A758-001 À 018 · de Roland Habersetzer pour la nouvelle édition 2009 Il y a quelque chose...

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5 Les auteurs Roland Habersetzer pratique les arts martiaux depuis 1957 et fut l'une des premières ceintures noires françaises de Karaté, en 1961. Considéré à juste titre comme un spécialiste des arts martiaux japonais (Budo) et chinois (Wushu), diplômé à des titres divers en France, au Japon et en Chine, il a été élevé par O-Sensei Tsuneyoshi Ogura (Dojo du Gembukan) au titre de Hanshi (« maître de référence », équivalent à un 9 e dan dans les fédérations de sports de combat), en avril 2006, avec le titre de Soke (« maître fondateur ») de son propre style «Tengu-no-michi ». Également nommé par Tadahiko Ohtsuka, qui lui fit découvrir les styles internes dès 1973,au titre de professeur de Tai-ji-quan du Gojukensha de Tokyo en 1982, il enseigna cet art à partir de 1983 à Strasbourg, et publia cette même année aux Éditions Amphora « Tai-ji-quan, sport et culture », l'un des premiers manuels en langue française abordant la question à un tel niveau de détails, et qui connut un large succès en raison de la clarté de l'exposé. R. Habersetzer a débuté en 1968 un exceptionnel travail de vulgarisation qui, avec près de 80 ouvrages publiés à ce jour, en a fait l'auteur de la plus importante œuvre au monde consacrée aux arts martiaux, une source historique, technique et pédagogique de référence dans tous les pays d'expression française et même largement ailleurs. Il préside les associations internationales « Centre de Recherche Budo », qu'il créa en 1974, ainsi que l'« Institut Tengu », créé en 1995, au sein desquelles il pratique, progresse, démontre et enseigne ici et là avec une passion communicative, au milieu de tant d'élèves entre le Québec et l'Oural. R. Habersetzer a rédigé et illustré les deux premières parties de cet ouvrage (Styles Yang) Serge Dreyer et Roland Habersetzer à Saint Nabor (printemps 2008).

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    Les auteurs

    Roland Habersetzer pratique les arts martiaux depuis 1957 et fut l'une des premièresceintures noires françaises de Karaté, en 1961. Considéré à juste titre comme un spécialistedes arts martiaux japonais (Budo) et chinois (Wushu), diplômé à des titres divers en France,au Japon et en Chine, il a été élevé par O-Sensei Tsuneyoshi Ogura (Dojo du Gembukan)au titre de Hanshi (« maître de référence », équivalent à un 9e dan dans les fédérations desports de combat), en avril 2006, avec le titre de Soke (« maître fondateur ») de son proprestyle « Tengu-no-michi ». Également nommé par Tadahiko Ohtsuka, qui lui fit découvrir lesstyles internes dès 1973, au titre de professeur de Tai-ji-quan du Gojukensha de Tokyo en1982, il enseigna cet art à partir de 1983 à Strasbourg, et publia cette même année auxÉditions Amphora « Tai-ji-quan, sport et culture », l'un des premiers manuels en languefrançaise abordant la question à un tel niveau de détails, et qui connut un large succès enraison de la clarté de l'exposé. R. Habersetzer a débuté en 1968 un exceptionnel travail devulgarisation qui, avec près de 80 ouvrages publiés à ce jour, en a fait l'auteur de la plusimportante œuvre au monde consacrée aux arts martiaux, une source historique, techniqueet pédagogique de référence dans tous les pays d'expression française et même largementailleurs. Il préside les associations internationales « Centre de Recherche Budo », qu'il créaen 1974, ainsi que l'« Institut Tengu », créé en 1995, au sein desquelles il pratique, progresse,démontre et enseigne ici et là avec une passion communicative, au milieu de tant d'élèvesentre le Québec et l'Oural.

    R. Habersetzer a rédigé et illustré les deux premières parties de cet ouvrage (Styles Yang)

    Serge Dreyer et Roland Habersetzer à Saint Nabor (printemps 2008).

  • Serge Dreyer, sinologue de formation, docteur en Science du Langage vit et enseignele français à l'université Tunghaï à Taïchung, Taiwan. Il poursuit la promotion du tui shou,parallèlement à son enseignement universitaire. Initié au Yang jia michuan tai-ji-quan à Taiwanpar M. Wang Yen-nien dans les années 70, il l'introduit alors en France. Il est le premierOccidental à avoir reçu le diplôme du 3e duan de la Fédération de Tai-ji-quan de Taiwan etil est vice-champion de Taiwan de tui shou en 1977. Il a formé de nombreux élèves (etchampions de tui shou) en Europe, aux Etats-Unis, en Russie comme à Taiwan, où il a dispenséune formation de tui- shou à des enseignants de tai-ji-quan taiwanais. Également pratiquantde ba-gua-zhang et de xing-yi-quan (école de Wang Shu jin,Taichung,Taiwan), il en tire deséclairages croisés qui enrichissent sa pratique du tai-ji-quan et du tui shou. Il revientrégulièrement en Occident pour animer des stages et promouvoir la pratique du tui shou.Il est le créateur des Rencontres Jasnières en 1987, évènement ayant depuis acquis unerenommée internationale sous la direction de l'association ARAMIS (Le Mans) dont ilcontinue à être le directeur technique. Initiateur de l'Amicale du Yang jia michuan tai-ji-quan, conseiller du groupement américain du Yang jia michuan tai-ji-quan, il collaboreégalement au Bulletin de l'Amicale du Yang jia michuan tai-ji-quan (Europe), au AYMTA Journal(USA) et à la revue du Poing et de la Plume (France). Par-delà la pratique des arts martiauxchinois, son expérience intime des cultures française et chinoise et ses contacts pédago-giques avec des étudiants de ces deux mondes l'amènent à renouveler continuellement saréflexion sur les rapports de ces deux cultures.

    Serge Dreyer a rédigé la troisième partie de cet ouvrage (Tui shou)

    Roland HABERSETZER

    Centre de Recherche Budo – Institut Tengu7b, Chemin du Looch

    67530 SAINT-NABOR (France)Site : www.tengu.fr

    Serge DREYER19-8 B Tunghai road, Taichung, Taiwan

    Mail : [email protected]

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    Avant-proposde Roland Habersetzer

    pour la nouvelle édition 2009

    Il y a quelque chose d'éternel et de fascinant dans les efforts, conscients ou non, quefait l'homme pour essayer d'adapter sans cesse son rythme à celui de l'univers. Un combatdérisoire qu'il mène depuis toujours, planté dans un décor sur lequel le temps ne semblepas avoir prise… Il y a de la grandeur dans cette lutte fugitive au cours d'une existence sicourte en regard de l'échelle du temps, face à des éléments impassibles qui, apparemment,demeurent alors que l'homme, lui, ne fait que passer.

    Dans cette quête d'une harmonie avec ce que la nature possède d'infiniment grandle temps lui est compté, et manque, le plus souvent. Et pourtant, l'homme recommencetoujours… C'est dire qu'il sait bien, intuitivement, qu'il y va là de la réalité de son sentimentd'exister.

    Le Tai-ji-quan (Tai-chi-chuan) chinois constitue depuis des siècles l'une de cespasserelles possibles entre l'infiniment petit, que nous sommes, et l'infiniment grand,auquel nous aspirons ; nous sommes désormais des dizaines de millions dans le monde àen être convaincus.Au-delà d'une pratique physique, qui a ses vertus propres, le Tai-ji-quanreste avant tout un précieux cheminement vers l'éveil spirituel. Le cœur de l'homme resteune vraie terre de découverte, et l'aventure intérieure est probablement la dernière qui resteencore accessible à cet homme du XXIe siècle où son monde extérieur semble rétrécir dansses potentialités de rêves.

    De nombreux livres de vulgarisation existent désormais sur un sujet qui s'ouvrelargement sur les horizons du bien-être et de la découverte du « soi ». Je fus l'un des premiersà vouloir partager la découverte du Tai-ji-quan, que j'avais faite dès 19731. Je veux continuerà le faire dans ce volume, auquel j'associe mon ami Serge Dreyer pour un domaine dont ilest expert, à savoir la pratique du Tui shou, que je n'avais moi-même jamais abordée dansmon propos. Notre objectif à tous deux est resté celui de mes premières publications surle sujet : bannir les débordements excessifs d'un texte volumineux, qui noie si vite l'essentiel,pour en rester à la définition d'un manuel pratique, avec priorité à l'image. Le sens du détailn'oblige pas à la lourdeur, d'autant plus qu'alors la tentation d'intellectualiser à tout propos

    1. Je publiais en 1975 une première série de dessins décrivant le grand enchaînement Yang dans la première partiede mon livre « Kung-fu », déjà paru aux Éditions Amphora, puis affinais mon propos en 1983 dans le titre « Tai-ji-quan,sport et culture », qui eut également la faveur du public.

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    occulte la pratique véritable. Si cet ouvrage porte jusqu'à vous le message vivifiant de laculture classique chinoise, à travers une gestuelle séculaire2, le travail de ses auteurs auraatteint son but.

    Dès la première édition de ce livre j'ai voulu y rendre hommage au Sensei TadahikoOhtsuka, Hanshi du Gojukensha, qui m'avait introduit dans l'art du Taikyokuken (traductionjaponaise de Tai-ji-quan) et à qui j'avais fait une promesse solennelle un soir de 1982 à Tokyo…Je souhaite que ces pages vous incitent à faire le premier pas, vous qui découvrez, ou à allerplus loin encore, vous qui pratiquez déjà, sur la voie du retour à l'Être. Réussir dans cettedémarche n'est qu'une question de temps, de volonté et d'intelligence du cœur.

    Roland Habersetzer

    Professeur de Tai-ji-quan du Gojukensha

    Soke, Tengu-no-michi

    Saint-Nabor, mars 2009

    2. Ce manuel présente en seconde partie les trois formes les plus répandues dans le monde du Tai-ji-quan de styleYang : la séquence des 24, celle des 85 (ou 108), celle des 40. D'autres séquences courtes, supplémentaires,continuent à tort ou à raison à être créées pour des impératifs d'écoles désireuses de se distinguer les unes des autres(!) ou d'harmonisation des enchaînements en vue de compétitions nationales et internationales qui, de plus en plus,donnent le ton à l'échelle des fédérations sportives…

  • Avant-proposde Serge Dreyer

    Ma contribution à cet ouvrage est dédiée à mes familles française et chinoise, à mesélèves ainsi qu'à tous les partenaires de tui shou qui m'ont permis de progresser. J'aimeraisaussi y associer les enseignants de tai ji quan suivants qui, par la création d'évènements derencontres en partie consacrées au tui shou, contribuent à sa diffusion dans un esprit departage qui me fait chaud au cœur : Enrique Alario, Festival Lalita (Espagne), Cornelia GruberTaichi-Tcho (Suisse), Nils Klug (Allemagne), Bob Lowey et Ronnie Robinson Taichi Caledonia(Écosse),Wilhem Mertens (Allemagne) ainsi que ceux et celles qui organisent les PousseursLibres de Genève, les Rencontres du Rhin, les journées libres de tui shou de Toulouse etd'Angers/Le Mans et enfin tous ceux que j'ai oubliés ou que je ne connais pas mais qui œuvrentdans cette direction.

    À tous ceux et toutes celles qui peinent à apprendre le tui shou, je partagerai aveceux cette maxime de Rabindranath Tagore qui m'a beaucoup aidé en toutes circonstances :« Si tu fermes la porte aux erreurs, la vérité ne rentrera jamais ».

    Je tiens à exprimer ma profonde gratitude aux personnes suivantes dont la contri-bution fut essentielle pour la parution de cet ouvrage (par ordre alphabétique) :

    – Dreyer Éliane et Sun ti : respectivement ma fille et ma femme qui ont accepté deposer pour les dessins malgré leur méconnaissance du tui shou (et qui doivent supporterun père et mari toujours parti par monts et par vaux pour pratiquer/enseigner cettediscipline).

    – Efimoff Olga, la graphiste : la qualité de son travail, sa patience et sa diligence ontpermis l'aboutissement de ce projet.

    – Habersetzer Roland : une vieille amitié qui a transcendé le temps et l'éloignementnous réunit dans ce même ouvrage.

    – Schosseler François: il a revu le texte de mon introduction qui sans lui serait beaucoupplus approximatif.

    – Wang Yen nien (Taipei, Taiwan) : mon professeur de tai ji quan et en particulier detui shou. Nous n'avons pas eu les mêmes idées sur tout, mais son enseignement de grandequalité constituera à jamais les fondations de ma pratique et de mon enseignement.

    Que soient également remerciés pour leur aide :Albert Efimoff qui fut le lien précieuxavec ma graphiste, Lai Tian zhao mon professeur de ba gua zhang/xing yi quan pour les photosdans le parc, Li Jin chuan mon premier professeur de tai ji quan (Taipei, Taiwan), Lin Wen

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  • xiong et ses élèves du groupe de tui shou libre de Yuan Shan (Taipei,Taiwan), Mark et WendyLinett pour les photos du groupe de Yuan Shan, Anne-Marie Mellot, Fabienne Poncin-Epaillard, Pascale Schmied notre photographe improvisée, Andrea Valvini qui a posé pourles photos de tui shou bien que sa spécialité soit le judo au sol, Manfred Sablotny mon angegardien pour toutes les questions d'informatique, Monique Perron pour la révision de mabiographie.

    Serge Dreyer

    Taichung, mars 2009

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  • Sommaire

    > Retour à l'Être................................................................................................................................................................................................. 15

    > 1. La vision taoïste de l'univers................................................................................................................................. 21Les grands principes ............................................................................................................................................................................ 21

    L'Homme, entre le Ciel et la Terre................................................................................................................................ 29

    > 2. Nei-tan et Qi-gong : la voie ésotérique.......................................................................................... 33La voie de l'alchimie interne ................................................................................................................................................. 33

    Le chemin vers l'Homme Véritable ............................................................................................................................ 38

    > 3. La « boxe du faîte suprême ».............................................................................................................................. 41Une longue histoire ............................................................................................................................................................................. 41

    Tai-ji-quan pour tous......................................................................................................................................................................... 47

    Les bases pratiques............................................................................................................................................................................... 49

    > 1. La préparation : les 8 « pièces de brocarts » (Ba-duan-jin) ................ 59

    > 2. Le grand enchaînement des 108 (Yang-jia Tai-ji-quan) ............................... 70La Terre..................................................................................................................................................................................................................... 72

    L'Homme.............................................................................................................................................................................................................. 92

    Le Ciel..................................................................................................................................................................................................................... 118

    > 3. Le petit enchaînement des 24 (forme de Pékin) .................................................. 171

    > 4. La forme des 40 ........................................................................................................................................................................... 197

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  • > 1. Introduction au Tui shou .......................................................................................................................................... 227

    > 2. Les principes généraux ................................................................................................................................................. 232Les énergies................................................................................................................................................................................................... 232

    Lâcher prise................................................................................................................................................................................................... 238

    Retour à l'unité........................................................................................................................................................................................ 239

    Fangsong, détente et vigilance...................................................................................................................................... 240

    > 3. Les différentes formes de Tui shou .................................................................................................... 242Le Tui shou fixe........................................................................................................................................................................................ 242

    Le Tui shou en déplacement .............................................................................................................................................. 262

    Les autres formes de Tui shou......................................................................................................................................... 264

    Les stratégies en Tui shou ...................................................................................................................................................... 264

    > 4. Les exercices pratiques .............................................................................................................................................. 266Les positions des mains............................................................................................................................................................. 267

    Les exercices en solo ...................................................................................................................................................................... 278

    Les exercices à deux partenaires................................................................................................................................. 301

    Les exercices à trois partenaires.................................................................................................................................. 353

    > 5. Le Tui shou libre ......................................................................................................................................................................... 363

    Bibliographie générale....................................................................................................................................................................... 367

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    Séquence 4 : simple fouet (Dan-bian)

    Ce mouvement revient dix fois de suite au cours de l'enchaînement. Il s'exécute avecun mouvement de balancier de tout le corps, au cours duquel il faut conserver un équilibreparfait et bien synchroniser l'action des mains.

    Temps 8

    Décalez le centre de gravité sur le pied gauche en levant la pointe du pied droit eten tournant la taille vers le Nord (22). Lorsque votre poids est entièrement sur le pied gauche,tournez la pointe du pied droit vers le Nord-Ouest, plaquant toute la plante du pied au sol ;les mains sont parvenues complètement sur votre gauche (Ouest). Le regard suit la maingauche (23).

    Redécalez le centre de gravité sur le pied droit tandis que les mains décrivent un demi-cercle les ramenant vers votre droite (Est), la main gauche descendant devant l'abdomen,la droite remontant jusqu'au niveau de l'épaule droite. Le regard est sur la main droite (24).

    Votre poids est maintenant entièrement sur le pied droit. Ramenez le pied gauchecontre lui, le décollant légèrement du sol, tandis que la main gauche remonte au niveau dela clavicule droite (paume vers vous) et que la main droite se ferme, doigts réunis etpointés vers le bas (« main en bec d'aigle », « main pendue » ou « main en crochet » : lesdoigts sont réunis sans raideur, en pince, doigts vers le bas, poignet arrondi). L'attention visuellereste sur cette main droite (25).

    Faites enfin un pas du pied gauche vers l'Ouest, talon se posant d'abord, puisdéplacez progressivement votre centre de gravité dans cette direction. Dans le mêmetemps, ouvrez le bras gauche, la main gauche décrivant un arc de cercle dans un plan horizontald'arrière en avant ; au cours de ce déplacement la main tourne de manière à arriver paumevers l'Ouest à hauteur de l'épaule gauche et à l'aplomb du genou gauche. Le bras droit n'apas bougé, étendu en direction contraire, poignet plié à hauteur de l'épaule droite. Leregard s'est progressivement porté vers l'Ouest, au-delà de la main gauche (26).

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    La figure hachurée montre le stade final vu de face.

    Voir également pour cette séquence 4, la planche S 4, page 152.

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    Séquence 5 : élever les mains (Ti-shou-shang-shi)

    Temps 9Reportant votre poids sur la jambe droite, tournez la pointe du pied gauche à 45°

    vers l'intérieur (soit vers le Nord-Ouest) tout en ramenant votre main gauche dans la mêmedirection. Le regard suit (27). Décalez votre poids sur la jambe gauche (28).

    Faites un pas du pied droit vers le Nord, et posez avec légèreté le talon en gardantlevée la pointe du pied (29). Simultanément, portez les mains ouvertes devant vous, en lesrapprochant jusqu'à largeur d'épaules, paumes se faisant face, coudes pliés. La main droiteest à hauteur de l'épaule tandis que la paume gauche est à hauteur du coude droit. Les deuxcoudes pointent vers le bas. La jambe droite est tendue, le genou gauche est plié (30). Leregard est horizontal, face au Nord, au-delà de la main droite.

    Séquence 6 : la grue blanche déploie ses ailes(Bai-he-liang-chi)

    Temps 1010 a : cette action précède le mouvement proprement dit de « la grue », dont elle

    se distingue cependant. C'est l'action Ho-shou-kao (où l'on trouve « Shou », frapper du coude,et « Kao » pousser de l'épaule ou de l'avant-bras en se penchant en avant). Pivotez un peuvers la gauche, en ramenant le pied droit vers le gauche, pointe frôlant le sol ; les mains tombentnaturellement le long de la cuisse gauche (31).

    Faites un pas du pied droit vers le Nord-Ouest mais ne posez que le talon (32) ; puisportez le poids du corps sur ce pied (33). La paume gauche vient de bas en haut pour pousseren avant tandis que l'avant-bras droit pousse dans la direction du genou droit, paume verssoi. C'est en fait l'épaule droite qui pousse un peu en avant. La main gauche peut redescendrejusqu'à l'intérieur de l'avant-bras droit pour appuyer le mouvement.

    10 b : continuant à pousser vers le Nord-Ouest, le pied gauche se libère et vient seposer pointe vers l'Ouest, sur la ligne du talon droit. Seuls les orteils touchent le sol ; lesgenoux restent un peu fléchis, poids sur la jambe droite (36). La paume droite se soulèvepour venir au-dessus de la tête, paume vers l'extérieur, tandis que la main gauche s'abaissecirculairement et de l'intérieur vers l'extérieur jusqu'à hauteur de la hanche gauche, et finitpaume vers le bas. Le coude gauche est un peu fléchi. Les yeux suivent la main droite puisse portent vers l'Ouest.

    La figure hachurée montre le stade final vu de face.

    Voir également pour les séquences 5 et 6, les planches S 5 et S 6, pages 152 et 153.

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  • Il faut également garder présent à l’esprit que la relaxation de toutes les parties ducorps joue un rôle très important dans le centrage, en particulier la taille. En effet, si unepartie du corps est crispée elle aura tendance à m’attirer vers la périphérie. En fait, le corpsdevrait être idéalement posé sur les pieds. Cette crispation sera d’autant plus dangereusedans une situation de tui shou qu’elle donnera prise au partenaire sur mon centre de gravitéet m’entraînera donc dans une situation de décentrage. On notera également que cetterelaxation du corps joue également un rôle important dans l’enracinement.

    J’aimerais ajouter à cette notion de centrage la dimension des deux partenaires bienqu’elle soit probablement difficile à percevoir pour des débutants. Je ne l’évoquerai doncque succinctement dans cet ouvrage. En effet quand deux partenaires sont en interaction,ils/elles créent en permanence des points de contact, du moins tant qu’il n’y a pasdéséquilibre. De cet état de connexion émerge en quelque sorte un nouveaucentrage/équilibre qui se construit à deux. Ce centrage/équilibre est la résultante desforces en jeu ; il influe donc sur le centrage/équilibre de chaque pousseur pris séparémentmais tout en constituant un centrage/équilibre qui leur est commun. L’une des grandesqualités des pratiquants expérimentés consiste justement à prendre conscience de cettedouble dimension du centrage/équilibre, alors que les débutants tendent naturel-lement à se référer au centrage/équilibre individuel expérimenté dans la pratique desmouvements des séquences. Le centrage/équilibre à deux est délimité par deuxfrontières subtiles : le combat contre le partenaire qui induit un centrage/équilibreindividuel comme seul critère d’efficacité et la dépendance excessive de son proprecentrage/équilibre par rapport au partenaire.

    - L’enracinement

    Il est souvent confondu à tort avec le centrage qui est intimement liéà la notion d’équilibre en mouvement. Or l’enracinement est avant toutun travail sur la puissance, sur la stabilité. Naturellement, un bon tui shouse doit de combiner étroitement ces deux notions mais en termes d’entraî-nement, il s’avère intéressant de les distinguer. En effet, il m’arrive souventde pousser avec des partenaires dont l’enracinement est irréprochable, enparticulier dans le tsf, mais qui sont perdus dès qu’il faut se déplacer. Laraison en est que dans le tsf les déficiences au niveau du centrage peuventassez facilement se trouver compensées par l’enracinement. Il en va toutautrement dans le tsd. L’enracinement se pratique généralement en soloavec des postures tenues plus ou moins longtemps mais il peut aussi sepratiquer à deux (dessin ci-contre). Il est conseillé de profiter des posturesd’enracinement pour affiner son centrage.

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  • - La souplesse et la notion d’absorption

    La souplesse dans le tui shou, qui n’est pas à confondre avec l’état de fangsong, setrouve étroitement liée à la notion cardinale d’absorption. Il faut donc d’abord éclaircirce que recouvre cette notion.

    Absorber la poussée d’un partenaire implique nécessairement une bonne écoutede ses mouvements et devrait induire un lâcher prise quand la poussée se manifestesur mon propre corps. Cette absorption est également inséparable de la phase suivantequi consiste soit à neutraliser la poussée, soit à la réorienter à son profit. Pour réalisertoutes ces opérations dans de bonnes conditions, il est important de bien distinguerentre ce que j’appelle les espaces de sécurité et les zones dangereuses. Le lecteur devracomprendre que ces espaces ne sont pas définis une fois pour toutes puisqu’ils évoluentau cours des échanges. Cependant, il existe certains principes qu’il me semble utile derappeler.

    Tout d’abord chaque pratiquant devra se considérer comme le centre d’une sphère.Il tentera alors d’éviter que les poussées du partenaire entrent dans cette sphère, lazone dangereuse pour son équilibre. Il s’évertuera donc à dévier la force du partenairesur les tangentes de la sphère, sa zone de sécurité. Il est toutefois difficile d’empêchercontinuellement un partenaire de pénétrer cette sphère. C’est alors le corps dupratiquant qui devient en quelque sorte la sphère ultime sur laquelle devront rebondirles poussées du partenaire. Dans le premier cas, le pratiquant devra compter sur uneexcellente écoute mais il aura aussi tendance à jouer sur sa rapidité naturelle etéventuellement sur un certain degré de résistance pour éviter les intrusions dans sasphère. J’ai pu constater que les pratiquants formés à l’aïkido ou au karaté ont tendance

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  • 258

    1 2 3

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  • puissance du mouvement est exprimée parles paumes (photo ci-contre, mais bonneposition…). Il est impératif de tirer le partenairelatéralement sous peine de l’attirer sur soi, oubien, dans des cas plus rares, le tirer sur soi dansun premier temps mais s’en écarter dans undeuxième. Il est recommandé de concevoirces techniques dans une alternance tirer-pousser : si le mouvement initial de tirer estcontré, on enchaîne avec une poussée dans ladirection de la force émise (généralement denature tirée) du partenaire.

    - Les absorptions/esquives

    Tout d’abord, par souci de simplification, je ne ferai pas de distinction majeure entreesquive et absorption car ces deux notions vont de pair dans le tui shou. Ces deux termesseront donc employés simultanément.

    La nature du tsf fait que chaque partenaire a relativement peu de latitude pourabsorber les attaques. Je tenterai de mettre en lumière dans ce chapitre quelques principesrepérables qui pourrait former une espèce de « méthodologie de l’absorption/esquive ».J’ai déjà évoqué précédemment les esquives par rupture et par épuisement de l’attaque.Un autre principe est important à retenir, ce que j’appelle « l’axe des colonnesvertébrales ». Si deux partenaires se trouvent face à face, l’axe imaginaire qui relie lescolonnes vertébrales trace la ligne du plus grand danger en cas de poussée pour l’unet l’autre (Esquive à partir du pas dit du singe qui recule, photo ci-contre), et ce pour

    deux raisons.Tout d’abord, c’est la colonne vertébrale qui, avecles membres inférieurs, est garante de l’équilibre de chacun.Ce fait est facile à vérifier car une poussée sur l’axe de lacolonne s’avère beaucoup plus difficile à absorber qu’unepoussée sur l’épaule. La deuxième raison réside dans le faitque c’est aussi à partir de l’axe de la colonne vertébrale quel’énergie de la poussée est exprimée. Il en résulte pour chacundes partenaires que rester dans cet alignement les expose auxpoussées les plus puissantes. Par conséquent, il estrecommandé pour les esquives de se décaler par rapport àcet axe, tactique peu aisée à réaliser dans le tsf puisqu’on nepeut se déplacer. Il reste donc à créer ce décalage à la foispar des rotations du tronc et en créant ce que j’appelle des« espaces intérieurs » essentiellement en pliant/dépliant le

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  • corps (fig. a à c). Pour mieux comprendre cette tactique, il faut garder présent à l’espritque la plupart des attaques frontales en art martial se développent très schématiquementsous la forme d’une pointe de flèche (sauf pour la poussée de type peng) et/ou d’uneflèche inversée. Pour se décaler de l’axe des colonnes vertébrales, il suffit donc d’opérerune rotation autour de la pointe de la flèche ce qui permet ensuite de se positionnerlatéralement, et avantageusement, pour pousser le partenaire. En cas d’une flèche inversée,

    il faut se faufiler dans l’entonnoiret/ou créer une situation derupture d’un des côtés du triangle(début de rotation photo 1), parexemple, par une prise en tenailledu coude (photo 2…). Toutes cesopérations requièrent une certaineflexibilité, à la fois physique etmentale, que j’ai déjà évoquéesprécédemment. Elles présententl’avantage de pouvoir enchaîneraprès l’esquive sur des pousséeslatérales qui sont probablementles plus efficaces en tsf, mais quirestent malheureusement sous-exploitées.

    Une autre solution pour absorber les poussées frontales consiste à passer d’un appuijambe avant vers la jambe arrière, ce que j’appelle la tactique « glissière ». Particulièrementutilisée par ceux qui privilégient un grand pas, elle permet de mettre de la distance entre

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    1 2

    Fig. b

    Fig. aFig. c

  • la source de la poussée et son propre corps. Elle fonctionne donc essentiellement surl’épuisement de la poussée adverse. Certains y ajoutent une très grande flexibilité dutronc (plié en arrière), posture qui présente l’inconvénient de considérablement solliciterles genoux et d’écraser les lombaires.

    On rappellera enfin le constat, évidemment empirique, que la difficulté del’absorption/esquive ne réside pas tant dans la difficulté technique que dans la volontéde ne pas céder. Cet aspect psychologique joue un rôle extrêmement important dansla pratique du tui shou. Notre éducation en Occident met en valeur l’affirmation desoi et donc de « tenir son rang », ce qui se traduit dans le tui shou par le réflexe de nepas céder de terrain. En Chine, c’est la notion de « perte de face » qui génère ce réflexe.Il faut beaucoup de temps et de vigilance pour maîtriser les effets néfastes de cetteprofonde et très ancienne « programmation ».

    - Le contact à travers les mains

    Que ce soit pour les poussées ou les mouvements de tirer, on observe une doublemécanique des mains, au niveau des doigts d’abord puis des paumes, le tout étantconditionné par la flexibilité de l’articulation du poignet. Quelles que soient les positionsdes mains (voir le chapitre Positions des mains), les doigts légèrement fléchis doiventimpérativement être la première partie à entrer en contact avec le corps du partenaire.Ils sont fléchis pour assurer un contact souple qui permettra de mieux écouter/suivrele partenaire. Ce n’est que dans une seconde phase que les paumes entrent en actionpour exprimer l’énergie de la poussée. Les doigts sont donc comme des antennes quiexplorent le relief du corps cible et préparent le terrain pour la phase finale de la poussée.Dans le feu de l’action, les pousseurs inexpérimentés tendent à pousser avec lesdoigts raidis ce qui est à la fois néfaste pour l’efficacité de la poussée mais aussi et

    surtout pour ces articulations plus fragiles. Par ailleurs, tous les doigtsgagnent à être légèrement écartés avec un écart plus sensible pour le

    pouce lors de l’expression de l’énergie. On retrouve les mêmes rôles pourles mouvements de tirer.

    Il reste bien entendu que l’action des mains est totalement dépendante de lataille et des pieds. Dans le cas contraire, c’est la force de l’épaule qui est sollicitée,mécanique corporelle peu recommandable. J’ajouterai enfin qu’il faut éviter de bloquerl’articulation du poignet (dessin ci-contre) qui souffre de ce genre de posture.

    On peut donc affirmer, en termes très généraux, que toutes les articulationsdes mains doivent être détendues pour un maximum d’efficacité, que ce soit

    dans la phase préparatoire ou effective des mouvements de pousser/tirer. Lesmains épousent la forme du corps poussé.

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    > 2. Le Tui shou en déplacement

    Tous les principes énoncés précédemment valent pour le tsd. Ce sont les règlesdu jeu qui changent ainsi que la sophistication des techniques (mais surtout destactiques).

    - Les règles communément admises

    Elles sont beaucoup moins clairesque pour le tsf car le déséquilibre estaccepté mais à condition d’être contrôlé.On peut reculer sous le choc d’une pousséesi l’on garde l’équilibre sur la réception dupas en arrière. En cas d’un recul de plus d’unpas, on considère que c’est une perte decontrôle. Il en va de même pour lespoussées latérales, les poussées dans ledos et les mouvements de tirer. Dans unepratique non compétitive, il relève du bonesprit de chaque partenaire de reconnaîtreson déséquilibre. Dans les pratiquescompétitives, les partenaires évoluent en

    général dans un cercle ou un carré. Si l’un des protagonistes met un pied hors de laligne de démarcation, il est pénalisé. Les partenaires peuvent se déplacer à loisir maissans courir ni sauter. Il est également possible de pousser/tirer un partenaire sur majambe et le faire trébucher à condition que ladite jambe ne joue pas un rôle actif danscette technique.

    - Les techniques

    Elles sont évidemment plusélaborées du fait des déplacementspossibles qui génèrent un plus grospotentiel de transformations. Certainessont quasiment inconnues du tsfcomme contourner le partenaire(photo de gauche), le pousser surl’extérieur du bras du partenaire avecl’ensemble du corps (enchaînementpossible photo de droite), etc. Onnotera que plus les partenaires se