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Atelier 3: Quelles activités proposer aux élèves pour favoriser la maîtrise de l’oeuvre et la réflexion définie par l’objet d’étude : lire-écrire-publier? Nouveaux programmes de TL, stage de formation académique. Académie de Bordeaux, S.Daxhelet et I.Rossignol, le 15/12/2014

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Atelier 3: Quelles activitésproposer aux élèves pour favoriser

la maîtrise de l’oeuvre et la réflexion définie par l’objet

d’étude : lire-écrire-publier?

Nouveaux programmes de TL, stage de formation académique.Académie de Bordeaux, S.Daxhelet et I.Rossignol, le 15/12/2014

Petit retour sur les textes officiels

L'œuvre littéraire : un processus complexeLe domaine d'étude « Lire-écrire-publier » permetd'enrichir l'approche des œuvres par la prise en comptedes processus que mettent en jeu leur création, leurlecture et leur circulation. Il s'agit d'inviter les élèves àune compréhension plus complète du fait littéraire, en lesrendant sensibles, à partir d'une œuvre, et pourcontribuer à son interprétation, à son inscription dans unensemble de relations, qui intègrent les conditions de saproduction comme celles de sa réception et de sadiffusion.

Bulletin officiel spécial n°8 du 13 octobre 2011

• Pour l'étude de Madame Bovary de Gustave Flaubert, le professeur privilégiera l'analyse de la genèse qui permet aux élèves de pénétrer dans le laboratoire de l'écrivain et de s'interroger sur le processus de création du roman.

• Madame Bovary contribue ainsi à l'invention d'un nouveaurapport au monde. La recherche du « neutre », de« l'impersonnalité », l'égalité de traitement despersonnages, des sujets et des points de vue, affranchissentla littérature du devoir de représenter l'ordre constitué.L'écriture flaubertienne porte à sa manière une esthétiquede l'âge démocratique, dévoilant un lien inextricable entrepoétique et politique.

• À cet égard, le professeur pourrait aborder avec les élèvesdans une perspective complémentaire la réception trèspolémique du roman en 1857.

Programme limitatif, B.O n°15 du 10 avril 2014

Un atelier divisé en deux pôles

Activité 1 (lire-écrire) :concevoir des activités centrées sur l’écriture, dont:

• Une activité d’écriture proposée aux élèves visant à :

- Une appropriation de ce qui se joue dans l’écriture romanesque de Madame Bovary.

- Une « entrée dans le laboratoire de l’écrivain »

- (Une approche transversale de l’oeuvre)

Activité 2 (écriture-réception): Concevoir un corpus et son exploitation pédagogiqueOn pourra, par exemple, chercher à mettre en évidence :

l’écriture, le travail sur la syntaxe et l’emploi des temps pour aller vers les réceptions du roman.(ou inversement)

la question du positionnement de l’instance narrative vis à vis des personnages pour aller vers la question de la lecture du roman.(et réciproquement)

Activité 1, centrée sur l’écriture(écrire-lire)

• Objectif : proposer aux élèves une activité visant à :

- Une appropriation de ce qui se joue dans l’écriture romanesque de Madame Bovary.

- Une « entrée dans le laboratoire de l’écrivain »- (Une approche transversale de l’oeuvre)

=> Quelle activité concevoir et comment l’intégrer à votre progression didactique?

Suggestion 1: proposer un travail d’écriture d’invention avec auto-consignes

Le travail proposé s’inspire de la démarche expérimentée en classe de seconde du Lycée de Saint Brieuc, dans le cadre de l’écriture d’une nouvelle en relation avec l’EOI de La Bête humaine de Zola. Mise en place d’un dispositif d’élaboration de l’écriture sur un espace mixte, pouvant accueillir, sur la page de droite, tout ce qui relève de l’écriture à programme et de l’auto-consigne.

Sources : La critique génétique au lycée : auto-consignes et écrits préparatoires, Olivier Lumbroso, Le français aujourd'hui, 2008/1 (n° 160) , consultable sur le lien http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=LFA_160_0119#no90.

Sujet : Après que Léon a quitté Yonville pour Paris et alors que la santé d’Emma décline à nouveau, dans le chapitre 7 de la deuxième partie, Flaubert avait d’abord conçu une scène dans laquelle Madame Bovary mère et Homais échangent, en présence de Charles, leurs réflexions sur la lecture et ses effets.

Voici un extrait du folio 2v

Léon était bien au second plan Charles au premier - Léon prétexte - Léonmême disparaîtau maximum - gâchis - mauvais propos - brutalefantasque - sa santé, vapeurs vraies. -inquiétudesde Charles. Me Bovary mère, -conseils avec

interdiction desHomais . - romans du cabinet de lecture.

Alors fureur vague & permanente. à Tostes

elle redevintcomme à Tosteset pis. - elleacheta les ch. de l'heureux- cheval de Ch. bêteanglaise.se fait exécrer dupays. - - -et en même temps

Ecrivez cette scène manquante. Pour mener à bien cetravail d’écriture, vous tiendrez un carnet de travail(ou un fichier de traitement de texte à deuxcolonnes) dans lequel vous réserverez la page (lacolonne) de gauche à tout ce qui peut vous aiderdans votre travail (le plan envisagé est un point dedépart imposé, réflexions et interrogations, enjeux etstyle recherchés, notes de relecture de votre propretexte, mais aussi tout autre écrit ou documentintermédiaire comme, par exemple, liste ou rapidecompte-rendu des lectures ou relectures que vousjugez utiles, citations, dessins, etc.) La page de droiteaccueillera le texte de la scène à inventer et les tracesdes modifications successives que vous y apporterezpour arriver à votre version finale.

On peut envisager la constitution d’un dossier destiné aux élèves avec, par exemple, des extraits de la correspondance relatifs à :

• La difficulté éprouvée par Flaubert à mettre en place des scènes dialoguées, cf notamment problème posé par les incises.

• La relecture attentive traquant les répétitions, assonances ou comparaisons.

• La primauté de la composition et la « théorie du collier »

• Un tableau synoptique du roman mettant en évidence lespassages dans lesquels Mme Bovary mère et Homaisinterviennent.

• Des extraits du Dictionnaire des idées reçues :Images : Il y en a toujours trop dans la poésieImagination : Toujours vive. S’en défier. Quand on n’en a

pas, s’en défier chez les autres. Pour écrire des romans, il suffitd’avoir de l’imagination.

Immoralité : Ce mot bien prononcé rehausse celui qui l’emploie

Romans : pervertissent les masses. Sont moins immorauxen feuilletons qu’en volumes. Seuls les romans historiquespeuvent être tolérés parce qu’ils enseignent l’histoire. Il y a desromans écrits avec la pointe d’un scalpel, d’autres qui reposentsur la pointe d’une aiguille.• Etc.

Ici, les objectifs sont :

• Expérimenter ce qui se joue dans la pratique del’écriture et dans la relecture méta-textuelle, pourmieux comprendre le travail de l’écrivain (VSmythe de l’inspiration) et, plus particulièrementce qui se joue dans les plans et brouillons deFlaubert. i.e propédeutique à l’approche de lagénétique du texte.

• S’approprier des éléments propres à lasignification et à l’esthétique du roman, favoriser,en la motivant, la relecture transversale del’oeuvre.

L’activité proposée peut trouver sa place:

• En continuité d’une lecture analytique portant sur:- La visite de la filature de linMise en place d’un véritable système des personnages et

caractérisation de ces derniers à travers les perceptions d’Emma dans une narration qui aménage un art du contrepoint où se glisse l’ironie (« Homais parlait »; Du regard porté vers le ciel à « mais Charles était là » et à « l’oeil bleu » de Léon.

« Un livre sur rien » : de la visite vaine d’un lieu lui-même marqué par la vacuité à la progression d’une intrigue qui aménage « la transition insensible de la partie psychologique à la dramatique » (à L.C, 18/04/1854)

Ou encore, entre autres...

• En contrepoint de l’étude consacrée à la scène d’auberge au cours de laquelle Léon et Emma parlent de leurs lectures (II, 2),

• En prolongement possible à la lecture analytique du chapitre consacré aux lectures d’Emma (I, 6). Si critique génétique abordée à cette occasion, le travail d’écriture devient un moyen d’évaluer ce qui a été perçu et compris.

• Comme approfondissement d’une étude d’ensemble consacrée aux personnages du roman.

Suggestion 2: tâche complexe autour de l’édition de l’oeuvre

Alors que vous terminez votre stage dans la maison d’éditionRésonances littéraires, l’éditeur vous charge de réaliser la maquette del’édition critique d’un extrait défini* de Madame Bovary . Pour réalisercette maquette sur le support de votre choix, il vous faudra réfléchir àl’appareil critique que vous jugez pertinent de faire figurer dans unparatexte qui pourra accueillir:• des notes de bas de page mais aussi un dossier complémentaire

comprenant - des indications lexicales, indications relatives aux différentes strates

du manuscrit, remarques d’ordre stylistique, extraits de la correspondance, renvois à d’autres passages de l’oeuvre, à d’autres oeuvres;

• d’éventuelles reproductions graphiques (manuscrits, photogrammes des adaptations cinématographiques)...

* Cet extrait peut-être déterminé par le professeur (par exemple en continuité d’une L.A) ou, en fin de séquence, laissé à la libre appréciation des élèves.

Activité 2 (écriture-réception): Concevoir un corpus et son exploitation pédagogique

En partant de l’écriture, du travail sur la syntaxe et sur l’emploi des temps pour aller vers les réceptions du roman (et inversement)

=> En partant de la question du positionnement de l’instance narrative vis à vis des personnages pour aller vers la question de la lecture du roman (et réciproquement)

Suggestion 1Conception d’un corpus autour du bal à la Vaubyessard et de la valse d’Emma.- Extrait du roman: I, 8 « A trois heures du matin, le cotillon

commença (...) contre Charles qui dormait »- Séquence génétique sur le site www.bovary.fr- Proust, « A propos du style de Flaubert », NRF, janv.1920- Claro, Madman Bovary, Extrait 1: écrire la lecture du romanExtrait 2: Emma/Estée en boîte de nuit- Adaptations cinématographiques (lire-interpréter/réécrire le

roman)- Extrait du réquisitoire d’E.Pinard- Le topos de la scène de bal Madame de La Fayette, La Princesse de ClèvesBalzac, Sarrasine

• Lecture de l’extrait / questionnement orienté vers une « lecture imageante » du type « Ecrivez les images ou autres perceptions sensorielles nées de votre lecture de ce passage ».

• Projection d’extraits des adaptations de Minnelli, Chabrol, Oliveira /

- Débat interprétatif sur les extraits visionnés => composition et rythme des séquences cinématographiques, représentation des personnages et question du point de vue.

- A quels aspects du texte flaubertien les cinéastes se sont-ils montrés sensibles? ( = Quelle lecture implique leur adaptation cinématographique?)

« harassé. […] Je me sens stérile par moments comme une vieillebûche. J’ai à faire une narration. Or le récit est une chose quim’est très fastidieuse. Il faut que je mette mon héroïne dans unbal. Il y a si longtemps que je n’en ai pas vu que ça me demandede grands efforts d’imagination. Et puis c’est si commun, c’esttellement dit partout ! Ce serait une merveille que d’éviter levulgaire, et je veux l’éviter pourtant. »

Avec de Oliveira : dialogue entre Luminares et Emadans lequel Ema souligne « C’est un bal comme n’importelequel (...) Au cinéma, ils sont tous pareils ».

Écho à la lettre de Flaubert du 28/04/1852:

Autre élément signifiant: Le motif du miroir

Chez Minnelli

Chez Chabrol et de Oliveira

De Oliveira: montage, insert, alternance et effet de miroir.

Le feu d’un désir ardent

Le visage d’une belle femme

A partir du travail effectué sur les séquences cinématographiques (et de la réflexion sur la réception qu’elles impliquent), on peut opérer un retour au texte

« Valse mélancolique et langoureux vertige »: Comment le texte exprime-t-il le « tournis »? Comparaison,

reprises (mots, sonorités) et circularité. Rythme des phrases et travail sur les temps du récit.

Avec en prolongement l’éclairage apporté par:- L’écriture de la lecture du texte par Claro dans Madman

Bovary- L’article de Proust sur le style de Flaubert- L’exploration de la séquence génétique sur le site bovary.fr

La place d’un tel travail dans la progression de la séquence

Un groupement de séances que l’on pourrait, semble-t-il, envisager assez tôt dans l’approche de l’oeuvre.Par exemple, après un travail sur l’ouverture du roman, la vie avec Charles, et la composition de la première partie (progression / analyse psychologique et progression dramatique)

Ouvertures possibles:• I, 8: un chapitre qui propose la réécriture de topoï romanesques (le bal, le

banquet) à la manière de Flaubert (envisager à la fois l’inscription dans une tradition et la singularité de l’écriture flaubertienne)

• Des actrices aux profils variés => Emma = un type (réticence de Flaubert vis- à-vis de son portrait dans le roman, vis-à-vis de toute forme d’illustration) => nouveau tremplin pour une relecture transversale du roman et un retour vers « le laboratoire de l’écrivain »)

Suggestion 2

• « Une vraie lune de miel »• III, 3.• Lamartine « Le Lac »• Lettres à L.C du 16 janvier et du 24 avril 1852.• Actes du procès.• Feuillets 127v, 128v ; 138 (en marge « il y eut

de la lune - celane manqua pas ») ; 87 ; 132 (Séquence 395)

Suggestion 3: regards sur Charles

1. Quelle résonance prend la phrase de l’avocat impérial, Ernest Pinard: « Mais l’honneur conjugal est représenté par un mari béat »? Partir de la réception de l’oeuvre telle qu’elle apparaît au moment

du procès pour alimenter une réflexion sur la caractérisation du personnage de Charles et le positionnement particulier de l’instance narrative.

Travail à mener sur des extraits du roman (entre autres possibilités)I, 5: le bonheur de Charles (cf travail sur la lecture de la « page 48 » développédans l’atelier consacré aux activités à mener pour « remonter » de la réception àl’écriture du texte)II,12: Rêveries parallèles de Charles et d’Emma.III, 11: Le mausolée d’Emma / la fin de Charles

2. On peut aussi prendre pour point de départ, en ouverture de séquence, la lecture de l’incipit par les élèves (lecture cursive et/ou lecture analytique).

Par exemple, en prenant en compte, à partir d’une lecturecursive personnelle consignée dans un carnet de bord de lecture,ce leurs impressions et réflexions impliquent...

Extrait du début du carnet de lecture de Fanny portant, (à la suite de la lecture cursive des Lettres à Louise Colet), sur la

première partie de Madame Bovary:

« J’aime bien la première scène à l’école. Ça ne vaut pas que pour cette scène-là, mais on sent que Flaubert a vraiment porté son attention au moindre détail, les descriptions sont franchement géniales. Quoique celle de la caquette ne me plaît pas beaucoup: elle est tellement longue que quand j’arrive au bout je ne sais plus de quoi il s’agit. Et quand je la relis en me disant bien qu’on parle d’une casquette, je me la représente difficilement, elle est sacrément bizarre sa casquette ! Mais Flaubert a au moins eu la délicatesse de nous prévenir d’un « dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile ».Amusant l’histoire du « Charbovari »Est-ce que Flaubert a voulu rendre ridicule Charles Bovary d’entrée de jeu, volontairement, comme pour dire « Faites pas gaffe à lui, ce n’est qu’un guignol? Si c’est ça, pourquoi lui consacrer tout un chapitre comme si c’était sur lui qu’on devait se concentrer? (...) »

Pistes que l’on peut déplier à partir de ce travail d’élève :

- Charles à l’ouverture et à la clôture du roman => réflexion sur le travail de composition, primordial chez Flaubert, un « écrivain à programme »

- Choix du titre du roman : de l’horizon d’attente à son réseau de significations- Problème posé par le « nous » inaugural (modification apportée in extremis

sur le manuscrit) // usage du présent à la fin. => problème du positionnement du lecteur face à une narration qui se place avec et à distance des personnages.

- Un visage qui s’efface au profit de la casquette (cf séquence génétique) // fin du roman: «Il l’ouvrit et ne trouva rien ».

plus largement, quel statut donner aux objets impossibles du roman (pièces montées que sont celles du mariage, du mausolée d’Emma ou du Panogaudopole, le jouet supprimé)?

ce qui invite à réfléchir à la question du « réalisme » de l’oeuvre quand l’imagination vraie l’emporte sur le souci référentiel => personnage comme élaboration d’un type (cf notamment correspondance, lettre à L.C, Trouville, 14/08/1853).