrier - Chrisrophe Imperiali, 18.12.2013

Vocalement très à l’aise, Nicolas Rivenq est un Gabriel von Eisenstein très élégant. Grâce à un bel abattage scé-nique il caractérise très bien l’aristocrate roublard et fê-tard prompt à tromper sa femme. Teodora Gheorghiu est une Adèle pleine de jeunesse et de charme et qui maîtrise parfaitement la tessiture exigeante du rôle avec un beau

timbre et des aigus lumineux. Marie-Claude Chappuis incarne un prince Orlofsky désabusé à souhait. La mezzo est beau et la ligne de chant exemplaire. oDb-opera.Com - Gérard Ferrand, décembre 2013

Siegfried

Après les déroutes de quelques Tétralogies récentes […], on avait fini par croire que l’année Wagner n’aurait pas laissé grand chose de bon. Tardive mais substantielle consolation : à Genève, depuis l’an passé et jusqu’en mai prochain se construit une Tétralogie qui vaut le détour et qui pourrait consoler pas mal de wagnériens désemparés.La Libre beLgique - Nicolas Blanmont, 01.02.2014

[…] Tout d’abord Andreas Conrad. Son incarnation de Mime concentre justesse vocale et richesse de l’expression. […] Tout comme Tómas Tómasson – Voyageur à la voix puissante et charpentée – et John Lundgren – Alberich de très belle présence scénique et à la voix impeccable. Tribune De genève - Rocco Zacheo, 01.02.2014

Andreas Conrad en Mime de conte de fées tire tous les jeux dramatiques et vocaux pour montrer la réticence du nain. […] La voix retentissante et démoniaque de John Lundgren en Alberich. […] Petra Lang convainc en Brünnhilde expres-sive, de grande force dramatique. […] John Daszak propose un Siegfried plus lyrique que d’ordinaire. […] Des solistes d’une belle tenue formelle, grâce à la maîtrise des tempos d’Ingo Metzmacher, au pupitre de l’OSR […] il est la véri-table star de la nouvelle production genevoise.abenDzeiTung, Oliver Schneider, 03.02.2014

Le jeu de l’OSR est toujours merveilleusement plas-tique et transparent. […] Les decrescendos foudroyants de Metzmacher, presque jusqu’au néant sonore, laissent de multiples espaces aux chanteurs pour se déployer. […] John Daszak vient sans doute aucun enrichir la scène actuelle des Heldentenors. […] D’une assurance absolue dans ses aigus et toute aussi dynamique que dans Die Walküre : Petra Lang. […] La manière dont Dieter Dorn met en scène Lang et Daszak à travers cette cascade d’émotions : voilà de la belle direction d’acteurs. Die WeLT - Stephan Hoffmann, 04.02.2014

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Le chef Ingo Metzmacher maintient la plus grande clarté dans le jeu de l’OSR, exigeant le moins possible de dé-rives nébuleuses : l’idéologiquement et structurellement saisissable vient ici remplacer la pure mystique musicale incantatoire. […] Dans ce Siegfried, il se passe quelque chose qui va au-delà de la direction d’acteurs extrême-ment fine de Dieter Dorn. süDDeuTsChe zeiTung - Helmut Mauró, 04.02.2014

Sous la direction d’Ingo Metzmacher, l’Orchestre de la Suisse Romande révèle un phrasé et une palette de colo-ris subtils qui suscitent l’intérêt de bout en bout de ce long ouvrage. CresCenDo-magazine.be - Paul-André Demierre, 05.02.2014

L’interprétation de Petra Lang est belle, la joie d’être là vraiment communicative. Le jeu est subtil. Comme dans Die Walküre, l’incarnation de cette Brünnhilde toute de lumière, belle cerise sur le gâteau d’un spectacle déjà copieux, convainc. resmusiCa, Jean-Luc Clairet, 07.02.2014

À saluer sans réserve : le Mime d’Andreas Conrad et le Voyageur de Tómas Tómasson. L’hebDo - Dominique Rosset, 06.02.2014

Petra Lang fascine en Brünnhilde aux couleurs et aux nuances chatoyantes.Concertonet.com, Claudio Poloni, 08.02.2014

Ingo Metzmacher dompte une partition dont il sait à merveille dégager les leitmotifs et débusquer toute la ri-chesse sonore. Avec fluidité, poésie et tension contrôlée, il conduit l’Orchestre de la Suisse Romande sur des che-mins chambristes, refusant l’emphase pour mieux culti-ver la transparence de la musique. Concertclassic.com, Michel Le Naour, 09.02.2014

Les Oiseaux de la forêt sont actionnés au bout de perches, et l’un d’entre eux, le plus important, est une marionnette manuelle qui se laisse animer avec un art visible et audible par Regula Mühlemann. […] Petra Lang s’est acquittée avec intelligence de sa prise de rôle de la Brünnhilde de Siegfried.opernWeLT - Markus Thiel, Mars 2014

Nabucco

Sous la direction de John Fiore, le chœur tout comme l’Orchestre de la Suisse Romande sont dans une intério-rité habitée et jamais pathétique. Les tempos gardent une dynamique et une grâce qui dessinent la musique sans jamais l’alourdir. L’hebDo - Dominique Rosset, 02.03.2014

[…] Csilla Boross, qui est une Abigaille à la présence scé-nique et vocale de grande envergure. Sa prestation s’im-pose avec force et tient à elle seule une partie essentielle de la production […]. Le bonheur vient enfin de la fosse, où le chef John Fiore a su transmettre à l’Orchestre de la Suisse Romande une touche sensible et majestueuse, vivace et aux tempos soutenus. Les musiques de Verdi en sont sorties grandies.Tribune De genève - Rocco Zacheo, 03.03.2014

À la tête d’un chœur excellent, notamment dans un « Va pensiero » très travaillé, et d’un Orchestre de la Suisse Romande en pleine forme, le chef américain John Fiore donne ses lettres de noblesse à cet ouvrage, sculptant la pâte instrumentale, distillant éclat et douceur tour à tour, avec un vrai respect pour cette écriture musicale plus subtile qu’on veut bien souvent le croire.CLassiCneWs.Com - Nicolas Grienenberger, 03.03.2014

Sur la scène, les voix féminines réservent de belles sur-prises. La mezzo Ahlima Mhamdi séduit par son timbre chaleureux et par une présence scénique pudique mais rayonnante. Le contraste avec l’Abigaille survoltée de Csilla Boross est parfaitement réussi. La soprano hon-groise est sans doute la grande révélation de la soirée, endossant de façon magistrale ce rôle périlleux, qui saute sans cesse d’un registre à l’autre et exige un engagement dramatique sans calcul.Le Courrier - Christophe Imperiali, 05.03.2014

À Genève, la direction de John Fiore ancre la partition dans cette généalogie verdienne, adoucissant la ryth-mique, faisant chanter l’orchestre tout en lui donnant un impact dramatique conquérant. L’Orchestre de la Suisse Romande répond à ses sollicitations avec allant et fluidi-té, tandis que le chœur du Grand Théâtre excelle dans un « Va, pensiero » saisissant. La Croix - Bruno Serrou, 06.03.2014

Götterdämmerung

C’est avec joie que Petra Lang ou Johannes Martin Kränzle s’adonnent à la coloration des voyelles, au pointu des consonnes et à une mise en lumière toujours plus enthousiasmante des allitérations. Cela leur est possible, grâce à l’approche développée par Ingo Metzmacher pour son Ring genevois, qui mène ses claires sonorités cham-bristes jusqu’à leur plénitude. […] Le chef tient inlassable-ment l’orchestre – qui se laisserait volontiers déchaîner – en main, et avec une sensibilité éveillée s’assure que l’ins-trumental soit réparti sur l’évolution du réseau vocal et ne l’écrase pas sous la lourde patte d’une masse homophone.neue zürCher zeiTung - Peter Hagmann, 25.04.2014

Ici on ne suit « que » les traces de Wagner. Dans le cas de Metzmacher, cela veut dire : se souvenir de la qualité fran-cophone du son, se concentrer sur les narrations vives et éloquentes des bois et concentrer la mollesse des cuivres, ne pas exagérer outre mesure le jeu exalté des cordes de l’OSR. Metzmacher tire son parti de l’inconvénient de la « fosse d’orchestre trop profonde » du Grand Théâtre, pour faire naître une tonalité orchestrale douce, avisée, intelligente et éveillée au dialogue.Die WeLT - Manuel Brug, 25.04.2014

Petra Lang est désormais une Brünnhilde à part entière, tant au niveau de la voix que dans sa représentation d'une vraie femme dramatiquement convaincante. seenanDhearD-inTernaTionaL - Jim Pritchard, 25.04.2014

Ingo Metzmacher sait capter l’oreille du mélomane qui sa-voure chaque instant de cette direction flamboyante comme des gourmets conscients de l’exception du moment vécu. TouT Lyon - Antonio Mafra, 26.04.2014

Retour de presse sur la saison 13-14 (suite)

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[…] c’est grâce à une direction d’acteurs très précise, très fouillée, sans aucun temps mort que Dorn donne toute son intensité au drame. oDb opera - Gérard Ferrand, 28.04.2014

Le Songe d'une nuit d'été

Les qualités artistiques de chaque interprète semblent avoir été décelées par le chorégraphe, les identités se superposant à travers les sentiers qu’il a su tracer. De l’humour et des sous-entendus sexuels rendent l’exer-cice plaisant qui reste néanmoins sérieux. Une mention particulière pour les beaux costumes et jeux de lumières ainsi que la scénographie agréablement folâtre. Ces divers ingrédients forment un Songe ludique et logiquement fée-rique, s’inscrivant en cohérence avec la réputation d’ex-cellence du Ballet du Grand Théâtre de Genève.Cesar.fr - Valentin Lagares, 06.10.2013

Basé sur Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, cette version de ballet constitue un spectacle innovant. Sa cho-régraphie complexe et une partition incroyablement puis-sante la situent dans la catégorie supérieure des ballets modernes auxquels il m'a été donné d'assister.performanCerevieWeD.Com - Vassilissa Conway, 12.10.2013

Dans le double rôle de Puck le bouffon et d’Obéron le roi des fées, l’Australien Joseph Aitken est magnifique d’allure et de séduction féline. Il forme avec Yu Otagaki un couple étourdissant de jeunesse.Le Temps - Alexandre Demidoff, 08.10.2013

Il aura beaucoup volé, l’athlétique Joseph Aitken, au cours de ce spectacle d’une heure trente sur le thème du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Le double rôle de Puck et d’Obéron lui ouvre la voie des cieux, d’où Michel Kelemenis le fait descendre une première fois d’une très légère nacelle, que l’on croirait chipée à Zizi Jeanmaire. Ce splendide danseur australien est la révélation de cette nouvelle création du chorégraphe marseillais pour le Ballet du Grand Théâtre.Tribune De genève - Benjamin Chaix, 07.10.2013

Mémoire de l'ombre

L’ensemble des danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève se glissent à merveille dans cette chorégraphie émotive et sensible, se jouant d’une virtuosité tech-nique aussi nécessaire que dissimulée dans une fluidité apparente. DansCanaLhisTorique.Com - Agnes Izrine, 24.02.2014

La chorégraphie quant à elle est, comme à l’habitude chez cet artiste, rapide, alambiquée, souvent acroba-tique – émaillée de nombreux portés – mais très moel-leuse et d’une musicalité extrême. CriTiphoToDanse.e-monsiTe.Com -Jean-Marie Gourreau, 17.02.2014

De son expérience auprès de l’un des plus grands choré-graphes de notre temps, le Pragois Jiří Kylián, Ken Ossola a gardé une façon singulière d’inscrire très précisément dans l’espace, sans fioritures ni surcharge ornementale, un mouvement parfois fluide, ou anguleux, épuré toujours.genveveaCTive.Ch - Bertrand Tappolet, 18.02.2014

Ken Ossola […] est un colosse bâti par la puissance de ses quadriceps. Sa chorégraphie n’en est pas moins d’une magnifique légèreté, au seuil de l’abstraction dan-sée. Portée par la vingtaine de danseurs du Ballet du Grand Théâtre, Mémoire de l’ombre, sa dernière créa-tion, puise en chaque interprète une face sombre, emplie de terreurs. Confusion des genres, troubles de la mémoire. La feuille-miroir conçue par Nicolas Musin, suspendue dans les cieux, plane au-dessus d’eux comme un orage menaçant. Ou réfléchit la lumière, selon les variations du mouvement. Lorsque les duos d’hommes s’amorcent, l’intensité dramatique va crescendo.Le Courrier, Cécile Dalla Torre, 14.02.2014

Avec sa chorégraphie, Ossola rend visible, de manière physique, que la lumière et l’ombre ne pourront jamais être séparées l’une de l’autre. Pendant ce temps, le Ballet du Grand Théâtre de Genève traduit cela avec une dou-ceur incroyable et, comme toujours, offre un spectacle fantastique.neue zürCher zeiTung - Isabelle Jakob, 14.02.2014

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O r même si la culture japonaise, des Anime jusqu’au Zen, est omniprésente dans notre quotidien, nous ne connaissons souvent qu’imparfaitement les joyaux de ses traditions classiques, et particulière-

ment les arts de la scène, qui fleurissent depuis des siècles au Japon. Cet été, le Grand Théâtre accueille un groupe d’artistes japonais le jeudi 3 juillet pour une soirée excep-tionnelle de chants et de danses dérivés de deux grandes traditions scéniques japonaises, le jōruri et le kabuki.Déclamation lyrique accompagnée au luth à trois cordes (shamisen), le jōruri est une forme de narration chantée qui accompagne le théâtre de marionnettes classique du bunraku, créé à la fin du XVIIème siècle par l’homme de théâtre osakien Takemoto Gidayū. Les marionnettes du bunraku sont presque de grandeur nature et bien plus sophistiquées que les marionnettes à fil européennes, esquissant des gestes précis, roulant des yeux et même serrant du poing. Elles ne sont pas actionnées au fil, mais par des marionnettistes habillés de noir mais sou-vent à visage découvert et toujours visibles du public. Dans le théâtre de bunraku, le tayu, vocaliste-narrateur et le joueur de shamisen se tiennent en général sur le côté cour de la scène, dans une loge spécifique. Le style d’interprétation du jōruri est incantatoire et psalmodié, mais exprime également toute une gamme d’émotions et peut faire s’écrouler son public de rire ou le laisser en larmes. Pour cette soirée, les marionnettes seront évo-quées par des projections et c’est l’art du tayu qui est au centre de la scène : les artistes ont choisi d’interpréter en jōruri un texte du grand dramaturge Chikamatsu Mon-zaemon, Kikaigashima (L’Île-aux-démons, 1791). Pour faire suite à ce récit d’amour et d’exil, une pièce de danse tirée du grand répertoire du théâtre kabuki. Si le bunraku est l’art d’Osaka, le kabuki, lui, est définiti-vement la spécialité de Tokyo. À l’origine un théâtre de

rue, plein de vivacité et de couleurs, exercé par les pros-tituées, le kabuki est devenu, au milieu du XVIIème siècle sur les ordres des shōguns Tokugawa préoccupés de la morale publique, un théâtre exclusivement masculin, les rôles de femme étant joués par des acteurs travestis (les célèbres onnagata). De ses origines populaires, le kabuki a gardé son sens de l’effet scénique, du grotesque et une certaine grivoiserie. Mais il s’y est également développé un art de la danse expressive où le jeu d’acteur se joint à la précision du mouvement, pour le plus grand plaisir des connaisseurs qui n’hésitent pas à saluer une attitude ou une pose particulièrement bien exécutée en criant très fort le nom de guilde (yagō) de l’artiste.Pour la soirée du 3 juillet, c’est un des morceaux les plus célèbres du répertoire dansé du kabuki qui sera pré-senté. Sagi Musume (La jeune fille héron), dont les origines remontent à 1762, est un solo pour danseur évoquant les passions et la jalousie amoureuses d’une jeune femme, possédée par l’esprit d’un héron. Les attitudes de la danse dérivées de l’observation de la nature s’entre-lacent au récit vocal et instrumental des émotions trop humaines de la femme abandonnée, permettant l’ex-pressivité puissante des mie, poses en arrêt, « coupées » par le danseur. ChP

En 2014, on fête le 150ème anniversaire de l’établissement des relations diplo-matiques entre la Confédération helvé-tique et l’Empire du Japon, ainsi que le traité d’amitié du 6 février 1864 entre deux pays qui partagent bien des va-leurs communes. Rigueur et discipline, respect et honneur du travail artisanal, amour quasi-spirituel de la montagne et de la nature, mais aussi passion de l’in-novation et des visions technologiques d’avenir, le Japon et la Suisse ont beau-coup de choses à se dire.

Kikaigashima (鬼界が島) Le grand dramaturge japonais

Chikamatsu Monzaemon (1653-1725) écrivit ce texte en 1719, à l’origine comme

élément d’une grande fresque historique, mais le texte prit rapidement

une vie indépendante et fait désormais partie

des grands classiques du théâtre bunraku. L’histoire

se passe à la fin du XIIème siècle, alors que le clan

aristocratique des Heike gouverne le Japon. Pour son

implication dans un complot contre le chef des Heike, le

prêtre bouddhiste Shunkan vit en exil depuis trois

ans sur l’Île-aux-démons, dans la mer méridionale

entre Kyūshu et Okinawa, avec son co-conspirateur

Naritsune. Naritsune s’apprête à épouser Chidori,

une pêcheuse de perles de l’île. Un messager arrive de

la capitale avec un décret d’amnistie pour les rebelles

exilés. Mais il n’y a de la place que pour trois sur le

bateau qui doit les ramener au Japon. Qui de Shunkan ou

Chidori prendra la troisième place ?

De Butterfly au bunraku

> JŌRURI KIKAIGASHIMA (L'ÎLE-AUX-DÉMONS) VOIX Takemoto Chitodesayū SHAMISEN Toyotake Tomisuke KABUKI SAGI MUSUME (LA JEUNE FILLE HÉRON) DANSEUR Nakamura Kazurarō Ensemble vocal et instrumental traditionnel japonais Au Grand Théâtre 3 juillet 2014

par Christopher Park

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Sagi Musume (鷺娘)Interprétée pour la première fois en 1762 et probablement inspirée par un drame de Chikamatsu, où l’esprit d’une jeune femme trompée revient après sa mort sous la forme d’un héron pour se venger de son mari, cette danse entra en 1839 au répertoire du kabuki dans la version élaborée qu’on verra aujourd’hui. Le grand onnagata Tamasaburō, dont Mishima fut tant épris, rendit célèbre les tribulations émotives d’une jeune femme amoureuse, possédée par l’esprit d’un héron blanc. La pièce s’ouvre et se ferme avec les mouvements du héron, mais entre deux, nous assistons à la représentation d’une jeune femme bien humaine, en prise à la passion amoureuse. Dans un décor hivernal blanc et noir, le héron solitaire et silencieux s’habille soudain de rouge et se métamorphose en jeune fille gaie et coquette. Sa joie ne durera pas et la danse devient plus échevelée et tourmentée, jusqu’à ce qu’elle se fige en une pose mie, d’une force émotive toute particulière à l’art de la danse au kabuki.

De Butterfly au bunraku©

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Bureau

M. Luc Argand, présidentM. Pierre-Alain Wavre, vice-président M. Gabriel Safdié, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaireMme Françoise de Mestral

autres memBres du comité

S. A. S. la Princesse Andrienne d’ArenbergMme Vanessa Mathysen-GerstMme Brigitte VielleM. Gerson Waechter

memBres Bienfaiteurs

M. et Mme Luc ArgandMme René AugereauM. et Mme Claude DemoleM. et Mme Guy DemoleFondation de bienfaisance du groupe PictetFondation Hans WilsdorfM. et Mme Pierre KellerBanque Lombard Odier & Cie SAM. et Mme Yves OltramareMrs Laurel Polleys-CamusUnion Bancaire Privée – UBP SAM. Pierre-Alain WavreM. et Mme Gérard Wertheimer

memBres individuels

S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’ArcisS. A. S. La Princesse Étienne d’ArenbergMme Dominique ArpelsM. Ronald AsmarMme Véronique BarbeyMme Christine Batruch-HawrylyshynM. et Mme Gérard BauerMme Maria Pilar de la BéraudièreM. et Mme Philippe BertheratMme Antoine BestMme Saskia van BeuningenMme Françoise BodmerM. Jean BonnaProf. et Mme Julien BogousslavskyMme Christiane BoulangerComtesse Brandolini d’AddaMme Robert BrinerMme Caroline CaffinM. et Mme Alexandre CatsiapisMme Maria Livanos CattauiMme Muriel Chaponnière-RochatMme Anne ChevalleyM. et Mme Neville CookM. Jean-Pierre CubizolleM. et Mme Olivier DunantMme Denise Elfen-LaniadoMme Maria EmbiricosMme Diane Etter-SoutterMme Clarina FirmenichMme Pierre-Claude FournetM. et Mme Eric FreymondMme Manja GidéonMme Elka Gouzer-WaechterMme Claudia GroothaertM. et Mme Philippe Gudin de La SablonnièreMme Bernard HacciusM. Alex HoffmannM. et Mme Philippe JabreM. et Mme Eric JacquetM. Romain JordanMme Madeleine KogevinasM. et Mme Jean KohlerM. David LachatM. Marko LacinMme Michèle LarakiM. et Mme Pierre LardyMme Guy LefortMme Eric LescureMme Eva LundinM. Ian Lundin

M. Bernard MachMme France Majoie Le LousM. et Mme Colin MaltbyM. Thierry de MarignacMme Mark Mathysen-GerstM. Bertrand MausMme Anne MausM. Olivier MausM. et Mme Charles de MestralMme Vera MichalskiM. et Mme Francis MinkoffM. et Mme Bernard MomméjaM. et Mme Christopher Mouravieff-ApostolMme Pierre-Yves Mourgue d’AlgueM. et Mme Trifon NatsisMme Laurence NavilleM. et Mme Philippe NordmannM. et Mme Alan ParkerM. et Mme Shelby du PasquierMme Sibylle PastréM. Jacques PerrotM. et Mme Gilles PetitpierreM. et Mme Charles PictetM. et Mme Guillaume PictetM. et Mme Ivan PictetM. et Mme Jean-François PissettazMme Françoise PropperComte de ProyartMme Ruth RappaportM. et Mme Andreas RötheliM. Jean-Louis du Roy de BlicquyM. et Mme Gabriel SafdiéComte et Comtesse de Saint-PierreM. Vincenzo Salina AmoriniM. et Mme Paul SaurelM. Julien SchoenlaubMme Claudio SegréBaron et Baronne SeillièreM. Thierry ServantMarquis et Marquise Enrico SpinolaMme Christiane SteckM. André-Pierre TardyM. et Mme Riccardo TattoniM. et Mme Kamen TrollerM. Richard de TscharnerM. et Mme Gérard TurpinM. et Mme Jean-Luc VermeulenM. Pierre VernesM. et Mme Julien VielleM. et Mme Olivier VodozMme Bérénice WaechterM. Gerson WaechterMme Véronique WalterM. et Mme Lionel de WeckMme Paul-Annik WeillerMme Julie Wynne

memBres institutionnels

1875 Finance SABanque Pâris Bertrand Sturdza SAChristie’s (International) SACredit Suisse SAFondation BNP Paribas SuisseFondation BruGivaudan SAGonet & Cie, Banquiers PrivésH de P (Holding de Picciotto) SAJT International SA Lenz & StaehelinMKB Conseil & CoachingLa Réserve, GenèveSGS SAVacheron Constantin

Organe de révision : PlafidaCompte bancaire N° 530 290 MM. Pictet & Cie

REJOIGNEZ-NOUS !Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique, chorégraphique et dramatique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes.Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier des avantages suivants :• Priorité de placement• Service de billetterie

personnalisé• Echange de billets• Dîner de gala à l’issue de

l’Assemblée Générale• Cocktails d’entractes réservés

aux membres• Voyages lyriques• Conférences thématiques

« Les Métiers de l’Opéra »• Visites des coulisses et des

ateliers du Grand Théâtre• Rencontre avec les artistes• Possibilité d’assister aux

répétitions générales• Abonnement au journal ACT-O• Envoi des programmes• Vestiaire privé

Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement :Madame Gwénola Trutat (le matin, entre 8 h et 12 h)T + 41 22 321 85 77 F + 41 22 321 85 [email protected] Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11

Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.

Le carnet du Cercle

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Mathieu Poncet Avant que nous abordions des sujets plus généraux liés au mécénat, nous permettriez-vous de vous demander ce qui vous a donné l’envie de devenir membre du Cercle ?

Luc Argand Depuis de nombreuses années je mène une vie associative variée, que ce soit au sein de structures spor-tives ou vouées au grand public, et je cultive par ailleurs un goût marqué pour la musique et le spectacle lyrique. En effet, n’ayant moi-même que peu pratiqué un instrument de mu-sique, j’ai néanmoins grandi dans une famille de mélomanes. M’impliquer dans une association culturelle, lyrique et chari-table me semblait donc une suite totalement logique.

MP Au vu des magnifiques concerts que le Cercle a permis de réaliser, j’imagine que vous êtes un président heureux. Quels sont les projets que vous souhaitez porter ces pro-chaines années ?

LA Oui, quand je vois la satisfaction du public, et particuliè-rement celle des membres du Cercle, je suis un président heureux. La saison 13-14 en est un bel exemple, les com-mentaires positifs et cette programmation qui recueille tous les suffrages provoquent un intérêt artistique qui sti-mule les générosités. En ce qui concerne les projets que nous souhaitons accom-pagner, j’aimerais évoquer la juste démarche programma-tique de la direction générale du Grand Théâtre. Cette der-nière rappelle qu’il faut affiner le goût du public, élever son niveau de satisfaction. C’est une réflexion que je partage, quand bien même cela peut avoir des conséquences délicates pour la fréquenta-tion. Parallèlement à cette réflexion, et pour revenir à votre question, en tant que président je dois réussir à ce que les membres de mon club de mécènes soient heureux d’assis-ter à nos productions. Le succès public d’une saison est donc fondamentale, et le sera tout particulièrement pen-dant nos deux saisons hors les murs. Nous devrons main-tenir les intérêts et les enthousiasmes malgré les complica-tions inhérentes à ces déplacements.

MP Face aux enjeux que vivent les institutions culturelles (notamment du fait de la situation économique actuelle), comment faut-il envisager la place du mécénat privé ?

LA Mes commentaires sont ceux d’un non-professionnel, mais les remarques qui me viennent à l’esprit sont celles-ci. Les spectacles lyriques, les concerts, les musées bénéficient d’un succès populaire grandissant. Il suffit pour cela de voir les files d’attentes pour les expositions temporaires. Cet en-gouement du public suscite, par ricochet, un vif intérêt de la part des mécènes tout comme de la part des parrainages d’entreprises. C’est à ce propos la vive sympathie pour un projet artistique qui séduit les mécènes et un attrait pour la forte visibilité de ces événements qui attire les parrainages d’entreprises. Ce sont là deux facettes bien distinctes de l’aide à la création artistique mais il me semble important

de faire une distinction claire entre ces deux démarches.

MP Y a-t-il des pas-serelles, des conver-gences entre le mécénat privé et le parrainage d’entreprises ?

LA Oui, dans la volonté de favoriser des projets artistiques, de les aider à se réaliser, il y a bien là une parenté entre ces deux types de structures.

Mais comme dit précédemment, ces démarches sont diffé-rentes quant aux attentes escomptées. Par contre il est vrai que dans les faits certaines passerelles peuvent voir le jour, ceci tout naturellement quand des personnes participent de façon individuelle à un club de mécènes alors que l’entre-prise qui les emploie parraine également cette même insti-tution culturelle. En ce qui concerne le Cercle, c’est le seul cas ou je peux déceler une passerelle factuelle. En effet il n’y a pas d’autres convergences puisque là ou les parrai-nages d’entreprises attendent un retour d’investissement, le Cercle organise avec le Grand Théâtre des événements (conférences, possibilités d’assister à des répétitions, cock-tails, voyages lyriques) qui sont autant de façon de renforcer la fidélisation de nos membres.

MP De même, existe-t-il des réflexions stratégiques, des complémentarités entre le mécénat et les tutelles qui gèrent l’argent public ?

LA De fait un représentant du Cercle et ceux de nos tu-telles (Ville de Genève, République et Canton de Genève) se retrouvent lors des séances du Conseil de fondation, et les réflexions stratégiques ainsi que la vie du Grand Théâtre sont naturellement évoquées au sein de cette instance. Par ailleurs, comme notre Cercle rassemble des individualités sensibles à la vie de la Cité, leurs intérêts se croisent naturel-lement avec ceux de nos édiles. C’est particulièrement vrai dans le cas de projets immobiliers. Il suffit de se pencher sur le projet d’extension du Musée d’art et d’histoire de Genève ou sur celui du Musée d’ethnographie pour comprendre quelle communauté d’intérêts s’exprime dans ces projets où le politique, l’administratif et le mécénat cohabitent. Je crois à ce sujet que les pouvoirs publics se rendent tou-jours plus compte de l’importance qu’il y a à proposer à nos concitoyens, mais également aux voyageurs de passage, une Cité riche en infrastructures culturelles de qualité. C’est aussi grâce à une offre culturelle dense, soutenue aussi bien par la République que par des initiatives privées, que les citoyens de toute origine sociale peuvent se retrouver dans de nombreux projets culturels qui sont autant des lieux de cohésion sociale que d’enrichissement personnel.

Le carnet du Cercle

La clé du succès d’une saison artistique

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Partenaire essentiel et pièce maîtresse de la vie de notre opéra, le Cercle du Grand Théâtre de Genève est un allié fidèle de notre maison. C’est donc avec un grand plaisir que nous pouvons vous faire partager les réflexions de son président Me Luc Argand quant aux démarches défendues par le Cercle et quant à la place du mécénat culturel dans notre Cité. En effet nous savons toutes et tous que le Cercle du Grand Théâtre poursuit une forte démarche qui permet de produire et d’accompagner dans notre institution des récitals et des productions lyriques d’excellence. Pouvoir évoquer ces démarches avec son président prend tout sons sens alors que le Grand Théâtre de Genève se trouve face à de grands et beaux défis.

Le mécénatLuc Argand, président du Cercle du Grand Théâtre s'entretient avec Mathieu Poncet

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« L'amour est éternel tant qu'il dure »

N ous reprenons une citation de Henri François-Joseph de Régnier (1864-1936), écrivain, roman-cier et poète, proche du symbolisme. Elle est extraite de Lui ou Les femmes et l’amour. Le romancier avait épousé Marie, une des fille du poète José-Maria de Heredia. Il fut rapidement fait cocu par un de ses meilleurs amis, Pierre Louÿs, avec qui, Marie eut un fils. Franz-Olivier

Giesbert a récemment repris cette idée dans un livre pu-blié aux éditions Flammarion. Nous le savons bien, l’amour est un démiurge qui sait et peut tout transgresser. Il s’agit d’un personnage, aux multiples facettes, aussi vieux que le monde. Adam n’a-t-il pas croqué dans la pomme par amour, sans parler d’An-toine et de Cléopâtre et de bien d’autres encore. Omniprésent dans toutes les époques et dans toutes les cultures, il reste un personnage qui surprend sans prévenir, qui ravit et procure des tourments. L’Éden côtoie l’Enfer. La saga wagnérienne qui vient de s’achever, nous a conté le passage de la création du monde à sa renaissance transfigurée grâce à l’amour. Senta, une autre héroïne wagnérienne, s’est jetée dans la mer pour sauver le Hollandais errant sur les océans, à la recherche de l’amour parfait. Mais lorsque nous rencontrerons Médée, il faudra

aussi se souvenir que l’amour est capable de tuer. Dans les plus prestigieuses demeures jusque dans les plus misérables masures

battent des cœurs qui aspirent à l’amour. À cet amour qui ne laisse personne indifférent. Aimer et être aimé, n’est-ce pas là le rêve le mieux partagé dans l’univers ? Ni les dieux, ni les rois et encore

moins les hommes ne résistent à ce sentiment qui depuis des temps anciens possède même ses divinités. L’argent gouverne le monde, et si c’était l’amour qui dirigeait le monde ?

Au cours de la saison 14-15, passion et folie règnent en maître. Les œuvres à l’affiche de la saison abordent le paroxysme amoureux. Y a-t-il univers plus propice que

l’opéra pour parler de paroxysme ? L’amour fou ne peut rimer avec l’amour sage et lorsque aimer se conjugue à la folie, il peut mener jusqu’à la destruction,

jusqu’à la mort. Les titres que nous avons choisis pour vous racontent nos sentiments, nos pulsions poussés à l’extrême. Constitutif de la vie, l’amour se décline sur la scène du Grand Théâtre de multiples manières.

Le bouffon Rigoletto sacrifie sa fille par excès d’amour, Onéguine s’interdit le bon-heur par jalousie et, peut-être, égoïsme. La folie s’empare de Médée lorsque Jason l’abandonne, elle assassine ses deux enfants par amour. Et que dire du couple my-

thique Porgy et Bess surgi de la plume de Gershwin, ou de Leonore qui risque sa vie pour sauver son époux ? Le Ballet du Grand Théâtre ne sera pas en reste, car il évoque pour nous Tristan et Iseut unis par un amour fou qui leur fut fatal. Laurent Pelly, de retour au Grand Théâtre, revisite La Grande-Duchesse de Gerolstein, également amoureuse, mais éconduite, et qui saura se consoler « avec ce qu’elle a ». Avec une thématique omniprésente chaque jour, à en devenir galvaudée, ou vide de sens, nous souhaitons faire de vous des amoureux, des amoureux du Grand Théâtre, qui, grâce à l’Art, traversent les tempêtes et les doutes inhérents à la vie et se placent au-delà des idéologies sectaires et réductrices. DD

Saison 14-15

par Kathereen Abhervé, Daniel Dollé, Christopher Park, Benoit Payn & mathieu Poncet

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R I G O L E T T ODès le premier lever de rideau de la saison 14-15 les affres de la passion, l’amour et la mort vont commencer leur long travail destructeur avec le Rigoletto de Giuseppe Verdi dans la version présentée l’été dernier au Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Avant que Rigoletto ne triomphe à Venise en 1851, le 17ème opéra de Verdi est passé à plusieurs reprises par les ciseaux pointil-leux de la censure. Inspiré du drame sulfureux de Victor Hugo Le Roi s’amuse, interdit à sa création parisienne en 1832, le sujet avait de quoi effaroucher la morale bour-geoise. Il a donc fallu que Francesco Maria Piave, l’habile et fidèle librettiste, prenne soin de brouiller les pistes en modifiant époque, lieux et noms des personnages. Le cruel Triboulet hugolien est devenu Rigoletto qui, selon le metteur en scène Robert Carsen, prendra les traits d’un clown tragi-comique. Sur une piste de cirque entourée de gradins, le bossu machiavélique finira par être pris à son propre piège, et sa malédiction se retournera contre lui lorsqu’il découvrira, horrifié, Gilda sa fille adorée, assassi-née par sa faute. KA

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B R Y N T E R F E LIl n’y pas à discuter  : la présence, tant physique que vocale, de Bryn Terfel est plus grande que nature. Mais ceux qui se souviennent de ses premières prestations en basse de caractère mozartienne au Welsh National Opera, il y a une quinzaine d’années, savent que cette énorme présence peut se teindre de toute la couleur et de la nuance qu’il faut pour que sa stature imposante cède

le pas au cœur et à la dé-licatesse. On entend cela dans le répertoire britan- nique mis en avant par l’ar- tiste dans ce récital et ses deux enregistrements pour Deutsche Grammophon, The Vagabond et Silent Noon . Répertoire peu

connu outre-Manche et c’est regrettable  : les mélodies ravissantes de John Ireland, les rythmes enlevés des chansons de matelot de Frederick Keel, les sonnets de Shakespeare ciselés par Roger Quilter… autant de contours mélodiques et harmoniques aux ambiances pastorales et marines qui sont, de manière aussi indéfi-nissable qu’indéniable, so British. ChP

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E U G È N E O N É G U I N ELe roman en vers que Pouchkine composa entre 1825 et 1833 est un tel monument des lettres russes que lorsqu’un metteur en scène s’empare de la partition qu’en tira Tchai-kovski en 1879, on risque fort de voir la production som-brer dans des excès d’ingéniosité. Ce n’est absolument pas le cas de la production que Robert Carsen réalisa pour le Met de New York en 1997 et que le Grand Théâtre remontera cet automne. Une vaste scénographie minima-liste et dramatique met l’accent sur les ambiances et les sentiments plutôt que de détailler les lieux. Les costumes, de superbe facture, sont absolument fidèles à l’époque du roman sans que la mise en scène ne verse dans l’hyperréa-lisme. Le jeune baryton allemand Michael Nagy (Wolfram à Bayreuth en 2011) incarnera l’anti-héros si attachant de ce joyau musical et scénique venu revivre à Genève sous la baguette de Michail Jurovski. ChP

« L'amour est éternel tant qu'il dure »

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raine s’amourache de Fritz et se permet tous les caprices pour obtenir les faveurs du jeune soldat, suscitant ainsi la jalousie du Prince Paul, du Baron Grog et du Général Boum qui scelleront ensemble un pacte de vengeance. Comme au terme de chaque d’année, l’opérette est donc à l’honneur au Grand Théâtre. Drôles d’amours, humour cocasse et musique entraînante : voilà de quoi égayer les fêtes de fin d’année ! BP

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PAT R I C I A P E T I B O NOutre sa chevelure flamboyante qui la distingue du commun des mortels, la soprano colorature Patricia Petitbon suit depuis une vingtaine d’années une carrière tout à fait atypique. Remarquée par William Christie en 1994 lors d’une production de l’Académie baroque européenne d’Ambronay, la diva française n’a cessé de brouiller les pistes. Passant de la musique ancienne au répertoire contemporain, des opéras de Mozart à ceux de Richard Strauss, la rayonnante soprano aux allures de lutin et aux aigus sans pareils s’est aussi aventurée sur des chemins de traverse en chantant avec… Florent Pagny. En décembre prochain, elle est attendue au Grand Théâtre, pour un récital de mélodies françaises intitulé La belle excentrique. Un titre qui en dit long sur l’origina-lité et la fantaisie des mélodies de Fauré, Poulenc, Satie et Rosenthal qu’elle a choisi d’interpréter en compagnie de la pianiste Susan Manoff. Ce récital réservera certai-nement de belles surprises d’humour et de poésie au pu-blic genevois qu’elle charma il y a quelques années avec des rôles à sa mesure. Vous souvient-il de sa fascinante et sulfureuse Lulu ? KA

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C A S S E - N O I S E T T EPremier danseur aux Ballets de Monte-Carlo, Jeroen Verbruggen a déjà plusieurs chorégraphies à son actif, notamment Kill Bambi et Arithmophobia qui ont rem-portés de grands succès du côté du Rocher. Philippe Cohen, le directeur du Ballet du Grand Théâtre, offre au jeune chorégraphe belge l’opportunité de présenter une première soirée complète en lui confiant le fameux Casse-Noisette de Tchaikovski. Artiste prometteur, Jeroen Verbruggen proposera au public genevois une lecture inédite de ce grand classique du répertoire et dévoilera un univers chorégraphique très personnel, virtuose et fougueux, regorgeant de moments enchanteurs et mar-qué ça et là de quelques pointes d’exubérance. Un Casse-Noisette à la fois onirique et baroque qui prendra vie à travers la ronde tourbillonnante des danseuses et dan-seurs du Ballet du Grand Théâtre. BP

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I C A P U L E T I E I M O N T E C C H IGounod, Berlioz, Prokofiev ou Tchaikovski : on ne compte plus les compositeurs qui, captivés par le mythe de Roméo et Juliette, en ont fait soit un opéra, soit une œuvre symphonique, soit un ballet. Parmi eux, Vincenzo Bellini est l’auteur d’une tragedia lirica sur ce thème des amou-reux maudits et composée en pleine apogée du roman-tisme italien. Lors de cette version concert d’I Capuletti e i Montecchi, le plus célèbre des couples de Vérone sera interprété par la mezzo-soprano Elīna Garanča dans le rôle travesti de Romeo et la soprano Aleksandra Kurzak dans celui de Giulietta. Déjà présents lors du précédent récital de la mezzo-soprano lettone, Karl Marek Chichon et la Deutsche Radio Philharmonie de Saarbrücken-Kaiserlautern feront leur retour à Genève pour défendre cette perle rare du répertoire belcantiste. BP

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L A G R A N D E - D U C H E S S E D E G É R O L S T E I NLaurent Pelly et Jacques Offenbach, deux noms qui vont bien ensemble  ! Après Orphée aux enfers et La Belle Hélène qui ont défrayé la chronique ces dernières années, le metteur en scène et sa scénographe Chantal Thomas s’emparent à nouveau d’une des œuvres du célèbre compositeur français. Pour La Grande-Duchesse de Gérolstein, ils ont imaginé un univers poétique et drôle dans lequel toute la facétie du monde militaire et les abus de la Grande-Duchesse de Gérolstein sont tournés en dérision. Un univers dans lequel la souve-

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N ATA L I E D E S S A Y & L A U R E N T N A O U R IAprès 25 ans d’une brillante carrière, Natalie Dessay a commencé à s’éloigner de la scène lyrique afin de se consacrer plus particulièrement à la chanson et au théâtre, mais elle n’a pas exclu d’offrir un petit récital de temps en temps… Le public genevois connaît bien la soprano française qui, sur la scène de Neuve, campa plusieurs rôles dont chacun devenait un véritable évé-nement théâtral, comme son émouvante Ophélie dans Hamlet ou sa tragique Manon de Massenet. Dix ans après elle revient au Grand Théâtre de Genève, avec son époux, le baryton-basse Laurent Naouri, pour un récital de mélodies françaises. En compagnie du pianiste Maciej Pikulski, les deux artistes interprèteront, seuls ou en duo, une vingtaine de mélodies de Fauré, Duparc, Poulenc, Delibes et Widor, dont certaines, composées pour soprano et baryton, sur des poèmes de Théophile Gauthier, Valéry ou Hugo, révèleront certainement des joyaux méconnus. KA

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P O R G Y A N D B E S SEn s’inspirant de Porgy, le best-seller d’Edwin DuBose Heyward paru avec succès en 1926, George Gershwin sa-vait qu’il tenait-là le sujet de son premier opéra. Toutefois malgré un excellent livret cosigné par l’écrivain et Ira Gershwin, Porgy and Bess, créé au Alvin Theatre de New York en 1935, a du attendre le succès près de 40 ans. Bien que certains des airs soient devenus de véritables tubes, comme « Summertime », ce folk opera américain inspiré du jazz, du blues et du gospel ne parvenait pas à trouver sa place sur les scènes lyriques, jusqu’à ce qu’en 1976 l’opéra de Houston le programme dans sa version com-plète. Depuis, les amours tumultueuses de Bess, la belle

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L E P E T I T P R I N C EEn janvier prochain, Le Petit Prince a rendez-vous avec le public genevois. Mais pas n’importe quel Petit Prince puisqu’il s’agira du dernier opéra commandé à Michaël Levinas par les opéras de Lille et de Lausanne où il aura été créé deux mois plus tôt. Pour son quatrième opéra, l’ancien élève d’Olivier Messiaen a imaginé une œuvre lyrique qui, à la manière du langage épuré du Petit Prince qu’Antoine de Saint-Exupéry écrivit en 1943 en plein cœur de la seconde guerre mondiale, s’adressera aux en-fants et aux adultes. Michaël Levinas a été séduit par ce petit bonhomme venu d’ailleurs qui, selon lui « exprime à la fois le merveilleux, la grâce, mais aussi la fragilité et la gravité face au réel humain et impitoyable. » Afin de transmettre le message d’espoir porté aux adultes par «  cet enfant diaphane et énigmatique  », le compo-siteur (grand pionnier du renouvellement de l’écriture instrumentale – il participa au courant spectral) va créer une œuvre originale pour huit voix et un orchestre de chambre, sur un livret qu’il aura réalisé au plus près du texte de Saint-Exupéry. KA

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I P H I G É N I E E N TA U R I D E« La particularité de Lukas Hemleb est de ne pas se trouver là où on l’attend » a-t-on pu lire il y a quelques années. Son travail franchit aisément les frontières géo-graphiques ainsi que les barrières esthétiques. Le double ancrage dans la culture de ses origines allemandes et dans la culture française de son pays d’adoption le caractérise, à l’instar du compositeur des Lumières pour lequel il

vient à Genève monter une toute nouvelle production de son Iphigénie en Tauride. Christoph Willibald Gluck, l’Allemand qui traça entre Vienne et Paris un nouveau chemin pour l’opéra, et Lu-kas Hemleb se rencontrent autour d’Iphigénie, déchirée entre son amour fraternel et ses devoirs de prêtresse, fi-gure dramatique immense à la mesure du talent d’Anna Caterina Antonacci. ChP©

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W AT E R S TA I N S O N T H E W A L LUn plateau incliné à huit degrés, couvert d’un tapis de danse blanc évoquant la feuille de papier de riz des peintres et calligraphes chinois, contre un fond tout aussi blanc où dérivent des nuages d’encre en lavis. Une musique du compositeur contemporain japonais Toshio Hosokawa aux sonorités pures et organiques. Des dan-seurs dont la maîtrise quasi surhumaine du mouvement rend leur immobilité tout aussi éloquente que leur geste. Voilà ce que propose la compagnie taïwanaise Cloud Gate Dance Theater, le ballet invité de la saison. Ces « taches d’humidité sur le mur », résultat d’un long processus de fluidité, d’osmose, de capillarité sont une métaphore tradi-tionnelle chinoise pour désigner la perfection esthétique de l’art du calligraphe ; Lin Hwai-min et ses danseurs s’en inspirent pour une œuvre abstraite d’une ensorcelante beauté et techniquement à couper le souffle. ChP

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C O N T E S D E L A L U N E V A G U E A P R È S L A P L U I ETout au long de notre prochaine saison c'est majoritaire-ment le paroxysme amoureux qui sera évoqué, là où les situations romanesques et les conflits psychologiques se révèlent en des dramaturgies marquées. La thématique des Contes de la lune vague après la pluie est quant à elle tout autre. Nous sommes ici transportés dans un monde d'illu-sions troublantes où les apparences et les faux-semblants servent à évoquer les aspirations chimériques des héros. En totale collaboration créatrice avec le librettiste Alain

«  Black  » d’un bidonville imaginaire de Charleston en Caroline du Sud, tiraillée entre son mari, le caïd Crown, l’infirme Porgy et le dealer Sportin’Life, passionnent les mélomanes. Malgré son succès international Porgy and Bess, qui nécessite une distribution de chanteurs exclusivement noirs, est assez rarement programmé. C’est pourquoi l'accueil au Grand Théâtre du New York Harlem Theater en tournée mondiale s’annonce comme l’un des événements musicaux de l’hiver 2015. KA

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M I C H A E L V O L L ESi Michael Volle fait régulièrement le bonheur des spectateurs de l’Opernhaus de Zurich, les mélomanes romands n’auront pour une fois pas à prendre la route pour apprécier le baryton allemand puisqu’il est l’un des invités de marque de la saison de récitals gene-vois ! Encensé par la critique lors de ses récents débuts en Mandryka (Arabella) au Metropolitan Opera de New York, Michael Volle est depuis quelques années au faîte de son art. Courtisé par les plus grandes maisons d’opé-ra, il sera notamment le Wotan des prochains cycles du Ring à Vienne et New York. Et s’il brille dans le répertoire allemand, le chanteur originaire de la Forêt-Noire ne dé-daigne pas les grands rôles de barytons de Mozart, Verdi, Puccini ou Tchaikovski qu’il incarne toujours avec brio. Accompagné par le pianiste Helmut Deutsch, il interpré-tera notamment le Chant du cygne, ultime recueil pour voix et piano de Schubert que l’on considère comme l’apogée de l’œuvre de l’auteur du Voyage d’hiver. BP

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M E S S A D A R E Q U I E MAprès Sigurd l’année dernière, le Grand Théâtre de Genève et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent une nouvelle collaboration d’envergure  : la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi, une œuvre d’une profondeur émotionnelle sans pareille qui tient davantage de l’opéra que de la musique liturgique. C’est Semyon Bychkov qui sera à la tête de l’OSR, un chef d’orchestre très courtisé et habitué à diriger les plus prestigieuses phalanges de la planète. Le chef d’origine russe et naturalisé améri-cain pourra également compter sur quelques-uns des meilleurs interprètes verdiens de la scène lyrique inter-nationale : la Lituanienne Violeta Urmana et les Italiens Riccardo Massi et Roberto Scandiuzzi. Ces artistes d’ex-ception seront entourés par le Chœur du Grand Théâtre et l’OSR qui jouera « à la maison » puisque ces concerts seront donnés dans l’écrin luxuriant du Victoria Hall. BP

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D I A N A D A M R A U & X A V I E R D E M A I S T R EÀ Genève, elle est Titania la blonde… N’en déplaise à sa Donna Anna, n’en chagrine son Elvira, c’est dans son incarnation sensuelle et provocante de la Philine d’Am-broise Thomas qu’on aime se rappeler de Diana Damrau. Ou alors on fait abstraction de ses prestations lyriques de colorature-star et on se rappelle de cette soirée du 24 mai 2013 où le Rossignol de Günzburg dévoila au public genevois l’un des aspects de son art les plus insoupçon-nés et les plus charmants  : la prima donna apprivoisée par le harpiste. La double vibration de cordes vocales et pincées, à la manière d’Ossian ou du roi David, plonge dans le passé atavique de notre mémoire musicale. Le dialogue de Diana Damrau avec Xavier de Maistre en fait une chose si fine et immédiate, qu’on comprend que le public genevois se réjouisse du retour du duo. ChP

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« S A L U E P O U R M O I L E M O N D E »« Salue pour moi le monde, mon père et ma mère, et apporte le breuvage, verse-le dans la coupe d’or », or-donne Iseult à sa suivante Brangäne, avant de partager avec Tristan le nectar qui les réconciliera dans la mort. Pourtant ce n’est pas du poison qu’ils boiront mais une « liqueur d’amour » qui les unira pour l’éternité. « Salue pour moi le monde ! » est le titre que Joëlle Bouvier a donné à sa nouvelle création chorégraphique. Après la dramatique histoire de Roméo et Juliette qu’elle revisita il y a quelques années sur la scène du Grand Théâtre, la chorégraphe française revient à Genève le printemps prochain pour s’emparer, avec les danseurs du Ballet du Grand Théâtre, de la folle passion de Tristan et Iseult en-sorcelés malgré eux, du moins le croient-ils. Elle va s’ap-proprier la musique de Richard Wagner pour construire le formidable espace de la volupté et de la passion fait de souffrances et d’extase qui mènera les deux amants vers l’irrésistible maelström de la mort rédemptrice. KA

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F I D E L I OLorsque Beethoven rata la création de son premier opéra en 1805, il remit son ouvrage à deux reprises sur le métier avant de produire la version finale (et enfin acclamée !) de Fidelio, ce produit qui devait rester unique : le seul opéra du démiurge musical de l’Occi-dent. Les difficultés par lesquelles le compositeur dut passer sont autant de cicatrices sur la partition ; Fidelio n’est pas une œuvre d’un seul tenant, aux rondeurs clas-siques. C’est un conglomérat rugueux, cassant, contra-dictoire de Singspiel, d’oratorio et de grand opéra. Et pourtant, la musique de Beethoven, du chaos de ces éléments dispa-rates et d’un livret somme toute assez banal d’opéra de sauvetage, forme une œuvre aux personnages bien caractérisés et aux situations émouvantes. Le metteur en scène allemand Matthias Hartmann sait ce qu’est que la création artistique dans la tourmente et l’adversité : on attend donc beaucoup de son retour sur les planches avec ce projet pour un nouveau Fidelio genevois. ChP

Perroux, la sensibilité artistique de Xavier Dayer s'épanouit pleinement dans cet univers en demi-teinte. Le travail de Dayer a toujours été marqué par une élégance et un sou-hait d'évanescence que ses précédents opéras (Le Marin, Mémoires d'une jeune fille triste, Les Aveugles) défendent sans jamais imposer d'éclats ou de grands gestes théâtraux. Nous accompagnerons le périple dramatique et psycho-logique du potier Genjurō, non plus cinématographique-ment comme Mizoguchi l'avait magistralement proposé, mais poétiquement là où la musique explore l'intime. MP

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M E D E AExiste-il pour une mère un acte plus cruel que celui de tuer ses propres enfants ? Et qu’est-ce qui peut donc pousser un être à agir d’une façon aussi sanguinaire et désespérée ? Ce sont ces questions que se posera Christof Loy pour son retour au Grand Théâtre, trois ans après son très apprécié Macbeth de Verdi. Le metteur en scène allemand s’attaque cette fois-ci à Medea de Cherubini. Œuvre sombre et mar-quée par des passions exacerbées, cette tragedia est inspi-rée d’une grande figure de la mythologie grecque : Médée, la magicienne meurtrière prête à tout pour venger la trahi-son de son époux Jason. Dans la fosse, c’est Marko Letonja, chef d’orchestre slovène et directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, qui guidera l’Orchestre de la Suisse Romande à travers la partition lyrique et violente de cet opéra-phare de la fin du XVIIIème siècle. BP

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Chère GisèleSavoir-vivre au Grand Théâtre

Gisèle de Neuve s’ennuie parfoisau Grand Théâtre. Elle admet volontiers qu’il y a

plus de drame au Bridge Club de Champel que dans un opéra de Händel et qu’elle souhaiterait voir un peu moins d’épure et un peu plus de guipure dans

certaines nouvelles productions. Mais convaincue que les choix artistiques, même les plus fâcheux, doivent

être respectés, Gisèle reste stoïque et trompe son ennui par le sport cérébral. Depuis l’avènement du surtitrage bilingue au Grand Théâtre, elle a fait des

progrès redoutables en thème anglais !C’est ainsi que nul ennui, petit ou grand, qui

incommode notre Cher Public ne lui est indifférent. Chère Gisèle, que nous dit votre courrier ?

« La luce langue… »

Une chronique de Gisèle de Neuve illustrée par bienassis

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Chère Gisèle, L’autre soir au récital de Jonas Kaufmann, j’ai utilisé mon smartphone pour accéder à un site génial avec photos, bio, interviews, making-of et surtout les lyrics de la tournée Winterreise de Jonas mon idole ! Du coup ma voisine a fait tout un cirque pour que j’éteigne mon phone, mais j’allais pas rater une telle occasion de suivre les paroles, surtout que je comprends super mal l’allemand LOL ! Après la soirée, je voulais me précipiter pour un autographe mais la voisine et des potes à elle m’ont trop séquestrée et m’ont fait la morale, que j’étais malpolie que ça se faisait pas, etc. etc. Franchement, c’est pas comme si j’étais en train de facebooker mes copines ou que la salle était vraiment dans l’obscurité. On y voyait assez clair pour que plein de gens lisent des brochures avec les paroles de Jonas Kaufmann ! Faut pas être trop ringard avec les nouvelles technologies, on est quand même en 2014, non mais allô quoi ?!

Lady Macbeth de Montbrillant

Milady,C’est donc vous qui avez défrayé la chronique genevoise par votre utilisation de l’écran lumineux dans l’auguste enceinte du Grand Théâtre. Le moins qu’on puisse dire c’est que, comme votre homonyme, vous ne manquez pas de culot. Vous avez peut-être déjà entendu dire que la fin ne justifie pas les moyens. Eh bien voilà, votre moyen est tout simplement disproportionné à ses fins. Votre intention de suivre le texte de Winterreise est louable, certes, mais, ombre ou pénombre, un écran tactile, qui fait assez de lumière pour retrouver un jeu de clefs perdu dans l’obscurité la plus totale, est tout simplement une nuisance pour qui a le malheur de l’avoir dans son champ de vision périphérique. À plus forte raison s’il doit rester en activité lumineuse pendant près de deux heures de récital. Le Grand Théâtre produit des programmes de récital très complets, à un prix tout ce qu’il y a de plus abordable, ce n’est quand même pas pour des prunes, « non mais allô quoi » ? Dans une salle où l’on demande explicitement aux spectateurs : 1. d’éteindre leur téléphone portable (cf. le grand écran de surtitrage) ; 2. d’éteindre leurs téléphones avant l’entrée en salle (cf. la plaquette de saison 14-15, p. 74) ; 3. de ne pas réaliser d’enregistrement audio ou vidéo de ses spectacles (rendant problématique la mise en activité de tout appareil destiné à ces fins), n’auriez-vous pas pu faire preuve de courtoisie élémentaire et faire tout simplement ce que votre voisine vous demandait ? Votre dévouée,

Gisèle de Neuve

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Chère Gisèle

« Quanto tarda!Dove sta? »

« La luce langue… »

Chère Gisèle,Comme vous, je fréquente le Grand Théâtre depuis un certain nombre d’années et je souhaitais partager avec vous mon impression que certaines bonnes habitudes helvétiques, pour ne pas dire nos valeurs fondamentales, y sont en déliquescence accélérée. Je veux parler évidemment de la ponctualité. L’âge et l’expérience m’ont peut-être rendu trop sévère, mais il me semble que les retardataires sont de plus en plus nombreux aux représentations, surtout depuis que celles-ci commencent à 19 h 30 au lieu de 20 h ! Devons-nous tirer la sonnette d’alarme puisqu’on semble ignorer la sonnette d’appel en salle ?

Meglio morto che tardi

Cher Meglio,Certaines personnes, malgré leur emploi du temps chargé, leurs responsabilités professionnelles, leur exigeante progéniture, leurs besoins nutritionnels de base et leurs activités de cinq à sept diverses et variées, arrivent sur le parvis du Grand Théâtre à 19h20, ont le temps de passer au petit coin et de s’installer dans un milieu de rangée avant que la dernière fanfare n’ait poussé sa dernière note guillerette. Elles constituent la majorité du public et je les salue avec admiration. Les autres, surbookés de l’agenda, stressés de la place de parc, sous-estimateurs de la distance à pied (à Genève parfois plus rapide qu’un trajet en TPG) devraient se dire que c’est l’attitude qui

fait la ponctualité. Quel dommage de prendre sa place en état d’essoufflement physique et mental ! Ne faudrait-il pas valoriser le temps d’approche d’un opéra, un ballet, un récital, tout comme le temps de décompression par la suite ? Pour rester en pleine conscience, se rappeler aussi que l’œuvre et les artistes qui l’interprètent méritent le geste de respect minimal d’un public assis et recueilli pendant le rite millénaire du lever de rideau. Quant aux mœurs des retardataires, selon le responsable de l’accueil des publics du Grand Théâtre, Pascal Berlie : le public du ballet est de loin moins ponctuel que le public lyrique ; le public du samedi et de la matinée dominicale plus ponctuel que le public de semaine (confirmant mon hypothèse du stress hyperactif) et que les groupes de personnes divisés (Madame entre au théâtre pendant que Monsieur cherche encore un stationnement) sont un défi particulier. Une fois que l’obscurité est faite en salle, le parterre est obligatoirement fermé (précisément pour empêcher l’interférence lumineuse des accès) ; seules quelques places en salle proposent un accès suffisamment facile pour qu’on s’y installe sans gêner la représentation. Mais si la salle est très pleine, cela n’est simplement pas possible. Et il faut alors patienter devant l’écran-scène du hall, jusqu’à ce qu’une pause convenable dans le spectacle, en général un entracte, permette d’accéder à sa place.Votre dévouée,

Gisèle de Neuve

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P our la première fois dans l’histoire de son club pour les abonnés entre 18 et 30 ans, le Grand Théâtre a proposé, le mercredi 7 mai dernier, un récital exclusivement à leur intention. Et quelle meilleure idée pour ce

public de jeunes adultes que d’y inviter les artistes de la troupe des jeunes solistes en résidence ? C’est ainsi que Julienne Walker (soprano) et Khachik Matevosyan (baryton-basse), forts du soutien d’Isabelle Henriquez (mezzo-soprano, jeune soliste 2010-2013) et de l’accom-pagnement magistral de Todd Camburn, ont investi le bar de l’Amphithéâtre pour un florilège de leurs talents : Georges Bizet, Serge Rachmaninov, Gaetano Donizetti, mais aussi Francesco Cilea et Kurt Weill étaient au pro-gramme. Espace élégant et intime (peut-être même trop, vu le nombre des participants et les qualités vocales des artistes), la buvette sous les combles accueillera-t-elle d’autres Liederabend Labo-M ? Si l’on en croit les vœux de Daniel Dollé, souhaitant la bienvenue à la quarantaine de participants au nom de la direction du Grand Théâtre, c’est dans la grande salle qu’il faut souhaiter d’accueil-lir en nombre les jeunes amateurs et curieux de chant classique. Si les futurs Liederabend Labo-M finissent tous comme celui-là, artistes et public à trinquer et grignoter ensemble et de forts beaux standards de jazz et de bossa nova réunissant les amateurs autour du clavier ouvert, il y a des chances en tout cas que la prochaine édition doive trouver des lieux plus spacieux, même si moins authentiquement vintage. ChP

par Christopher Park

« À refaire… dans la grande salle ! »

Après le récital, le bar de l'amphithéâtre appartient

aux membres Labo-M

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Le Liederabend Labo-M

Qu’est-ce que c’est un Liederabend ? Le mot allemand peut autant désigner le récital prestigieux d’un soliste de haut vol, qu’une « soirée de chansons » entre musiciens professionnels ou amateurs, et leurs amis, dédiée au chant et à la musique. C’est aussi l’occasion d’une jolie allitération lorsque Liederabend se jumèle avec Labo-M.

(ci-contre)

Félicités par la direction du Grand Théâtre, Isabelle Henriquez, Khachik Matevosyan et Julienne Walker saluent le public Labo-M et ses invités. Julienne Walker clôt le récital avec un air d'Adriana Lecouvreur et la soirée se termine entre amateurs de jazz, avec Daniel Roelli (Labo-M) au clavier et Isabelle Henriquez and friends.

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Images inspirées de la bande dessinée, du monde du design, dessins naïfs au crayon, à la craie d’art, au pastel, à la plume, collages ont été réalisés de mémoire par des élèves particulièrement touchés par une représentation de Siegfried de Wagner.

ILS L’ONT DIT AVEC DES DESSINSInvités à ce spectacle à l’issue d’une solide préparation en classe et au Grand Théâtre, les élèves d’Anne Vaudano et de Stefan Ettlin – tous deux professeurs d’allemand – ont décliné leur plaisir et leurs émotions en couleurs vives suscitées par les décors de Jürgen Rose : la forge incan-descente de Mime au fond de laquelle Siegfried va re-donner vie à Notung, la sombre forêt aux arbres géants peuplée d’oiseaux multicolores où le jeune homme sera initié par une fille-oiseau. Tant de scènes-clés qui ont marqué l’imaginaire des élèves et les ont guidés vers des réalisations originales, délicates et sensibles, non dépourvues de poésie.

LE DEUXIÈME ACTE PLÉBISCITÉSi certains élèves ont semblé plus à l’aise à manier feutres et crayons, d’autres ont préféré jongler avec les mots pour décrire l’étrange forêt du deuxième acte dont la scénographie a touché de nombreux collégiens comme Tess C. qui a aimé « les magnifiques décors, les arbres mais surtout les oiseaux multicolores qui ont rendu à cet opéra quelque chose de magique, de libre et de léger ». Par ailleurs, l’un de ses camarades a trou-vé « très ingénieux que les arbres et les oiseaux puissent être bougés par des gens qui se trouvent à l’intérieur des troncs ». Illenia s’est par contre étonnée « de la présence de certaines personnes dans les arbres qui, selon elle, ne servaient ni à faire bouger les branches, ni les racines ». En revanche, Céliane G. a été touchée par la féérie de cet acte « dont les oiseaux aux couleurs vives volent au-tour de Siegfried au rythme de la musique plutôt gaie, contrastant avec les couleurs sombres des arbres et du dragon » elle a eu « l’impression d’être dans un conte pour enfants ». La voix de l’oiseau, ajoute-t-elle, « était

très agréable à écouter, douce et sensible ». Si Flora M. a apprécié « l’esthétique de la scène des oiseaux, elle a

également aimé celle de la scène finale mais a été

déçue par le dragon ». Elle aurait aimé voir « un Siegfried plus jeune

et des costumes un peu plus pres-tigieux ». Mais de manière générale, elle « a été comblée par cette œuvre ».

Constant Z. quant à lui, a trouvé « la performance vocale des artistes impres-

par Kathereen Abhervé

sionnante, ainsi que le décor et la mise en scène ». Cette pièce lui a donné envie de retourner à l’opéra, mais elle lui a surtout appris à apprécier la complexité du jeu des acteurs sur de la musique sombre et puissante. Salina C., qui a rédigé son texte en élégantes lettres anglaises, a constaté « qu’après 4h50 de chant et de spectacle, les avis des élèves étaient partagés. Il est évident, poursuit-elle, que l’opéra ne fait pas l’unanimité, mais très bien mis en scène Siegfried a fait changer d’opinion la plupart des jeunes spectateurs. » SIEGFRIED : « LES MOTS NE SUFFISENT PAS »C’est ainsi qu’Alejandro C., le mélomane de la classe de Stephan Ettlin, a intitulé son excellent texte critique. Il est le seul de ses camarades à avoir assisté aux quatre spectacles de la Tétralogie (même la répétition générale de Götterdämmerung programmée le lundi de Pâques, n’a pas eu raison de cet élève passionné). Après avoir apprécié la prestation de l’OSR, il constate que « Dieter Dorn a fait un travail remarquable en étant capable de nous montrer un Siegfried qui est à la fois fidèle aux didascalies de Wagner et en même temps une création moderne. Les arbres qui bougent avec des acrobates à l’intérieur donnent l’impression que la forêt, si impor-tante à Wagner, est un personnage à part entière. De plus la terrifiante et splendide tête de Fafner, le réalisme de la forge, les scènes qui glissent et tombent et tous les effets spéciaux innombrables font vivre au spectateur

Sous le charmeDes élèves conquis par la musique de Wagner

À l’issue d’une saison lyrique

largement marquée par le Ring des Nibelungen de

Richard Wagner dont le Grand

Théâtre de Genève a célébré cette année

le bicentenaire de la naissance avec

panache, des élèves de deux classes de

3ème OS allemand du Collège

Sismondi (Genève) conduits par leurs professeurs, nous

ont spontanément livré leurs

impressions en mots et en images.

Dessin de Éliot

Collage de Camille

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des émotions qui permettent de ne s’ennuyer à aucun moment, ce qui est difficile, ajoute-t-il, pour un opéra de quatre heures ! » Pour ceux à qui cette “superficialité ” déplairait, sachez, écrit-il, « qu’elle est beaucoup plus profonde qu’elle n’en a l’air à première vue, car de nom-breux détails illustrent parfaitement cette profondeur de l’œuvre. Le décor sombre permet de mieux illustrer la pureté des oiseaux et les miroirs qui, dans La Walkyrie, illustraient le combat interne de Wotan face à lui-même, se trouvent également ici. (…) En sortant de la salle, conclut-il, on est juste dégoutés du monde réel comparé à la beauté du monde de Wagner et malgré les quatre heures de spectacle, on n’a pas envie que ça s’arrête. »

PROSE ET POÉSIE POUR RACONTER LA DEUXIÈME JOURNÉE DU RINGQuelques élèves ont préféré la poésie à la prose, comme Alvhilde V. et Valentin B. qui ont réussi l’exploit de com-primer 4h50 de musique en 11 vers dont l’heureuse fin est ainsi résumée : « Brünnhilde, la Walküre, dort sur son gros rocher / Elle attend celui qui n’a jamais connu la peur / L’amour entre les deux n’est pas du tout fragile. »Anna R. et Ileana C. ont quant à elles, chanté avec fi-nesse, les pouvoirs de Notung, l’épée magique, en un délicat poème de cinq strophes que l’on peut découvrir ci-contre. Après l’épée de Siegfried, le bouclier de Brünnhilde auquel s’est identifié l’un des collégiens qui s’est imaginé « la recouvrant [Brünnhilde], la protégeant encore au-delà des flammes, au-delà des paysages, des dragons et des dieux, m’appuyant contre son corps […]. Je pesais si peu pour elle, et ses mains contre moi sans se serrer me tenaient, son souffle me berçait. » Ce texte étonnant se poursuivait ainsi : « Et aujourd’hui on me détachait d’elle, par mégarde peut-être, seulement je n’y croyais pas, c’était un homme, tout ce que nous avions espéré et craint, et les flammes s’étaient éteintes, et les dragons étaient morts et même les dieux ne tarderaient pas, tous tombaient, s’effondraient lorsque son épée se dressait. Il m’écarta, me posa au loin avec une douceur qui ne pouvait être humaine, avec un regard qui ne pouvait être découragé, fatigué ou tué. »

QU’ONT-ILS PENSÉ DE CETTE EXPÉRIENCE PÉDAGOGIQUE ?Outre leurs réflexions sur le spectacle, les élèves d’Anne Vaudano et Stefan Ettlin, eux-mêmes passionnés par l’œuvre du maître de Bayreuth, ont également apporté de nombreux commentaires sur la pertinence et la qua-lité des activités pédagogiques préparatoires. Vera R. R. « a beaucoup apprécié cette fabuleuse expérience ! » Elle appréhendait ces cinq heures d’opéra, car pour elle, c’était une nouveauté : « Je ne savais pas si j’allais tenir le

coup, mais finalement, je suis tout de suite entrée dans cet univers si particulier de Wagner. » Comme plusieurs de ses camarades, Solène C. recon-nait qu’au départ, elle était « un peu sceptique sur le fait d’aller voir un opéra ». Rester assise pendant plusieurs heures n’est pas vraiment son truc. Mais finalement, elle a trouvé que la représentation est passée assez vite, et elle l’a même beaucoup appréciée. Elle pense par ail-leurs que « c’est grâce aux cours de préparation qu’elle a pu comprendre et apprécier l’opéra Siegfried ». Même son de cloche de la part de Julie R. qui estime que « ces ateliers de préparation animés par des professionnels lui ont ouvert le regard sur ce qu’est un opéra qui n’est pas juste une suite de chansons mais une vrai histoire, un conte, et qu’écouter un opéra c’est comme lire un livre, on a envie de connaître toute l’histoire. » Pour elle, « l’opéra c’est aussi du théâtre, de la construction, de la couture, de la musique, du réglage technique ». Certains d’entre eux comme Tim W., ont « particulièrement aimé participer à l’atelier de mise en scène animé par Michèle Heimendinger-Cart, et plus précisément à l’atelier chant de Marie-Camille Vaquié ». Il ajoute encore : « S’exercer à chanter avant la répétition générale, nous a permis de nous rendre davantage compte de ce que l’on regarde. » Tess C. a beaucoup appris au sujet des processus de créa-tion à l’opéra : « Je ressors de ces quelques activités avec une vision beaucoup plus ouverte sur le monde de l’opé-ra. Voir tout le travail que demande l’organisation d’un opéra m’a fortement impressionnée. Je ne pensais pas que c’était un travail de si grande envergure. Maintenant je comprends beaucoup mieux le prix d’un billet d’opé-ra. Dorénavant, ayant conscience de tout le travail que cela requiert, je suis beaucoup plus ouverte à l’idée de dépenser une certaine somme pour le théâtre ou l’opéra. Je dois dire que le monde du théâtre me donne encore plus envie après ces quelques découvertes. En sortant de ces activités découvertes, ma vision sur l’opéra, pour-suit-elle, a évoluée. La visite de l’atelier de couture m’a fascinée et, assister à la création du torse du géant m’a beaucoup plu. J’ai particulièrement aimé voir l’évolution du costume encore en préparation, puis à la répétition, le costume fini avec des poils et du sang. » Nous laisserons le mot de la fin à Vera R. R. qui « a beau-coup apprécié cette fabuleuse expérience ! […] Ce fut une bonne chose, écrit-elle, de nous faire chanter et jouer un extrait de Siegfried, car on a pu voir la difficulté d’être un artiste lyrique. Durant tout le spectacle, j’étais impa-tiente de voir le passage chanté par des professionnels et j’ai même chanté avec eux dans ma tête. »Après cela, peut-on toujours affirmer que la musique de Wagner n’est réservée qu’aux initiés ? Et assurer que les jeunes ne s’intéressent pas à l’opéra ? KA

Notungl'inébranlableTu brilles dans la nuit,Froid, fougueux et inébranlable.Tu t’es lié à un seul destin d’homme,Un seul vivant étendra son emprise sur toi. ]Tu attends ton heure,Froid, fougueux et inébranlableTu es comme ton maître à venir.Tu ne connais ni l’horreur, ni l’angoisse,]Ni les palpitations de la peur.Ton âme est résolue, tu ne crains rien.

Fidélité, loyauté et grandeur,Tels sont tes attributs.Tu as été seul pendant longtempsMais le repos de ton esprit n’a jamais été troublé.]Tu savais que ton heure viendrait.Et celui capable de te manierParlerait enfin ton langage.C’était lui que tu attendais :Siegfried le téméraire,Vous deviez vous rencontrer.

Les hommes vous redoutent tous deux :]Froids, fougueux et inébranlables,Votre cœur est pur comme neige.Et vous êtes destinés à perdurerAu-delà des époques,Des existences éphémères,Des aubes éternellesEt des crépuscules ensanglantés.Brisé en morceaux dans la forge souterraine de Mime, ]Disloqué, le cœur plongé dans les ténèbres, tu attendais. ]

Riant de la bêtise des hommes.Et t’émerveillant devant les dieux fatigués, ]Tu rassemblais tes forces,Tu brûlais du feu Que nul ne pourrait éteindre.Tu demeurais inchangé.Froid, fougueux et inébranlable.Le temps est passé au dessus de toi sans t’altérer.

Et puis, l’heure a sonné,Le héros s’est dévoilé,Ses forces l’ont guidé jusqu’à toi.Les grandes âmes se sont rencontrées.Il n’y avait plus que vous au monde,Qui vivriez au-delà de tout,Dans un éclat qui ne ternit jamais.Vous.Siegfried, le téméraireEt toi,Notung, l’inébranlable.

anna r. et ileana c.

Dessins de Mélanie... ... et de Raphaël

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U ne escale technique que nous impose l’âge avancé de la technique du bâtiment lui-même. Bien évidemment le cœur de notre activité musicale se déploie sur le plateau et c’est bien là que tous les enjeux

de nos activités sont sublimés. Néanmoins la réalisation d’une production lyrique est un mécano extrêmement complexe ou la moindre défaillance de l’un des para-mètres met en péril la totalité du projet artistique.Quand nous évoquons ces travaux incontournables à venir, nous faisons par conséquent allusion à tout ce qui permet de créer les conditions nécessaires à la vie dans l’édifice. Soit : le chauffage, la ventilation, les réseaux d’alimentations électriques, les installations sanitaires, mais aussi l’isolation du bâtiment. Tous ces éléments datent de 1962 et s’ils ont fait l’objet de soins constants, ils sont tout de même à bout de souffle. Il va de soi que 50 ans sans remise à niveau c’est bien long, et les inci-dents et pannes se succèdent à un rythme préoccupant. Pas de panique pour autant puisque les seules consé-quences pour le public sont à chercher du côté de la ventilation et du chauffage. Notre grande salle n’est en effet pas un modèle de gestion du climat : trop chaude les soirs d’été mais difficile à chauffer en hiver. Il faut par conséquent toute l’attention des mécaniciens du théâtre et du service de l’énergie de la Ville de Genève pour maintenir une température supportable.Tout cela va changer à l’issue des travaux, la gestion du chauffage et des flux de ventilation se feront selon les critères actuels et permettront un confort accru pour le spectateur, tout ceci bien sûr avec l’utilisation d’énergies renouvelables et d’une bien meilleure isolation. Une part plus discrète mais non moins importante de ces travaux concerne la remise aux normes de l’instal-lation électrique, et dans un bâtiment ou la technique est aussi importante ce n’est pas une mince affaire. C’est quasiment toute l’alimentation électrique de l’introduc-tion dans le bâtiment jusqu’aux prises de courant qui doit être revue. Effectivement les normes électriques ont beaucoup évoluées en 50 ans et les adjonctions succes-

sives réalisées pour intégrer les progrès et les nécessités de la technique de théâtre doivent êtres mises à niveau. En plus de la modernisation de ces fonctions essentielles, ces travaux permettront de restaurer la partie historique du Théâtre. Ce bâtiment, il faut s’en souvenir, a été construit vers la fin du XIXème siècle et a subi en 1951 un incendie dé-vastateur qui détruisit la cage de scène et la salle. Il ne sub-siste donc de l’original que la partie foyer que ce sinistre a laissé quasi intacte et c’est cette partie (foyer, escalier et hall d’entrée) qui fera l’objet d’une intervention, de même que les façades en pierre de taille correspondantes ; tout ceci redonnant à la partie dévolue à la réception du public le lustre qui était le sien lors de l’inauguration de 1870.Enfin, à l’occasion de ces travaux, nous aurons l’opportu-nité de rétablir un fonctionnement logique du Théâtre. Les bureaux, les vestiaires et les sanitaires seront conformes aux normes actuelles, mais également les liens de fonctionnement entre les différents ateliers, la scène et les lieux de répétition seront rétablis, ceci per-mettant un flux de production plus efficace.Les points de vue des collaborateurs du Grand Théâtre ayant été largement pris en compte, les aspects liés à la santé et à la sécurité du public et de nos équipes seront repensés. Nous verrons par exemple l’installation d’un élévateur au sol du parking rue Diday qui permettra de décharger les camions de décor plus rapidement, et sur-tout d’éviter, autant que faire se peut, les manutentions qui ne ménagent pas le dos des techniciens. Du côté du public de nombreuses portes seront installées afin de parfaire le compartimentage en cas de feu.Vous le voyez cet épisode de cale sèche est indispen-sable, et notre bâtiment pourra reprendre le cours de son voyage totalement remis d’aplomb. Il mettra alors, dès la saison 17-18, le cap sur de nouvelles et passion-nantes aventures. Ainsi votre Grand Théâtre de Genève pourra répondre totalement à l’exigence de qualité que vous êtes en droit d’attendre et qui nous permet de partager avec vous la profondeur artistique des œuvres. PF

Le vaisseau du Grand Théâtre de Genève a depuis sa réouverture en 1962 une histoire riche d’aventures et de voyages artistiques. Durant ce périple de 50 ans le bâtiment a déjà touché terre à plusieurs reprises ; une année en 1997 pour la réfection de la machinerie scénique du dessus, six mois en 2006 pour le recon-ditionnement des ponts de scène de la machinerie des dessous, et il faudra en 2015 rajouter une escale de deux ans.

Le vaisseau à quaiLes travaux au Grand Théâtre de Genève de juillet 2015 à août 2017

par pierre frei *

(ci-dessus)

Les tableaux éléctriques sont devenus obsolètes et le système d'éclairage du

plafond de la Grande salle doit être repensé.

(ci-dessous)

Le local des nourrices (centrale d'alimentation

d'eau en cas d'incendie) va également être réaménagé.

*Ingénieur bâtiment et sécurité du Grand Théâtre de Genève

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