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Vol. 1, no 1 Bulletin de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice Juin 2012 Un bulletin pour informer et partager Vous avez sous les yeux le premier numéro de L’Univers en bref, un bulletin publié par le personnel de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice à raison de trois numéros par année. Pourquoi un autre bulletin interne? Pour faire mieux connaître la corporation, sa fonction, son travail, ses orientations, ses réalisations. Pour mettre la question patrimoniale au cœur de la communauté afin qu’elle devienne une préoccupation constante et collective. Pour nous sensibiliser tous à l’histoire de Saint-Sulpice et à l’importance de garder cette histoire bien vivante. En faisant circuler l’information sur le patrimoine des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal, L’Univers en bref veut favoriser aussi l’échange et le dialogue entre les provinces sulpiciennes. Publié à l’intention de tous, le bulletin sera distribué au Canada et servira de moyen de partage avec nos collègues français et américains. Dans ce premier numéro, on donne un aperçu de la tâche qui incombe aux archives, aux biens mobiliers, aux livres rares dans la gestion des collections des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal. On fait découvrir des pièces de ces collections et on signale des projets en cours. Dans l’article suivant de la page éditoriale, on montre que la province canadienne a anticipé les attentes formulées en 2011 par le conseil général en créant, et ce progressivement depuis le début des années 1990, les structures nécessaires à la conservation de son patrimoine. Dans les éditions à venir, le bulletin donnera des nouvelles brèves sur les activités courantes de la corporation et sur des événements, internes ou externes, qui pourraient intéresser la communauté, touchant surtout à des aspects du patrimoine, qu’il soit religieux ou civil. Avec ce bulletin, nous espérons démontrer qu’Univers culturel de Saint-Sulpice ne poursuit qu’un but : contribuer à la sauvegarde de l’héritage des Sulpiciens au Canada! Le patrimoine : un devoir de mémoire oui, mais une question surtout de vision et d’organisation Dans la lettre qu’il adressait, le 18 avril 2011, aux supérieurs provinciaux, aux archivistes et aux comités locaux responsables du patrimoine, monsieur Ronald D. Witherup, p.s.s, supérieur général de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice, s’étonnait qu’aucune province sulpicienne ne se soit dotée à ce jour d’une politique de gestion du patrimoine. Pour pallier à cette lacune, il donnait une liste de documents à lire sur cette question parmi lesquels figuraient des lettres émanant de la Commission pontificale pour la conservation du patrimoine artistique et historique de l’Église. M. Witherup énumérait par ailleurs une série de critères dont les provinces devraient tenir compte dans l’élaboration de telles politiques patrimoniales. Il mentionnait à cet effet les tâches d’inventaire, de documentation photographique, d’entreposage, de restauration, de mise en valeur des biens par la tenue d’expositions par exemple, ainsi que l’établissement de règles conditionnant les prêts de biens sulpiciens à d’autres institutions. Au moment où il écrivait cette lettre, monsieur Witherup n’avait pas encore reçu la Politique d’acquisition et d’aliénation que la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice venait tout juste de publier. Or, cette Politique traite justement d’un des aspects de la gestion patrimoniale, soit les principes et procédures qui régissent l’entrée de biens dans les collections sulpiciennes, ou, le cas échéant, l’aliénation de tels biens sulpiciens.

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Vol. 1, no 1 Bulletin de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice

Juin 2012

Un bulletin pour informer et partager Vous avez sous les yeux le premier numéro de L’Univers  en bref, un bulletin publié par le personnel de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice à raison de trois numéros par année. Pourquoi un autre bulletin interne? Pour faire mieux connaître la corporation, sa fonction, son travail, ses orientations, ses réalisations. Pour mettre   la   question   patrimoniale   au   cœur   de   la  communauté   afin   qu’elle   devienne   une   préoccupation  constante et collective. Pour nous sensibiliser tous à l’histoire   de   Saint-Sulpice   et   à   l’importance   de   garder  cette histoire bien vivante. En   faisant   circuler   l’information   sur   le   patrimoine   des  Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal, L’Univers  en  bref veut favoriser   aussi   l’échange   et   le   dialogue   entre   les  provinces   sulpiciennes.   Publié   à   l’intention   de   tous,   le  bulletin sera distribué au Canada et servira de moyen de partage avec nos collègues français et américains. Dans ce premier numéro, on donne un aperçu de la tâche qui incombe aux archives, aux biens mobiliers, aux livres rares dans la gestion des collections des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal. On fait découvrir des pièces de ces collections et on signale des projets en cours.   Dans   l’article   suivant de la page éditoriale, on montre que la province canadienne a anticipé les attentes formulées en 2011 par le conseil général en créant, et ce progressivement depuis le début des années 1990, les structures nécessaires à la conservation de son patrimoine. Dans les éditions à venir, le bulletin donnera des nouvelles brèves sur les activités courantes de la corporation et sur des événements, internes ou externes, qui pourraient intéresser la communauté, touchant  surtout  à  des  aspects  du  patrimoine,  qu’il soit religieux ou civil.

Avec   ce   bulletin,   nous   espérons   démontrer   qu’Univers  culturel de Saint-Sulpice   ne   poursuit   qu’un   but : contribuer   à   la   sauvegarde  de   l’héritage  des   Sulpiciens  au Canada! Le patrimoine : un devoir de mémoire oui, mais une question surtout de vision et d’organisation Dans   la   lettre   qu’il   adressait,   le   18   avril   2011,   aux  supérieurs provinciaux, aux archivistes et aux comités locaux responsables du patrimoine, monsieur Ronald D. Witherup, p.s.s, supérieur général de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice,  s’étonnait  qu’aucune  province  sulpicienne  ne  se  soit  dotée  à  ce  jour  d’une  politique  de  gestion du patrimoine. Pour pallier à cette lacune, il donnait une liste de documents à lire sur cette question parmi lesquels figuraient des lettres émanant de la Commission pontificale pour la conservation du patrimoine  artistique  et  historique  de  l’Église. M. Witherup énumérait par ailleurs une série de critères dont les provinces devraient tenir compte dans l’élaboration   de   telles politiques patrimoniales. Il mentionnait   à   cet   effet   les   tâches   d’inventaire,   de  documentation   photographique,   d’entreposage,   de  restauration, de mise en valeur des biens par la tenue d’expositions  par  exemple,  ainsi  que  l’établissement  de  règles conditionnant les prêts de biens sulpiciens à d’autres  institutions. Au moment où il écrivait cette lettre, monsieur Witherup   n’avait   pas   encore   reçu   la   Politique d’acquisition  et  d’aliénation que la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice venait tout juste de publier. Or, cette Politique traite justement   d’un   des   aspects   de   la  gestion patrimoniale, soit les principes et procédures qui   régissent   l’entrée   de   biens   dans   les   collections  sulpiciennes,   ou,   le   cas   échéant,   l’aliénation   de   tels  biens sulpiciens.

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La lettre du supérieur général donnait suite aux décisions prises par le conseil général lors des réunions tenues  à  Rome  au  début  de   l’année  2011.  Produite  au  même moment, la Politique  d’acquisition  et  d’aliénation  de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice venait démontrer en quelque sorte le bien-fondé de la structure que les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal s’étaient  donnée  en  2006  pour  voir  à  la  gestion  de  leur  patrimoine. La Politique démontrait aussi que la corporation était sur la bonne voie. Mieux, elle avait même su anticiper les orientations de la Compagnie de Saint-Sulpice en matière de protection de son patrimoine.

Fig. 1 – Réserve de meubles, département des biens mobiliers Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal avaient franchi un premier pas dans la bonne direction dès 1979 en se dotant  d’un  Comité  du  patrimoine  auquel  participaient  MM. Bruno Harel, Gérard Aumont, Roger Lachapelle et Jean-Pierre Lussier, tous prêtres de Saint-Sulpice. En 1997,   l’embauche   d’un   archiviste   de   formation  permettait   d’instaurer   des   méthodes   scientifiques   de  traitement des archives.

Fig.2 – Archiviste déchiffrant une lettre

Deux autres étapes importantes étaient franchies en 2002  avec   l’entrée  en  fonction  d’une  conservatrice  des  biens mobiliers et la création du Comité des archives et du patrimoine qui réunissait, sous la direction de

monsieur Jean-Pierre Lussier, p.s.s., les responsables des   deux   départements.   Dès   ce   moment,   l’inventaire  des biens patrimoniaux de la communauté, tâche prioritaire entre toutes selon monsieur Witherup, était en cours.

Fig. 3 – Réserve  des  œuvres  sur  papier,

département des biens mobiliers Mais   l’inventaire  n’était  qu’une  des   tâches  à  effectuer.  Le   Comité   s’empressa   donc   de   mettre   en   place   les  conditions matérielles pour assurer le traitement et l’entreposage   des   biens   patrimoniaux   (fig.   1,   2,   3).   Il  entreprit de faire restaurer les objets de valeur patrimoniale (fig. 4, 5). Il élabora les instruments nécessaires au bon fonctionnement des départements : bases de données, répertoires numériques des fonds d’archives,  guide  de  documentation  des  collections,  etc.  Il favorisa la recherche sur les collections,  l’organisation  de visites guidées au Grand Séminaire de Montréal, la participation à des colloques et à des congrès, la présentation   d’expositions,   tout   en   intervenant   dans  d’autres   dossiers,   dont la   présentation   en   2005   d’un  mémoire au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

En 2006, la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice vint   remplacer   l’ancien   Comité   des   archives   et   du  patrimoine.   Elle   s’adjoignit   alors   un   nouveau  département : celui des livres rares, où tout le travail d’inventaire  était  à  faire  dorénavant.    

La   corporation   fut   l’un   des   acteurs   importants   de  l’organisation   des   célébrations   et   expositions   qui  marquèrent le 350e anniversaire de la présence sulpicienne  au  Canada.  À   l’invitation  du  ministère de la Culture,  elle  présenta  en  2008  un  plan  d’occupation  de  l’ancienne   Bibliothèque   Saint-Sulpice, lequel devait ensuite  être  révisé  pour  être  adapté  à   l’aile  Saint-Marc du   Grand   Séminaire   de   Montréal.   Parmi   d’autres  réalisations, elle se dota aussi d’une   politique   de   prêt  ainsi   que   d’une   position   commune   concernant   le  

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paiement   des   droits   d’auteur   et   des   droits   de  reproduction des biens sulpiciens. Depuis 2002, le travail sur le terrain avait fait mûrir l’idée   de   se   donner   une   politique   commune   pour remplacer   les   critères   qui,   jusqu’alors,   avaient   guidé  chacun des départements dans son travail de constitution   des   collections.   En   2010,   l’octroi   d’une  subvention permit à la corporation de définir ses propres   principes   et   procédures   d’acquisition   et  d’aliénation. Dans la foulée, elle repensa la définition des collections et les critères de sélection des artefacts qui   pouvaient   leur   être   destinés.   Afin   d’éviter   que   les  collections deviennent des fourre-tout, particulièrement dans le domaine des biens mobiliers, elle conclut à la nécessité de soumettre tous les objets, même ceux provenant  de  la  communauté,  au  filtre  d’un  comité  qui  verrait   à   l’application   des   critères   de   sélection   et  d’aliénation  définis  dans  cette  nouvelle  politique.  

Fig. 4 – La Descente du Saint-Esprit

d’après  Charles  Le  Brun avant sa restauration

Collection des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal Photo : Pascale Bergeron

La corporation Univers culturel de Saint-Sulpice est un des moyens que se sont donnés les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal pour remplir leur devoir de mémoire envers les générations futures et la société en général.   Elle  est   le   fruit   d’une   vision  qui   s’est   incarnée  dans la réalité et qui, depuis plus de dix ans déjà, réalise concrètement certaines des conditions que le conseil général de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice a portées en   2011   à   l’attention   des   provinces   pour   les  inciter à prendre acte de leurs devoirs en ce qui a trait à leur patrimoine.

Or, si l’inventaire   et   la   conservation   sont   des   tâches  essentielles en regard du patrimoine sulpicien, que dire de la diffusion et de la mise en valeur de ces biens? À quoi sert en effet de sauvegarder des documents anciens, des peintures, des objets de savoir, des livres rares   si   c’est   à   seule   fin   de   les   entreposer   dans   des  réserves?   Pour   témoigner   de   l’histoire   sulpicienne,   il  faut que cet héritage soit mis en relation avec la communauté   qui   l’a   fait   naître  et   avec   un   public   qui   a  soif  de  connaître  l’histoire de Saint-Sulpice au Canada.

Fig. 5 – La Descente du Saint-Esprit

d’après  Charles  Le Brun après sa  restauration  avec  l’aide  d’une  subvention  du  Conseil  

du patrimoine religieux du Québec Collection des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal

Photo : David Strong

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Dans les archives, Saint-Sulpice mur à mur Depuis le XIXe siècle, on compte 12 sulpiciens qui, pendant des termes plus ou moins longs au fil de leur carrière,  reçurent  le  titre  d’archiviste.    Avant  eux,  on  ne  sait   encore   combien   d’autres   sulpiciens   agirent   dans   la  Communauté pour constituer la mémoire de Saint-Sulpice.   Ils   eurent   la   tâche   d’être   les   « gardiens » des papiers de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice et de ses membres, de transmettre le savoir de leurs prédécesseurs   et   d’assurer la   continuité   de   l’histoire  sulpicienne.     Depuis   1997,   c’est   avec   la collaboration d’archivistes   professionnels,   laïques,   que   s’effectue   ce  travail et se mesure   l’étendue   des   connaissances  contenues dans ce patrimoine archivistique unique. Un patrimoine qui témoigne de la présence constante des Sulpiciens à Montréal et du rayonnement  qui   s’ensuivit  dans   l’Ouest   du  Canada   (Edmonton),   au  Brésil   (Brasilia,  Crato), en Colombie (Bogota, Cali, Cucuta, Zipaquira), en Italie (Rome), au Japon (Fukuoka), pour ne nommer que les plus actuels. On peut déjà mesurer   l’étendue du patrimoine archivistique sulpicien en chiffres. Des chiffres qui vivent et qui vont en augmentant puisque des sulpiciens il y a et des sulpiciens il y aura! Par conséquent, des archives il y aura. Nous estimons donc le patrimoine archivistique actuel à environ 1 000 mètres linéaires de documents textuels, environ 75 000 documents iconographiques (diapositives, photographies, négatifs), environ 8 000 cartes géographiques et devis techniques, environ 100 heures   d’enregistrements   sonores,   autant   d’heures  d’enregistrements filmiques et une quantité non chiffrée de documents informatiques qui est amenée à croître au fur et à mesure que les sulpiciens utilisent les nouvelles technologies de communication.

Voûte aux archives

On peut aussi préciser que cela représente 310 fonds et collections   d’archives,   dont   35   fonds   institutionnels   (la  Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice, le Collège de Montréal, le Séminaire de Philosophie, l'Oeuvre de

vacances du Lac Gémont, la Paroisse Saint-Jacques, le Cabinet de lecture paroissial, etc.), 258 fonds de sulpiciens (Olivier Maurault, René Marinier, Charles Prévost, Lucien Martinelli, Jean-Paul Labelle, etc.) et 17 fonds associés dont ceux de Fanny et Adine Maurault, et Aegidius Fauteux. La mémoire ne suffisant pas, on   s’y  retrouve grâce à une base de données contenant déjà plus de 40 000 enregistrements, mais beaucoup reste encore à faire. Le caractère de ce patrimoine est unique également sur le plan qualitatif. Il est reconnu par d’autres  communautés religieuses, par un public plus spécialisé de chercheurs, de professionnels du patrimoine et par le grand   public   pour   qui   l’histoire   de   Montréal et de sa région, son histoire, est associée à celle de Saint-Sulpice. Chaque année, ce sont 200 demandes de recherche et de consultation qui sont adressées au département des archives. C’est   autour   de   ces   archives   qu’un   petit   groupe  d’irréductibles  s’agite.    Trois  archivistes  s’époumonent  à  souffler sur la poussière pour amener progressivement au grand jour ces témoignages sulpiciens. Le tout, avec la collaboration de M. Rolland Litalien, p.s.s., grand « connoisseur »  de   l’histoire  de  Montréal   et   de   la  place  qu’y   jouent   les   Sulpiciens,   grâce aussi à l’action  indéfectible de M. Jean-Pierre Lussier, p.s.s., qui   n’a  cessé de faire reconnaître ce patrimoine et de promouvoir   sa   mise   en   valeur.     C’est   sans   compter   la  collaboration   de   dizaines   d’étudiants,   de   stagiaires,  d’archivistes   contractuels   tous   aussi intéressés que renversés par ces richesses archivistiques. Correspondance en provenance des archives Au cours des derniers mois, mes collègues archivistes Caroline Laberge et David Émond, ont travaillé à l’organisation   d’un   ensemble   de   lettres   grâce   à   l’appui  du Programme national de développement des archives 2011-2012, administré par Bibliothèque et Archives Canada et livré par le Conseil canadien des archives. Cet ensemble porte le qualificatif évocateur de « correspondance sulpicienne et générale » en référence à la multiplicité des sujets abordés, touchant tant les différents aspects de la vie familiale, de la pratique religieuse, de la formation académique que des affaires administratives auxquelles participent les Sulpiciens. Cette correspondance d’un  peu  moins   de   2 000 lettres, de la période de 1729 à 1912, est  organisée  autour  d’un  peu plus de soixante personnages, dont une majorité de

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sulpiciens canadiens, mais aussi américains et français. De   plus,   les   correspondants   traitant   d’affaires  administratives sont principalement les autorités du Séminaire de Saint-Sulpice de Montréal, mais aussi celles de Paris, les autorités ecclésiastiques du Québec, du Canada, des États-Unis   et   d’Europe,   de   même   que   les  autorités civiles. Prenons   l’exemple   de   M. Candide-Michel Le Saulnier, p.s.s., curé de la paroisse Notre-Dame de 1793 à 1830. Nous conservons de lui une correspondance notable témoignant non seulement de la fraternité entre les Sulpiciens français   essaimés  à   travers   toute   l’Amérique,  mais également des événements historiques qui ont marqué cette époque : les tensions politiques en Europe et leurs répercussions en Amérique; les démarches des Sulpiciens pour faire reconnaître leurs titres auprès des autorités britanniques; l’arrivée  en  masse  au  Bas-Canada des Irlandais et des Écossais;   l’établissement   de   l’Église  catholique dans les missions du Haut-Canada et des États-Unis.  De  plus,  sa  correspondance  nous  révèle  qu’il  a   joué   un   grand   rôle   dans   l’importation   de   livres  d’Europe  et  dans  leur  distribution  partout  en  Amérique. Parmi cette riche correspondance, il y a des lettres écrites par Mgr Benoît-Joseph Flaget, sulpicien français qui devint le premier évêque du diocèse américain de Bardstown,   fondé   en   1808.     Ce   diocèse,   aujourd’hui  disparu, couvrait alors une partie des États américains actuels du Kentucky, du Tennessee, du Missouri, de l’Illinois, de  l’Indiana, de  l’Ohio et du Michigan. Pour assurer le développement de son diocèse au cours de son épiscopat, qui dura près de 40 ans, Mgr Flaget, dû participer à des négociations territoriales avec les nations amérindiennes. À cette fin, il campa le 15 septembre 1818 sur les bords de la rivière Sainte-Marie d’où  il  écrivit à monsieur Le Saulnier. Voici des extraits : 15 septembre 1818 De la rivière Ste-Marie Bien cher et bien respectable confrère C’est   du   milieu   d’un  camp où il y a deux ou trois mille Indiens de différentes nations, une centaine de   [marchands],   une   dizaine   d’agents,   une   vingtaine  d’interprètes,  environ  quatre-vingts soldats et officiers un grand nombre de curieux, enfin un prêtre et un évêque

que  bien  vous  connaissez,  que  je  désire  m’entretenir  avec  vous afin de ne pas être dans une parfaite oisiveté. Le but de  mon  voyage,  comme  je  l’ai  marqué  à  M.  Roux,  est  de  redemander les terres qui appartenaient jadis aux Missions de tous ces pays du Nord. Les Mrs qui sont à la tête de ce traité me paraissent tous très dévoués et m’assurent  qu’ils  ne  négligeront   rien  pour   la   réussite  de  mon projet. Dimanche dernier fête du nom de Marie sur les bords de la rivière du même nom, je préchai le matin en   Anglais   à   tous   ceux   qui   pouvaient   l’entendre,   les  interprètes,   après  mon  discours,   qui   fut   au  moins  d’une  heure traduisirent aux Sauvages ce qui pouvait leur convenir. Le soir je fis votre besogne en rassemblant tous vos Canadiens ou demi Canadiens auxquels je fis une lecture à côté de ma tente et sur laquelle lecture je fis plusieurs réflexions qui firent pousser plusieurs soupirs à ces pauvres malheureux – qui leur inspirèrent un désir passager de revenir à Dieu, et qui très probablement ne les rendront que plus coupables. […] Le distributeur des vivres est un Mr [Math Born] qui eut le bonheur, me dit-il, de faire votre connaissance il y a environ dix ou douze ans, il se rappelle les saintes communautés  où  vous  l’introduisites  et  les  conversations  religieuses que vous eutes avec lui. Quel encouragement pour  faire  de  bonnes  œuvres  ?   Et  puisque  j’en  suis  à  [?]  de  vos  bonnes  œuvres,  m’avez-vous   procuré   la   vie   de   N.S.J.   dont   vous   m’avez   dit   des  merveilles  ?   l’avez-vous [envoyé?] avec les autres livres, et le tout est-il   en   chemin   pour   m’être   rendu   au   lieu  convenu ? […]   Bénédictions et amitiés à mon bien bon ami Mr Roux, à mon cher Mr Ciquard et à tous les autres confrères que je ne nomme pas faute de place, à toutes vos communautés enfin à tous ceux qui prennent quelqu’intérêt   au   pauvre   évêque   de   Bardstown.   Soyez  bien sûr que je vous porte  tous  dans  mon  cœur  et  que  je  ne vous oublierai jamais au St-Sacrifice  de  la  messe.[…]

Benoît Joseph évêque de Bardstown

Ce   n’est   là  qu’une   des  nombreuses pièces que

nous pouvons trouver dans les divers fonds et collections d’archives.    C’est  donc  une  histoire  à  suivre… M. L.

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Une vitrine sur les livres rares Que peuvent bien contenir, derrière ces portes ver-rouillées, les réserves du département des livres rares? Quels  trésors  dorment  sur  les  rayons  et  n’attendent  que  la curiosité du chercheur pour être réveillés ? Ces questions   vous   ont   évidemment   traversé   l’esprit, sachant   l’importance  que  les  Sulpiciens  ont accordé aux livres à toutes les époques. Dans ce tout premier numéro de L’Univers   en   bref, nous vous proposons un survol historique du département des livres rares afin de vous faire connaître la nature de cette collection ancienne.

Dès leur implantation à Montréal en 1657, les Sulpiciens accordèrent une place prépondérante aux livres. Des cargaisons de livres appartenant aux prêtres sulpiciens connurent   les   dures   traversées   de   l’Atlantique   en   vue  d’arriver   dans   la   colonie   française   naissante   de   Ville-Marie. Petit à petit, une bibliothèque se forma autour du noyau central au Séminaire de Saint-Sulpice. Cette bibliothèque allait devenir une des plus imposantes en Nouvelle-France, rivalisant avec la bibliothèque du Collège des Jésuites de Québec. En humanistes avertis, les prêtres de Saint-Sulpice acquéraient des ouvrages témoignant des préoccupations de leur époque, en théologie, en histoire, en sciences, en philosophie, en littérature, dans les arts, etc… À compter du XVIIIe siècle, les Sulpiciens se firent pédagogues   au   sein   d’une   population   montréalaise  ayant  soif  d’instruction.    Les  institutions  d’enseignement  les plus prestigieuses, le Collège de Montréal et le Séminaire de philosophie, nécessitaient un approvisionnement  constant  d’ouvrages  de  toute  nature qui allaient appuyer un enseignement de qualité au sein de ces institutions. Ceci allait culminer au début du XXe siècle avec la création de la Bibliothèque Saint-Sulpice, sur la rue Saint-Denis, qui allait devenir plus tard la pierre   d’assise   de   la   collection patrimoniale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). C’est   Aegidius   Fauteux,   bibliothécaire   responsable   de  cette bibliothèque, qui sélectionna des ouvrages dans les différentes bibliothèques de Saint-Sulpice pour meubler la nouvelle collection.

C Julii Caesaris quae extant ex emendatione Jos. Scaligeri. - Lugduni Batavorum [Leyde] : Ex Officina Elzeviriana, 1635. -

526, [34] p., [3] f. de pl. Collection des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal

Photo : Pascale Bergeron

Heureusement pour la communauté sulpicienne, une quantité appréciable de livres rares sont encore présents dans nos murs. En 2006, le département des livres rares, dont le but est de conserver et diffuser cette collection, voit le jour en même temps que la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice. Les livres sont entreposés dans les réserves du Grand Séminaire de Montréal et au Séminaire de Saint-Sulpice. La bibliothèque conserve des   ouvrages   datant   du   début   de   l’imprimerie   jusqu’à  nos  jours.    Il  s’agit  d’une  collection  humaniste  qui  reflète  les valeurs des Sulpiciens au fil de leur histoire à Montréal. Les livres proviennent des différentes maisons  d’enseignement  sulpiciennes  ainsi  que  de  dons  de sulpiciens, du régime  français  à  aujourd’hui. Pour le moment, le travail au département consiste principalement à dresser l’inventaire  des   livres  rares.    À  ce jour, près de 9 000 notices ont été créées. Vers la fin de ce processus, le catalogue devrait contenir au moins 25 000 notices. F.S.

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De la plume sulpicienne…  de  Jean-Jacques Olier Le département des livres rares présentera dans les prochains   numéros   une   série   d’articles   portant   sur   les  écrits des Sulpiciens, principalement de France et du Canada, à diverses époques. Pour ce premier numéro, il allait de soi de mettre en valeur les écrits de Jean-Jacques Olier, fondateur de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice. Dès la fondation de la Compagnie, les supérieurs et les membres de la communauté ne tardèrent pas à intégrer le  circuit  de  l’imprimerie,  tout  d’abord  en  France  au  XVIIe siècle et ensuite au Canada au tournant du XIXe siècle. Les écrits du premier supérieur de la Compagnie se rattachent   à   l’École   de   spiritualité   française   qui   a   pour  caractéristique de mettre l'accent sur le mystère de l'Incarnation. Dans cette vision spirituelle, le prêtre devient le représentant du Christ sur terre et remet en valeur la place de la parole de Dieu. Le département possède certains ouvrages du XVIIe siècle écrits par Jean-Jacques Olier, dont voici quelques titres : Catéchisme chrétien pour la vie intérieure, publié à Paris chez Jacques Langlois et Emmanuel Langlois en 1662, 262 pages; Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes, publié à Paris, chez Nicolas Pepie, en 1698, 370 pages; Lettres spirituelles de M. Olier, publié à Paris chez Jacques Langlois et Emmanuel Langlois, en 1672, 656 pages, édition originale; Traité des saints ordres, publié à Paris chez Jacques Langlois et Emmanuel Langlois, en 1676, 493 pages, édition originale;

Explication des cérémonies de la grande messe de paroisse, selon l'usage romain, publié à Paris, chez Jacques Langlois et Emmanuel Langlois, en 1661, 576 p. Le département possède également la première édition de la vie du fondateur de Saint-Sulpice : La vie de M. Jean-Jaques Olier, [s.l., s.n.], 1687, 154 pages, attribué  à  François  Giry,  de  l’Ordre  des  Minimes. Vous constaterez avec étonnement que le seul ouvrage concernant la Nouvelle-France attribué à Jean-Jacques Olier, ne figure pas dans la collection des livres rares : Les véritables motifs de Messieurs et Dames de la Société de Notre-Dame de Montréal pour la conversion des sauvages de la Nouvelle-France, publié en 1643, 127 pages. Seulement 6 exemplaires sont connus à travers le monde et le seul exemplaire au Canada se trouve à BAnQ (exemplaire  de  l’ancienne  collection  Philéas Gagnon). Le département des livres rares possède le fac-similé de l’édition   de   1643,   dans   l’ouvrage   de   Marie-Claire Daveluy, La Société de Notre-Dame de Montréal, 1639-1663 : son histoire ; ses membres ; son manifeste (Montréal :   Fides,   1965).     L’ouvrage   Prophète dans la mission de Jésus, (Montréal : Bellarmin, 2007) analyse les propos tenus dans Les véritables motifs. F. S.

Sincères remerciements Le département des livres rares tient à remercier M. Guy Guindon, p.s.s., et les séminaristes qui ont pris part au déménagement de boîtes de livres au cours du printemps 2012. Grâce à leur aide, un temps précieux a été sauvé pour le déplacement des boîtes. F. S. Département des livres rares

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Le Catalogue Montgolfier :   Reflet   d’une  bibliothèque du Régime français Dès   l’arrivée   des   premiers   sulpiciens   à   Ville-Marie, les livres firent partie de leur quotidien. La plupart d’entre  eux possédaient   une   bibliothèque   personnelle   qu’ils  cédaient à leur décès soit à un collègue soit à la bibliothèque du Séminaire. Les ex-libris manuscrits laissés par les sulpiciens dans leurs livres, conservés dans les deux séminaires et dans la collection Saint-Sulpice de BAnQ,  nous  permettront,  je  l’espère,  de  dresser  une  liste  presque complète de chacune de ces bibliothèques personnelles. Mais que contenait la bibliothèque du Séminaire au XVIIIe siècle? Heureusement un catalogue manuscrit de cette bibliothèque fut (re)découvert aux Archives des Prêtres Saint-Sulpice de Montréal en 2000. Angélique Da Silva, qui complétait sa maîtrise en histoire sur M. Étienne Montgolfier, p.s.s., (1712-1791), supérieur   puis   grand   vicaire,   fut   en   mesure   d’attester  que le catalogue était de la main de monsieur Montgolfier. Sauf une courte section à la fin datée de 1853, le catalogue principal fut probablement rédigé autour de 1780. Il   nous   apprend   qu’il   y   avait   deux   bibliothèques : une « petite bibliothèque » et une « bibliothèque du séminaire de Montréal ». La liste des livres de la petite bibliothèque   s’étend   sur   40   pages   et   contient   564  notices. Celle de la bibliothèque principale, sur 111 pages, contient 1 685 notices. Bien sûr, certains titres se retrouvent dans les deux bibliothèques et aussi dans différentes sections de la même liste, mais on peut affirmer que cette collection comprenait plus de 2 000 ouvrages différents. Le classement par sujets reflète les divisions   habituelles   des   bibliothèques   de   l’époque : théologie,  pères  de   l’Église,  vies  des  saints,  philosophie,  littérature classique, mais également des sections pour les sciences, le droit et la médecine. Par contre, les notices sont brèves et ne donnent habituellement   que   le   titre   et   l’auteur,   le   format,   le  nombre   de   volumes   et   le   nombre   d’exemplaires,   mais  rarement   des   dates   d’édition.   Plusieurs   notices  nécessitent  un   laborieux  exercice  d’identification mais il nous semble possible de retracer, au moins partiellement, cette bibliothèque décrite par monsieur Montgolfier. La  méthode  la  plus  efficace  est  d’identifier

dans les collections de Saint-Sulpice et de BAnQ les ouvrages qui pourraient être les meilleurs candidats et de les comparer aux notices du catalogue manuscrit. Les exemplaires   recensés   jusqu’à   maintenant   proviennent

Livre portant la signature de monsieur Pierre Rémy, p.s.s., curé de Lachine (1680-1706)

Collection des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal Photo : Pascale Bergeron

surtout des collections personnelles de sulpiciens comme Vachon de Belmont, Antoine Déat, Simon Saladin, et plusieurs autres. Ce travail de reconstitution est primordial car la bibliothèque des Sulpiciens est la plus ancienne bibliothèque de Montréal et le catalogue Montgolfier et le catalogue Dudevant, au Séminaire de Québec, sont les deux plus anciens catalogues de bibliothèque au Canada. M. B.

En-tête de la table des matières de la « petite bibliothèque »

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Pourquoi un département des biens mobiliers? La corporation Univers culturel de Saint-Sulpice a été mandatée par le conseil provincial pour assurer la gestion du patrimoine sulpicien. Pour accomplir cette tâche,   elle   s’est   dotée   de   trois   départements : les archives, les livres rares et les biens mobiliers. On peut comprendre le  besoin  d’un  service  des  archives  dans une communauté qui participa à la fondation de Montréal et eut à remplir un rôle apostolique et culturel de   par   ses   tâches   pastorales   et   d’enseignement. Cela sans parler de son action sur les plans économique, social et institutionnel, en raison de la   charge   qu’elle  eut  à  assumer  dans   l’administration  des  seigneuries  de  l’île   de  Montréal,   de   Saint-Sulpice et du Lac-des-Deux-Montagnes pendant deux longs siècles. On peut comprendre aussi que des prêtres aient eu besoin de livres pour remplir leurs fonctions spirituelles et pédagogiques. Mais pourquoi un département des biens mobiliers? Parce   que   les   Sulpiciens   n’ont   pas   limité   leur   action   à  l’administration   du   culte   dans   les   paroisses   et   à  l’établissement   de   missions   d’évangélisation.   Ils   ont  aussi été des enseignants, des seigneurs, des gens qui s’impliquaient  dans   la  cité  de  par   leurs  œuvres  et  dans leurs   nombreux   champs   d’intervention.   Dans   tous   ces  domaines, ils ont développé inévitablement une culture matérielle. Ils ont construit des résidences, des séminaires, des écoles, des églises, des bibliothèques. Ces immeubles ont été meublés, décorés, pourvus d’objets   de   toutes   sortes,   autant   pour   suppléer   aux  besoins   du   culte   et   aux   exigences   des   œuvres  sulpiciennes que pour soutenir leurs entreprises sur le plan spirituel, matériel ou intellectuel. Personne   ne   contestera   l’intérêt   patrimonial   et  artistique   des   œuvres   d’art   qui   ornaient   autrefois   des  églises, des chapelles ou des résidences sulpiciennes. De même pour les pièces  d’orfèvrerie,  les  chasubles  tissées  de   fil   d’or   et   d’argent   et   autres   vêtements   liturgiques  qui ont été commandés autrefois à des ateliers réputés, puis conservés précieusement. Mais   où   s’arrête   la   tâche   du   département   en   ce   qui   a  trait   aux   types   d’objets   à   conserver?   Doit-il tout conserver? Doit-il   s’inquiéter   par   exemple   du   sort   des  instruments scientifiques et des spécimens de sciences naturelles qui firent autrefois les belles heures du musée du Collège de Montréal? Doit-il recueillir des

objets communs qui servaient à la vie de tous les jours, ou encore des outils et des appareils technologiques, tels cette presse à imprimer, cette lanterne de projection, cet astrolabe datant de 1631?

L’analyse  de  chaque  cas  particulier  peut  seule  dire  si  tel  ou tel objet présente un intérêt pour les collections sulpiciennes. Retenons toutefois que cette presse pourrait renseigner sur le rôle des Sulpiciens dans la diffusion   de   l’imprimé   à  Montréal. Que cette lanterne pourrait dire quelles furent leurs méthodes d’enseignement.  Que   cet   astrolabe   pourrait   témoigner  des explorations territoriales qu’effectuèrent   les  premiers missionnaires. De tels objets peuvent être des témoins   éloquents   de   l’apport de la communauté à l’histoire   des   sciences   et   des   technologies   au   Québec,  de   son   apport   dans   le   domaine   de   l’enseignement   à  Montréal et, plus loin dans le temps, dans la découverte de nouvelles terres en Amérique. Il  ne   s’agit  pas  de   tout   conserver  pour le simple plaisir de conserver, mais de choisir avec soin les objets les plus signifiants. De ce point de vue, des meubles aussi usuels  qu’une   table  de   réfectoire,  un  pupitre  d’écolier,  un coffre en bois peuvent trouver leur place dans les collections sulpiciennes  à  condition  toutefois  qu’ils  aient  quelque chose à dire sur la communauté. Mais comment faire parler des objets qui, par définition, sont muets?

En les sélectionnant avec soin et en documentant leur histoire avant de les faire entrer dans les collections. L’existence   de   l’ancien   musée   de   la   basilique   Notre-Dame peut nous aider à identifier des biens qui ont un intérêt patrimonial ou culturel. Les archives doivent être consultées aussi à cet égard. Tous les membres de la communauté sont en mesure également de nous apporter   leurs   connaissances.   La   tradition   orale   n’est  pas  à  négliger  non  plus.  Dans  certains  cas,  on  peut  s’en  remettre aux photographies qui ont été prises à diverses époques dans les maisons sulpiciennes. Comment la recherche sur un objet pourra-t-elle nous convaincre  qu’il  a  sa  place  dans  les  collections?    

En nous faisant découvrir, par-delà son apparence, sa provenance, sa fonction, son histoire. Une table peut être  intéressante  sur  le  plan  décoratif,  mais  n’avoir  rien  d’autre à dire. Par opposition, une simple étagère rustique   pourrait   nous   apprendre   qu’elle   servait   dans  une église à y déposer les miches de pain destinées aux

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pauvres. Si par malheur cette étagère était en mauvais état, la tentation sera grande de la mettre aux poubelles. Or, tout ou presque peut être restauré, à condition toutefois que sa valeur patrimoniale ou culturelle le justifie. Ce qui nous ramène à la case recherche.

Car,  au  final,  c’est  la  recherche  qui  nous  dira  si  un  objet  est porteur de sens, et dans quelle mesure il peut enrichir  la  connaissance  que  nous  avons  de  l’histoire  de  Saint-Sulpice au Canada.

Le département des biens mobiliers sert à cela justement : éviter que les objets qui ont une valeur de témoins se perdent ou perdent leur sens par simple négligence ou ignorance. Rare  portrait  d’un  ancien  supérieur  de  la  province  canadienne

Étienne Montgolfier, p.s.s. (1712-1791)

Collection des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal Restauré en 2010-2011,  avec  l’aide  d’une  subvention  du  

Conseil du patrimoine religieux du Québec Photo : David Strong

Natif de Vidalon-les-Annonay, en Ardèche, Étienne Montgolfier fit ses études au séminaire de Viviers et fut ordonné en 1741. Après être entré dans la Compagnie de Saint-Sulpice, il enseigna pendant neuf ans dans des séminaires   français   avant   de   s’embarquer pour le Canada, le 3 mai 1751.

Dès janvier 1759, il remplaçait monsieur Louis Normant Du Faradon comme supérieur de la Compagnie de Saint-Sulpice au Canada, mais aussi curé de la paroisse Notre-Dame,   vicaire   général   de   l’évêque   de   Québec   pour   la  région de Montréal et administrateur des seigneuries appartenant aux Sulpiciens. Quelques   mois   plus   tard,   c’est   lui   qui   accueillit   au  séminaire de Montréal Mgr de Pontbriand qui avait fui la ville de Québec assiégée par les navires britanniques. Pendant plus de 30 ans, monsieur Montgolfier allait présider, en tant que supérieur provincial, aux destinées de la Compagnie de Saint-Sulpice au Canada. Il devait le faire cependant dans les conditions les plus difficiles qui soient, puisque la colonie était devenue une possession anglaise en 1760. Une de ses tâches les plus importantes  serait  donc    d’empêcher  que  les  Sulpiciens  soient chassés du pays, comme le furent les Jésuites et les   Récollets,   d’éviter   que   leurs   biens   soient   spoliés   et  que leur mission apostolique en Amérique soit compromise. On   a   pensé   tout   d’abord   que   ce   portrait   de  monsieur  Montgolfier avait été peint de son vivant.  Or,   l’analyse  de la matière picturale nous révèle qu’il   a été peint après 1804. En réalité, il pourrait dater de la fin du XIXe siècle. Il  n’est  pas  impossible  en  effet  que  la  communauté  l’ait  fait exécuter vers 1891 pour marquer le centenaire du supériorat   de   monsieur   Montgolfier.   L’artiste,   un  Canadien très certainement, se serait alors inspiré du seul portrait connu de Montgolfier :   celui   que   l’on  attribue au sculpteur et peintre Philippe Liébert (1733-1804), et qui fut réalisé en 1791 à la demande des Sœurs  Grises  de  Montréal.   Dans   l’œuvre   de   Liébert,   le   supérieur   est   représenté  assis dans un fauteuil capitonné. Il est coiffé d’une  calotte et porte un surplis sans manche par-dessus sa soutane. Détail intéressant : il tient dans sa main gauche un   dessin   d’architecture   représentant   des   colonnes  doriques.

La  chronique  des  Sœurs  Grises  veut  en  effet  que  ce  soit monsieur Montgolfier qui ait dressé les plans de l’Hôpital  général  de  Montréal.  Or,  un  tel  rôle  n’a  pas  été  démontré. Sans doute faudrait-il voir plutôt dans cette représentation   un   geste   de   reconnaissance   des   Sœurs  Grises envers les Sulpiciens qui contribuèrent la somme de 15 000   livres   pour   la   reconstruction   de   l’Hôpital  

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général  après   l’incendie  dévastateur  dont   il   fut  victime  en  1765,   tel  que   le   rapporte   l’historien  Robert   Lahaise  dans son livre sur Les édifices conventuels du Vieux-Montréal. Réinterprété à partir de cette toile ancienne, le présent portrait montre le supérieur assis à sa table de travail mais tenant cette fois un livre entre ses mains. Posés tout près, l’encrier  et  la  plume  pourraient  laisser  croire  qu’il  s’agit  plutôt  d’un  manuscrit.  Sachant  que  monsieur Montgolfier rédigea le plus ancien catalogue connu de la bibliothèque du Séminaire de Saint-Sulpice de Montréal, on pourrait penser que  c’est  à  la  rédaction  de  ce document que le peintre voulut le représenter. Mais qui  alors  savait  qu’il  en  était  l’auteur? Une  énigme  à  résoudre… Ce portrait du jeune François-Auguste Magon de Terlaye a été peint à Paris en 1754 peu après que le sulpicien  François  Picquet  l’eût  recruté  pour  aller  servir  avec lui à la mission de La Présentation.

Jacques (?) MANGEARD, François-Auguste Magon de

Terlaye, p.s.s. 1754, huile sur toile

Collection des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal Photo : Christine Guest

Le tableau a été conservé pendant longtemps à la résidence   d’Oka,   mais   son   mauvais   état   exigeait   qu’il  soit restauré. Grâce à une subvention du Conseil du patrimoine religieux du Québec, il est maintenant en voie  d’être  remis  en  état  par  les  soins  de  madame  Anita  Henry, restauratrice. Or, récemment, en enlevant le rentoilage   sur   lequel   la   toile   d’origine   avait été collée, madame Henry a découvert une inscription au verso qui se lit à peu près comme suit : « Pinx par Mangeard en l’année   1754   […]cure   [?]   rue   Saint-Antoine [?] gauche [ou proche?] La bastille et la rue des tournelles ». Sur la rue Saint-Antoine, à un jet de pierre de la rue des Tournelles,   à   Paris,   se   trouve   l’ancienne   église   de   La  Visitation de Sainte-Marie, temple installé au XVIIe siècle à   l’initiative   de   François   de   Sales   et   de   Jeanne   de  Chantal. Est-ce là que le portrait fut peint? Et ce Jacques Mangeard dont nous avons retrouvé la trace et qui avait été curé avant la Révolution, aurait-il occupé une fonction  dans  cette  église  à  l’époque  de  la  réalisation  du  tableau?   Ce   prêtre   était   d’origine   bretonne,   tout  comme Magon de Terlaye, qui était natif de Saint-Malo. Mais était-il peintre aussi à ses heures? Nous  n’avons  retracé  par  ailleurs  aucun  peintre  du  nom  de Mangeard qui aurait été actif en France à cette époque. Pourtant, la facture de la toile montre que l’auteur   possédait   de   solides   rudiments en peinture. Il est  possible  d’ailleurs  qu’il  ait  réalisé  aussi  le  Portrait de François Picquet, p.s.s., qui est en voie de restauration également. Ces deux sulpiciens sont les seuls missionnaires du XVIIIe siècle dont nous ayons conservé les portraits peints. Nos recherches se poursuivent pour en savoir plus sur ce Jacques Mangeard, mais un fait est acquis désormais quant  à   l’origine  du   tableau.   Il   fut  exécuté  à  Paris,   lors  du voyage que monsieur Picquet y avait fait en 1753-1754 pour aller obtenir du roi le financement et les secours requis pour poursuivre sa mission à La Présentation. H.S.

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Rendez-vous à Québec le 2 août 2012! Date  du  lancement  de  l’exposition Les arts en Nouvelle-France Qui présentera des artefacts provenant des collections des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal Lieu : Musée national des beaux-arts de Québec Durée : du 2 août 2012 au 28 avril 2013 Photo :

MBAM/Christine Guest Si vous voulez vous rendre à  Québec  pour  le  lancement  de  l’exposition, contactez-nous avant le 1er août 2012, au 514-935-7775

L’Univers  en  bref Bulletin de la corporation Univers culturel de Saint-Sulpice 116, rue Notre-Dame Ouest 2065, rue Sherbrooke Ouest Montréal (Québec) H2Y 1T2 [email protected] Montréal (Québec) H3H 1G6 Équipe de production : Pascale Bergeron, Michel Brisebois, David Émond, Caroline Laberge, Marc Lacasse, Frédéric Santerre, Hélène Sicotte. Collaborateurs : Nicolas Lazin, Jean-Pierre Lussier, p.s.s.