A propos du bonheur - Document sans nom€¦ · 2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne...

24
2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art 1 À PROPOS DU BONHEUR Benoît Dubuisson

Transcript of A propos du bonheur - Document sans nom€¦ · 2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne...

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

1

À PROPOS DU BONHEUR

Benoît Dubuisson

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

2

I) De l’instinct fugitif

On ne pourrait calculer les instants de notre vie où le bonheur passe et repasse en s’évanouissant. Les artistes, les romantiques et les chercheurs d’or n’ont quelquefois qu’une seule opportunité car ils la sentent sans pouvoir la goûter à long terme. En effet, un écrivain ou un musicien qu’il soit interprète ou compositeur n’a devant lui que des bonheurs fugitifs. Et pour quelle raison ? Il semblerait que la Beauté qui les transcende, s’en va et revient avec une rapidité presque lumineuse. Et tout d’un coup comme lors d’un éclaircissement, votre vie semble prendre un sens, vous vous sentez heureux d’être né, de dire non à l’absurde que tant d’écrivains ont scandé le pouvoir au XXe siècle. Avez-vous déjà goûté l’extase d’un moment où le corps entier semble vibrer au rythme d’une musique ? Avez-vous déjà versé quelques larmes quand la mélodie vous déchirait le cœur, quand elle vous faisait penser à l’amitié que tous les hommes ont le droit de partager ? Ce sens, cette valeur que vous accordez à votre vie est l’essence du bonheur de vivre. Songez par exemple à une simple rencontre amoureuse où les deux êtres unis par leur regard, sont élevés jusqu’à l’envoûtement. Leur cerveau ne réfléchit pas puisqu’ils savourent leur propre chance. Et oui, le bonheur passe par la Beauté pour les sensibles, par le sentiment d’une compréhension altruiste pour les amants, par ce « Je t’aime » qu’un père peut dire à son fils quand il le voit désespéré ou incompris. Ces moments fugaces où l’on sent le vrai bonheur nous envahir semblent nous donner la sensation d’exister et d’oublier les misères du quotidien. Un homme nourri par son cœur et par sa sensibilité ne peut rien contre ces intenses moments qui l’apaisent.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

3

II) Du bonheur d’être libre

Jouer de sa solitude pour en faire l’une des plus grandes richesses de l’âme donne à chacun sa propre liberté. Le travailleur trouve dans son labeur la force de s’occuper et de s’éloigner de l’emprise des autres. Dans son détachement, l’homme se forge une liberté de rapace car son esprit est quelque peu distant de la communauté. L’homme a certes besoin de dialoguer, mais son esprit est intact, personnel, intouchable et presque sacré car la « psyché » des Grecs dirige le comportement humain et son paysage. Certains sont occupés, d’autres réfléchissent mais chacun possède l’immense chance de nourrir ses pensées, son imagination, ses rêves et ses fantasmes. C’est en ce sens que l’homme peut se prétendre heureux d’être libre de penser car sa tête fourmille d’idées qui lui appartiennent. De par sa culture qu’il acquiert et les expériences qui le font approcher de la sagesse, l’homme est libre, oui, et il peut s’en réjouir. Personne au monde ne viendra lui prendre le trésor qui trône dans son âme et si, par malheur, il était au bord du gouffre financier, les molécules chimiques de son cerveau ne cesseraient de fonctionner. Les images, les émotions du vécu, tout un ensemble de choses resteront gravées dans son esprit. Il apparaît donc que tout est une question de force de caractère, de fougue et d’intéressement. En effet, l’homme naît seul et meurt seul. Il est face à lui-même tout au long de sa vie et s’il a le courage de se suffire à lui-même, il pourra prétendre à un bonheur presque indestructible.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

4

III) De l’humour

Je l’avais presque oublié ce fameux rire intérieur. J’ai même envie d’ajouter : « Ne restez jamais sérieux parce que le sérieux mène au tragique ! ». En moi règne cette forte croyance que l’humour permet d’être au dessus de la mêlée. Quand on pense aux artistes maudits qui n’ont eu de cesse de chercher la Beauté toute leur vie, torturés, presque incapables de dompter leur carcasse, on commence à comprendre l’immense gâchis du génie humain. C’est en créant le bonheur autour de soi que l’on trouve le calme intérieur. On finit par se dire : « et oui, je rayonne, je suis un phare, un havre de paix ». Il n’est pas question ici de jouer le comédien ou de cacher sa misère en faisant le grand joueur brillant. Non, l’humour que je veux évoquer est un humour beaucoup plus puissant. Il touche les cœurs et remonte notre propre estime. Il est vrai que le rire est le propre de l’homme. Mais je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à mi-chemin quand la route que l’on doit parcourir est très longue. Essayez et vous verrez que donner du bonheur aux autres en les déridant provoque en vous-même une vraie paix psychologique. Faites rire les gens et ils viendront vous voir parce qu’ils se sentiront à leur aise. Vous adopterez un humour que je qualifierai d’humour relationnel presque touchant. De ma propre expérience, j’ai beaucoup ri avec ma famille. J’ai appris à force de rage que je devais effacer les moments de doute qui prenaient place chez moi. J’ai cru au début que je faisais le fanfaron, mais je me suis aperçu que cette attitude venait de ma sensibilité et que cela n’était pas le caractère d’un jeune homme fier de lui. Le rire vient-il du cœur ? Je le pense et j’en suis persuadé.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

5

IV) De la nonchalance

Le mot est quelque peu osé. J’en conviens. Mais il n’est pas question ici de laisser aller, il s’agit d’une vision de la vie qui a pour but ultime la légèreté, la légèreté dans toute sa splendeur. N’est-ce pas agréable de se sentir léger ? De passer par les portes de l’inconscience pour rejeter les tabous, les marques de politesse primaires et désuètes ? Notre société manque de naturel et chacun sait que le plus grand désir de l’homme est d’être heureux. Pourquoi donc tant de cinéma, tant de convenances superficielles qui nous ennuient ? On ne peut tout de même pas rejeter notre propre éducation. Elle vient de nos parents et de notre milieu social. Mais ne cherchez pas à lui faire honneur par vos relations ou par votre prestance. Gardez votre propre ligne de conduite et laissez aller vos pulsions de temps en temps. En quelques mots : faites-vous plaisir. Il semble donc que la nonchalance soit une faculté d’oubli, de personnalisation et de formation qui permet la quête du bonheur. On est souvent jugé quand on adopte ce type de comportement, mais l’important n’est pas là. Il réside chez vous, dans votre tête. Peut-on être gentleman et nonchalant ? Je le crois parce qu’un gentleman sans nonchalance perd de sa superbe.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

6

V) De la diplomatie

Les hommes sont sur cette planète en désaccord violent presque perpétuel. Il y a les religions, les territoires, le racisme ou mille exemples que l’on pourrait citer. Dans le microcosme de la vie de tous les jours, les relations se tendent, se nouent, se désagrègent pour des causes de jalousie et d’incompréhension. Quelquefois les excès de fureur de certains sont inexplicables. Et pourquoi ? Jamais on ne le saura. Pourtant, il semble aisé de passer outre ces problèmes pour vivre heureux. Et qu’est-ce que vivre heureux ? Passer entre les mailles des discordes, payer de sa personne pour aider ses amis, feindre d’avoir tort ? De mon point de vue, dans ce monde tumultueux, il nous reste la paix de l’âme, cette paix de la non-violence que l’on éprouve après maintes expériences. On ne naît pas diplomate, on le devient. D’échec en échec, on accumule les peines et pour retrouver le bonheur, il nous reste notre intelligence. En l’utilisant, on devient reconnu et les succès viennent effacer la douleur du passé. Ainsi donc, le diplomate se forme au fur et à mesure des années en tentant d’accorder les mauvais instruments, et, quand il arrive à l’âge mûr, il se sert de ce qu’il a appris pour le mettre au service des autres. Il crée l’ambiance à lui tout seul et devient le pilier de tout un monde car il est lui-même heureux et détaché du malaise général.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

7

VI) De la passion

« Je t’aime passionnément » disent certains lorsqu’ils veulent jouer. Mais le paradoxe demeure puisque la passion mène tout droit à la souffrance comme le dit sa racine latine (« patior » : souffrir). Est-elle une sorte de bonheur ou de douleur ? Personnellement, j’estime que l’acharnement passionnel mène à des béatitudes divines quand il est maîtrisé. En effet, il fait vibrer, danser et conduit à des réjouissances infinies. La passion soulève l’esprit de l’homme et lui permet d’atteindre des joies ineffables. Cependant, la déception est souvent au rendez-vous, mais si l’on fait appel à notre intelligence, on se doit d’oublier et de rebondir à force de courage. L’homme passionné est un homme possédé. Possédé certes, mais occupé le temps d’une vie à rechercher des joies, à résoudre des mystères, à penser et repenser aux retrouvailles qui le transcendent. Survolté et animé, il ne cesse de réfléchir au bonheur ultime. Ce bonheur peut durer de nombreuses années, mais il peut aussi s’échoir comme dans un naufrage. Là est le danger. Les amoureux passionnés sont unis dans un rêve, les chercheurs de toutes sortes sont pris dans une fièvre, les artistes composent, peignent, sculptent ou écrivent ce qu’ils ressentent selon une idée ou un concept. La passion a un très grand mérite : elle fait travailler l’activité cérébrale et évite de se disperser dans la vase puante de l’argent car le passionné est capable de goûter un bonheur dépourvu de matérialisme.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

8

VII) De l’amour

Je me souviens d’une réflexion d’un acteur jouant le rôle d’un jeune homme meurtri par les soucis et qui déclare dans un état de colère libératrice : « Je suis amoureux ! » (sous-entendu : « Laissez-moi tranquille ! »). L’amour est un choc, une liaison de corps à corps et d’âme en âme, une compréhension, une jouissance, une paix, un rêve, une révolte contre le monde. Pris par le cycle bouillonnant l’amoureux vit à trois mille à l’heure. Il est heureux de se sentir heureux. L’homme ou la femme qui a trouvé l’âme sœur est déconnecté du système de la société, il jubile dans son coin car il a oublié le sérieux qu’on lui avait imposé dans son travail et dans les devoirs de la bienséance. En effet, les coups de cœur sont bien des coups : des coups de foudre, des coups de nez contre le conformisme, des coups de pied contre les règles établies. Fini la prison, vive la vie ! De plus, les amoureux jouissent d’une entraide réciproque qui les réconforte pendant les déprimes de l’un ou l’autre car l’amour efface les peines. Il est plus fort que la tristesse, plus intense que la dérive de l’âme, il est une véritable vocation que se voue deux êtres entre eux. « Tu m’as manqué ! » : Voilà une phrase qui évoque le besoin d’attachement qu’un homme peut éprouver quand il retrouve ce qui le rattache à la vie. L’amour est grand immense, intouchable puisque rien n’est plus beau que deux êtres qui s’aiment car ils nagent dans la joie, unis l’un à l’autre dans des rêves de bonheur. L’amour filial ou l’amour fraternel sont des sentiments qui mettent en avant le pardon humain. D’ailleurs, ce n’est pas le terme juste puisque le pardon sous-entend une faute ou un forfait. En effet, il n’y a pas de perfection chez l’être humain. Il est incapable d’être le modèle du genre, d’être l’exemple, de ne pas faire faux pas devant l’éducation qu’on lui a inculquée. C’est pourquoi, l’amour ne tien pas compte des diversions humaines. L’amour au sens large du terme n’est pas palpable : il est l’expression d’une entente tellement immense qu’on ne peut le comprendre. En deux mots, être amoureux, c’est jubiler.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

9

VIII) De l’orgueil

Pourquoi tant de gens veulent prendre votre place ? N’êtes-vous pas en droit de vivre loin de tout, loin de vos proches qui veulent mettre leurs griffes sur vous par des remarques qui frisent la médisance, la moquerie ou l’esclavage ? N’avez-vous pas votre propre plaisir, celui qui vous appartient et qui vous emmène loin, très loin des contrées inexplorées de l’univers ? Avez-vous envie d’être heureux ? Je pense que la population entière vous dira la même chose : oui, je le veux et j’ai envie qu’on s’éloigne de moi car je suis libre de penser, de m’occuper, de vivre selon mes goûts, de conserver ce qui me fait vivre. Orgueilleux, l’homme l’est par nature. Il se moque éperdument du « qu’en dira-t-on », et moi-même j’ai souvent envie de hurler, de crier au monde entier ma propre indépendance. Je n’ai pas l’orgueil de Don Juan, j’ai envie de vivre, de croquer seul et sans contrainte les plaisirs que j’éprouve après avoir sué sur un travail. Je n’aime pas les moralistes, les gens qui prennent la place des autres pour leur donner des leçons. Vivre, c’est bien vivre seul et donc toute vie a sa part de respect. Je prends pour allié le mutisme ou l’indifférence contre les attaques car ils sont pour moi les armes contre ceux qui marchent sur ma vie, cette vie qui m’est offerte une seule et unique fois. Certains vous diront que l’orgueil est un défaut presque démoniaque. Pour moi, il est le moteur de la hargne, de la fougue, du combat, de la vie heureuse. C’est à force d’expérience que l’on devient indépendant. Sachez être orgueilleux, n’écoutez pas les conseils inutiles et vous sentirez en vous l’envie d’explorer des contrées, de prendre plaisir à l’effort car vous ne devez rien à personne. Sachez être seul sans vouloir devenir riche ou célèbre, vivez et vous trouverez le bonheur parce que vous vous sentirez à l’aise dans ce monde. N’essayez pas de jouer le jeu des autres, restez vous-même pour devenir un roi

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

10

IX) De la séduction

Les goûts des hommes sont plus que variés. Ils dépendent d’un ensemble de choses qui sont inexplicables. L’inconscient et les attraits incontrôlés prennent place dans l’univers de la relation « homme-femme ». Comme Julien Sorel qui rencontre Mme de Rênal, les yeux humectés de larmes innocentes, la connexion amoureuse est plus qu’un « feeling », il est la marque de deux êtres plongés dans la même ivresse, dans le même bonheur. Séduire peut paraître long pour un homme car certains mettent toute une vie à conquérir celles qu’ils aiment. Ils se battent et se débattent pour en finir avec ce long périple car la durée ne les effraie pas. La séduction est un jeu pour certaines personnes, un combat pour les acharnés ou un simple mot qui exprime l’envahissement de l’âme cherchant le réconfort. L’échange des sourires et des regards peut durer quelques secondes, mais il est si puissant qu’il peut l’espace d’un instant évacuer la monotonie. Cet instant, ce laps de temps est un moment de bonheur incalculable qui donne une sensation de bien-être faisant vibrer le corps entier. Séduction rime avec attraction : attraction réciproque d’une âme envers l’autre, attraction d’un cœur qui bat au même rythme que celui le fait vivre, attraction d’un être pris par la foudre qui s’abat sur son protégé et sur sa personne. Pourquoi tant d’attirance ? L’âme sœur est-elle la source du bonheur ? Je crois qu’il n’est pas question d’en douter. Sentir un parfum, toucher un corps, regarder un beau visage ! Voilà la transcendance même. Il semble donc que tout se résume à un contact verbal ou muet. Mais ce contact dure généralement peu longtemps, suffisamment en tout cas pour envahir le cœur d’un homme. Séduire c’est toucher la corde sensible de l’autre pour former une liaison fantastique qui n’est autre que l’amour.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

11

X) Du jugement

Ne jugez pas l’altérité car le mal que vous provoquez est plus que profond. En effet, l’homme est faible, son moral surtout, et c’est tout un monde qui s’écroule lorsque vous lui percez son ego. Jouez de votre intelligence pour freiner vos pulsions, sachez contrôler l’engin destructeur qui règne en vous. Apprenez, je vous en conjure, à comprendre les autres et surtout les orgueilleux. Ceux-ci ne possèdent pas en eux les ressources pour combattre car ils sont sujets à des crises de paranoïa qu’ils intériorisent, s’ils sentent en eux le devoir de pudeur. Ces personnes qui me ressemblent apprennent à vivre à force de souffrance. Et c’est en ayant mal qu’on s’habitue aux critiques, qu’on se met dans le moule de la société. Une fois de plus, l’expérience est ici au rendez-vous. Le jugement qu’il soit sévère, mesquin ou condescendant fortifie les sensibles parce qu’il leur donne une nouvelle façon d’aborder la vie. C’est pourquoi, on se doit de se former pour devenir des hercules qui n’usent pas de leur robustesse, mais du relativisme devenant ainsi leur nouvelle façon de réfléchir. Car tout cela n’est pas si grave compte tenu de la misère qui règne sur le monde. La faim ou les maladies sont des exemples parmi bien d’autres. Et finalement, on se trouve bien né car l’avis extérieur n’a plus d’impact. Certes, il y a jugement, mais ce jugement nous paraît sans valeur puisque notre armure et notre bouclier nous permettent de ne pas l’écouter.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

12

XI) Du génie provincial

Paris peut être considéré comme un eldorado pour ceux qui cherchent fortune, mais Paris est une fournaise pour ceux qui y vivent depuis de longues années. Je suis parisien, j’ai l’accent parisien, j’y vis depuis vingt-cinq ans et je peux vous promettre que je m’en lasse malgré ses splendeurs. Pourquoi ? J’éprouve dans cette ville une sensation de claustration et d’enfermement car j’en ai fait le tour entier sans pouvoir me sentir reposé. Ne cherchez pas plus loin : c’est cette routine qui me ronge la poitrine, cette ambiance où l’argent règne en maître, ces filles que l’on rencontre dans les derniers endroits à la mode, ces gens ulcérés par leur travail, cette pollution, ces voitures, bref, cette fatigue qui vous donne la nausée. Les jeunes filles manquent cruellement de naturel dans cette ville. Elles peuvent être timides à ne plus pouvoir bouger, elles peuvent être sottes ou intéressées, elles peuvent être attirées par la domination qu’elles veulent exercer sur les hommes ou tout simplement des langues de vipères crachant leur venin sur un jeune homme qui cherche compagnie. La province est l’endroit rêvé pour ceux qui ne sont pas pourris par la rivalité. La simplicité y est une des qualités les plus louables parce que tous les hommes sont respectés et acceptés tels qu’ils sont. En effet, les gens sont heureux car ils vivent au rythme des saisons sans réfléchir à l’effet qu’ils produisent sur autrui. Ils ne se déguisent pas, ils ne cherchent pas le mensonge : ils sont à nu. Moi-même, j’ai été frappé par la mentalité des provinciaux car parmi les rencontres nocturnes des cafés parisiens, seuls les provinciaux avaient ce don, cette faculté de communication qui vous donne envie de faire tomber le masque. Ils ne sont pas simplets, ils sont tout simplement vrais et sains. De plus, l’être humain a besoin de nature pour se ressourcer. Il trouve le bien-être en se baladant dans les forêts, au bord de la mer ou à la montagne. Ainsi donc, la province a cette vertu de pouvoir donner aux hommes l’extrême douceur de l’esprit et d’apporter le calme de toute une vie.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

13

XII) De la confiance

Je ne crois pas aux surhommes ou aux hommes qui ne connaissent pas la peur, mais ce à quoi je crois, c’est aux hommes qui se laissent guider par leur étoile. L’inconscient, les inclinations mènent l’être humain vers son propre destin. En effet, l’homme se plie, se tord, s’éparpille car il a envie de vivre, mais le secret d’un cheminement personnel réside dans la confiance qu’il possède. Cette capacité se divise en deux : réflexion et plaisir. La réflexion est le trait de la rationalité, du calcul et de l’organisation. En fait, réfléchir c’est tenter par les moyens du bord de se mettre dans un moule, de nager dans le courant, de vivre selon les règles établies par la société. Se faire plaisir, c’est céder à la fatigue du raisonnement, retourner à l’état sauvage, ne pas chercher à paraître, se laisser bercer par les idées désordonnées du cerveau ou croquer la jouissance à pleines dents. L’être qui se sent dériver se rattrape, l’être qui se morfond se détache naturellement de son malaise. La confiance de l’homme n’est autre que le résultat d’un équilibre dynamique qui varie entre réflexion et plaisir. Elle gère toute une vie et permet de s’élever au dessus de la brume de la médiocrité. En effet, les gens qui ne savent pas apprécier les moments intenses que leur offre la vie sont privés de grandes joies, et les gens qui se laissent aller à leurs penchants sont souvent jugés. Soyez confiants pour ne pas être esclaves des autres. Vivez seuls, vivez heureux, détachez-vous de la puanteur des jugements car votre destin est entre vos mains. Les mouvements extérieurs ne doivent pas vous éloigner du bonheur vers lequel vous aspirez.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

14

XIII) De l’amitié

Mes amis se comptent sur les doigts de la main. Ils sont peu nombreux parce que peu de gens sont en symbiose avec moi. Je ne crie pas au désespoir, je suis fait d’une nature différente qui sort de l’ordinaire et je n’en souffre pas. Certains me prennent pour un clown, d’autres pour un comédien et d’autres pour un musicien. J’ai en moi le côté rationnel des Mathématiques que j’étudie à l’Université et le côté irrationnel de la sensibilité. Mais, j’avoue, je me suis beaucoup amusé en piquant des fous rires avec quelques amis et je ne vais pas le dénier. À mon goût, l’amitié est une source de détente, de discussions interminables sur le monde et sa racine, sur la mort et l’au-delà. Certains amis de longue date vous apportent du bonheur parce qu’ils tiennent à vous malgré les désaccords frappants. N’est-ce pas source de chaleur humaine que de se sentir aimé ? Les étudiants aiment rire car ils ne peuvent échapper à la fougue de la jeunesse, les personnes plus âgées sont plus sages car ils ont atteint la maturité. Mais tous pensent à vous et s’attachent à votre particularité unique car l’amitié a une vertu sacrée qui est de faire des confidences secrètes que l’on n’a pas forcément envie de crier dans les chaumières. Un pianiste avec qui je chante depuis longtemps m’a beaucoup apporté. Il a tiré en moi des ficelles de ma personnalité que je retransmets dans la musique. Il m’a appris à me calmer, à me tenir sur scène et n’a cessé de m’encourager. Peut-être sentait-il des capacités artistiques que je me devais de développer. Mais, je vous assure, il n’a jamais été sérieux et c’est avec un panaché d’humour et de travail que j’ai constaté mes progrès. Un véritable ami ne cherche pas à vous faire plaisir, il est aveugle. Il cherche avant tout à vous mettre à l’aise, et tisse peu à peu une relation de confiance réciproque quasi fraternelle. Entre amis, on ose, on se lâche et jamais on ne blesse car la peur n’existe pas dans la relation amicale. Ne cherchez pas vos amis, ils viendront dans votre vie comme par miracle.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

15

XIV) De la tristesse

Le vague à l’âme est universel et personne ne peut y échapper. Ce sentiment est très personnel et on se sent souvent emprisonné par l’étau du mal-être pour des causes de déception, de douleurs morales, d’absurdité de la vie ou tout simplement d’angoisses qui nous montent au cerveau comme une fièvre qui hausse la température corporelle. « J’ai le blues », « J’ai le cafard », voilà des phrases récurrentes qui nous font souvent verser des larmes. Les peines de cœur sont très souvent les peines les plus fortes parce qu’elles font tomber un être pris par cette maladie qu’est l’amour. En ce qui me concerne, ce genre de spleen est au-dessus de mes forces car je ne l’ai pas vécu. Peut-être suis-je trop égoïste. Mais, j’ai constaté la grande douleur des jeunes sensibles épris d’un cœur qui les lâche cruellement. Je ne sais pas mais j’imagine leur souffrance. Sensible, je le suis, alors j’adhère à leur chagrin parce que les joies d’un jeune homme ou d’une jeune fille sont inaltérables de par le souvenir qui leur reste. Ne jouez pas avec le cœur d’autrui parce que cela peut tuer l’espoir que chacun porte en lui, ce rêve qui nous fait planer au-dessus du monde. En effet, la mémoire a quelquefois des conséquences dramatiques. C’est pourquoi, il faut se préserver avec notre intelligence, il faut prévoir, sentir les risques de l’être qui nous a bercés d’illusions. Sachez élever votre âme au-dessus des tentations humaines et prenez le temps de vous arrêter pour vous dire : « oui, je suis heureux et je le resterai ». Mais si la douleur est au rendez-vous, prêtez main-forte à votre personnalité. Transcendez-vous, survoltez-vous pour oublier ce qui a causé votre perte. Pensez à la misère humaine, aux gens qui vous entourent et qui sont souvent isolés dans le tourbillon du malheur. Les hommes ne peuvent rien pour vous : ils sont déjà occupés par leurs pensées qui les travaillent et le dialogue est quelquefois impuissant pour vous redonner goût à la vie. Mentalement, psychologiquement et corporellement, les êtres humains sont seuls et c’est grâce à leur capacité à combattre qu’ils pourront avoir le droit d’être heureux parce que la vie vaut la peine d’être vécue.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

16

XV) Du paraître

Le « to be or not to be » de Shakespeare a franchi les portes de l’histoire. En effet, “on est ou on n’est pas” de par notre esprit, cette faculté qui nous éloigne de tout un monde. Dieu nous a peut-être donné certaines qualités lors de notre enfance et laissé l’homme au pied d’une montagne qu’il se doit de monter s’il veut « être ». La durée de cette aventure fluctue selon les individus. Certains l’ont terminée après plusieurs années, d’autres mettent toute une vie sans pouvoir la finir. La personne humaine se forme pendant l’existence et le caractère se doit d’être développé pour permettre de dompter l’attirance facile du paraître. Tout se résume au tempérament, au courage et à l’indépendance de l’homme envers la société. Il semblerait que pour devenir quelqu’un, c’est-à-dire « être » selon le concept shakespearien, l’homme est seul à combattre. Il se doit de chercher l’essentiel pour oublier ce qui le rattache au monde, ce qui le rend esclave de la foule, ce qui lui donne l’impression d’être normal. Le paraître agit si fortement qu’il détruit ce qui fait le joyau d’une personne. Celui qui sait l’oublier devient un être à part, un être qui plane au-dessus des bassesses de la communauté. C’est ainsi que l’homme tenté par les attraits mauvais de l’apparence perd ce qui aurait pu faire de lui un être hors du commun c’est-à-dire un être ayant développé une vraie personnalité pouvant se distinguer du peuple tentateur. Dégagez-vous du paraître et vous serez heureux d’être loin de la populace qui traîne son mal-être parce que celui-ci se traduit par des jalousies, des jugements et des préjugés. En bref, devenez des hommes d’exception.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

17

XVI) Du pouvoir des femmes

La gent féminine a toujours exercé sur les hommes un pouvoir presque félin. L’être masculin est souvent désorienté par son travail, ses soucis ou son manque d’assurance. Une femme, de par son charme et ses grands élans de tendresse, est souvent douce surtout quand elle est belle. Peu d’hommes résistent aux belles femmes car elles ont toujours ce sourire et cette nonchalance quand elles vous ont à l’œil. De plus, ces coquines sont attirées par les hommes quelque peu mal à l’aise ou un peu gauches car ceux-ci sont les plus attachants. Ils n’ont pas la force du brutal, du patron, du chef de famille. Elles veulent vivre avec des gens distraits, par exemple avec des artistes décalés. Elles ne cherchent pas les sots et quelquefois la laideur ne les repousse pas. Je parle ici des femmes qui me fascinent, naturellement. L’homme trouve souvent dans son travail les joies de l’esprit. Quand il perd le nord, il se recroqueville sur lui-même comme annihilé et devient sujet aux moqueries perfides du jugement des autres. Sa « maladie » peut durer des années, mais là n’est pas le débat. La seule chose intéressante est le rôle de la femme qui prend en charge son mari ou son amant comme un docteur traite un patient. Elle le rassure par sa simplicité et sa féminité pour lui redonner envie de vivre. La femme, quand elle est jeune, a une douceur quasi angélique. Si vous êtes un minimum sensible, vous sentirez son pouvoir. Stressé ou martyrisé, l’homme trouve toujours refuge chez une femme. Ne cherchez pas plus loin, elles rayonnent de par leur condition et donnent à l’homme un bonheur immense. Pourquoi sont-elles si simples ? Pourquoi sommes-nous attirés par les infirmières ? On ne le saura jamais. La seule chose que l’on sait, c’est que le sexe faible nous transporte vers une paix intérieure infinie. Et comme dit la chanson : « Femmes, je vous aime ! ».

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

18

XVII) De l’humilité

Dans les béatitudes que l’on déclame le jour de la Toussaint, on découvre que l’humilité est une voie pour atteindre le bonheur (« Heureux les humbles »). Mais au-delà de l’aspect biblique, l’humilité est une qualité qui fait appel au cœur de l’homme. Ce cœur qui chavire et qui vibre selon les émotions de l’instant présent. Cet organe du corps humain est souvent blessé ou transpercé par les confidences intimes, mais il peut aussi exulter de joie s’il est touché par des signes de toutes sortes. En l’occurrence, l’humble est celui qui met tout à plat : ses malaises, ses turpitudes, son manque de tact, ses aveux. C’était comme s’il se débarrassait de son mal-être qui altère son moral. Avouer, tout avouer, là est la question. Un homme qui par un élan de foi extraordinaire, jette à l’eau tout ce qui le ronge se rassure lui-même. Et pourtant, ça fait mal, je vous assure. Souvent, on a peur de dire ce que l’on a toujours refusé de raconter par peur d’être honteux, ridicule ou jugé. L’homme, en règle générale, se met des barrières pour se cacher ou pour se prouver à lui-même qu’il est capable de vivre comme tout le monde. Il camoufle ce qui peut le libérer par orgueil ou par crainte. C’est pourquoi les discordes les plus violentes peuvent s’écraser et mourir à tout jamais si l’homme se met à parler et à ouvrir son cœur. L’humilité nous apporte plus que le soulagement, elle joue de sa puissance pour faire verser des larmes de réunion, de réconciliation et de pardon. Le cœur d’un être a une force libératrice qui nourrit des espoirs infinis. Les humbles sont donc des hommes heureux parce qu’ils sont loin de tout, il leur suffit d’un rien pour éviter les disputes, ils étalent tout pour reconnaître leur faute et pour se reconnaître coupables d’être la cause du malheur qu’ils ont inconsciemment créé. « Je suis désolé, mais j’ai mon cœur à t’offrir ». Cette citation n’est pas de moi mais elle est si belle qu’on pourrait la retenir.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

19

XVIII) De l’autodérision

Rire est aisé, mais rire de soi, c’est plus dur. J’en ai l’expérience. Mais quand on a en nous le pouvoir de faire rire par le biais d’une autodérision, on se sent plus léger et on finit par se dire : « Je suis heureux d’oublier le tragique parce que celui-là, il me ronge le crâne ! » En fait, en nous tournant en ridicule, on provoque l’hilarité générale qui émet immédiatement des ondes sur notre système nerveux. Quand les gens sont soulevés par le comique de la situation, il provoque chez nous une sorte de relativisme qui se transforme en un soulagement d’avoir évacué la lourdeur de ce qui nous pèse. Certes, on est ridicule, mais au moins on se sent le comédien le plus brillant de sa génération, celui qui joue de sa personnalité pour faire rire. La drôlerie que l’on provoque est le signe d’un homme qui s’assume et qui oublie ses misères pour s’en moquer avec toute la hargne de sa sensibilité transcendée par la liberté. Le personnage de Cyrano de Bergerac en est l’illustration. Je ne vais pas vous déclamer l’illustre tirade du nez. « Énorme mon nez ! » avait-il dit. Tel est le panache de l’homme qui en se tournant en dérision ridiculise l’adversaire et transforme son complexe en un attribut de défense. En effet, Edmond Rostand nous décrit une histoire poignante. Son héros n’est autre qu’un amoureux qui meurt parce qu’il a trop d’esprit. Rire de soi est alors la marque de la vitalité extrême. Ceux qui savent le faire touchent déjà au bonheur puisqu’ils sont les témoins d’une humanité capable d’effacer les défauts que Dieu a malencontreusement créés en elle.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

20

XIX) Du courage

Je n’aime pas les analystes ni les psychiatres pour des causes que j’ignore. Est-ce de l’orgueil ? Je le pense. Des pensées et des idées qui apparaissent et disparaissent dans mon cerveau ne me laissent que très peu de repos. C’est pourquoi, je veux qu’on me laisse libre de gérer mes soucis parce que je sens un moi cette capacité de surmonter les épreuves par le biais de l’oubli ou du sommeil. Je n’aime pas que l’on touche ou que l’on manipule mes neurones parce qu’ils m’appartiennent et que je suis un battant. Delà le goût que j’ai pour les films d’Alain Delon, cet acteur qui joue souvent des rôles de gangsters ou de flics. J’aime son détachement, sa désinvolture, son esprit de combat, ses répliques de révolté actif qui ne lâche rien son mélange de tendresse et de hargne qu’il dégage. Le courage est intérieur, il n’est pas le fruit d’une pure réflexion mathématique, il vient des tripes. Hemingway qui était une force de la nature, ne s’est pas trompé quand il a écrit « En avoir ou pas ». Être courageux, c’est partir à l’assaut sur le front quitte à perdre la vie. Je pense que cette force, cette capacité à tuer les angoisses, vous ne pourrez l’avoir qu’en vous survoltant contre votre propre torpeur qui vous mine. Ne prenez pas exemple sur ceux qui veulent donner l’impression d’être invincibles. Restez tels que vous êtes et ne vous plaignez pas parce que s’abstenir de tuteur engage une liberté qui n’a pas de prix. La vie n’est faite que de rebondissements, alors sachez rebondir !

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

21

XX) De l’oubli

« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie » avait dit Ronsard, mais l’homme, dans le nuage brumeux de sa pensée, est incapable de profiter. Il se retrouve sans arrêt sur une planète de tristesse alors que le bonheur lui tend les bras. Vivez, que diable ! Apprenez à jouir de ces moments de plénitude qui vous sont offerts où vous vous sentez voler, où votre esprit agit si fortement sur votre corps qu’on a peine à croire qu’il existe. Il apparaît donc que vivre au sens brut du terme, c’est-à-dire être en alliance parfaite avec le monde extérieur n’est autre qu’une sorte d’oubli de la mauvaise face du cartésianisme et de sa matière grise qui agit si fortement pour vous faire réfléchir sur votre vécu. Cette libération de l’âme est comme la sortie du prisonnier libéré qui respire l’air frais, après l’avoir perdu dans les ténèbres de sa cellule ou comme celui qui s’endort épuisé après une dure journée, et qui sent son cerveau se détendre pour plonger dans l’apaisement du sommeil. N’a-t-on pas le droit de revivre ? De sentir un nouveau corps, un nouvel élan ? Les remords, les soucis, les souvenirs malheureux ne cessent de hanter celui qui revient sur son passé et ses échecs. C’est pourquoi, je ne crois pas au bonheur perpétuel, car l’homme ne peut s’empêcher de penser puisque l’inconscient prend une place démesurée dans les petites cellules cérébrales. En effet, l’homme manque d’oxygène pour éviter le problème de la fatigue interne. Oublier pour rebondir, là est le secret. Mais a-t-on le pouvoir d’oublier ? Je le pense puisque s’en aller nous emmène dans des régions insouciantes de l’esprit qui se met à ne penser à rien si ce n’est au doux bercement de quelque chose qui nous fascine, nous capte ou nous attire avec une telle puissance que nos yeux deviennent hallucinés. Lancez-vous à la poursuite de ces moments intenses pour effacer à tout jamais la souffrance des cauchemars. Sachez déclencher le moteur de l’émerveillement, de la transcendance de l’être où le corps entier jubile. Le choc de l’émotion vide alors les parasites pour que l’homme ne songe qu’à une seule chose : le bonheur d’exister.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

22

XXI) Du rire

Lors d’une journée, je me suis posé la question de savoir pourquoi je riais si souvent. Suis-je un gai luron ? Au fond de moi, après mûre réflexion, je me suis dit : « c’est plus fort que moi… ». Le rire est une sorte de déclenchement. Je ne vais pas redire ce que Bergson a expliqué pendant des pages mais, au fil de ma vie, j’ai été confronté à des décalages cocasses quelque peu intrigants. Des gens sérieux, occupés par leur travail et, sous l’emprise d’un éclair de génie, se permettent une réflexion qui me met dans un état d’hilarité exubérante. En fait, c’est ce déclenchement soudain décalé du contexte qui me fait réagir. Et tout se passe si rapidement que mon rire n’est autre que la forme détournée d’une réaction nerveuse qui transforme mon humeur d’une manière éclatante. Dans la cantatrice chauve de Ionesco, les personnages se donnent la réplique de la façon la plus absurde possible. Mais le tout reste cohérent comme si la pensée désorganisée des hommes se réorganisait dans une intrigue savamment orchestrée. Là est le génie de l’auteur, car les lecteurs sont pris de torsions abdominales tout au long de la pièce. Ainsi donc, l’absurde mène au rire, car il est un mélange de sens et de non-sens. Tous les hommes ont déjà ri dans leur vie parce que cela les dépasse totalement. Ils sont pris dans un engrenage et ne peuvent le stopper. Le sérieux est indispensable, mais finit par céder sa place à une explosion, et cette explosion donne à l’homme l’impression d’oublier. Riez pour vous détendre et pour faire régner autour de vous le bonheur d’être unis, car ce bonheur-là est source même de chaleur humaine. En effet, le rire est communicatif.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

23

XXII) De la luxure

Quand on évoque ce terme, on ne pense qu’à sa définition qui en fait un des sept péchés capitaux. Et moi, j’ai envie de rire, mais de rire profondément aux règles stupides que l’homme a établi. La luxure signifie si on la prend au pied de la lettre : « abandon au péché de la chair ». Personne au monde ne peut s’empêcher de se laisser aller au désir charnel, car les humains ont des hormones et on ne va pas les leur enlever. C’est pourquoi, lutter contre les besoins du corps n’est autre qu’une torture corporelle qui devient petit à petit psychologique. Condamner ce qui est une nécessité est condamner la faiblesse par nature, car les divagations caractérielles et physiques sont les causes du mal qui règne sur cette planète. Bien entendu, l’attraction corporelle est plus qu’un besoin. Elle va de pair avec l’amour et donc elle devient un maillon essentiel à la communion du charnel et de l’esprit. En effet, l’amour de deux êtres ne peut se résumer qu’à une simple séduction, car le corps finit par céder. La jouissance que l’on peut qualifier d’orgasme est alors un état d’extase qui devient indispensable au bonheur. C’est pourquoi, je hais les tabous du christianisme ou de quelconques religions, car le désir sexuel est un désir que l’homme ne pourra jamais dompter. En effet, c’est un désir. Il semble donc que tout est une question de naturel. Oubliez votre éducation si celle-ci vous rend malheureux, ne vous laissez pas impressionner par les provocateurs qui vous mettent mal à l’aise ou par les obsédés parce qu’ils sont eux-mêmes malades. L’attirance sexuelle est une attirance normale, alors riez si vous pouvez en rire et prenez la légèreté de celui qui boit pour fêter une réussite. L’abandon au péché de la chair est inévitable, car il est indispensable à l’épanouissement de l’être.

2010 – Benoît Dubuisson – Éditions en ligne – bd20102103art

24

XXIII) De la mort

Lorsqu’un homme sent son heure approcher, il est secoué par un questionnement intérieur qui le tiraille : « Que vais-je devenir ? ». Malgré tout l’amour que ses proches tentent de lui apporter, et malgré les marques d’affection qu’il reçoit, il se sent loin car son esprit est ailleurs. Rares sont ceux qui meurent dans la paix la plus totale, car le dernier souffle est souvent brutal témoignant de l’énergie que le mourant produit pour rester en vie. Celui-ci est perturbé par le doute de l’inconnu et du mystère d’une éventuelle vie dont il n’a aucun détail. En effet, la mort est un très grand facteur d’angoisses en dépit de sa fatalité. Comment donner un sens à ce moment de notre vie puisqu’on est dépassé ? Peut-on mourir serein ? Je le pense parce que la phobie de l’après mort ou de l’au-delà est uniquement psychologique. Au-delà des souffrances corporelles, l’esprit peut se laisser bercer par le déroulement des événements sans se poser la moindre question. Certes, les angoisses dépassent généralement notre volonté. Mais en serrant les dents et en faisant le vide intérieur de notre cerveau, l’esprit et le corps peuvent s’en aller en même temps. Le tour est de ne pas réfléchir, car la mort fait partie de notre nature. En effet, se rebeller en déchaînant ses tripes réveille le corps et ses douleurs. Face au tragique, l’homme ne peut combattre. Il faut donc savourer le bonheur que la vie nous réserve pour profiter au maximum de la seule chose à laquelle on aspire : être heureux. Et quand on sent la fin approcher, on pourra se dire : « au moins, j’aurais vécu ».