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numéro 17 décembre 2010 lettre d’information de l’ARMMA Association pour le rayonnement du musée de Cluny, musée national du Moyen Âge à la fin de juin 2010, l’ARMMA a acquis, chez un mar- chand londonien, un feuillet enluminé d’une Nativité en présence de sainte Cécile, des années 1460-1470. Il complète désormais la collection de peintures sur parche- min conservée au musée. De format A4, ce feuillet isolé, qui comporte du texte au recto et au verso, est extrait d’un volume des Méditations sur la Vie du Christ attribué à Bonaventure, traduit par Jean Galopes. « Il témoigne d’une forme particulière d’oraison, liant lecture à haute voix et “rumination méditative”, coutumière en milieu monacal et qui se répand parmi les laïcs à la fin du Moyen Âge », précise Sophie Lagabrielle, conservatrice en charge des peintures. « L’écu placé dans la marge inférieure révèle en effet que le com- manditaire de l’ouvrage est un laïc, membre de la famille de Chabannes entrée en possession du fief de Madic, dans le Cantal, en 1453. Peut-être Gilbert de Chabannes, mort en 1493. » La vignette, entourée de larges marges à décor de rinceaux et de fleurs,présente un grand inté- rêt artistique. C’est François Avril, ancien conservateur à la BnF et grand spécialiste des manuscrits enluminés,qui a signalé au musée sa mise en vente. Pour lui, l’enluminure renvoie, par sa manière un peu sèche et son coloris brillant et contrasté, à la production de peintres de la Trois nouvelles œuvres au musée ACQUISITIONS Deux peintures – dont l’une, sur parchemin, est un don de l’ARMMA et un chandelier en émail limousin sont venus enrichir les collections du musée de Cluny. © RMN/J.-G. Berizzi .. / .. Feuillet enluminé. 29,5 cm x 21,6 cm. Peinture sur parchemin. France du Centre-Ouest ? 1460-1470.

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numéro 17 � décembre 2010

lettre d’information de l’ARMMA

Association pour le rayonnement

du musée de Cluny,

musée national du Moyen Âge

à la fin de juin 2010, l’ARMMA a acquis, chez un mar-chand londonien, un feuillet enluminé d’une Nativitéen présence de sainte Cécile, des années 1460-1470.

Il complète désormais la collection de peintures sur parche-min conservée au musée.De format A4,ce feuillet isolé,qui comporte du texte au rectoet au verso, est extrait d’un volume des Méditations sur la Viedu Christ attribué à Bonaventure, traduit par Jean Galopes.« Il témoigne d’une forme particulière d’oraison, liant lecture à hautevoix et “rumination méditative”, coutumière en milieu monacal etqui se répand parmi les laïcs à la fin du Moyen Âge », précise SophieLagabrielle, conservatrice en charge des peintures.« L’écu placé dans la marge inférieure révèle en effet que le com-manditaire de l’ouvrage est un laïc , membre de la famille de

Chabannes entrée en possession du fief de Madic, dans le Cantal,en 1453. Peut-être Gilbert de Chabannes, mort en 1493. »La vignette, entourée de largesmarges à décor de rinceaux etde fleurs,présente un grand inté-rêt artistique. C’est FrançoisAvril, ancien conservateur à laBnF et grand spécialiste desmanuscrits enluminés,qui a signaléau musée sa mise en vente.Pourlui, l’enluminure renvoie, parsa manière un peu sèche et soncoloris brillant et contrasté,à laproduction de peintres de la

Trois nouvelles œuvres au muséeACQUISITIONS

Deux peintures– dont l’une,sur parchemin,est un don de

l’ARMMA –et un chandelieren émail limousinsont venus enrichirles collections dumusée de Cluny.

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Feuillet enluminé. 29,5 cm x 21,6 cm. Peinture sur parchemin. France du Centre-Ouest ? 1460-1470.

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France du Centre-Ouest, tels RobinetTestard ou le Maître du psautierde Jeanne de Laval.

Un chandelier enémail limousin

Le musée de Cluny a éga-lement acquis, en mai 2010 àl’hôtel Drouot,un chandelier émailléen Œuvre de Limoges de la findu XIIe siècle.Découvert à Méru(Oise) à une date indéterminée,il a fait partie de la collection deCharles Ratton.Constitué de cuivrechamplevé,gravé,ciselé,émaillé et doré,l’objet se compose d'un socleen calotte,d'une tige cylin-drique coupée parun nœud sphé-rique et d'unebobèche aularge reborddiscoïdal.Le socle reposesur trois pieds ornés de muflesde lion stylisés aux yeux d'émail.« Ce chandelier s'avère remarquablepar ses qualités techniques et stylis-tiques, par ses accords de couleurs,parson iconographie,commente ChristineDescatoire,conservatrice chargée de l’or-fèvrerie. Il représente une scène de combat,répétée trois fois sur le socle, entre une figureen pied armée d'une épée et d'un bouclier etun personnage aux genoux pliés portant unbouclier et une arme étrange, recourbée. Cethème de lutte guerrière n'est qu'apparem-ment profane : il est en effet très probable quele socle du chandelier représente une psy-chomachie, combat entre les vertus, incarnéespar les figures féminines en pied, et les vices,personnifiés par les figures masculines inscritesdans les médaillons. Le nœud est orné d'unrinceau ondulant, la bobèche d'arceaux poly-chromes et d'œils-de-perdrix.« Cette pièce de grande qualité rivalise avecdes œuvres de premier plan de la productionlimousine de style roman. »

Une vue de l’hôtelavant le musée

Une nouvelle vue de l'hôtel de Cluny,ache-tée dans le commerce de l’art, est égale-ment entrée dans les collections.Ce tableau

de bonne facture, dans uncadre ancien, datable desannées 1835-1840, est

contemporain de l'occupa-tion par le locataire Alexandre

Du Sommerard,avant le décès dece dernier et la création consécutive

du musée de Cluny. Il s’agit doncd’un témoin intéressant, qui vientcompléter le fonds documentairesur l’histoire des bâtiments.

« L'hôtel de Cluny a, durant tout leXIXe siècle, suscité l'engouement des

peintres, dessinateurs, graveurset même photographes,qui

ont donné de ses façadessur cour et sur

jardin de nom-breuses vues,indique Michel

Huynh,conservateur chargédu bâtiment. Ce goût pour le

Moyen Âge ne trouvait que peu de sujetsarchitecturaux civils à Paris. L'hôtel de Sens,très modifié, et l'hôtel de la Trémouille,détruiten 1841, laissaient tout le champ de l'inspi-

ration pittoresque à l'hôtel de Cluny.« La vue de la cour d'honneur de l'hôtel, prisedepuis la galerie occidentale, appartient assu-rément à ce goût du XIXe siècle pour le MoyenÂge, mais elle le compose avec une représen-tation d'un Paris populaire, dans lequel l'hôteldes abbés,alors divisé en appartements,accueillelocataires modestes et artisanat. La précisiondans le traitement de la matière architecturale,qui dépeint un état historique – peu documenté –d’avant les restaurations d'Albert Lenoir, formeun précieux témoignage. Le peintre, au styleproche de Bouhot, ajoute à sa capacité d’ana-lyse du sujet quelques éléments imaginaires(bustes dans les tympans des lucarnes) qui don-nent à cette vue une touche de poésie. »� Dernière minute. Deux autres œuvressont entrées dans le patrimoine du muséede Cluny à la fin 2010 :un coffret à estampeet un tableau représentant la prédicationde saint Vincent Ferrier. Mais, de mêmeque la toile ci-dessus, elles ne sont pasencore passées devant le photographe offi-ciel. Nous en traiterons donc dans le pro-chain numéro. �

F rédéric Mitterrand l’a annoncé le 9 sep-tembre. Le projet d’aménagement du

musée de Cluny est retenu parmi les 79 pro-jets du « Plan musées en régions », lancé cejour-là par le ministre de la Culture,avec uneenveloppe de 70 millions d’euros pour lesannées 2011 à 2013.Le dossier, synthétisantles travaux antérieurs,était prêt depuis 2008.Ne manquait que le feu vert financier.Le voilàdonc débloqué.Ce projet répond à quatre objectifs, d’oùson nom : Accueil, Visibilité, Accessibilité,Lisibilité. Il prévoit l’implantation d’un pavillond’entrée vers l’angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Du Sommerard, ce quidevrait améliorer la visibilité du musée surun grand axe. Cette construction permet-tra d’agrandir les surfaces vouées à l’accueildes visiteurs individuels et des groupes, àla billetterie,au vestiaire,à la librairie...aujour-d’hui souvent engorgées.Cette création inclut l’installation d’un ascen-seur donnant accès aux étages du musée.Il est impossible d’installer cet équipementdans les vénérables bâtiments des thermeset de l’hôtel de Cluny, classés monumentshistoriques, alors que celui-ci est indispen-sable pour rendre les salles accessibles auxpersonnes à mobilité réduite, objectif non

seulement souhaitable,mais légalement obli-gatoire d’ici à 2015 pour tous les bâti-ments ouverts au public.Le déplacement de l’entrée permettra ausside réorganiser le circuit de visite : il com-mencera par les thermes antiques avant dese poursuivre dans l’hôtel médiéval. Il per-mettra donc un parcours chronologique, infi-niment plus lisible et compréhensible pourle profane.Après la Deuxième Guerre mon-diale, le musée avait été réorganisé selon unparcours thématique,brouillé depuis par lesmodifications et les ajouts. « Cluny 4 » seradonc l’occasion de présenter successivementl’Antiquité, le Haut Moyen Âge, l’art roman,la période gothique, enfin la vie quotidienneau XVe siècle. Plus clair, non ?Il s’agit donc d’un projet très, très importantpour le musée, même s’il reste relativementmodeste au plan financier – environ 10 mil-lions d’euros –,surtout si on le compare auxgrands chantiers de modernisation dont ontprofité les autres grands musées nationaux(Guimet : 300 millions, par exemple).En 2011, la première étape sera celle desétudes de projets détaillés, qui permet-tront de lancer les concours pour les tra-vaux. On peut espérer voir le chantier lancéen 2012. �

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• Dans la salle d’orfèvrerie,la rénovation des 38 vitrinesest terminée, et cela se voit !Le parcours chronologiqueest maintenu, mais lamuséographie a étérepensée, des œuvresdéplacées, retirées ouajoutées, dont l’Évangéliairede Novare (début duXIIe siècle), transféré dela salle 19 pour gagner enéclairage et en lisibilité.Un dépoussiérage minutieuxdes œuvres a accompagnél’opération. Des restaurationsplus poussées se poursuiventau rythme des créditsannuels.

• Les habitués des conférenceset débats du musée, ceuxd’« Un mois, une œuvre »en particulier, apprécient :la salle Notre-Dame estdésormais équipée d’unmatériel audiovisueldernier cri. On pourra voirsur grand écran les œuvresévoquées ! L’ARMMAa participé pour moitiéà cet investissement.

• Un nouveau PC desécurité va être installéen 2011. Toutes les zonesdu musée devront lui êtreconnectées à tour de rôle,ce qui promet quelquesperturbations... Le chantiernécessitera aussil’implantation de bâtimentsprovisoires, sans doute surla terrasse surplombantles thermes. Une épreuveindispensable.

• Plus de 100 000 visiteurssont venus au muséependant les trois mois del’exposition « Paris villerayonnante ». C’est un trèsbon score. L’exposition« Slovaquie » semble surla même voie.

• Gaston Fébus, sa vie,sa cour, ses écrits, sabibliothèque : au musée,l’exposition de l’hiver2011-2012, co-organiséeavec le château de Pauet la BnF, sera consacrée àla figure contrastée du comtede Foix et vicomte de Béarn(1331-1391).

• Le tombeau de Jean sansPeur et ses pleurants(1443-1470) feront l’objetde l’exposition suivante,pendant l’été 2012. Dernièreétape pour les statuettes,actuellement « en tournée »aux États-Unis, avant leretour au musée de Dijonrénové.

• L’art entre Seine et Meuseentre 1140 et 1240 et lesrelations artistiques qui sedéveloppent alors entre leNord-Nord-Est de la Franceet le diocèse de Liège serontau programme d’expositionde l’automne 2012 ou duprintemps 2013.

• Les salles 11 et 12 ont reçuun coup de peinture. Elles enavaient besoin ! Leurmuséographie a auusi étérepensée, avec l’ajout depièces sorties des réserveset restaurées à l’occasionde l’exposition « Paris villerayonnante ». Avec lesnouvelles consoles et laréfection de l’éclairage, lechantier va coûter 40 000€,subventionnés aux troisquarts par l’ARMMA. Fin destravaux (réalisés surtout lemardi) en janvier 2011.

« Cluny 4 » inscrit au Plan muséesHourrah! Le projet de réorganisation du musée, dit « Cluny 4 », sera

financé par l’État. Les études détaillées démarrent en 2011.

Chandelier en cuivre champlevé et émaillé.Hauteur : 22,5 cm. Limoges, fin du XIIe s.

© RMN/J.-G. Berizzi

Vus depuis le boulevard Saint-Michel,le bâtiment des années 1950 et la terrasselongeant la rue Du Sommerard. C'estdans cette zone, dépourvue de toute tracearchéologique, que sera implantée la nouvelleentrée du musée.D

.R.

TRAVAUX

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S’ il fallait choisir un objet emblématiquedu Moyen Âge, l’épée pourrait sortir

gagnante.Arme de guerre, signe de pouvoiret de justice temporelle ou divine, héroïnede légendes, elle accompagne au cours dessiècles rois,chevaliers ou saints… Pourtant,« peu d’expositions récentes ont été consacréesà ce sujet en le traitant sous tous ses aspects »,juge Michel Huynh, le conservateur à l’ori-gine de l’exposition « L’Épée,usages,mytheset symboles »,qui sera présentée du 28 avrilau 26 septembre au musée de Cluny.L’exposition se déroulera selon trois tempsforts.Elle s’attachera bien sûr à l’objet maté-riel, ses formes et leurs raisons d’être. On

dénombre en effet plus d’une trentaine detypes d’épées, dont une dizaine sera pré-sentée. Le musée de l’Armée a été appeléà la rescousse :nous lui devrons notammentla reconstitution de l’épée de Childeric àpartir des fragments qui en ont été conser-vés et l’une des deux petites épées d’enfant(fin XIVe-début XVe siècle) exposées. Lepublic pourra même manier une épée afinde constater que son poids ne dépasse pasun kilo, « celui d’une bouteille d’eau ».Le cœur de l’exposition mettra en valeurles usages de l’épée, réels et symboliques.

« Se contenter de montrer l’objet ne présente-rait pas d’intérêt, affirme Michel Huynh. Sonutilisation dépasse largement le cadre de l’af-frontement direct avec l’autre. Il s’inscrit dansun réseau de sens et de significations, c’est celaque nous essayons de montrer : quelle place acet objet dans la civilisation médiévale. » C’estpourquoi l’exposition joue sur les rela-tions entre des œuvres attestant de laprésence concrète,symbolique et mythiquede l’épée : manuscrits, traités d’escrime,pièces d’orfèvrerie, tapisseries, peintures,sculptures… et films.Pour évoquer le lien fort de l’épée avecl’État, le conservateur avait rêvé « d’un G8

de l’épée ». Aussi a-t-il fait appelà des prêteurs suédois, finlan-dais, espagnols, italiens,allemands,autrichiens, britanniques. Onverra ainsi se croiser, outreJoyeuse, épée dite « de Charle-magne » prêtée par le Louvre,l’épée de René d’Anjou,celle deSten Sture, régent de Suède àla fin du XVe siècle,celles de Phi-lippe le Beau, roi de Castille, etde Boabdil,dernier souverain deGrenade.Mais le Moyen Âge est aussi letemps des reliques. Parmi elles,sans doute des épées de Jeanned’Arc, celle de saint Georges

(musée Schnütgen de Cologne), celles deCôme et Damien (cathédrale d’Essen), desaint Maurice (Armeria reale de Turin)...Pièce rare : une épée de connétable. Clind’œil : une copie du portrait de Louis XIVpar Hyacinthe Rigaud,où l’épée royale n’estautre que Joyeuse.L’exposition montrera enfin comment l’épéese porte toujours bien aujourd’hui.La preuve,sourit Michel Huynh en sortant de son tiroirun petit personnage Playmobil : « Son épéeest exactement de la même forme et de mêmeproportion que de petites épées du XVe siècle.La seule différence est qu’elles étaient enplomb ! » � Véronique Boudier-Lecat

Les fins limiers du récolementL’épée dans tous ses états

R écoler,du latin recolere :passer en revue.Récolement:vérification et pointage sur

inventaire, dit le Petit Robert. Le récolement,précise un arrêté de 2004,est l’opération quiconsiste à vérifier, « sur pièce et sur place »,à partir de son numéro d’inventaire, la pré-sence d’un bien dans les collections, salocalisation, son état, son marquage et saconformité avec les sources documentaires.Cela vous paraît simple a priori ? Profane quevous êtes ! Quand on a, comme le muséede Cluny, accumulé,en près de cent soixante-dix ans,un inventaire de plus de 23800 numé-ros, dont certains correspondent à des lots,que les collections alimentent deux musées(Cluny depuis 1843,Écouen depuis 1977) etquelque 80 lieux de dépôt dans toute laFrance,convenez que cela commence à deve-nir plus complexe.Surtout quand est entre-pris le premier recensement systématiquedepuis cinquante ans, comme c’est le casactuellement.

Une obligation décennale« Le récolement des collections a toujours fait par-tie du métier, explique Isabelle Bardiès-Fronty,conservatrice responsable de l’opération àCluny.Mais avant, faute de troupes,on faisait leschoses au fil de l’eau, quand il fallait vider uneréserve ou prêter une œuvre pour une exposition.Le dernier à avoir fait un récolement systéma-tique (et sans systématisme, il n’y a pas de vrairécolement), c’est Francis Salet, le conservateurqui a réorganisé le musée après sa fermeture lorsde la Deuxième Guerre mondiale !« Les principes actuels ont été définis par la loisur les musées du 4 janvier 2002, qui fait durécolement des collections une obligation décen-nale. La date d’achèvement du premier récolementgénéral est fixée – c’est précis ! – au 12 juin 2014.Lemusée de Cluny devrait être dans les temps. »C’est en 1996 que l’État avait commencé àse préoccuper sérieusement du problème,avec un rapport de la Cour des comptes quiappelait à l’adoption de « principes clairsd’inventaire, de suivi et de contrôle » de toutesles collections nationales d’œuvres d’art. La

même année, une Commission de récole-ment des dépôts d’œuvres d’art (CRDOA)à compétence interministérielle,présidée parune personnalité importante, était chargéede définir la méthodologie et de stimuler lestravaux.Il est vrai que les scandales d’objets disparusalimentent périodiquement la chronique,qu’ils’agisse de manuscrits subtilisés à la BnF, defauteuils et de tableaux escamotés dans lesministères et les préfectures ou,encore trèsrécemment,de cette toile de Degas volée aumusée du Havre en 1973, qui figurait dansune vente publique à New York ! « L’inscrip-tion des objets à l’inventaire dès leur entrée dansles collections et leur récolement régulier consti-tuent le premier moyen de les sécuriser », insisteIsabelle Bardiès, forte de l’expérience durécolement réalisé dans son poste précé-dent, aux musées de Metz.Un plan de travail a donc été défini au muséede Cluny pour les années 2008 à 2014.Il com-porte deux volets,sur lesquels on avance enparallèle.Le récolement en interne des œuvres conser-vées au musée ou dans ses réserves – 5500à 6000 – est effectué par type de matériaux:toutes les sculptures sur pierre,puis les ivoires,les peintures, l’orfèvrerie, etc. C’est (entreautres tâches) Isabelle Bardiès qui s’y emploie,

parfois avec un conservateur-stagiaire,commel’an dernier avec Valérie Carpentier, aujour-d’hui en poste à Fontainebleau.Le récolement en externe des dépôts consen-tis par le musée au fil des années – plus de8000 objets dans 80 lieux – est réalisé, lui,par Rachel Boustta et Sandra Pascalis, deuxcontractuelles missionnées à cet effet parla CRDOA.Elles inventorient les objets régionpar région afin de minimiser les déplacements.Avec quelques exceptions quand,par exemple,le château d’Azay-le-Rideau veut réaména-ger ses réserves et demande un récolementpréalable qui bouleverse le planning.Pour compléter le tableau, ajoutons que latroisième partie des collections, environ10000 objets,envoyée à Écouen pour créerle musée de la Renaissance,est traitée direc-tement par lui.

En amont: un travail d’enquêteComment procède-t-on au récolement ?Tout commence par un travail méthodiquede documentation. Il y a des cas simples : unarrêté de dépôt récent,pour quelques œuvresqui ont déjà chacune une fiche détaillée dansla base Micromusée. Il y a aussi des cas com-pliqués, par exemple quand il s’agit de pré-parer la visite au château d’Azay,auquel septdépôts ont été consentis entre 1907 et 1939 !« À un moment ou à un autre,plus de 850 objetsont été envoyés à Azay, résume Rachel Boustta:8 tapis, 36 assiettes de Rhodes, 40 épées, des

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EXPOSITIONS MÉTIERS• Michel Huynh présenteral’exposition le 9 juin dansle cadre d’ « Un mois, uneœuvre ». Outre la visitehebdomadaire d’une heurecommentée par lesconférenciers des muséesnationaux, une visitethématique sur l’universchevaleresque sera proposée.

• Un catalogue de 128 pagesva être édité par la Réuniondes musées nationaux.

• Un livret-jeu sera créépour les enfants. Il lesaccompagnera lors de ladécouverte de l’exposition.

• Des démonstrations decombats auront lieule week-end dans la courdu musée, organisées parl’association bourguignonneD’estoc et de taille, qui seconsacre à la recherchesur les arts martiauxhistoriques européens.

• Une performance musicale,donnée par La Camera delleLacrime, confrontera deuxgrands textes de la fin duXIe siècle : La Chanson deSainte-Foy et La Chansonde Roland.

• Un autre concert seradonné autour de l’œuvre deThibaut de Champagne, ditle Chansonnier (XIIIe siècle),par l’ensemble Alla francesca.

• Des comédiens liront desextraits de traités d’escrimeet de textes littérairesdonnant un grand rôle àl’épée.

• L’actualité du Moyen Âge,rencontre-débat animée parGérard Bonos, aura lieule 11 mai à 18h30 autourdes thèmes de l’exposition.

• Un cycle de films « de capeet d’épée » sera programméau cinéma Le Champo, voisindu musée, en juin-juillet.

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Une des 358 illustrations du Traité de combat,présenté en salle 23. Plume et lavis sur papier.Augsbourg, vers1490-1500.

D.R

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Elle tue et enchante. L’épée, sous ses aspects réels et imaginaires,sera au cœur d’une exposition au printemps 2011.

De gauche à droite : Sandra Pascalis,Rachel Boustta et Isabelle Bardiès-Fronty.

© RMN/J.-G. Berizzi

Trois personnes au musée sont chargées du récolement. Une tâche peu spectaculaire mais indispensable.Et ingrate? « Non, gratifiante », affirment ses pratiquantes.

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concernée (sauf pour les objets reçus pardons ou legs).« Quelques discussions sont encours », indique Isabelle Bardiès.

Un contrôle bienveillant

« Parfois, poursuit-elle, quand nous annon-çons une visite de récolement, les collèguesnous voient venir avec appréhension, craignantque nous ne voulions reprendre les œuvres.Qu’ils se rassurent : c’est très rarement le cas !Certes,nous serons très heureux de rapatrier,d’un commun accord, début 2011, les tissuscoptes déposés au musée Dobrée à Nantes.Mais, le plus souvent, nous ne saurions quefaire des chinoiseries ou des objets en ébènedu XIXe siècle que l’on voudrait nous rendre !Les collectionneurs ayant contribué au fondsdu musée de Cluny possédaient des œuvrestrès variées.C’est à partir de la fin du XIXe siècleque les responsables du musée ont progres-sivement resserré leur ambition sur le MoyenÂge et commencé à déposer ailleurs des objetsd’autres époques.« Au XXe siècle, poursuit Isabelle Bardiès,il y a eu aussi des dépôts incluant des œuvresmédiévales,par exemple quand l’État a vouludoter le musée des Beaux-Arts d’Arras de nou-velles collections, les siennes ayant disparu pen-dant le Première Guerre mondiale. Ou quanda été créé le musée d’art et d’histoire duJudaïsme à Paris, où nous avons déposé desstèles juives. Dans quelques cas, les conser-vateurs ont aussi pensé que certaines œuvresseraient vraiment mieux dans leur lieu d’ori-gine, comme ces morceaux d’un jubé Renais-sance repartis à Guérande. A priori, nos col-lègues des institutions visitées n’ont doncrien à craindre. Le musée de Cluny se déplacepour un contrôle bienveillant. »

À côté de ces soucis diplomatiques, le réco-lement des œuvres est-il plus simple eninterne ? Oui,quoique... Il faut veiller à tra-vailler en bonne intelligence avec les autresconservateurs chargés de telle ou tellecollection et qui en gardent le contrôlescientifique. Il peut y avoir parfois débatavec un collègue soucieux, par exemple àl’occasion d’un prêt,d’attribuer un numérod’inventaire à un objet qui en est appa-remment dépourvu.« La logique, plaide Isabelle Bardiès,voudraitque l’on attende désormais la fin du récole-ment pour vérifier les numéros orphelins d’unepart, les œuvres non marquées de l’autre, etvoir si on peut les rapprocher. »Le casse-tête principal réside dans les col-lections archéologiques, avec des caissescontenant des dizaines de blocs de pierre,de tessons, de vases, de petits objets enplomb, entrés par lots. Mais, par chance,

c’est Isabelle Bardiès elle-même qui a laresponsabilité de ce domaine...

Mission de service public

Toute l’opération devra se conclure,en 2014,par l’établissement d’un procès-verbal met-tant au clair les objets vus, les objets nonlocalisés, les objets trouvés d’origine incon-nue, les objets détruits le cas échéant... « Lerécolement est un travail peu spectaculaire eta priori moins drôle que la conception d’uneexposition, conclut Isabelle Bardiès. Mais ilpermet de connaître à fond les collections etréserve de vraies joies. »C’est bien aussi l’avis de Rachel Bousttaet de Sandra Pascalis,qui trouvent leur tra-vail « extrêmement intéressant ». « C’est unemission de service public, qui concourt à laconnaissance et à la préservation du patri-moine commun, et c’est important pourmoi,dit Sandra.Le travail est varié et permetd’approcher tous les types de matériaux ettoutes sortes d’œuvres, du tire-bouchon à lastatuette de dévotion... » « Un travail enri-chissant au plan scientifique et humain, quipermet de faire des rencontres avec les col-lègues des musées de province », complèteRachel. Toutes deux ont le sentiment de« former une bonne équipe. Isabelle nousapporte un recul judicieux quand nous sommesplongées dans un dossier et nous nous sen-tons soutenues par les responsables du musée.»Que demander de plus ? Juste un ordinateurportable plus léger et mieux équipé.Mais chut !on le leur a promis. � M.-J. M.

Des dépôts dans tout l’Hexagone

Parce qu’il détient de riches collections – et plus variées que son intitulé de musée du MoyenÂge ne le laisse paraître – le musée de Cluny a consenti, tout au long de son histoire,de nom-breux dépôts d’œuvres dans d’autres institutions publiques.Parmi les musées bénéficiaires, citons le musée de la Céramique à Sèvres (710 objets dépo-sés), le musée d’Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye (750), le Louvre (300),Guimet (215), Carnavalet (106) et, en province, le musée de la Chaussure à Romans (469),le musée Dobrée à Nantes (107) ou encore le musée des Beaux-Arts d’Arras (145).De nombreux monuments historiques (appartenant à l’État) conservent aussi des œuvres« estampillées » Cluny, comme la basilique de Saint-Denis (14) et les châteaux d'Azay-le-Rideau, de Pierrefonds ou encore de Vincennes. Quelques institutions culturelles comme laBnF (147), les Archives nationales (73) ou l’école Boulle (58) sont également dépositaires.Toutes les régions sont concernées, mais inégalement : une œuvre en Languedoc-Roussillon,15 en Alsace,476 en Bretagne,plus de 1000 en région Centre...Un seul dépôt existe à l’étran-ger : à Alger, le musée Stéphane-Gsell conserve cinq fragments de mosaïque. Un reliquat del’histoire... qui reste à récoler !Dernière précision : le musée de Cluny lui-même est dépositaire de douze autres institutions.En janvier, un représentant du musée du Louvre est annoncé pour récoler 150 sculptures.

lits,des coffres,des dressoirs,des miroirs,des che-nets... Or seuls 110 de ces objets ont déjà leurfiche dans Micromusée. Certaines pièces sontrevenues entre-temps, et il faut vérifier leurprésence (à Cluny? à Écouen?).D’autres ont étéenvoyées dans différents châteaux:Chinon,Talcy,Fougères-sur-Bièvres..., sans qu’à l’époque cessous-dépôts aient forcément laissé les tracesréglementaires. Les collègues actuels ne sont,bien sûr, pas en cause ! »« Notre première tâche, enchaîne Sandra Pas-calis, est donc de rassembler dans un grandtableau toutes les informations trouvées dans lesdossiers de Cluny ou d’Écouen,mais aussi pêchéesdans les archives des musées nationaux (auLouvre), dans celles des monuments nationaux(à la Bibliothèque du patrimoine), ou dénichéespar nos collègues d’Azay ou d’ailleurs.Nous avonspassé un bon mois à cette recherche, qui a unpetit côté Hercule Poirot ! »

Sur place, les mains gantées« À la date prévue en novembre, reprend Rachel,nous sommes parties à Azay trois jours à trois(Isabelle Bardiès nous accompagne toujours dansles cas compliqués) et nous avons pu « trai-ter » quelque 70 œuvres. Il a d’abord fallu lesidentifier – rien ne ressemble plus à une plaquede cheminée qu’une autre plaque de chemi-née et nous en avions dix dans le tableau! Nousles avons trouvées presque toutes scellées dansles murs des salles (au moins, elles ne s’envole-ront pas !), mais leur numéro d’inventaire (audos) n’était pas visible.Nous avons pu néanmoinsles identifier toutes et leur apposer un nouveaumarquage sur la tranche. »« D’autres œuvres étaient dans des réserves nonchauffées, certaines poussiéreuses ou difficilesd’accès, poursuit Sandra. Quand nous avonsl’objet entre les mains (gantées), nous le regar-dons de près pour vérifier que c’est vraiment lenôtre. Nous prenons ses mesures, nous faisonsun constat d’état en notant ses éventuelles fra-gilités, poussières, piqûres d’insectes, altérationset en profitons pour faire quelques recomman-dations de conservation préventive.Si nécessaire,nous marquons l’objet,ou renforçons le marquages’il a pâli, avec des matières neutres.Nous le pho-tographions aussi sous toutes les coutures...« Il va falloir retourner à Azay.Il reste,par exemple,159 fragments de retables flamands à localiser.Cedossier, nous ne pourrons sans doute pas leboucler avant le printemps », prévoit Rachel.Heureusement, depuis le début du récole-

ment, il n’y a eu qu’une seule autre affaire aussiembrouillée,celle des trois musées de Nantesoù un millier d’objets ont été déposés...et oùles recherches ne sont pas terminées.

En aval : ficher et prorogerDe retour à Paris, il subsiste une troisième(grosse) étape du travail à accomplir. Il est loinle temps où Francis Salet mettait une croixdans le registre d’inventaire pour signifier :objet vu, parfois une petite notation manus-crite du type:« transféré à Chinon ».Aujour-d’hui, il faut compléter ou créer la « carted’identité » des œuvres dans la base Micro-

musée (400 à 600 nouvelles notices à ajou-ter rien que pour le dépôt d’Azay),en y incluantbien sûr la documentation photographique.Il faut également établir un rapport de mis-sion, relu et validé par l’équipe scientifiquedu musée,puis envoyé au Service des muséesde France (SDMF),qui le fait suivre à la CRDOAet au dépositaire.Quelles sont les suites possibles du récole-ment ? Soit l’objet a été vu, il est conservédans de bonnes conditions, le dépôt est per-tinent et il est prorogé. Soit l’objet a été vumais il est mal protégé et le dépôt peutêtre retiré, sous certaines conditions. Soitl'œuvre a disparu et, malgré les recherches,on ne la retrouve pas : il faut alors porterplainte.Dans chaque cas, le service du réco-lement transmet au SDMF tous les éléments,car c’est lui qui agit au plan juridique et prendnotamment de nouveaux arrêtés qui confir-ment, annulent ou modifient les dépôts.Il reste un dernier cas de figure, prévu enexception à la règle d’inaliénabilité du patri-moine public par la loi de 2002 : les dépôtsconsentis avant 1910 par les musées natio-naux aux musées de province peuvent fairel’objet d’un transfert à la collectivité locale

Un exempled’étiquetage ancien...

et peu pérenne.Le numéro

d’inventaire de ce platà godrons fera l’objet

d’un nouveaumarquage à l’encre.

En page de gauche :plaque de cheminéefigurant les adieux duduc d’Anjou, nouveauroi d’Espagne, à songrand-père Louis XIV...Le type même d’objetqui a davantagesa place dans unchâteau qu’à Cluny.

• Inventaire des collections :les 1434 premiers numéros,attribués lors de la créationdu musée en 1843,correspondent à la collectiond’Alexandre Du Sommerard.Le n° 10 000 a été atteint en1880, le n° 20 000 en 1914.Le cap des 23000 a étépassé en 1980 et noussommes dans les 23800aujourd’hui.

• Personnels.Quatre agentssont arrivés en remplace-ment au service d’accueilet de surveillance du musée :Catherine Boucher, AttilioMontanaro, MathiasCoulange, Patrice Clercet deux responsables : Jean-Michel Harel, Mogane Miron.

• Danielle Debrieux est deretour pour renforcer lesecrétariat de direction.

• Eric Lanneluc est passé auservice de la maintenance.

• Sandra Pascalis est venuetravailler au récolement, enremplacement de NathalieMichel, partie à Orsay.

• Patrick Borgia occupe, auservice culturel, le nouveauposte de régisseur desmanifestations. Il vient duchâteau de Versailles.

• Les personnes en situationde handicap mental oupsychique sont déjà reçuesen groupe pour un atelierintitulé « Mon jardinintérieur ». Elles sont aussidésormais les bienvenuesà l’atelier « tout public »destiné aux familles avecenfants à partir de cinq ans,ouvert les samedis à partirde janvier 2011, sur lethème : « Toucher le bois,toucher la pierre », avecla même animatrice, Marie-Georges Compper-Bruegel,conteuse et art-thérapeute.

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Millefleurs n° 17, décembre 2010 9

à Bratislava, la Galerie nationale slovaque(Slovenská Národná Galéria, SNG) est

installée au bord du Danube,dans un bâtimenten U qui ressemble à un cloître. Un anciencouvent ? Non: les « Casernes d’eau » de lagarde fluviale de l’impératrice Marie-Thérèse,construites entre 1759 et 1763.La quatrièmeaile du bâtiment, en façade,démolie en 1943,a été remplacée au tournant des années 1970par un manifeste moderniste, une barre bru-tale en forme de pyramide renversée et tron-quée, qui laisse ouvert le rez-de-chaussée.Comble de malchance,ce « pont »,mal construit,victime d’infiltrations,a dû être fermé en 2001.Depuis cette date, la rénovation et la finitiondu musée (dont une aile latérale prolongeantle bâtiment administratif n’a jamais été éle-vée) a fait l’objet de deux concours, un pro-jet a été approuvé en 2008,mais il est en sus-pend, faute de financement... En attendant, ila fallu déménager les réserves au châteaude Zvolen, à 200 km de la capitale. Et uneimmense banderole estompe parfois la façadedécriée, pour annoncer les expositions tem-poraires, désormais présentées dans le palaisEsterházy voisin.

« Sa propre histoire de l’art »La SNG a été fondée en 1948 comme muséed’art slovaque et européen,production contem-poraine incluse.(Il s’est ouvert depuis aux artsappliqués, à la photo, au design, à l’architec-ture, à l’art naïf...). Pour les fondateurs, sacréation était une affirmation : « La Slovaquiea droit à sa propre histoire de l’art.» Le premiernoyau des collections est venu du Musée natio-nal slovaque, ouvert, lui, après la PremièreGuerre mondiale et qui s’est alors recentrésur sa vocation principale de musée d’histoirenaturelle.Pendant la période communiste, la SNG a lou-voyé entre les impératifs de l’art officiel et lesaspirations de ses conservateurs, dont cer-tains tentaient d’intégrer aussi les artistes« subversifs ». L’institution a connu son lotd’expositions consacrées aux anniversairesofficiels, « mais elle fut aussi un sanctuairepour des intellectuels excommuniés par le régime

et la recherche s’est poursuivie, y compris sur desthèmes qui n’avaient pas les préférences du Parti,écrit l’une des conservatrices d’aujourd’hui,Katarína Bajcurová.Tout n’était pas noir ou blanc,ou rouge. »Autre époque, autres difficultés : aujourd’hui,la galerie doit surtout lutter pied à piedpour obtenir un budget, l’essentiel de ses finan-cements venant toujours du ministère de laCulture. Or celui-ci n’a jamais été une prio-rité des gouvernements : « Nous n’avons pasles acquis de la France en la matière. La culture,c’est important dans les discours des politiques,pas dans la réalité. À leurs yeux, elle représentesurtout un coût... » pestent les professionnels.Par ailleurs, le recours aux financements pri-vés reste modeste, limité aux seuls « parte-nariats de publicité » et aux relations person-nelles : « Pas la moindre incitation fiscale ! Lesdéputés n’ont même jamais pris le temps de voterune loi sur le mécénat. » Et puis, en temps decrise économique...Dans ce contexte difficile, la SNG s’est d’au-tant plus réjouie de « l’une des retombées lesplus importantes » de l’exposition parisienne :un achat spectaculaire ! « Quand nous avonscommencé à préparer l’expo, raconte DušanBuran, le médiéviste de l’établissement, unedame nous a contactés : elle proposait de nous

prêter une œuvre pour deux ou trois ans,à condi-tion que nous la restaurions. Il s’agissait d’un pan-neau peint du grand retable du couvent francis-cain d’Okolic̆né, aujourd’hui dispersé entre troispays, dont nous avons présenté cinq éléments àParis.Le panneau réapparu – nous n’en connais-sions même pas l’existence – nécessite un longtravail de consolidation, il ne pouvait donc partirpour la France. Mais nous avons commencé ànégocier les conditions d’un achat éventuel.Quandle ministre de la Culture est allé au vernissage àParis et qu’il a découvert les œuvres exposées, ila débloqué le crédit nécessaire :100000 euros.»Parmi les autres retombées importantes del’exposition, Dušan Buran range aussi la pos-sibilité (financière) qu’il a eue de faire res-taurer cinq œuvres majeures avant leur voyagevers la France, dont le grand ostensoir de lacathédrale de Bratislava et l’émouvant Christde pitié de Prešov.

Des relations pacifiéesDans le vaste ensemble de la SNG, la sec-tion médiévale est quantitativement modeste– 200 œuvres sur 60000 conservées –, maisc’est incontestablement l’un des points fortsdes collections. « Elle est composée pour l’es-sentiel de sculptures et de peintures de retables,plus quelques fragments de peintures murales et

quelques pièces d’orfèvrerie. Les objets les plusanciens datent du XIIIe siècle », indique DušanBuran.Comment ces œuvres sont-elles arrivées dansle domaine public, n’y a-t-il pas eu de pro-blèmes de spoliation? Question sensible dansun pays qui a connu, en 1946, une nationali-sation des biens « des traîtres et des colla-borateurs » (Allemands et Hongrois surtout),puis,après 1948,des confiscations par le régimecommuniste. « Les collections de la SNG n’ontété que très peu concernées par la procédure derestitution aux particuliers, répond Dušan Buran.Le problème a été plus compliqué avec la loi de1994 qui concerne essentiellement les biens del’Église. Les diocèses ont présenté des listes deréclamations très longues,ou encore contesté lesconditions d’acquisition de certains objets.... Il afallu faire des recherches, prouver par exempleque telle œuvre avait été achetée à un antiquairedans les années 1920 et n’était donc pas concer-née. Nous avons perdu un seul procès, dansl’affaire des éléments sculptés d’un retable deLomnic̆ka (des années 1420), achetés en 1971par la galerie, l’évêque ayant fait valoir que le curéde la paroisse n’avait pas le droit de les vendre.La propriété a donc été restituée, mais l’égliseconcernée étant en très mauvais état, les sculp-tures sont restées chez nous en prêt permanent.Maintenant, les procédures juridiques sont ter-minées et nous essayons d’améliorer la commu-nication avec l’Église.Heureusement,après chaqueexposition, les relations s’améliorent.Et puis, le cli-mat général s’est apaisé.Lors du changement derégime, toutes les injustices du passé étaientressorties. Maintenant, on peut demander deschoses impossibles il y a dix ans. » C’est ainsique, même s’il a dû essuyer quelques refus,Dušan a obtenu de fabuleux prêts pour notreexpo à Paris. C’est ainsi également qu’il a puacheter quelques œuvres auprès de paroissesou obtenir des dépôts permanents.

Dans les églises paroissialesIl reste que l’une des spécificités slovaques– qui avait tout particulièrement ébloui nosdeux commissaires français,Xavier Dectot etJean-Christophe Ton-That, partis en explo-ration sur place – est justement la préserva-tion de nombreux retables gothiques intactsdans leur église d’origine,surtout dans le centreet l’est du pays. « Aux raisons historiques loin-taines (faible impact de la Réforme et de la Contre-Réforme dans ces régions, donc moins de baro-

quisation des églises) s’ajoute le fait que le régimecommuniste s’est finalement peu attaqué auxbiens des paroisses, constate Dušan Buran.L’État ne pouvait se permettre une attaquefrontale. Il a fait signer aux prêtres un sermentde loyauté – la plupart ont plié pour pouvoirpoursuivre leur ministère – et persécuté lesrécalcitrants,mais les églises sont restées ouvertes.Et puis, les premières lois de protection du patri-moine – des « souvenirs artistiques », commeon dit en Slovaquie – remontent à l’après-

Première Guerre mondiale et restaient appli-cables. Il y a eu une exception, avec la disper-sion du musée diocésain de Spišská Kapitula.Mais à Levoc̆a, le premier projet de restaura-tion de l’autel majeur de l’église Saint-Jacquesdate des années 1950. »Les paroisses,propriétaires de ces biens,ont-elles les moyens de leur préservation? « Celadépend beaucoup de leur dynamisme et de leurcompétence, poursuit Dušan Buran. Certainesfont des appels au peuple. D’autres décrochentdes financements du ministère de la Culture oude fondations allemandes.D’autres encore négo-cient une restauration contre un prêt pour uneexposition... Certaines églises sont superbemententretenues, d’autres plus ou moins laissées endéshérence, surtout dans les petites communes.Le pays compte encore des retables non restau-rés ! Il est vrai qu’il est parfois difficile de voirl’intérêt d’une sculpture masquée par cinquanterepeints, il y faut un œil de spécialiste.Cependant,dans le public, les retables gothiques sont de plusen plus regardés comme de précieux “bijoux defamille”.« Hélas, depuis les années 1990 et l’ouverturedes frontières, un autre problème s’est aggravé,celui des vols dans les lieux de culte.Les paroissesn’étaient pas du tout préparées à cela. Aujour-d’hui la situation s’est améliorée, mais au prixde la fermeture des églises en dehors des messes.»

Une société multiculturelleL’exposition à Paris et le catalogue ont bienmontré qu’à la fin du Moyen Âge, la Slovaquieétait pleinement intégrée à l’Europe gothique,et que des artistes importants s’y sont épa-

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Visite à la Galerie nationale slovaque, à laquelle nous devonsla découverte des merveilles « d’or et de feu » du gothique tardif local.

En Slovaquie, l’histoire de l’art s’écrit au présent

Grande comme la Suisse, la Slovaquie compte5,5 millions d’habitants.C’est une Républiqueindépendante depuis 1993,membre de l’Unioneuropéenne depuis 2004 et de la zone eurodepuis 2009. Au Ve siècle, les Slaves arri-vent sur son territoire. Il fait partie de laGrande Moravie au IXe siècle, puis est pro-gressivement incorporé au Xe siècle auroyaume de Hongrie, situation qui dureramille ans. En 1241-1242, le pays est dévastépar les Mongols :peu de constructions anté-rieures subsistent.En 1536,devant l’avancéedes troupes ottomanes vers Buda, la capi-tale du Royaume est transférée pour deuxsiècles à Presbourg (l’actuelle Bratislava),sous le règne des Habsbourg.Au XIXe siècle,la langue slovaque est codifiée, les aspira-tions nationales se développent,mais, à par-tir de 1867, le royaume de Hongrie, devenuplus autonome dans l’Empire austro-hon-grois, impose une magyarisation forcée. Il ensubsiste aujourd’hui encore des différendset des ressentiments. De 1918 à 1939, puisà partir de 1945, la Slovaquie fait partie dela Tchécoslovaquie, jusqu’au « divorce develours » de 1992. Sans rancune, cette fois.

Indépendante depuis 1993

Retable de la Vierge d’Okolic̆né :le panneau peint de la Crucifixionrécemment retrouvé et acquispar la SNG (avant restauration),et l’ensemble des éléments connus.

Sur le quai du Danube, à Bratislava : la façade moderne de la Galerie nationale slovaque et le palaisEsterházy, qui accueille ses expositions temporaires.

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Millefleurs n° 17, décembre 2010 1110 Millefleurs n° 17, décembre 2010

nouis, comme Maître Paul de Levoc̆a ou leMaître M.S., ce que nous ignorions jusque-là.L’histoire de l’art s’est-elle arrêtée au rideaude fer? « C’était vrai en France... jusqu’à l’expo-sition du musée de Cluny! plaisante Dušan.C’estmoins vrai en Allemagne où, les colons allemandsayant joué un grand rôle économique dansle développement du centre de l’actuelleSlovaquie à partir du XIIIe siècle, les historiens del’art incluent ces productions dans l’art allemand.De la même façon, les Hongrois s’approprienttout ce qui a été créé à l’intérieur de la frontièrepolitique de l’ancien royaume de Hongrie et consi-dèrent qu’il s’agit d’art hongrois !« Le territoire de l’actuelle Slovaquie a longtempsabrité une société multiculturelle. À l’époquegothique tardive, il était ouvert à de multiplesinfluences venues de Vienne, d’Allemagne, deFrance (plus lointainement), de Bohème, dePologne, d’Ukraine, d’Italie... Les modèles, lesœuvres et les artistes circulaient, et c’est cemélange qui fait l’intérêt de la production! Aucunhistorien de l’art sérieux ne parlera donc d’artslovaque mais bien d’art en Slovaquie, claire-ment placé dans un contexte centre-européen,

et son histoire reste encore largement à écrire.Le travail n’en est que plus passionnant ! »

Des projets ambitieuxCe double mouvement de débroussaillage del’art en Slovaquie et d’inscription dans l’his-toire de l’art européen apparaît clairementdans la politique que poursuit la SNG.« L’exposition conçue avec le musée de Cluny cor-respond bien à la façon dont nous aimerions tra-vailler à l’avenir, indique Alexandra Homol’ová,directrice adjointe chargée des collections.

Nous sommes ouverts à tous les partenariatsavec l’étranger pour concevoir des expositionsriches d’une information approfondie,quitte à cequ’elles soient peu fréquentes. Cela n’exclutpas, bien sûr, les prêts ponctuels. » Alexandracite aussi en exemple l’exposition communeprésentée à Bratislava et à Budapest sur lepeintre Ladislav Mednyánszky (1852-1919),qui a eu un écho à Vienne au point de setraduire par une nouvelle exposition au Bel-védère. Il en reste un volumineux ouvragepublié en quatre éditions : slovaque,hongroise,allemande et anglaise.« Nous essayons de déve-lopper une bonne collaboration avec nos collègues,même si,pour des raisons de moyens humains etfinanciers,nous sommes une institution qui répondà des demandes plus qu’elle ne formule des offres.Nous saisissons également les opportunités offertespar les projets européens, grâce auxquels nousavons eu l’occasion de participer à des manifes-tations en Irlande ou à Moscou... »L’autre volet de cette politique est un vastecycle d’expositions sur les arts plastiques enSlovaquie, qui devrait bien s’étaler sur vingtans. « La première, “Barok”, a eu lieu pendantl’hiver 1998-1999, rappelle Alexandra Homol’ová,à qui le projet tient beaucoup à cœur. La sui-vante, en 2000, a été consacrée au XXe siècle.Ont suivi “Gotika” en 2003-2004, puis“Renesancia”en 2009.Le XIXe siècle fournira laprochaine étape, et, peut-être, l’époque romanela suivante.Ce sont des projets ambitieux,qui ontpour vocation de remplir les lacunes de notre his-toire de l’art. À chaque fois, l’exposition s’ac-compagne de la publication d’un gros ouvrage quin’est pas un catalogue mais plutôt une encyclo-pédie sur la période. Là encore, il faut se bagar-rer pour avoir le budget correspondant, mêmesi nous sommes habitués à faire avec peude moyens, les désirs inassouvis décuplant lesénergies ! » � Marie-Jo Maerel

N otre amie MadeleinePelletier, l’une des plus

fidèles bénévoles de l’ARMMA,est décédée le 1er août 2010, àl’âge de 79 ans. Malgré la datepeu favorable, un petit groupede l’association et du musée,dont sa directrice, ÉlisabethTaburet-Delahaye,a pu partici-per aux obsèques, le 12 août,à Saint-Pierre de Montrouge,à Paris.L’une de ses amies, ColettePoignant-Verret, en a témoigné ce jour-là :« La “petite Madeleine”, comme elle aimait à sedésigner elle-même, était une grande dame. »Orpheline de père à 14 ans,elle avait dû trou-ver très vite du travail et avait accompli unlong parcours de secrétaire-comptable enentreprise. Dans le même temps, elle avaitpoursuivi des études et grimpé tous les éche-lons universitaires jusqu’à décrocher un titrede docteur en droit,dont elle était très fière.Profitant d’une fenêtre ouverte au recrute-ment de magistrats en dehors des habituelscritères d’âge de la fonction publique, elleavait entamé cette seconde carrière à50 ans. Avec quel bonheur !Substitut au TGI de Versailles, en chargedes mineurs puis des « stups », elle y étaitredoutée et respectée pour la qualité de sesréquisitoires, étayés sur une étude appro-fondie des dossiers, quelles que soient lesheures à passer au tribunal. Alors que l’onglose souvent sur les relations difficiles entrePolice et Justice,Madeleine Pelletier avait éta-bli des relations de confiance durables avecles gendarmes et les policiers de son secteur,relations poursuivies bien après l’âge de laretraite au sein de l’association des « Anciensdu 78 ». Elle citait avec plaisir les coupletsqu’ils lui avaient consacré :

« Ce soir, j’attends Madeleine,J’ai un flag dans mon cabas,J’en ai un toutes les s’maines,Madeleine, elle adore ça. »

« Mais tout en agissant avec efficacité et téna-cité, Madeleine savait aussi être à l’écoute,assure Colette Poignant-Verret, assistante

sociale qui l’a connue à cetteépoque. Elle savait prendre encompte le facteur humain danstoutes ses décisions. »Ce sont les mêmes qualités deconnaissance du droit, d’in-telligence des situationshumaines et d’autorité sou-riante qui l’ont ensuite fait appré-cier dans ses activités béné-voles de conciliateur de justice,exercées dans les XIVe et XVe

arrondissements de Paris.Par-venant à mettre d’accord voisins querelleurs,marchands entreprenants et vieilles damesregrettant leur commande, prestataires etclients de la téléphonie mobile ou de l’Inter-net – elle qui était rétive aux nouvelles tech-nologies au point de refuser de se servir d’unrépondeur ! –, elle obtenait un taux de réus-site supérieur à 80 %. Ce résultat excep-tionnel en avait fait une référence dans lemilieu.Appelée à former toutes sortes de sta-giaires ou à témoigner devant les autoritésjudiciaires et les journalistes, elle « crevaitl’écran » avec le plus grand naturel et en tirait,il faut le dire, beaucoup de satisfaction.Parallèlement, Madeleine, grande voyageuseet habituée des trains rapides pour aller voirune exposition à Londres ou à Amsterdam,avait adhéré à l’ARMMA en 1998 et com-mencé tout de suite à lui consacrer du temps.Modestement.Fidèlement.C’est elle qui,pen-dant dix ans, douze mois par an, a dépouilléune bonne partie du courrier et envoyé leurcarte aux six cents adhérents, même à ceuxqu’elle s’agaçait parfois de trouver brouillonsou distraits...À partir de 2008, sentant ses forces diminuerdevant les complications d’une méchante hépa-tite, elle avait commencé à lâcher prise, maisà regret, tant ses activités, à l’ARMMA commeau tribunal, lui étaient essentielles.Notre gratitude l’accompagne, notre émotionet notre sourire aussi, au souvenir de l’humourdont elle savait faire preuve en racontant ses his-toires « de terrain ». Oui, décidément, cettefemme frêle,volontaire et active était une grandedame, et cela a été une chance et un bonheurde la compter parmi nous. � M.-J. M.

• 642 membres de l’ARMMAétaient à jour de leurcotisation le 30 novembre2010. Un chiffre jamaisatteint. Parmi eux, 60 %d’adhérents, 30 % desociétaires, 3 % de bien-faiteurs,1 % de mécèneset 6 % de jeunes et dechômeurs.

• Les femmes représentent69 % des effectifs.

• 89% des membres résidenten Île-de-France, dont 53 %à Paris intra muros, 8 %dans d’autres régions del’Hexagone et 3 % àl’étranger. Au total, l’ARMMAcompte des membres dansquarante-cinq départementset sept pays.

• Huit adhérentes del’ARMMA ont donné 60demi-journées de leur temps,entre juillet et décembre,pour aider Aurélie Vertu, laresponsable des dossiers desœuvres du musée, à mener àbien leur inventaire. Quelque3200 dossiers ont ainsichangé de tiroir aprèsvérification, mise à jour etpointage. Un travail d'équipede longue haleine... maisriche en découvertes !

© Sacha Lenormand

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La Slovaquie est à portée de charter ou d’au-tomobile de l’Hexagone.À une demi-heure d’au-toroute de Vienne, Bratislava conserve unevieille ville agréable, piétonnière, aux cafésanimés. Outre la SNG, ne pas manquer (horsprogramme médiéval) le palais Mirbach,un bijourococo qui abrite le musée municipal.De l’époque gothique, il subsiste de nombreuxchâteaux, le plus spectaculaire étant celui deSpiš. Pour les églises et leurs retables, on iranotamment vers les villes de Banská Bystricaet Banská Štiavnica dans le centre du pays,Levoc̆a,

Kežmarok, Bardejov et Košice dans la partieorientale.Nombre d’entre elles sont entouréesde beaux paysages montagneux, les parcs natio-naux ne sont jamais loin.Pour les musées, outre ceux de Bratislava et deKošice, on pourra suivre le Danube jusqu’enHongrie, bien des trésors nés dans l’actuelleSlovaquie se trouvant dans la ville épiscopaled’Esztergom (à la frontière) et à Budapest.Mais, soulignent les Slovaques, il faudra les devi-ner, car les cartels désignent encore les villessous leur seul ancien nom magyarisé...

À voir sur place

Un retable à chaquepilier ! L’église

Saint-Jacques deLevoc̆a conserve

beaucoup d’œuvresde Maître Paul,

comme le retable,gigantesque,

de l’autel majeuret celui-ci, consacréaux saints Jean et

Jean-Baptiste (1520).Hélas, des cordons de

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regarder de près...

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Millefleurs n° 17, décembre 2010 1312 Millefleurs n° 17, décembre 2010

«O n raconte qu’en 1414, l’empereur chi-nois Yongle sortit de son Palais pour

aller, à sa porte, accueillir l’extraordinaire pré-sent qu’on lui faisait. C’était une girafe, que luienvoyait le souverain du Bengale Sayf ud-Din,qui la tenait lui-même de marchands musul-mans l’ayant capturée en Afrique. C’était unegirafe, mais en 1414, à Nankin, on la pritpour une licorne.On “ peignit la girafe ”– enten-dez : sur des rouleaux –, on la célébra, on luidédia des poèmes.» Ainsi,Patrick Boucheronnous a-t-il embarqués, le 28 septembre der-nier, dans un somptueux voyage au cœur del’Histoire du monde au XVe siècle,ouvrage col-lectif qu’il a dirigé et qui recevait le prix dela Dame à la licorne.« Oui, vous le voyez, s’est exclamé le maîtrede conférence à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, on s’amuse bien avec ce livre quipermet de “voyager vers des noms magnifiques”,pour reprendre le beau titre d’un livre récent,de Tamerlan à Magellan,de Samarkand à Cali-cut. » Ému de recevoir le prix décerné parl’Association pour le rayonnement du muséenational du Moyen Âge, il s’est employé,selonson expression, à « blasonner » le nom dumusée, « en montrant d’abord comment il estdans ce livre question du Moyen Âge, ensuitecomment ce Moyen Âge est évidemment assezpeu national tout en s’inscrivant sans complexedans l’historiographie française, enfin commentla figure du musée n’est peut-être pas lamoins adéquate pour saisir la manière donton peut s’y promener, s’y perdre, s’y retrouver ».Patrick Boucheron a ensuite défendu lesprincipaux points d’ancrage à partir desquelss’est développé le travail collectif des presquesoixante-dix auteurs de l’ouvrage.

L’histoire semble hésiterPremier point : « Il y avait, explique-t-il, unenjeu théorique à tenter une histoire médiévalede ce siècle,et pas seulement pour disputer auxmodernistes l’habitude qu’ils ont prise, depuisFernand Braudel,de commencer à se sentir chezeux dans l’Italie du Quattrocento. Mais y voirun lever de rideau, c’est inévitablement orien-

ter l’histoire – c’est-à-dire à la fois rejoindre unrécit écrit par avance et l’enfermer quelque part,en l’occurrence ici la provincialiser dans ce finis-tère de l’Eurasie qu’on appelle l’Europe et quin’a pas encore fait montre de sa préémi-nence. Aussi sera-t-on peut-être étonné de consta-ter à la lecture de ce livre combien le termede Renaissance,par exemple, s’y fait finalementdiscret. Et même si le bandeau rouge de l’édi-teur, “Aux origines de la mondialisation”, sembley faire claquer l’étendard de la téléologie, l’im-portant réside dans le pluriel qui rend la généa-logie incertaine : il n’était pas écrit que lamondialisation fut l’occidentalisation du monde,et le XVe siècle est précisément le moment où

l’histoire semble hésiter entre différents avè-nements possibles. Notre travail aura été d’endéplier les potentialités inabouties, les promessesnon tenues, pour défataliser le cours du tempset dissiper l’aura du futur antérieur, ce charmede ce qui s’impose à nous comme ayant été iné-luctable, au seul motif qu’il en fut ainsi. »Rappelant la « démarche strictement géohis-torique » des auteurs, Patrick Boucheron aensuite évoqué le petit « effet d’aubaine »rencontré au moment de la parution du livre :« Il a semblé à certains qu’il pouvait utilementnous distraire de l’injonction adressée aux his-toriens, sommés de retourner vaillamment surla frontière,d’aller nous rassurer sur notre iden-tité, nous conforter dans nos certitudes natio-nales, et y enfouir toujours plus profondémentces fameuses racines,métaphore incongrue pourles sociétés humaines,mais insistante.Bref,pourle dire vite, ce livre pouvait être reçu comme

un pavé, un lourd pavé convenons-en, dans lamare de l’identité nationale – mare aux eauxstagnantes, convenons-en également. »

Dans le courantde la world history

« De ce point de vue,a poursuivi Patrick Bou-cheron, s’il s’inscrit dans un petit remous dela conjoncture politique, [l’ouvrage] prend aussiplace dans un courant historiographique […],celui de la world history. Ce que nous [en]avons retenu est moins un programme qu’uneexigence : celle de désorienter notre regard– en l’occurrence ici prendre ses distances avecl’européocentrisme. […] Or ce que l’on appellela globalisation n’est rien d’autre que l’univer-salisation d’un point de vue particulier sur lemonde : celui qu’a réussi à imposer l’Europeoccidentale. Pourquoi, comment, c’est aussil’objet du livre qui, à la toute fin,dresse le miroirdes représentations – picturales,cartographiques,diplomatiques – dans lequel se mire,en un refletchangeant et inquiet, une certaine conscienceeuropéenne. »Enfin, en réponse à un auditeur déçulors d’un précédent débat de ne pouvoir« résumer le livre en trois phrases », PatrickBoucheron a su nous offrir un précieuxvademecum pour entrer dans cette œuvreaussi volumineuse que nourrie de faits,d’analyses,d’intrigues et d’énigmes :« Venez-y voir, venez-y lire, pas tout bien entendu, maisprenez un peu votre temps, car le livreoffre bien des passerelles et des souterrains,il ne sait peut-être plus raconter l’histoiredu monde mais ouvre tout un monde d’his-toires. Voici pourquoi l’image du musée mevenait tout à l’heure, en pensant aux collec-tions des palais princiers du XVe siècle quiamassaient les éclats merveilleux de l’im-mensité du monde… » �

Histoire du monde au XVe siècle, ouvrage coor-donné par Julien Loiseau, Pierre Monet et YannPotin, sous la direction de Patrick Boucheron.Fayard. 892 pages, 85 €. Voir Millefleurs, n° 16,avril 2010.

Au XVe siècle, l’occidentalisation du monde n’étaitpas inéluctable

Au programme : expositions et voyages

• L’exercice budgétaire 2010devrait se solder pourl’ARMMA par un déficitd’environ 50 000 €, pourun total de 161 000 €

de dépenses. La sommes’impute sur le solde (positif)des années antérieures.Le résultat est dû au soutienimportant apporté au musée– 96 000 € – qui se traduitpar une acquisition d’œuvre,une subvention accordée àdes équipements et travaux,ainsi que par l’aide habituelleaux activités culturelles.

• Parmi les mécènes qui ontapporté leur soutienà l’ARMMA en 2010 et,à travers elle au musée deCluny : la Caisse des Dépôts,Lansdowne Partners Ltd,Chaterhouse Services France,Gimar Finance et leGroupe Prévoir.

à l’occasion de la belle exposition du muséesur L’art en Slovaquie à la fin du Moyen

Âge, présentée à l’ARMMA par ses commis-saires, un petit groupe a pu partir quelquesjours à la découverte de ce pays. Les églisesgothiques et leurs superbes retables sculptéset peints ont bien sûr fourni la trame du cir-cuit, mais celui-ci n’a pas boudé au passage lechâteau de Spiss, d’anciennes villes minières,un village-musée,des églises en bois,des grottes,des cités au tracé médiéval et aux placesRenaissance, bref tout ce qui fait la diversitédu patrimoine de ce pays.Visites éclairées parDušan Buran et Jean-Christophe Ton-That,deux des commissaires qui étaient du périple,à la grande satisfaction des participants.Le onzième centenaire de l’abbaye de Clunya suscité, en septembre, un voyage en Bour-gogne. Complément inespéré à la visite dumonument et des expositions, un accueil àla ferme de Mazilles, qui ravitaillait le monas-tère, a pu nous être ménagé par Jacques Plat,un adhérent régional de l’ARMMA.Les fresquesde la chapelle de Berzé-la-Ville (XIIe siècle)furent admirablement commentées par le pré-sident le l’Académie de Mâcon, Jean-MichelDulin.La découverte du Brionnais et du muséedu Prieuré de Charolles furent l’occasion d’unpériple organisé par Martine Gaucheron etSuzy Plat.

Quel bonheur ! La directrice du musée deCluny,Élisabeth Taburet-Delahaye,nous a pro-posé trois dates pour nous présenter au GrandPalais l'exposition « France 1500 », dont elleest l’une des initiatrices et commissaires.Après Saint-Pierre de Montmartre au prin-temps dernier, nous retrouverons bientôtPhilippe Plagnieux à Saint-Martin-des-Champs.Deux constructions où ce grand spécialistedu tout début du gothique nous apprend àobserver les recherches et les tâtonnementsd’un nouvel art de bâtir.Au musée, Isabelle Bardiès-Fronty nous aemmenés dans les impressionnants couloirssouterrains des thermes romains.Elle nous arappelé que nous en savons, hélas, bien peusur leur organisation et leur fonctionnementau temps de leur splendeur.Mais le frigidariumrestauré emporte notre imagination et notreadmiration.Notre programme est toujours rythmé parles séances d’« Un mois, un livre » et de« L’actualité du Moyen Âge », organisées encollaboration entre l’ARMMA et le musée.Des Mérovingiens à l’enluminure, les thèmesévoqués sont aussi variés que les travaux deshistoriens,archéologues et historiens de l’artqui nous sont présentés et commentés dansces occasions. Grand progrès : les œuvrescitées pourront maintenant être projetéessur l’écran géant dont le musée a pu se doteravec l’aide de l’ARMMA.Mais déjà,après Bruxelles inscrite au planningde janvier, les projets du printemps 2011 seprécisent. Les adhérents de l’ARMMA rece-vront le programme d’activités en février.Début mai,Maurice Régnier nous emmèneraà Jumièges et dans les abbayes de la bouclede la Seine.Un peu plus tard,nous seront invi-tés à découvrir les paysages et le monde romande la Haute Provence, autour de Forcalquier.À Paris, le programme se dessine autour dedeux thèmes: les juifs au Moyen Âge et,si pos-sible, le néogothique parisien.Enfin, à l'automne, l’ARMMA poussera sansdoute jusqu’en Saxe-Anhalt (ex-Allemagnede l’Est), où se prépare une exposition surun grand bâtisseur de cathédrale du XIIIe siècle,le Maître de Naumburg.Décidément,que dedécouvertes ! � Suzanne Establie

LIVRES

Le prix de la Dame à la licorne 2010 a distingué Patrick Boucheronet sa formidable Histoire du monde au XVe siècle.

Le groupe de l’ARMMA en visite à Košice (Slovaquie), en octobre 2010.

D.R

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� L’art du Moyen Âge en Francesous la direction de Philippe Plagnieux.Citadelles et Mazenod. 199 €.

Par quelles ruptures, mutations et inven-tions chemine-t-on de la plaque-boucle deceinture de la reine Arégonde à l’Autopor-trait de Jean Fouquet ? Embrasser dix sièclesd’histoire de l’art qui n’ont rien d’un conti-nuum, depuis les royaumes francs jusqu’au« faux tournant » de 1500,est toujours unegageure.Gageure relevée dans ce bel ouvrageoù une illustration très abondante vient sou-tenir le propos de treize spécialistes de l’ar-chitecture castrale ou religieuse, de l’enlu-minure, de la peinture murale,de la sculpture...qui savent partager simplement leurs ana-lyses. De quoi décupler notre capacité àregarder et notre plaisir à contempler.

� La sculpture romaneJean-René Gaborit. Éditions Hazan. 99 €.

Difficile de la définir, pourtant on la recon-naît au premier coup d’œil. Qu’est-ce quifait,deux siècles durant et malgré la grandediversité des productions régionales, l’unitéde la sculpture romane ? Les sources d’ins-piration communes, les modèles qui circu-lent, les mêmes schémas iconographiques,la relative indifférence à l’égard des formesnaturelles, figure humaine incluse... détailleen bon pédagogue l’ancien responsable dudépartement des sculptures du Louvre.Ce beau volume,richement illustré,de tym-pans célèbres et de chapiteaux moins connus,est déjà un ouvrage de référence.

� La tapisserie de Bayeux.Une chro-nique des temps vikings ?Actes du colloque international de Bayeux.Éditions Point de vues. 38 €.

Encore un ouvrage sur la célèbre broderiede Bayeux ? Plutôt un regard renouvelé deseize auteurs, avec une attention particu-lière portée sur les liens de l’œuvre avecla tradition viking. Une approche originalepermet de souligner ce qui n’est pas repré-senté : l’absence du roi de Norvège,Harald,témoigne des rapports complexes entrel’Angleterre et ses voisins, adversairessuccessifs. Si les sources d’inspiration sontmultiples, on relève une parenté certaineavec les tentures historiées scandinaves,ellesaussi longues et étroites, qui retracent desépopées. La tradition viking apparaît égale-ment dans les figures de proue ou de poupedes navires,présentes sur les deux tiers desbâtiments. Enfin, une dernière partie s’in-téresse à la broderie – reproduite in extenso –comme source d’inspiration littéraire.

� Trente ans d’archéologie médié-vale en France.Textes réunis par Jean Chapelot. Publica-tions du CRAHM. 50 €.

L’étude par la fouille de la période médié-vale est-elle encore une idée neuve en France ?Vers 1980, époque de la mise en place desstructures indispensables à cette recherche,certains historiens pensaient encore quel’archéologie ne pouvait rien apporter surles périodes postérieures à 800. Que de

chemin parcouru depuis ! Plus personne neconteste aujourd’hui ce que l’analyse desvestiges matériels, enfouis ou non, apporteà la connaissance des villes et des campagnes,du bâti civil,militaire ou religieux,des réseaux,des échanges au Moyen Âge. Cependant,même si quelque 500 personnes se pen-chent aujourd’hui sur des chantiers médié-vaux dans l’Hexagone,cette spécialité resteencore peu visible,surtout à l’étranger.Faute,parfois, de publication des travaux et d’ex-position au public des résultats.C’est ce quemontre ce panorama bien intéressant.

À lire aussi� Alsace romane, de Suzanne Braun, photosde Jacques Hampé. Éditions Faton. 95 €.Quatre-vingts édifices, visités au long detreize itinéraires, à la lumière des dernièresétudes archéologiques et historiques.

� Bretagne gothique de Philippe Bonnet etJean-Jacques Rioult. Éditions Picard. 49 €

jusqu’au 31 janvier 2010, 59 € après.Quarante-quatre édifices sont étudiés danscet ouvrage, qui met aussi en lumière lesspécificités du gothique breton et montrel’influence de la géopolitique sur l’histoiredes formes.

� Marseille au Moyen Âge, entre Provence etMéditerranée, coordonné par ThierryPécout. Éditions Désiris. 39 €.Le passé médiéval de Marseille – depuis laville austrasienne du VIe siècle jusqu’aurattachement du comté de Provence à laFrance en 1481 – ne se voit plus guère dans

Parmi les parutions récentesLIVRES

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Le onzième centenaire de la fondationde l’abbaye de Cluny a donné lieu à unefloraison d’expositions, de colloques... etde publications. Sélection.

� Cluny. De l’abbaye à l’ordre clunisien.Xe-XVIIIe siècle par Odon Hurel et DeniseRiche. Armand Colin. 24 €.De la fondation en 810 à la destructionpendant la Révolution, cet ouvrage fait lepoint de façon magistrale sur l’histoirede l’abbaye bourguignonne et de l’ordreclunisien, il évoque même son devenir auXXIe siècle.En croisant histoire religieuse,politique et économique,Denise Riche s’at-tache à la fondation de l’Église clunisienne,suit son évolution à travers des figuresmajeures de l’ordre, jusqu’à l’amorce deson déclin.Le relais est pris par Odon Hurelqui renouvelle le regard sur Cluny à l’époquemoderne. La rigueur n’y est jamais syno-nyme d’austérité,servie par un style alerteet direct. C’est dorénavant « le » livre deréférence sur le sujet.

� Cluny, onze siècles de rayonnement sousla direction de Neil Stratford. Éditions duPatrimoine. 79 €.Il n’y a pas d’art clunisien ! Même si l’ordrea fait éclore une myriade d’édifices, desculptures, de manuscrits..., il n’y eut pasde centralisme artistique, mais des créa-tions souvent en liaison avec le contextelocal.C’est ce qu’a voulu montrer l’ancien

conservateur du British Museum qui aconçu l’une des expositions de Cluny etqui a surtout rassemblé, dans ce grandvolume remarquablement illustré, qua-rante-cinq contributions, courtes pourla plupart.Elles font le point sur les étudesclunisiennes récentes, en France et dansl’espace européen. La part belle est faiteà l’époque médiévale et à l’art roman avecvingt-neuf articles, tandis que quatre por-tent sur l’art gothique et trois sur la périodemoderne.

� Des pierres et des hommes. La sculpturecivile clunisoise du XIe au XIVe siècle.Pierre Garrigou-Grandchamp et al.Centre d’études clunisiennes. 27 €.Cluny n’est pas qu’une abbaye ! La ville quis’est développée à côté d’elle conserve unnombre impressionnant de bâtiments del’époque médiévale, certaines maisonsremontant au XIe siècle. Claires-voies,linteaux, chapiteaux sont présentés, inté-grés dans le croquis des façades et com-mentés dans ce document qui témoignede l’intérêt renouvelé pour l’architecturecivile.

� Signalons également L’enluminure àl’abbaye de Cluny (Art de l’enluminuren° 33), Cluny, apogée de l’art roman(L’Objet d’art, hors-série n° 53) et Cluny,archéologie d’une abbaye (Archéologie enBourgogne n° 19).

ses rues.Restent les fouilles et les archives,auxquelles ce volume ouvre un accès direct.

� Remi de Reims, par Marie-Céline IsaÏa.Éditions du Cerf. 67 €.Spécialiste de l’hagiographie, l’auteur revi-site toutes les sources pour éclairer la longuevie du saint évêque (439-535) issu de lapetite élite gallo-romaine,ami et baptiste deClovis. Elle retrace aussi les aléas politico-religieux du culte dont il a fait l’objet àtravers les siècles. D’abord évêque thau-maturge protecteur de sa ville, il est ensuitecélébré, au IXe siècle, comme apôtre desFrancs, puis, au XIe siècle, quand ses loin-tains successeurs veulent accaparer le mono-pole du sacre aux dépens de Saint-Denis,comme consécrateur de la royauté.

� L’intelligence d’un sens. Odeurs miracu-leuses et odorat dans l’Occident du hautMoyen Âge (Ve-VIIIe siècle). Martin Roch.Brepols. 90 €.Cet ouvrage dense propose une lectureminutieuse et novatrice des témoignages deparfum dans des textes hagiographiques.L’ « odeur de sainteté » renvoie certes par-fois à une réalité archéologique, produitsd’embaumement ou fleurs dans des tombes,mais elle témoigne surtout d’une pré-sence sacrée,de manifestations de l’Au-Delà.La puanteur, au contraire...Un chapitre impor-tant traite du vocabulaire des perceptionsolfactives, au propre et au figuré. �

Claude Coupry

Cluny, 810-2010

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16 Millefleurs n° 17, décembre 2010

� BayeuxMusée de la tapisserieEmakimono et tapisseriede Bayeux, dessins animésdu Moyen ÂgeDu 31 mars au30 décembre 2011

� BaltimoreMusée WaltersTrésors du ciel.Saints, reliques et dévotiondans l’Europe médiévaleDu 13 février au 15 mai

� BilbaoMusée des Beaux-ArtsLa femme gothiqueDu 2 février au 15 mai

� BrugesMusée GroeningeDe Van Eyck à DürerJusqu’au 30 janvier

est édité par l’ARMMA (Association pour lerayonnement du musée national du Moyen Âge),6, place Paul-Painlevé, 75005 Paris.01 53 73 78 28. [email protected]

Directeur de la publication : Christian GiacomottoRédaction : Marie-Jo Maerel, Claude Coupry,Véronique Boudier-LecatImprimerie Le Révérend, 50700 Valogne

Dépôt légal : quatrième trimestre 2010ISSN : 1621-8000

Expositions autour du Moyen Âge

Si vous passez par...� Bruxelles

Musées royaux d’art etd’histoireParadis et enfer, mourirau Moyen ÂgeJusqu’au 24 avril

� ChicagoArt InstituteRois, reines et courtisans :l’art en France en 1500Du 27 février au 30 mai

� ClevelandMusée d’artTrésors du ciel.Saints, reliques et dévotiondans l’Europe médiévaleJusqu’au 27 janvier

La gloire de la page peinteJusqu’au 27 mars

� LimogesMusée des Beaux-ArtsRéouvertureDepuis le 4 décembre2010

� LondresBritish MuseumTrésors du ciel.Saints, reliques et dévotiondans l’Europe médiévaleDu 23 juin au 9 octobre

� Los AngelesMusée d’art du comtéImaginant le passé enFrance, 1250-1500Jusqu’au 6 février

Les pleurants. Sculpturesdes tombes de la courde BourgogneDu 8 mai au 31 juillet

� MinneapolisInstitut des artsLes pleurants. Sculpturesdes tombes de la courde BourgogneDu 23 janvier au 17 avril

� NaumburgCathédraleLe Maître de Naumburg,sculpteur et architecte dansl’Europe des cathédralesDu 29 juin au 2 novembre

� ParisTour Jean-sans-peurL’hygiène au Moyen ÂgeJusqu’au 3 avril

� SpireMusée historique duPalatinatLes Saliens, une puissanceen évolutionDu 10 avril au 30 octobre

� ToulouseMusée des AugustinsUne histoire toulousainevers 1500Du 26 mars au 26 juin

� TroyesMédiathèqueChrétien de Troyes etla légende du roi ArthurDu 15 mars au 30 juin

Il quittera la salle11le temps d'un prêtà l'exposition deNaumburg.Son visage, pleinde douleur et decompassion, a valuà cet apôtre dela Sainte-Chapellede Paris le surnomd' « apôtremélancolique ».Calcaire lutétien.1243-1248.

© RMN / J.-G. Berizzi