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Page 1 sur 15 A. Le management, Aspects humains et organisationnels Le management C'est vers la fin des années 60 que le mot « management » est devenu un concept clé aux États-Unis. Il avait déjà été défini au début du siècle comme un art. L'art d'obtenir des gens que les choses soient faites, par exemple, ou tout simplement l'art du possible. Actuellement, le management, « action ou art, ou manière de conduire une organisation, de la diriger, de planifier son développement, de la contrôler, s'applique écrit R. A. Thiétard à tous les domaines d'activité de l'entreprise ». Le processus de management existe, peu ou prou, dans toutes les organisations qui cherchent à atteindre un but, qu'elles se situent dans le secteur privé ou public, qu'elles soient à but lucratif ou non, qu'elles soient incluses dans le système capitaliste ou socialiste. Ceci, sans préjuger du degré de centralisation de la structure mise en place, ni de la qualité du partenariat. Tout manager a pour mission de mettre en œuvre les moyens techniques, financiers et humains dont il dispose pour atteindre ses objectifs. Il y parvient en assumant des fonctions de direction, de planification, d'organisation et de contrôle. Ces activités, représentées par le schéma suivant, sont les bases du management. Cette figure décrit sommairement le processus de management comme un « tout » intégré. L'activité de planification est centrée sur les résultats, celle d'organisation spécifie les moyens pour les atteindre, celle de contrôle détermine si les résultats sont ou non atteints, celle de direction coordonne et active les trois précédentes pour aboutir aux performances souhaitées. Le feed-back, ou information en retour permet des corrections adaptatives et sert à l'élaboration de nouvelles décisions stratégiques. Cependant, le fait de planifier, d'organiser et de contrôler, activités nécessaires à la gestion, ne suffit pas à définir le management. Le manager à part entière prend d'abord en compte la spécificité de l'organisation qu'il dirige et ses orientations stratégiques. C'est la condition à laquelle « la main visible du management », selon l'expression de Chandler, doit remplacer la main invisible du marché pour influencer l'évolution de l'entreprise et participer à la construction permanente de l'environnement industriel. C'est donc à partir de la stratégie que le processus de management va pouvoir

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A. Le management, Aspects humains et organisationnels

Le management

C'est vers la fin des années 60 que le mot « management » est devenu un concept clé aux États-Unis. Il avait déjà été défini au début du siècle comme un art. L'art d'obtenir des gens que les choses soient faites, par exemple, ou tout simplement l'art du possible. Actuellement, le management, « action ou art, ou manière de conduire une organisation, de la diriger, de planifier son développement, de la contrôler, s'applique — écrit R. A. Thiétard — à tous les domaines d'activité de l'entreprise ».

Le processus de management existe, peu ou prou, dans toutes les organisations qui cherchent à atteindre un but, qu'elles se situent dans le secteur privé ou public, qu'elles soient à but lucratif ou non, qu'elles soient incluses dans le système capitaliste ou socialiste. Ceci, sans préjuger du degré de centralisation de la structure mise en place, ni de la qualité du partenariat.

Tout manager a pour mission de mettre en œuvre les moyens techniques, financiers et humains dont il dispose pour atteindre ses objectifs. Il y parvient en assumant des fonctions de direction, de planification, d'organisation et de contrôle. Ces activités, représentées par le schéma suivant, sont les bases du management.

Cette figure décrit sommairement le processus de management comme un « tout » intégré. L'activité de planification est centrée sur les résultats, celle d'organisation spécifie les moyens pour les atteindre, celle de contrôle détermine si les résultats sont ou non atteints, celle de direction coordonne et active les trois précédentes pour aboutir aux performances souhaitées. Le feed-back, ou information en retour permet des corrections adaptatives et sert à l'élaboration de nouvelles décisions stratégiques.

Cependant, le fait de planifier, d'organiser et de contrôler, activités nécessaires à la gestion, ne suffit pas à définir le management. Le manager à part entière prend d'abord en compte la spécificité de l'organisation qu'il dirige et ses orientations stratégiques. C'est la condition à laquelle « la main visible du management », selon l'expression de Chandler, doit remplacer la main invisible du marché pour influencer l'évolution de l'entreprise et participer à la construction permanente de l'environnement industriel.

C'est donc à partir de la stratégie que le processus de management va pouvoir

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être mis en œuvre et fonctionner. « Elle représente un ensemble de choix, de priorités, d'engagements pris en vue d'atteindre un certain nombre d'objectifs. Toute organisation, quelle qu'elle soit, a besoin ainsi de définir ce qu'elle fait, comment elle va le faire, pourquoi elle le fait, ce sur quoi elle va faire reposer ses efforts ».

Newman et Warren pensent qu'il est nécessaire pour mettre en place une stratégie de faire appel au management, c'est-à-dire à l'ensemble des méthodes qui permettent de transformer les ressources dont dispose l'organisation, l'argent, le matériel, les hommes, en produits et services. Selon les méthodes utilisées, le management de l'organisation sera différent et adapté ou non à la réalisation des objectifs. Enfin, si la stratégie commande le management, on constate également que le management par son fonctionnement même tend à exercer une influence souvent.

Le management apparaît donc comme un des mots clés lorsqu'il s'agit de conduire le changement social, de réfléchir à son avenir de prendre son destin en charge. Les managers sont là pour gérer les organisations en jouant un rôle économique et social, en assumant les responsabilités financières et humaines.

Le manager actuel cherche à adapter l'organisation en la pilotant dans un environnement souvent turbulent. A cet effet, il se sert de gestion scientifique et d'imagination créatrice.

Le concept de management a des origines américaines, et de ce fait il traduit la prédominance et la réussite d'un système de développement économique. Il représente aux yeux du monde le triomphe de la culture américaine et de ses postulats d'efficacité et d'action. Il a remplacé l'amateurisme des patrons autodidactes par le professionnalisme des diplômés des « Business schools ».

On peut en effet l'apprendre ; ses méthodes sont transmissibles. L'utilisation d'outils scientifiques fonde sa pratique.

« Le management, écrit G. Nizard, est une axiologie qui, de plus en plus, explicite ses fondements, informe de ses projets, poursuit des valeurs exprimées. Il se double d'une praxéologie, c'est-à-dire d'une logique de l'action, d'une diffusion de ses pratiques, d'une analyse de ses processus de décision. »

Dans cet ouvrage, nous ne mettrons pas souvent l'accent sur ce qu'il est convenu d'appeler les principes de management, ni sur la façon de prendre de bonnes décisions. Nous explorerons un ensemble de concepts fondamentaux relevant des aspects humains et organisationnels du management, en laissant de côté les aspects techniques (financier, comptable, commercial, logistique...).

L'organisation

L'organisation regroupe un certain nombre de personnes interdépendantes qui travaillent ensemble pour atteindre des buts communs. Le management en est l'organe moteur.

Management et organisation sont deux notions étroitement associées, en pratique et en théorie. De la qualité du management vont dépendre le degré de réalisation des objectifs de l'organisation et son adaptation au monde extérieur.

Les définitions du mot organisation sont nombreuses et varient en fonction du cadre théorique dans lequel on se place. L'accent a été mis successivement sur différents aspects des relations entre l'individu et sa tâche. Sur les rapports entre l'homme, les conditions physiques et administratives de son travail tout d'abord. Puis sur les relations des hommes au travail entre eux. Et, plus récemment, sur les rapports établis entre les travailleurs, les organisations et le milieu extérieur au double sens

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social et économique du terme.

L'organisation peut être vue par un économiste comme un rassemblement de ressources, humaines et matérielles, de travail et de capital. Pour le sociologue M. Crozier, elle est une réponse à l'action collective. Elle n'est pas une donnée naturelle, mais une construction modulable, plus ou moins précaire, à la fois dépendante et indépendante des individus qui la composent. Comme tout système vivant, elle évolue au gré des influences externes et internes.

Les théoriciens de l'organisation ont prêté davantage attention, pendant longtemps, au cas particulier que constitue l'entreprise, système social à vocation économique. Puis ils ont peu à peu étendu leurs réflexions à l'ensemble des segments de la réalité sociale. Il y a « phénomène organisationnel » dès lors qu'un individu unit ses efforts d'une manière formelle à ceux d'un certain nombre d'autres personnes pour atteindre un objectif. C'est le cas des entreprises, mais aussi d'une multitude d'institutions telles que les hôpitaux, les écoles, les associations, les clubs, etc.

Les aspects humains et organisationnels du management

Le management ordonne et définit les multiples aspects complémentaires et contradictoires de la réalité des organisations auxquelles il s'incorpore.

En dehors de la maîtrise des aspects techniques, commerciaux et financiers, le management repose sur la maîtrise des aspects humains et structurels des organisations.

Au départ, dans la seconde moitié de ce siècle aux Etats-Unis, c'est pour résoudre des problèmes très concrets que les chercheurs de différentes disciplines, telles que la psychologie et la sociologie, ont œuvré de concert avec certains managers d'organisations, tant publiques que privées. Créant un nouveau domaine de recherche ils l'intitulèrent organizational behavior.

La traduction littérale en notre langue, « comportement organisationnel », est largement répandue au Canada francophone. On se méfie sans doute davantage, de ce côté-ci de l'Atlantique, du terme « comportement » et de ses relents mécanistes, surtout lorsqu'on l'associe au mot « organisation » considéré comme abstrait dans les milieux d'entreprise. C'est pourquoi nous avons essayé de respecter la sensibilité des Français en choisissant un titre plus conforme à leur mode de pensée. Les aspects humains et organisationnels du management recouvrent pour l'essentiel ce que les Américains nomment or ganizational behavior, et relèvent en fait de plusieurs disciplines scientifiques encore fortement cloisonnées.

La coopération entre spécialistes de différentes origines, psychologues, sociologues, anthropologues, politologues n'est pas encore très courante. Chacun a pourtant contribué, en prêtant certains de ses concepts, à l'élaboration progressive de cette nouvelle discipline, centrée sur l'organisation. La figure suivante, adaptée d'un ouvrage américain, tente d'analyser les différentes composantes du « comportement organisationnel ».

Parmi le grand nombre de thèmes énumérés ci-après, ceux qui portent un astérisque correspondent aux chapitres traités dans cet ouvrage.

La distinction établie entre trois niveaux d'analyse : individu, groupe et organisation peut aider à mieux situer chacun des thèmes retenus dans le livre. Cette distinction reste toutefois artificielle dans la mesure où les phénomènes conservent entre eux des liens systémiques.

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On constate l'hétérogénéité des apports consentis à cette nouvelle discipline par ceux qui sont devenus des tenants de ces approches récentes que sont par exemple la psychologie des organisations ou la sociologie des organisations, ou encore la psychosociologie des organisations...

Discipline

d’origine

Psychologie

Sociologie

Anthropologie

Sciences

Aspects humains et

organisationnels

du management

Personnalité Perception Attitudes Valeurs Motivation Changement de

comportement Stress Prise de décision

Leadership communication

Processus de changement

Climat organisationnel

Dynamique des groupes

Pouvoir Normes Statut Rôles Communication Conflit Socialisation Prise de décision

Bureaucratie Structure

organisationnelle

Buts Autorité Environnement Changement

organisationnel

Valeurs comparatives

Culture organisationnelle

Conflit et négociation

Pouvoir et jeux de

INDIVIDU

GROUPE

ORGANISA- TION

GROUPE

ORGANISA- TION

INDIVIDU

GROUPE

ORGANISA- TION

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NIVEAU

CONCERNE

DISCIPLINE

NOUVELLE

LE CHAMP DU COMPORTEMENT ORGANISATIONNEL

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Certaines autres disciplines ont pu être également mises à contribution dans une moindre mesure : la philosophie, l'économie, la gestion, l'ingénierie, le droit...

Il apparaît encore souvent difficile de relier entre elles des notions issues de conceptions éloignées et introduites en nombre pour tenter d'expliquer les phénomènes observés dans les organisations. Comme toute discipline naissante, l'organizational behavior a traversé des crises d'identité, ne parvenant pas toujours à se démarquer de la traditionnelle psychologie industrielle appliquée. Certains l'accusent de vouloir supplanter le management en s'efforçant de lui donner une base théorique et conceptuelle plus sûre !

Grâce à. ses nombreuses acquisitions conceptuelles, cette discipline vise ta compréhension, la prédiction et le contrôle du « comportement » humain dans les organisations.

Les managers auront sans doute intérêt, à l'avenir, à investir au moins autant dans la connaissance de cette nouvelle approche humaine et organisationnelle qu'ils ont pu le faire jadis en valorisant à outrance les aspects purement techniques.

B. Les théories de l'organisation

Lorsqu'on essaye de décrire l'évolution des théories de l'organisation, on est vite confronté à la complexité de cette démarche.

De nombreux chercheurs et praticiens ont voulu, depuis le début du siècle, contribuer à clarifier et améliorer le fonctionnement des organisations.

A cet effet, ils ont jeté les bases d'une réflexion qu'on peut qualifié de polymorphe et dont les aspects théoriques développés par différents auteurs peuvent être complémentaires, se recouvrir partiellement ou présenter des contradictions légères ou majeures.

Il paraît difficile de trouver un fil conducteur unique qui parvienne à intégrer l'ensemble des élaborations théoriques produites de façon successive ou simultanée.

On peut toutefois considérer que chacune de ces élaborations s'inscrit dans ce que Kuhn appelle un paradigme. Il s'agit d'une « matrice disciplinaire » faite de concepts, de postulats, de lois, de méthodes, à laquelle se réfèrent les praticiens de cette discipline particulière.

La science des organisations serait encore à un stade « multiparadigmatique » car elle juxtapose plusieurs paradigmes relevant chacun d'une discipline spécifique (psychologie, sociologie, sciences politiques, économie, anthropologie, gestion, management...).

Une science est en voie d'achèvement lorsque, parmi plusieurs paradigmes qui luttent pour la suprématie, l'un d'eux parvient à faire l'unanimité en sa faveur au sein de la communauté scientifique.

On peut dire qu'actuellement aucune des sciences utilisées pour appréhender l'organisation n'est parvenue à un tel degré d'achèvement.

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Pour tenter de démêler cet enchevêtrement de conceptions théoriques, certains auteurs ont proposé des typologies ou des regroupements facilitant les repérages. On a pu suggérer par exemple de distinguer les théories à orientation normative et les théories à orientation diagnostique, plus récentes.

Le souci d'établir des normes de fonctionnement aurait précédé celui d'établir un diagnostic réel de ce fonctionnement.

Ce travail de classification est rendu d'autant plus difficile qu'on trouve encore de nos jours, dans la réalité des sociétés industrielles, l'éventail presque complet des courants théoriques. A en croire certains observateurs perspicaces, la France serait par exemple l'un des musées où coexistent toutes les théories de l'organisation, des plus anciennes aux plus récentes. Les entreprises de tous les secteurs d'activité, à l'évidence, ne fonctionnent pas aux mêmes rythmes d'acquisition des concepts.

Pour essayer de donner un cadre commode à la réflexion sur l'évolution des théories de l'organisation nous nous inspirerons de l'ouvrage de W. R. Scott , professeur à l’Urtiversité de Standford, intitulé Organizations : rational , natural and open systems.

En référence à son analyse, on peut tracer deux axes qui se croisent de façon orthogonale et qui constituent les fondements d'une représentation graphique.

Ces deux axes bipolaires traduisent des alternatives qui, par regroupements successifs, vont permettre de situer tel ou tel mode d'organisation du travail et les mourants théoriques qui s'y rattachent.

L'axe vertical : Nous intitulerons par convention le pôle du haut « Approche rationnelle » et celui du bas « Approche sociale ».

On retrouve à travers cet axe vertical deux dimensions fondamentales du management, exclusives l'une et l'autre, et toutefois situées dans un rapport d'interdépendance.

La coexistence entre ces deux pôles se joue dans un rapport qui varie d'une période à l'autre et d'une organisation à l'autre.

Est-on davantage centré sur les résultats techniques et économiques, recherche-t-on d'abord l'efficacité à travers une rationalisation du travail sous toutes ses formes ? C'est l'approche rationnelle qui prévaudra.

Est-on d'abord concerné par la dynamique des ressources humaines, par les satisfactions et la motivation du personnel, par la recherche d'un consensus productif ? C'est l'approche sociale qui sera prépondérante.

Etre rationnel c'est croire qu'il existe des buts et des objectifs clairs pour les organisations. Partant de là, il paraît assez simple de les définir et de choisir les moyens les plus efficaces pour les atteindre.

Dans l'approche sociale, la détermination des objectifs reste moins évidente, les objectifs ne découlent pas de choix mécaniques.

Les choix sont moins dictés par des réflexions rationnelles que par des coalitions sociales, des rapports de force, des influences multiples ou des coutumes.

Le rôle du management dans les organisations, c'est d'intégrer les termes de cette alternative dans la gestion quotidienne. Il s'agit par exemple de savoir comment, avec un personnel motivé et mobilisé, assurer toutes les activités pour obtenir économiquement plus avec autant d'efforts, ou économiquement autant avec moins d'efforts...

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L'axe horizontal pose la problématique du courant « systémique ». Il évoque à travers ses deux pôles la fermeture et l'ouverture du système que représente toute organisation. A gauche du schéma, le système fermé stigmatise la représentation des dirigeants d'une organisation centrés uniquement sur la gestion des variables internes et de leurs interrelations.

Avant les années 60, les théoriciens du management ne semblaient pas préoccupés par l'environnement, la concurrence ou le marché. Il n'y avait ni urgence, ni nécessité à considérer les variables externes comme prioritaires. Le marché absorbait l'essentiel de la production sans effort particulier. L'accent était donc plutôt mis sur ce qu'il fallait faire (règle du jeu) pour maximiser l'utilisation des ressources en tenant compte uniquement de ce qui se passait à l'intérieur de l'organisation. On faisait « comme si » l'environnement n'avait pas d'importance, « comme si » l'organisation était indépendante et autosuffisante.

Le pôle de droite, intitulé système ouvert, correspond aux années comprises entre 1960 et nos jours. La perspective s'est transformée en ce sens que théoriciens et dirigeants admettent que la dynamique interne de l'organisation est modelée en tout ou partie par les éléments extérieurs au système qui composent son environnement sous toutes ses formes (économique, politique, culturelle, sociale, technologique, juridique...).

On assiste à la prise en compte explicite des effets souvent complexes des forces extérieures. Celles-ci pèsent sur les mécanismes internes et infléchissent le destin des organisations.

On met l'accent sur la vocation extravertie des systèmes sur l'importance des feed-back et l'impérieuse nécessité de maîtriser autant que possible les forces de l'environnement qui conditionnent la survie et le développement des organisations.

On passe donc sur cet axe horizontal d'une conception mécanique de l'organisation à une conception ouverte, et systémique, c'est-à-dire qui prend en compte globalement le maximum d'éléments interactifs des systèmes et sous-systèmes organisationnels considérés.

On observe alors la tendance des organisations à construire et reconstruire des frontières à travers ce qu'elles relient au monde extérieur.

Les deux axes bipolaires du schéma font ressortir quatre zones que l'on va s'ingénier à analyser et à décrire. L'itinéraire suggéré par Scott va permettre de suivre chronologiquement les tendances dominantes dans l'évolution des théories de l’organisation.

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La zone n° 1 : système fermé, approche rationnelle

Elle figure en haut et à gauche du schéma. Elle recouvre une période qui s'étend approximativement de 1900 à 1930.

Les auteurs les plus célèbres Taylor et Fayol, auxquels on ajoute la contribution du sociologue allemand Max Weber, ont formalisé les idées de l'époque, c'est-à-dire du début de l'ère industrielle. Il s'agit d'organiser pour produire efficacement. Dans un souci de rationalité affirmée, ils conçoivent l'organisation comme un outil au service de fins clairement déterminées.

Cette École, dite classique, propose donc un modèle rationnel, universel, « scientifique » d'organisation du travail qui doit permettre, quels que soient la latitude ou le contexte (système fermé), de fonctionner au mieux des intérêts conjugués des dirigeants et des exécutants.

Max Weber, en remettant en cause l'autorité traditionnelle et charismatique, propose un modèle d'organisation qui s'appuie sur des procédures explicites de fonctionnement pour rationaliser la notion d'autorité. La meilleure forme de l'organisation humaine selon lui c'est le modèle « bureaucratique ».

Il souligne l'importance primordiale de la règle comme référence commune et incontestable pour l'ensemble des travailleurs. L'ordre est régi par la règle. Si l'on parvient à maîtriser un ensemble fini de règles et de techniques concernant la composition des tâches, la capacité maximale de contrôle, la cohérence de

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l'autorité et des responsabilités, on peut espérer résoudre les problèmes essentiels posés aux dirigeants_

Taylor a créé « l'organisation scientifique du travail » en réfléchissant sur le contexte industriel nord-américain du début du siècle.

L'organisation type qu'il proposait instituait une division verticale du travail. Celle-ci différenciait formellement les tâches confiées aux dirigeants (coordination, expertise, détermination des conditions de travail) et dévolues aux exécutants, ainsi que les missions spécifiques des différentes fonctions de l'entreprise. Pour renforcer ce dispositif, on sélectionnait avec soin par des méthodes psychotechniques les collaborateurs (the right man at the right place). On leur indiquait avec force précision la meilleure façon d'accomplir leur tâche (the one best way).

Cette organisation centralisée, pyramidale et scalaire, engendrait un cloisonnement délibéré qui aboutissait le plus souvent à la mise en place d'une chaîne de production où les procédés étaient standardisés.

Taylor fit figure de révolutionnaire en suggérant notamment de clarifier les termes du contrat passé entre employeurs et employés.

La rémunération au rendement permettait une transparence des enjeux, c'est-à-dire d'établir un lien de cause à effet compréhensible entre l'effort fourni par l'employé et la rémunération obtenue, ce qui n'était pas évident à l'époque. Ce système rationnel de rétribution postulait la motivation des travailleurs pour l'obtention d'un gain maximum. L'industrie naissante accueillait alors aux Etats-Unis quantité d'immigrés contraints de travailler pour survivre et prêts à accepter ce type de contrat.

L' Homo economicus, personnage parfaitement rationnel et au fait de ses intérêts bien compris, n'avait de cesse que de maximiser ses gains dans la transparence des enjeux.

Dans ce système tout le monde devait y gagner : les employés plus et mieux rémunérés, les dirigeants dont les affaires se développaient, les clients qui bénéficiaient de l’abaissement des coûts de production, l'Etat qui touchait des impôts et redistribuait ses bienfaits sous forme d'investissements collectifs à la population tout entière, participant ainsi à l’amélioration du niveau de vie général.

Cette façon, la plus rationnelle, de s'organiser et de produire devait s'imposer à tons. Patrons et ouvriers ne pourront qu'être d'accord avec cette unique bonne façon, scientifique, de faire les choses. Il n'y a donc plus de conflit possible. On peut maximiser l’efficacité de l'organisation.

Fayol, dans la même veine, énonce les principes administratifs sur lesquels doit imposer toute gestion efficace des organisations. Il préconise, en s'inspirant de conceptions militaires, un processus purement directif de gestion des hommes, partant du sommet de la hiérarchie pour aboutir à la base.

Division du travail, hiérarchie et centralisation sont pour lui des phénomènes naturels. Toute organisation est régie par l'autorité et la discipline ; elle sera d'autant mieux administrée qu'il y aura une unité de commandement et un principe équitable de rémunération du personnel. D'un côté les dirigeants dont l'autorité naturelle s'impose, de rance les exécutants dont l'intérêt bien compris est d'accepter la règle du jeu. La rationalité des principes administratifs doit s'imposer à tous.

Ces théoriciens ignorent ou minimisent l'influence des forces de

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l'environnement. Le management scientifique, en affirmant que les buts sont connus et que les tâches sont circonscrites et répétitives, signe sa fermeture conceptuelle.

La bureaucratie idéale décrite par Weber ne se réalisera pas comme il l'avait imaginé. Même si elle tenait compte des variables extérieures à l'organisation, elle en annulait les effets en dépersonnalisant la relation aux clients et en enfermant ceux-ci dans des catégories (les usagers, les administrés...).

La règle a pris le pas sur son application raisonnable et l'on parle aujourd'hui de cercle vicieux bureaucratique soulignant bien le caractère fermé du système.

Les tenants de l'Ecole classique ont également minimisé les phénomènes de pouvoir, les phénomènes de groupe et d'une façon générale les phénomènes informels qui sont étroitement liés à l'apparition des phénomènes formels.

La zone n° 2 : système fermé, approche sociale

Cette zone, située en bas et à gauche du schéma, couvre la période comprise entre 1930 et 1960 aux Etats-Unis.

La logique du système fermé prédomine encore tant bien que mal. Mais théoriciens et praticiens en proie à certaines interrogations sur les effets imprévus de l'organisation scientifique du travail vont tenter de lui rendre un visage humain. Un nouveau courant de pensée, l'Ecole des relations humaines, prend alors son essor. Il apportera une réponse à l'insatisfaction exprimée de façon individuelle ou collective par certains ouvriers à la chaîne soumis aux dures contraintes du système taylorien.

Le film Les Temps modernes de Charlie Chaplin nous replonge à sa manière dans cette atmosphère difficile à vivre, où l'homme doit s'adapter à la machine dans un univers en partie robotisé.

La crise économique de 1929 a contribué à modifier certaines perspectives théoriques. Les postulats de rationalité totale qui avaient prévalu jusqu'à cette époque furent durement remis en cause par les réalités sociales, économiques et politiques. L'analyse simpliste qui en était faite au préalable laissait soudain entrevoir des niveaux de complexité insoupçonnés.

En outre, les effets accrus de la rationalisation ne portaient pas toujours leurs fruits, et provoquaient des effets inattendus, qualifiés souvent de pervers (absentéisme, turn over, freinage, etc.).

Plusieurs types de comportements jugés irrationnels tels que le freinage sur les chaînes ou le refus des standards de production de la part des ouvriers donnèrent l'occasion à quelques équipes de chercheurs d'entreprendre des expériences sur les lieux de travail. Une des études les plus célèbres fut menée par Elton Mayo à l'usine d'Hawthorne pour le compte de la compagnie Western Electric .

Les travaux de ce courant des relations humaines furent relayés à travers les contributions de McGregor, de Maslow et d’Herzberg. Les études de ces auteurs tendent à montrer que l'homme a des motivations complexes et ne réagit pas uniquement à l'appât du gain.

Certaines motivations intrinsèques valorisantes peuvent conduire à des performances qualitatives et quantitatives supérieures à celles qu'on obtient par la carotte et le bâton.

Ces théories tracent la voie d'une réconciliation possible entre l'homme et son

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cassai_ Un des modes d'accès à l'épanouissement et à la réalisation de soi « auxquels chacun aspire dans sa vie » serait la participation aux décisions et aux responsabilités et non pas l'accroissement indéfini des contrôles et des sanctions.

Les expériences d'enrichissement des tâches s'inscrivent dans ce courant optimiste spi parie sur le contrat de confiance qu'il serait souhaitable et profitable de passer entre partenaires sociaux.

Le courant de la dynamique des groupes

L'étude des petits groupes jouit d'une certaine faveur dans les années 40 sous l’impulsion de Lewin .

Les recherches de Lewin furent effectuées dans le cadre du MIT et se poursuivirent osa Survey Research Center de l'Université de Michigan.

Il s'intéressa notamment aux groupes restreints et au phénomène de leadership. Son étude avec Lippitt et White sur les styles de leadership visa à comparer les styles is autocratique, démocratique et laissez-faire » quant à leur efficacité respective pour atteindre un objectif et quant à la satisfaction éprouvée par les membres des différents groupes concernés. En référence aux préoccupations de l'époque. Lewin et ses collègues tentèrent de démontrer l'excellence du style démocratique par rapport aux deux autres surfa ; leur démarche s'inscrit là encore dans le cadre d'un système fermé où l'individu moyen ressemble plutôt à un Américain moyen.

L'apport de Lewin c'est aussi d'avoir souligné l'importance des contributions shs groupes. Le groupe devient quelque chose de plus que la somme de ses membres. L'effet de synergie peut augmenter sensiblement les résultats auxquels on aurait pu s'attendre de la part d'individus juxtaposés. Le plaisir de fonctionner en groupe, le sentiment d'appartenance des membres, leur solidarité, leur acceptation des buts, des normes et des standards représentent des atouts décisifs dans la recherche d'une productivité commune.

Le courant des relations humaines a soulevé un ensemble de questions utiles à la compréhension du fonctionnement des organisations, telles que l'émergence des structures informelles, des systèmes interpersonnels de pouvoir, l'importance des statuts, des communications et des relations amicales et aussi la façon dont les structures informelles influencent les systèmes formels.

Il a essayé de montrer sans y parvenir l'existence d'une relation claire entre certaines variables indépendantes (style de leadership, conception de l'homme au travail) et certaines variables dépendantes (productivité des travailleurs et efficacité de réorganisation) grâce à la médiation de variables telles que la motivation et la satisfaction des travailleurs.

Malgré ses apports, l'École des relations humaines a été partiellement discréditée pour différentes raisons ; elle ne serait pas parvenue à équilibrer ou compenser les excès du modèle rationnel. On lui reproche son « psychologisme » qui tend à réduire les problèmes organisationnels à des problèmes psychologiques individuels. L'unité d'analyse n'est plus l'organisation, mais plutôt les membres qui la composent. À force de s’intéresser aux relations informelles, on en vient à négliger l'importance décisive des structures formelles et des données technologiques.

L'analyse des motivations des employés est surtout effectuée en termes de comparaisons psychologiques sans évoquer les composantes sociologiques et politiques des problèmes posés.

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Le courant des relations humaines a été en rupture à certains égards avec l'idéologie managériale de son époque en promouvant une vision optimiste du développement de la personne humaine. Il a pu contribuer à une certaine humanisation des milieux professionnels sans toutefois remettre en cause l'essentiel des postulats tayloriens. On lui reproche d'avoir manipulé des employés au profit des employeurs en réduisant les tensions sociales sans contreparties en termes de redéfinition des structures ou d'aménagement du système de pouvoir. Certains syndicats français ont longtemps protesté contre ce piège tendu par les « capitalistes » qui demandaient aux travailleurs de s'aliéner eux-mêmes en participant au « système » dans des conditions jugées iniques.

Pour l'Ecole des relations humaines comme pour l'Ecole classique le système organisationnel est considéré comme fermé sur lui-même, posé comme un tout en équilibre. On considère au sommet que les relations entre employeurs et employés sont consensuelles par nature. En cas de conflit, l'action psychologique permettra de rétablir l'harmonie préexistante et de résoudre les problèmes de communication.

Passage entre les zones 2 et 3

Les travaux d'Herbert Simon sur la prise de décision ont été utilisés rétrospectivement pour tenter de réconcilier la rationalité promue par l'ost et le monde affectif mis en avant pas l'École des relations humaines. Simon conteste en effet la notion de rationalité absolue ou illimitée. Il lui préfère la notion de rationalité limitée et partagée. Limitée, car personne ne peut tout connaître, a fortiori, dans le domaine du management, et chacun reste centré sur son rôle organisationnel et ses prérogatives. Partagée en ce sens que toute décision concerne l'ensemble du système. Elle n'est pas l'apanage des seuls dirigeants dans la mesure où elle concerne chaque membre impliqué dans l'organisation. Le rôle du manager aux prises avec plusieurs logiques (administrative, commerciale, financière de production) c'est de trouver le plus souvent une « solution satisfaisante » et de tenter de l'optimiser. Le passage entre la zone « deux » du schéma (système fermé - approche social) et la zone « trois » (système ouvert - approche rationnelle) peut faire figure à première vue de régression sociale en ce sens que la théorie reprend les hypothèses mécaniques au sujet de l'individu. Mais elle peut aussi représenter un progrès dans la mesure où les théoriciens en viennent à considérer l'organisation comme modelée et façonnée par des forces exogènes et non plus uniquement endogènes.

La perception des théoriciens et des managers a pris du champ. Des pans entiers de la réalité restés dans l'ombre sont reconnus récupérés et intégrés dans leur nouvelle façon d'envisager l'organisation et son fonctionnement.

La zone n° 3 : système ouvert, approche rationnelle

Cette zone recouvre la période comprise entre 1960 et 1970, approximativement, aux États-Unis.

La nouveauté consiste à considérer l'organisation comme un système ouvert sur l'environnement donc soumis aux aléas et à l’incertitude liée à cet environnement.

Il n'y a plus d'organisation idéale. Il s'agit pour les managers d'adapter la structure aux contraintes de l'environnement. La survie et le développement des organisations dépendent de forces exogènes qu'il convient d'identifier avec soin. Les connexions entre les exigences de l'environnement et la réponse de l'organisation sont gérées par des managers concernés par le contrôle des coûts, la recherche d'informations et d'arrangements adéquats pour affronter la complexité

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environnante.

Alfred Chandler a observé que les structures des organisations des grandes entreprises sont déterminées par les dirigeants en fonction de stratégies qu'ils choisissent pour s'adapter aux pressions changeantes du marché. De monolithiques et fonctionnelles elles peuvent devenir divisionnelles et plus souples.

P. Lawrence et J. Lorsch observèrent dans une étude célèbre que les entreprises leaders des secteurs stables conservaient une forme d'organisation simple et fonctionnelle ainsi que des systèmes de contrôle simples. En revanche, les leaders de secteurs à évolution rapide adoptaient des structures plus décentralisées. L'efficacité de toute entreprise dépend de la congruence des structures et des procédures avec les contraintes de l'environnement.

Scott se demande comment les organisations peuvent fonctionner rationnellement étant donné qu'elles sont ouvertes aux incertitudes de leur environnement. Il suggère que c'est par la création artificielle de quelques systèmes clos dans les parties critiques de l'organisation. Des îlots de cohérence aménagés judicieusement vont permettre de stabiliser l'édification structurelle et, par leur agencement bien compris, de faire fonctionner l'organisation dans son contexte spécifique et dynamique.

Les théoriciens de la contingence mettent donc l'accent sur la recherche permanente de la meilleure structure possible à partir d'une démarche de type expérimental. La structure formelle est vue comme un résultat, une variable « dépendante ». Ses caractéristiques devant être mesurées et expliquées. Différents auteurs, tels que Woodward et Perrow, ont utilisé plusieurs variables explicatives (indépendantes) comme la taille, la technologie et l'incertitude.

Dans cette période de redéfinition du champ de forces en présence, l'avantage est à ceux qui ajustent leurs offres aux demandes spécifiques du marché. On se soucie plus d'une performance globale sur le long terme que du rendement de la production quotidienne. Les préoccupations de qualité, de compétitivité et surtout de rentabilité prennent le pas sur les considérations immédiates de rendement. Ce qui prime c'est la démarche rationnelle dans l'analyse des paramètres de l'environnement. Après quoi on essayera de mettre en œuvre les meilleures solutions. Mais elles ne seront pas les mêmes à Moscou, à Abidjan ou à Sydney. Elles différeront d'une technologie à l'autre, d'un environnement à l'autre.

Lawrence et Lorsch présente cependant le risque d'hypertrophier l'incidence de l'environnement, allant jusqu'à le promouvoir en déterminisme unique et absolu, ce qui constituerait un paradoxe.

Lawrence et Lorsch présente cependant le risque d'hypertrophier l'incidence de l'environnement, allant jusqu'à le promouvoir en déterminisme unique et absolu, ce qui constituerait un paradoxe.

Passage entre les zones 3 et 4

L'analyse stratégique de M. Crozier peut permettre au modèle théorique de Lawrence et Lorsch et par extension au modèle de « l'organisation système ouvert » de prévenir une telle dérive. Crozier nous rappelle que les structures et le fonctionnement des organisations, même soumis aux contraintes de l'environnement, résultent toujours des décisions, des comportements et des relations des « acteurs » sociaux.

L'Ecole classique et celle des relations humaines ont pris appui sur une

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conception déterministe et mécaniste des facteurs humains. L'homme subit passivement les pressions internes de son organisation.

Il suffit de trouver le « bon » stimulus quantitatif ou qualitatif pour faire réagir les employés selon le modèle behavioriste.

Pour « l'analyse stratégique », le comportement de l'acteur atteint au contraire un certain degré de liberté et de rationalité, mais il s'insère toujours dans un contexte d'interdépendance. Pour parvenir à ses fins, l'acteur a besoin des autres. Crozier et Friedberg considèrent le pouvoir comme une relation d'échange et de négociation permanente entre acteurs interdépendants pour l'accomplissement de leurs fonctions et la mise en oeuvre de leurs stratégies.

Chaque partenaire va essayer de développer la marge de liberté dont il dispose dans les situations qu'il affronte, en tentant de réduire simultanément le degré de liberté de ses autres partenaires.

« Or le contrôle des zones d'incertitude pertinente de l'organisation, là où la structure formelle n'a pas pu rendre prévisibles les comportements, permet à l'acteur d'augmenter sa marge de liberté et d'orienter la relation de pouvoir en sa faveur. »

Pour Crozier et Friedberg , l'organisation n'est pas un phénomène naturel qui s'imposerait de l'extérieur aux hommes en vertu de lois générales. L'organisation n'existe pas indépendamment des acteurs qui la construisent en permanence, à travers leurs stratégies et leurs relations de pouvoir faites de conflits et de négociations. Il ne peut exister de modèle d'organisation idéal, mais des systèmes d'action concrets par lesquels les acteurs gèrent leur coopération tout en s'évertuant à préserver leur marge de liberté.

Les logiques des analyses systémiques et stratégiques se retrouvent autour du concept de jeu. Pour Crozier et Friedberg, celui-ci est « l'instrument essentiel de l'action organisée Le jeu concilie la liberté et la contrainte. Le joueur reste libre, mais doit, s'il veut gagner, adopter une stratégie rationnelle en fonction de la nature du jeu et respecter les règles de celui-ci. Cela veut dire qu'il doit accepter, pour l'avancement de ses intérêts, les contraintes qui lui sont imposées ».

La zone n° 4 : système ouvert, approche sociale

Cette dernière zone de notre itinéraire commence dans les années 70 et s'étend jusqu'à nos jours.

On est toujours dans la perspective d'une organisation « système ouvert », mais on parie à nouveau explicitement sur les hommes pour assurer la survie et le développement des entreprises.

Cette survie est considérée comme un jeu difficile à jouer parce que la nature de l'environnement est devenue très complexe et soumise à des rapports de forces de plus en plus rudes. Comme un certain désordre ambiant a tendance à régner sous l'effet des turbulences de l'environnement, « l'acteur social complexe » va supplanter l'agent rationnel. Cet acteur social va être sollicité tel qu'il est avec ses forces, ses faiblesses, ses limites, ses contraintes et ses absurdités éventuelles. L'entreprise agitée par des forces extérieures est en constante évolution.

Dans cette zone n° 4 on met l'accent sur l'absence de formalisme, sur l'initiative individuelle et le mouvement. Les meilleures entreprises, vouées au culte de l'excellence, sont caractérisées par une culture originale, et réussissent par le biais d'une évolution dirigée mais pas déterministe.

La mobilisation de tous dans et par la culture de l'organisation exige un

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engagement consenti de la part du personnel pour atteindre les buts dans le respect des valeurs communes.

Le modèle de l'efficacité japonaise décrit par Ouchi hante les esprits des managers américains. La pratique du consensus, inscrite dans la culture nippone, constitue un avantage décisif dans la compétition économique au niveau du globe.

L'engouement pour la « culture » comme variable décisive du fonctionnement des organisations provient sans doute des difficultés économiques rencontrées ces dernières années. Les solutions technologiques, économiques et structurelles se révèlent impuissantes ou insuffisantes pour sauver les entreprises en difficulté.

La culture fait figure de facteur explicatif des dysfonctionnements. Elle fait aussi office de réserve de productivité mobilisable. Elle joue un rôle dynamique important parce qu'elle constitue un ensemble de connaissances et d'informations stockées sous des formes diverses et dont se servent les membres de l'organisation pour résoudre à leur façon les problèmes qui se posent à eux.

Ces réserves en stock leur permettent d'affronter plus sereinement les aléas et l'incertitude, et d'en apprivoiser les formes. « Pas de panique face au désordre », c'est la façon dont Weick encourage les managers à un certain stoïcisme. A ses yeux l'ambivalence à court terme peut garantir l'adaptation à long terme, et à tout prendre l'action chaotique est préférable à une inaction ordonnée.

L'«adhocratie », concept utilisé par Toffier, est une des réponses structurelles aux situations complexes et incertaines abordées dans cette zone n° 4. Elle produit plus de démocratie interne et de participation et moins de bureaucratie mais exige des membres de l'organisation une grande tolérance à l'ambiguïté et une interdépendance poussée. Si elle ne convient pas aux activités simples, elle peut faire merveille pour affronter les turbulences d'un environnement hautement incertain et soumis à des changements multiples (High-Tech).

Le management participatif est une issue actuelle aux problèmes de qualité et de compétitivité que rencontrent les organisations soumises à la concurrence.