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    Achats en urgence (AUO)contre programmation

    L'efficacit des oprationsd'armement en temps de guerre

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    Louis-Marie Clouet

    Mars 2009

    FFooccuuss ssttrraattggiiqquuee nn 1155

    Laboratoirede Recherchesur la Dfense

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce texte nengagent que la responsabilit de lauteur.

    ISBN : 978-86592-505-6 Ifri 2009 Tous droits rservs

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    Focus Stratgique

    Les questions de scurit exigent dsormais une approcheintgre, qui prenne en compte la fois les aspects rgionaux et globaux,les dynamiques technologiques et militaires mais aussi mdiatiques ethumaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou lastabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des tudes descurit se propose, par la collection Focus stratgique , dclairer par

    des perspectives renouveles toutes les problmatiques actuelles de lascurit.

    Associant les chercheurs du centre des tudes de scurit de lIfri etdes experts extrieurs, Focus stratgique fait alterner travauxgnralistes et analyses plus spcialises, ralises en particulier parlquipe du Laboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD).

    Lauteur

    Diplm de l'institut d'Etudes Politiques de Paris et du DESS Matrise des armements et dsarmement , Louis-Marie Clouet asoutenu en juillet 2008 une thse de doctorat en sciences conomiques surles exportations et l'industrie russe d'armement. Il s'est spcialis depuisplusieurs annes sur les industries stratgiques, les politiques de dfenseet d'armement en Europe. Louis-Marie Clouet est chercheur au Comitd'Etudes des Relations Franco-Allemandes (Cerfa), au sein de l'IFRI.

    Le comit de rdaction

    Rdacteur en chef : Etienne de Durand

    Rdacteur en chef adjoint : Marc Hecker

    Assistante ddition : Maryse Penny

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    Sommaire

    Introduction ______________________________________________5Lhritage de la guerre froide :la politique de grandeur par les armements____________________7

    Lincertitude en matire de programmation darmements ______7 Lge dor de larmement franais , 1960-1990 ____________9La remise en cause des annes 1990 ____________________11

    Lourdeur et rigidit des oprations darmement ____________13Expression et validation du besoin _______________________13Les rigidits des marchs publics darmements_____________15Achats en urgence : optimiser lopportunit et les dlais ______19

    Lopration densemble CARAPE________________________21

    Fluidifier les oprations darmement ________________________25Les risques des achats en urgence oprationnelle __________25Les dfaillances du systme de programmation des achatsdarmements________________________________________27Changer de paradigme ? ______________________________30

    Conclusion______________________________________________33Annexes ________________________________________________35Liste des acronymes______________________________________45Bibliographie ____________________________________________47

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    Introduction

    arme franaise est engage en Afghanistan dans des oprations decontre-gurilla face un adversaire dtermin, matrisant parfaitement

    son environnement et disposant dune longue exprience oprationnelle.En sus des oprations de gurilla, les forces franaises doivent faire face des modes opratoires asymtriques : attentats suicides, bombes et plusparticulirement engins explosifs improviss (Improvised Explosive

    Devices, IED).

    Dans des conditions dengagement qui diffrent des combats dehaute intensit ou des oprations extrieures habituelles menes enAfrique, larme franaise doit adapter sa doctrine, mais aussi sesquipements aux modalits du conflit, au terrain et aux menacesauxquelles elle est confronte. Depuis 2006, de nombreux Achats enurgence oprationnelle (AUO) ont t lancs pour quiper les forces dematriels mieux adapts ou rpondant des menaces qui navaient past prises en compte avant larrive sur le thtre dopration afghan. CesAUO ont port en grande partie sur des quipements de lutte contre les

    IED, mais aussi sur le renforcement de linteroprabilit entre larmefranaise et ses allis1. Larme de Terre est particulirement concerne,puisquelle constitue la majorit des soldats engags sur le terrain, maislarme de lAir et la Marine ont elles aussi d procder des AUO.

    Daucuns nont pas hsit parler dun chec de laprogrammation 2, suite lincapacit des armes prvoir et disposer dumatriel ncessaire pour leurs engagements en oprations extrieures. Defait, la menace des IED nest pas inconnue lorsquen 2006 la Francesengage de manire plus pousse en Afghanistan. Les Britanniques et lesAmricains ont dcouvert cette nouvelle menace en Irak depuis 2003 etdclench des programmes importants dachats en urgence oprationnelle.

    Toutefois, il sagit moins ici de pointer des insuffisances que decomprendre leurs origines, en sinterrogeant sur ladquation entre lesystme actuel dacquisition de matriels et la ncessit de fourniturerapide suscite par lurgence oprationnelle. Les AUO mettent en lumire

    1 Voir annexe 3 : liste des AUO lancs depuis 2006.2 Entretiens avec des industriels et anciens officiers. Le prsident de laCommission de la dfense nationale et des forces armes de lAssembleNationale, Guy Teissier interrogeait le CEMAT lors dune audition le 15 octobre2008 sur le fait que larme de Terre a probablement prouv en amont des

    difficults pour valuer prcisment ses besoins pour le combat hauteintensit .

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    un certain nombre de problmes dadaptation des mcanismes dachatsdarmements. Si elles conviennent pour une programmation longue visantla conception et lachat darmements dans le cadre de la planification, avecdes garanties sur lintgration des nouveaux matriels et le souci de lacohrence du parc des quipements en service, les procdures depassation des marchs darmements prsentent en revanche une lourdeurpeu compatible avec une situation durgence.

    Limportance croissante des AUO met en exergue un problmestructurel affectant les entits charges de recueillir le besoin oprationnel en volution rapide et de le retranscrire dans une procdure rapide devalidation et dachat du matriel requis. Elle impose notamment de crerdes processus et des structures permettant un cycle dintgration plusrapide, et donc plus adapt une situation de guerre.

    Aprs avoir rappel tout dabord le contexte qui est lorigine desprocdures darmement actuelles, cette tude tente de mettre en videnceles lourdeurs et les rigidits de ces procdures ds lors quelles sontconfrontes aux achats en urgence oprationnelle induits par lesengagements militaires daujourdhui. Elle plaide en consquence pour desprocdures plus fluides permettant de dgager des synergies et une plusgrande ractivit face aux situations durgence oprationnelle.

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    Lhritage de la guerre froide :grandeur et indpendance

    par les armements

    a programmation en matire darmement vise rpondre uneincertitude quant ladquation des matriels aux conflits futurs.

    Toutefois, jusqu une date rcente, le cadre conceptuel de laprogrammation a t fauss par deux effets convergents : dune part, laconfrontation de guerre froide entre lOTAN et le Pacte de Varsovie, quia conduit une programmation de matriels conventionnels dontlengagement demeurait virtuel ; de lautre, la politique darmement dela Vme Rpublique, qui a donn la priorit la dissuasion et aux grandsprogrammes destins la soutenir. Il est donc ncessaire de comprendrecet hritage pour saisir les difficults actuelles de la programmation.

    Lincertitude en matire de programmation darmements

    La prparation des forces en temps de paix et pour des missions a prioridfensives entrane inluctablement linadaptation au moins partielle deleur matriel des situations imprvues. Lincertitude demeure lun desfacteurs les plus difficiles cerner pour les dcideurs politiques et militairesdans la prparation la guerre3. Comme le souligne Michael Fitzsimmons, un excs de confiance dans la prdiction peut conduire une bonneprparation pour le mauvais futur , limage de la ligne Maginot, maisun rejet en bloc de la prdiction peut conduire un stratge rpartir sesressources de manire trop disperse. En cherchant la flexibilit, il finit parntre bien prpar rien. Un compromis naturel est donc de construire desstratgies pouvant conserver leur pertinence dans les nombreux scnariosenvisageables, mais demeurant adaptes aux dfis poss par les

    scnarios les plus plausibles 4

    . Outre la probabilit doccurrence desrisques, il faut galement prendre en compte leur importance, et ainsi nepas ngliger des menaces peu probables mais dimensionnantes.

    Les responsables militaires sefforcent donc danalyser lesmenaces, leur volution prvisible, et de dfinir des systmes darmes quipermettront de rpondre la plupart des situations, si possible endisposant dun matriel dont les performances surclasseront celles delennemi. La prparation de lavenir par la programmation vise laborer

    3 Voir Vincent Desportes, Dcider dans lincertitude, Paris, Economica, 2004 ;

    Michael Fitzsimmons, The Problem of Uncertainty in Strategic Planning ,Survival,vol. 48, n4, hiver 2006-07, p. 131-146.4 Michael Fitzsimmons, op. cit., p. 131.

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    une stratgie dacquisition de matriels qui, par dfinition, ne seront pasparfaitement adapts la mission prcise quils devront remplir lorsquilsseront engags sur le terrain, mais qui permettront de rpondre au spectrele plus large de missions et de menaces. La programmation rsulte aussi

    de la volont dindpendance en matire dapprovisionnement enarmements et implique dentretenir et de soutenir une Base industrielle ettechnologique de dfense (BITD).

    Nanmoins, si lon se focalise sur la question de ladaptationparfaite du matriel la menace, un raisonnement extrme peut conduire estimer quil faut attendre larrive sur le thtre dopration et les premiersengagements pour savoir prcisment quel matriel est parfaitementadapt au besoin. Cette solution hypothtique nest bien entendu pastenable, mais elle a des implications concrtes pour les rflexions actuellessur les achats darmements : doit-on rester sur une logique de

    programmation et danticipation des menaces, au risque de ne pasdisposer des matriels les plus adapts au thtre dopration le momentvenu ? Ou doit-on procder uniquement des achats de dernire minute,sur tagre, de matriels parfaitement adquats aux conditionsparticulires dun thtre dopration ? Cette dernire option, adopte parcertains pays comme le Canada, consiste acheter le matriel ncessaireaux forces armes lorsquun engagement est dcid ; la faiblesse de cettedmarche tient entre autres ce quelle prend pour acquis que le matrielexistera sur tagre, sera rapidement disponible et que cette solutionnentranera pas de problme de dpendance ou dinscuritdapprovisionnement.

    La situation de la guerre froide a constitu de ce point de vue uneexception intressante, puisquil sest agi dune confrontation stratgique detype grande guerre industrielle , limage des deux guerres mondiales,mais qui na pas dbouch pas sur un conflit ouvert, du moins sur le thtreprincipal que reprsentait lEurope occidentale. Les forces armes desdeux blocs connaissaient parfaitement le type daffrontement, le thtredopration et mme les capacits de ladversaire, et pouvaient sy prparerle mieux possible, entranant une course aux armements et laperformance. Parlant de la guerre froide, Rupert Smith5 souligne quelpoint la construction idologique, militaire et industrielle de lpoqueconstitue le fondement de la structuration actuelle des forces armes et desentits charges de fournir les armements aux armes occidentales : cest souvent le cas lors de longues confrontations, les dcenniespassaient de part et dautre, suivant la logique de la dissuasion etcherchant mettre en vidence un dsquilibre entre les deux camps, et,le trouvant, dvelopper un nouvel armement ou une nouvelle posture dedploiement afin de retrouver lquilibre. Les industries de guerre, quellesfussent dans lconomie dirige de lEst ou dans le systme capitaliste delOuest, sen trouvrent bien : les systmes militaires fournissaient delemploi et stimulaient les pays, les industries de dfense fleurissaientcomme les centres universitaires ou de recherche qui fournissaient la

    5 Rupert Smith, Lutilit de la Force : lart de la guerre aujourdhui, Paris,Economica, 2007.

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    technologie et irriguaient toutes les parties de lconomie militaire quicroissait de bon cur .6

    Lge dor de larmement franais , 1960-1990

    En France, la politique darmement et les structures mandates pour laformuler et la conduire ont t conues au dbut des annes 1960, souslimpulsion du gnral de Gaulle. Les armements et au premier rang ceuxpermettant dassurer la dissuasion nuclaire sinscrivent parfaitementdans la politique de grandeur et dindpendance nationale : ils constituentlun des fers de lance du Colbertisme High Tech 7 promu par lesdirigeants de la Vme Rpublique pour moderniser lconomie et lindustriefranaise.

    La cration de la Dlgation ministrielle pour larmement (DMA), le

    5 avril 1961, puis sa transformation en Dlgation gnrale pourlarmement (DGA) vise ainsi mettre en uvre la planification et laprogrammation budgtaire destines grer de grands programmesdinvestissement en matire darmement. Comme laffirme lancien Dlgugnral pour larmement Yves Gleizes, la DGA est dabord conue pourmener le dveloppement de la dissuasion : au service de la politique descurit et dindpendance franaise, fonde sur une force de dissuasionnuclaire, la DGA dveloppe ou fait dvelopper les systmes darmesnuclaires et les vecteurs associs 8. La cration dune entit jouantlinterface entre militaires et industriels, appuye sur un corps dEtat lesingnieurs de larmement va permettre, durant les trois dcennies de lge dor de larmement la franaise , de mettre en uvre la politique

    de grands programmes ncessaires la dissuasion : ogives nuclaires,sous-marins nuclaires lanceurs dengins (SNLE), missiles balistiques,avions de combat Mirage et Rafale. La dissuasion est nettement prioritairedans le budget dquipement des armes, daprs les chiffres rappels parJean Rannou9 : () la moiti des crdits dquipements pendant plus dedix ans, le temps de construire loutil industriel et les grandesinfrastructures ; le chiffre sest ensuite stabilis autour de 33% pendantprs de vingt-cinq ans, avant de dcrotre vers 20% aprs les rductionsdes forces des annes 1990 . Le socle institutionnel et technologiquedestin la dissuasion a ainsi t cr cette poque : Commissariat lnergie atomique (CEA), Direction des constructions navales (DCN) pourla construction des SNLE, industrie de la propulsion nuclaire et des

    missiles balistiques, industrie aronautique, industrie des communications,centres dessais.

    La programmation sarc-boute sur une structure industrielle destine assurer en priorit la dissuasion, mais aussi dvelopper paralllement

    6Ibid., p. 188.7 Elie Cohen, Le Colbertisme High-Tech , Economie des Telecom et du grandprojet,Paris, Hachette, 1992.8 Yves Gleizes, De la cration de la DGA lmergence dune Europe de laDfense, 40 ans dvolutions des relations entre lEtat et lindustrie aronautique et

    de dfense , Dfense nationale et scurit collective, n62001, p.35.9 Jean Rannou, La transformation du systme de dfense : la problmatique desquipements , Politique trangre, n4, 2007, p. 761.

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    des armements conventionnels trs intensifs en technologie : cettepolitique dexcellence technologique implique de disposer dune baseindustrielle performante et de trs haute technologie 10. Or, la doublemission de la DGA savre parfois contradictoire, puisquil lui faut assurer la

    fourniture des armements destins aux forces armes et en parallle grerlindustrie darmement, largement sous contrle de lEtat par le biais desarsenaux et des entreprises nationalises. Ces deux faces la Janus de la DGA ont souvent conduit des dcisions favorisant en partie juste titre la prservation des comptences et des emplois dans lindustriedarmement nationale, afin dassurer la scurit dapprovisionnement,lindpendance technologique et la sauvegarde des capacits industriellesnationales. Les oprations darmement ont t et demeurent fortementconditionnes par limportance du facteur conomique, cest--dire desemplois dans le secteur de lindustrie de Dfense : 165 000 emplois directs,et autant demplois indirects11, auxquels sajoute limportance du soutien la BITD afin de disposer dune autonomie dapprovisionnement en

    matriels et armements dans lavenir. Aujourdhui encore, il demeuredifficile dacheter des matriels ailleurs quen France, matriels quinauraient donc pas t penss pour le besoin spcifique des forcesarmes franaises12.

    Comme le souligne cependant Jean Rannou, ce processus[capacitaire], qui avait pourtant donn satisfaction pour la mise sur pied desforces nuclaires, na pas t appliqu pour les forces classiques 13. Lesforces classiques ont partiellement fait les frais de la priorit accorde ladissuasion, qui sest traduite par un certain retard en termes dedveloppement et dachat darmements conventionnels pourtant

    ncessaires pour pauler la dissuasion et contrer la menace du Pacte deVarsovie14. Permettant un fort affichage technologique et politique, ladissuasion et les grands programmes ont relgu au second plan lafourniture des autres armements: ainsi, cest seulement une fois assurecette mission dindpendance politique et technologique que le champdaction [de la DGA] stend lensemble des armements classiques afinde remplacer le matriel, souvent dorigine amricaine, acquis la sortie dela Seconde Guerre mondiale 15. Laffrontement classique avec les forcesdu Pacte de Varsovie tant la fois prvisible et virtuel, lachatdarmements conventionnels est en outre affranchi de tout caractredurgence oprationnelle et peut donc tre envisag dans le cadre dune

    10 Gleizes, op. cit.,p. 3511

    Dfense et Scurit nationale ; Le Livre Blanc, Paris, Odile Jacob - Ladocumentation franaise, 2008, p. 262.12 Source : entretien au Ministre de la Dfense.13 Rannou, op.cit., p. 765.14 Ces armements ntaient pas censs tre immdiatement utiliss : aucuneurgence ne pesait sur eux pour disposer immdiatement du meilleur matriel. En1991, les forces terrestres dployes dans lopration Daguet en Irak avaientbnfici dimportants achats en urgence oprationnelle, en particulier pouramliorer leur protection NBC. Ce qui laisse entendre quelles ntaient pas prtespour un affrontement dans ces conditions en cas de dclenchement dun conflit

    arm avec les forces du Pacte de Varsovie en Europe. Entretien avec un industriel,ancien officier de larme de Terre.15 Gleizes, op. cit.,p. 35.

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    programmation de moyen ou long terme intgrant dans la dure lvolutiondes technologies.

    La remise en cause des annes 1990

    Les annes 1990 ont remis en cause ce modle de politique darmement,sous le coup de facteurs endognes et exognes : si ces pratiques ontcommenc tre mises en cause partir de la guerre du Golfe, lorsque lesforces se sont retrouves sur le terrain avec des quipements inadaptsaux missions, linertie du systme a longtemps retard leschangements 16. Au plan interne, il a t reproch la DGA sa gestionlourde de la programmation, qui entrane des surcots et limpossibilitdadapter ou dabandonner des programmes darmements inadquats parrapport aux nouveaux besoins des armes. Lvolution rapide destechnologies ajoute encore ce surcot en suscitant lobsolescenceprcoce des solutions technologiques initialement retenues. Prenant

    lexemple du char Leclerc, labellis meilleur char du monde la pointede la technologie, William Genieys souligne que le choix de crer unsystme darmes numris entrane directement les difficults rencontrespar ce programme : les innovations quasi-structurelles dans le domainedu numrique font que le programme se trouve pig par sa propre logiquedu meilleur produit technologique dans la mesure o il sappuie sur undomaine faiblement stabilis 17. Aujourdhui encore, les entits chargesdes acquisitions peinent grer des programmes longs face au rythmeacclr de linnovation technologique : les dispositifs de pilotagetatique privilgient la protection des intrts nationaux au dtriment delefficacit conomique. Les contraintes politiques et budgtaires nationalesgnrent de frquentes remises en cause de programmes en coopration,entranant retards et surcots 18. En outre, les investissements lourdsinitialement consentis pour la recherche et le dveloppement induisentaussi des luttes bureaucratiques pour prserver des programmes phares :selon une dclaration typique des ingnieurs de larmement rapporte parWilliam Genieys, on narrte pas un programme darmement 19 ! Au planexterne, la fin de la guerre froide, la privatisation des firmes darmements etson corollaire, la fin des arsenaux, enfin la baisse de la demande sur lesmarchs dexportation et les contraintes budgtaires ont brutalementconfront ses limites le modle dexcellence technologique etdindpendance nationale de la politique franaise darmement.

    Cette structuration militaire, industrielle et stratgique demeure unhritage dont il est difficile de saffranchir aisment : la confrontation de laguerre froide stait effondre, mais ses structures militaires taientlaisses en hritage : les organisations et les armes que nous possdonsaujourdhui sont issues de la ncessit de prparer la guerre totale et dedissuader efficacement. () Or, les forces organises et armes dans cetteperspective sont, en majorit, celles que nous devons utiliser prsent auquotidien. Il navait jamais t prvu quelles puissent tre employes dans

    16 Rannou, op.cit.,p. 765.17 William Genieys (dir.), Le choix des armes. Thories, acteurs et politiques,

    CNRS Editions, Paris, 2004, p. 92.18 Gleizes, op. cit.19 Genieys, op.cit.,p. 91.

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    des conflits non industriels mais en fait, ce sont ceux dans lesquels laplupart des hommes, et si ncessaire, des quipements furentimpliqus 20.

    Les oprations en Afghanistan ne font que rvler davantagelinadaptation des matriels des missions pour lesquelles ils nont pas tprvus, savoir des guerres au sein des populations pour reprendrele nouveau paradigme nonc par Rupert Smith et autres oprations decontre-gurilla, profondment diffrentes des conflits intertatiques maisparfois tout aussi violentes dans certaines de leurs modalits : dsormaisen mesure dacqurir rapidement, parfois sur tagre des capacitssusceptibles de mettre en pril la supriorit oprationnelle de nos forcesdans des domaines sensibles (), nos adversaires tentent, souvent avecsuccs, dchapper au pige de lasymtrie dans lequel les enferme notresupriorit technologique et tactique 21. Deux rponses immdiates sont

    par consquent mises en place par les armes : ladaptation des matrielsen dotation de nouvelles missions et lachat en urgence dquipementsnouveaux, afin de pallier les invitables manques.

    20 Smith, op.cit.,p. 192-193.21Ibid.

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    Lourdeur et rigiditdes oprations darmement

    es achats en urgence oprationnelle effectus par les armesfranaises depuis 2006 sinscrivent dans le contexte particulier du

    systme national dachats darmements, qui a subi rcemment plusieursrformes importantes. Les oprations darmements rpondent uneprocdure mticuleuse, appliquant le code des marchs publics avec unecertaine rigidit, sans doute justifie pour des programmes longs etcoteux, mais peu compatible avec lurgence oprationnelle.

    Expression et validation du besoin

    Les achats darmements ont fait lobjet dune rforme importante, entrinepar plusieurs dcrets en 2005, et qui a vu la responsabilit de laplanification des achats darmements passer des tats-majors darmes(tat-major de larme de Terre EMAT, tat-major de la Marine EMM,tat-major de larme de lAir EMAA) ltat-major des Armes (EMA).

    Les Dcrets de 2005 font du Chef dtat-major des Armes (CEMA) et de laDGA les responsables de la politique dacquisition du Ministre de laDfense22.

    Avant 2005, les chefs dtat-major des Armes dcidaient duneacquisition, selon les rgles du code des marchs publics. Au terme dunecomptition interarmes pour lobtention de crdits, chaque armedisposait de son budget, et le chef dtat-major tait responsable de saventilation dans la planification des achats darmements. Dans le casdurgences oprationnelles, les besoins du terrain remontaient la chanehirarchique jusquau chef dtat-major de larme de Terre (CEMAT) parexemple, qui pouvait valider un achat sur son budget quipement . Dans

    ce cadre, les petits programmes permettaient des amliorations mineuresgrce des acquisitions dquipements trs limites, de lordre dequelques milliers deuros, aisment finanables par le volant de ressourcesdisponibles, ou au prix dun report dautres acquisitions moins urgentes.Aprs les travaux de la VAR (Variation annuelle du rfrentiel), le chefdtat-major disposait encore dun volant de ressources utilisables dans lecadre du Titre V. Si larme de Terre estimait quun besoin devait tre

    22 Cf. annexe 1. A cet gard, on assisterait une reprise de pouvoir des militairessur les procdures dacquisition darmements. Voir Catherine Hoeffler, Les

    rformes des systmes dacquisition darmement en France et en Allemagne : unretour paradoxal des militaires ? , Revue internationale de politique compare,vol. 15, n1, 2008, p. 133-150.

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    satisfait, elle disposait des ressources financires pour acheter lesmatriels adquats.

    Dornavant, la responsabilit de la programmation et de lacohrence des choix dquipements relve du CEMA : il est responsablede la prparation et de l'emploi des forces, de la cohrence capacitaire desoprations d'armement et des relations internationales militaires. Il estgalement responsable, en liaison avec le dlgu gnral pour l'armementet le secrtaire gnral pour l'administration, de l'laboration des travaux deplanification et de programmation (Dcret n 2005-520 du 21 mai 2005,article 1). LEMA tudie la validit du besoin, son urgence et sa lgitimit.Concrtement, au sein de lEMA, le collge des Officiers de cohrenceoprationnelle (OCO) est responsable des choix dquipements, en lienavec leurs correspondants la DGA, les Architectes de systmes de forces(ASF). Les OCO sont particulirement sensibles aux consquences des

    AUO par rapport la programmation, en particulier lorsquils risquentdinduire des ruptures capacitaires. Ils ont plus spcialement pour missionde veiller labsorption des chocs et des alas de financement.

    Afin de favoriser lexpression et la validation du besoin des armes,des mesures sont mises en uvre pour structurer de manire plussystmatique le retour dexprience (Retex) technique en partant desutilisateurs. LEMAT a ainsi dvelopp le concept d adaptation ractive ,en faisant du Centre de doctrine demploi des forces (CDEF) le point focaldu Retex technique, charg de centraliser tous les besoins en urgence etdintgrer les retours dexprience des thtres doprations. Formalis en2007, ce concept d adaptation ractive vise formaliser une opration

    darmement globale qui respecte les critres du code des marchs publics,tout en permettant de rpondre un besoin urgent. Il est ainsi possibledacheter rapidement un matriel aux caractristiques connues, si possible sur tagre , disponible auprs dun fournisseur et ne ncessitantquune adaptation lgre ; cette procdure exclut expressment laconception ex nihilodun nouveau matriel, eu gard aux dlais impliqus.Pour ce faire, le Bureau programme et systmes darmes de lEMATconstitue une quipe pluridisciplinaire charge de suivre les oprationsdarmement et dont le secrtariat est assur par le CDEF23. Cette quipe apour objectif de recueillir le besoin et de dfinir les priorits des oprationsdarmement, en fonction de critres tels que lurgence, la valeuroprationnelle, le cot pressenti, limportance pour combler les lacunesidentifies... Aprs avoir apport une aide la dcision en proposant dessolutions techniques et une estimation du cot, cette quipe pilote laralisation de lopration.

    Comme le soulignent justement Jean-Marc Brulez et Maurice deLanglois, cette phase de dfinition du besoin est un travail progressif, par

    23 Y participent aussi le CFT, le CFLT, le Commandement de la formation delarme de Terre (CoFAT), la STAT, la DCMAT et la Direction centrale ducommissariat de l'arme de Terre (DCCAT). En tant que de besoin, cette quipesollicite aussi lexpertise de la DGA, de ltat-major des Armes (EMA), de la

    SIMMAD et dautres services. A elle seule, cette liste illustre bien lparpillementdes structures impliques un titre ou un autre dans le Retex technique, leur relatifcloisonnement et donc la difficult de coordination de leur action.

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    itrations, qui repose sur un dialogue permanent, efficace et continu entreoprationnels et ingnieurs. [] Cette collgialit est lassurance de laconduite dune bonne analyse capacitaire au cours du stade deprparation 24. Elle fait lobjet de nombreuses tudes caractre technico-

    oprationnel et exploratoire. Pour autant, ce travail est difficile mener demanire approfondie sil y a urgence, moins que des tudes djralises permettent dacclrer la procdure dachat proprement dite dsque lurgence apparat et que la dcision de lancer lopration darmementest prise. Si lexpression du besoin doit tre stabilise , Brulez etLanglois reconnaissent avec force prcaution quil est lgitime delaisser entrouverte la possibilit, mesure et matrise, de prendre encompte des volutions dues notamment au retour dexprience. A ce titre,des efforts de ractivit sont entrepris pour diminuer les cycles et rpondreplus efficacement aux urgences oprationnelles 25.

    Aprs la dfinition et la validation du besoin par lEMA, loprationproprement dite dachat darmements fait elle aussi lobjet de procdurescomplexes.

    Les rigidits des marchs publics darmements

    Au cur de ces oprations dacquisition se trouve la procdure dachat,gre par la Direction des achats de la DGA, qui se place mi-cheminentre la dfinition des besoins oprationnels par les armes et la ralisationdes marchs conclus26. Deux procdures de passation de march sontprincipalement utilises : la procdure ngocie avec concurrence etpublicit ; et la procdure de gr gr (cf. schma p.17). Le type de

    procdure dachat dpend du projet dachat et du march. La rgle veutque la Direction des achats soit tenue dappliquer les procdures dappeldoffre avec appel la concurrence, en respectant trois principes : galitde traitement, transparence, cot le plus juste.

    La procdure par appel doffre est longue 11 mois officiellement,plutt 12 14 en pratique car elle implique plusieurs tours dengociations et surtout des contrles rcurrents. Lensemble de cesprocdures vise en effet appliquer le code des marchs public et sassurer que les achats darmements respectent, dans le cadre de cetterglementation, un certain nombre de critres fondamentaux comme laconcurrence et la transparence dans la passation des marchs, et ce afindviter toute corruption et toute contestation, tout en obtenant un juste prix.

    Aprs lexpression dun besoin par les tats-majors darmes, et saformalisation par une Fiche de caractristiques militaires valide par lEMA,

    24Jean-Marc Brulez et Maurice De Langlois, La ralisation du besoinoprationnel , Dfense nationale et scurit collective, hors-srie, octobre 2008,p. 42-50.25Ibid.26 Pour les questions de matrise des cots et de choix de types de contrats, voirnotamment Jean-Michel Oudot, Risques et performance des contrats

    darmement , Dfense nationale et scurit collective, n2, 2008, p. 132-140 ; Choix du type de contrat et performance : le cas des marchs publics dedfense , Economie publique, n2, 2007, p. 157-182.

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    la DGA rdige de son ct un document de caractristiques techniquespuis, en lien avec lEMA, un cahier des charges technique, avant deprocder lAvis dappel public concurrence (AAPC) 27. Suit un processusfaisant intervenir les diffrents services et commissions ad hoc, qui

    doublonnent lensemble du processus, avec le souci constantdappliquer rigoureusement le code des marchs publics et ainsi deprotger linstitution contre dventuelles contestations du march :

    Les Commissions Internes de Contrat procdent des relectures etvalidations chaque tape de la procdure ;

    dans le mme souci de surprotection juridique est prvue unesparation supplmentaire entre la Direction des achats et unservice distinct qui rceptionne mais nouvre pas les offresenvoyes par les candidats (Service Centralis des Achats) ;

    des commissions ad hoc, les Commission douverture descandidatures (COC), procdent uniquement louverturesimultane de toutes les candidatures ;

    toujours afin de prserver lgalit de traitement entre lesconcurrents, la DGA envoie une lettre validant la candidature ousollicitant des informations complmentaires auprs de tous lescandidats, mme ceux dont le dossier ne ncessite pas decomplment dinformation.

    Linstance finale, la Commission dappel doffre, a elle aussi un rlede vrification du respect du code des marchs publics. Cette commissionest compose des membres des Commissions internes de contrat (CIC) etde la Direction gnrale de la concurrence, de la consommation et de larpression des fraudes. Cette dernire sige ponctuellement au sein de lacommission dappel doffre afin de vrifier le respect des rgles deconcurrence : elle examine les notifications initiales, lvolution despropositions des industriels durant les ngociations et la notation finale. Lacommission procde un contrle et une validation des rsultats de laprocdure de slection et entrine le choix du titulaire du march.

    Les industriels doivent justifier des capacits demandes dans

    lAAPC pour raliser le march et prciser lorganisation industrielleenvisage (notamment la sous-traitance), ainsi que les habilitations desentreprises impliques par exemple les locaux prvus pour raliser lesprestations, qui doivent rpondre un dossier daptitude en matire descurit. Cette dernire condition peut en particulier poser problme silindustriel candidat fait appel des sous-traitants, eux-mmes non-habilits. Dans le cadre du Dcret Dfense, des possibilits de changementdorganisation industrielle sont autorises entre la candidature et loffre :regroupement de concurrents, sous-traitance, etc. Hors du cadre du Dcret

    27 LAAPC est envoy au Bulletin officiel des avis de marchs publics, uniquement,

    dans le cadre de la rglementation du Dcret Dfense, voire au Journal Officiel delUnion europenne, dans le cadre dune ouverture plus large la concurrence,hors Dcret Dfense.

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    Dfense, pour des appels doffre ouverts une concurrence europenneou extra-europenne, lorganisation industrielle propose dans lacte decandidature ne peut tre modifie : des industriels trangers intgrs audernier moment dans lorganisation industrielle dune candidature risquent

    de ne pas pouvoir justifier dune habilitation de scurit pour participer unprogramme darmement du Ministre de la Dfense.

    Schma 1 :Procdure dachat darmements, avec ouverture la concurrence et

    publicit (en pointill : procdure de gr gr)

    La notation des candidatures par la CIC 2 reflte les critresessentiels aux yeux de la DGA : 50-55% sur les aspects techniques, 30-40% sur le prix et environ 10% sur le dlai28. Ces critres sontcaractristiques dun systme dachat sans urgence , o la priorit estofficiellement donne lobtention dun juste prix et la satisfaction descaractristiques techniques du matriel envisag lachat, en vue derpondre aux demandes des oprationnels29. Seul le cot lachat est pris

    28

    Source : entretien au Ministre de la Dfense.29 Il est rare quil y ait un cart trs important entre les candidats sur le plantechnique ; en revanche, le prix peut varier du simple au double. Si un industriel

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    en compte lors de lappel doffre, puisque les cots dentretien fontseulement lobjet dune demande destimation et que celle-ci nest jamaisdterminante pour la dcision dachat. Ce biais nest pas sans poserproblme face au cot croissant des pices dtaches et services de

    maintien en condition oprationnelle pour les matriels modernes, lesquipements lectroniques notamment.

    En pratique, le critre dterminant demeure le prix lachat avancpar lindustriel candidat : face un matriel correspondant parfaitement auxdemandes des oprationnels voire dj en service, les autoritsdcisionnaires privilgieront un matriel moins cher lachat, quitte crerun parc htrogne pour les armes, qui devront intgrer un matrieldiffrent de celui achet auparavant. En rgle gnrale, le passage par le litde Procuste du code des marchs publics impose un achat en fonction duprix lachat30, qui nintgre pas les conomies dchelle susceptibles

    dtre ralises par lachat de matriels identiques (et le cot de sriesdisparates), sans parler de lintrt oprationnel de disposer des mmesmatriels pour toutes les units : facilit dintgration, dinteroprabilit,moindre cot de qualification et de formation31. Ce problme se poseparticulirement pour les achats de micro-parcs acquis en AUO : lesarmes peinent complter les mini-sries achetes en AUO par desmatriels similaires. Des ordres de services ou des avenants peuvent treadjoints un contrat initial, pour rachat dquipements manquants commepour tous les actes qui se rapportent ce contrat initial, mais mme cespossibilits sont difficiles appliquer face au risque de dlit defavoritisme32.

    La procdure de gr gr est possible, mais elle sinscrit tellementen contradiction avec la logique de respect des principes du code desmarchs publics louverture la concurrence en particulier quelle nestque trs rarement utilise par la DGA, qui la rserve aux cas o il nexistequun seul producteur avr pour un produit trs spcifique. Dans le cadredune procdure de gr gr, le contexte technologique et contractuel estdavantage tudi, puisquil nest fait appel qu un seul industriel. Enpratique, les procdures de gr gr et les avenants un contrat djsign sont plus rapides que la procdure avec publicit et ouverture concurrence, de lordre de 6 7 mois. Pour acclrer cette procdure, ilserait envisag de fusionner le prsident de la CIC et lautorit signatairedes marchs, car le prsident de la CIC est dj pleinement au fait dudossier.

    La longueur des procdures, en particulier tout le travail devrification des dossiers par les CIC, reflte le souci constant de seprotger juridiquement face au risque daccusation dappel doffre biais en

    essaie de casser les prix en proposant un prix manifestement trop faible parrapport la concurrence, la DGA peut refuser la proposition. La diffrence de prixpeut rsulter de la R&D en interne ; les PME sont gnralement moins chres queles grands groupes. Source : entretiens au ministre de la Dfense.30 Source : entretiens au ministre de la Dfense et auprs dindustriels.31

    Source : entretiens au ministre de la Dfense et auprs dindustriels.32 Jean-Michel Oudot, La passation des marchs publics de dfense , Dfensenationale et scurit collective,hors-srie, 2008, p. 78.

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    faveur dun des candidats : certains industriels peuvent se montreragressifs pour savoir pourquoi ils ont perdu un march et entamer uneprocdure judiciaire lencontre de la DGA, avec pour consquence decasser le march et de retarder durablement la livraison33. Lesprit qui

    prside lensemble de la dmarche dachat par la DGA est donc lerespect du code des marchs publics et ce au-del des exigencesminimales du code, en vrifiant et sur-vrifiant toutes les tapes duprocessus. Ces tapes et dmarches supplmentaires rajoutent des dlaiset des lourdeurs administratives une procdure dj trs complexe etdifficilement compatible avec les ncessits dune urgence oprationnelle,notamment en termes de dlais de satisfaction du besoin exprim par lesarmes. Une procdure spcifique simplifie est donc prvue pour lesAUO, respectant les principes du code des marchs publics maispermettant de raccourcir les dlais de contractualisation (cf. schma p.20).

    Achats en urgence : optimiser lopportunit et les dlaisLe lancement dune procdure dacquisition en urgence oprationnelle(UO) vise fournir le plus rapidement possible aux forces dployes sur lesthtres doprations les quipements nouveaux ou les complmentsdquipement dj en service (adaptation, amlioration) qui permettront decombler les lacunes capacitaires dment constates. Les dlaisdacquisition, compatibles avec le caractre durgence oprationnelle,dpendent toutefois de ce qui existe sur le march, des contraintes defabrication et de la maturit des technologies. En outre, et comme toutesles procdures dachat par la puissance publique, cette procdure sinscriten France dans le cadre du code des marchs publics, ce qui impose uncertain nombre de contraintes, particulirement perceptibles dans le casdune procdure en urgence.

    Plusieurs critres doivent tre remplis pour pouvoir recourir uneprocdure dachat en urgence oprationnelle : lurgence du besoin doit trevalide, lvnement justifiant cette urgence doit tre imprvu et ne peuttre le fait des pouvoirs publics. Dans tous les cas, du point de vue de laDirection des Achats de la DGA, la procdure dachat en urgenceoprationnelle ne peut tre lance que par un courrier manant de lEMA,expliquant les causes de lurgence. La procdure dachat en urgencerespecte les critres de concurrence mais adapte certaines modalits delappel doffre, puisquelle implique des dlais rduits de publication et de

    rponse lappel doffre, un prix provisoire plafond et une publicitpralable non obligatoire. Ayant souscrit un contrat cadre avec un nombrerestreint dindustriels titulaires, la DGA peut prparer lavance des bonsde commande sans montant minimum ou maximum, qui permettront en casdurgence dactiver plus rapidement la ralisation du march.

    Le Dcret Spcifique Dfense permet de rduire les dlais decontractualisation en autorisant un change de lettres entre la DGA etlindustriel, si les dlais sont trop courts pour la formalisation normale ducontrat. La DGA et lindustriel doivent cependant sengager sur un

    33

    Voir Laurent-Xavier Simonel, Pour une refondation du rglement du diffrentn du march public de dfense , Dfense nationale et scurit collective,hors-srie, 2008, p. 195-208.

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    calendrier de ralisation du contrat et sur la notification du march dans undlai maximum de trois mois.

    Au total, entre lexpression et la livraison des matriels sur le terrain,lensemble de la procdure dure au minimum 8 mois. Certaines phases desprocdures dachats sont en effet incompressibles : la qualification et laformation notamment, en vue de disposer du personnel capable de formeret dentraner ensuite les servants et mcaniciens appels utiliser cesnouveaux matriels. Outre ces phases ralises au cours de la procduredachat en urgence oprationnelle, les armes doivent mettre en place lesprocdures et moyens ncessaires pour que les premiers servants,techniciens et militaires forms par lindustriel fournisseur, puissent assurerensuite la formation et lentranement de la relve qui prendra en main lematriel la premire rotation des effectifs.

    Schma 2 :Procdure dachat darmements en urgence oprationnelle

    La rapidit de livraison par rapport au besoin exprim suppose quelindustriel engage rapidement des moyens humains et matriels pour

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    raliser ce contrat. Ces ressources humaines, financires et techniquessont prleves sur dautres programmes en cours et induisent donc desretards dans la livraison de matriels prvus dans le cadre de laprogrammation ordinaire des achats des armes. La contrainte de temps

    se traduit par un fort intrt de lindustriel monnayer la ralisation ducontrat dans des conditions durgence. Les AUO ont donc gnralement uncot lev, moins que lachat ne seffectue sur tagre ou ne sagrge une commande plus large dj prvue par un pays alli. En sens inverse,lindustriel retenu doit aussi assurer dans les meilleures conditions laproduction sous contrainte de lAUO, afin de dmontrer sa ractivit et safiabilit en tant que fournisseur des armes. Grce un AUO, un industrielpeut galement esprer poser une forte option sur un march futur visant gnraliser le matriel achet en urgence. Au-del de lintrt court termede lopration dachat, un AUO reprsente donc un enjeu important pourlindustriel quil sagisse dimage ou de stratgie concurrentielle34.

    Lopration densemble CARAPE

    Les limites des AUO ont incit lEMA, les tats-majors darmes et la DGA tester de nouvelles procdures dacquisition des quipements, visant viter les cueils de lurgence non matrise et sortir dune logiquedachat au coup par coup, coteuse et contraignante. Des oprationsdensemble darmement, regroupant lachat de matriels rpondant unbesoin global identifi, sont mises en uvre et permettent une adaptationplus souple des besoins et des achats en matriels en fonction des retoursdexprience du terrain. Lopration densemble CARAPE a ainsi t creen 2007 pour rpondre la menace croissante des IED sur les thtresdoprations afghan et libanais.

    Lacronyme CARAPE signifie Capacit de raction etdanticipation pour la protection contre les engins explosifs improviss .Face cette nouvelle menace, des achats en urgence de brouilleurs et desurprotections ont t raliss au dbut des annes 2000. CARAPE avoulu apporter une rponse globale cette menace : il sest agi dune partde satisfaire les besoins prsents, en coordonnant les achats en urgenceoprationnelle en cours et en les formalisant a posterioridans le cadre delInstruction IM151435 ; dautre part de rpondre aux besoins futurs, ensefforant danticiper le dveloppement et lachat de nouveaux moyens delutte anti-IED, suscits par le retour dexprience du terrain comme par

    lvolution des technologies et des rponses disponibles.

    CARAPE met en place un mode communautaire dintgration duRetex technique et technologique aux oprations dachats darmements enurgence. Linitiative vise surtout favoriser une manuvre densemble deRetex technique sur des matriels rapidement caducs, face une menacevolutive. Son principal objectif est ainsi de dcloisonner les entits

    34 Voir notamment larticle de lancien directeur gnral de MBDA : MarwanLahoud, Ladaptation ractive. Le point de vue de lindustriel , Doctrine, n13,avril 2007, p.128-131.

    http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/publications/doctrine/doctrine13/fr/libre_reflex/art3.pdf35 Linstruction ministrielle (IM) 1514 prcise les conditions de ralisation desoprations dachats darmement au sein du ministre de la Dfense. Cf. Annexe 2.

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    charges des oprations darmement en crant une communaut largedacteurs intresss par la lutte contre les IED EMA, EMAT, EMM,EMAA, SSA (Service de sant des Armes), CGA (Contrle gnral desArmes), DGA, DCMAT (Direction centrale du matriel), STAT (Section

    technique de larme de Terre), DRM (Direction du renseignementmilitaire), industriels dont le fonctionnement repose sur le partagedinformation et dexprience.

    CARAPE est pilote deux niveaux : par un comit de pilotageEMA / DGA plac sous la direction dun officier gnral et dun ingnieurgnral de larmement (IGA) ; par un niveau de conduite densembleassociant les deux phases classiques dune opration darmement : laphase prparation, pilote par un OCO et un Architecte de systme deforce (ASF), et la phase conception-ralisation, dirige par un officierdopration densemble ( lEMA) et un directeur de lopration densemble

    ( la DGA).

    CARAPE permet davoir une vue densemble des matriels de lutteanti-IED, de valider le besoin et de donner une cohrence aux commandes,aux acquisitions et aux livraisons. Grce CARAPE, une multitude depetites oprations existent et sont suffisamment visibles pour ne plus trecrases par de plus grosses oprations dacquisition lors darbitragesbudgtaires ou du moins tre suffisamment protges pour ntrerduites qu la marge et en connaissance de cause, ventuellement enprservant la cohrence du programme par ltalement des achats. Au planbudgtaire, CARAPE a permis douvrir une ligne de rfrencement dans laprogrammation : lopration densemble est dsormais intgre dans le

    projet de Loi de Programmation Militaire 2009-2014 et sa projectionjusquen 2020.

    Cette opration densemble a permis de lancer lacquisition enurgence lt 2008 de cinq vhicules Buffalo, de brouilleurs et desurprotection supplmentaires pour les forces dployes en Afghanistan,mais aussi de leurres conus et dvelopps dans le cadre de CARAPE(cf. schma p. 23).

    Ce mode dacquisition pourrait tre reproduit pour les diffrentesarmes. La Marine envisagerait ainsi lacquisition darmes de sabord, devedettes vloces mise leau rapide, de systmes de vision nocturne etde tourelles tlopres. Les Armes de lAir sont interoprables depuislongtemps, mais les rcentes oprations en Afghanistan ont induit une plusgrande ncessit dinteroprabilit entre les avions franais et les forcesspciales franaises et amricaines, ce qui implique dinstaller sur lesavions franais des pods dchanges de donnes compatibles avec lestandard amricain. De la mme manire, les units terrestres franaisesengages en Afghanistan ont eu besoin de rcepteurs de liaisons de

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    donnes avec les avions amricains, afin de pouvoir coordonner leur actionavec lappui arien fourni par les Etats-Unis36.

    Les oprations de type CARAPE permettent de grer de manireplus efficace lachat de petits quipements, en rponse une menacevolutive. Ce type dopration densemble pallie en partie les risques quefont peser les AUO sur la cohrence des matriels en service dans lesforces armes ; mais lexprience dmontre a contrario que laprogrammation ne peut rpondre tous les besoins en matriels pour unearme rellement engage dans des oprations de combats sur la dure.

    Schma 3 :Opration densemble darmement CARAPE

    36 50 postes de radio PRC-117 de liaisons sol-air et appui arien ont ainsi tcommands en urgence oprationnelle en 2008 par la procdure FMS (cf.annexe 3).

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    Fluidifier les oprations darmement

    es AUO constituent-ils un chec de la planification ou une ncessitcroissante due aux rcentes oprations ? Dans son article sur la

    fonction adaptation ractive , le lieutenant-colonel Philippe Franoispose bien les termes du problme : les programmes darmements encours de dveloppement ont pour but de prenniser lavantage techniquedont disposent encore les armes occidentales face leurs adversaires. Orleur cycle de dveloppement (de 10 30 ans) ne permet pas danticiperlensemble des conditions demploi futures ds la phase de conception 37.Dans la plupart des cas, il est difficile cependant de statuer sur un checpur et simple de la programmation : la plupart des AUO sont en fait desbesoins programms mais dont lachat est acclr ou anticip. Acontrario, certains besoins ne sont pas de facto anticips et ne peuventltre, parce quils rpondent une nouvelle menace jusqualors inconnue38.

    Les risques induits par les achats en urgence oprationnelle

    La programmation fait montre dune certaine rigidit: les projets dachats

    dans le cadre de la prparation de lavenir sont intgrs dans un budgetannuel vot tous les ans, peu flexible dans son affectation et soumis unecontrainte financire importante. Surtout, mme si le besoin peut treanticip, la dcision dachat dquipements demeure bien souventdclenche par lurgence et la criticit de la menace. Cette contrainteoblige lancer finalement des oprations darmement longtemps reportesou non dcides tant que les menaces demeuraient virtuelles et que lesforces ny taient pas rellement confrontes.

    A titre dexemple, les tourelleaux tloprs monts sur lesVhicules de lavant blinds (VAB) avaient t envisags la fin desannes 1990, lorsquun soldat franais servant la mitrailleuse monte sur le

    toit de son VAB avait t tu par un sniper en Bosnie. Les tourelleauxtloprs, permettant au servant de rester lintrieur du vhicule, ont trclams plusieurs reprises mais la fin des hostilits dans les Balkansavait entran le report de cet achat. Ltude de faisabilit et decomparaison des tourelleaux alors sur le march avait cependant tralise par la Section technique de larme de Terre. Ces tudesprliminaires ont permis dacclrer le processus dachat et de qualificationlorsque lacquisition des tourelleaux a t replace en tte des priorits en

    37 Philippe Franois, Rpondre lurgence oprationnelle : la fonction adaptationractive , Dfense nationale et scurit collective,n6, juin 2008, p. 108-115.38

    Les IED sont ainsi apparus comme une nouvelle menace relle et importanteseulement depuis le dbut des annes 2000 et, de ce fait ne figuraient pas dans laprcdente Loi de programmation militaire (LPM).

    L

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    2007 : cet achat a t rclam par le Chef dtat-major de larme de Terrecomme condition essentielle lengagement des forces terrestresfranaises dans les zones risques en Afghanistan. De fait, lurgence decet achat a t acclre suite au dcs dun militaire franais galement

    tu sur son VAB par le souffle dun IED.

    Les achats raliss dans des circonstances exceptionnelles posentun certain nombre de problmes aux forces armes, outre le risque dunemauvaise valuation du besoin et dune intgration difficile sur les matrielsen service dans les forces armes. Ces difficults varient en fonction descirconstances dans lesquelles ces achats sont effectus.

    Premire hypothse, ces matriels seront jets aprs usage, ce quise traduit par une perte sche pour le ministre de la Dfense. Cettehypothse ne correspond clairement ni la tradition, ni la pratique des

    achats du ministre de la Dfense ; elle devrait cependant tre envisagedans le cas de matriels acquis en micro-parcs et trs spcifiques unterrain donn, en considrant que leur utilisation intensive en oprationssur une certaine dure limite lintrt de les maintenir en ltat et de lesrapporter en France. Les Britanniques financent leurs AUO non pas sur lesfonds du ministre de la Dfense, mais sur une ligne budgtairespcialement affecte par le Trsor aux oprations extrieures.Consquence de ce financement, les forces britanniques laissent sur placeles matriels acquis en urgence oprationnelle pour un thtre spcifiquedopration, car si elles les ramenaient au Royaume-Uni, ces quipementsseraient considrs comme proprit du ministre britannique de laDfense, sortant du cadre des AUO, et feraient lobjet dun remboursement.

    Cela nempche par le Ministry of Defence britannique de ramener enGrande-Bretagne le matriel achet en urgence dont il a rellement besoinsur le long terme.

    Deuxime hypothse, une mini-srie est conserve. Les AUO visant rpondre un besoin urgent pour les units dployes portent souventsur de petites quantits, eu gard au dlai de ralisation de lopration et son cot lachat. Cependant, le risque est de crer des micro-parcs dematriels trs spcifiques, avec pour consquence un cot exorbitant enmatire de qualification, de formation des personnels, de maintien encondition oprationnelle, de fourniture de pices dtaches, etc. Lautre

    cueil de ces micro-parcs est de conduire une htrognisation accruedu parc global des forces armes. Le maintien en service dun micro-parcpose alors la question du MCO et de son cot (disponibilit et cot despices dtaches moyen terme) ; cette solution peut cependant treenvisage dans certains cas.

    La troisime hypothse consiste acheter des matrielssupplmentaires pour complter une srie existante. Cette solution risquecependant dentraner la passation dun nouveau march, et donc le risquedobtenir lissue de la procdure un matriel diffrent.

    Dune manire gnrale, un matriel militaire est prvu pour couvrirun spectre large de missions dans des environnements dengagement

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    diffrents. Ainsi, son usage doit pouvoir tre r-invent dans uncontexte non-prvu lors de sa conception ou de son achat : cela a t lecas pour les chars de combat, engags dans les Balkans non plus dansune mission daffrontement avec les chars du Pacte de Varsovie, mais pour

    des missions de dissuasion et dimposition de la paix. Un risque induit parles AUO est donc de conduire la fourniture de matriels trs spcifiques,qui rpondent exclusivement aux exigences dun thtre doprationparticulier mais savrent totalement inadapts aux thtres doprationsfuturs39.

    Les dfaillances du systme de programmationdes achats darmements

    Les oprations densemble du type CARAPE ont permis didentifier certainspoints faibles des procdures actuelles dachats darmements inscritesdans la programmation, en particulier la difficult disposer de retour

    dexprience technique et technico-oprationnel, pourtant essentiel pourorienter les achats en fonction de lvolution rapide des technologies, parexemple en matire dIED.

    Une des difficults constates au cours des rcents AUO est laremonte et la validation du besoin oprationnel. LEMAT (dans le cas delarme de Terre) et lEMA, respectivement chargs de faire remonter et devalider lexpression du besoin, ont pris conscience de leur manque deressources pour disposer dune expertise technique sur les expressions dubesoin formules par les commandants de thtre. Cette expertise estessentielle pour prciser le besoin (identification de la menace,

    caractristiques technico-oprationnelles), afin de lancer lAUO de manireefficace, mais aussi pour viter des achats relevant dun effet de mode ,auquel on pourrait rpondre par dautres moyens quun achat de matriel.

    Face la multiplication des demandes dAUO tous niveaux, lEMAet la DGA saccordent sur la ncessit de dfinir une procdure plusrobuste de remonte du besoin, pour grer de manire plus efficace lesachats en urgence.40

    Les avis convergent pour dplorer un manque dinformations enmatire de retour dexprience technique et technico-oprationnelle, en

    particulier au sein de larme de Terre41

    . Plusieurs raisons sont avances.La structure trs hirarchise de la chane de commandement a pour effetde filtrer les informations en matire de retour d'exprience technique, quine constitue pas toujours aux yeux des diffrents chelons un lmenturgent et important faire remonter. Dune manire gnrale, face unenouvelle menace, la culture des officiers de larme de Terre en matire deretour dexprience, y compris au sein des structures qui en ont la charge,semble les rendre plus sensibles aux adaptations de doctrine ou desmodes opratoires qu la possibilit denvisager une modification du

    39 Par exemple, un matriel achet expressment pour oprer en montagne ne

    sera pas forcment adapt pour tre dploy par la suite dans une fort tropicale.40 Source : entretiens au ministre de la Dfense.41 Source : entretiens au ministre de la Dfense.

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    matriel existant ou lobtention dun nouveau matriel. Les raisons sontmultiples : primaut traditionnelle du facteur humain sur le facteurtechnique et technologique au sein de linstitution, habitude faire avecles moyens du bord 42.

    Or, les Britanniques organisent pour leur part un rel Retextechnique43. Leurs services de qualification et de formation disposentdinstallations permettant de placer en conditions quasi-relles lesunits lentranement sur le point dtre envoyes en opration. Leursformateurs rejoignent eux-mmes quelques semaines plus tard lunit quilsviennent de former pour bnficier de son retour dexprience chaud, etpouvoir ainsi intgrer ces informations prleves sur le terrain dans lesentranements destins aux units qui se succdent sur les centresdentranement britanniques. Ces informations intgrent en particulier leRetex Technique, qui fait lobjet dun partage dinformation auprs des

    industriels.

    Au sein de lEMA, les Officiers de cohrence oprationnelle (OCO)ont pour mission prioritaire dassurer la cohrence oprationnelle desquipements des forces armes, et sont dj fortement sollicits par lagestion de la planification. Les AUO sont manifestement des dossiers queles OCO commencent depuis peu prendre en compte de manireprioritaire, du fait de leur importance croissante depuis deux ans. De plus,les OCO ninterviennent qu la fin de la chane dcisionnelle, aprs laremonte du besoin au sein de lEMAT, pour valider la cohrenceoprationnelle et vrifier la faisabilit financire de lAUO et son impact surla programmation. Ils souffrent aussi dun manque de moyens dexpertise

    technique pour vrifier les analyses qui leur sont prsentes et pourdisposer dinformations de Retex technique. Sur ce point prcis, lecaractre interarmes de lEMA et de ses OCO peut galement poserproblme, en ce sens quun AUO spcifique une arme ne sera pasforcment suivi par un officier issu de cette mme arme.

    Il convient cependant de garder lesprit que les AUOcorrespondent le plus souvent un projet dj prvu dans laprogrammation, qui est simplement avanc dans le temps. Ce quincessite paralllement de remettre plus tard dautres oprationsdachat ; cet gard, les OCO jouent un rle essentiel de pilotage moyen

    terme de la planification des achats et de prservation de la cohrence desmatriels des forces armes. Les AUO signifient tantt que lanticipation napas t correctement effectue, tantt que la menace est rellementapparue rcemment, sans possibilit dintgration dans la programmation,tantt quil est ncessaire dacclrer lacquisition de matriels qui taientdj programms : sur 260 millions deuros en 2009, 90 millions taientprvus pour des achats futurs dont la ralisation a t acclre.

    42 Entretien au ministre de la Dfense. Cette situation est susceptible dvoluer

    par lenvoi de responsables de thtre dopration et de missions charges de lacollecte spcifique du Retex technique et technico-oprationnel.43 Entretien avec un industriel, ancien officier.

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    Afin dacclrer le traitement des AUO, la DGA sefforce danticiperlexpression formelle du besoin oprationnel en largissant ses modesdacquisition et ses tudes techniques sur les matriels disponibles surtagre. Tester tout de suite un quipement quand le besoin en est

    pressenti, permet, au moment o ce besoin est exprim et valid, dedisposer dun matriel dj test et qualifi et de pouvoir procder plusrapidement son achat. Ainsi, lobus amricain Excalibur utilis en Irak eten Afghanistan a t achet par la DGA en quelques exemplaires pour lestester sur le canon Caesar, afin den qualifier lemploi. Au terme de cestests, il sera possible de procder une acquisition sur tagre si le besoinest exprim. Pour ce faire, le comit des Oprations dExprimentationRactive rassemble les OCO et la DGA ; il dispose dune enveloppe pourprocder ces tests. Leur cot fait que sur 100 tests proposs, seuls 20 ou30 seront raliss44.

    Enfin, la DGA et les armes prvoient lenvoi de missionstechniques sur le terrain en Afghanistan45. La DGA envisage ainsi desystmatiser la prsence dingnieurs de larmement sur les thtresdoprations pour disposer de cette expertise sur les matriels engags46 :quel matriel fonctionne correctement ou non, quel matriel est adapt parles oprationnelset quelle fin, quels sont les manques identifis ou nonformuls ? Reste vrifier que les moyens humains et lexpertise techniqueseront suffisants pour assurer le traitement du flux du Retex technique ettechnico-oprationnel, car ces oprations linstar de CARAPE sontfortement consommatrices en ressources humaines et en temps.

    La DGA envisage des modalits de rtrocession ou demprunt de

    matriels des forces armes trangres de manire plus aise par lasignature de memorandum of understanding . Certains allis procdent des achats dquipements de manire normale, nayant pas le mmebesoin dachat en urgence oprationnelle que les forces franaises ; ilserait alors envisag de pouvoir saccrocher un appel doffre ralispar un partenaire europen ou amricain, en passant soit par lagenceeuropenne de larmement, soit par les agences darmement de lOTAN -lAgence de Maintenance et dApprovisionnement de lOTAN (NAMSA)entre autres. De la mme manire, le MCO de matriels achets enurgence et commun dautres pays allis pourrait faire lobjet dunemutualisation sur les terrains dopration. Il est particulirement coteux lheure actuelle que toute la logistique au sein des pays allis de lOTANsoit gre de manire nationale. Au sein des armes franaises, la mise enplace dune Politique demploi et de gestion des parcs (PEGP) par larmede Terre vise grer en pools logistiques les matriels des armes ;cette mutualisation devrait permettre plus aisment le retour dexprience

    44 Source : entretiens au ministre de la Dfense. Le choix des tests se fait enfonction du cot, du Retex technique et de la pertinence du matriel.45

    Une premire mission de ce type avait t mene en Cte dIvoire auprs delopration Licorne.46 Source : entretiens au ministre de la Dfense.

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    technique et le MCO des matriels engags dans les oprationsextrieures47.

    Changer de paradigme ?

    A lheure actuelle, les AUO souffrent encore dtre une adaptation lamarge de la programmation et font peser sur cette dernire un risque, quilsagisse de la cohrence du matriel ou, par effet dviction, dufinancement des armements programms.

    Cet effet dviction joue sur le budget dquipement des forcesarmes par les reports et glissements de commandes prvues quirisquent de devenir critiques pour la programmation si les achats enurgence oprationnelle prennent une part de plus en plus importante dubudget dquipement des armes48. Leffet dviction des AUO peut se faire

    sentir galement sur le plan de charge de lindustriel, comme cela a tvoqu plus haut : ce dernier doit affecter des ressources techniques,humaines et financires pour la ralisation dun AUO, en dcalant lecalendrier de ralisation dautres marchs programms, au risque deprendre du retard dans leur ralisation et la livraison des matriels auxforces armes. Cest lun des arguments des critiques des AUO, sachant ledanger que ces reports de commandes font peser sur la cohrence globalede la programmation darmements : comment matriser les budgets et lesprvisions dquipements de manire optimale, avec de fortes contraintesbudgtaires, si ces prvisions dachats sont constamment remises encause par des urgences oprationnelles ? Lune des rponses ce risqueserait prcisment dintgrer un volet achats en urgence oprationnelle

    dans la programmation des achats darmements et dans leur planificationbudgtaire.

    Un remde aux dfauts des AUO serait de mieux les coordonner la programmation, afin quils servent de phase dessai et dexprimentationde matriels qui navaient pas t prvus dans la dmarche deprogrammation. Au plan matriel, puisquun manque critique face unenouvelle menace a t constat, pourquoi ne pas tirer profit de la dmarcheinitie pour y rpondre en urgence, afin que celle-ci ne soit pas un simple coup en raction, mais quelle permette danticiper une potentiellevolution du besoin et les matriels quil conviendra de dvelopper courtet moyen terme ? La dmarche dachat en urgence oprationnelle devraittre mieux intgre en tant que processus complmentaire, voireprparatoire la dmarche de prparation de lavenir et non en substitution celle-ci : essai de matriels ou de technologies en grandeur nature, retourdexprience, validation ou infirmation, exploration de nouveaux conceptstechnologiques ou doctrinaux

    47 Jean-Tristant Verna, Politique demploi et de gestion des parcs : stratgiedadaptation de larme de Terre , Dfense nationale et scurit collective, n6,juin 2008, p.135-143.48 Voir notamment larticle de lancien directeur gnral de MBDA : Marwan

    Lahoud, Ladaptation ractive. Le point de vue de lindustriel , Doctrine, n13,avril 2007, p.128-131.http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/publications/doctrine/doctrine13/fr/libre_reflex/art3.pdf

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    A lheure actuelle, le constat est fait quaucune exprimentationnest conduite au titre de ces achats en urgence oprationnelle, quipermette un rel retour dexprience sur lemploi de nouveaux matriels surle terrain. La structure ne le permet pas : les OCO et ASF sont censs le

    faire, mais sont dj accapars par la dmarche de prparation de lavenir long terme49. Les expertises techniques sont disperses entre lesstructures de la DGA et celles des armes, et nont souvent aucun lienavec les entits charges de la gestion des parcs et du MCO. Unedmarche structure de retour dexprience permettrait un gain de tempspour la formation future des personnels, la rdaction par les premiersservants et mcaniciens dun premier manuel demploi provisoire, qui seraittout de suite disponible pour les premires troupes quipes du nouveaumatriel et surtout pour la relve qui, elle, ne bnficiera pas de conditionsidales pour prendre en main le nouveau matriel.

    Ainsi, lorsquun accident a lieu, comme lexplosion dun IED, il estintressant de savoir pourquoi la bombe a fonctionn, quelles ont t lesconsquences sur le matriel et les amliorations qui peuvent treapportes. Ce retour dexprience rapide est important car les procduresdachats, voire de conception de nouveaux matriels censs mieuxrpondre aux menaces, sont longues : si lon procde par un AUO, 8 9mois sont ncessaires ; si lon doit concevoir un nouveau matriel, le dlaiest encore plus long. En labsence dinformations rassembles par retourdexprience, les achats prvus ne peuvent pas tre rorients. Parexemple, si les IED devaient dsormais reposer de plus en plus sur dessystmes filaires de mise feu, il conviendrait de rduire la production dematriels censs brouiller les systmes de mise feu radiocommands.

    Cette dmarche d adaptation ractive apparat aux yeux des acteurscomme moins attractive en matire de recherche et de dveloppement quela prparation des quipements futurs et la protection des budgetscorrespondants. Rminiscence de la culture de la DGA dveloppe depuisles annes 1960, les grands programmes du futur restent bien plusvalorisants que la modernisation de petits systmes50.

    Les AUO sont devenus la ralit dune arme engage dans desoprations de combat, face une menace volutive. La programmation nepeut rpondre parfaitement aux besoins oprationnels et il importedintgrer une capacit dvolution des achats darmements, encoordonnant les deux processus dacquisition :

    Sur le long terme : la prparation de lavenir par la planification desacquisitions, le choix dimpasses technologiques, de dcouvertestechnologiques progressives, et le maintien de la cohrence desquipements des forces armes.

    Sur le court terme : la satisfaction des besoins oprationnels lesplus urgents, dans une dmarche itrative et volutive, qui autorisetoutefois la meilleure intgration possible dans loutil militaireexistant.

    49 Source : entretien auprs du Ministre de la Dfense.50 Source : entretiens au Ministre de la Dfense et auprs dindustriels.

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    Table 1 :Engagements de crdits consacrs

    aux urgences oprationnelles depuis 200551

    2005 2006 2007 2008 2009 (prv.)

    2 millions 80,8 millions 5,5 millions 104,4millions100 200millions

    Cette ralit nouvelle impose des changements importants entermes de structures et de mentalits pour les forces armes et la DGA :

    favoriser le dveloppement de matriels en spirale , dontlopration densemble CARAPE peut constituer un exemple, afindintgrer lvolution des rponses techniques et technologiquesface une menace volutive ;

    favoriser la modularit des systmes de dfense, la fois pourpermettre ladaptation plus aise des sous-systmes en intgrantles volutions des technologies, et pour autoriser ladquationdesdits modules aux thtres doprations ;

    renforcer la remonte du retour dexprience technique, afin derpondre le mieux et le plus rapidement possible au besoin exprim

    par les commandements des thtres et les oprationnels engnral ;

    privilgier les travaux en quipes dexpertises intgres etdcloisonner les fonctions Retex, validation du besoin, achat,qualification, formation et MCO ; autrement dit, aboutir unfonctionnement rellement interarmes du ministre 52.

    51 Source : Dlgation Gnrale pour lArmement, Bilan dactivits 2008, Ministrede la Dfense, Paris, 2008. Pour 2009, point presse de la DGA lors de laprsentation du bilan dactivits 2008, le 17 mars 2009.52 Rannou, op. cit.,p. 768.

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    Conclusion

    oit-on considrer les engagements en Afghanistan et en Irak commedes accidents , des engagements secondaires ne remettant pas en

    cause le cadre de rfrence ultime de la guerre de haute intensit entreEtats ? Ou bien doit-on estimer linverse que ces engagements violents,face un ennemi volutif et jouant plein de lasymtrie capterontlongtemps encore une part importante des ressources des armesoccidentales, et quen consquence les modes dacquisition dquipementsdoivent intgrer cette ralit ?

    Le prolongement extrme de cette hypothse se traduirait par uneremise en cause fondamentale du modle de guerre intertatique de hauteintensit, tel quil sest dvelopp depuis le XIXe sicle. Dans cette logique,il faudrait abandonner la programmation de long terme pour ne plus fairereposer les achats dquipements que sur une analyse de court et moyentermes, trs lie aux oprations en cours et leur probable prolongationdans les dix annes venir. Les oprations darmement devraient alors jouer davantage sur lvolutivit des matriels (et de leurs technologies)

    pour bnficier plein du retour dexprience technico-oprationnel et, cefaisant, conserver un avantage technologique moins dterminanttoutefois que dans une confrontation de haute intensit. Il semblecependant trs hasardeux de faire reposer toutes les oprations dachatsdarmements sur une analyse des menaces court et moyen termes,uniquement fonde sur des terrains et des types dengagement particuliers.La possibilit dune guerre intertatique ne peut pas, par exemple, treentirement exclue pour les dcennies venir.

    Lexamen des procdures actuelles et du cot des achatsdarmements en urgence, comme leur importance croissante au sein dun

    budget dj contraint incitent nanmoins lancer une profondemodification de lensemble du processus dachat darmement. Il faudraittout dabord sortir dfinitivement dune programmation lourde de typeguerre froide, en rquilibrant, au sein des oprations dachatsdarmements, ncessits de court terme entranes par les engagementsprsents et prvisibles, et besoins de long terme, articuls sur lanticipationdes menaces futures, les principaux systmes darmes et la cohrenceoprationnelle de lensemble.

    On viserait ainsi une meilleure coordination du court, du moyen etdu long termes : prparation de lavenir, banc dessai pour de nouvellessolutions techniques et technologiques (validation ou infirmation),conceptualisation de nouvelles doctrines demploi, enfin rduction espredes cots de maintenance par incorporation progressive des volutions

    D

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    technologiques au sein de systmes originellement conus cet effet. Lesoprations darmements doivent rpondre dsormais des impratifsoprationnels, proches de ceux dun temps de guerre, car les engagementsmilitaires se gagnent aujourdhui sur le terrain, et non plus sur un champ de

    bataille virtuel, ne requrant ni cot humain, ni besoins oprationnelsurgents.

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    Annexes

    Annexe 1 Extraits du dcret 2005-520 fixant les attributions des chefsdEtat-Major

    Dcret n 2005-520 du 21 mai 2005 fixant les attributions des chefs d'tat-major

    J.O n 118 du 22 mai 2005

    1. TITRE Ier : LE CHEF D'ETAT-MAJOR DES ARMES

    Article 1

    Le chef d'tat-major des Armes assiste le ministre dans ses attributionsrelatives l'emploi des forces et leur organisation gnrale.

    Il est responsable de la prparation et de l'emploi des forces, de lacohrence capacitaire des oprations d'armement et des relationsinternationales militaires. Il est galement responsable, en liaison avec ledlgu gnral pour l'armement et le secrtaire gnral pourl'administration, de l'laboration des travaux de planification et deprogrammation.

    Article 5

    Le chef d'tat-major des Armes conduit les travaux de prospectiveoprationnelle, value les risques et propose au ministre les orientations etpriorits en matire de capacit et de posture oprationnelle. Il participe la mise en cohrence des travaux prospectifs conduits dans les domainesstratgiques, oprationnels et technologiques.

    Il est responsable de l'laboration de la planification, compte tenu desressources financires apprcies par le secrtaire gnral pourl'administration.

    Le chef d'tat-major des Armes est responsable de l'laboration de laprogrammation, ainsi que de l'excution de cette dernire, au regard desfinalits oprationnelles et de leur compatibilit avec les ressourcesfinancires apprcies par le secrtaire gnral pour l'administration.

    Article 6

    Le chef d'tat-major des Armes garantit la cohrence capacitaire desoprations d'armement conduites par le dlgu gnral pour l'armementet dont le secrtaire gnral pour l'administration assure le suivi et la

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    cohrence financire. Il prend ou soumet au ministre les arbitragesncessaires cette fin. Il prside, ce titre, le conseil des systmes deforces.

    Le chef d'tat-major des Armes assure, en liaison avec le dlgu gnralpour l'armement, le secrtaire gnral pour l'administration et le directeurgnral de la gendarmerie nationale, la cohrence physico-financire desoprations lies la mise au point, la prparation oprationnelle, l'emploi etle soutien des forces.

    2. TITRE II : LES CHEFS D'ETAT-MAJOR DE L'ARME DE TERRE, DELA MARINE ET DE L'ARME DE LAIR

    Article 18

    Les chefs d'tat-major de l'arme de Terre, de la Marine et de l'arme delAir, selon les besoins exprims et les plans d'emploi labors par le chef

    d'tat-major des Armes : ()2 Adressent au chef d'tat-major des Armes leurs propositions enmatire de planification et de programmation des moyens et du format deleur arme respective, compte tenu des possibilits techniques etfinancires. Ils sont responsables de la cohrence organique de leur armedevant le chef d'tat-major des Armes ;

    Article 20

    () En matire d'oprations d'armement, ils dfinissent les objectifs d'tat-major, approuvent les caractristiques techniques qui sont fournies par ledlgu gnral pour l'armement au chef d'tat-major des Armes et lui

    adressent leur avis sur le lancement des programmes correspondants,dirigent l'valuation oprationnelle des prototypes, sont responsables de lamise en place dans les forces des matriels fabriqus.

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    Annexe 2 Instruction ministrielle n04-287 relative la conduite desachats en urgence oprationnelle

    Dlgation gnrale pour larmement : direction des programmes desmthodes dacquisition et de la qualit.

    Instruction N 04287/EF/DGA/DPM-693/DEF/EMA/PPE relative laconduite des achats en urgence oprationnelle.

    Du 29 juillet 2004 (A)

    OBJET

    Lobjet de la prsente instruction est de dcrire, pour les achats dits enurgence oprationnelle, la procdure mettre en uvre de lexpression dubesoin la livraison des matriels, en assignant des rles prcis auxprincipaux acteurs en charge de lopration.

    Toutefois, ce document, bien quintroduisant une procdure particulirecompte tenu de la contrainte de temps impose par le caractre urgenceoprationnelle , respecte dans lesprit les principes de conduite desoprations dacquisition darmements dcrits dans les autres instructionsministrielles en vigueur.

    DOMAINE DAPPLICATION

    La prsent instruction sapplique aux entits dachat de la dlgationgnrale pour larmement en concertation avec les structures de soutien 53et aux tats-majors des armes.

    Un achat en urgence oprationnelle peut concerner une opration (parexemple : opration extrieure) en cours ou en phase de planification oupeut rsulter du constat dune lacune capacitaire devenue critique.Lannexe I de la prsente instruction dfinit une typologie des achats enurgence oprationnelle.

    REFERENCES ET TERMINOLOGIE

    Guide relatif la participation des tats-majors au choix des titulaires desmarchs

    Guide n G003DPM/SDA/RDAEC/PA (n.i. BO)

    Plan de dpouillement des offres techniques

    Document qui dcrit les conditions et le mode opratoire (avec, enparticulier, la grille danalyse des critres dvaluation des offres avec leurscoefficients de pondration ventuelle) de comparaison et classement desoffres techniques.

    Fiche de dmarche contractuelle

    53

    SIMMAD (structure intgre du maintien en condition oprationnelle desmatriels aronautiques du ministre de la dfense), SSF (service de soutien de laflotte)

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    Document prsentant la dmarche prvisionnelle relative un march(mode de passation, calendrier du droulement de la procdure,particularits du march). Cette fiche doit tre approuve par la personneresponsable du march avant le lancement de la contractualisation.

    LANCEMENT DE LA PROCEDURELa procdure dachat en urgence oprationnelle doit rester exceptionnelle.

    Il importe que le dialogue sinstaure au plus tt entre ltat-major et laDlgation gnrale pour larmement. En particulier, une concertation entrela dlgation gnrale pour larmement et ltat-major est recommandeavant toute dcision de lancement dune acquisition pour urgenceoprationnelle et la formalisation de lexpression du besoin.

    Cette concertation doit permettre de dterminer lentit traitante (service deprogrammes ou arme) de lachat en urgence oprationnelle partir decritres tels que :

    le niveau de complexit de laffaire et besoin de managementassoci ;

    des spcifications techniques spcifiques ou un achat sur tagre ;

    le besoin dune gestion de la configuration de la dfinition du produitachet ;

    la complexit de la procdure dachat.

    Une fois lentit traitante dtermine, le caractre urgenceoprationnelle dune acquisition (dite affaire dans la suite du texte) doitfaire lobjet dune dcision crite un niveau sous-chef de ltat-major

    concern [tat-major des Armes (EMA), tat-major de larme de lAir(EMAA, tat-major de la Marine (EMM), tat-major de l