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ROI PAUSOLE LA MEZZO ATTENDUE ELīNA GARANčA ILS SONT TOUS VENUS DEPUIS 50 ANS ARTHUR HONEGGER ROBERT SANDOZ L’ESPRIT SUISSE SOUFFLE SUR LES AVENTURES DU LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE SAISON 12 | 13 N°13 | DéCEMBRE 201 2 | 13 LA SAGA DE L’ANNEAU (SUITE) LES PERSONNAGES - éPISODE 2 * BICENTENAIRE DE VERDI LA TRAVIATA UN RENDEZ-VOUS INCONTOURNABLE

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Journal du Cercle et du Grand Théâtre de Genève Décembre 2012 N°13

Transcript of ACT-0 n°13

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ROI PausOle

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17 Septembre 1755. A l’étude de Maître Choisy, notaire, Jean-MarcVacheron, jeune Maître Horloger genevois s’apprête à engager sonpremier apprenti. Cet engagement porte la plus ancienne mentionconnue du premier horloger d’une dynastie prestigieuse et représente l’actede naissance de Vacheron Constantin, la plus ancienne manufacture horlogère au monde en activité continue depuis sa création.

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F idèles lecteurs d’Act-O, Cher public,C’est un grand plaisir pour moi de vous souhaiter, au nom du personnel du Grand Théâtre et des artistes invités, d’excellentes

fêtes. Dans une période où la morosité semble parfois menacer, nous avons maintes raisons de nous réjouir et de faire la fête. Bien sûr, il y a les fêtes traditionnelles récurrentes qui marquent la fin d’une nouvelle année civile, mais le Grand Théâtre a bien d’autres raisons pour vous inviter à la fête.Le 10 décembre marquera le cinquantième anniversaire de la réouverture du Grand Théâtre en 1962. Don Carlos, de Giuseppe Verdi, avait alors été représenté dans la ver-sion française. Resté fermé pendant plus de dix ans, vous avez enfin pu retrouver votre maison, l’âme de la cité, le jardin des émotions. Il est des valeurs qui passent avec la mode, d’autres sont pérennes en changeant de forme et plongent leurs racines dans des cultures lointaines. Souvenons-nous du théâtre d’Épidaure et du théâtre grec.Ensuite, il faudra vous précipiter pour découvrir un monument incontournable, un chef-d’œuvre de la muse légère, Les Aventures du roi Pausole. Arthur Honegger, com-positeur suisse, ne manquera pas de vous surprendre avec une partition brillante, intelligente et raffinée qui saura vous divertir et vous introduire dans le tourbillon festif du mois de décembre, grâce à la lecture d’un jeune metteur en scène suisse, Robert Sandoz. Il avait séduit le public du Théâtre de Carouge et le monde théâtral avec Monsieur chasse d’Eugène Labiche. Une occasion pour accompagner les premiers pas de Robert Sandoz dans le monde lyrique, et de montrer qu’il existe à Genève un public curieux d’innovations et qui a soif de découvrir un répertoire plus large sans se contenter inlassablement des tubes universellement plébiscités. Connaissez-vous le pays de Tryphême et les 366 femmes du roi Pausole?Ce ne sont là que des levers de rideau sur un florilège d’événements qui vous accompagneront tout au long de l’année 2013. Après avoir accueilli Renée Fleming devant une salle comble, nous vous invitons avec le Cercle du Grand Théâtre pour un moment exceptionnel. Elīna Garanča revient sur le scène de Neuve pour un concert accompagné par un orchestre. Une occasion rare pour rencontrer la mezzo lettone.Nous vous attendons nombreux à la fête. En compagnie du journal Le Temps et de tous ceux qui à chaque instant rendent la fête possible, je vous souhaite une merveil-leuse année 2013 dans l’espoir qu’ensemble nous défen-drons et nous développerons la flamme d’une passion qui nous est chère et ouvre de nouveaux horizons de l’imagi-naire, de la création et de liberté.

Tobias RichterDirecteur général

Directeur de la publication Tobias Richter

Responsable éditorial Albert Garnier

Responsable graphique & artistique Aimery Chaigne

Coordination Frédéric Leyat

Ont collaboré à ce numéroKathereen Abhervé, Daniel Dollé, Stéphane Dubois-dit-Bonclaude, Gérard Duc, Hugues Gall, Albert Garnier, Sandra Gonzalez, Frédéric Leyat, Wladislas Marian, Roland Meige, Sarah Mouquod, Louis Muskens, Christopher Park, Pierre Walder.

Impression SRO-Kundig Parution 4 éditions par annéeAchevé d’imprimer en Décembre 20126 000 exemplaires

Il a été tiré 40 000 exemplaires de ce numéro et encarté dans le quotidien Le Temps

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Buzz op 2-3Quoi de neuf dans le monde de l’opéra

à Genève et ailleurs

opération 5-17L'opéra a ses amis...

La saga du RingAmours sacrées, amours profanes

Honegger , un ModerneLe bon roi de Robert...

Ma Traviata

carnet du cercle 18-19 Luc Argand : soutenir et agrandir

en Ballet 21Didy Veldman,

entre la structure et l'émotion

on stage 22-23Elīna Garanča

plein Feux 24-30Tel Phœnix...

1951-1962, les années d'attente...Stéréo... Première !

Depuis 1962, ils ont tous chanté au Grand Théâtre...

didactique 32-35Au firmament astrolyrique...

Le public de demain ?Labo-M découvre l'envers du décor

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Photo de couvertureRobert Sandoz dans le trône du Roi Pausole, l'opérette qu'il met en scène pour le Grand Théâtre de Genève pour les Fêtes.© OLIVIER VOGELSANG

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réveillonchez pausoleLe 31 décembre, à l’issue de la dernière représentation des Aventures du roi Pausole, le Grand Théâtre vous propose de fêter le réveillon de fin d’année dans ses foyers. Dans une ambiance fes-tive et conviviale, un dîner de fête vous sera servi autour de tables de 10 convives pour un prix de Fr. 195.- tout compris. 150 places sont disponibles (priorité aux abonnés du Grand Théâtre).WM

Pour que le leitmotiv du tricen-tenaire Rousseau pour tous ne reste pas lettre morte, le Service de promotion culturelle de la Ville de Genève, avec le soutien de plusieurs acteurs, a mis en place des projets d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Le Grand Théâtre, où la médiation culturelle est déclinée au quotidien par la pédagogie, la communication et les relations avec les publics y a tout naturellement répondu présent. Pour les personnes aveugles et malvoyantes, en plus de l’audio-description propo-sée sur deux représentations de JJR (Citoyen de Genève), une dé-couverte du BFM et du plateau de l’œuvre a été mise en place avec des moyens tactiles, auditifs

et sensuels, dont Jean-Jacques aurait certainement approuvé. Un projet à plus grande enver-gure, autour de la partition et du livret de JJR, a vu une trentaine de personnes avec différentes formes de handicap intellectuel approcher Ian Burton et Philippe Fénelon par l’écriture et la vidéo. La grâce et le naturel de leurs réponses se sont traduits en un reportage télévisé qui sera diffu-sé sur Léman Bleu en décembre et une exposition visuelle et nar-rative, dans les locaux de CAP Loisirs, boulevard Saint-Georges, pendant le mois de décembre. Encore une chance, pour par-tager l’expérience, vécue par Esther, Frédéric, Julien et Adrien, de connaître Rousseau «comme une personne réelle». ChP

autour de HoneggerMalgré son installation à Paris dès 1911, Arthur Honegger restera sa vie durant un compositeur éminemment suisse en maintenant l’hypothèse d’une synthèse possible de l’expressionnisme français et de l’exigence polyphonique et structurelle germanique. Témoin d’une société en profonde mutation, il n’hésite pas à aborder dans sa musique des sujets délaissés des compositeurs « comme il faut » : les nouveautés techniques du moment comme les sports constituent des sources d’inspiration au même titre que la fresque biblique ou la littérature la plus indiscutée. Si la prospective joue un rôle moteur chez cette figure importante de l’entre-deux-guerres, c’est le souve-nir que convoquera Xavier Dayer dans Mémoire, Cercles, un souvenir

toujours fécond dans l’imagina-tion érotique des Poemas de Beat Furrer, sur lesquels plane l’ombre intranquille de Pablo Neruda. SM Concert de l’Ensemble Contrechamps, le dimanche 16 décembre 2012 à 11 h au foyer du Grand Théâtre de Genève.

WelcomecolynCinq mois après sa dernière ap-parition sur la scène de Neuve dans l’opéra Mignon, Diana Damrau a donné naissance à son deuxième enfant. Malgré la vie animée de sa maman, le « petit » (4,060 kg pour 52cm tout de même !) Colyn a pointé son nez deux semaines après la date de terme prévue. Nous adressons nos meilleurs vœux à la famille Damrau-Testé et nous nous réjouissons d’accueillir Diana Damrau le 24 mai 2013 pour un récital qui s’annonce d’ores et déjà exceptionnel. WM

Von otteren maiC’était le secret le mieux gardé de la saison 12 13 au Grand Théâtre et maintenant c’est officiel : une étoile du Nord s’ajoutera à une saison de récitals déjà stellaire. La grande mezzo suédoise Anne Sofie von Otter, qui n’avait pas été vue à Genève depuis sa Didon des Troyens de Berlioz, sera de retour pour un programme solo avec ensemble baroque, le 12 mai 2013. Les inconditionnels de celle qui a incarné autant les héroïnes que les héros haendéliens n’auront pas raté, ce mois de novembre dernier, sa prestation à l’Opern-haus de Zurich dans sale, un ambi-tieux pastiche des plus beaux ex-traits des opere serie de Haendel, sous la direction de Laurence Cummings. Le titre n’a rien à voir avec le sel prononcé à l’italienne, c’est en anglais qu’il faut le dire : Von Otter y joue la matriarche d’une dynastie commerçante en déchéance, propriétaire d’un grand magasin, dans une intrigue composée grâce à l’imagination narrative du génie théâtral aléma-nique Christoph Marthaler. ChP

plasson en coffretPendant qu’il préparait et dirigeait Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, EMI Classics dévoilait la sortie d’un nouveau coffret de 38 CD consacré à l’opéra français et réalisé par l’Orchestre du Capitole de Toulouse sous la direction de Michel Plasson. 16 enregistrements qui proposent une lecture amoureuse et passionnée d’un répertoire trop souvent vilipendé ou ignoré, enregistrée en compagnie de grandes

stars internationales : Crespin, Kraus, Van Dam, Dessay, Alagna, Hampson, Behrens, Norman,

Leech, Cotrubas. Une idée cadeau pour les fêtes…, mais également une excellente occa-sion de découvrir une partie du patrimoine musical français somptueusement inter-prété. Connaissez-vous Padmâvati d’Albert Roussel, ou Guercœur d’Albéric Magnard ? DD

50 ansle 8 décembre...Il y a 50 ans, le Grand Théâtre de Genève rouvrait ses portes après une décennie de travaux entrepris à la suite du terrible incendie qui ravagea la salle le 1er mai 1951. Le 8 décembre, nous invitons le public à participer à diverses animations en notre compagnie afin de célébrer le 50ème anni-versaire de cette réou-verture. Exposition de photos et maquettes, verrée, soupe de l’Es-calade et d’autres sur-prises encore vous attendent dès 16 h 30 au Grand Théâtre. Samedi 8, soyez les premiers car 500 places qui vous permettront d’assister à la pré-générale des Aventures du roi Pausole le soir même à 19 h 30 seront distribuées. WM

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prix Faust pour Wieleret Morabito Le Thurgovien Jossi Wieler et son associé Sergio Morabito ont signé la mise en scène de Rusalka de Dvořak pour le Festival de Salzbourg, pro-duction qui sera reprise au Grand Théâtre en juin 2013. Le 10 no-vembre dernier à Erfurt, ils se sont vu remettre le prix Der Faust, qui récompense les succès annuels du

théâtre de langue allemande. Cet équivalent des Molière français est remis par un jury où participent le Deutsche Bühneverein, les fon-dations culturelles des gouver- nements des Länder et l’Académie allemande des arts de la scène. Le Der Faust de la catégorie mise en scène de théâtre musical a été re-mis à Wieler et Morabito pour leur double production de Die glückliche Hand d’Arnold Schönberg et Osud de Leoš Janáček à l’opéra de Stuttgart. ChP

en attendant MetzmacherAprès Macbeth, et avant Das Rheingold, Ingo Metzmacher triomphe à Salzbourg… La presse unanime a fait l’éloge de Les Soldats de Bernd Aloïs Zimmermann présenté au Festival de Salzbourg 2012 en co-production avec La Scala. Une entreprise audacieuse qui met les chanteurs et l’orchestre aux prises avec des difficultés presque inhumaines. Pendant longtemps, l’ouvrage fut considéré comme injouable. À la tête du Philharmonique de Vienne, Ingo Metzmacher, accompagné par son assistant Michael Zlabinger, a accepté de relever le défi pour le plus grand bonheur des festivaliers. Dans la presse on a pu lire, entre autres : « Coup de maître aussi la direc-tion musicale de Ingo Metzmacher, qui domine l’ensemble impressionnant des musiciens [...]. Un travail qui allie énergie et subtilité, sens dramatique et même lyrisme : le crescendo des tambours dans la scène finale est à peu près insupportable de tension. Un travail exemplaire, un coup de maître là aussi ! » lu dans le blog du Wanderer du journal Le Monde. « À la tête du Philharmonique de Vienne, Ingo Metzmacher donne l’impression que la partition ne présente plus de difficultés. Grâce à une battue tranquille, il met les blocs sonores en mou-vement. » écrit Friedeon Rosén du Der Neue Merker. Après un Macbeth fort réussi à la fin de la saison 2011-2012, il ne nous reste plus qu’à faire preuve d’un peu de patience pour revoir le maestro à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande pour le prologue de la Tétralogie. DD

Hugues Gall, directeur du Grand Théâtre de Genève de 1980 à 1995, nous a fait parvenir cette lettre qui rend hommage à Jean-Flavien Lalive, président du Conseil de Fondation du Grand Théâtre de 1965 à 1990. « Evoquer la forte personnalité de Jean-Flavien Lalive qui vient de disparaître, c’est rappeler le rôle essentiel qu’il a joué dans la poli-tique culturelle genevoise de la seconde moitié du XXème siècle. Sa grande culture et sa passion pour la musique ont amené cet éminent ju-riste à s’impliquer sans réserve dans la gouvernance du Grand Théâtre ; il en sera le président pendant 25 ans. C’est vers lui que la Ville s’était tour-née dans les années soixante pour refonder cette institution après les errements de gestion qui avaient suivi sa réouverture. Il a alors conçu avec les autorités municipales une organisation nouvelle qu’il a fait fonctionner de façon exemplaire, en dépit des aléas politiques, avec des directeurs généraux aux per-sonnalités aussi contrastées que Herbert Graf, Jean-Claude Riber et moi-même ! Depuis le jour de novembre 1977 où, en accord avec Claude Ketterer, alors maire de la ville de Genève, il a suggéré mon nom pour la direction de ce presti-gieux opéra, jusqu’en juin 1990, date de sa retraite, j’ai eu le privilège de travailler presque quotidiennement avec lui : souvent tatillon – mais ne s’agissait-il pas de fonds publics ? –, toujours attentif à la qualité de nos relations avec les élus – mais n’étaient-ils pas les maîtres ? – et soucieux de la confiance de nos spectateurs – n’étaient-ils pas nos « électeurs » ? –, il plaçait au dessus

de tout la qualité de nos produc-tions, seule garante du rayonne-ment de notre maison dans la Cité et dans le monde. Dans l’exercice de sa mission de président, cosigna-taire de chaque contrat engageant le Grand Théâtre, il était à cette charnière où nos égos auraient pu parfois se heurter ! Mais il avait, suprêmement, l’art de prévenir ou de résoudre les conflits. N’était-il pas arbitre de profession, et l’un des plus subtils ? La Ville de Genève et son Grand Théâtre doivent une immense reconnaissance à ce grand serviteur de la Cité. Quant à moi, tant d’années plus tard, je suis encore étonné du « culot », du cou-rage dont il a fait preuve en n’hési-tant pas à confier au jeune inconnu que j’étais une partie du destin de cette grande Maison ! Mais ne savait-il pas que nous serions deux à le porter ? Merci, cher Président, cher Jean-Flavien Lalive, pour la confiance que vous m’avez faite et qui a décidé de mon destin ».

Né le 1er juillet 1926 à Gütersloh, le compositeur vient de s’éteindre à l’âge de 86 ans. Avec lui, la scène lyrique perd l’un de ses plus grands créateurs. Au cours de la saison 1967-1968, le Grand Théâtre de Genève avait accueilli une production du Stadttheater de Berne, Der junge Lord (Le jeune Lord), un opéra en deux actes de Hans Werner Henze sur un livret de Ingeborg Bachmann, poétesse et nouvelliste autri-chienne, amie du compositeur. Récompensé par de nombreux prix et distinctions en tant que compositeur et chef d’orchestre, il fonde les Cantieri Internazionali d’Arte à Montepulciano en 1976, se consacre à l’enseignement et collabore avec diverses institutions (Tanglewood Music Center, Philharmonie de Berlin). En 1988, il prend la direction de la Biennale de Munich. Parfois provocateur, il avait dû accepter l’an-nulation de la création du Radeau de la Méduse, en 1968, en raison du caractère polémique du portrait de Che Guevara qu’il y dressait. Hans Werner Henze a également composé de nombreuses bandes son pour le cinéma dont il convient de citer L’Honneur perdu de Katharina Blum de Volker Schlöndorff, ou encore L’amour à mort d’Alain Resnais. DD

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RPRINTWEB APPSLa vie peut se traduire par dolce vita. Ces moments rares où vous faites le vide,vous offrant un cocktail de bien-être et de détente au cœur de lieux d’exception.Dans ces instants particuliers, où vous n’emportez avec vous que ce qui vousplaît vraiment, Le Temps est un compagnon de choix qui, grâce à ses contenusde haute tenue, contribue à ravir votre esprit, tout en répondant à votre sensibilitédu moment : sensualité du papier ou éclat d’un écran.

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l es Amis de l’opéra ont cinquante ans ! C’est en effet au cours de la première saison (1962-63) du théâtre reconstruit après l’incendie que s’est créée cette société, dont le but principal est d’organiser des conférences de

présentation de chacun des opéras et des ballets au pro-gramme de la saison genevoise. À quelques jours ou la veille de la première, ces séances se sont tenues d’abord au regretté Théâtre de la Cour Saint-Pierre, puis à la Salle des Abeilles de l’Athénée, enfin à la Salle Centrale, jusqu’à ce que Renée Auphan invite notre association à bénéficier de l’accueil du Grand Théâtre lui-même, hos-pitalité renouvelée depuis par chacun de ses directeurs. Pouvoir organiser nos présentations soit dans la grande salle, soit au grand foyer est un privilège et nous sommes reconnaissants de pouvoir en bénéficier.Chaque conférence dure un peu plus d’une heure : le temps d’aborder les divers aspects de l’œuvre, de pré-senter les auteurs du livret et de la partition, de rappeler ses sources, sa genèse et son contexte, d’insister sur ses qualités propres et de mieux faire entendre sa musique, en s’appuyant sur l’écoute d’extraits enregistrés.L’opéra, ouvert à tous, certes. Mais pas toujours évident. Il est souvent chanté dans une langue étrangère, il est lié aux conventions de l’époque qui l’a vu naître, il est par-fois fondé sur un sujet mythologique ou historique dont nous avons perdu les références, il déploie une musique dont la perception peut ne pas être immédiate. Bref, le spectateur ne l’aborde pas comme le théâtre parlé ou le cinéma. Merveilleuse invention qui a transformé l’accès du spectateur au genre lyrique, la projection des surtitres a grandement facilité la compréhension de l’action. Reste qu’il faut tout percevoir à la fois, une intrigue souvent compliquée, des personnages et leurs dialogues, une musique combinant un orchestre et des voix, un spectacle incluant le point de vue que le met-teur en scène a choisi d’adopter. Avec un minimum de

préparation, la surprise restera entière, mais le terrain sera jalonné, et le plaisir encore plus grand.Si la présentation des œuvres constitue le cœur de notre activité, nous organisons aussi des conférences hors-sé-rie (cette saison pour célébrer les anniversaires de Verdi et de Wagner), ainsi que des excursions lyriques d’un ou de plusieurs jours : au cours de leur longue histoire, les Amis de l’opéra ont pu visiter de nombreux théâtres et festivals, en Suisse et à l’étranger. Cette saison, nous offrirons à nos membres l’opportunité de se rendre à l’Opéra Bastille, à l’Opéra du Rhin, à l’Opéra de Lyon et au Teatro Regio de Turin.La cotisation annuelle, toujours restée très modeste (Fr. 40.- par personne, Fr. 20.- pour les moins de 26 ans), offre l’entrée libre à toutes nos conférences et la possibi-lité de s’inscrire à nos voyages.

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Connaître pour mieux aimer. Ce pourrait être la devise de l’Association genevoise des Amis de l’opéra et du ballet, qui s’est donné comme but d’aider le public à aborder, comprendre et apprécier plus encore les œuvres représentées sur la scène du Grand Théâtre. Son président, Pierre Michot, nous en rappelle les buts.

les conférences(Billets à l’entrée, accès libre pour les membres de l’association et de Labo-M)

Mardi 11 décembre 2012, à 18 h 15 Les Aventures du roi pausole (Honegger) par Jacques Tchamkerten

Jeudi 24 janvier 2013, à 18 h 15 La Traviata (Verdi)par Roselyne Bachelot

Mercredi 6 février 2013, à 18 h 15 Le sacre du printemps – Les Noces (Stravinsky)par Pierre Michot Mercredi 20 février, à 18 h 30 Viva V.e.R.D.I. !(Comment l’opéra a fait l’Italie) par Sandro Cometta (en collaboration avec l’Institut National Genevois) Mercredi 6 mars 2013, à 18 h 15 L’Or du Rhin (Wagner)par Christian Merlin Mercredi 13 mars 2013, à 12 h 15 Genèse d’un Ring (I) par Pierre Michot et Daniel Dollé

Mercredi 20 mars 2013, à 12 h 15 Genèse d’un Ring (II) par Pierre Michot et Daniel Dollé

Mercredi 17 avril 2013, à 18 h 15 madame Butterfly (Puccini)par Sandro Cometta Mercredi 12 juin 2013, à 18 h 15 Rusalka (Dvořak)par Mathilde Reichler

A l’opéra, mieux vaut la grosse tête qu’une tête vide… …pour que le plaisir soit extrême

(à gauche)

Les Bulos GraveCaricature de Victor HugoJean-Pierre Moynet, 1843Musée Carnavalet, ParisLithographie

(à droite)

Caricature par Gustave Dorémusik und musiker in Karikatur und satireKarl StorckOldenburg, 1910

(en dessous)

Caricatures deMel Calman et anonyme

L’opéra a ses amis...

PRINTWEB APPSLa vie peut se traduire par dolce vita. Ces moments rares où vous faites le vide,vous offrant un cocktail de bien-être et de détente au cœur de lieux d’exception.Dans ces instants particuliers, où vous n’emportez avec vous que ce qui vousplaît vraiment, Le Temps est un compagnon de choix qui, grâce à ses contenusde haute tenue, contribue à ravir votre esprit, tout en répondant à votre sensibilitédu moment : sensualité du papier ou éclat d’un écran.

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l orsqu’on les observe de près et qu’on les compare aux figures qui leur ont donné nais-sance, on s’aperçoit qu’ils ne viennent ni du Nord, ni du Rhin, mais qu’ils sont sortis du génie créateur de Wagner avec le soutien lo-

gistique de quelques légendes transformées et poétisées, telles que les Eddas scandinaves ou le vieux poème des Nibelungen (Nibelungenlied). Ce poème héroïque de l’Eu-rope médiévale est comparable à l’Epopée de Gilgamesh ou au Mahâbhârata de l’Inde antique. D’abord transmis oralement, il a été transcrit aux alentours de 1200 et ra-conte les aventures du pourfendeur de dragons Siegfried, depuis son enfance jusqu’à son assassinat.Vous découvrirez trente-quatre personnages en assis-tant au prologue et aux trois journées, certains n’auront qu’une apparition éphémère, d’autres reviendront plus ou moins régulièrement. Ils seraient bien plus nombreux si certains éléments clés devaient être personnifiés : le Rhin, l’anneau, l’or, la lance de Wotan où sont gravées les lois, l’épée Notung, ou encore le feu. Tous ces person-nages appartiennent à des mondes différents qui se jux-taposent et interagissent.

Le s Dieux

Il y a les dieux avec leur chef Wotan qui dès le début de l’histoire a perdu un œil et sa superbe. Il se sent menacé et craint de perdre son pouvoir. Parmi eux, Loge, Loki dans la mythologie nordique, mérite une mention particulière. Il n’est pas de la même race que les habitants du Walhalla. Il est quelque peu fripon, rusé, malin et, peut-être, escroc. Il influe sur le cours de l’action. Il sait que les dieux ont perdu leur pouvoir et qu’ils courent à leur perte.Loge au moment du cor-tège vers le Walhalla : « Ihrem Ende eilen sie zu / die so stark im Bestehen sich wähnen. / Fast

> das rHeingold de Richard Wagner DIRECTION MUSICALE : Ingo Metzmacher MISE EN SCèNE : Dieter Dorn DÉCORS & COSTUMES : Jürgen Rose WOTAN : Thomas Johannes Mayer LOGE : Corby Welch ALBERICH : John Lundgren MIME : Andreas Conrad FASOLT : Alfred Reiter FAFNER : Steven Humes FRICKA : Elisabeth Kulman CHœUR DU GRAND THÉâTRE ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE Au Grand Théâtre 9 | 12 | 15 | 18 | 21 | 24 mars 2013

Dans trois mois, le rideau va se lever sur le prologue d’un opéra unique dans l’histoire lyrique qui semble véhiculer

tant de vérités et de valeurs intemporelles. Hector Berlioz s’en était-il inspiré en écrivant les deux volets qui

composent Les Troyens ? Bien que l’usage ait consacré l’appellation de Tétralogie, il conviendrait davantage

de parler de Trilogie avec prologue. Mais laissons là la sémantique pour faire plus ample connaissance avec les

personnages appartenant à la mythologie scandinave, ou plus exactement à la mythologie wagnérienne.

La saga du Ringépisode 2 - Les personnages

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schäm ich mich / mit ihnen zu schaffen; / Zur leckenden Lohe / mich wieder zu wandeln, / spür ich lockende Lust. » (Ils courent à leur perte / alors qu’ils se croient si sûrs de durer. / J’ai presque honte / d’avoir affaire à eux. / J’éprouve fort l’envie / de reprendre ma forme / de flamme rampante.)

Il joue avec sa dualité, se moque de la condescendance des futurs habitants du Walhalla. Demi-dieu, il fait figure d’intellectuel qui tire les ficelles.Bien sûr, il y a Fricka, l’épouse de Wotan, sœur de Donner, de Froh et de Freia qui cultive les pommes d’or à la source de l’éternelle jeunesse des dieux. Wotan com-met une erreur qui pourrait être fatale aux dieux lorsqu’il fait d’elle une monnaie d’échange promise aux géants pour la construction du Walhalla. Elle est l’incarnation de la femme et pourrait être considérée comme l’équivalent de Vénus et de Minerve. Elle demeure à la fois la déesse de l’amour et de la fertilité, ainsi que de la guerre.Et pour finir, il y a Erda, celle qui ne vit pas au Walhalla et qui demeure dans les entrailles de la terre. Mère des Nornes, elle donne naissance avec Wotan à Brünnhilde, à celle dont on attend la rédemption de l’univers. Elle sait ce qui fut, ce qui est et ce qui sera, mais elle n’a pas de prise sur les événements.Erda : « Alles, was ist, endet. / Ein düstrer Tag / dämmert den Göttern  : / dir rat ich, meide den Ring ! » (Tout ce qui est a une fin. / Le crépuscule / menace les dieux : / je te conseille de renoncer à l’anneau !)

Le s NibeLuNgeN

Ce sont les habitants du monde d’en bas, les nains qui tirent leurs richesses de l’exploita-tion des ressources minières des lieux qu’ils habitent. Ils sont représentés par Alberich, l’Albe noir, l’autre facette de Wotan si on considère que ce dernier est l’Albe blanc, Mime son frère et Hagen son fils qu’il a eu avec Grimhild, la reine des Gibichungen. Il est pro-grammé pour tuer et récupérer l’anneau qui a été dérobé à son père Alberich.

Le s gé aNts

Ils sont deux, Fasolt, le gen-til et Fafner, le méchant. Ils construisent le Walhalla pour les dieux, en échange de leurs services, ils devaient obtenir la déesse Freia dont Fasolt était sincèrement amoureux. Fafner, plus cupide, accepte d’échan-ger l’otage contre l’or dérobé au gnome Alberich. Lors du partage du butin, Fafner tue Fasolt qui devient ainsi la première victime de la malédic-tion d’Alberich, selon laquelle le possesseur de l’anneau attire sur lui l’assassin.Alberich : « Ohne Wucher hüt ihn sein Herr, / doch den Würger zieht er ihm zu! / Dem Tode verfallen, / fessle den Feigen die Furcht; [...] » (Que son maître le garde sans bénéfice, / mais qu’il attire sur lui l’assassin ! / Voué à la mort, / le lâche sera tenaillé par la peur ; [...])

Le s FiLLe s Du RhiN

Elles sont au début et à la fin de L’Or du Rhin, et on les retrouve dans le Crépuscule des dieux, lorsque l’or revient à son point de départ. Elles symbolisent la nature originelle dans sa pure-té inviolée, mais se comportent comme des allumeuses. Ces ondines sont issues de la mythologie nordique, on parle également de nixes, de sirènes ou encore de nymphes.

Le s WäLsuNgeN

Avant les Wälsungen, il n’y avait pas d’hommes selon la mythologie nordique. Wotan étant venu dans le monde des hommes sous le nom de Wälse ou de Wolfe afin de s’unir à une femme, Wotan engendra une race nouvelle : les Wälsungen. Parmi eux, un fils, un héros, était destiné à

La saga du Ringépisode 2 - Les personnages

(ci-contre)

pendant la Bauprobe du premier volet du Ring

en juillet 2012, les Filles du Rhin sont sur leur rocher.

(à droite)

Dieter Dorn, le metteur en scène, semble à l’aise pour exprimer

le jeu d’acteur qu'il lui faut pour cette scène.

(page de gauche)

Un campement sommaire dans une région montagneuse...

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accomplir de hauts faits pour se saisir de l’or et le sous-traire à la convoitise des ennemis des dieux. Les enfants conçus par Wotan avec une mortelle, Siegmund et Sieglinde devaient agir pour lui et seraient en quelque sorte une race de héros.Siegmund et Sieglinde donnent naissance à un fils, Siegfried, le petit-fils de Wotan qui attendait beaucoup de lui. C’est un personnage qui a beaucoup évolué dans l’esprit du compositeur. Destiné à triompher, son étoile pâlit très rapidement. Il est plutôt un primitif peu enclin au cérébral, c’est un être de nature qui ne connaît pas la peur. Il n’a pas de libre arbitre et se laisse dicter sa conduite, par l’oiseau, par exemple.Siegfried est le nom germanisé de Sigurdr le Volsungr, et le nain Mime est en fait le pendant germanique du forge-ron Reginn. D’après la Chanson des Nibelungen, Siegfried est le fils d’un roi de Néerlande, Siegmund, et de sa femme Sieglinde, et gît dans la forteresse de Xanten où il est considéré comme un homme de grande valeur. Il souhaite épouser la princesse burgonde Kriemhild, mal-gré son rang inférieur, alors il se rend avec une troupe de guerriers à Worms chez les frères de la princesse, les rois Gunther, Gernot et Giselher. Le vassal Hagen von Tronje apprend à son roi Gunther les exploits de Siegfried ; il a conquis le pays des Nibelungen en tuant des géants, sept cents guerriers et deux rois avec son épée Balmung, puis il a combattu le nain Alberich et lui a pris sa cape qui rend invisible. Il a alors ravi le trésor des Nibelungen. Il a ensuite abattu un dragon, et en se baignant dans son sang il est devenu invincible. Siegfried provoque Gunther et le menace de lui ravir son royaume, alors le roi l’apaise en lui partageant ses biens, et il est reçu avec grand hon-neur, aimé de tous, dont la princesse Kriemhild qui l’ad-mire de loin sans l’avoir encore rencontré.

Le s WaLkyRie s

Les Valkyries, ou Walkyries, dans la mythologie nordique, sont des vierges guerrières, des divinités mineures dites dises qui servaient Odin, maître des dieux. Les Valkyries, revê-tues d’une armure, volaient, dirigeaient les batailles, dis-tribuaient la mort parmi les guerriers et emmenaient l’âme des héros au Walhalla, le grand palais d’Odin, afin qu’ils deviennent des einher-jar, des guerriers d’exception. Walkyries signifient « celles qui choisissent les victimes. »Mourir au combat était un honneur pour les guerriers nordiques. Ils savaient que les plus braves rejoindraient le Walhalla, le palais des défunts de Wotan (Odin). Ce sont les Walkyries qui choisissent selon les vœux d’Odin les nobles et les héros morts au combat. Elles se rendent sur les champs de bataille pour guider les combats, accorder la victoire puis ramener les morts au Walhalla.Les Walkyries sont ambiguës. D’une part, elles symbo-lisent l’héroïsme et les récompenses dues aux plus braves,

de l’autre elles incitent, en se servant de leurs charmes, les guerriers à se sacrifier. Les plus assoiffés de sang se voient promettre de nombreuses récompenses. Wotan a engendré cette race de vierges guerrières, parmi elles, sa préférée Brünnhilde. Elle est sagesse et action. Sous son armure se cache une femme sincère et la rédemption du monde repose sur son sacrifice. Elle est la fille de Wotan et d’Erda. Avec le déroulement de l’action, on la voit évoluer de l’adolescente vers la femme mature, voire visionnaire.Elle a huit sœurs, ou plus exactement huit demi-sœurs conçues par Wotan au cours de ses aventures extra-conjugales. Parmi elles, Waltraute que nous retrouve-rons dans une scène en soliste dans Götterdämmerung, lorsqu’elle visite Brünnhilde, malgré l’interdiction de quitter le Walhalla. Elle la supplie de rendre l’anneau aux filles du Rhin, mais en vain.

Le s humaiNs

Hunding, le mari de Sieglinde, au milieu des nixes, des nornes, des nains, des dieux et des géants, est le seul repré-sentant de la race humaine, si on excepte les Gibichungen qui sont de sang royal. Hunding est un guerrier bourru qui connaît les lois de l’hospitalité, mais lorsqu’il découvre qui est Siegmund, qu’il est celui qu’il traque, il ne songe plus qu’à une seule chose, venger son clan.Hunding : « Mein Haus hütet, / Wölfing, dich heut; / für die Nacht nahm ich dich auf; / mit starker Waffe / doch wehre dich morgen ; / zum Kampfe kies ich den Tag : / für Tote za-hlst du mir Zoll. » (Fils de loup / ma maison te protège aujourd’hui, / je t’accueillis pour la nuit ; / mais à l’aide d’une arme forte / défends-toi demain ; / car c’est le jour du combat ; / tu paieras pour les morts.)

Le s gibichuNgeN

Ils apparaissent au cours de la dernière journée de l’Anneau des Nibelungen. Ce sont les des-cendants du roi Gibich. La reine Grimhild a eu deux enfants avec son mari, Gunther et Gutrune qui ont un demi-frère Hagen qui a pour père Alberich. Gunther et Gutrune sont deux marionnettes que Hagen ma-nipule selon son bon vouloir. Avec Hagen, Alberich croit pouvoir récupérer l’anneau qui, au moment du Crépuscule des dieux, est au doigt de Brünnhilde. Gunther, roi des Burgondes, n’a pas encore d’épouse et Gutrune est à la recherche d’un fiancé, dans leur innocence perverse, ils sont soumis à la manipula-tion de leur demi-frère, Hagen.Gunther règne sur son peuple, mais il ne prend aucune décision importante et n’éprouve aucune honte à faire conquérir son épouse par un autre. Peut-être, est-il le caractère le plus faible du théâtre wagnérien ? Noble, certes, mais veule. Gutrune doit sa force de séduction à un breuvage magique, un philtre, mais cela n’affecte aucunement son amour-propre.Siegfried, après avoir bu le philtre : « Ich fürchte kein Feuer, / für dich frei’ ich die Frau; / denn dein Mann bin ich, / und mein Mut ist dein, / gewinn ich mir Gutrun’ zum Weib. » (Je ne crains pas le feu, / pour toi je gagne la femme ; / car je suis ton homme, / et mon courage t’appartient, / si je gagne Gutrune pour femme.)

Personnagesd’après leur première entrée en scène

Das Rheingold Die Walküre Siegfried GötterdämmerungScène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4 Acte I Acte II Acte III Acte I Acte II Acte III P Acte I Acte II Acte III

Les Filles du rhinWoglinde (soprano)

Wellgunde (mezzo-soprano)

Flosshilde (contralto)

alberich (baryton)

Fricka (mezzo-soprano)

Wotan (baryton-basse)

Freia (soprano)

Fasolt (basse chantante)

Fafner (basse profonde)

Froh (ténor lyrique)

Donner (baryton-basse)

Loge (jeune ténor héroïque)

Mime (ténor de caractère)

erda (contralto)

siegmund (ténor héroïque)

sieglinde (soprano dramatique)

Hunding (basse profonde)

Brünnhilde (soprano dramatique)

Les Walkyries

Helmwige (soprano)

gerhilde (soprano)

ortlinde (soprano)

Waltraute (mezzo-soprano)

siegrune (mezzo-soprano)

rossweisse (mezzo-soprano)

grimgerde (contralto)

schwerleite (contralto)

siegfried (ténor héroïque)

L’oiseau (soprano colorature)

Les nornes1e norne (contralto)

2e norne (mezzo-soprano)

3e norne (soprano)

gunther (baryton)

Hagen (basse profonde)

gutrune (soprano)

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L’oise au De L a FoRêt

Est-ce un personnage, ou n’est-ce qu’une voix ? C’est la première voix féminine de la deuxième journée du Ring. L’oiseau joue un rôle essentiel en incarnant l’innocence et la candeur dans une œuvre où le sang coule souvent. Siegfried essaye de l’imiter, l’oiseau se met à lui parler et Siegfried comprend son langage. Grâce à l’oiseau, qui le mène au rocher où sommeille Brünnhilde, Siegfried accède à une connaissance supérieure et s’engage sur un chemin initiatique. Le chant mélodieux des oiseaux, ne serait-il pas le reflet de l’Esprit ? Dans Pantagruel, Rabelais écrit : « Seul celui qui connaît la langue des oi-seaux pourra comprendre mes livres… »L’oiseau : « Lustig im Leid / sing ich von Liebe; / wonig aus Weh / web ich mein Lied : / nur Sehnende kennen den Sinn ! » (Joyeux dans la peine, / je chante l’amour ; / des délices du mal / je tisse mon chant : / seuls ceux qui désirent en connaissent le sens.)

Le s NoRNe s

Les Nornes, ces filles du Destin sont décrites ainsi dans la Völuspà, le Dit de la Voyante ou Prophétie de la Sybille. Il s’agit d’un poème faisant partie de l’Edda Poétique :Se tiennent près de cette source froide, Dans un lit d’algues d’où elles proviennent,] Les sages vierges du Wyrd, Urd la première,

Skuld la seconde, qui écrit les Runes, Et Verdandi, la troisième des Nornes : Les lois qui déterminent la vie des mortels, Elles fixent pour toujours, et scellent leur Destin sur les Runes.]

Dans la mythologie nordique, Urd, Verdandi et Skuld résident près du Puits d’Urd, le puits du Destin. Elles en tirent l’eau et en arrosent l’arbre yggdrasil afin que ses branches ne pourrissent jamais. Les Nornes sont décrites comme trois puissantes Jötuns dont l’arrivée a mis fin à l’âge d’or des dieux. Bien qu’elles n’apparaissent que dans le prologue de l’acte III du Crépuscule des dieux, elles jouent un rôle capital dans la Tétralogie. Elles sont les Parques de la mythologie germanique et repré-sentent le Passé (contralto), le Présent (mezzo-soprano) et l’Avenir (soprano), à l’inverse des Filles du Rhin qui évoluent du soprano au contralto. Le trois est le chiffre clé de ce prologue : trois motifs fondamentaux, celui du Destin, de la Mort et des Nornes, tisserandes du fil de la vie. Elles sont à l’origine de trois récits qui débouchent sur la malédiction de l’anneau. Le fil de la Vie s’est tendu à l’extrême. Il se brise, « Es riss » (cassé) répété trois fois. Les Nornes ont perdu la voyance, il ne leur reste plus qu’à retourner à la terre mère et au sommeil.Les trois Nornes : « Zu End’ ewiges Wissen! / Der Welt melden / Weise nichts mehr ». (Fini le savoir éternel ! / Au monde plus rien / N’apprennent les sages.)3e Norne : « Hinab! » (Descendons !)2e Norne : « Zur Mutter! » (Vers notre mère !)1ère Norne : « Hinab! » (Descendons !) DD

Les Filles du Rhin : Woglinde, Wellgunde, Flosshilde Nixes ou Ondines, gardiennes de l’Or du Rhin.

Alberich Roi des Alfes noirs, des Nibelungen, race des nains habitants sous terre.

Fricka Déesse du mariage, épouse de Wotan, sœur de Freia, Donner et Froh. Elle est sans enfants.

Wotan Le roi des Dieux, père des Walkyries, de Siegmund et de Sieglinde. Il est l’époux de Fricka.

Freia Déesse de l’amour et de la fertilité, sœur de Fricka, Donner et Froh.

Fasolt Un des géants chargés de construire le Walhalla.

Fafner L’autre géant qui se transforme en dragon dans Siegfried.

Froh Dieu de la joie.

Donner Dieu du Tonnerre.

Loge Dieu du feu et des flammes, mais également de la ruse et du mensonge.

Mime Nibelung forgeron qui devient le père adoptif de Siegfried.

Erda Déesse de la sagesse et de la terre, mère des Nornes et de Brünnhilde, un des personnages les plus fascinants du Ring.

Siegmund Fils de Wotan, sous le nom de Wälse, frère de Sieglinde, avec qui il aura un fils, Siegfried.

Sieglinde Fille de Wotan sous le nom de Wälse, épouse de Hunding et mère de Siegfried.

Hunding Époux de Sieglinde qui le déteste et à qui elle a été vendue.

Brünnhilde La Walkyrie chérie de Wotan qui deviendra l’épouse de Siegfried, puis par trahison celle de Gunther.

Les Walkyries Les vierges guerrières, demi-sœurs de Brünnhilde : Helmwige, Gerhilde, Waltraute (on la retrouve dans la dernière journée du Ring), Siegrune, Rossweise, Grimgerde, Schwerleite.

Siegfried Fils des amours incestueuses de Siegmund et Sieglinde, petit-fils de Wotan, époux de Brünnhilde, puis par trahison de Gutrune. Il est adopté par Mime qu’il va tuer.

L’Oiseau Personnage prophétique et mystérieux qui informe le héros sur ce qu’il doit savoir pour progresser.

Les Nornes Elles sont l’équivalent des Parques helléniques, filles d’Erda, elles connaissent l’avenir et tissent la destinée des Dieux et des humains.

Gunther Fils de Grimhild, reine des Gibichungen, il est le frère de Gutrune et le demi-frère de Hagen. Il devient par ruse l’époux de Brünnhilde.

Hagen Fils d’Alberich et de Grimhild, programmé pour tuer et récupérer l’anneau.

Gutrune Elle devient l’épouse de Siegfried grâce au philtre d’oubli qui lui est administré.

Personnagesd’après leur première entrée en scène

Das Rheingold Die Walküre Siegfried GötterdämmerungScène 1 Scène 2 Scène 3 Scène 4 Acte I Acte II Acte III Acte I Acte II Acte III P Acte I Acte II Acte III

Les Filles du rhinWoglinde (soprano)

Wellgunde (mezzo-soprano)

Flosshilde (contralto)

alberich (baryton)

Fricka (mezzo-soprano)

Wotan (baryton-basse)

Freia (soprano)

Fasolt (basse chantante)

Fafner (basse profonde)

Froh (ténor lyrique)

Donner (baryton-basse)

Loge (jeune ténor héroïque)

Mime (ténor de caractère)

erda (contralto)

siegmund (ténor héroïque)

sieglinde (soprano dramatique)

Hunding (basse profonde)

Brünnhilde (soprano dramatique)

Les Walkyries

Helmwige (soprano)

gerhilde (soprano)

ortlinde (soprano)

Waltraute (mezzo-soprano)

siegrune (mezzo-soprano)

rossweisse (mezzo-soprano)

grimgerde (contralto)

schwerleite (contralto)

siegfried (ténor héroïque)

L’oiseau (soprano colorature)

Les nornes1e norne (contralto)

2e norne (mezzo-soprano)

3e norne (soprano)

gunther (baryton)

Hagen (basse profonde)

gutrune (soprano)

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personnages du R ing

la présence des personnages sur les quatres opéras

Les aquarelles et dessins des personnages sont d’Arthur Rackham, illustrateur anglais (1867-1939) et ont été publiés en 1911-1912.

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e n 1921, Ernest Ansermet recommande Arthur Honegger à René Morax pour ajouter de la musique au texte du Roi David. Le dra-maturge vaudois, connu pour ses avatars cal-vinistes de l’action dramatique catho-

claudélienne, accepte de donner une chance au jeune franco-suisse encore peu connu, mais les conditions sont draconiennes : deux mois pour terminer la composition avant le début des répétitions à la « sublime » grange du Jorat à Mézières. Honegger commença par écrire à la ma-nière des Passions de Bach, mais après un ou deux numé-ros, se rendit compte que le style était trop complexe pour lui permettre de respecter l’échéance. Il essaya ensuite de composer dans la veine post-barbare d’un Sacre du printemps, mais cela demandait presque autant de temps. « Alors, qu’avez-vous fait ? », demanda un journaliste. Honegger répondit : « Je me suis simplement rabattu sur Massenet. » La boutade explique bien des aspects d’une œuvre éclectique à l’extrême. Bach, Stravinski, Massenet et même Ravel rôdent dans Le Roi David et lui permettent d’être tour à tour lyrique, colorée, délicieuse, affolante, gro-tesque, voire grandiose. Tout comme Les Aventures du roi Pausole, Le Roi David, pour être fait d’emprunts et d’imita-tions, n’en porte pas moins la patte du maître. Les quali-tés de ce «psaume dramatique» sont manifestes : alléluias célestes, lamentations déchirantes sur Saül et Jonathan ou Absalon, une musique qui brille comme le soleil sur le bronze. On se demande presque si Honegger était, comme Bach, trop pénétré de l’amour sacré pour écrire un opéra.

La musique doit changer de caractère, devenir droite, simple, de grande allure : le Peuple se fiche de la technique et du figno-lage. J’ai essayé de réaliser cela dans Jeanne au Bûcher. Je me suis efforcé d’être accessible à l’homme de la rue tout en inté-ressant le musicien. ArThur honegger

L’opéra est infesté de paradoxes. On y met en scène la plus tendre intimité amoureuse dans un décor colossal, avec musique retentissante et jeu dramatique à la limite du cari-catural. L’opéra est théâtral, mais ce n’est pas du théâtre ; c’est de la belle musique, mais ce n’est pas de la musique « pure ». Les histoires qu’on raconte à l’opéra sont pleine d’incongruités : les personnages, les intrigues, les motifs de l’action sont rarement dramatiquement « étanches ». Mais toute cette absurdité devient accessoire quand elle est inondée par la vague de l’émotion. Le brillant lexicographe

et homme d’esprit anglais du XVIIIème siècle Samuel Johnson disait, avec raison, que l’opéra est illogique et absurde, mais le genre a pourtant pris son essor en pleine époque des Lumières et de la Raison triomphante. L’opéra est consi-déré comme le divertissement des élites sociales, celles qui peuvent se payer les places au parterre, mais tout dans l’opé-ra cherche à flatter les « basses » passions pour le grand spec-tacle, l’exhibitionnisme, les coups d’action tonitruants et un érotisme toujours prêt à basculer dans le kitsch. L’opéra inspire soit la dévotion absolue, soit la détestation profonde chez les personnes qui l’écoutent et rarement une position intermédiaire. On est soit « mordu » par le lyrique, comme par un chien enragé – maladie purement métaphorique –, soit l’opéra rend littéralement malades ceux qui doivent supporter ses longueurs, ses braillements, ses arcanes…

Le roi DavidIls ont cueilli ton fruit qui pendait aux rameaux. Ton fruit rouge de sang que leurs mains ont froissé. Ils m’en feront présent pour avoir un baiser.Le roi DAviD (1921, mORax / HOneggeR)

L’opéra est la zone dangereuse de la séduction. Gustave Flaubert avait raison de déconseiller vivement, par la bouche de l’abbé Bournisien, à Charles Bovary d’emme-ner sa femme à l’opéra. Emma Bovary, abrutie d’ennui par son quotidien d’épouse provinciale, est la proie idéale pour être séduite par l’opéra. Le simple fait d’exprimer ce désir la rend vulnérable, il suffira qu’elle assiste à la représentation de Lucie de Lammermoor et elle sera per-due. Lucie place Emma dans un état de faiblesse morale qui la prédispose à être séduite de manière charnelle, une séduction qui la détruira. Si Emma n’avait pas été à l’opé-ra, il ne se serait rien passé. Dans l’épigraphe du chapitre en question, Flaubert utilise la figure rigoriste de l’abbé Bournisien pour faire le catalogue de tous les instruments du vice dont dispose l’opéra pour réaliser son œuvre de séduction : salles luxueuses, masques et déguisements, va-nité et célébrité, ambiguïté de genre, refus de la normalité. L’opéra est l’appât qui mène à une vie illicite et atypique, qui refuse la normalité. L’opéra est pour Emma le démon

Amours sacréesAmours profanes

Quelques paradoxes érotico-lyriques, du Roi David au Roi Pausole

proposés par Christopher Park

> les aventures du roi pausole d’Arthur Honegger DIRECTION MUSICALE : Claude Schnitzler MISE EN SCèNE : Robert Sandoz DÉCORS & COSTUMES : Gian Maurizio Fercioni LE ROI PAUSOLE : Jean-Philippe Lafont CHœUR DU GRAND THÉâTRE ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE Au Grand Théâtre,

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Quand je rêve, c’est de lui,De mon homme (...)Je l’ai tell’ment dans la peauQu’j’en d’viens marteau,Dès qu’il s’approch’ c’est finiJe suis à luiQuand ses yeux sur moi se posentÇa me rend tout’ chose (...)Mon hoMMe (1916, Willemetz / Yvain)

La tête de Jochanaan qui devient le sex-toy de Salomé, la lance de Klingsor avec laquelle Parsifal touche l’entre-jambe d’Amfortas, l’épée qu’Octavian doit dissimuler pour endosser l’habit de Mariandel : l’opéra est fétichiste et pervers. Pas au point, évidemment, de nous faire quit-ter la salle en poussant des cris scandalisés (encore que...). La perversion de l’opéra est une vision à double foyer, simultanément visible et invisible. Dans le monde her-métiquement scellé de la partition et de l’œuvre, les vices de ses héros ne me menacent pas. Je ne suis qu’un simple visiteur dans l’élégante prison lyrique de Carmen, Dalila ou Lulu. Mais pendant que j’observe avec délices Salomé s’adonner à la nécrophilie, en me demandant combien de temps encore avant qu’on ne la fasse cesser, la charge de l’érotisme pervers de la situation ne fait que croître et enfler jusqu’à ce que le soulagement arrive avec un cri : « Man töte dieses Weib ! »

Elle n’était pas une grande intelligenceMais dans un plumard, ça n’a pas d’importanceQuand on a dix-huit ans on n’en demande pas tantDu moment qu’on s’aime on est contentElle n’avait pas un très bon caractèreElle était jalouse et même autoritairePourtant, j’en étais fouElle me plaisait beaucoup parce que surtout...Elle avait de tout petits petons, Valentine, ValentineElle avait de tout petits tétonsQue je tâtais à tâtons, tonton tontaineElle avait un tout petit menton, Valentine, ValentineOutre ses petits petons ses petits tétons son petit mentonElle était frisée comme un mouton.vALenTine (1923, Willemetz / CHRiStiné)

L’opéra, c’est la représentation des fantasmes absolus de notre sexualité. L’opérette, c’est la représentation de notre sexualité telle qu’on peut l’espérer dans le meilleur des ©

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qui lui promet tout l’excès de plaisir physique, émotif, voire intellectuel qu’elle désire ; comme Méphistophélès qui pousse Faust à lui vendre son âme.

DianeJ’ai fait un rêve merveilleux,Et je t’avoue, petit curieux,Qu’on ne peut rien rêver de mieux.Le Roi dormait très fort,Près de lui je m’allonge,Et je commence alorsÀ faire un joli songe.Un beau page tournaitLe bouton de ma porte ;De peur je frissonnais,J’étais à moitié morte !Les AvenTures Du roi PAusoLe (1930, Willemetz / HOneggeR)

L’opéra est immoral. Un tel fatras d’exagérations ne peut que nuire à la vertu. Les pouvoirs publics qui se préoc-cupent de la sauvegarde de la morale publique devraient se méfier de l’opéra, et pourtant ils le financent ! Le public sans défense s’englue dans la toile perfide de l’opéra, au point d’en oublier les devoirs et les responsabilités du quotidien. Lorsque Haendel et ses comparses débar-quèrent à Londres au début du dix-huitième siècle, les moralistes moralisèrent, les critiques critiquèrent et les caricaturistes caricaturèrent. Ils accusaient l’opéra d’être excessif, efféminé, de diminuer les vertus britanniques. En 1835, l’illustrateur satiriste George Cruikshank représen-tait quatre dandys londoniens surexcités dans une loge de l’opéra en train de raviver l’un de leur groupe à l’eau de Cologne, après qu’il soit entré en pâmoison suite au grand air du Signeur Nonballenas (« Signor Pas-de-couilles »). Le dernier castrat à chanter à Londres, Giovanni Velluti, avait quitté le pays en 1829, six années avant que la caricature méchante de Cruikshank ne force le trait du manque criant de virilité des dandys en représentant leur admi-ration maladive pour un eunuque. Prototypes de la folle lyrique, les dandys hystériques de Cruikshank sont pris en flagrant délire d’immoralité.

Sur cette terr’, ma seul’ joie, mon seul bonheurC’est mon homme.J’ai donné tout c’que j’ai, mon amour et tout mon cœurÀ mon hommeEt même la nuit,

Amours sacréesAmours profanes

Quelques paradoxes érotico-lyriques, du Roi David au Roi Pausole

(ci-dessus, à gauche)

Caricature sur les danses modernesLéon Bonnotte, 1920Bibliothèque Fornay, ParisLithographie

(au centre)

Le Roi pausoleSuzanne BallivetEdition du Livre, Monte-carlo, 1945Illustration du livre de Pierre Louys

(à droite et ci-dessous)

Les aventures du roi pausoleCarlègle Paris, Briffaut, 1924Illustrations du livre de Pierre Louys

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cas. Les personnages de l’opé-rette ont des conversations qui ressemblent à celles que nous me-nons dans notre vie quotidienne, dans le meilleur des cas, traver-sées par un bon jeu de mots ou un compliment bien tourné. Les per-sonnages de l’opéra ne se parlent pas entre eux, c’est à peine s’ils se remarquent. C’est au public qu’ils communiquent leur émotion et leur science. C’est à moi qu’ils sont

en train de parler. Carmen me séduit autant, même plus, qu’elle ne séduit Don José. Quand Emma finit par aller à l’opéra, c’est précisément cela qui se passe, elle fantasme à mort, et ce n’est pas un abus de langage, sur Edgardo.

L’amoureux outragé brandissait son épée nue ; sa collerette de guipure se levait par saccades, selon les mouvements de sa poitrine, et il allait de droite et de gauche, à grands pas, faisant sonner contre les planches les éperons vermeils de ses bottes molles, qui s’évasaient à la cheville. Il devait avoir, pensait-elle, un intarissable amour, pour en déverser sur la foule à si larges effluves. Toutes ses velléités de dénigrement s’évanouissaient sous la poésie du rôle qui l’envahissait, et, entraînée vers l’homme par l’illusion du personnage, elle tâcha de se figurer sa vie, cette vie retentissante, extraordinaire, splendide, et qu’elle aurait pu mener cependant, si le hasard l’avait voulu. Ils se seraient connus, ils se seraient aimés ! Avec lui, par tous les royaumes de l’Europe, elle aurait voyagé de capitale en capitale, partageant ses fatigues et son orgueil, ramassant les fleurs qu’on lui jetait, brodant elle-même ses costumes ; puis, chaque soir, au fond d’une loge, derrière la grille à treillis d’or, elle eût recueilli, béante, les expansions de cette âme qui n’au-rait chanté que pour elle seule ; de la scène, tout en jouant, il l’aurait regardée. Mais une folie la saisit : il la regardait, c’est sûr ! Elle eut envie de courir dans ses bras pour se réfugier en sa force, comme dans l’incarnation de l’amour même, et de lui dire, de s’écrier : « Enlève-moi, emmène-moi, partons ! À toi, à toi ! toutes mes ardeurs et tous mes rêves ! » Le rideau se baissa. MADAMe BovAry (1857, guStave FlaubeRt)

L’opéra est anachronique, ses intrigues sont confuses et invraisemblables, chantées dans des langues étrangères. L’opéra, c’est tout ce qu’il y a de plus contre nature. L’opéra, c’est l’art du faux mais il fait tout pour cacher son jeu. L’opérette, elle ne fait pas tant de simagrées.

MirabelleVous l’expliquer, c’est très complexe,Un travesti, mon Dieu, voilà…C’est l’assemblage des deux sexes,C’est l’accord du le et du la,En chimie c’est un amalgame,C’est un mélange, une fusion,Deux corps, un homme et une femme,Unis dans un seul pantalon.Un travesti, c’est un problème,C’est un moyen, c’est un systèmeAssez malin…Et qui permet à ceux qui aimentLe fémininD’aimer quand même Le masculin

C’est un très gentilStratagèmeQui réunit toutes les sympathies !Les AvenTures Du roi PAusoLe (1930, Willemetz / HOneggeR)

L’opéra impose un érotisme étrange, où le corps ne compte pour presque rien. Dans la plupart des cultures dites « civilisées », l’érotisme est une source de honte et le corps est un lieu dégoûtant. C’est le pouvoir seul de la musique qui libère le spectateur de cette anxiété et qui autorise le moment fugace de l’extase. Qui a vu un Tristan et une Isolde mourir d’amour en arrivant à peine à s’enla-cer tant ils sont tous deux corpulents, ou la scène craquer sous le poids d’Énée et de Didon, en témoignera.

ChœurJeanne au-dessus de Jeanne ! Flamme au-dessus de la flamme ! Louée soit notre sœur la flamme, qui est pure – forte – vivante – acérée – éloquente – invincible – irrésistible La ViergeLe Feu, est-ce qu’il ne faut pas qu’il brûle ! Cette grande flamme au milieu de la France, est-ce qu’il ne faut pas qu’elle brûle ?ChœurLouée soit notre sœur Jeanne qui est Sainte – droite – vivante – ardente – éloquente – dévorante – invincible – éblouissante ! Louée soit notre sœur Jeanne qui est debout pour toujours comme une flamme au milieu de la France !La Vierge, Marguerite, Catherine, Voix d’enfants, ChœurJeanne ! Jeanne ! Jeanne ! Fille de Dieu ! Viens ! Viens ! Viens !JeAnne D’ArC Au BûCher (1938, Claudel / HOneggeR)

L’amoralité érotique de l’opéra est l’une des raisons pour lesquelles les classes bourgeoises et nanties l’ont toujours défendu avec ténacité et fait en sorte que les pouvoirs pu-blics qu’elles téléguident, même lorsque les magistratures sont roses et vertes, lui octroient une belle part de l’argent du fisc. Ce sont les personnes qui établissent l’ordre social qui risquent le moins d’en être détournées. Si les prolé-taires et les gens dénués de ressources commencent à prendre goût à l’opéra, le risque de déviance générale des normes sociales devient alarmant. La bonne société doit conserver l’opéra comme chasse gardée, à l’instar du terrain de golf et du manège hippique, et en éloigner à tout prix les basses classes (ou tout au moins les reléguer au poulailler) dans le but inavoué de protéger leur fibre morale, et le but inavouable de ne pas gâcher son propre plaisir d’être séduite. Pour les ploucs, il y aura toujours le terrain sans risques de l’opérette. Encore que...

PausoleAdieu, mon peuple aimé, j’abdique :C’est mon devoir et c’est mon droit :La plus mauvaise républiqueVaut mieux que le meilleur des rois.Ce n’est pas sûr, mais je le crois !En vain, pour le bonheur des autres,Pendant quarante ans, j’ai lutté !Souffrez qu’en vous rendant la vôtre,Je reprenne ma liberté.J’émancipe toutes mes femmes,Estimant qu’il n’est pas poli,Quand on est un roi polygame,De dormir dès qu’on est au lit !Les AvenTures Du roi PAusoLe (1930, Willemetz / HOneggeR) ChP

(ci-dessus)

A Dandy fainting or –An exquisite in Fits

Caricature de George Cruikshank, 1835

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o uvrez votre porte-feuille, et prenez une coupure de vingt francs suisses : vous avez entre les doigts

le portrait d’Arthur Honegger. Les personnalités illustrant cette série de billets de banque, galerie de poche du rayonnement culturel de la Suisse, sont (Burkhardt, historien 1818-1897, mis à part) nés dans les dernières années du XIXème siècle, et ont déployé une carrière artistique internationale dans la première moitié du XXème siècle à partir de Paris, phare culturel de l’époque. C’est dire qu’ils ont été des acteurs majeurs des années marquant l’irruption de la Modernité dans les arts. Le verso du billet de vingt francs est illustré d’une évocation de la locomotive Pacific 231, qui a inspiré et donné le titre de l’œuvre la plus populaire de Honegger. L’époque est marquée par des pro-grès fulgurants dans les sciences et techniques, qui ouvrent des horizons lumineux pour l’amélioration espérée des conditions de vie. « La Machine » devient emblématique du progrès, les artistes, immergés dans la société, sont partie prenante de cette ouverture. L’architecte Le Corbusier, voisin de Honegger par le billet de dix francs, théorise sur l’habitat de demain, il parle de « Machine à ha-biter ». Arthur Honegger va produire une musique parfaitement en adéquation avec cette époque dynamique, quand s’invente de nouveaux modes d’expressions, pour une société nouvelle. Honegger naît en 1892 au Havre dans une famille d’origine zuri-choise, bourgeoise et protestante. Le père, Arthur aussi, est un «Suisse moderne», actif dans le commerce du café. Il vient s’ins-taller au Havre, à l’époque l’un des grands ports commerciaux de l’Europe continentale ; il y fait fortune. Sa mère joue évidemment du piano, Arthur Junior est plus attiré par le violon. On fait de la musique de chambre, avec un ami ils forment un trio piano et deux violons : les œuvres sont rares pour cet ensemble atypique, il s’essaie donc à la composition. Les choses prennent un tour plus sérieux avec deux années au conservatoire de Zurich en 1909-1910. Études de violon, d’harmonie, découverte de Reger, Strauss. La carrière musicale est choisie, il renonce à succéder à son père dans le commerce, la famille rentre à Zurich en 1913. Arthur H. fait des allers-retours studieux entre les conservatoires du Havre, de Zurich et Paris. Puis c’est 1914 et la Première Guerre mondiale. Honegger, citoyen suisse – il le restera toujours, deviendra binatio-nal – effectue un passage rapide sous les drapeaux, il est libéré en 1915. Il retourne à Paris, et complète ses études au Conservatoire par la composition et la direction d’orchestre. Il fait la connais-sance d’une pianiste, Andrée Vaurabourg (1894 - 1980), ils donnent ensemble des concerts, se marient en 1926. Elle accepte les condi-tions particulières qu’il impose : chacun vit de son côté, et on se retrouve en fin de journée pour le dîner ; couple moderne.Fixé dorénavant à Paris, il est immergé dans la musique française, se lie avec Satie, et participe à la création du Groupe des Six, jeunes compositeurs sous influence de Cocteau. Partagé entre ses racines germaniques et cette déterminante influence parisienne, il va rapidemment trouver sa propre voie. Honegger décède le 27 novembre 1955, le lendemain Radio Lausanne diffuse un hommage d’Ernest Ansermet, qui aura dirigé quarante-trois fois, entre 1921 et 1968, les œuvres de Honegger au Victoria Hall de Genève. Ansermet met en évidence la grande homogénéité de

l’œuvre, pourtant vaste et étendue. Honegger a abordé effecti-vement toutes les formes musicales, au cours d’une production impressionnante.Quelques titres les plus connus parmi plus de deux cents œuvres témoignent de la richesse et de la diversité de la musique d’Ho-negger. Il se révèle au public avec Le Dit des Jeux du Monde (1918) pour ensemble comprenant un « bouteillephone », puis il obtient un prix réputé avec Pastorale d’été (1920) pour orchestre. En 1921, René Morax, fondateur du théâtre du Jorat, lui commande la mu-sique de scène du Roi David, c’est un grand succès, qui lui ouvre les portes de commandes prestigieuses. Sur un texte de Cocteau, Il compose la tragédie d’Antigone (1924-1927). Il compose cinq symphonies entre 1930 et 1950. Musique instrumentale et cho-rale, pièces de musique de chambre, de scènes, se succèdent, ainsi que d’heureuses collaborations avec des écrivains. Avec Valéry pour Amphion (1929) et Sémiramis (1933), avec Claudel pour les œuvres majeures que sont Jeanne d’Arc au bûcher (1935), La Danse des morts (1938, une commande du chef d’orchestre et mécène suisse Paul Sacher), et Le Soulier de satin (1943). À côté de ces œuvres profondes, des titres originaux tels que Musique d’ameublement (1919), Pâques à New York (1920), Danse de la chèvre (1921), Skating-Rink (1921-22), Pacific 231 (1923), Préludes et Blues (1925), Rugby (1928), Le Grand Barrage (1942) et Mermoz (1943), par exemple, illustrent la capacité de Honegger à puiser son inspi-ration dans son époque. Il est le premier des grands compositeurs à écrire des musiques de films : il en compose trente-sept, pour des réalisateurs aussi prestigieux que Gance, Autant-Lara, Litvak, Allégret, entre autres.Honegger, c’est de la «musique moderne», pour certains le terme est suspicieux . Dans De la musique avant toute chose (2008), plai-doyer pour la musique nouvelle, Michel Tabachnik résume en trois courants le mouvement d’évolution de la musique de la première moitié du XXème siècle. Il situe Honegger aux côtés de Stravinski, dans le second, marqué par « l’amplification de la to-nalité », précédent un troisième aboutissant au « rejet absolu de la tonalité », avec Schönberg et Webern en ouvreurs d’une nou-velle esthétique musicale. Dans son manifeste, Tabachnik voit dans « […] cette ère de bouleversements stylistiques […] un besoin de jeter les références, l’indéfectible rhétorique baroque, et de construire une langue musicale universelle, fonctionnant selon ses propres règles, délestée de toute teinture émotionnelle […] ». Honegger se voit ici classé parmi ceux pour qui cette rupture marque un retour au classissisme : il n’a pas « jeté les références », il est accro de Bach, sa musique est toute d’harmonie, mais aussi d’émotion contenue.La modernité c’est aussi l’ouverture d’esprit, la libéralisation de la pensée et des mœurs, et les artistes en sont acteurs. Honegger n’hésite guère à répondre à l’invitation à écrire la musique de l’opérette Les Aventures du roi Pausole, sur un livret de Willemetz, le pro du genre des « années folles », et à se frotter au roman de Pierre Louÿs, le littérateur licencieux. Loin des oratorios et des graves symphonies, Honegger s’immerge dans le Royaume de Tryphème qui a pour devise « Vivre et laisser vivre », cotoye son roi Pausole aux 366 reines qui vont dénudées, et où l’« Hôtel du Sein blanc et de Westphalie réunis » abrite de tumultueuses amours. L’œuvre a été créée le 12 décembre 1930, rencontrant un énorme succès, avec cinq cents représentations. œuvre libertine sans doute, mais non dénuée d’esprit, d’élégance, c’est tout le style de la vivace Modernité, auquel il fait bon se référer encore. RM

Au delà du fameux billet rouge, à quel point connaissez vous Arthur Honegger ? Voici quelques pistes pour mieux saisir l’œuvre protéiforme du compositeur et figure clé de la première moitié du XXème siècle.

Honegger, un Moderne

par Roland Meige

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À propos d’Olivier Vogelsang, le photographe de notre couvertureCollaborateur à la Tribune de Genève depuis 1993, ses photos sont publiées dans la presse suisse et internationale. Olivier Vogelsang s’inscrit dans le courant des photographes humanistes, ce qui lui a valu plusieurs distinctions, telles que le Fuji Euro Press Swiss Awards, à trois reprises, ainsi que le 1er prix au Swiss Press Photo Award, à sept reprises, dans les catégories Culture, Vie quotidienne et Environnement, Sport et International. Il vient de publier switzerlanders, un ouvrage rassemblant 150 photos d’un pays dans tous ses états, aux éditions d’autre part.

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q u’il soit rock avec son groupe Les Pelouses Brothers ou simplement Robe accompa-gné d’une guitare acoustique, Robert Sandoz aime ces liens particuliers qui se tissent avec le public lorsqu’il est sur

scène : « Comme je suis quelqu’un de pudique et d’un peu timide, la musique me donne l’op-portunité de partager mes émotions ». Il poursuit : « Si la musique précède le théâtre dans ma vie d’artiste, c’est parce que l’on peut commencer seul dans sa chambre ». Pour lui c’est le théâtre qui l’a rattrapé car il considère avoir plus de talent dans ce domaine, même s’il ne s’agit, au final, que d’un changement de vecteur. Depuis qu’il anime une chronique musicale dans un magazine dif-fusé sur RTS1, la télévision est devenue un autre vecteur de partage. Si ces différents outils lui permettent de se tester, il aime s’adapter aux règles de l’art qu’il utilise : « Arriver et bousculer les règles ne m’intéresse pas. Si la règle pour un spectacle de fin d’année est d’avoir des paillettes Eh bien il y aura des paillettes. À moi de voir lesquelles et comment les intégrer au spectacle. »Si Robert Sandoz s’est essayé à la mise en scène d’œuvres musicales comme La Serva padrona de Giovanni Battista Pergolesi et Il Segreto di Susanna d’Ermanno Wolf-Ferrari au TPR à la Chaux-de-Fonds et au Théâtre du Passage à Neuchâtel, c’est la première fois qu’il travaille sur un pla-teau aussi vaste que celui du Grand Théâtre de Genève, au demeurant le plus imposant de Suisse. Avec la mise en scène des Aventures du roi Pausole, Robert Sandoz a accepté un défi de taille : « C’est un projet très excitant et je suis impatient de voir le résultat final. Et si par-fois l’ampleur de la tâche me donne des sueurs froides, la gentillesse et la compétence des équipes du Grand Théâtre de Genève me rassurent. » Licencié en français, histoire et philosophie, Robert Sandoz débute dans le monde du théâtre par le biais de l’assistanat aux côtés d’Olivier Py, Hervé Loichemol, Jean Liermier ou encore Gino Zampieri. Chacune de ces expériences va lui permettre de se définir par oppo-sition ou par assimilation. Olivier Py qui a une grande confiance dans les acteurs va lui apprendre à les consi-dérer comme des partenaires, à leur faire confiance et à être moins directif. De cette expérience, Robert Sandoz va également retenir que l’amour du texte doit toujours servir la narration. L’amour du texte ! Robert Sandoz aime l’idée d’être le porte-parole de l’auteur lorsqu’il fait une mise en scène. Pour lui il est important d’interpréter les textes pour aider la compréhension du public. Le roman Les Aventures du roi Pausole, du grand poète érotique français Pierre Louÿs connu notamment pour être l’auteur des Chansons de Bilitis, a fait l’objet d’une parution mensuelle sous forme de feuilleton avant la

publication de l’ouvrage complet. Le livret d’Albert Willemetz reprend cette construction et les différents épisodes qui composent cette opérette ont été accen-tués par Arthur Honegger qui leur a associé des thèmes musicaux spécifiques. Robert Sandoz voit ces différents épisodes comme « les perles d’un collier » et ajoute : « mon défi est de les lier par le fil de la narration pour en faire un bijou complet, unique, fluide, tout en gardant à l’esprit que Les Aventures du roi Pausole doit rester, avant tout, un divertissement ».Si le livret lors de la création du spectacle en 1930, aux Bouffes-Parisiens, était clairement érotique, le temps a fait son œuvre, et aujourd’hui cet aspect de l’histoire est moins évident. Pour Robert Sandoz, l’auteur exprime les fantasmes masculins d’un autre siècle, fantasmes qui ne correspondent plus vraiment à ceux de l’homme actuel : « Je perçois aujourd’hui une uniformisation des fantasmes qui tendent à se banaliser ». Il ne veut donc pas privilégier cet angle mais désire plutôt travailler sur les clichés du regard masculin sur les femmes. Les Aventures du roi Pausole raconte notamment l’histoire d’un souverain ayant 366 femmes, une pour chaque jour, années bissextiles comprises. Le cauchemar absolu pour Robert Sandoz qui perçoit chez ce roi un profond ennui car tout lui est acquis et parce qu’il n’a plus besoin de séduire. « Pour moi, le jardin d’Eden c’est plutôt l’enfer car tout y est parfait. C’est le fait que rien ne soit jamais acquis qui nous fait avancer ». Dans sa mise en scène, il a donc imaginé des reines physiquement très diffé-rentes pour amener un peu de piment dans la vie de ce pauvre roi à qui personne ne résiste et qui manque cruellement d’aventures. Robert Sandoz souhaite com-plexifier les rapports entre hommes et femmes, qui se sont aujourd’hui ajustés, en s’appuyant sur les clichés du passé et donner ainsi une nouvelle dimension au désir en évitant l’ornière féministe. Et le jeune metteur en scène, tout à son désir de rendre hommage à la femme, se demande si une femme n’aurait pas été la bonne per-sonne pour faire cela. FL

Metteur en scène de talent, chanteur et musicien, le Neuchâtelois Robert Sandoz signe la mise en scène des Aventures du roi pausole du compositeur suisse Arthur Honegger à l’affiche du Grand Théâtre de Genève pour les fêtes de fin d’année. Un défi majeur pour ce jeune artiste qui s’attelle, pour la première fois, à la mise en scène d’une œuvre lyrique sur l’imposante scène de la place de Neuve. Rencontre.

par Frédéric Leyat

Le bon roi de Robert...

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ViolettaChe dite ? Ha forse alcuno / Cura di me ? (Que dites-vous ? y aurait-il quelqu’un / Qui prenne soin de moi )?

AlfredoPerchè nessuno al mondo / V’ama. (C’est qu’il n’y a per-sonne au monde / Qui vous aime.)

ViolettaNessun ? (Personne ?)

Et nous répondrons tous en chœur : « Personne, sauf nous. » « Dite alla giovine, si belle e pura » que nous l’aimons, que nous l’admirons telle qu’elle est, et que même morte nous l’aimons toujours car elle nous touche et nous émeut.La fête lui permet d’apaiser ses maux, elle folâtre de ré-jouissance en réjouissance, et lorsqu’elle croit pouvoir concrétiser sa plus profonde aspiration, elle ne peut y croire. Son éveil au véritable amour ne sera que « croix et délices pour le cœur ». L’espace d’une soirée nous par-tageons les ultimes moments d’une jeune femme qui souffre autant moralement que physiquement. Comme nous, elle s’avance vers la mort. Cependant avant la fin inéluctable, elle aura été mise à mort par la société qui l’entoure. N’est-elle pas une victime de plus de la pros-titution bourgeoise ? Objet sexuel, elle ne demande qu’à

Ma Traviatapar Daniel Dollé

Un rendez-vous incontournable

> la traviata de Giuseppe Verdi DIRECTION MUSICALE : Baldo Podic MISE EN SCèNE : David McVicar DÉCORS & COSTUMES : Tanya McCallin LUMIèRES : Jennifer Tipton CHORÉGRAPHIE : Andrew George CHœUR DU GRAND THÉâTRE ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE Au Grand Théâtre,

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En ce début d’année 2013, le Grand Théâtre célèbre le bicentenaire de Verdi de la plus belle des manières : La Traviata, dernier volet de la « trilogie populaire » après Rigoletto et Il Trovatore, sera donnée à dix reprises dans une double distribution. Portrait de Violetta, la Dame aux camélias de Dumas fils qui, après avoir séduit Verdi, lui-même sous le charme d’une femme qui pourrait être sa réincarnation, ne cesse de fasciner les mélomanes.

être une véritable personne aimante, reflet de son intério-rité. Elle reste la proie des diseuses de bonne aventure et des matadors qui, sous des traits enjôleurs, cachent leurs armes fatales. De la passion à la haine, il n’y a qu’un pas. Dans les soirées mondaines on s’ennuie, on rit, on can-cane, on parie, l’ivresse aidant, on blesse et on tue. Faut-il en vouloir à cette femme qui en apparence a choisi les réjouissances afin de panser ses blessures ? Si Alexandre Dumas fils et Giuseppe Verdi ne les avaient pas mythi-fiées, sublimées tout en leur gardant une figure humaine, Marguerite Gautier et Violetta nous manqueraient. À l’époque de Balzac et de Zola, la première héroïne vériste a vu le jour. En apparence la vie dévoyée a cuirassé les sen-timents de Violetta, le corps a usé son âme, mais à qui la faute ? Aime-t-elle vraiment les hommes, ou n’aime-t-elle que l’amour ? Elle voulait échapper à son destin de courti-sane, mais les hommes, la société l’en ont empêché.A la création, La Traviata ne fut pas l’œuvre incontournable qu’elle est aujourd’hui. Violetta Valery, transcendée par des cantatrices mythiques telle que Maria Callas, occupe une place privilégiée chez les amateurs d’opéra, mais elle a su également séduire les non lyricophiles. Souvenons-nous du film de Franco Zeffirelli, La Traviata avec Teresa Stratas et Plácido Domingo, sorti en 1983.À la création, le public a reconnu des personnages qui lui

Roselyne Bachelot, que l’on connaît plus particulièrement pour les différentes fonctions ministérielles qu’elle a exercées sous les présidences de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, sera présente au Grand Théâtre à l’occasion de la conférence d’introduction à La Traviata, le jeudi 24 janvier 2013 à 18 h 15. Cette conférence organisée par l’Association des Amis de l’opéra et du ballet permettra aux intéressés de découvrir la passionnée d’art lyrique qui se cache derrière la femme politique.

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terminera son récit en écrivant : « Je ne tire pas de ce ré-cit la conclusion que toutes les filles comme Marguerite sont capables de faire ce qu’elle a fait ; loin de là, mais j’ai connaissance qu’une d’elles avait éprouvé dans sa vie un amour sérieux, qu’elle en avait souffert et qu’elle en était morte. J’ai raconté au lecteur ce que j’avais appris. C’était un devoir. Je ne suis pas l’apôtre du vice, mais je me ferai l’écho du malheur noble partout où je l’entendrai prier. L’histoire de Marguerite est une exception, je le répète ; mais si c’eût été une généralité, ce n’eût pas été la peine de l’écrire. » Oui, la Traviata est une personne d’exception, et, peut-être, est-ce là la raison pour laquelle elle nous séduit ?Mondaine, demi-mondaine, elle vit entourée, courtisée, adulée, elle doit fuir pour cacher à son entourage sa ma-ladie, seul Alfredo découvre son malaise. Mais lorsque vient l’heure de la mort, les festivités du carnaval battent le plein et seule, ou presque, elle affronte la mort, si jeune. Et dans le poème du recueil Péchés de jeunesse, Alexandre Dumas fils se souvient :

« […]Pauvre fille ! on m’a dit qu’à votre heure dernièreUn seul homme était là pour vous fermer les yeux,Et que, sur le chemin qui mène au cimetière,Vos amis d’autrefois étaient réduits à deux !

Eh ! bien, soyez bénis, vous deux qui, tête nue,Méprisant les conseils de ce monde insolent,Avez, jusques au bout, de la femme connue,En vous donnant la main, mené le convoi blanc !

Vous qui l’avez aimée et qui l’avez suivie !Qui n’êtes pas de ceux qui, duc, marquis ou lord,Se faisant un orgueil d’entretenir sa vie,N’ont pas compris l’honneur d’accompagner sa mort ! »

Faut-il refuser l’amour sublime et la noblesse de cœur à une courtisane, à une demi-mondaine ? L’amour pour Alfredo, qui aurait pu être un pardon pour une vie anté-rieure dissolue, est devenu rapidement un châtiment, à croire qu’il n’y a pas d’absolution sans pénitence. Violetta vit toujours, nous la croisons chaque jour, à chaque coin de rue. Des sentiments vrais et intemporels la parcourent : amour, détresse, tristesse et haine. Nous admirons sa complexité. Ne faut-il pas trois voix différentes pour in-terpréter cette femme qui nous met à genoux ? Légère et virtuose au premier acte, elle devient plus enflammée au deuxième, pour finir dramatique et à bout de souffle au dernier acte. De courtisane légère, elle devient amoureuse sincère avant d’être une victime qui ne devra son salut qu’à la mort. Violetta Valery traverse et vit pleinement ses passions. Elle cristallise les obsessions de notre incons-cient : le désir et son interdiction, la transgression et pour finir le châtiment expiatoire.Dès les premières mesures de l’ouverture, que dis-je, bien avant de monter les marches du Grand Théâtre, nous savons qu’elle est condamnée. Verdi voulait d’ailleurs intitulé l’ouvrage Amour et mort. Dans un monde voué à l’extériorité, la solitude de l’individu va croissante. Non Violetta tu n’es pas seule, tu as en tout temps des âmes qui partagent ta solitude et ta quête d’un sublime amour. Et lorsque Giorgio Germont te condamne et te regarde comme un sexe, comme un diable en te disant que tu es le mal, tu as mille fois raison de lui répondre : « Donna son io. (je suis femme) ». Tu voulais échapper à ton destin de cour-tisane, mais les hommes, la société t’en ont empêché. DD

Ma Traviata(ci-dessus et page de gauche)

production de La Traviata par le Welsh National Opera, le scottish Opera et le Gran Teatre del Liceu, qui sera reprise à Genève en janvier-février 2013.

« oh mon Verdi, je ne te mérite pas et l’amour que tu as pour moi est un don, un baume pour un cœur qui est souvent très triste en dépit des apparences du bonheur. continue à m’aimer, aime-moi même après ma mort, lorsque je me présenterai devant la justice divine, riche de ton amour et de tes prières, oh mon rédempteur ! »GIUSEPPINA STREPPONI

ressemblaient, désorienté, il a boudé l’ouvrage. Comme pour Carmen, 22 ans plus tard, l’action trop proche de la réalité lui apparut sulfureuse et contraire à la morale. En délaissant les passions exacerbées traditionnelles des opé-ras, Verdi a choisi de nous offrir des émotions plus person-nelles, plus fines et plus intériorisées, portées et sublimées par une musique exceptionnelle, et qui deviennent, de ce fait, infiniment plus touchantes.En janvier 1852, Giuseppe Verdi écrit à Antonio Barezzi, beau-père du compositeur et père de sa première femme, Margherita décédée en 1840 : « Je n’ai rien a cacher. Une femme habite chez moi. Elle est libre, indépendante, elle aime, comme moi, une vie solitaire qui la mette à l’abri de toute obligation. Ni moi, ni elle ne devons de compte à qui que ce soit… Qui sait si nous agissons bien ou mal, qui a le droit de nous jeter l’anathème. » Même si Verdi n’a pas voulu écrire un ouvrage autobiographique, on ne peut pas passer sous silence ce parallèle entre la situation du compositeur et de sa compagne Giuseppina Strepponi, et les personnages de son opéra. Giuseppina Strepponi n’était pas une prostituée, elle était une artiste, une chanteuse, dès lors, son passé semblait dou-teux à une société qui l’a rejetée. Sa « Peppina » lui apporta le bonheur qui lui avait si souvent manqué. Et lorsqu’il se maria, en 1859, à Collonges-sous-Salève, en Haute-Savoie, il mit un terme aux commérages sur son union libre que les bourgeois de Busseto trouvaient scandaleuse. Comme Violetta et Alfredo, ils partirent se retirer à la campagne, préférant l’intimité aux tumultes de la vie mondaine.Au cours de leur séjour parisien de décembre 1851 à mai 1852, Verdi et Giuseppina Strepponi assistent à une repré-sentation de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils, adaptation de son roman, créée le 2  février 1852 au théâtre du Vaudeville. À son ami napolitain Cesare de Sanctis, Verdi écrit : « Je monte La Dame aux camélias qui s’appellera peut-être La Traviata. C’est un sujet de notre temps. Quelqu’un d’autre n’en aurait peut-être pas voulu à cause des costumes, de l’époque et de mille autres objec-tions bizarres, mais moi, je le fais avec un immense plai-sir… ». L’administration de La Fenice transposera l’action 150 ans en arrière afin d’échapper à la censure.Marie Duplessis, une courtisane, avait inspiré à Alexandre Dumas fils son roman La Dame aux camélias. Considéré comme un auteur à scandale à cause des sujets de so-ciété qu’il traite, il écrit dans la préface de La Dame aux camélias, à 24 ans : « Mon avis est qu’on ne peut créer des personnages que lorsque l’on a beaucoup étudié les hommes, comme on ne peut parler une langue qu’à condition de l’avoir sérieusement apprise. N’ayant pas encore l’âge où l’on invente, je me contente de raconter. J’engage donc le lecteur à être convaincu de la réalité de cette histoire dont tous les personnages, à l’exception de l’héroïne, vivent encore. » Alexandre Dumas fils parle de sa Traviata, Marguerite Gautier : « La personne qui m’a servi de modèle pour l’héroïne de La Dame aux camélias se nommait Alphonsine Plessis, dont elle avait composé le nom plus euphonique et plus relevé de Marie Duplessis. Elle était grande, très mince, noire de cheveux, rose et blanche de visage. Elle avait la tête petite, de longs yeux d’émail comme une Japonaise, mais vifs et fins, les lèvres du rouge des cerises, les plus belles dents du monde ; on eût dit une figurine de Saxe. En 1844, lorsque je la vis pour la première fois, elle s’épanouissait dans toute son opulence et sa beauté. Elle mourut en 1847, d’une maladie de poitrine, à l’âge de vingt-trois ans.  » Il

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M. Luc Argand, présidentM. David Lachat, vice-président M. Gabriel Safdié, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaire

autRes membRes Du comité

S. A. S. la Princesse Andrienne d’ArenbergMme Muriel Chaponnière RochatMme Françoise de MestralM. Gerson WaechterM. Pierre-Alain Wavre

membRes bieNFaiteuRs

M. et Mme Luc ArgandMme René AugereauM. et Mme Guy DemoleFondation de bienfaisance de la banque PictetFondation Hans WilsdorfM. et Mme Pierre KellerMM. Lombard Odier Darier Hentsch et CieM. et Mme Trifon NatsisM. et Mme yves OltramareMrs Laurel Polleys-CamusUnion Bancaire Privée – UBP SAM. Pierre-Alain WavreM. et Mme Gérard Wertheimer

membRes iNDiviDueLs

S.A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’ArcisS.A.S. La Princesse Etienne d’ArenbergMme Dominique ArpelsMme Véronique BarbeyMme Christine Batruch-HawrylyshynM. et Mme Gérard BauerM. et Mme Pierre Benhamou Mme Maria Pilar de la BéraudièreM. et Mme Philippe BertheratMme Antoine BestMme Saskia van BeuningenMme Françoise BodmerProf. et Mme Julien BogousslavskyM. Jean BonnaComtesse Brandolini d’AddaMme Robert BrinerM. Friedrich B. BusseMme Caroline CaffinMme Maria Livanos CattauiMme Muriel Chaponnière-RochatMme Anne ChevalleyM. et Mme Neville CookM. Jean-Pierre CubizolleM. et Mme Claude DemoleMme Virginia Drabbe-SeemannM. et Mme Olivier DunantMme Denise Elfen-LaniadoMme Maria EmbiricosMme Diane Etter-SoutterMme Catherine Fauchier-MagnanMme Clarina FirmenichMme Pierre FollietMme Pierre-Claude FournetM. et Mme Eric FreymondMme Elka Gouzer-WaechterM. et Mme Alexey GribkovMme Claudia GroothaertM. et Mme Philippe Gudin de La SablonnièreMme Bernard HacciusM. et Mme Alex HoffmannM. et Mme Philippe JabreM. et Mme Éric JacquetM. et Mme Jean KohlerM. David LachatM. Marko LacinMe Jean-Flavien Lalive d’Epinay †M. et Mme Pierre LardyMme Michèle LarakiMme Guy Lefort

Mme Eric LescureMme Eva LundinM. Ian LundinM. Bernard MachMme France Majoie Le LousM. et Mme Colin MaltbyM. Thierry de MarignacMme Mark Mathysen-GerstM. Bertrand MausMme Anne MausM. Olivier MausM. et Mme Charles de MestralM. et Mme Francis MinkoffM. et Mme Bernard MomméjaM. et Mme Christopher Mouravieff-ApostolMme Pierre-yves Mourgue d’AlgueMme Laurence NavilleM. et Mme Philippe NordmannM. et Mme Alan ParkerM. et Mme Shelby du PasquierMme Sibylle PastréM. Jacques PerrotM. et Mme Gilles PetitpierreM. et Mme Charles PictetM. et Mme Guillaume PictetM. et Mme Ivan PictetM. et Mme Jean-François PissettazMme Françoise PropperMme Ruth RappaportMme Karin RezaM. et Mme Andreas RötheliM. Jean-Louis du Roy de BlicquyM. et Mme Gabriel SafdiéComte et Comtesse de Saint-PierreM. Vincenzo Salina AmoriniM. et Mme René V. SanchezM. et Mme Paul SaurelM. Julien SchoenlaubBaron et Baronne SeillièreM. Thierry ServantMme Hans-Rudi SpillmannMarquis et Marquise Enrico SpinolaMme Christiane SteckM. André-Pierre TardyM. et Mme Riccardo TattoniM. et Mme Kamen TrollerM. Richard de TscharnerM. et Mme Gérard TurpinMme Emily TurrettiniM. et Mme Jean-Luc VermeulenM. Pierre VernesM. et Mme Olivier VodozM. Gerson WaechterMme Véronique WalterM. et Mme Lionel de WeckMme Paul-Annik Weiller

membRes iNstitutioNNeLs

1875 Finance SAActivgest SAChristie’s (International) SACredit Suisse SAFondation BNP Paribas SuisseFondation BruFondation de la Haute HorlogerieGivaudan SAGonet & Cie, Banquiers PrivésH de P (Holding de Picciotto) SAJT International SA Lenz & StaehelinMandarin Oriental, GenèveMKB Conseil & CoachingLa Réserve, GenèveSGS SAVacheron ConstantinOrgane de révision : Plafida

rejoignez-nous !Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique et chorégraphique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes.Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier des avantages suivants :• Priorité de placement• Service de billetterie

personnalisé• Echange de billets• Dîner de gala à l’issue de

l’Assemblée Générale• Cocktails d’entractes réservés

aux membres• Voyages lyriques• Conférences thématiques

« Les Métiers de l’Opéra »• Visites des coulisses et des

ateliers du Grand Théâtre. Rencontre avec les artistes

• Possibilité d’assister aux répétitions générales

• Abonnement au journal ACT-O• Envoi des programmes• Vestiaire privé

Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement :Madame Gwénola Trutat (le matin, entre 8 h et 12 h)T + 41 022 321 85 77 F +41 022 321 85 [email protected] Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11

Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.

Le carnet du Cercle

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l uc Argand est bien implanté dans la vie gene-voise dont sa famille est originaire. Il est né à Genève où il a effectué son parcours scolaire et universitaire. Avocat, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, il participe intensément à

la vie associative de la cité en dehors de son travail d’avo-cat. Il a été entre autres six ans président de la Fondation du Salon de l’Automobile. Membre du Cercle du Grand Théâtre depuis 2011, il en est depuis le 20 novembre le nouveau Président, succédant à Françoise de Mestral.

Albert Garnier Vous êtes le nouveau président du Cercle, comment devient-on président de cette institu-tion prestigieuse et exigeante ?

Luc Argand Le plus simplement du monde. J’étais membre du Cercle depuis un an, la présidente actuelle Françoise de Mestral ayant été appelée à siéger au Conseil de Fondation, elle ne pouvait conserver la présidence du Cercle, on m’a proposé de rejoindre le comité, ce que j’ai accepté et en juin dernier le comité du Cercle m’a désigné comme son futur président. Ce rôle me plait beaucoup; baigner dans un milieu où l’on parle musique, chants et opéras crée pour moi un contraste bienvenu avec le mi-lieu professionnel dans lequel je vis une vie intense mais à cent lieues du monde lyrique. Avocat, je me sens apte, sans trop de difficulté, à conduire les travaux du Comité.

AG Justement, quel est votre rapport à la musique, à l’opéra ?

LA J’ai été dans mon enfance baigné dans un environne-ment où la musique était très présente. J’ai fait plus tard fortuitement plusieurs rencontres qui ont développé ce goût, en particulier, j’ai eu la chance pendant mes études de rencontrer Herbert von Karajan sur le bateau duquel j’ai régaté assez souvent; j’ai eu le privilège d’être son invité à des concerts et des opéras extraordinaires. Cela ne fait pas de moi un spécialiste du monde lyrique mais je pense savoir reconnaitre les productions de qualité et je suis fier de pouvoir modestement ajouter ma pierre à l’édifice de toutes les bonnes volontés et à la somme de tous les efforts consentis pour faire du Grand Théâtre ce qu’il est  : l’une des plus grandes scènes internationales. Lors de la saison 11-12 j’ai entre autres particulièrement ap-précié Macbeth, un succès artistique et populaire, symbole selon moi de ce que le Grand Théâtre doit proposer. Je suis heureux d’œuvrer dans le cadre du Cercle pour que notre directeur général, Tobias Richter, qui est un ami de 40 ans, puisse, avec le complément de notre appui financier,

continuer à proposer une programmation qui inclut un mélange de spectacles populaires et des spectacles plus exigeants.

AG Comme nouveau président, vous êtes-vous fixé des objectifs ?

LA Le premier de mes objectifs est de poursuivre l’ex-cellent travail effectué par Françoise de Mestral qui a contribué très efficacement à solidifier et agrandir la base du support financier que le Cercle apporte au Grand Théâtre. Je vais, à mon tour, avec énergie, tenter de sus-citer des réflexes de générosité auprès des entreprises et des particuliers. J’ai à cœur de poursuivre cette voie là dans un environ-nement plus difficile. Comme la vocation du Cercle est de soutenir financièrement le Grand Théâtre afin que son directeur puisse offrir une belle programmation, il faut que les membres du Cercle se sentent mobilisés pour accentuer leur sentiment d’appartenir à un club bienfaiteur. Je me ferai évidemment en permanence, dans la cité et ailleurs, l’avocat du Grand Théâtre et de son projet artistique.

AG Avez-vous d’ores et déjà des projets plus précis qui vous tiennent à cœur ?

LA Il est très important de penser au renouvellement des membres du Cercle et cela ne se fera que si nous arrivons à susciter un vrai intérêt du jeune public pour l’opéra. Je proposerai à cet effet que nous intensifions les relations avec les jeunes et notamment avec le club Labo-M. J’ai besoin d’un peu de temps pour identifier la meilleure fa-çon de mobiliser le jeune public mais les projets ne man-queront certainement pas.

AG Avez-vous cette saison des œuvres que vous atten-dez particulièrement ?

LA Tout en étant ouvert à l’ensemble de la programma-tion, qui doit, selon moi, inclure des manifestations tantôt populaires tantôt élitistes, je suis, à titre personnel, attiré par les opéras classiques ou romantiques mais je suis très enthousiasmé par des projets tels celui qui est soutenu par le Cercle à l’occasion de sa magnifique soirée du 30 janvier qui présentera le récital Elīna Garanča, accompa-gnée elle-même par un orchestre qui interprètera les plus grands airs de l’opéra. Ce sera un moment très privilégié.

luc argand, le nouVeau président du cercle

Souteniret agrandir

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Un entretien avec Albert Garnier

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d epuis le début, elle a dansé dans un en-vironnement d’effervescence créative. D’abord le Scapino Ballet aux Pays-Bas, puis, au début des années 90, la compa-gnie genevoise, alors dirigée par Gradimir

Pankov, où des noms entrés depuis dans la légende de la danse contemporaine venaient proposer leurs visions aux jeunes danseurs : Ohad Naharin, Jiri Kylian, Mats Ek. La salle Pitoëff servait alors de laboratoire de danse, tant pour l’exécution du répertoire que pour des ateliers chorégra-phiques par les danseurs animés du désir de créer la danse autant que de l’interpréter : Didy, Guilherme Botelho, Stijn Celis, tous depuis menant leur carrière de chorégraphe. Le départ avec Botelho vers Alias en 1993 ne fut pas simple : alors que son compagnon pensait être arrivé à la fin de son activité de danseur, Didy Veldman, âgée de 25 ans à peine, souhaitait encore danser. Christopher Bruce lui proposa alors de rejoindre les Ballets Rambert de Londres. Ce qui devait n’être qu’une période d’essai de neuf mois se trans-forma en une aventure de six ans où la jeune danseuse fut également invitée parfois à chorégraphier pour sa compa-gnie. « Mais chez Rambert, on danse beaucoup, sept repré-sentations par semaine, chaque semaine dans un endroit différent, avec le répertoire du ballet en tournée. Dimanche et lundi, libre de rentrer chez soi, mais dès le mardi, à nou-veau dans la danse. Beaucoup de danse. » Didy Veldman ne regrette pas l’effort : la prestigieuse compagnie anglaise de 22 danseurs, issue de l’extraordinaire expérience de Marie Rambert, maîtresse de ballet pour Diaghilev et assistante de Nijinsky sur le premier Sacre du printemps, fut une pas-serelle sur le monde et une école où se faisait l’alchimie de la technique classique et de l’expression contemporaine. « À partir de là, vu la désintégration progressive de notre relation à distance, il semblait évident que mon voyage s’était arrêté à Londres. » La danseuse recevant de plus en plus d’invitations à chorégraphier à l’extérieur, une décision s’imposait : après un bref sabbatique de trois mois de créa-tion et un retour difficile dans le giron de la compagnie Rambert, elle arrête de danser en 2000. Depuis son travail de chorégraphe indépendante est sollicité par le Ballet Gulbenkian, le Cullberg Ballet, le Northern Ballet Theatre de Leeds (Royaume-Uni), le Ballet royal de Nouvelle-Zélande, le Komische Oper de Berlin, le Scottish Dance Theatre, le Cedar Lake Contemporary Ballet. Sa dernière création, Le Petit Prince, pour les Grands Ballets Canadiens, en mai 2012, a enchanté le public montréalais. Plutôt que de reprendre narrativement le récit de Saint-Exupéry, elle s’imagine comment le petit bonhomme à la longue écharpe réa-girait si son point de chute était une grande ville post-moderne et non le désert du Sahara. Cette approche inspirée d’un personnage et d’une œuvre iconiques est révéla-trice de la sensibilité particulière de Didy Veldman : « Je suis

intéressée par les êtres humains et la mise en scène de leurs émotions, de manière à provoquer la pensée. Pour cela, une certaine théâtralité m’intéresse, plutôt que le mouvement comme abstraction en soi. Je conçois la narration comme la juxtaposition de différents aspects que l’on remet au spec-tateur qui est libre de les relier ensemble à sa guise, de les ramener chez soi et de les faire résonner dans un question-nement ou un ressenti. »Quand on lui demande ce qu’elle a appris, dans sa pratique de la danse, à ne pas faire en tant que chorégraphe, Didy Veldman répond avec prudence  : « C’est une démarche très personnelle, le processus d’apprentissage. Pourquoi est-ce que ça, ce n’est pas pour moi ? Pourquoi est-ce que le mouvement abstrait ne m’intéresse pas ? Danser du Merce Cunningham, par exemple, cela ne m’inspire pas du tout, bien que j’aie le plus grand respect pour les personnes qui y trouvent de l’inspiration. » Son inspiration à elle, ce sont les moments de contact avec les grands créateurs de sa jeunesse de danseuse, mais aussi les esthétiques visuelles de Bergman et Cassavetes, ou le langage déjanté ou déca-pant d’Almodóvar et Woody Allen. Elle refuse cependant l’étiquette de chorégraphe cérébrale ou intello : « Je préfère l’émotion crue que vous sert Bergman. »Comment Didy Veldman distillera-t-elle tout cela dans Les Noces ? « Pour un chorégraphe, Stravinski est un défi immense que l’on n’est pas toujours en mesure de rele-ver dans l’évolution d’une carrière artistique. La demande que j’ai reçue de Philippe Cohen me laissait le libre choix d’une œuvre de Stravinski pour compléter le programme du Sacre. » Pour elle, le choix des Noces était évident : outre le défi d’ajouter son nom à un monument de la danse mo-derne, l’œuvre en soi est pétrie des émotions qui tissent les relations conjugales entre les êtres humains et de la beauté inhérente au sujet du rituel matrimonial. Bien qu’ayant considérablement évolué depuis que Bronislawa Nijinska en fit la première chorégraphie en 1923, le mariage est plus que jamais au cœur de nos préoccupations sociales et poli-

tiques. Didy Veldman veut interroger Les Noces de notre temps, en déceler la structure, leur dyna-

mique émotive interne, au-delà de leurs appa-rentes frivolités de mode et de genre.

De Nijinska, premier nom féminin de la chorégraphie moderne, à Didy Veldman, il échoit donc à nouveau à une femme de construire avec ses émotions propres et la structure musicale exigeante de Stravinsky, une nouvelle architecture de danse avec la compagnie genevoise. « Parfois, l’exigence de cette musique m’intimide, mais le défi est plus fort et intéressant que tout, de faire la recherche sur la manière – très sobre et austère, ul-

tra-moderne – dont Nijinska a chorégraphié ses Noces et à partir de tout

cela, faire mon chemin vers ma propre cho-régraphie. » ChP

Entre la structure et l’émotionLes Noces de Stravinski par Didy Veldman

une entrevue par Christopher Park

> le sacre du printemps d’Igor Stravinski CHORÉGRAPHIE : Andonis Foniadakis LUMIèRES : Mikki Kuntu les noces d’Igor Stravinski CHORÉGRAPHIE : Didy Veldman SCÉNOGRAPHIE : Miriam Buether LUMIèRES : Ben Ormerod BALLET DU GRAND THÉâTRE DE GENèVE Au BFM

16 | 17 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 février 2013

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Il y a vingt ans, elle émergeait du studio Balanchine, quittant le Ballet du Grand Théâtre pour lancer une carrière de danseuse et de chorégraphe avec son compagnon d’alors, Guilherme Botelho, fondant ensemble la compagnie Alias. Depuis ce temps, la Néerlandaise Didy Veldman a beaucoup dansé, beaucoup voyagé, beaucoup créé, fondé une famille, fait de magnifiques rencontres artistiques et la voici, vingt ans après à nouveau dans le studio Balanchine, la quarantaine resplendissante et sereine, à l’orée de sa dernière création : Les Noces, pour le doublé Stravinski du Ballet du Grand Théâtre au BFM en janvier 2013.

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ProgrammeGlinka Rousland et Ludmila OuvertureTchaïkovski La Pucelle d’Orléans Air de JeanneMassenet Thaïs Méditation Saint-Saëns Samson et Dalila Mon cœur s’ouvre à ta voix BacchanaleGounod La Reine de Saba Plus grand, dans son obscuritéEntracteTrois pasodobles espagnols :Pascual Marquina Narro España CañíSantiago Lope GeronaManuel Penella El Gato MontesBizet Carmen L’amour est un enfant de Bohême (Acte I) Prélude (Acte I) Habanera (Acte I) Entr’acte (Acte III) Séguedille (Acte I) Entr’acte (Acte IV) En vain, pour éviter (Acte III) Entr’acte (Acte II) Chanson bohème (Acte II)

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L’ampleur de sa voix, sa tessiture exception-nelle, ses talents de comédienne et son extraordinaire charisme ont fait d’elle une des grandes stars du firmament lyrique. Très rapidement, la mezzo-soprano lettone

s’est hissée parmi les plus grandes cantatrices mondiales. Avec le Cercle du Grand Théâtre de Genève, nous nous ré-jouissons d’avoir le privilège de pouvoir compter sur son talent unique pour vous offrir la possibilité d’assister à un concert qui, sans aucun doute, restera dans les annales et marquera la saison du cinquantenaire de la réouverture du Grand Théâtre, le 10 décembre 1962.Enfant, elle voulait devenir comédienne, elle l’est deve-nue mais avec une corde supplémentaire à son arc ; elle est à présent l’une des mezzo-sopranos les plus deman-dées, si ce n’est la plus demandée. Très jeune, elle signe un engagement avec le Wiener Staatsoper et prend son essor au Festival de Salzbourg, en interprétant Annio de La Clemenza di Tito, sous la direction de Nikolaus Har-noncourt, elle a alors 27 ans. Dès 2004, des rôles plus im-portants s’enchaînent, les uns après les autres, les publics succombent à son charme et à son talent. En 2008, son interprétation de Rosina met le Met à ses genoux. Bernard Holland, célèbre critique et journaliste du New York Times, écrit : « Madame Garanča est une authentique virtuose. […] elle était la seule sur scène a être totalement à l’aise avec le chant. Les passages lyriques avaient de l’ampleur, les passages rapides étaient entièrement maîtrisés. » Chaque jour qui passe amène son lot de louanges pour l’artiste qui n’est pas simplement une mezzo de plus. Son timbre soyeux, ses graves capiteux, ses couleurs et son interprétation font d’elle une Carmen authentique qui flirte avec l’idéal, et qui, après avoir subjugué Riga, a conquis Londres, New york et Vienne. Sa beauté vocale ne cède en rien à sa beauté physique et chaque rôle qu’elle aborde est transcendé, voire sublimé. Marguerite de rêve dans La Damnation de Faust, Charlotte tourmentée dans Werther, elle sait également être une Grande-duchesse de Gérolstein insolente et drôle. Il suffit de rencontrer son talent pour devenir accro de sa voix de velours. Vous croyiez

avoir échappé aux griffes de l’addiction ? Que nenni ! Avec Elīna Garanča, l’addiction existe bel et bien. Vous ne résis-terez pas longtemps à l’élégante finesse et à la souplesse de sa voix. Lorsqu’elle interprète l’air de Dalila : « Mon cœur s’ouvre à ta voix… », tous les Samson succombent sous le charme de la pécheresse philistine. Un tempérament de feu, une voix rare et enjôleuse, Elīna Garanča possède tous les talents pour nous mettre à ses genoux, et comme Sam-son nous murmurerons : « Elīna, Elīna, je t’aime… ». Quel plaisir de connaître une telle addiction lorsqu’elle nous entraîne dans un univers sensuel et réel. Pour elle chanter et jouer vont de pair. Avec elle bien des rôles ont trouvé leur interprète idéale. Lorsqu’elle file un aigu pianissimo, la chair de poule nous gagne. Comme la Cendrillon de Rossini, qui lui est familière, la cantatrice aura le dernier mot grâce à ses multiples talents. Le cre-do de cette diva naturelle est le bel canto, à l’image de sa Carmen, comme les tsiganes, elle ne connaît pas de fron-tières, elle avance avec intelligence et assurance dans sa carrière, sans bruler les étapes. Amnéris et Eboli devront probablement encore attendre quelque temps.En chaque spectateur, elle éveille des sentiments différents, mais toujours elle émeut et fascine. Lorsque vous reparti-rez du Grand Théâtre le 30 janvier 2013, vous serez encore davantage sous le charme d’une star qui laisse sans voix. DD

« elīna garanča a toutes les qualités : musicalité, technique, voix, assurance, intelligence, diversité dramatique – et un physique de star de cinéma. son nom est pratiquement synonyme d’infaillibilité. et, pour ses débuts au Met samedi soir, elle n’a pas failli. »NEW YORK SuN, 01. 2008

Rappelez-vous, il y a quatre ans environ, Elīna Garanča était Marguerite aux

côtés de Paul Groves dans La Damnation de Faust de Hector Berlioz sur la scène de Neuve. Le 30 janvier 2013, elle sera

de retour pour un concert, entourée de plus de 70 musiciens du Deutsche

Radio Philharmonie Saarbrücken. Sous la baguette du Britannique Karel

Mark Chichon, elle nous offrira un programme séduisant dont elle a le

secret. Son nom est le gage d’une soirée qu’il convient de ne manquer sous aucun prétexte. Alors soyez parmi

les privilégiés qui pourront vivre l’événement en live.

« Le pouvoir émotionnel du timbre de Garanča est ici à son sommet. C’est ce timbre, sensuel et soyeux, que l’on retiendra avant tout […] Direction attentive de Fabio Luisi, orchestre superbe. » Michel Parouty (Diapason, 2007)

les must

le dernier cdROMANTiquE Gounod - Lalo - Berlioz - Vaccai - Tchaikovski

Orchestre Philharmonique du Teatro Comunale de Bologne Dir : Yves Abel DG, 2012 B008CYV03M

Elīna Garanča

Dans le cadre du cinquantenaire de la réouverture du Grand Théâtre, le Cercle du Grand Théâtre et le Grand Théâtre de Genève présentent un concert exceptionnel.

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par Daniel Dollé

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l e 1er mai 1951 au milieu de l’après-midi, un incendie provoqué par un exercice pyro-technique effectué sur la scène du Grand Théâtre, lors d’une répétition de La Walkyrie de Richard Wagner, détruit une grande par-

tie du bâtiment inauguré en 1879. Les mélomanes gene-vois devront patienter onze ans avant de voir s’élever le flamboyant rideau de fer construit en prolongement des vagues dorées embrasant le plafond de la nouvelle salle.

une reconstruction difficileL’incendie n’épargna que les foyers, les escaliers de marbre y conduisant, et la façade principale. La totalité de la scène et des cintres disparurent et la salle était en bien piteux état. Les avis étaient alors partagés entre une reconstruction à l’identique ou l’édification d’un nouveau bâtiment dont le coût fut rejeté par la population. Les négociations aboutirent enfin en 1957 sur un compro-mis : les anciennes façades et les foyers seront conservés, tandis que la salle et la scène qui se dotera d’une machi-nerie d’avant-garde, feront l’objet d’une construction résolument moderne. Les travaux qui commencèrent en 1958, furent confiés aux architectes Charles Schopfer et au Milanais Marcello Zavelani-Rossi, la démolition et la construction métallique du bâtiment, à l’ingénieur-ci-vil Pierre Froidevaux. Dans les années 60, la décoration de la salle donna lieu à un concours international auquel participèrent seize artistes venus de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne et de Suisse. Le 12 juin 1960, un jury prestigieux composé d’architectes, politiciens genevois, directeurs de musées et d’écoles renommées comme celles d’architecture de Milan et des arts-décoratifs de Genève, décerna le premier prix à l’artiste polonais Jacek Stryjenski, pour son projet Alto englobant l’aménagement complet de la salle, soit la réalisation du plafond et du rideau de feu, le revêtement des sièges et le placage des murs de la salle pour laquelle son frère, Jean Stryjenski étudiera par ailleurs les problèmes d’acoustique. Malgré

cette première étape brillamment remportée, tout n’était pas gagné pour Jacek Stryjenski qui ne disposait que de 28 mois pour mener à bien cet immense projet...

Jacek Stryjenski, un artiste pluridisciplinaireNé à Cracovie en novembre 1922, Jacek Stryjenski étu-die la peinture auprès de sa mère Sophie Stryjenska, tout en fréquentant l’École des beaux-arts de sa ville natale. Mais en 1939 il abandonne les pinceaux pour défendre la Pologne envahie. Il n’aura de cesse de rejoindre la France pour s’engager, mais sera interné en Suisse en 1940. Durant quatre ans, il fréquente l’École des beaux-arts de Zurich, puis celle de Genève, travaille dans l’atelier du peintre et parent Alexandre Cingria, réalise des décorations murales dans plusieurs églises helvétiques. En 1944, ayant quitté clandes-tinement Genève, il repart sur le front afin de participer à la phase finale de la guerre. En 1947, après avoir servi le CICR, il s’établit définitivement à Genève afin de se consacrer ex-clusivement à la peinture et à la décoration.Ses nombreux talents lui valent de remporter le 1er prix du concours des maquettes de cos-tumes pour les Fêtes de Genève de 1948, de collaborer avec le Théâtre de la Cour Saint-Pierre, La Comédie de Genève et la Troupe théâtrale de Suisse Romande pour lesquels il signe costumes et décors. Durant plusieurs an-nées, il réalisera pour le Théâtre de Marionnettes de Marcelle Moynier, décors, costumes et têtes sculptées jusqu’à ce que certaines poupées, par trop effrayantes, contraignent la marionnettiste à se passer de ses services. Artiste pluridisciplinaire, Jacek Stryjenski s’intéresse également à la linogravure, à la mosaïque, au

par Kathereen Abhervé

Tel Phénix...

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marbre, au vitrail et au métal qu’il façonne avec brio et grâce auquel il accèdera à la célébrité. Jacek Stryjenski ou la passion du métalQuelques immeubles et églises de Genève conservent encore certaines de ses réalisations, mais il est un lieu ca-ché au fond d’un grand jardin près de Bellevue, qui révèle aux visiteurs privilégiés l’âme de ce formidable artiste. Il s’agit de son atelier installé dans une ancienne tuile-rie, que son épouse Danuta Stryjenska conserve pieu-sement depuis sa mort prématurée. Le temps semble s’être arrêté dans ce décor suranné livré à la poussière, au fond duquel brille l’étonnant castelet de métal et ses treize marionnettes au regard fou, réalisés pour Le Retable de Maître Pierre de Manuel de Falla. Contre les murs au crépi sale, des dessins, des aquarelles, des pein-tures, quatre grands panneaux de tôle martelée, déchirée, dorée et argentée préfigurant grandeur nature (2m sur 1m), les 252 pièces trouées de 1200 étoiles, qui forment les 520 m2 du plafond suspendu de la salle du Grand Théâtre. Recouverte par la patine du temps, la maquette de l’étincelant rideau de fer réalisé par l’artiste au 1 : 5, en février 1961, décrit une scène déserte s’ouvrant sur l’infini, en haut de laquelle s’élance l’homme orchestre partant à la conquête du plafond étoilé. Cette maquette et deux des panneaux seront exposés dans l’Atrium du Grand Théâtre, dès le 8 décembre 2012, à l’occasion de la célébration du 50ème anniversaire de sa réouverture. Jacek Stryjenski ne vit jamais la réalisation de son projet puisqu’en mars 1962, à peine un mois après avoir pré-senté sa maquette, il meurt subitement à l’âge de 38 ans. Sans l’obstination de Danuta Stryjenska, le projet qui aurait pu être abandonné, s’est poursuivi grâce à une fondation qu’elle créa pour assurer la réalisation pos-thume de l’œuvre de son mari. L’artiste Albert Gaeng fut chargé de garantir la fidélité de la construction avec la maquette initiale. Il fut tout de même contraint d’accep-ter quelques modifications techniques : les plaques du plafond furent réalisées en aluminium et non en tôle afin d’éviter leur oxydation et des gemmes de verre rempla-cèrent le verre de Murano jugé trop fragile pour éclairer les astres du plafond. La ténacité de Danuta Stryjenska eut raison de toutes les embuches et difficultés rencon-trées lors des dix-huit mois qu’il restait avant l’inaugura-tion, et le rideau de fer de Jacek Stryjenski put se lever comme prévu le 10 décembre 1962, sur le premier spec-tacle ouvrant un demi-siècle de productions. KA

l ’opéra donne naissance à sa propre architec-ture dès 1660. Ses maisons, verticales et hié-rarchiques, apparaissent tels les arbres gé-néalogiques de cités et de sociétés pouvant s’offrir le luxe de bâtir une salle d’opéra. De

ce passé, de beaux exemples subsistent : le San Carlo de Naples (1737), le Grand Théâtre de Bordeaux (1780), le Bolchoï à Moscou (1825), l’Opéra Garnier à Paris (1875)... Leur conception originale, en regard des exigences ac-tuelles (vision, technique, sécurité), en font de nos jours de somptueux anachronismes.Les transformations, les incendies, puis les conflits mon-diaux dévastant l’Europe au XXème siècle, ont considéra-blement réduit ce patrimoine architectural et social dont le modèle, pour la plupart, demeure l’œuvre de Charles Garnier (1825-1898) à Paris : un palais digne d’un genre musical : le grand opéra français. C’est oublier combien pendant plus de deux siècles, la fantaisie et le goût de l’innovation étaient remarquables dans ce domaine, de Vérone à Besançon, de Bayreuth à Berlin…L’extraordinaire décor de la salle du Grand Théâtre de Genève, conçu pour sa réouverture, symbolise, sans doute d’une façon inconsciente et paradoxale, la survi-vance et la disparition d’un genre qui, pour les théâtres spécifiquement, unit architecture et ornements. En effet, de toutes les salles modernes aménagées dès 1945, celle de Genève est la seule à accorder une place prépondé-rante à l’ensemble de sa décoration : sièges, parois, pla-fond et rideau de feu. Il est vrai que si les foyers et les escaliers demeuraient dans leur état primitif (1879), la volonté d’ouvrir un concours en 1960 pour le décor de la nouvelle salle, gagné haut la main par le projet Alto de Jacek Stryjenski (1922-1961), signifiait la volonté de voir resurgir, à l’aube des Trente glorieuses, un brillant passé où Genève était la plus grande ville de Suisse et la pre-mière à se doter d’un opéra digne de ce nom. Plus tard, d’autres salles, au Teatro Regio de Turin (1973) et au Carlo Felice de Gênes (1992), essaieront de prolonger ce mou-vement. Trop tard ! Les maisons d’opéras deviennent des lieux de haute technicité dans lesquelles la notion de geste architectural prime sur le décor. Un terme banni par les docteurs de l’art contemporain actuels mais qui avait encore sa place – et quelle place ! – en 1960.Le Grand Théâtre de Genève peut donc se prévaloir d’un décor exceptionnel : artistique et historique. L’intention de Jacek Stryjenski n’a jamais été égalée : réunir dans le même concept plafond et rideau de feu, convoquer au-dessus des spectateurs la céleste demeure des dieux et des muses en une constellation plongeant progressive-ment la salle dans la nuit sonore des opéras joués, faire enfin de cette salle un berceau pour tant de Genevois mais aussi un tombeau 1 stylistique comme seuls les compositeurs savent en offrir à leurs inspirateurs. SD

1 Dans la musique occidentale savante, un tombeau est un genre musical

cher à l’époque baroque. Il est composé en hommage à une personna-

lité ou à un musicien admiré, aussi bien de son vivant qu’après sa mort.

par Stéphane Dubois-dit-Bonclaude*

L’utopie pour décor

* Auteur de l’ouvrage

Rideaux égoïstes et Un ciel

de feu aux Éditions de

l’Encelade, 2001.

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(Page de gauche, en-haut)

L’incendie du Grand Théâtre

le 1er mai 1951. Les pompiers

arrosent la scène depuis l’un

des balcons de la salle.

Le rideau de fer imaginé par

Jacek stryjenski subit un lifting

bien mérité en 1997.

(Page de gauche, en-dessous)

Un des dessins de l'artiste.

(Page de gauche, en-bas)

Les marionnettes imaginées

pour Le Retable de Maître

Pierre de manuel de Falla sont

encore accrochées au mur.

(en bas)

L'atelier de l'artiste mort

prématurément en mars 1962

est resté tel quel ; et l’étonnant

castelet de métal réalisés pour

Le Retable de Maître Pierre

de manuel de Falla y trône

encore.

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a u printemps 1951, alors que se stabilise le front de la guerre de Corée au niveau du 38ème parallèle, frontière fixée en 1945 entre les Corées du Nord et du Sud, la Guerre froide semble prendre ses quartiers pour

longtemps. Les ménagères helvétiques sont encouragées par le Conseil fédéral à faire des provisions en vue d’une possible déflagration générale. Les Trente Glorieuses, autre aphorisme de l’après-guerre, n’en sont encore qu’à leur balbutiement. En début d’année, on s’étonne devant le misérable 1,8% de sans-emplois que connaît le canton de Genève, dont une proportion ne représente par ailleurs que des chômeurs saisonniers. La construction est en manque de main-d’œuvre et, dès le début du printemps, on annonce l’arrivée d’un millier de maçons transalpins, temporairement engagés jusqu’à Noël. Si la statistique du chômage frise son plancher historique, celle des véhicules à moteur débute son envolée. Dans les rues des cités, l’au-tomobile est en passe de s’imposer en exclusive maîtresse : en début d’année, on comptabilise déjà 1 automobile pour 12 habitants en ville de Genève. C’est beaucoup plus que Zurich (1 pour 22), Bâle (1 pour 23) ou Lausanne (1 pour 20). L’accent mis sur les études supérieures et l’éga-lité d’accès à celles-ci, thèmes importants dans l’après-guerre, ne sont encore qu’une gageure : en automne, 2 200 étudiants sont immatriculés à l’université de Genève, dont seulement 14 % de femmes. Aujourd’hui, elle comp-tabilise 15 000 étudiants et plus de 60 % de femmes.

La télévision et le théâtre1951 est, en Suisse, l’année de la télévision : en janvier, des essais de télédiffusion menés par l’EPFZ et les PTT ont abou-ti avec succès ; en fin d’année, un émetteur expérimental est installé en région zurichoise. Pendant ce temps, Genève craint de rater le virage de l’image. À la fin du printemps, Radio-Genève annonce sa décision de doter la ville d’un studio de télévision : pour ses promoteurs, Genève, centre international, attirera dans son studio les personnalités de l’actualité mondiale. Dès janvier, le chef d’orchestre fran-çais Jacques Hélian (1912-1986) tempère pourtant l’enthou-siasme, après un voyage aux États-Unis, où la télévision est déjà un objet courant : sa montée en puissance menace de ruiner les théâtres, pense-t-il. Mais à Genève, la télévision est étrangère à l’infortune qui va frapper le Grand Théâtre.

Par un beau jour de printempsIl fait un temps splendide, en ce 1er mai 1951, lorsqu’un aver-

tisseur automatique du Grand Théâtre alerte le poste per-manent des pompiers, installé à la rue Ferdinand-Hodler, qu’un incendie vient d’éclater dans le théâtre. Depuis la rue de la Croix-Rouge qui descend en direction de la place Neuve, les hommes embarqués dans le fourgon de premier secours prennent conscience de l’ampleur du sinistre. Une fumée noire s’élève au-dessus du bâtiment, alors que des flammes dansent par les fenêtres percées dans le bâtiment de la scène. Il est un peu passé midi. L’incendie qui va dé-truire une partie du bâtiment vient à peine d’éclater. En fin d’après-midi, les causes et l’étendue du sinistre sont connues. Lors de la répétition de la Walkyrie de Wagner, œuvre qui devait clore en beauté la saison ly-rique et dont la première était prévue pour le lendemain, la partie supérieure d’une bouteille d’oxygène destinée à activer la flamme entourant Brünnhilde lors du troi-sième acte saute. Le feu démolit d’abord toute la scène et son équipement, puis un des magasins de décors. Le rideau de feu en amiante, séparant la scène de la salle, tient près d’une heure avant de s’effondrer et la chaleur embrase alors la salle, en grande partie également dé-truite. Seuls demeurent non touchés, la façade donnant sur la place Neuve, le foyer et les majestueux escaliers intérieurs. Parmi les principales sources d’inquiétude, le grand lustre de cristal et de bronze, pesant 3 tonnes, et qui n’est plus retenu au plafond que par deux câbles, les deux autres ayant fondu, ainsi que la maçonnerie des murs de la scène, délitée en profondeur, mais n’ayant plus la tâche de retenir le toit qui s’est effondré.

quand le temporaire dure onze ansSur des ruines encore fumantes et alors que débutent les travaux de déblaiement, le maire de Genève, Albert Dussoix, accompagné du Conseil administratif dans son ensemble, garantit la reconstruction rapide d’une scène obéissant aux exigences d’un théâtre moderne, alors que la presse locale s’empresse de mentionner que « salle et scène connaîtront une rénovation qui s’imposait depuis longtemps » (JdG, 2.5.1951) et qu’enfin la salle pourra offrir davantage de places et donc assurer un meilleur équilibre financier aux spectacles. Mais il apparaît rapidement que la scène de la place Neuve ne pourra accueillir aucun spectacle durant les deux prochaines saisons. Une solution est trouvée au Grand Casino, objet de travaux importants dès septembre, afin de le rendre susceptible d’accueillir des spectacles lyriques : fin oc-tobre la saison 51-52 est inaugurée avec l’opéra Manon.

par Gérard Duc*

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* Gérard Duc, historien

indépendant issu du milieu

académique, anime avec

Olivier Perroux le cabinet

d'études historiques

Prohistoire, créé en 2006.

Prohistoire a participé à

l’élaboration d’expositions

(centenaire du tunnel du

Simplon ; transports dans la

zone Salève), et à la rédaction

d’ouvrages historiques, dont

une histoire des énergies

à Genève parue fin 2008.

Prohistoire collabore à

divers projets privés de mise

en valeur du patrimoine

historique industriel,

commercial et familial.

www.prohistoire.ch

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un théâtre pour une agglomération qui granditAprès onze ans d’interruption, le Grand Théâtre rénové est inauguré en grande pompe par le maire de Genève, Pierre Bouffard, le 10 décembre 1962. À lire les commen-taires de la presse du lendemain, on ne sait trop si les nombreux invités accordèrent davantage d’attention à l’opéra Don Carlo de Giuseppe Verdi où au plafond métal-lique de la salle. Toujours est-il que le Grand Théâtre de 1962 est davantage en adéquation avec l’agglomération genevoise que celui de 1951, hérité du siècle précédent. Depuis l’incendie du 1er mai, celle-ci a profondément changé de visage. La population du canton s’est accrue de près de 70 000 âmes. L’économie florissante attire 50 000 travailleurs étrangers chaque saison, alors qu’on compta-bilise, en début d’année, 40 personnes au chômage dans le canton. La conséquence de ce formidable développement économique est une crise de croissance aiguë : la ville est submergée par le flot d’automobiles (on comptabilise dé-sormais 1 automobile pour 4 habitants à Genève, contre 1 pour 7 à Bâle, 1 pour 6 à Zurich et à Lausanne) ; face à la vive pénurie de logements, on débute la réalisation des grands ensembles en périphérie urbaine. Les plans de la future cité du Lignon sont dévoilés début novembre, alors que des cités HLM sont prévues à Carouge, Onex, Vernier (Les Avanchets), Avully et qu’une partie de la cité Meyrin accueille déjà des habitants. Même l’univer-sité se plaint de ne pouvoir convenablement recevoir les quelques 4 000 étudiants (dont désormais plus de 25% de femmes) à la rentrée de l’automne. Le seul bâtiment des Bastions ne suffit plus à loger toutes les facultés : la méde-cine déménagera prochainement à Champel, alors que les sciences devront gagner une place en bordure de l’Arve, entre télévision et cité HLM de la Jonction. Afin de four-nir une chambre à tous les étudiants non-genevois, l’uni-versité envisage de se doter de bâtiments préfabriqués, du type de ceux utilisés pour abriter les ouvriers travaillant à la construction de l’autoroute Genève-Lausanne. Si l’ex-pression « les Trente Glorieuses » n’existe pas encore en 1962, gageons que tout Genevois a appris à vivre avec les craintes liées à la Guerre froide, dont la crise la plus grave, celle des missiles nucléaires de Cuba, a tenu le monde en haleine durant une partie de l’automne. GD

Les deux années initiales se transforment en onze an-nées. Le Conseil administratif prend pourtant les choses en mains. Le 15 décembre 1952, il présente un rapport au Conseil municipal sur la reconstruction partielle du Grand Théâtre. Le projet le plus onéreux, s’élevant à 14 millions de francs, est adopté par le Conseil municipal au début de l’été 1953 avant d’être balayé par un réfé-rendum populaire en octobre. En juin 1955, un nouveau projet, à peine moins cher puisque devisé à près de 12 millions de francs, est accepté par le Conseil municipal qui se range également à l’idée de créer une fondation de droit public pour l’exploitation du théâtre lyrique : ce sera la Fondation du Grand Théâtre.

Plafond et tour de scèneÀ la mi-janvier 1962, moins d’une année avant la réouver-ture du Grand Théâtre, l’exécutif de la Ville propose au Conseil municipal d’adopter un crédit pour la décoration de la salle confiée à l’Atelier Stryjenski, qui concerne avant tout le plafond et le rideau de scène. Le montant de près de 3,2 millions de francs sème d’emblée la discorde au sein de l’assemblée qui exige un rapport préalable de la commis-sion des travaux et de la commission des beaux-arts et de la culture. En février, le rapport des deux commissions, tout en reconnaissant que le montant des frais de décorations a « désagréablement surpris la plupart des conseillers », déclare qu’il est « maintenant vain et bien tardif de s’appe-santir » (Mémoriaux du Conseil municipal, 13 février 1962, p. 801), alors que dès décembre les premiers spectacles sont prévus sur la nouvelle scène. La fronde, organisée essen-tiellement par le groupe socialiste mené par Nicolas Julita et le Parti du Travail réuni autour d’Étienne Lentillon, iné-puisable pourfendeur de la culture d’élite que représente selon lui le Grand Théâtre, est à deux doigts de l’empor-ter. Après un très long débat, le crédit de décoration est adopté par 39 voix contre 22. Mais les discussions ont mis en avant le ras-le-bol de nombre de conseillers municipaux face au trou sans fonds que représente la reconstruction du théâtre. En 1955, le Conseil administratif avait promis un théâtre pour 12 millions de francs. Au total, il aura coûté 26 millions de francs, une partie de l’explosion du budget étant toutefois liée à l’inflation. On critique notamment le montant consacré aux décorations intérieures, alors que la tour de scène en béton – que l’on a coutume d’appeler caustiquement le « silo » au sein de l’hémicycle municipal – se voit de loin avec ses arêtes rugueuses  et ne s’har-monise guère avec le style ancien du reste du bâtiment.

(en haut, de gauche à droite)

L’incendie du Grand Théâtre

le 1er mai 1951.

La scène détruite par les

flammes et la salle. On distingue

le rideau de feu effondré.

Vue aérienne du Grand Théâtre

en reconstruction, 1957.

pendant la reconstruction du

Grand Théâtre, la tour de scène

s’élève (angle bd du Théâtre).

La salle du Grand Théâtre avec

son plafond métallique à la

réouverture en 1962.

(en bas)

meyrin-Cité au printemps 1964.

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g rand Théâtre, 28 novembre 1963. ll est 19 h 30. Le régisseur demande aux res-ponsables de la radio de venir immédia-tement sur la scène pour régler un pro-blème urgent. Robert Dunand, alors chef

des émissions lyriques, et moi-même dévalons du studio de prise de son de la radio situé au-dessus de l’amphi-théâtre. Les solistes avaient appris que la retransmission de l’opéra de cette soirée serait diffusée en stéréophonie, ce qui n’était pas stipulé dans leur contrat. lls voulaient peut être voir leur cachet doublé ?Nous avions imaginé et organisé le dispositif suivant : Radio-Genève – aujourd’hui RTS –, diffuserait cette soi-rée sur son second programme, en monophonie et en modulation de fréquence (FM). La RTF, la Radiodiffu-sion française – aujourd’hui Radio France – diffuserait cette soirée sur les deux réseaux de France III et France IV, donc en stéréophonie, à titre expérimental.Nous expliquons aux interprètes que cette expérience, en simultané, avait pour but de démontrer, par comparaison, les améliorations de qualité sonore d’une écoute radio en stéréophonie et qu’il n’y avait aucun but de commerciali-sation ultérieure. Les chanteurs satisfaits de ces explica-tions, nous rejoignons notre « poulailler » au 5ème niveau, rassurons nos collègues et effectuons avec Paris les der-niers réglages sur les émetteurs que nos collègues fran-çais avaient installés… sur le toit du Grand Théâtre. Cette première liaison stéréophonique Genève-Paris, par deux émetteurs, était l’occasion de comparer les performances d’une liaison hertzienne avec les circuits PTT musicaux tra-ditionnels qui montraient certaines faiblesses qualitatives. A 20h30 les annonces de présentation radio de la soirée terminées, l’orchestre s’accorde, le chef Ernest Ansermet entre, chaudement applaudi pour son anniversaire – 80 ans –, salue « ses » musiciens, l’Orchestre de la Suisse Romande qui, lui, fête ses 45 ans d’existence. L’ouver-ture de Fidelio de Beethoven, débute pour le plus grand plaisir du public de la salle et pour les auditeurs lointains des stations des radios de Suisse et de France.

Soirée artistique très réussie Réussite technique également : les spécialistes de la pro-fession et les auditeurs équipés de deux récepteurs radio apprécient « une impression de présence, de réalité, de profondeur de la scène sonore ; une intelligibilité de la parole et du chant nettement supérieure ; une dynamique apparente plus élevée, même et surtout une écoute meil-

leure, une absence de souffle et une excellente conserva-tion de la qualité technique par les liaisons hertziennes ».Cette expérience a par contre fortement déplu aux PTT, responsables des émetteurs et des équipements tech-niques des studios radio, ce qui a valu à notre directeur, René Dovaz – à la veille de sa retraite – une lettre de se-monce de Berne… lui rappelant l’interdiction d’installer des « émetteurs étrangers » sur le territoire helvétique, même relayant nos programmes.

Maison de la Radio, début janvier 1964A la nomination du nouveau directeur de Radio-Genève, Roger Aubert, un de nos premiers devoirs a été de l’infor-mer de la situation difficile dans laquelle nous nous trou-vions : la retransmission de l’opéra Samson et Dalila pré-vue pour le 24 janvier, avec le même dispositif que celui du 28 novembre ! Réinstaller une deuxième fois, par nos

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Il y a cinquante ans, la diffusion stéréophonique faisait, non sans quelques difficultés, son apparition à l’occasion d’un concert au Grand Théâtre. Ancien chef développement et technique à la Radio Suisse Romande, Pierre Walder témoigne de ces premières aventures technologiques.

Stéréo...Première !par Pierre Walder photographies de Raymond Asseo

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(ci-dessus et page de droite)

La diffusion stéréophonique a nécessité pour la transmission aux émetteurs français, l’aménagement de relais spéciaux sur le toit du Grand Théâtre. À gauche, pierre Walder de la radio romande, à droite Claude Laporte de la RTF.

(ci-dessus)

Robert DUNAND Chef des émissions lyriques à Radio-Genève.

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collègues français, les deux émetteurs sur le toit du Grand Théâtre afin d’assurer la liaison de Genève à Paris.Cette fois, cependant, il y avait une nouveauté majeure : la diffusion des deux canaux stéréophoniques se ferait par un émetteur FM unique, sur la nouvelle chaîne musicale France-Musique. En effet les représentants européens de l’UER – Union européenne de radiodiffusion et télévi-sion – dont les PTT suisses et le soussigné de cet article, représentant la radio, faisaient partie – avaient normalisé un nouveau système d’émission dit « à fréquence pilote », consistant à diffuser – par codage – sur un seul émetteur, les deux canaux stéréophoniques gauche et droit.La réussite artistique de Samson et Dalila, fut doublée à nouveau d’une réussite technique : cette première trans-mission stéréophonique à longue distance eut un franc succès. Nous possédons encore « un témoin » dans nos archives : la comparaison de la « bacchanale » au départ

de Genève et à la réception, via Paris, de France-Mu-sique, après un périple de 2 fois 500 km !Dès l’année 1964, de nombreux pays européens intro-duisirent la stéréophonie dans leurs programmes et les PTT suisses, finalement convaincus de la qualité de ces expériences acceptèrent d’équiper les studios « en deux canaux » (le terme stéréo restant banni…). Nous avons pu ainsi réaliser nos enregistrements en stéréophonie et répondre aux souhaits des organismes de radiodiffusion dans le cadre des échanges internationaux. Mais avec un veto catégorique quant à l’adaptation des circuits de liai-sons et des émetteurs estimés à des dizaines de millions pour une amélioration jugée insuffisante.ll faudra attendre le 17 décembre l978, pour voir enfin, à l’occasion de la journée mondiale des télécommunica-tions, l’introduction officielle des émissions stéréopho-niques en Suisse romande, diffusées par l’émetteur de la Dôle, date coïncidant avec l’inauguration de la nouvelle salle de concert Ernest Ansermet.Cette salle, ex-studio 1, avait été construite en 1937 pour l’Orchestre de la Suisse Romande, dans la nouvelle Mai-son de la Radio au boulevard Carl-Vogt. L’OSR, jusqu’alors, se produisait dans les salles du Victoria Hall et du Grand Théâtre, cette dernière adaptée en 1937 par le professeur Furrer « pour répondre aux critères d’une acoustique né-cessaires aux retransmissions radiophoniques ».Presque tous les opéras et opérettes ont alors été diffusés sur les ondes de « Sottens », même pendant les années de reconstruction du bâtiment incendié, mais du Kursaal, jusqu’à la réouverture, en 1962, avec Don Carlos.Depuis 1978, tous les spectacles de la Place de Neuve ont été captés et retransmis en stéréophonie avec suc-cès par la Radio Suisse Romande, offrant ainsi à un plus large public la joie et le plaisir de connaître, de vivre et d’apprécier les spectacles de l’opéra genevois. PW

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Stéréo...Première !

(Page de gauche, en bas)

Car de la RTF assurant les liaisons hertziennes avec paris.(en bas, à gauche)

La cabine de prise de son radio, installée avec les moyens de l’époque, au Grand Théâtre (…mais il y avait bien un 2ème

haut-parleur sur la gauche! )

Le dessinateur pIem illustrant à l’époque la difficulté pour la stéréophonie à s’imposer !

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Exposition Photographique unique en Europedu 13.11.12 au 13.11.13

L’Île de Sable est une barre de sable de 42 km de long, située à environ 200 km au sud-est de la Nouvelle-Écosse au Canada. C’est le site de plus de 475 épaves et près de 500 chevaux sauvages qui errent libres n’ayant aucun contact avec les humains.

Ils sont les seuls mammifères de l’île.

Roberto Dutesco est un artiste d’origine Roumaine et Canadienne, basé à New-York. Ses photographies l’ont amené à voyager dans plus de soixante pays différents. Depuis 1994, il se consacre essentiellement à la documentation de l’ile de Sable, ce qui a

largement contribué à sa conservation et à sa protection.

Renseignements au +33 (4) 50 04 48 48 ou www.jivahill.com/roberto_dutesco

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Depuis 1962, ils ont tous chanté au Grand Théâtre...À part quelques exceptions notables (Callas, Norman, Sutherland, Domingo, Alagna, Villazón...), les plus grands artistes lyriques de ces cinquante dernières années sont venus nous émerveiller sur la scène de Neuve. En-voici quelques-uns ; amusez-vous à les reconnaître. La solution est en toute fin du magazine.

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l a figure du Taureau est reliée au mythe grec du rapt d’Europe. La jeune princesse phé-nicienne s’amusait innocemment avec ses compagnes dans un pré au bord de la mer, quand elle vit, parmi les troupeaux de son

père, un magnifique taureau blanc qui se laissait si bien approcher qu’elle lui monta sur le dos. Le bovidé, qui n’était autre que Zeus dans son habituel déguisement

animal de séducteur, fila droit dans la mer et emmena la pauvre Europe en

Crète, où il engendra avec elle une civilisation, un continent et une devise unique assez malmenée. Les rôles de basse dramatique sont réservés à des person-nages qui comme le mythique taureau, sont des figures plutôt

placides à prime abord, mais qui peuvent avoir des réactions

d’une violence inattendue, pas toujours provoquée. Avec leurs voix profondes qui vous mugissent en plein plexus solaire, les basses dramatiques font de très convaincantes figures royales ou

patriarcales : Marke, Heinrich, Sarastro… Leur sens élevé des valeurs et leur inflexi-

bilité peuvent néanmoins les transformer en géants autoritaires et impérieux, comme

le Grand Inquisiteur ou le Commandeur. Autre point commun entre certains rôles de basse et le signe du Taureau, leur attachement aux personnes et aux biens qui peut en faire des monstres de jalousie et d’ambition ; on pense

à Fafner ou à Boris Godounov. Ne laissons pas ces Taureaux-là nous gâcher le profit de la compagnie des autres, sensibles, judicieux,

esthètes et en harmonie avec la nature, comme le sage mentor du chaste fol Parsifal, le chevalier du Graal, Gurnemanz.

Même si l’on se gausse avec raison des crédules qui ne sortent pas de chez eux sans consulter leur horoscope, les figures des douze maisons célestes, et les archétypes qu’on y associe, sont universellement connues. Et sans doute beaucoup mieux que les différents types de voix que l’on entend à l’opéra ! C’est pour cela que nous avons commencé, dans la précédente édition d’ACT-O à développer le thème astral d’une douzaine de Fächer, que l’on entend souvent briller sur la scène lyrique, sans vraiment savoir qui ils sont, en les identifiant aux signes d’un zodiaque très particulier.

Des textes de Christopher Park et des illustrations de LUZ

taureau la basse dramatique« La vie est sur terre. Je crée et je possède. »*

Au firmament astrolyrique...

Les signes de terre(épisode 2)

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d ans l’hémisphère boréal, ce signe émerge de l’obscurité du solstice d’hiver, sous la forme d’une chèvre à la queue de monstre marin. C’est l’image de l’être vivant qui naît dans les eaux nourricières de la mer pour s’élever vers une existence supérieure. Ou alors, puisque nous sommes en présence du

troisième signe de terre et que c’est en ce temps froid et sombre qu’ont lieu les semailles, le Capricorne est le grain qui tombe en terre et dont la végétation est le symbole d’une action dirigée vers un objectif clair et sans compromis. Qui, à l’opéra, incarne mieux l’idéalisme absolu, l’honnêteté et la droiture que les rôles confiés aux ténors lyriques ? Un Hoffmann introverti, un Lemsky au cœur pur, un Alfredo dont la sagesse et la folie sont sa vie intérieure, aux anti-podes du demi-monde brillant et superficiel où s’ébat Violetta… Est-ce parce que les rôles de ténor lyrique sont presque toujours ceux des héros jeunes et dévorés de la seule ambition de venir à bout de tout obstacle les empêchant d’atteindre leur objectif ? Le Capricorne archétypal du firmament astrolyrique, celui qui refuse catégoriquement le mensonge et la veulerie, victime d’une ruse cruelle se jouant de sa passion brûlante, celui dont tout l’être est tendu vers un unique objet, la cantatrice Floria Tosca, l’artiste qui sentait comment la terre embaumait pendant que luisaient les étoiles : Mario Cavaradossi.

capricornele ténor lyrique« Je suis le père de moi-même. Je gravis ma montagne.»*

Viergela soprano soubrette

« Je me dévoue sur Terre. Je suis utile au quotidien.»*

Au firmament astrolyrique...

l e deuxième des signes de terre, qui appa-raît dans le firmament au moment des vendanges et des récoltes, est la Vierge. La nature délicate et soignée du travail de la cueillette est sans doute ce qui a inspiré

la réputation de passionnés du détail qu’ont les natifs de ce signe. Parfois même, cette passion du détail peut déraper et cela expliquerait également la tendance des Vierges à être critiques de tout ou d’être excessivement pointilleux, à la limite de la pédanterie. Sens pratique, sens de l’observation, capacité d’analyse, suite dans les idées, toutes ces qualités Virginales s’incarnent à l’opéra dans une catégorie particulière des rôles de soprano : la soubrette. Ces voix agiles et légères de faiseuses d’in-trigue reflètent deux volets du tempérament des Vierges. Une jeune femme qui doute d’elle-même à cause de son manque d’expérience, comme Sophie de Rosenkavalier, présente le côté timide et inhibé mais également la dé-termination redoutable du signe. Sera tout autant Vierge une Norina ou une Adina qui a tout analysé, tout com-pris et à qui on ne la fait pas. Cette Vierge-là pèche plutôt par excès de confiance en elle et recevra assez souvent une petite leçon de modestie, avant la fin de l’opéra. Mais le rôle de soprano soubrette en qui les qualités et les défauts de la Vierge nous semblent idéalement réu-nis, celle chez qui persévérance et (osera-t-on le terme désormais si galvaudé de) résilience, associées à une redoutable capacité d’analyse des personnes et des situa-tions, promettent un lieto fine pour le quatuor d’amants soupçonneux de Così fan tutte, aveuglés par leurs émotions et leurs a priori, c’est bien sûr Despina.

* Les épigraphes des signes

du Firmament astrolyrique

sont de l’astrologue Aline

Apostolska (Une vision inédite

de votre signe astral, éditions

Dangles, 1999).

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s i la période de la rentrée scolaire est toujours un moment de grande activité pour le service pédagogique du Grand Théâtre, cette année a battu tous les records avec l’accueil, le 5 sep-tembre dernier, de 270 élèves pour la répéti-

tion générale du Barbier de Séville de Rossini. Les jeunes, préparés en un temps express par leurs enseignants, ont ovationné ce spectacle à grand renfort de sifflets. Une se-maine plus tard, une centaine de collégiens, certes un peu déconcertés, découvraient JJR de Ian Burton et Philippe Fénelon, présenté en création mondiale sur la scène du Bâtiment des Forces Motrices dans la mise en scène de Robert Carsen.

Des collégiens s’expriment...Quelques élèves d’une classe de maturité professionnelle du collège et de l’école de commerce Nicolas Bouvier, ont joué les apprentis critiques musicaux dans le cadre de leur cours optionnel « Arts vivants & Cie ». Ils livrent ici leurs impressions. « J’ai trouvé intéressant, écrit D., d’avoir un narrateur joué simultanément par trois personnages représentant cha-cun la même personne, mais à des épisodes différents de sa vie. On y retrouvait des thèmes tels que son enfance et sa relation avec sa mère, ou alors sa vision du théâtre et de l’art en général (musique). Personnellement, poursuit D., j’ai trouvé que l’idée était bonne, mais malheureusement le fait que les personnages chantent par moment en même temps des textes différents faisait qu’on ne comprend pas tout et ceci pouvait donner lieu à des incompréhensions. »Myriam S. n’a quant à elle, pas beaucoup aimé cet opéra : « L’histoire était intéressante mais le fait que les person-nages chantent en même temps rendait la pièce incom-préhensible. Je trouve dommage, ajoute-t-elle, qu’il n’y ait pas eu plus de décors. Ils n’ont pas bien utilisé l’espace de la scène. ». Elle a tout de même apprécié : « les costumes qui étaient bien faits et le fait que ce soit un orchestre et non une bande sonore comme dans les autres pièces. » Alexandre B.R. estime : « que l’opéra de Philippe Fénelon est d’un ennui total et cela dès le début de la pièce. »  Il reconnaît que : « l’idée pourtant intéressante n’a pas su convaincre. En effet elle consistait à interpréter la vie de Jean-Jacques Rousseau avec trois Rousseau, mais d’âges différents. L’opéra n’opère pas. » Il remercie les sous-titres français et anglais, mais regrette :  « que la production n’ait pas penser à nous donner des cache-oreilles... » Malgré tout Alexandre a su apprécier « le décor champêtre et la décora-tion qu’il a trouvés sublimes » et remercie Robert Carsen : « pour les très beaux costumes qui respectaient le temps au fil de la pièce. » Charlotte, quant à elle, avoue s’être en-dormie pendant un bon tiers de la pièce et de ce fait, n’a pas tout compris. Toutefois entre deux assoupissements, elle a bien aimé l’orchestre : « Malgré le décalage entre l’époque de la pièce et la musique, la dissonance des sons contemporains étaient très intéressante car on sentait un rapport entre ceux-ci et la pièce. Les phrases étaient toutes orchestrées à la perfection par le chef que je pouvais voir depuis le balcon s’essouffler dans de grands gestes. La fin

de la pièce conclut-elle, était plus sympathique car c’est là que l’on nous a enseigné les bases de la musique, alors l’orchestre et la pièce ont réellement eu un lien. »

De beaux projets pour la saison 12-13Outre les traditionnels parcours pédagogiques auxquels 60 classes participeront cette année, soient environ 1150 élèves des écoles publiques et privées du canton de Ge-nève, des représentations réservées au jeune public émail-leront la saison. En février, les ballets Le Sacre du printemps et Les Noces de Stravinski devraient attirer, durant une représentation scolaire programmée en matinée, un mil-lier de jeunes au Bâtiment des Forces Motrices. Puis en mai prochain, le Grand Théâtre attend près de 2 500 élèves des écoles primaires à l’occasion de deux représentations scolaires du conte lyrique Le Chat botté, que le composi-teur russe César Cui créa en 1913 pour les enfants, d’après l’œuvre de Charles Perrault. Le prix du billet a été fixé à 10 francs. Un cadeau !La générosité du Grand Théâtre de Genève ne s’arrête pas là puisque depuis le mois de septembre, tous les jeunes de moins de 18 ans ayant participé à un parcours pédagogique, sont invités à assister en compagnie de leurs parents ou de deux adultes de leur choix, à un ou plusieurs spectacles durant deux saisons, à un tarif hautement préférentiel. Mais on peut se demander si tous ces efforts suffiront à fidéliser les jeunes afin qu’ils deviennent le public de demain... KA

Le public de demain ?par Kathereen Abhervé

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(à droite)

maquettes des élèves de m. Béguin (Collège Rousseau, 3e) et mme

de Balthazar (CeC émilie-Gourd, 1e) de

l’atelier scénographie pour l’opéra JJR.

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M enée par Gabriel Lanfranchi, chef de plateau, Jean-Christophe Pégatoquet, chef du service électromécanique, et Christopher Park, chargé des publics jeunes, la visite commence au cœur

même du décor, par une introduction à l’espace scé-nique et à son vocabulaire : ponts, cintres, appuyer, charger, côté cour, côté jardin, porteuses, gril, proscénium, rideau de fer, patience… Le premier stade de l’initiation est franchi alors que les pas des visiteurs s’élancent sur le ballast de mousse recouvrant cette scène sur laquelle descendent trois rails en haut desquels trônent trois wagons. Les pas se perdent dans l’étendue du décor à mesure que l’illu-sion théâtrale cède la place à la réalité scénique. Une poi-gnée d’audacieux prend place à bord du wagon français, au centre de la scène et dont l’habitacle est dissocié du châssis en cours de représentation.S’ensuit une descente dans les dessous de scène, pro-fonds de quelque treize mètres et permettant l’équipe-ment et le déséquipement du plateau. La présentation de la mécanique des ponts, mus par d’impressionnants systèmes hydrauliques contrôlés informatiquement, offre au spectateur un aperçu des possibilités et contraintes techniques de toute mise en scène. Le deuxième niveau du rite initiatique est atteint dans la contemplation d’un dédale de locaux techniques, d’un enchevêtrement de conduites hydrauliques et de câbles.Pour remonter au niveau de la scène, les aspirants initiés empruntent le gargantuesque ascenseur permettant de monter les décors au niveau de la scène, et dans lequel Diego l’équidé prendra place avant son apparition sur scène. Il est alors temps de gravir les marches de l’étroit escalier en colimaçon qui serpente jusqu’au gril, situé trente mètres au dessus de la scène, et de compléter ain-si l’initiation. La perspective de la scène se transforme à mesure que le point de vue s’élève et que les initiés

découvrent les porteuses et leurs charges. Privilège accordé par les guides à ceux que le vide n’effraie pas, l’accès au toit du Grand Théâtre est permis et la ville se déploie alors sous leurs yeux.Le spectacle de l’ouverture du rideau de fer, suivi d’une descente dans la fosse d’orchestre, continuent de tenir en haleine les membres du club Labo-M, dont les émotions et réactions résonneront bientôt dans le hall d’entrée, où un apéritif les attend. Fort d’abonnés âgés de 18 à 30 ans, le club Labo-M propose divers avantages tarifaires (billets de dernière minute), un Stammtisch permettant de se retrouver et d’échanger opinions, passions et intérêts lors des entractes, ainsi que d’enrichissantes rencontres avec des artistes ou le person-nel du Grand Théâtre. LM

Le public de demain ?

Labo-M découvre l'envers du décorDe l’illusion théâtrale à la réalité techniquepar Louis Muskens*

Fantasme des spectateurs dont la perspicacité est habituellement dupée par l’illusion théâtrale, la découverte de l’envers du décor relève ordinairement de l’inaccessible. Le 6 novembre dernier, à l’occasion de la désormais traditionnelle « Grand Visite Labo-M », les mystères de la mise en scène de samson et Dalila ont toutefois été dévoilés aux yeux, qui aguerris, qui innocents, d’une vingtaine d’adhérents du Club Labo-M ainsi que de leurs délégués culturels.

* Louis Muskens, qui

a également réalisé les

photographies de cet article, est

adhérent Labo-M depuis 2010.

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ReCevez aCt-O CHez vOuSAbonnement pour un An 4 numéros SUISSE Fr. 20.- ÉTRANGER Fr. 30.-

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à retourner Au GrAnd théâtre de GenèveAbonnement ACT-o / 11 bd du Théâtre, CP 5126 - Ch 1211 genève 11

REMPLISSEZ CE BULLETIN EN LETTRES CAPITALES.

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OPéRA

MadaMa ButterFlyDrame lyrique en 3 actes de Giacomo Puccini

Au Grand Théâtre20 | 23 | 26 | 29 avril et 2 mai 2012 à 20 h5 mai 2013 à 15 hDirection musicale Alexander Joel Mise en scène Michael Grandage Décors & costumes Christopher OramChœur Ching-Lien Wu Avec Alexia Voulgaridou (Cio-Cio-San), Arnold Rutkowski (Benjamin Franklin Pinkerton), isabelle Henriquez (Suzuki), Jeremy Carpenter (Sharpless), Marc Scoffoni (Le Prince yamadori), Chœur du Grand ThéâtreOrchestre de la Suisse RomandeNouvelle production en coproduction avec le Houston Grand Opera

Conférence de présentationpar Sandro ComettaMercredi 17 avril 2013 à 18 h 15

OPéRA

das rHeingoldPrologue en 4 scènes à la tétralogie Der Ring des Nibelungen de Richard Wagner

Au Grand Théâtre9 | 12 | 15 | 18 | 21 mars 2013 à 19 h 3024 mars 2013 à 15 hDirection musicale ingo Metzmacher Mise en scène Dieter DornDécors & costumes Jürgen RoseExpression corporelle Heinz WanitschekLumières Tobias LöfflerVidéo Jana SchatzDramaturgie Hans Joachim RuckhäberleChœur Ching-Lien Wu Avec Thomas Johannes Mayer (Wotan), Corby Welch (Loge), Alberich : John Lundgren (Alberich), Andreas Conrad (Mime), Alfred Reiter (Fasolt), Steven Humes (Fafner), Elisabeth Kulman (Fricka) Chœur du Grand ThéâtreOrchestre de la Suisse RomandeNouvelle production *Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Richard Wagner

Conférence de présentationpar Christian MerlinMercredi 6 mars 2013 à 18 h 15

GENèSE D'uN RiNGCycle de deux conférencespar Pierre Michot et Daniel DolléMercredi 13 mars 2013 à 12 h 15Mercredi 20 mars 2013 à 12 h 15dans la grande salle du Grand Théâtre

*Cette production sera reprise les 13 et 20 mai 2014 lors de la représentation complète de la Tétralogie.

RéCiTAL

ludoVic tézierBARYTONAu Grand Théâtre 8 mars 2013 à 19 h 30

(de gauche à droite et de bas en haut)

Victoria de Los Angeles (2 fois, 6 4 -6 5 )

Jonas Kaufmann (2 fois, 0 2 -0 3 )

Kiri te Kanawa (2 fois, 7 8 -7 9 )

Elisabeth Schwarzkopf (4 fois de 6 3 à 7 7 )

Boris Christoff (3 fois de 6 1 à 6 3 )

Peter Hofmann (2 fois, 7 5 -7 6 )

Luciano Pavarotti (6 fois de 6 4 à 8 4 )

Gundula Janowitz (3 fois de 7 7 à 7 9 )

Irina Arkhipova (4 fois de 7 8 à 9 1 )

Arleen Auger (4 fois de 8 6 à 9 0 )

Jerry Hadley (2 fois, 8 7 -8 8 )

Jennifer Larmore (1 0 fois de 9 1 à 1 2 )

Joyce DiDonato (7 fois de 0 4 à 1 0 )

Bryn Terfel (2 fois, 9 6 -9 7 )

Sophie Koch (5 fois 9 8 à 1 2 )

Tatiana Troyanos (1 0 fois de 7 0 à 8 8 )

Diana Damrau (4 fois de 0 9 à 1 2 )

José Van Dam (3 0 fois de 6 5 à 1 1 )

Hans Hotter (3 fois de 6 2 à 6 4 )

Grace Bumbry (2 fois, 8 1 -8 2 )

Rita Gorr (2 fois, 6 3 -6 4 )

Christa Ludwig (2 fois, 8 0 -8 1 )

Lucia Popp (6 fois de 8 3 à 9 3 )

Elisabeth Söderström (1 2 fois de 6 8 à 8 4 )

Karita Mattila (4 fois de 8 6 à 9 1 )

Birgit Nilsson (2 fois, 7 6 -7 7 )

Jean-Paul Fouchécourt (1 0 fois de 9 5 à 1 0 )

Janet Baker (2 fois, 7 9 -8 0 )

Teresa Berganza (1 2 fois de 6 3 à 9 8 )

Régine Crespin (2 fois, 6 2 -6 3 )

Marilyn Horne (5 fois de 7 8 à 9 1 )

Ruggero Raimondi (7 fois de 7 6 à 8 3 )

Anna Caterina Antonacci (6 fois de 0 5 à 1 1 )

Anthony Rolfe Johnson (8 fois de 8 0 à 9 3 )

Jon Vickers (4 fois de 6 3 à 8 2 )

Anne Sofie Von Otter (1 4 fois de 8 4 à 0 8 )

Patricia Petibon (6 fois de 0 1 à 1 0 )

Natalie Dessay (9 fois de 9 1 à 0 4 )

Martti Talvela (2 fois, 7 9 -8 0 )

Simon Keenlyside (1 0 fois de 9 3 à 1 0 )

Renée Fleming (6 fois de 9 1 à 1 2 )

Renata Scotto (3 fois de 6 3 à 6 5 )

Dietrich Fischer-Dieskau (6 fois de 7 6 à 8 5 )

Felicity Lott (1 2 fois de 8 9 à 0 7 )

Sesto Bruscantini (2 fois, 6 2 -6 3 )

Giuseppe di Stefano (2 fois, 6 2 -6 3 )

Alfredo Kraus (3 fois de 6 2 à 6 4 )

Montserrat Caballe (7 fois de 7 6 à 8 7 )

Inga Nielsen (3 fois de 7 6 à 7 8 )

Depuis 1962, ils ont tous chanté au Grand Théâtre...

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17 Septembre 1755. A l’étude de Maître Choisy, notaire, Jean-MarcVacheron, jeune Maître Horloger genevois s’apprête à engager sonpremier apprenti. Cet engagement porte la plus ancienne mentionconnue du premier horloger d’une dynastie prestigieuse et représente l’actede naissance de Vacheron Constantin, la plus ancienne manufacture horlogère au monde en activité continue depuis sa création.

Depuis cet acte, et f idèle à l ’histoire qui a fait sa réputation,Vacheron Constantin s’est engagé à transmettre son savoir-faire à chacun de ses Maîtres Horlogers, gage d’excellence et de pérennité de ses métiers et de ses garde-temps.

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