A l’écoute La régulation L’ du secteur postal · 2006. 3. 2. · l’abaissement de la limite...

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N° 45 - juillet / août 2005 A l’écoute L’ ARCEP disposera de la plénitude de ses pouvoirs en matière de régulation postale en novembre prochain, six mois après la promulgation de la loi du 20 mai 2005 au Journal officiel. Mais d’ici là, nous ne resterons pas inactifs ! Déjà, nous nous sommes organisés en créant un nouveau service composé de deux unités : l’une chargée des autorisations et du service universel, l’autre du contrôle tarifaire et comptable. Nous sommes en ordre de marche. Nous suivons de très près la mise en place des décrets d’application et notamment celui qui va organiser le service universel postal et celui qui doit préciser les modalités d’application du régime d’autorisations sur le marché des envois de correspondance. Par ailleurs, conscient de l’importance du secteur postal pour l’économie tout entière et pour la vie de nos concitoyens, l’ARCEP,comme elle a l’habitude de le faire dans le domaine des télécommunications, va, pour parfaire ses connaissances de ce secteur, multiplier les échanges avec les différents acteurs du marché. Les 10èmes « Entretiens de l’Autorité », qui se dérouleront le 6 octobre à l’Université Paris-Dauphine, porteront cette année sur ce domaine économique et seront l’occasion de nous mettre à l’écoute de ses acteurs. Les enjeux de la régulation constitueront bien entendu l’un des principaux thèmes du colloque, mais nous tâcherons également de cerner les évolutions et les perspectives du secteur. Ce sera aussi l’occasion pour nous de mieux connaître les expériences des régulateurs postaux européens qui viendront nous éclairer par leurs témoignages. Ces échanges nous seront précieux, tout comme ceux que nous entretenons déjà avec nos homologues au sein du Comité européen des régulateurs postaux. C’est donc dans le respect des principes de transparence et de concertation que l’Autorité aborde la nouvelle mission que le législateur lui a confiée. Paul Champsaur La loi du 20 mai 2005 a transposé en droit français les dispositions européennes en matière de services postaux. Elle a confié la régulation du secteur à un régulateur indépendant, l’ARCEP. L 'apparition, puis l’intensification, de la concurrence liée à l’arrivée en Europe, dans les années 1980, des intégrateurs spécialistes du courrier express (DHL, UPS, …) a favorisé l'activité jurisprudentielle. C’est dans ce contexte que le débat sur le dossier postal au niveau communautaire s’est engagé. L’objectif était de définir un cadre européen stable préser- vant durablement les missions de service public – on ne parlait pas encore de service universel – assurées par les postes nationales, afin d’éviter que le droit postal communau- taire se construise au gré des contentieux. Un processus de redéfinition des missions et des conditions d'intervention des opérateurs postaux historiques s’est alors engagé dans les Etats membres et au niveau européen. A partir de 1990, le rythme des transformations s'est accéléré, avec une évolution généralisée du statut des postes, soit sous la forme d'organismes de droit public (Royaume-Uni, France, Belgique, Luxembourg, Italie, Danemark), soit sous la forme de sociétés de droit privé mais à capitaux publics (Irlande, Portugal, Suède, Finlande Allemagne), soit encore sous la forme d’une société partiellement privatisée (Pays-Bas). Lancement de la politique postale européenne Au niveau européen, la Commission a publié, en juin 1992, son Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux qui a marqué le lancement de la politique postale communautaire. Ce document d’orientations et de propositions se donnait comme objectifs majeurs la pérennité et l'amélioration du service universel, avec l'élargissement du champ de la concurrence et l’amélioration des conditions d’achemi- nement du courrier transfrontalier, jugées insatisfaisantes. En 1994, le Conseil des ministres européens a fixé dans une résolution les objectifs devant présider à l’élaboration de la réglementation communautaire, en même temps qu’il invitait la Commission à élaborer une directive. Il faudra cependant près de trois ans et un compromis franco-allemand à la fin de l’année 1996 pour en rendre possible l’adoption. Dans ce numéro DOSSIER : LA REGULATION DU SECTEUR POSTAL ............................ p. 1 à 12 • La régulation se met en place en France • Interviews : Guillaume Girard-Reydet (Adrexo) / Gunnar Gräf (DHL Global Mail France) / Jean-Paul Bailly (La Poste) • Le secteur postal français • Le dispositif européen • La régulation postale en Belgique et au Portugal • Jurisprudence postale ANALYSE DES MARCHES .................................. p. 13 • Le marché de gros de la diffusion audiovisuelle ACTUALITES ................................................... p. 14 à 20 • Les outils de la définition des marchés pertinents • La paire de cuivre • L’illimité, nouveau mode de commnication • Les services de capacités : réplicabilité des offres • Wimax : l’Autorité propose de nouvelles règles L’AGENDA DU COLLEGE ............ p. 20 La régulation du secteur postal se met en place suite p. 2

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N° 45 - juillet / août 2005

A l’écoute

L’ARCEPdisposera dela plénitude

de ses pouvoirs enmatière de régulationpostale en novembreprochain, six moisaprès la promulgationde la loi du 20 mai2005 au Journal

officiel. Mais d’ici là, nous ne resterons pas inactifs !

Déjà, nous nous sommes organisés en créant unnouveau service composé de deux unités : l’unechargée des autorisations et du service universel,l’autre du contrôle tarifaire et comptable. Noussommes en ordre de marche.

Nous suivons de très près la mise en place desdécrets d’application et notamment celui qui vaorganiser le service universel postal et celui qui doitpréciser les modalités d’application du régimed’autorisations sur le marché des envois decorrespondance.

Par ailleurs, conscient de l’importance du secteurpostal pour l’économie tout entière et pour la vie denos concitoyens, l’ARCEP, comme elle a l’habitude dele faire dans le domaine des télécommunications, va,pour parfaire ses connaissances de ce secteur,multiplier les échanges avec les différents acteurs dumarché. Les 10èmes « Entretiens de l’Autorité », qui sedérouleront le 6 octobre à l’Université Paris-Dauphine,porteront cette année sur ce domaine économique etseront l’occasion de nous mettre à l’écoute de sesacteurs. Les enjeux de la régulation constitueront bienentendu l’un des principaux thèmes du colloque, maisnous tâcherons également de cerner les évolutions etles perspectives du secteur.

Ce sera aussi l’occasion pour nous de mieuxconnaître les expériences des régulateurs postauxeuropéens qui viendront nous éclairer par leurstémoignages. Ces échanges nous seront précieux,tout comme ceux que nous entretenons déjà avec noshomologues au sein du Comité européen desrégulateurs postaux.

C’est donc dans le respect des principes detransparence et de concertation que l’Autorité abordela nouvelle mission que le législateur lui a confiée.

Paul Champsaur

La loi du 20 mai 2005 a transposé en droit français les dispositionseuropéennes en matière de services postaux. Elle a confié la

régulation du secteur à un régulateur indépendant, l’ARCEP.

L'apparition, puis l’intensification,de la concurrence liée à l’arrivée enEurope, dans les années 1980, desintégrateurs spécialistes du courrier

express (DHL, UPS, …) a favorisé l'activitéjurisprudentielle. C’est dans ce contexte quele débat sur le dossier postal au niveaucommunautaire s’est engagé. L’objectif étaitde définir un cadre européen stable préser-vant durablement les missions de servicepublic – on ne parlait pas encore de serviceuniversel – assurées par les postes nationales,afin d’éviter que le droit postal communau-taire se construise au gré des contentieux.

Un processus de redéfinition des missionset des conditions d'intervention desopérateurs postaux historiques s’est alorsengagé dans les Etats membres et au niveaueuropéen. A partir de 1990, le rythme destransformations s'est accéléré, avec uneévolution généralisée du statut des postes,soit sous la forme d'organismes de droitpublic (Royaume-Uni, France, Belgique,Luxembourg, Italie, Danemark), soit sous laforme de sociétés de droit privé mais àcapitaux publics (Irlande, Portugal, Suède,

Finlande Allemagne), soit encore sous laforme d’une société partiellement privatisée(Pays-Bas).

Lancement de la politique postale européenne

Au niveau européen, la Commission apublié, en juin 1992, son Livre vert sur ledéveloppement du marché unique desservices postaux qui a marqué le lancement dela politique postale communautaire. Cedocument d’orientations et de propositions sedonnait comme objectifs majeurs la pérennitéet l'amélioration du service universel, avecl'élargissement du champ de la concurrence etl’amélioration des conditions d’achemi-nement du courrier transfrontalier, jugéesinsatisfaisantes. En 1994, le Conseil desministres européens a fixé dans une résolutionles objectifs devant présider à l’élaboration dela réglementation communautaire, en mêmetemps qu’il invitait la Commission à élaborerune directive. Il faudra cependant près detrois ans et un compromis franco-allemand àla fin de l’année 1996 pour en rendre possiblel’adoption.

Dans ce numéroDOSSIER : LA REGULATION DU SECTEUR POSTAL ............................ p. 1 à 12• La régulation se met en place en France• Interviews : Guillaume Girard-Reydet

(Adrexo) / Gunnar Gräf (DHL Global MailFrance) / Jean-Paul Bailly (La Poste)

• Le secteur postal français• Le dispositif européen• La régulation postale en Belgique

et au Portugal• Jurisprudence postaleANALYSE DES MARCHES .................................. p. 13• Le marché de gros

de la diffusion audiovisuelleACTUALITES ................................................... p. 14 à 20• Les outils de la définition

des marchés pertinents• La paire de cuivre

• L’illimité, nouveau mode de commnication

• Les services de capacités : réplicabilité des offres

• Wimax : l’Autorité propose de nouvelles règles

L’AGENDA DUCOLLEGE ............ p. 20

La régulation du secteur postal

se met en place

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l’abaissement de la limite poids-prix dumonopole fixé par la directive modifiée de2002, n’était pas respectée dans notre pays.Aussi le choix a-t-il été fait de moderniser ledispositif juridique dans le cadre d’une loispécifique au secteur postal.

Concilier service universel et concurrence

La régulation des activités postales vise àconcilier l’existence et la viabilité du serviceuniversel avec l’introduction graduelle de laconcurrence sur le marché des envois de corres-pondance. Dans ce cadre, la loi du 20 mai2005 est articulée autour de deux axes majeurs :l’organisation du marché et la mise en placed’une régulation confiée à l’ARCEP (Autoritéde Régulation des CommunicationsElectroniques et des Postes, dénominationnouvelle de l’ART dont les compétences sontélargies au secteur postal). La loi traite parailleurs de sujets qui ne sont pas de lacompétence de l’ARCEP, notamment de lamission d’aménagement du territoire, de lamise à niveau du régime de responsabilitécivile, de la refonte du cadre juridique desservices financiers de La Poste par la créationd’une filiale ayant le statut d’établissement decrédit, etc.

Le secteur réservéLa loi prévoit qu’un décret fixera les caracté-

ristiques de l’offre de service universel. Lecontenu exact des prestations offertes au titre dece dernier relèvera d’un choix gouvernemental,avec une marge de manœuvre sur leur nature etleurs caractéristiques. Ce décret devrait préciserles prestations retenues dans chaque catégoriede produits, le niveau de qualité des offresgénériques au grand public, l’accessibilité(densité du réseau des bureaux, couverture enboîtes aux lettres de dépôt, jours et heures dedistribution, ...), les indicateurs de la qualité deservice.

Le secteur réservé au prestataire du serviceuniversel postal, suivant les étapes de libérali-sation prévues par la directive de juin 2002,comprend les envois de correspondancenationaux et transfrontaliers entrants de 100gau plus et d’un prix inférieur à trois fois le tarifde base, ce dernier correspondant au tarifd’affranchissement d’une lettre de 20 g, soit0,53 €. Ces seuils passeront à 50g au plus et 2,5fois le tarif de base à partir du 1er janvier 2006.La possibilité de créer un fonds de compen-sation du service universel permettra d’assurersa viabilité dans l’hypothèse où un monopolerestreint ou disparu ne permettrait plus de lefinancer.

Les textes fondateursDeux textes peuvent être considérés comme

fondateurs de la régulation européenne dusecteur postal. La directive européenne de 1997,dite « directive postale cadre », pose le principed’un service universel postal défini selon desrègles communes : garantie de prestationsminimales, contraintes sur les modalités d’orga-nisation du prestataire et fixation d’objectifs dequalité de service. Les caractéristiquesminimales à garantir par chaque État membresur son territoire sont précisées dans l’article 3.

C’est ainsi que doivent être fournis desservices postaux de qualité déterminée, demanière permanente en tout point du territoireà des prix abordables pour tous les utilisateurs.Une levée et une distribution à domiciledoivent être assurées au moins cinq jours parsemaine. L’offre doit comprendre au minimumles prestations suivantes : la levée, le tri, letransport et la distribution pour les envoispostaux jusqu'à 2 kg et pour les colis postauxjusqu'à 10 kg (20 kg pour les colis interna-tionaux entrants). Enfin elle doit comporter desservices relatifs aux envois recommandés et auxenvois à valeur déclarée.

Grande latitude pour le contenudu service universel

Dans ce cadre, une grande latitude estpermise, notamment sur le contenu exact duservice universel, raison pour laquelle onobserve aujourd’hui une grande diversité dansl’application de ces principes. La directive de1997 marque également le début de l’ouvertureà la concurrence puisqu’elle définit un secteursusceptible d’être réservé au prestataire du

service universel (monopole), selonune limite poids-prixdes envois de corres-pondance, c’est-à-direle courrier adressé,expédié par lesménages et lesentreprises. Le secteurréservé constitue doncun sous-ensemble desprestations (la levée, le

transport, le tri et ladistribution) offertes au titre duservice universel. A partir de ceschéma central (conservation du

service universel dans un contexted’ouverture à la concurrence), ladirective a fixé des principesgénéraux.

Certains concernent leprestataire du service universel,comme la définition des principestarifaires applicables au service

universel (« prix orientés sur les coûts »), latransparence et la séparation comptables, lamise en place de normes de qualité de service, letraitement des réclamations. D’autresintéressent l’organisation du secteur postal, àsavoir, l’harmonisation des normes techniques,la désignation d’une autorité réglementaireindépendante, ainsi que la possibilité d’établirun fonds de compensation du service universelet de développer un système d’autorisations oude licences des services non réservés.

Les étapes de la libéralisationLa directive européenne du 10 juin 2002

précise les étapes de la libéralisation du secteurpostal : depuis le 1er janvier 2003, le secteursusceptible d’être réservé est limité aux envoisde correspondance jusqu’à 100g. Le 1er janvier2006, ce seuil sera abaissé à 50g. La dateenvisagée de 2009 pour une ouverture totale àla concurrence devra être confirmée, sur la based’études d’impacts, par la Commission avantfin 2006. Cette directive prévoit aussi lapossibilité, pour le prestataire du serviceuniversel, de proposer aux entreprises, auxexpéditeurs d’envois en nombre ou auxintermédiaires chargés de grouper les envoisprovenant de plusieurs émetteurs, des tarifs«spéciaux » qui « tiennent compte des coûts évitéspar rapport aux services traditionnels comprenantla totalité des prestations proposées concernant lalevée, le transport, le tri et la distribution descorrespondances individuelles» (art. 1, 2°).

Enfin, beaucoup plus explicite en cela que ladirective cadre, elle interdit les subventionscroisées entre secteur réservé et secteur concur-rentiel, sauf si une telle subvention s’avèreabsolument indispensable à l’accomplissementdes obligations spécifiques de service universelimposées au domaine concurrentiel.

Transposition a minimaLes principales obligations contenues dans la

directive postale de 1997 ont été transposéesdans le cadre de la loi d’orientation pourl’aménagement et le développement durable duterritoire du 25 juin 1999. Mais cette transpo-sition, opérée a minima s’est révéléeinsuffisante. Tout d’abord, la réglementationfrançaise ne respectait pas les obligationsrésultant des textes européens, en particulier laséparation fonctionnelle entre l’autoritéréglementaire nationale et l’opérateur postal (leministre chargé des postes avait été désignécomme l’autorité réglementaire nationale alorsqu’il exerce la tutelle de La Poste et, à ce titre,participe à la définition de ses orientationsstratégiques et nomme ses principaux adminis-trateurs). Par ailleurs, l’ouverture progressive àla concurrence du secteur, en fonction de

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2 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

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Un régime d’autorisations Pour les concurrents de La Poste, la loi

instaure un régime d’autorisations qui crée uncadre de droits et d’obligations. Un décretprécisera les modalités d’application de cesystème. Sur la base des lignes directrices poséespar la directive de 1997, il est vraisemblable queles autorisations contiendront, pour l’essentiel,des éléments relatifs au respect de la confiden-tialité des envois et des garanties pour lesutilisateurs (protection des données à caractèrepersonnel, procédure de traitement des plaintes,mesure de la qualité de service…). Lesconcurrents de La Poste devront respecter lemonopole postal et avoir accès à certainsmoyens détenus par le prestataire de serviceuniversel. Ils devront en outre communiquerdes informations sur leur activité.

Il n’a pas paru opportun d’étendre cesystème au-delà des activités d’envoi de corres-pondance proprement dites, en particulier à lalivraison de colis et à la distribution de lapublicité non adressée. Le champ des autori-sations est donc limité à la distribution d’envoisde correspondance.

L’accès aux boîtes à lettresLes titulaires d’une autorisation devront

pouvoir accéder à certaines installations de LaPoste ou à des informations détenues par elle,jugées indispensables à l’exercice des activitéspostales. Les concurrents de La Poste aurontainsi accès aux boîtes postales installées dansles bureaux de poste pour les clients qui ontopté pour ce mode particulier de distribution.Ils pourront utiliser le répertoire des codespostaux assorti de la correspondance entre cescodes et l’information géographique sur lesvoies et adresses (ces informations ont étéétablies par La Poste qui en est propriétaire) etobtenir les informations collectées par La Postesur les changements d’adresse du destinataire.Enfin, ils pourront recourir à un service deréexpédition en cas de changement d’adresse –ce type de prestation ne peut pas être pris encharge par un opérateur autorisé lorsque lanouvelle adresse du destinataire se situe horsde la zone géographique qu’il couvre.

S’agissant de l’accès aux boîtes à lettres desdestinataires, la loi, tout en renvoyant à undécret le soin d’en définir les conditionsd’application, prévoit un droit de libre accèspour le prestataire du service universel et lesopérateurs titulaires d’une autorisation, maisaussi pour les entreprises de portage de pressedans des conditions identiques.

La mission de régulation Le ministre chargé des postes prépare et

met en œuvre la réglementation applicable

aux services postaux. C’est à ce titre qu’ildéfinit, notamment, les obligations de serviceuniversel. L’ancienne Autorité de Régulationdes Télécommunications voit sescompétences élargies au secteur postal etdevient l’ARCEP, l’Autorité de Régulation desCommunications Electroniques et des Postes.Les dispositions relatives à la régulationforment un cadre qui entrera en vigueur sixmois après la promulgation de la loi (ennovembre 2005), ce délai étant nécessaire àl’adoption des dispositions réglementairesprévues, notamment les décrets sur le serviceuniversel et sur les modalités d’application dusystème d’autorisations.

La régulation postale s’exercera à travers lecontrôle de l’offre de service universel, quipasse par la vérification de l’adéquation auxprincipes généraux du service universel et durespect des objectifs de qualité de service, etpar la délivrance des autorisations. Cepouvoir autonome confié à l’ARCEP eststrictement encadré. Les autorisations sontdélivrées pour une durée de dix ans,renouvelable, et ne sont pas cessibles. Ellessont assorties d’obligations (qui serontdéfinies par décret) concernant les caractéris-tiques de l’offre autorisée, le territoire où ellepeut être fournie (certains opérateurspourront n’exercer leur activité que sur unezone géographique limitée), les procéduresde traitement des réclamations en cas deperte, vol ou non respect des normes dequalité. Certaines obligations sont égalementimposées au titulaire pour permettrel’exercice du contrôle de son activité postalepar l’autorité de régulation. Enfin, l’autori-sation ouvre la possibilité de sanctionsadministratives dissuasives telles que lasuspension ou le retrait (total ou partiel), parexemple en cas de violation du monopolepostal.

Le contrôle tarifaireLe régulateur doit aussi veiller au contrôle

du financement équitable du service universel,qui s’exerce par le contrôle comptable ettarifaire du prestataire du service universel.L’ARCEP a pour mission de fixer les règles decomptabilité analytique permettant de vérifierle respect des obligations de La Poste en cettematière. Le contrôle tarifaire -approbation

tarifaire pour les prestations du secteur réservé,procédures d’encadrement pluriannuel destarifs pour les prestations du service universelconcurrentiel- permet, quant à lui, d’examinerla conformité de chaque tarif aux principes duservice universel (prix unique sur tout leterritoire pour les produits sous monopole,orientation vers les coûts, caractère abordable,…). Dans le cas particulier des tarifs detransport de presse, une procédure spécialed’homologation laisse la décision au ministre,après avis du régulateur.

Les pouvoirs du régulateurL’ARCEP dispose d’un pouvoir de

sanctions qui ne peut s’exercer qu’en raisonde manquements à des obligations relatives àl’exercice de l’activité postale dans le champdu service universel. De ce fait, seul leprestataire de service universel et lesopérateurs autorisés peuvent y être soumis :les sanctions pécuniaires sont communes àtous, alors que les titulaires d’une autori-sation sont, de plus, passibles de sanctionsadministratives (comme une suspensionvoire un retrait d’autorisation). Ce pouvoirne s’exerce qu’après une mise en demeurerestée infructueuse.

Le régulateur sera saisi des différends nés descontrats dérogeant aux conditions du serviceuniversel et des litiges relatifs aux conventionsd’accès aux moyens indispensables à l’exercicedes activités postales. Dans les deux cas,l’Autorité devra s’assurer que les conditionstechniques et tarifaires ne sont pas discrimina-toires, et se prononcer dans un délai de quatremois. S’agissant des conflits qui opposeraientLa Poste et des concurrents n’ayant pas de liensopérationnels avec elle, par exemple sur desproblèmes de comportement commercial oupratiques anticoncurrentielles, il n’y aurait paslieu de déroger aux règles de compétences dedroit commun (Conseil de la Concurrence).Enfin, l’ARCEP peut mener des enquêtesauprès du prestataire du service universel et desopérateurs titulaires d’une autorisation. D’unemanière générale, l’ARCEP dispose de moyensd’investigation larges en vue d’instruire correc-tement une question, sans avoir nécessairementpour perspective immédiate une sanction. n

Contact : [email protected]

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 3

Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant desrègles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Com-munauté et l’amélioration de la qualité de service.

Directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, modifiant la direc-tive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l’ouverture à la concurrence des services pos-taux de la Communauté.

Secteur postal : les textes de référence

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Dossier

4 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

Quelles sont les spécificitésdes métiers d’Adrexo ?Adrexo, filiale du Groupe SpirCommunication, est unesociété française dedistribution en boîtes à lettres.Elle couvre 95 % des boîtes àlettres en France avec plus de25 000 distributeurs en CDIéquipés d’une voiture, répartissur 236 centres dedistribution. Notre premier métier, c’est ladistribution à domicile, chaquesemaine, des 15 millions dejournaux gratuits de petitesannonces du groupe. Notre

second métier, c’est le ciblage et la distribution de7.5 milliards de documents publicitaires nonadressés en boîtes à lettres par an, pour le comptedes annonceurs de la grande distribution, del’industrie , des services et des collectivitésterritoriales.Notre troisième métier, développé depuis le 1erjanvier 2001, c’est la distribution de courrieradressé. Dans un premier temps, nous avons prisposition sur le portage de nuit de la pressequotidienne en Ile-de-France. Puis nous avons

rapidement pris des parts de marché significativessur la distribution des annuaires téléphoniques.Depuis le 1er janvier 2003, le marché européen dela correspondance de plus de 100 grammes estouvert à la concurrence. Nous avons donc, à cettedate, déployé en France une infrastructure humaineet matérielle innovante qui s’appuiesur notre réseau en place, pourtraiter les plis de correspondance,mais également les périodiques etcatalogues qui étaient déjà horsmonopole.

Comment voyez-vous l’ouver-ture à la concurrence du mar-ché postal ?Cette ouverture est très attenduepar nos clients. Ceux-ci nous leconfirment régulièrement ! Ilsattendent que les opérateurspostaux leur fournissent des services plusadaptés à leurs besoins. En France, l’intensité ducourrier est assez moyenne si on la compare àdes pays déjà soumis à la concurrence, et il restedonc de beaux potentiels de croissance àdévelopper. Les récentes analyses du ministèrede l’Industrie le confirment : la substitution parInternet et le téléphone n’a pas eu lieu dans les

pays très avancés en matière de courrier. De fait,nos premiers succès sur ce marché confortentnotre optimisme : une meilleure écoute des clientset des services innovants vont donner unenouvelle dynamique à l’industrie française ducourrier physique, fortement génératrice

d’emplois. La bonne régulationde ce marché par l’ARCEP serabien entendu une des conditionsnécessaire à cette évolutionpositive…

Quelles sont vos ambitions surle marché français ?Nous distribuons déjà plus de20 millions de documents enadressé par an ; c’est encoremodeste, mais néanmoins lapreuve de notre capacité àsatisfaire nos clients. Dès le 1er

janvier 2006, les envois de correspondancesde plus de 50 grammes nous serontaccessibles.Nos objectifs sont donc d’obtenir rapidementune licence d’opérateur postal et de proposerune offre de distribution hebdomadaire, simple,fiable et économique. n

www.adrexo.fr

“L’industrie du

courrier, fortementgénératrice

d’emplois, vatrouver une

nouvelledynamique

GUILLAUME GIRARD-REYDET - DIRECTEUR GÉNÉRAL - ADREXO

GUNNAR GRÄF - PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL - DHL GLOBAL MAIL FRANCE

Trois acteurs expliquent leur stratégie

Quelles sont les spécificitésdes métiers de Koba,comment vous positionnez-vous sur le marché postal ?Koba appartient au groupeDeutsche Post World Net(DPWN) dont la stratégied’internationalisation est trèsmarquée. Dans la perspective dela libéralisation postale enEurope, DPWN, déjà présent surles principaux marchés du

courrier, se positionne clairementcomme un prestataire de servicesà haute valeur ajoutée, et fait de laqualité un avantage déterminantface à la concurrence. A

l’international (hors Allemagne), DPWN regroupe sesactivités de courriers sous la marque DHL Global Mail.La stratégie internationale du groupe DPWN, est deprofiter le mieux possible de l’expérience acquise sur lemarché intérieur allemand, pour se développer auniveau européen. Nos filiales sur les différents marchésapportent leur savoir-faire et leurs expertises du pays.Ainsi par exemple, suite à divers investissements etacquisitions faits en 2004, nous pouvons aller jusqu’à ladistribution du courrier dans des pays comme leRoyaume Uni, les Pays Bas ou l’Espagne.

Quelles sont vos ambitions sur le marchéfrançais?En France, Koba est un industriel spécialisé dans

l’externalisation du courrier à forte valeur ajoutée.Les prestations que nous proposons commencentdès la sélection des fichiers pour des campagnes demarketing direct, et intègrent l’ensemble desexpertises qui vont permettre de produire lescourriers en nombre. Qu’il s’agisse de mailingspublicitaires, pour la fidélisation oula conquête de clientèle, ou decourriers de gestion comme desrelevés de comptes envoyéschaque mois par les banques àleurs clients. Pour les envois internationaux,Koba bénéficie du réseau de DHLGlobal Mail, le plus grand réseau delogistique courrier mondial quiachemine aux quatre coins de la planète, mailings,courriers de gestion, abonnements presse ou colis,cette offre s’enrichit pays par pays de celles despostes historiques grâce aux partenariats de DPWN,pour le plus grand bénéfice de nos clients.

Quel est pour vous l’impact de la libéralisationdu secteur postal?En France, la distribution du courrier de moins de100 g reste un monopole de La Poste. Koba entant qu’industriel de la logistique courrier,intervient sur toutes les prestations amont allantjusqu’au dépôt en poste des messages ; desopérations totalement ouvertes à la concurrence,nous sommes ainsi l’un des principaux clients deLa Poste pour la distribution sur le marché

domestique. Avec La Poste, nos rapports sontétroits. Par exemple, d’une façon trèsopérationnelle, nous avons des cellules postalesintégrées sur plusieurs sites de production Koba.En ce qui concerne le courrier international, DHLGlobal Mail propose en France, comme dans

200 pays à travers le monde,tout un ensemble de servicesdédiés très performants pourprendre en charge, gérer etexpédier toutes sortes deproduits de la France versl’étranger.

Outre l’Europe, le groupe estégalement présent aux Etats

Unis, le plus grand marché postal du monde,avec les acquisitions de SmartMail et deQuikPk. Nous sommes non seulement devenusle plus grand opérateur privé pour les servicescourrier en Amérique, mais nous travaillons encoopération avec United States Postal Service(USPS) pour la distribution du dernier kilomètre.A cela s’ajoute une extension de nosprestations sur les marchés asiatiques et latino-américains avec Yamato pour le Japon etSePoMex pour le Mexique. Ainsi, ledéveloppement du groupe en dehors del’Allemagne devient très important compte tenudu développement de la libéralisation postalesur de nombreux marchés. n

www.koba.fr

“Notre groupe se

positionne commeun prestataire deservices à fortevaleur ajoutée

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Dossier

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 5

Que pensez-vous de la loi de régulation dusecteur postal ?La loi de régulation du 20 mai 2005 transpose lesdeux directives européennes relatives au secteurpostal. Elle prévoit la libéralisation progressive dumarché du courrier et le maintien d’un serviceuniversel postal de qualité pour tous sur l’ensembledu territoire. A ce titre, elle constitue un bon équilibreentre la régulation nécessaire d’un marché quis’ouvre et la sauvegarde du service universel. Plusspécifiquement, elle stabilise le cadre dans lequel LaPoste va travailler dans les années à venir et marqueune étape importante pour que notre établissementse batte à armes égales avec sesconcurrents.

La loi précise également lesmissions de La Poste au titre duservice universel, mais aussi dutransport et de l’acheminement dela presse ainsi que sa participationà l’aménagement du territoire à travers son réseaude points de contact. Ces précisions devraientpermettre à La Poste d’assurer ces missions dansdes conditions économiques raisonnables. Enfin,elle prévoit la création de La Banque Postale au 1erjanvier 2006. La Poste aura ainsi les moyens d’offrirprogressivement la gamme complète des produitsbancaires.

Vers quel modèle de concurrence souhai-tez-vous que la France aille dans les pro-chaines années ?La loi de régulation inscrit La Poste dans unedynamique de libéralisation progressive : après lalibéralisation des flux de plus de 100 gr intervenue en2003, ce sont tous les flux adressés de plus de 50 grqui sont dans le champ concurrentiel dès le 1erjanvier 2006.

Le modèle choisi en Europe est un modèle de

concurrence de bout en bout, qui autorise laduplication des réseaux de distribution. Cetteconcurrence est déjà visible dans certains pays duNord (Suède, Pays Bas) ainsi qu’en Espagne, oùdes opérateurs entrants distribuent les flux desfranges libéralisées du marché dans les zones lesplus rentables.

Ce modèle s’oppose au choix nord américain, oùle monopole de droit est conservé sur le segmentde la distribution, et où la concurrence s’exerce surles processus « de l’amont », incluant notammentla collecte, le transport et le tri.

La loi française s’inscrit dans leschéma européen de concurrencede bout en bout, via l’octroi delicences autorisant la mise en placede réseaux alternatifs dedistribution. A noter toutefoisqu’une large part de l’amont est

déjà très concurrentielle, à travers les métiers de laconsolidation (regroupement de plusieurs envois).C’est une spécificité du marché postal français.

Au demeurant, la concurrence n’est pas unedécouverte pour La Poste : le groupe réalise déjà65% de son chiffre d’affaires dans unenvironnement concurrentiel, qu’il s’agisse desservices financiers, de l’ensemble des activitésd’express et de colis, ainsi que d’une partsignificative du marché courrier...

Quels sont les enjeux pour La Poste et quelssont ses dossiers prioritaires ?La Poste évolue actuellement dans un contexte trèsparticulier, lié à la conjonction de trois évènementsmajeurs: un environnement réglementaire en totalemutation, la dynamique globale de libéralisationeuropéenne de l’ensemble du marché courrier et lacréation de La Banque Postale.

Dans ce contexte, nous mettons touten œuvre pour que le groupe LaPoste aborde l’ouverture du marchépostal dans des conditions deconcurrence loyale à tous égards.

Pour La Poste, l’enjeu est dedevenir l’un des opérateurspostaux européens les plusperformants à horizon 2010, touten maintenant la meilleure qualitédans la réalisation de ses missionsde service public. Pour atteindrecet objectif, La Poste a engagé de nombreuxchantiers de transformation : la modernisation denotre appareil de production courrier, la création deLa Banque Postale, la mise en place d’un réseaueuropéen de colis et d’express, la modernisation denotre réseau des bureaux de poste. Cette révolutionne peut se faire sans l’adhésion de tous les postiers.Notre politique sociale vise à développer la culture

de l’accord et àaccompagner lesmutations en courset à venir.

Quelle est votrevision du marchépostal français àterme ?Le marché connaîtrade profondestransformationsdans les années àvenir. Encomplément desprestations amont, laconcurrence sur la distribution du courrier vas’intensifier. Les clients les plus importants vont être sollicitéspar une pluralité de sociétés qui leur proposerontdes offres sur différentes parties de leur activité. Ilfaut aussi s’attendre à ce que les clients les pluspetits, insuffisamment rentables pour cesnouveaux acteurs, restent toujours les plusdépendants de l’opérateur du service universel.

Dans un contexte de faible évolution des trafics, lamise en place d’un cadre de régulation qui vastructurer l’activité aura, dans la recherche du justeéquilibre entre dynamisme concurrentiel etpérennité des missions de service public, un rôlecrucial à jouer.

Comment évoluera, d’après vous, la demandedes particuliers et des entreprises ?Aujourd’hui, les perspectives du marché sontincertaines. En Europe, les opérateurs postaux – àl’exception de Royal Mail – font des prévisions, aumieux de stagnation, et plus généralement dedécroissance des volumes de courrier émis par lesparticuliers. La Poste ne fait pas exception et

anticipe sur les trois prochainesannées une décroissance légèrede ces volumes.

Du côté des ent reprises, lasituation est plus contrastée. Si lecourrier d’affaires est sensible à laconcurrence des moyens decommunication électronique, lemarketing direct, à l’inverse, seporte bien, les entreprisesfrançaises, à l’instar de ce qui sepasse dans les autres pays,notamment anglo-saxons, utilisant

de plus en plus le courrier pour démarcher etfidéliser leurs clients.

Dans les deux cas, je reste convaincu que lademande de courrier peut rester dynamique :c’est par l’innovation, la qualité et la capacité desdifférents acteurs à travailler ensemble que lemarché pourra être stimulé. n

“Nous mettons touten œuvre pour quele groupe La Posteaborde l’ouverture

du marché dansdes conditions de

concurrence loyaleà tous égards

“La concurrencen’est pas une

découverte pourLa Poste

JEAN-PAUL BAILLY - PRÉSIDENT - GROUPE LA POSTE

t leur stratégie

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Dossier

Un secteur postal français aux multiples facettes

que des bureaux de vente en France. Ainsi,leurs coûts en infrastructures sontbeaucoup plus faibles. Ces opérateurs ontune approche ciblée du marché : il essaienten priorité de capter des flux de courrier àdestination de leurs pays respectifs. Ainsi,ils n’ont pas besoin de constituer desréseaux mais s’appuient sur des partenairespour la collecte des envois postaux et laconnexion jusqu’à leur hub dans chaquepays.

Les grands émetteurs peuvent choisirleurs prestataires pour la prise en charge ducourrier en France et organiser (ou faireorganiser, en utilisant un « intégrateur decourrier ») leurs envois internationauxselon différents niveaux de sophisticationen fonction de la nature et du volume decourrier expédié (courrier publicitaire, degestion, presse ou colis) mais aussi de lafréquence des envois.

La mise en place de bureaux d’échangesextra-territoriaux(4) ou la pratique del’injection directe(5) offrent autant d’alter-natives au circuit traditionnel d’envoi à

partir de la poste d’origine.

Un marché de la distribution nonadressé totalement concurrentiel

Ce marché - qui ne constitue pas uneactivité postale au sens de la loi - esttotalement concurrentiel. Il est intéressantà étudier du fait de la stratégie des acteursqui étendent leurs activités au courrieradressé.

Le marché est particulièrementdéveloppé en France du fait de l’importancedu secteur de la grande distribution et desgrandes surfaces spécialisées qui utilisent cemédia(6). Les spécialistes s’accordent pourdire que l’ISA (Imprimé Sans Adresse) peutêtre considéré comme une véritablealternative au publipostage adressé grâceaux méthodes de géomarketing quipermettent de cibler les prospects et leszones de chalandise.

Ce marché est désormais dominé pardeux grands opérateurs nationaux :Mediapost (filiale du groupe La Poste) etAdrexo. Les deux groupes sont concur-

Quatre marchés(2) ont fait l’objetd’une analyse particulière. L’étudea permis de dresser une monogra-phie des principaux acteurs.

Un marché courrier fortement monopolistique.

Le cœur du marché «courrier», couvertpar l’obligation de service universel, estencore fortement monopolistique. Il y ad’ailleurs des raisons juridiques à cela :selon l’étude du WIK « Main Developmentsin the European Postal Sector » réalisée pourla Commission européenne en 2004, enmoyenne 75% des objets de courrieradressé pèseraient moins de 50g et restentdonc sous monopole.

Néanmoins, la concurrence est déjàprésente depuis plusieurs années sur lesegment du courrier international sortant.Les opérateurs alternatifs sont pour laplupart des filiales des postes européennes(Deutsche Post Global Mail, Swiss Post,Spring) - à l’exception d’IMX(3) - et n’ont

Fin 2004, l’Autorité a lancé une étude(1) visant à dresser un panorama aussi exhaustif que possible des activités po stales, avec un champ d’investigation volontairement large. Alors que le contour et le contenu de cesactivités peut paraître simple en première analyse, l’étude fait ressortir une réalité très complexe. En effet, l’évolution technique et l’ouverture des marchés font que le marché postal interagit de plus en plusavec les marchés connexes.

Distribution d’envois de correspondance

LaPosteAdrexoCitipost

La Poste CourrierInternationalDPGMSpringIMXSwiss Post International

Publicité nonadressée

MeadiapostAdrexoKicible

Envoi de correspondancedomestique

Courrier degestion*

Presse

Consolidateur

MarketingDirect *

Filiale Geopost

Filiales opérateurs postaux européens

Intégrateurs

Filiales opérateurs ferroviaires

Filiales opérateurslogistiques

Filiales VPC

Indépendants

Messagerie etexpress

ColiposteChronopostTAT ExpressTaxicolis

DHL ExpressTNT ExpressGLS Express

UPSFedex

Geodis CalbersonFrance ExpressSernamABX LogisticsSchenker France

GraveleauGefco

SOGEPMondial Relay/TakeosDistrib.

Mory GroupHeppnerExapaqAlloinColitel

Routage

Arvato ServicesEurodirect MarketingDiffusion PlusKobaBretagne Direct ServicesRoutexCifea DMKAgir Graphic/BrioActimailRDSL

AsterionAspheriaOrsidCortexlaserGroupe Defitech

Quebecor World

Ditrimag

* Le positionnement des routeurs sur ces différents seg-ments est une représentation imparfaite de la réalité.Beaucoup de routeurs traitent différents types d’objets.

Courrierinternational

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opérationnel de traitement des colis. Maisce secteur a lui-même deux dimensionsencore assez étanches :

- les services B-to-B : Depuis la fin desactivités du service postal B to B «Dilipack »et la fermeture de DPD France, lesopérateurs positionnés sur ce segment dumarché sont par exemple Coliposte ouExapaq ;

- les services B-to-C : il existe peud’alternative à la distribution universelle del’opérateur postal : les groupes de vente parcorrespondance (3 Suisses International et

La Redoute) ont mis en place leurs propresréseaux : Mondial Relay et SOGEP, maisrestent les plus gros clients des services«Coliposte ». Par ailleurs, des intégrateurstels que UPS, FedEX ou DHL vontégalement prendre en charge les colis àdestination d’un particulier pour leurs fluxinternationaux. Néanmoins, ces flux nereprésentent qu’une partie infime de leuractivité.

La messagerie domestique, enfin, estconfrontée à une baisse globale des volumes decolis et de palettes expédiés. Ce recul del’activité s’explique par le ralentissement généralde l’activité industrielle et la montée enpuissance des plates-formes de la grande distri-bution engendrant une massification des flux.

rencés par des acteurs locaux tels queCircular Nord, IDF Distribution ouKicible. Comme Adrexo, Kicible a fait partde sa volonté de développer des servicesdédiés à la distribution de courrier adressé.

Le tableau de la page 8 met en évidenceune des différences majeures entrel’économie de l’ISA et celle des envois decorrespondance. Contrairement au courrieradressé, l’ISA ne nécessite ni collecte, ni tri,ni tournées quotidiennes de distributionmais repose sur une segmentation précisedes prospects qui passe par un ciblage fin dela zone démarchée.

A partir des données de l’Union Françaisedu Marketing Direct, Triangle estime lemarché de la distribution d’ISA à 18,6milliards d’objets distribués et 560 millionsd’euros en 2002 soit un tarif moyen d’ache-minement de 3 centimes d’euros.

La diversification vers le segment desenvois de correspondance adressés estencore récente : le principal concurrent deLa Poste est Adrexo, filiale du groupe SpirCommunications (cf interview page 4).Adrexo s’appuie sur sa principale activité dedistribution des imprimés sans adresse pourdévelopper une offre de services dans ladistribution de plis publicitaires adressés.Avec 250 centres de distribution et 25 000distributeurs, Adrexo dispose désormaisd’une couverture géographique nationalequi lui a permis en 2004, de distribuer 25millions de documents adressés.

Messagerie et express : unmonde totalement concurrentiel

L’interaction du marché postal avec lemonde totalement concurrentiel de lamessagerie et de l’express va-t-il encore plussegmenter les offres ? Dans le domaine dutransport de marchandises, la demande dedélais de livraison de plus en plus variés etl’hyper segmentation des offres ont conduità un marché extraordinairement fractionné,voire parcellisé.

Quatre marchés distincts doivent ainsiêtre analysés :

- Le transport express domestique quicorrespond à la livraison d’objets dans desdélais garantis ;

- Le monocolis qui permet l’achemi-nement et la livraison de colis en traitement

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s aux multiples facetteso stales, avec un champ d’investigation volontairement large. Alors que le contour et le contenu de ces

En effet, l’évolution technique et l’ouverture des marchés font que le marché postal interagit de plus en plus

Messageriedomestique

standardisé en 24/48h ;- La messagerie traditionnelle

domestique pour la livraison d’envois deplusieurs colis ou palettes avec des délaissupérieurs à 24h ;

- Et enfin, le transport express et lamessagerie à l’international.

Voici une représentation du position-nement des principaux acteurs du marchépour ces quatre segments, selon qu’ilss’adressent aux ménages ou aux entreprises(émetteurs et destinataires).

Le segment de l’express domestique estdivisé entre les offres « colis légers » pesant

moins de 30kg (qui constituent le cœur dumarché de l’express) et les offres « touspoids ». Les principaux transporteursexpress, Chronopost International, TNTExpress et GLS (General Logistics Systems)se positionnent sur ce segment du « colisléger » de moins de 30kg. L’express,développé par les intégrateurs (FederalExpress, UPS, DHL et TNT) impliquel’utilisation de moyens aériens et garantit laremontée d’informations permettant lesuivi de l’expédition.

Bien moins coûteux que l’express, leservice des colis postaux se situe auxfrontières du segment du « monocolis » quise caractérise par l’absence de délais garantiset une standardisation du processus

Express domestique

B-to-B

B-to-C

C-to-B

C-to-C

Messagerie express domes-tique (colis léger moins de

30kg sauf exception)

ChronopostInternationalTNT ExpressGLS France

ChronopostInternational

ChronopostInternational

ChronopostInternational

Messagerieexpress domes-

tique (tous poids)

SernamGeodis CalbersonFrance Express

DHL ExpressMory TeamTAT Express

TaxicolisUPS

Geodis CalbersonDHL Express

UPSSernam

Geodis CalbersonDHL Express

UPSSernam

Geodis CalbersonDHL Express

UPSSernam

International

Monocolis

ExapaqColiposte

ColiposteSOGEPMondialRelay

Coliposte

Coliposte

Coliposte

Messagerie Traditionelledomestique

ABX LogisticsDHL Express

Geodis CalbersonMory TeamGraveleau

GefcoSchenker/Joyau

HeppnerAlloinCAT

Sernam

Geodis CalbersonDHL Express

Sernam

Geodis CalbersonDHL Express

Sernam

Geodis CalbersonDHL Express

Sernam

Messagerie express

international

TNT ExpressUPS

FedExDHL ExpressChronopostInternational

SernamTAT Express

ChronopostInternationalDHL Express

FedExUPS

ChronopostInternational

FedExDHL Express

UPS

ChronopostInternationalDHL Express

FedExUPS

Messagerie traditionelleinternational

GeodisMory Team

DHL ExpressAlloinCAT

GefcoHeppner

GLS FranceSchenker/Joyau

GraveleauABX Logistics

Sernam

DHL ExpressColiposte

DHL ExpressColiposteSernam

DHL ExpressColiposte

Monocolis Messagerie et express international

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(1) Le cabinet de conseil Triangle Management Services Ltd aété sélectionné pour mener cette étude.(2) L’acheminement et la distribution de la presse ainsi que lesactivités relatives au « courrier hybride » font également partiedu champ d’analyse mais ne sont pas reprises ici.(3) Groupe indépendant travaillant en particulier sur l’envoiinternational de publications de presse.(4) Les bureaux d’échange sont mis en place par les opérateurspostaux historiques en dehors de leur territoire. Ils sont géréspar ou en liaison avec l’opérateur postal et sont établis à desfins commerciales pour développer leurs activités en dehorsde leur territoire national. Ils permettent notamment de rem-plir les formalités douanières.(5) Le courrier transfrontalier sortant est transporté jusqu’aupays de destination pour y être affranchi et distribué.

(6) Certaines décisions politiques et sociales (mise en œuvrede l’écotaxe pour compenser les impacts écologiques de l’ISAet discussions sur la nouvelle convention collective des distri-buteurs de publicité non adressée) pourraient avoir unimpact sur l’économie de cette activité.(7) c’est à dire les activités de conception, de fabrication et depréparation des envois pour leur acheminement postal.(8) Le SNELPD dénombre environ 200 entreprises de routagequi déposent régulièrement du courrier à La Poste et qui, à cetitre, peuvent être considérées comme actives sur ce marché.(9) relevés de banque, factures, quittances émis par desbanques, des compagnies d’assurances, des opérateurs télé-phoniques et les pouvoirs publics.(10) Ou consolidateurs. La consolidation consiste à collecter,à regrouper du courrier de différentes sources et à effectuerun tri préliminaire pour bénéficier de remises sur volumesauprès de l’opérateur national qui effectue ensuite la distri-bution

8 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

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l’adressage, le tri, l’expédition et l’affranchis-sement des plis de courrier de gestion(factures, relevés de banque, quittances,etc.). Cette activité se différencie du routagede marketing direct par des machines plussophistiquées, une main d’oeuvre plusqualifiée mais surtout un traitementdifférent du courrier (impératifs de sécurité,de confidentialité et d’intégrité du pli).

Ce segment est essentiellement dominépar des grands groupes qui ont plusieurs sitesde production répartis sur le territoire. Eneffet, les opérateurs doivent avoir un site en« back-up » en cas de disfonctionnementopérationnel.

- Les routeurs de presse prennent encharge le conditionnement, l’affranchis-sement, le tri et l’expédition des envois dequotidiens et périodiques ;

- Les regroupeurs(10) de courriermassifient les flux de courrier de marketingdirect provenant de petits fichiers afind’atteindre les seuils minimum de volumesdes contrats techniques Postimpact.

L’ensemble de ces routeurs cherchent àdiversifier leurs sources de revenus et àdévelopper des activités à plus forte valeurajoutée telles que la location de fichiers,la gestion des bases de données, lacréation des mailings ainsi que desactivités de gestion des retours et d’expé-ditions des commandes. En effet, leursactivités traditionnelles de condition-nement et de tri représentent une part de

plus en plus faible de leurs revenus enraison d’une concurrence atomisée et dupassage des contrats techniques ausystème des remises pour les grandsémetteurs. Ce marché de plus en pluscapitalistique est marqué par une phasede concentration.

Par ailleurs, La Poste a affirmépubliquement sa volonté de réaliser desoffres globales à ses clients, intégrantdonc l’acheminement postal et tout oupartie de ces prestations amont.

Donner de la visibilité aux acteurs

Le développement de métiers dominés parle traitement des flux B-to-C appelle sansdoute une vigilance particulière sur lemaintien et les coûts d’un service disponiblepour le consommateur « isolé ».

Quels sont les impacts du fractionnementdes marchés, reflet notamment des stratégiesconcurrentielles des différents opérateurs quiproposent des offres sur-mesure ? Au-delà desenjeux sur les définitions et les frontières demarché, sur le besoin de statistiques fiablespour comprendre et suivre ces différentesactivités, cette parcellisation ne risque t-ellepas de créer un obstacle à la réalisation desynergies et à l’innovation ?

Dans cet univers complexe et diversifié,l’amélioration des règles de fonctionnementdu secteur postal offrant, entre autres, unemeilleure visibilité aux acteurs est un enjeude taille. n

Contact : [email protected]

Le marché du routageL’interaction du marché de la distribution

postale avec les «marchés amont»(7) du cour-rier est compliquée, ancienne et conflictuelle.

Le marché du routage concerne de fait lesflux B-to-C, par exemple les grands envoisde factures ou de publicité. Là aussi, lasegmentation du marché, reflet de demandesde plus en plus sophistiquées, est frappante :international / national, marketing direct /courrier de gestion, routage / regroupement.

Historiquement, le routage a consisté àeffectuer des travaux de préparation ducourrier, à « grouper et […] réunir en liassespar destination (par département, par villeimportante) les imprimés, journaux, circulaireset prospectus, etc. confiés à La Poste ».

Aujourd’hui les activités des routeurs(8)

sont bien plus diversifiées et peuvent sesituer aussi bien en amont qu’en aval desactivités traditionnelles de La Poste :commercialisation de fichiers et traitementsde données informatiques ; fabrication ducourrier : façonnage, assemblage, adressage,conditionnement, tri postal essentiellementpour le courrier de gestion et le marketingdirect ; fullfilment, ISA, routage catalogueset presse, voire logistique.

Les activités de routage constituent doncune autre forme d’ouverture et deconcurrence dans le secteur postal sur lesmarchés amont (collecte, tri, transport d’unepart, prestations de routage et de consoli-dation d’autre part) à la distribution desenvois en nombre.

De fait, le courrier industriel est uncourrier bien préparé (pré-trié) et émis parun nombre d'émetteurs relativement réduit àdestination d'un grand nombre de ménages.En effet, les envois en nombre (factures,relevés bancaires, publicité adressée,périodiques par opposition au courrierégrené expédié par un seul émetteur)peuvent être « industrialisés » c’est-à-direproduits de façon informatique en grandesquantités.

Une première segmentation sommaire dumarché nécessite de distinguer quatre typesd’opérateurs :

- Les routeurs de marketing direct :historiquement en charge du condition-nement (façonnage, mise sous pli, tri,expédition et affranchissement) des plis depublipostage adressé et des catalogues ;

- Les laséristes spécialistes de l’éditiquede courrier de gestion(9) qui prennent encharge l’impression, la mise sous pli,

Tous opérateurs confondusFrance (2002)

Envois de correspondance*

Imprimés sans adresse

Routage (marketing direct,courrier de gestion, presse)

Express et messagerie

Volume (millions d’objets)Estimation de Triangle

17 000

18 600

Non disponible

Non disponible

Valorisation des marchés (tous opérateurs confondus)

Valeur ( millions d’euros)Estimation de Triangle

9 100

560

1 000

7 900

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La simple lecture des statistiques montreune image très « domestique» du cour-rier, puisque les envois postaux sontnationaux dans leur écrasante majorité:

dans les grands pays qui concentrent la majeurepartie des volumes postaux, les envois transfron-tières ne représentent au maximum que 3 à 10%du total.

Mais depuis très longtemps, la coopérationentre pays permet l’envoi de lettres et de colis audépart et à destination de tous les pays du monde.

Le « territoire postal unique »,fondement du système postal

mondial depuis 1874Cette coopération s’effectue dans le cadre de

l’Union Postale Universelle (UPU), qui a étécréée à cet effet peu après l’Union internationaledes Télécommunications ; c’est également uneagence spécialisée des Nations Unies. Elle a sonsiège à Berne et regroupe 190 pays.

La convention postale universelle est un traitépar lequel les pays, représentés par leur« administration postale », s’engagent àacheminer ou faire transiter sur leur territoire lesenvois des autres postes : c’est le principe du« territoire postal unique». L’UPU pratiqueégalement une coopération active en directiondes postes des pays en voie de développement;elle développe des normes techniques pourfaciliter les échanges interpostaux.

Le ministère chargé des Postes (DGE) dirigela délégation française dans les instances de

Du territoire postal unique au serviceuniversel postal : une approche européenne originale

opérateurs postaux de service universel ont crééleur association «Posteurop » siégeant àBruxelles. Les groupes de travail du CERP ontessentiellement une vocation de concertation etde diffusion des bonnes pratiques. A ce stade, iln’a pas été créé d’organe européen spécifiquepour les régulateurs comme c’est le cas dans lestélécommunications avec le groupe desrégulateurs européens (GRE).

La difficile rencontre des deux logiques :

le cas des frais terminauxLes frais terminaux sont au domaine postal ce

que les taxes de répartition sont à celui destélécommunications : la rémunération del’opérateur de terminaison par celui qui se situedans le pays d’origine de la communication.Sous l’impulsion des européens, l’UPU a décidéque cette rémunération devait refléter les coûts,mais cela ne peut se faire que progressivement etavec des aménagements pour les pays les pluspauvres dont les habitants ne pourraientsupporter le prix d’un envoi dans les paysdéveloppé si la rémunération devait refléter lecoût de distribution.

Dans le système européen, les accords de fraisterminaux doivent respecter les règles deconcurrence : ce sont des ententes sur les prix, etleur licéité ne peut être établie que sous réservede conditions strictes, au nombre desquelles lapossibilité d’y accéder pour les autres partiesintéressées. n

l’UPU ; elle est largement composée d’experts deLa Poste, car la plus grande partie des travaux estde nature opérationnelle. L’ARCEP pourra êtreappelée à y participer.

Dans les grandes régions du globe, desunions restreintes comme la conférenceeuropéenne des P&T (la CEPT) peuventprévoir des accords particuliers allant au delàdes actes.

L’approche européenne du service universel postal

Au sein du système postal mondial, l’Europea choisi une voie originale consistant ouvrir lesmarchés postaux à la concurrence, tout enchargeant les Etats d’assurer que le service postalreste disponible dans de bonnes conditions deprix et de disponibilité : c’est la doctrine duservice universel. Elle prévoit en particulier queles fonctions d’opérateur et celles de l’autoriténationale chargée du service universel doiventêtre clairement séparées. Cela créée un paysageplus complexe que l’ancienne chaîne «adminis-trations nationales-CEPT-UPU».

Les directives postales sont proposées par laCommission européenne (Direction généraledu marché intérieur) et votées par le Conseildes ministres et le Parlement européen suivantla procédure de codécision. Un comitéconsultatif conseille la Commission dans leurapplication ; il réunit les Etats membres aumoins une fois par an ; ceux-ci se font généra-lement accompagner par l’autorité derégulation chargée du secteur (désormaisl’ARCEP pour la France).

La normalisation technique a quitté lesenceintes de la CEPT pour passer dans leschéma de droit commun : l’AFNOR au niveaufrançais et le CEN au niveau européen, dans soncomité technique dédié au secteur postal, leTC331. Les experts de l’ARCEP ont commencéà prendre connaissance des travaux en cours(une vingtaine de normes).

L’ancienne CEPT persiste, mais ne réunitplus que les Etats et les régulateurs postauxeuropéens dans son comité postal, le CERP. Les

L’Union Postale Universelle a déjà 130 ans. Au sein de ce système mondial, l’Europe a choisi unevoie originale, le service universel. Descriptif.

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La régulation du secteur postal est assumée, dans un certain nombre de pays européens, par le régulateur qui a également en charge celle du secteur des communications électroniques. C’est le cas en Belgique et auPortugal notamment. Georges Denef, membre du Conseil de l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) et Pedro Duarte Neves, président de l’ANACOM, donnent leur point de vuesur la régulation de ce secteur.

La régulation postale dans les pays européens

Qu’est-ce que larégulation postalea apporté aumarché belge ?Concernant lesecteur enconcurrence, larégulation a permisau marché ducourrier express dese développer demanière dynamique :les quatre grandsintégrateurs

internationaux sont, entre autres, présentsen Belgique et l’ensemble du secteur ducourrier rapide représente plus de 10 000emplois. Pour ce qui est de la partie du marché enmonopole, la régulation via l’imposition àl’opérateur historique d’obligations par uncontrat de gestion, a contribué à uneamélioration substantielle de la qualité desservices offerts au public, que ce soit parexemple en termes de délais d’acheminementdu courrier et des journaux ou d’organisationdes bureaux de poste.

Quelles évolutions souhaitez-vous voirdans la prochaine directive postale etquelles sont les prochaines étapes de

libéralisation dans votre pays ? Il me paraît qu’il faut éviter les rupturesbrusques par rapport aux évolutions qui ontété insufflées ces dernières années aumarché postal. Le nouveau cadreréglementaire devrait avoir pour objectifpremier de favoriser un développementharmonieux du marché en favorisant desretombées positives pour les entreprises etles consommateurs en termes de qualité deservice et de prix.

Quels sont les avantages et lesinconvénients d’un régulateur uniquepour les télécommunications et lesecteur postal et quelles sont lessynergies possibles ?Dès la création de l’IBPT en 1993, les équipesen charge de la gestion du marché postal etdu marché des télécommunications ontcohabité et collaboré.En fait, je ne vois que des avantages à cettesituation. Certes, les deux marchés présentent descaractéristiques différentes du point de vuede leurs activités, de leur degré d’ouverture àla concurrence, de leur taille, de leur poidséconomique et de leur intensité en capitalhumain.Mais les convergences entre les deuxmarchés l’emportent largement sur leurs

différences. Tout d’abord ce sont desmarchés dont la bonne organisation, et doncla bonne régulation, sont vitales pour ledéveloppement harmonieux de la société,que ce soit au plan économique ou culturel.Ces marchés sont en mutation permanente etles entreprises doivent sans cesse s’adapterà un environnement qui, en raison notammentdu progrès technologique, évolue de jour enjour. Ce sont des marchés qui ont unecertaine perméabilité ; songeons parexemple à l’influence de l’utilisation descourriels sur le volume du courrier postalclassique. Enfin, ce sont des marchésauxquels l’accès doit, sous peine d’accentuerla fracture sociale, être garanti à tous lescitoyens, et ce, via le maintien d’obligationsde service universel fortes.Ces éléments justifient largement quel’approche de la régulation de ces marchésse fonde au départ les mêmes principes,définis en commun au sein d’une mêmestructure comme c’est le cas à l’IBPT.Je crois pouvoir dire que cette conception areçu un très bon accueil au niveauinternational dans la mesure où leresponsable direct du service « Poste » del’IBPT, Jean-Luc Dutordoit, administrateur àl’Institut, vient d’être désigné pour la troisièmefois consécutive à la présidence du Comitéeuropéen des régulateurs postaux ( Cerp). n

IINNTTEERRVVIIEEWW DDEE GGEEOORRGGEESS DDEENNEEFF

Membre du Conseil de l’Institut Belge des Postes et Télécoms (IBPT)

AutoritéAutres

secteursrégulés*

Prise d’activité

Nombred’employés

Budget(K €)2003

Sites Internet

Allemagne Agence Fédérales des Réseaux (BNetza) BCEF 1998 25 Nd http://www.bundesnetzagentur.de/

Autriche Ministère des transports, de l’Innovation et des Technologies A 1999 nd Nd http://www.bmvit.gv.at/

Belgique Institut Belge des Postes et Télécoms (IBPT) B 1991 11 1250 http://www.bipt.be/langue.htm

Chypre Commission de régulation des télécoms et de la poste B 2002 5 256 http://www.octpr.org.cy/

Danemark Agence pour la sécurité routière et les transports G 1995 6 Nd http://www.fstyr.dk/sw21787.asp

Espagne Ministère du développement A 1998 52 Nd http://www.mfom.es/

Estonie Estonian National Communications Board (ENCB) B 2002 7 64 http://www.sa.ee/

Finlande Autorité de régulation finlandaise des communications B 1994 9 1208 http://www.ficora.fi

Royaume-Uni Postcomm A 2000 37 12 998 http://www.psc.gov.uk/Index2.html

Grèce Commission Nationale des Télécommunications et de La Poste BG 1998 7 642 http://www.eett.gr/

Hongrie Autorité Nationale des Communications BG 1990 14 747 http://www.hif.hu/

Irlande Commission for Communications Regulations (Comreg) BG 2002 5 614*** http://www.comreg.ie/

* A = Aucun ; B = Telecoms ; C = Electricité ; D = Eau ; E = Gaz ; F = Chemin de fer ; G = Autres ***Budget 2002

Panorama des régulateurs post aux chez nos voisins européens

Page 11: A l’écoute La régulation L’ du secteur postal · 2006. 3. 2. · l’abaissement de la limite poids-prix du monopole fixé par la directive modifiée de 2002, n’était pas

Dossier

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 11

a également en charge celle du secteur des communications électroniques. C’est le cas en Belgique et aus télécommunications (IBPT) et Pedro Duarte Neves, président de l’ANACOM, donnent leur point de vue

s les pays européens

Qu’est-ce que la régulation postale aapporté au marché portugais?La régulation postale a établi un cadre clair etrigoureux d’action sur le marché, endéfinissant les droits et obligations dechacun des acteurs et les objectifs àatteindre. Ce cadre permet de mettre enoeuvre une libéralisation graduelle desservices postaux, en promouvant laconcurrence dans le secteur, tout engarantissant l’existence d’un serviceuniversel, défini comme la fourniture deservices postaux de qualité dans tout le paysà des prix accessibles. Dans le même temps,la régulation du secteur a consacré ladéfense des droits des utilisateurs et desconsommateurs, en imposant desobligations aux différentes prestataires.

Quelle(s) évolution(s) souhaitez-vousvoir dans la prochaine directive postaleet quelles sont les prochaines étapes delibéralisation dans votre pays ?Nous souhaiterions que la prochainedirective s’inscrive dans la continuité de laprécédente de façon à consoliderl’ouverture du marché postal à laconcurrence et permettre une améliorationde l’offre de services et de produits. Cettedirective devra confirmer, ou non, la datede 2009 pour une pleine libéralisation du

secteur. Enfin, il parait souhaitable que laprochaine directive apporte des définitionsplus précises concernant le serviceuniversel. En attendant, la prochainephase de libéralisation du marché postalinterviendra le 1er janvier 2006, avec laréduction du domaine réservé à desenvois de courriers inférieurs à 50grammes et 2,5 fois le prix du tarif de basedu courrier rapide.

Quels sont les avantages et lesinconvénients d’un régulateur uniquepour les télécommunications et lesecteur postal et quelles sont lessynergies possibles ?Pour mettre en œuvre la régulation dusecteur postal, nous avons bénéficié denotre expérience du processus delibéralisation du secteur destélécommunications intervenueantérieurement. Cela nous a permisd’anticiper le fonctionnement de laconcurrence pour mieux traiter certainsproblèmes touchant notamment à l’abus deposition dominante, ou aux réclamationsdes opérateurs entrants, voire des clients.Nous avons ainsi pu tirer avantage de toutesces connaissances acquises qui nousservent aujourd’hui de guide.Les inconvénients d’un régulateur unique

pourraient tenir au manque “d’originalité” oumême de “créativité” dans la régulation dumarché postal, en l’assujettissantsystèmatiquement aux mêmes démarchesque celles appliquées au secteur descommunications électroniques. L’existence d’un régulateur unique permetde transmettre les meilleures pratiques derégulation entre les deux secteurs et demettre en oeuvre des principes communscomme les principes de transparence, denon-discrimination ou de proportionnalité.Des synergies peuvent être trouvées dans lacoordination des actions au sein d’unestructure organisationnelle unique, parexemple la représentation auprès desinstitutions communautaires, et dans la miseen commun de certains moyens qui apporteune plus grande flexibilité de gestion etpermet de réaliser des économies d’échelle(services administratifs, informatique ouachats). n

PPEEDDRROO DDUUAARRTTEE NNEEVVEESS

Président de l’ANACOM

AutoritéAutres

secteursrégulés*

Prise d’activité

Nombred’employés

Budget(K €)2003

Sites Internet

Italie Ministère de la Communication A 1999 20 847 http://www.comunicazioni.it/it/

Lettonie Commission des services publics BCEF 2001 8 1876 http://www.sprk.gov.lv

Lituanie Autorité de régulation des communications B 2002 5 Nd http://www.rrt.lt/

Luxembourg Institut National de Régulation (ILR) BCE 2000 3 475 http://www.etat.lu/ILR/content.html

Malte Autorité maltaise des Communications BG 2003 1 Nd http://www.mca.org.mt/

Pays-Bas OPTA B 1997 4 895 http://www.opta.nl/asp/

Pologne URTIP BG 2002 26 Nd http://www.urtip.gov.pl/

Portugal Anacom B 1981 7 1780*** http://www.anacom.pt/

Rép. Tchèque Ministère de l’informatique – Département des services postaux A 2000 12 Nd http://www.micr.cz/postovni/default en.htm

Slovaquie Postovy urad A 2002 19 241 http://www.posturad.sk/

Slovénie Agencija za posto in telekomunikacije, republike slovenije (APEK) BG 2002 2 Nd ttp://www.apek.si/

Suède PTS B 1994 6 898 http://www.pts.se/

t aux chez nos voisins européens

Source : WIK 2004

Page 12: A l’écoute La régulation L’ du secteur postal · 2006. 3. 2. · l’abaissement de la limite poids-prix du monopole fixé par la directive modifiée de 2002, n’était pas

12 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

Dossier

Subventionscroisées et

coûts incrémentauxEn condamnant Deutsche Post AG, la

Commission européenne avait également relevé danssa décision du 20 mars 2001, que cette société avaitpar ailleurs enfreint, de 1990 à 1995, l'article 82 dutraité CE en proposant d'assurer le transport de colispour le secteur de la vente par correspondance à desprix inférieurs aux coûts incrémentaux. Cette affaire apermis à la Commission de préciser les notions desubventions croisées et de coûts incrémentaux. Lessubventions croisées sont l’objet de nombreuses autresaffaires, par exemple, la requête introduite le 2 février2005 par l’Union française de l’express (UFEX)devant le Tribunal de première instance desCommunautés européennes(3).

La consolidation, un sujet d’actualité

Les remises sur volume et travaux de préparationaccordées par l’opérateur national en charge de ladistribution aux clients grands émetteurs ayanteffectué des services de préparation du courrier(collecte, pré-tri et concentration de flux), sontaujourd’hui à l’origine de nombreux contentieux etde débats (Royaume-Uni, Danemark, France,Allemagne).

Ainsi, le 20 octobre 2004, la Commissioneuropéenne a décidé (4) que la loi postale allemandeviolait les dispositions du traité de Rome car elleengendrait une discrimination entre les entreprises depréparation du courrier en amont de la distribution, enpermettant à Deutsche Post d’accorder des remises auxentreprises qui préparent les envois en nombre à lasortie des centres de tri, mais non à celles qui effectuentle routage pour le compte de tiers.

Ainsi, la jurisprudence communautaire, qui a faitnaitre le concept de régulation indépendante sur leplan national, donne progressivement des réponsesaux différentes pratiques non-concurrentiellesdécelées dans le secteur postal. n

Contact : [email protected]

des Communautés européennes a estimé qu’il n’étaitpas possible de considérer qu’une aide d'État avait étéattribuée :

- s’ il est « établi que la contrepartie exigée couvredûment tous les coûts variables supplémentairesoccasionnés par la fourniture de l'assistance logistique etcommerciale, une contribution adéquate aux coûts fixesconsécutifs à l'utilisation du réseau postal ainsi qu'unerémunération appropriée des capitaux propres dans lamesure où ils sont affectés à l'activité concurrentielle de laSFMI-Chronopost »,

- et si « aucun indice ne donne à penser que ceséléments ont été sous-estimés ou fixés de manièrearbitraire ».

La Cour de justice des Communautéseuropéennes a renvoyé l’affaire devant le Tribunal depremière instance des Communautés européennes.

Pratiques tarifaires abusivesIl existe une véritable saga jurisprudentielle en ce

qui concerne le respect du droit de la concurrence enmatière postale(1). En Allemagne, la société UPS aaccusé Deutsche Post AG de pratiques tarifairesabusives en utilisant les recettes tirées de ses activitésrentables d’envoi du courrier constituant sondomaine réservé pour financer des ventes à pertedans le secteur des services de transport de coliscommerciaux. L’opérateur postal historique a ainsiété condamné par la Commission européenne le 20mars 2001(2) pour avoir accordé des prix spéciaux surle transport de colis aux entreprises de vente parcorrespondance qui s'engageaient à lui faire traiterl'ensemble de leurs colis non volumineux d'uncertain poids et certains catalogues. La Commissioneuropéenne a infligé à Deutsche Post AG la plusforte amende jamais infligée en matière postale (24millions d’euros).

En France, les pratiques tarifaires mises en œuvredans les contrats commerciaux ont également faitl’objet de sanctions. Ainsi, le Conseil de laconcurrence a rendu le 30 novembre 2004 unedécision portant sur un principe de tarification(calcul de l’assiette du chiffre d’affaires), et unepratique en aval (la remise). La Poste proposait à sesclients de la vente par correspondance des contratscommerciaux particuliers permettant des remises decouplage. Le Conseil a estimé que cette pratiqueaffectait le jeu de la concurrence et constituait unabus de position dominante.

la jurisprudence postale européenne conjugue des problématiquesliées aux relations entre l’opérateur postal historique et ses filiales, àdes pratiques constitutives d’abus de position dominante, et à desactivités d’intermédiaires dans la préparation du courrier en amont de ladistribution, notamment pour les gros émetteurs. Exemples.

D ès les années 1980, l’arrivée desintégrateurs (c’est-à-dire de grosopérateurs comme DHL, Fedex, TNTou UPS, ayant intégré tous les moyens

logistiques) sur le marché européen a été l’occasion dedéfinir différents marchés et de poser la question desdomaines d’activité « réservés» aux opérateurshistoriques. L'application du critère de prix tendait àdistinguer les services exclus du monopole du service debase encore protégé par celui-ci. Cette différenciation aété réalisée par la Commission dans deux décisions, lapremière en 1989 concernant le service du courrierrapide aux Pays-Bas et la seconde en 1990 sur le servicede courrier rapide international en Espagne.

L’arrêt Corbeau de la Cour de justice desCommunautés européennes (19 mai 1993) a consacré lanécessité de sauvegarder l'équilibre économique duservice d'intérêt général confié à l'opérateur du servicepostal. Les juges ont estimé que les droits exclusifs de cetopérateur permettaient d’opérer une compensation entreles secteurs rentables et les secteurs non rentables mais nedevaient pas empêcher un concurrent d’offrir un servicespécifique, dissociable des services d’intérêt général.

Une régulation indépendanteLa nécessité de l’indépendance de l’autorité

chargée de la régulation postale en France a étéaffirmée dans la décision de la Commissioneuropéenne du 23 octobre 2001 sur l’activité deroutage. A l’origine de cette décision, la plainte duSyndicat National des Entreprises de Logistique dePublicité Directe en France (SNELPD) notammentà l’encontre des remises accordées par La Poste defaçon discriminatoire. La Commission n’ayant puvérifier la réalité de ces pratiques ne s’est pas expriméesur ces accusations, mais a souligné le défaut deneutralité dans le contrôle exercé par le ministrefrançais sur La Poste. En conséquence, la France aentrepris la modification de son cadre réglementairepour mettre un terme à ce conflit d’intérêt.

Les relations entre l’opérateurhistorique et sa filiale

Fin des années 1990, le Syndicat français del’express international (SFEI) a déposé une plainteauprès de la Commission européenne à l’encontre deLa Poste, lui reprochant de fournir des prestations à safiliale SFMI-Chronopost à des conditions inférieuresau prix de marché. Le 3 juillet 2003, la Cour de justice

Les principaux apports de la jurisprudence postale

(1) par exemple, le Décision de la Commission du 25 juillet2001 (affaire COMP/35.915) ou encore la Décision de laCommission du 5 décembre 2001 (affaire COMP/37.859).(2) (Affaire COMP /35.141 - Deutsche post AG).(3) Affaire T-60/05.(4) Décision C(2004)4001/3.

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remédier, seul, aux défaillances du marché.L’ARCEP propose de conclure que les trois

critères ne sont réunis que pour le seul marché degros des services de diffusion de la télévisionhertzienne terrestre, qui comprend les offres degros d’accès proposées par un diffuseur à un autrediffuseur en vue de fournir des services dediffusion, en mode analogique ou numérique.

L'ARCEP considère que la société TDF, quidétient la quasi-intégralité des infrastructures dediffusion hertzienne terrestre, devrait êtreconsidérée comme exerçant une influence signifi-cative sur ce marché.

L’ARCEP propose de restreindrele champ des remèdes au seul

segment de la diffusion en modenumérique

Afin de voir la concurrence se pérenniser sur lemarché des services de diffusion de la télévisionhertzienne terrestre, les concurrents de TDF (voirencadré ci-dessous) doivent pouvoir accéder auxsites du diffuseur historique dans de bonnesconditions. C’est pourquoi l’ARCEP proposed’imposer à TDF :• de faire droit à toute demande raisonnable

d’accès à ses bâtiments et pylônes d’une part, età la chaîne de diffusion d’autre part ;

• l’obligation de non-discrimination ;• une obligation de séparation comptable ;• la publication d’une offre, dont les caractéris-

tiques restent à définir ;• de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou

d’éviction.Considérant le caractère nécessairement

décroissant du segment de la diffusion hertzienne

de la télévision analogique,l’ARCEP a considéré que cesobligations devraients’appliquer au seul segmentde la diffusion en modenumérique, estimé à 100millions d’euros lorsque laTNT sera déployée dans les110 zones prévues par leCSA. La TNT est une offred’une trentaine de chaînes,dont plus de la moitié, lancée le31 mars 2005, est gratuite. Elleconnaît d’ores et déjà un démarrage trèssatisfaisant avec la vente de près de 400 000adaptateurs TNT en moins de 3 mois. L’offrepayante sera lancée en septembre 2005.

L’ARCEP a souhaité que cette consultationreste ouverte sur un nombre important de points,en particulier sur la question des obligations qu’ilconvient d’imposer à TDF. Elle souhaiteégalement que les acteurs lui communiquent deséléments d’information quantitatifs etcontractuels en vue d’améliorer sa compréhensiondes relations entre acteurs de différents niveaux,en particulier entre éditeurs et diffuseurs.

Après étude des commentaires reçus,l’Autorité transmettra son analyse au CSA et auConseil de la concurrence qui rendront un avissur la définition du marché et la désignation del’opérateur puissant. L’ensemble des projets dedécisions sera ensuite notifié à la Commissioneuropéenne et aux autorités de régulation desautres États membres de l’Union européenne. n

Contact : [email protected]

L’ARCEP a procédé à l’analyse du 18emarché identifié comme pertinent -c’està dire susceptible d’être soumis à unerégulation sectorielle - par la

Commission européenne. Il s’agit du marché de grosdes «services de radiodiffusion, destinés à livrer uncontenu radiodiffusé aux utilisateurs finals». Il neconcerne pas les contenus, qui relèvent de lacompétence du CSA, mais les services de diffusiontechnique.Dans son document d’analyse, soumis à consultationpublique jusqu’au 9 septembre 2005, l’ARCEPdresse tout d’abord le panorama des services de radioet de télévision proposés par les différents éditeurs etdistributeurs au public. Sont ainsi pris en compte latélévision et la radio (analogiques ou numériques)reçues par voie hertzienne terrestre, câble, ADSL ousatellite. A ce stade, l’Autorité exclut la télévision surmobile au regard du faible nombre d’utilisateurs dece service à l’horizon de l’analyse. Elle procède parailleurs à une description de la chaîne technique, desacteurs et des offres de diffusion audiovisuelle.Cette première étape permet d’améliorer la compré-hension du fonctionnement de ce marché quin’entrait pas dans le champ de compétence del’ARCEP dans l’ancien cadre réglementaire.

Cinq marchés ont été délimitésL’Autorité a ensuite procédé à la délimitation desmarchés de gros des services de diffusion audiovi-suelle. Au terme de l’analyse de substituabilité deces différents services, l’ARCEP délimite lesmarchés suivants :- le marché de gros des services de diffusion

radio en mode AM ;- le marché de gros des services de diffusion radio

en mode FM ;- le marché de gros de services de diffusion de la

télévision hertzienne terrestre ;- le marché de gros de services de diffusion de la

télévision par câble et par ADSL ;- le marché des services de diffusion de la télévisionpar satellite.

Afin de déterminer si ces cinq marchés devaientêtre soumis à une régulation ex ante, l’ARCEP aeffectué un test de pertinence au moyen de troiscritères cumulatifs définis par la Commissioneuropéenne : existence de barrières élevées et nonprovisoires à l’entrée, absence de perspectived’évolution vers une situation de concurrenceeffective, insuffisance du droit de la concurrence à

Analyse des marchés

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 13

L’Autorité propose de réguler le marché de la diffusion de la télévision hertzienneterrestre et de désigner TDF comme opérateur puissant sur ce marché.

L’analyse des marchés de gros de ladiffusion audiovisuelle est lancée

Diffusion technique de la TNT : les acteurs et leur positionnement concurrentiel

Le marché français de la diffusion de la TNT est caractérisé par la présence de quatre diffuseurs : le diffuseur his-torique, mais aussi deux diffuseurs alternatifs et une chaîne de télévision ayant fait le choix de s’autodiffuser par-tiellement, qui demandent à accéder aux sites et infrastructures de TDF pour proposer des services de diffusionaux opérateurs de multiplexe.TDF :Le réseau de diffusion hertzienne terrestre de TDF est constitué de près de 3650 sites de taille très variable.TDF détient30 des 32 sites de diffusion de la TNT et près de 70 % de part de marché sur la diffusion de la TNT.Towercast :Towercast, « tower company » du groupe NRJ, historiquement positionnée sur le seul marché de la diffusion dela radio en FM, propose désormais des offres de diffusion aux chaînes de l’offre de TNT. Elle dispose de 2 des 32premiers sites de diffusion et détient environ 14% de part de marché.Antalis-tv :Antalis-tv a été créée en 2001 en vue d’un positionnement sur le marché de la diffusion de la TNT. Si elle ne pos-sède à ce stade pas de site de diffusion, la société détient environ près de 12 % de part de marché.Canal + : Canal + s’autodiffuse sur 7 des 32 premières zones identifiées par le CSA pour la TNT.

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Analyse économique

14 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

L a procédure d’analyse des marchés suscep-tibles d’être régulés ex ante commence parla définition des marchés pertinents, soitla délimitation des marchés qui feront

l’objet ensuite d’une analyse concurrentielle. De cettedéfinition dépend l’ensemble de la politique de régu-lation puisqu’elle permet d’identifier les acteurs dispo-sant d’un pouvoir de marché et de mesurer l’ampleurde l’exercice de ce pouvoir sur ses concurrents et lesconsommateurs. C’est au regard de ces appréciationsque le régulateur choisit et impose les obligationsnécessaires à atteindre ses objectifs de développementd’une concurrence effective et durable, dans l’intérêtdes consommateurs.

Les principes du droit de laconcurrence européen

Les principes de définition des marchéspertinents sont issus du droit de la concurrenceeuropéen et reposent sur deux principaux axesd’analyse. Une première approche s’effectue entermes de produits et services : un marchépertinent est un marché comprenant tous lesproduits et services considérés commeinterchangeables ou substituables par leconsommateur, au regard de leurs caractéris-tiques, de leur prix et de leur usage. La secondeapproche est géographique : un marchépertinent est une zone où les conditions de laconcurrence sont suffisamment homogènes etse distinguent significativement de celles deszones voisines.

Les concepts utilisés pour procéder à ladéfinition des marchés pertinents sont la substi-tuabilité de la demande et la substituabilité del’offre, le premier prévalant sur le second.

Elasticité et substituabilité de lademande et de l’offre

L’élasticité de la demande au prix desconsommateurs mesure la variation de lademande relative à une variation de prix. Ellepermet d’évaluer le degré de dépendance desconsommateurs au produit d’une entreprise.

Si l’élasticité de la demande pour un bien estmesurée en fonction de la variation du prixd’un autre bien - il s’agit alors de l’élasticitécroisée – c’est la substituabilité de la demandequi est évaluée. Si la demande d’un biens’accroît lorsque le prix d’un autre augmente,l’élasticité croisée est positive et les deux bienssont substituables.

Par exemple, si le prix d’un bien augmentede 1% et qu’en conséquence la demandediminue de 2%, alors l’élasticité prix de lademande est égale à (-2). Si le prix du bien A

Définition des marchés pertinents :les outils du régulateur

entreprises et en particulier la distinction descoûts fixes et variables, l’identificationd’économies d’échelle ou de gamme. En effet,chacune de ces caractéristiques peut signifierl’existence de barrières à l’entrée qui limitentl’éventualité d’une pression concurrentielle.

La dimension géographique desmarchés pertinents

La dimension géographique de la définitiondu marché pertinent s’apprécie essentiellementau regard de deux critères. Le premier est la priseen compte du territoire effectivement couvertpar les réseaux de communications électro-niques. Le second repose sur l’existence d’uncadre juridique (législatif ou réglementaire) quidifférencie certaines zones géographiques (parexemple la distinction des territoires métropo-litain et d’Outre-Mer).

La connaissance des préférences des consommateurs

L’application stricte de ces indicateursnécessite la connaissance des préférences desconsommateurs et des fonctions de demandesindividuelles d’une part, des fonctions de coût etdes comportements d’offre des entreprises d’autrepart. L’approximation de ces paramètres estpossible en recensant des données concernant lesconditions de transaction sur les marchés et lesinformations comptables et financières desentreprises. Pour définir les marchés pertinents, lerégulateur dispose de surcroît de nombreuxindicateurs d’ordre qualitatif.

La définition des marchés pertinents est unetâche complexe pour le régulateur. LaRecommandation de la Commission Européennedu 11 février 2003 et les Lignes Directrices surl’analyse des marchés du 11 juillet 2002 lui offrentun cadre d’analyse. La Recommandation listenotamment 18 marchés sur lesquels une régulationex ante peut se justifier, et auxquels l’analyse ci-dessus décrite doit être appliquée. Si le régulateurenvisage de définir un marché non prévu par larecommandation, alors l’analyse doit être effectuéede façon plus approfondie selon trois critères :l’existence de barrières à l’entrée, l’absence dedynamisme à la concurrence et l’incapacité dudroit de la concurrence à remédier seul auxdéfaillances du marché. n

Contact : [email protected](1) Small but Significant Non transitory Increase in Price

Prochain numéro : Les parts de marché,mesure du pouvoir de marché

La délimitation des marchés pertinents constitue la première étape de l’analysedes marchés conduite par le régulateur. Elle permet de mesurer l’influenced’une entreprise sur ses concurrents et sur ses clients.

augmente de 1% et qu’en conséquence lademande de bien B augmente de 3% alorsl’élasticité croisée est égale à 3. Les biens A et Bsont substituables.

La substituabilité de la demande consisteainsi à identifier les produits substituts duproduit considéré vers lesquels les consom-mateurs vont se tourner si le prix de ce dernieraugmente, et de les inclure dans le marchépertinent. L’analyse des élasticités estimportante au sens où celles-ci sont unindicateur du pouvoir de marché. En effet, si lesconsommateurs ont la possibilité de s’adresserfacilement et directement à un concurrent,alors l’entreprise a peu de marge de manœuvredans la fixation des conditions de transaction(prix et quantités) de son produit.

Le pouvoir de marché est la capacité d’uneentreprise à fixer un prix supérieur au coûtmarginal sans que les profits attendus de cettepratique soient annulés par la diminution de laquantité vendue qui en résulte.

Le monopoleur hypothétiqueLe test du monopoleur hypothétique(1) est un

moyen de mesurer l’élasticité croisée. Il consiste àconsidérer un marché « candidat », fairel’hypothèse d’existence d’un monopole nonrégulé sur ce marché et étudier si ce monopolepourrait augmenter ses tarifs de manièreprofitable. L’objectif du test est d’observer si, suiteà une hausse de tarif faible mais significative etdurable (5 à 10%), les consommateurs s’oriententvers des produits substituables ou vers d’autreszones géographiques de consommation ; puisd’intégrer dans le marché candidat les produits desubstitution et les territoires supplémentaires tantqu’il existe des comportements de substitutionqui ôtent tout intérêt à l’augmentation des tarifs.

La substituabilité de l’offre permet deconsidérer les possibilités d’entrée sur le marchéen cas d’augmentation des prix des produits qui ysont vendus. En d’autres termes, elle permetd’évaluer dans quelle mesure de nouveauxoffreurs peuvent orienter leur production sur lemarché considéré, à court terme, sans subir decoûts additionnels significativement élevés etainsi substituer leur offre à celle de l’entreprise quiaugmente ses prix. Si cette substitution estpossible, alors le pouvoir de marché de cettedernière est limité et les produits proposés par lesnouveaux offreurs entrent dans la définition dumarché pertinent.

L’évaluation des coûts additionnels nécessite lacaractérisation des fonctions de coûts des

Page 15: A l’écoute La régulation L’ du secteur postal · 2006. 3. 2. · l’abaissement de la limite poids-prix du monopole fixé par la directive modifiée de 2002, n’était pas

Actualité

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 15

entre opérateurs. Le principe primordial à respecterserait dès lors celui de non-discrimination.

Les débats sur la régulation de la paire de cuivreont porté sur l’incitation à investir. Pour sa part,France Télécom a souligné les risques qu’entraî-nerait la fixation d’un tarif du dégroupage trop bas.Pour l’opérateur historique, un tel tarif freineraitla diffusion de technologies d’accès alternatives,comme le câble, le Wimax ou la fibre optique. Ledéveloppement d’une concurrence par lesinfrastructures passerait dès lors, selon lui, par lemaintien d’une incitation à l’investissement et lerespect de l’arbitrage « make or buy ».

Enfin, des enjeux d’aménagement du territoire,avec le développement du dégroupage hors des zonesurbaines, ont été clairement identifiés. Le rôle desacteurs publics, notamment pour mettre en placedes réseaux de collecte, a été mis en exergue. n

Contact : [email protected]

Les réponses à la consultation publique ainsi que leursynthèse peuvent être téléchargées sur le site de l’ARCEP(http://www.art-telecom.fr/publications/consultations.htm).

réunions qui ont favorisé un échange de qualitéentre opérateurs, monde académique et consul-tants, ce dont l’Autorité se félicite.

Incitation aux investissements efficacesLes contributeurs se sont prononcés sur les diffé-

rentes méthodes de valorisation de la boucle localeet ont fait diverses propositions que l’Autorité vaétudier. L’ensemble de ces éléments devraitpermettre à l’ARCEP de déterminer d’ici à la finde l’année la méthode de valorisation de la bouclelocale cuivre la plus à même d’atteindre notammentles objectifs de juste rémunération du réseau deboucle locale, d’incitation aux investissementsefficaces, de prise en compte des intérêts duconsommateur et de développement de laconcurrence de long terme.

Un large consensus s’est dégagé sur l’importancede la boucle locale qui constitue aujourd’hui, selonles contributeurs, une infrastructure essentielle pourles opérateurs alternatif. Sa régulation doit, seloneux, avoir pour objectif d’assurer l’équité d’accès

La consultation publique sur les différentes méthodes de valorisation de la boucle locale de cuivre de FranceTélécom a mis en lumière les points de consensus et les divergences entre les contributeurs.

La boucle locale cuivre du réseau deFrance Télécom est un maillonessentiel des réseaux de communica-tions électroniques, utilisé aussi bien

par France Télécom pour fournir des servicestéléphoniques (abonnement et communica-tions) ou des services haut débit que par les opé-rateurs alternatifs via le dégroupage. La tarifica-tion de l’accès à cette boucle locale prend uneimportance plus grande à mesure que la valeurse déplace des communications vers l’accès auréseau : le coût d’utilisation de cette infrastruc-ture est un enjeu majeur pour le développementde la concurrence et pour les consommateurs.

L’Autorité a consulté les acteurs du secteursur les différentes méthodes de valorisationpouvant être retenues pour évaluer le coût de lapaire de cuivre.Dans son document de consul-tation, l’ARCEP a fait un point sur lesméthodes économiques et comptables envisa-geables pour cette évaluation, et leurs consé-quences sur le marché et sur France Télécom. Ila été l’objet de débats au cours de plusieurs

La paire de cuivre : une infrastructureessentielle pour le haut débit

Les offres d’abondance connaissent de plus en plus de succès. Pour l’ARCEP, il importe que les opérateursalternatifs efficaces puissent répliquer les offres illimitées proposées par France Télécom.

Depuis les cinq dernières années, lesoffres de téléphonie fixe ont considé-rablement évolué dans leur forme.Dès 2001, à côté des services clas-

siques facturés à la minute avec pour chaque typede communication un tarif de base, les offresforfaitaires se sont multipliées tant dans les cata-logues de France Télécom que dans ceux desopérateurs alternatifs. Les premiers forfaits ontporté sur les communications locales, puis surtoutes les communications « France » (local etlongue distance), pour finalement constituer surle marché un véritable tissu de forfaits : pourl’outre-mer, vers les mobiles, vers certaines desti-nations internationales, 2 h., 4 h., 15 h., etc.

Plus récemment, sont apparues les offresillimitées, qui connaissent depuis ces derniersmois un développement important. La créationde ces « offres d’abondance » a sans doute étépour partie une réponse au succès grandissant desoffres illimitées de voix sur large bande comprisesdans les offres « double play » ou « triple play »

L’illimité, nouveau mode de consommation

des fournisseurs d’accès à internet. Créées afind’adapter le marché de la téléphonie classiqueaux évolutions du secteur des communications,ces offres modifient aujourd’hui le mode deconsommation des utilisateurs de téléphonieclassique.

Variété de formules Une grande variété de formules illimitées

coexistent sur le marché. Certaines sont valablesuniquement les soirs et week-ends, d’autres 7jours sur 7 et 24 heures sur 24. Les unescomprennent uniquement les appels vers unnombre donné de numéros, d’autres vers tous lesnuméros fixes ou mobiles. Certaines sontrestreintes aux communications vers les mobiles,d’autres vers les fixes, et quelques unes encoreassocient les deux. Enfin, ces derniers mois sontapparues les premières offres destinées ausegment résidentiel intégrant tous les appels versles lignes fixes et les mobiles de France etcertaines destinations internationales.

Actuellement, sur le segment des résidentiels,près d’un million de forfaits illimités ont étésouscrits, dont 2 % ne concernent que les appelsvers les mobiles. Environ 4 % des clientsrésidentiels titulaires de lignes fixes sont abonnésà une offre d’abondance, et il est probable que cechiffre doublera d’ici fin 2006.

L’arrivée de ces nouveaux types d’offres detéléphonie fixe, qui enrichit les gammes deproduits à la disposition des consommateurs etpermet l’émergence de nouveaux usages, n’est passans conséquence sur la régulation. Afin d’assurerla mise en place d’une concurrence effective aubénéfice des consommateurs, l’Autorité s’attacheà vérifier que les opérateurs alternatifs efficacessont bien en mesure de concurrencer les offres deFrance Télécom. L’ARCEP se montre doncattentive à l’évolution de ces nouvelles offresd’abondance et à leur réplicabilité par lesconcurrents de l’opérateur historique. n

Contact : [email protected]

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Actualité

16 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

P our leurs communications, que ce soitpour leurs appels téléphoniques ou pourtransmettre des données (voire desimages), les entreprises qui disposent

de plusieurs sites utilisent souvent des réseaux dédiésà leur propre usage. Pour raccorder entre eux leursdifférents établissements, elles ont recours à deuxtypes de services que leur offrent les opérateurs :les services de capacités de transmission lorsqu’ellessouhaitent conserver une partie de la prestationtechnique, notamment la couche de routage entresites, ou des services de transmission de données,notamment les RPV IP (1) en plein essor, lors-qu’elles souhaitent externaliser la totalité de la pres-tation, y compris le routage entre sites.

Les services de capacités se subdivisent eux-mêmes en deux catégories. Ils comprennent toutd’abord des offres de liaisons louées, parmilesquelles figurent les liaisons louées del’ensemble minimal prévu par la directive«service universel » ou des liaisons louées à débitssupérieurs (34, 155 et 622 Mbit/s par exemple).Ils incluent également des services de capacitésde transmission dits à « interfaces alternatives »plus récents (ATM, des protocoles issus dumonde informatique comme ESCON, SAN,Fiber Channel, mais surtout Ethernet) ; cesservices, plus adaptés au transport du protocoleIP que les liaisons louées traditionnelles, sedéveloppent très rapidement à mesure qu’IPdevient le protocole de convergence de tous lesservices de communications électroniques.Ainsi, en 2004, les services de capacités avecinterfaces alternatives vendus sur le marché dedétail ont affiché une croissance de plus de 30%,à environ 150 millions d’euros.

Incapacité de répliquer cette offre de détail

Pour répondre aux besoins d’échange decommunications internes des entreprises et desadministrations, France Télécom avait déposé, le23 juin 2004, une décision tarifaire devant lerégulateur concernant l’ouverture, dans 170agglomérations métropolitaines du service «PackLAN »(2). L’Autorité avait alors rendu alors unavis défavorable en mai 2004 pour l’ouverture dece service sur les accès sur fibre optique à partirde 20 Mbit/s (avis 04-464). En effet, il estapparu qu’un opérateur concurrent del’opérateur historique se trouvait dans l’inca-

Services de capacités : la réplicabilitédes offres de détail de France Télécom

de détail de France Télécom « Pack LAN » parun opérateur entrant efficace, est vérifiée,l’Autorité devrait être en mesure de rendre unavis favorable à l’homologation de « Pack LAN».Cette offre pourra alors être proposée aux clientsfinaux dans 170 zones du territoire, de mêmeque les offres des opérateurs concurrents.

Emergence d’une concurrence effective

Sous réserve des conclusions de l’analyse desmarchés des services de capacités, l’Autoritépourrait être amenée à veiller à ce quel’opérateur historique propose une offre deréférence enrichie, comportant un ensemble de«briques de base » (du type « LPT » ou«CE2O») techniquement, commercialement etéconomiquement nécessaires à l’émergenced’une concurrence effective sur l’ensemble dessegments du marché de détail de capacités.

L’ARCEP a par ailleurs lancé une enquêtesur la consommation en services de communi-cations électroniques des entreprises, afin demieux connaître les mécanismes de formationde cette demande, les grandes tendancestechnologiques, le degré de substituabilité entreservices et, éventuellement, les besoins nonsatisfaits. n

Source : [email protected]

(1) Réseau privé virtuel IP(2) Service de capacités en Ethernet reliant des LAN distantsau sein d’une même entreprise – appelé aussi Lan to Lan –permettant la fourniture de liaisons de débits compris entre256 Kbit/s et 100 Mbit/s sur des accès en DSL (accès de 2 ou4 Mbit/s) et sur des accès en fibre optique (accès de 20, 40 ou100 Mbit/s).(3) Introduites par la décision 02-147 portant sur unrèglement de différend entre la société MFS et France Télécom.

Une offre de détail soumise à homologation tarifaire par France Télécom ne peut recevoir un avisfavorable de l’ARCEP sans qu’une offre de gros permette à ses concurrents de la répliquer dans desconditions économiques satisfaisantes. Exemple dans le domaine des services de capacité de transmission.

Définition Maîtrise Exemple de servicesde détail de FT

Offre de gros corres-pondantes de FT

Liaison LouéeCapacité brute, sans

commutation ni routage, aux interfacesspécifiques normalisés

Le client gère les équipements

actifs

Liaison louée numérique«Transfix »

LPT (liaison louée partielle)

Service de capacités avec interfaces alternatives

Capacité incorporant éventuellement uncertain niveau de commutation mais pas

de routage, avec des interfaces différentesdes liaisons louées

Le client gère les équipements

de routagePack Lan Turbo DSL et CE2O

Réseau privé virtuel (RPV),notamment IP

Service de transmission de donnéesagrégeant capacités + commutation

+ routage

La gestion des équipements est

assurée entièrement par l’opérateur

Equant IP VPN ou Oléane VPN Turbo DSL et CE2O

Typologie des services de capacités et de transmission de données

pacité de répliquer cette offre de détail de FranceTélécom faute d’une offre de gros adaptée sur lesegment des offres à très haut débit, sur fibreoptique.

L’Autorité avait constaté que l’offre de gros deliaisons louées à la disposition des opérateursconcurrents de France Télécom (liaison louéepartielle - LPT très haut débit à 34 ou155Mbit/s (3)) ne permettait pas à un opérateurentrant efficace de répliquer l’offre de détail deFrance Télécom en disposant d’un espaceéconomique suffisant. La seule concurrenceexistante provenait des rares opérateurs ayantdéployé des boucles métropolitaines optiquesraccordant les sites clients dans un nombreréduit de zones d’affaires sur le territoire.

Brique de baseEn mars 2005, France Télécom a proposé

une offre de gros, dénommée « CE2O »(Collecte Ethernet Optique Opérateur) fourniesur fibre optique avec interfaces alternatives(ATM et Ethernet), disponible dans un premiertemps sur 170 zones du territoire.

Ce service a vocation à servir de « brique debase » pour que les opérateurs entrantsconstruisent des offres de service sur le marchéde détail des services de capacités ainsi que celuide la transmission de données à très haut débit(RPV IP par exemple). Après deux réunionsentre opérateurs sous l’égide de l’Autorité,France Télécom a lancé son offre CE2O le 17mai 2005. Les premières commandes pour cettenouvelle offre peuvent, dès à présent, être passéespar les concurrents de France Télécom pour uneouverture commerciale de leurs services de détailà l’automne.

Si, grâce à « CE2O », la réplicabilité de l’offre

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Consommateurs

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 17

La plainte de l’association de consom-mateurs UFC Que Choisir contreles FAI Tiscali et Liberty Surf, dépo-sée le 1er décembre 2003, aura été

l’occasion pour le TGI de Paris de sanctionner,dans son jugement du 5 avril dernier, les clausesillicites ou abusives dans les contrats d’accès àInternet. Ce jugement, qui n’a pas été frappéd’appel, est donc définitif.

Tout d’abord, il convient de rappeler ce quel’on entend par clause abusive. L’article L.132-1du code de la consommation dispose: « Dans lescontrats conclus entre professionnels et non-profes-sionnels ou consommateurs, sont abusives lesclauses qui ont pour objet ou effet de créer, audétriment du non-professionnel ou du consomma-teur, un déséquilibre significatif entre les droits etobligations des parties ». Le tribunal a déclarécomme abusives ou illicites 24 clauses de cescontrats, qu’elles concernent la conclusion oul’exécution du contrat, sa modification, sa fin etle règlement de litige, enfin la responsabilité dufournisseur de service.

Déséquilibre entre les deux parties

Dans sa décision, le TGI a déclaré abusivestoute clause entraînant un déséquilibre entre lesdeux parties : le client et le FAI. Ainsi, concer-nant la conclusion et l’exécution du contrat, il aindiqué que le client disposait d’un délai derétraction à compter de l’acceptation de l’offreet non pas à la date d’envoi des conditions géné-rales d’utilisation. Par ailleurs, le FAI ne peutimposer comme seul mode de paiement del’abonnement le prélèvement automatique, niindiquer que tout mois commencé est dû. Eneffet, ces clauses jouent au détriment du client.Dans le premier cas, le client continue de payermême si le fournisseur de services est défaillant,dans le second, l’abonné paye un service qui

Contrats d’accès à Internet : les clauses abusivesLe Tribunal de Grande Instance de Paris rappelle certaines règles que doivent respecter lesfournisseurs de services de communications électroniques dans les contrats qu’ils font signer à leurs clients.

ou stocker un message. Sont également abusivesles clauses exonérant le professionnel de sa res-ponsabilité quant à la transmission de l’intégritédes données ou quant au contenu car il a l’obli-gation légale de proposer au consommateur desmoyens de filtrage. Le FAI ne peut non pluss’exonérer contractuellement de toute responsa-bilité pour les dommages causés de son fait (il aune obligation de résultat s’agissant de l’accès)ou pour utilisation frauduleuse de la ligne (désé-quilibre de situation car l’abonné ne peut, deson côté, être tenu pour responsable en l’absen-ce de toute faute de sa part). Par ailleurs la limi-tation contractuelle du préjudice subi parl’abonné est abusive, comme celle qui exonère leprofessionnel de sa responsabilité en cas dedommages aux équipements de l’abonné.

Dispositions contraires à la loiLe tribunal a également sanctionné les

FAI pour avoir inclus des dispositionscontraires à la loi dans leurs contrats. Ainsiun professionnel ne peut prévoir de clausel’autorisant à utiliser à des fins commercialesles informations recueillies relatives aux ser-vices, car cette utilisation intervient posté-rieurement à l’acceptation expresse ducontrat par l’abonné. Elle est donc illicite,tout comme celle qui dispense le profession-nel de proposer un moyen de filtrage, quin’est pas conforme aux dispositions de la loidu 30 septembre 1986 qui fait obligation auprofessionnel de proposer aux abonnés aumoins un moyen de filtrage.

Toutefois, le tribunal n’a pas considérécomme abusive la clause stipulant que « toutecommunication réalisée par Tiscali auprès del’abonné à l’adresse e-mail est réputée avoir étéreçue et lue par l’abonné ». Les juges ont esti-mé que l’abonné avait l’obligation de consul-ter régulièrement son courrier électronique etque le délai de consultation était suffisam-ment long pour ne pas créer de déséquilibresignificatif entre les parties.

Le TGI a noté que certaines clauses quali-fiées d’abusives concernant les conditionsd’utilisation n’étaient plus en vigueur à ladate du jugement chez Tiscali. En effet, leFAI a mis en place un nouveau contrat pourtous ses abonnés au mois de mars 2005 aveceffet rétroactif pour les clients arrivés avantcette date. n

n’est pas fourni.La clause quiautorise le pro-fessionnel à desdéconnexionsde forfaits illi-mités est égale-ment abusive.

S’agissant dela modificationdu contrat, un

professionnel ne peut modifier unilatéralementles conditions du contrat sous prétexte quel’abonné a été informé préalablement par cour-rier électronique. Le fournisseur de service doiten effet accorder un délai de préavis et recueillirl’acceptation expresse du consommateur pourtoute modification. De la même façon, touteclause autorisant le professionnel à supprimerune boite aux lettres en cas d’inactivité prolon-gée ou qui interdirait l’envoi en nombre de mes-sages sans précisions est abusive.

Le tribunal a également estimé abusive laclause qui impose au consommateur, en cas decontestation, le paiement intégral de sa facture,car elle obligerait l’abonné à exécuter ses obliga-tions alors même que le professionnel n’exécu-terait pas les siennes. Dans le même sens, lefournisseur de services ne peut imposer l’envoid’une lettre postale pour toute contestation si leFAI s’autorise à envoyer des notifications parsimples courriels présumés lus dès réception.

L’imposition d’une durée minimale à uncontrat ou à sa reconduction ne doit pas empê-cher le client de pouvoir le résilier en cas demotif légitime. Toute clause contraire est inter-dite. Dans le même ordre d’idée, le tribunal aestimé que la clause qui permet au profession-nel de suspendre ou de résilier un abonnementsans mise en demeure ou préavis en cas d’unquelconque manquement à ses obligations de lapart du client est manifestement déséquilibrée.

Dispenses ou exonérations de responsabilité

Les juges d’instance ont relevé que certainesdispenses ou exonérations de responsabilitécontenues dans les contrats étaient abusivescomme la clause qui exonère le professionnel deses obligations en cas d’interruptions de service(car trop générale), tout comme celle donnantau professionnel le droit de ne pas transmettre

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Collectivités territoriales

18 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

L e Comité des Réseaux d’initiativepublique (CRIP) a été lancéofficiellement le 18 juin 2005. Lapremière réunion des groupes de

travail a eu lieu début juillet dans les locauxde l’ARCEP pour aborder les thèmes quiavaient été identifiés par les différents acteurs(collectivités territoriales, associations d’élus,opérateurs et associations d’opérateurs).

Mise en place d’un Observatoiredes zones blanches

Les 45 représentants des collectivités quiétaient présents ont consacré une grande part deleurs discussions à la problématique des zonesblanches.

Si les répartiteurs équipés en 2004 permettentl’éligibilité à l’ADSL de 90 % des lignes à 128kbit/s, passer de 6.000 à 12.000 répartiteurs pouratteindre 98 % de lignes éligibles va nécessiter undoublement des investissements de la part deFrance Télécom. Cependant, comme le rappellePhilippe Le Grand (Manche Numérique), lanotion de zone blanche évolue en fonction desniveaux de débit proposés. Marc Gauché (SEMdu Tarn) souligne l’importance d’une baisse destarifs permettant d’accéder aux petits répartiteurs.

Plusieurs questions ont émergé des débats : lanécessité d’adapter les formes juridiques (DSPsimplifiées ou marchés de services ?) ; la problé-matique technique ; la relation débits/investis-sements (une représentation graphique seracommuniquée par l’ARCEP sur l’affaiblissementen fonction des débits).

Enfin, il est apparu nécessaire d’avoir unemeilleure connaissance des zones blanchesrésiduelles. Catherine Marcadet (ADF) proposede diffuser une enquête lancée auprès desdépartements de manière à évaluer le nombre dezones blanches résiduelles. L’ARCEP élaboreraune fiche type pour réaliser le questionnaire quipermettra de mettre en place un «Observatoiredes zones blanches ».

Zones d’activités économiques etZAE de France Télécom

Les zones d’activité ont également été aucœur des débats. Les représentants des collec-tivités ont exprimé leurs préoccupations quantà la localisation des NRA-HD et sur la

Le CRIP, les zones blanches et les zones d'activités économiques

question des fourreaux pour lesaménagements de zone, déjà existantes ounouvelles. L’AVICCA a proposé que soitélaboré un document recensant l’état dudroit et un état des bonnes pratiques, ainsiqu’une convention type dans le cadre del’aménagement de nouvelles zonesd’activité.

La position particulière de FranceTélécom a suscité de nombreuses interro-gations. Ainsi, il a été souligné la nécessitéde clarifier un certain nombre d’éléments: le recensement des infrastructures (etleurs disponibilités), la propriété et lagestion de ces infrastructures et enfin lepartage et la répartition de celles-ci entredes opérateurs qui en feraient la demande.

Bruno Janet (France Télécom) arappelé que le plan ZAE de l’opérateurhistorique concernera 2.000 zones, soit12.0000 entreprises en très haut débit àpartir de septembre 2004, la mise en placedu Giga-Ethernet dans 30 villes à partir de2006, et un engagement de fournir à touteentreprise, quelle que soit sa localisationen France, un accès haut débit à 2 Mbit/ssymétrique, allié à une baisse des tarifs.

Les préoccupations des opérateurs

Les catalogues de services, les zonesd’activité et le dégroupage des sous-répartiteurs ont fait l’objet de discussionslors de la deuxième réunion, entre collectivitéset opérateurs.

La demande des opérateurs clients desdélégation de service public (DSP) porteessentiellement sur la location de fibre, car c’estpar elle que passe l’innovation. SelonCompletel, la tarification par plaque constitueune barrière à l’entrée. Pour Free, l’investis-sement nécessaire pour l’achat de fibre d’uneplaque est «anticoncurrentiel ». LDCom, quantà lui, estime que le catalogue de services doitévoluer, peut-être vers une logique de tarifforfaitaire en fonction de la taille du répartiteur.

Les petits répartiteursLe dernier thème étudié a été celui des «petits»

répartiteurs (moins de 5000 lignes). Comme l’a

souligné Marc Gauché (SEM e-Téra), les coûtsd’accès à ces répartiteurs freinent l’extension de lacouverture du DSL en zones rurales. L’ARCEP aindiqué qu’il faut la co-localisation distante avecun câble partagé par plusieurs opérateursalimentant un abri, subventionné éventuellementpar la collectivité, pour s’affranchir des coûts destructure supportés par France Télécom.

A l’issue de ces deux premières réunions, il aété convenu qu’un certain nombre de contri-butions devrait parvenir à l’Autorité pourpermettre d’avancer dans la réflexion. Uneprochaine réunion des groupes de travail aura lieumi-septembre. n

Contact : [email protected]

Les groupes de travail du Comité des réseaux d’initiative publique se sont réunis début juillet. Au menudes discussions entre collectivités et opérateurs : zones blanches, zones d’activités etdégroupage des sous-répartiteurs. Compte-rendu.

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Actualité

J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5 l LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 19

Le marché du haut débit restepeu dynamique à La Réunionen dépit de l’appétence de seshabitants pour utiliser Internet.

La principale raison tient au niveau des tarifsde détail qui, à débit équivalent, est deux foissupérieur aux tarifs pratiqués en métropoledans les zones non dégroupées. Autres parti-cularités du marché réunionnais : les débitsproposés ne dépassent pas 1 024 kbit/s surle marché résidentiel et la plupart des four-nisseurs d’accès à Internet proposent desoffres facturées au volume de données télé-chargées.

Les tarifs de détail des offres d’accèshaut débit par ADSL destinées à la clientè-le résidentielle à la Réunion sont largementdéterminées par les coûts du transport desflux IP entre ce département et la métro-pole. C’est la raison pour laquelle l’ARCEPa donné un avis favorable à la décision tari-faire de France Télécom proposant unebaisse de son offre de gros « CollecteIP/ADSL » permettant aux FAI de remon-ter leur trafic en métropole. A titred’exemple, le tarif mensuel du Mbit/s passeainsi de 3 182 à 1 650 euros pour un trafic

Télécoms à La Réunion : une concurrence insuffisanteL’ARCEP estime qu’à la Réunion, et dans les DOM en général, la concurrence n’est passuffisante pour le développement du haut débit alors qu’il s’agit d’un enjeu central pour ledéveloppement social et économique. Pour assurer le développement du marché du haut débit etfavoriser la concurrence, les baisses des tarifs de gros doivent être répercutées, au moins partiellement,sur les tarifs de détail.

compris entre 1 et 20 Mbit/s et de2 869 à 1 500 euros pour un traficsupérieur à 50 Mbit/s. Sachant quel’offre « collecte IP/ADSL » est la plusutilisée à La Réunion, cette baisse destarifs, si elle est répercutée totalement(voire partiellement) sur les prix dedétail, devrait fortement contribuerau développement du haut débit à LaRéunion, comme cela a été observé enmétropole lors des baisses successivesd’IP/ADDSL en 2002 puis en 2004.

Manque de dynamisme des opérateurs

L’ARCEP estime qu’à La Réunion, et dansles départements d’Outre-mer en général, laconcurrence n’est pas suffisante pour le déve-loppement du haut débit alors qu’il s’agit d’unenjeu central pour le développement social etéconomique. Elle espère un dynamisme accrude la part d’opérateurs nationaux jusqu’ici peuprésents dans les DOM et surtout de la partd’acteurs locaux. A titre d’illustration, on peutregretter que la baisse d’une facteur dix du prixdes liaisons de transport sur le câble sous-marinSAFE reliant La Réunion à la métropole, impo-

sée par le régulateur à France Télécom à la suited’un règlement de différend, n’ait pas entraînéde baisse significative des offres au détail.

L’Autorité a rencontré sur place, lors de la10ème Université d’été de la Communicationde l’Océan Indien en juin, des opérateurs etFrance Télécom pour examiner les conditionsd’une bai sse des tarifs de détail et organiser unsuivi de ce dossier. Ces rencontres ont été éga-lement l’occasion d’étudier les problèmes adja-cents qui continuent de se poser comme lasécurisation du câble SAFE. n

Contact : [email protected]

Préfixes «E»Après avoir consulté le secteur,l’ARCEP a choisi de ne pas réattribuerles préfixes "E" restitués par certainsopérateurs pour la sélection dutransporteur, c’est-à-dire le «5», le«6» et le «2», et de conserver cesressources en réserve en vued’autres usages futurs. L’Autoritéévaluera, à l’approche de l’échéanced’attribution, c’est-à-dire en 2013, lenécessité de prolonger l’utilisation decette ressource.

PMR - PAMRL’ARCEP a publié le 12 juillet lasynthèse des contributions à la

consultation publique sur l’introductionde réseaux mobiles professionnels dePMR/PAMR à haut débit dans la bandede fréquences 450-470 MHz. Eu égardà l’absence de demande expresse desacteurs du marché, l’Autorité a décidéde clore les travaux concernant laquestion de l’introduction d’un réseaumobile ouvert au public de PAMR, quien était le sujet principal.

La qualité de service des réseaux mobilesPour la 8ème année consécutive,l’Autorité a fait réaliser, enconcertation avec les opérateurs etles associations de consommateurs,

une enquête pour évaluer la qualitéde service des réseaux de téléphoniemobile en France métropolitaine. Plusde 25.000 appels ont été passés,5.000 SMS et MMS envoyés, 5.000fichiers téléchargés et 2.500 sessionsde navigation Wap et I-mode réalisés.Plusieurs situations ont été testées :en voiture (en ville et surautoroute), dans les TGV, dans lestrains de banlieue, en piéton dans larue et à l’intérieur des bâtiments. Lesmesures ont été réalisées dans les 12villes françaises de plus de 400.000habitants, dans 20 agglomérations(tirées au sort) de 50 à 400.000habitants, et dans 20 agglomérations

de 20 à 50.000 habitants. Lesrésultats de l’enquête – qui a duré sixmois (de novembre 2004 à mai 2005)- ont été publiés à la mi-juillet. Pour leservice voix, ces résultats se situent àun bon niveau. Ils montrent toutefoisque près d’une conversationtéléphonique sur dix passée envoiture et une sur 20 passée enpiéton ne correspondent pas àl’exigence qu’ont les utilisateursd’une qualité auditive et d’une fiabilitédu service comparables à celles de latéléphonie fixe.

BRÈVES

L’enquête peut être téléchargée surwww.arcep.fr

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L ’ARCEP a transmis le 7 juillet2005 au ministre délégué àl’Industrie ses propositions pourattribuer des autorisations

d’utilisation des fréquences de boucle localeradio dans la bande 3,4-3,6 GHz, d’une parten métropole, et d’autre part en Guyane, àMayotte et à Saint-Pierre et Miquelon où desressources sont disponibles. Ces autorisationsdevraient susciter une concurrence par lesinfrastructures dans le haut débit avec ledéveloppement de la technologie Wimax etfavoriser l’émergence de nouveaux servicesau bénéfice de l’utilisateur final.

Selon cette procédure, deux nouveauxacteurs pourront déployer leurs réseaux entout point de la métropole et en Guyane ; ilsse retrouveront aux côtés des opérateurs BLRdéjà autorisés, à savoir Altitude Télécom quidispose d’une licence sur tout le territoiremétropolitain et Mediaserv, actif en Guyane.A Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon, cesont trois nouvelles autorisations quipourront être délivrées pour chaqueterritoire. En revanche, aucune autorisationnouvelle ne sera accordée en Guadeloupe,Martinique et à la Réunion car toute la bandede fréquences est actuellement utilisée.

Le nouveau dispositif, approuvé par laCommission consultative des radiocommu-nications (CCR), prévoit, dans le cadre dechacune des 22 procédures régionales dedélivrance d’autorisations, une phasepréparatoire de deux mois et demi, au coursde laquelle les acteurs intéressés pourrontenvisager des possibilités de mutualiser l’utili-sation des fréquences. L’Autorité étudiera lesdemandes, région par région.

Dans les régions où l’absence de rareté desfréquences est constatée, l’Autorité délivrerales autorisations sur la base de la règle

«premier arrivé, premier servi ». Les autori-sations pourront, dans ce cas, être délivréessur une zone de couverture régionale ouporter sur un département ou plusieurscommunes.

Dans les régions où la rareté desfréquences est avérée, les candidats serontdépartagés sur la base de trois critères : lacontribution au développement territorialdes services à haut débit, l’aptitude du projetà favoriser la concurrence sur le haut débit etle montant de la redevance que le candidatest prêt à payer dès l’attribution.

Un dispositif plus large pourdévelopper le haut débit

Le lancement de cette procédure s’inscritdans un dispositif plus large pour que desacteurs souhaitant développer des servicesd’accès au haut débit aient plus facilementaccès à des fréquences. Tout d’abord, ilsauront la possibilité de sous-louer ou derevendre sur un marché secondaire leursautorisations. Ce dispositif prévu dans lesdirectives européennes permettra à desacteurs d’avoir accès ultérieurement à desfréquences de BLR.

De plus, en fonction des besoins,l’ARCEP pourra par la suite délivrer denouvelles autorisations pour des fréquencesdisponibles dans la bande 3,6-3,8 GHz. Enoutre, grâce aux négociations fructueusesavec le ministère de la Défense, l’ouverture dela bande de fréquences 5,4-5,7 GHz devraitêtre effective d’ici la fin de l’année 2005, pourles équipements radioélectriques respectant laversion de la norme ETSI incluant lesmodalités de DFS (Dynamic FrequencySelection). n

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20 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES l J U I L L E T / A O Û T 2 0 0 5

Actualité

AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES

7, square Max Hymans - 75730 Paris Cedex 15Web: www.arcep.fr - Mél: [email protected] - Tél. : 0140477000 - Fax: 0140477198Responsable de la publication : Paul Champsaur - Directeur de la rédaction: Philippe Distler.Rédaction: Ingrid Violet-Appenzeller, Alain Finot, Jean-François Hernandez (mission communication). Ont contribué à ce numéro : Jean-Claude Beauchemin, Hélène Boisson, Alexandra Branco, Elies Chitour, Catherine Gallet-Rybac, Anne Huguet,Jeremiah Juts, Guillaume Lacroix, Rémy Lebrun, Elisabeth Marescaux, Benoît Melonio, Leyla Merini, Rémy Perthuisot. Crédit photo : ARCEP. Maquette: Emmanuel Chastel - Fabien Planque. Impression: Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau. Abonnement: [email protected].

L’AGENDA DU COLLÈGEJUILLET

n 4 juillet : Le président et les membres del’Autorité présentent aux acteurs du secteur réunis àl’Institut du Monde Arabe le rapport d’activité 2004 del’ART.

Ce rapport seraégalementprésenté, le 21 juillet, àFrançois Loos,ministredélégué àl’Industrie, le 8septembre, àChristianPoncelet, Président du Sénat, le 12 septembre àJean-François Copé, ministre délégué au budget et àla Réforme de l’Etat, porte parole du Gouvernement,et le 13 septembre à Jean-Louis Debré, Président del’Assemblée Nationale.

n 6 juillet : Gabrielle Gauthey participe aux groupesde travail du Comité des réseaux d’initiative publique(CRIP) de l’ARCEP, sur le thème de l’intervention descollectivités locales dans le domaine descommunications électroniques.

n 12 juillet : Gabrielle Gauthey intervient à laconférence organisée à Bruxelles par l’Idate et leFiber–To–The-Home (FTTH) Council, sur le thème del’avenir du FTTH en Europe.

SEPTEMBRE

n 5 septembre : Nicolas Curien fait une leçoninaugurale de l’Ecole d’été du groupement derecherche des Sciences et technologies del’information et de la communication (STIC) duCNRS à La Baule, sur le thème «De l’économie desréseaux à l’économie de l’Internet».

n 8 et 9 septembre : Joëlle Toledano participeà la Conférence ministérielle de la CAPTEF àRabat où sera préparé le Sommet mondial sur lasociété de l’information de novembre prochain.

n 14, 15 et 16 septembre : Paul Champsaurouvre la 3ème réunion annuelle du Réseaudes régulateurs francophones (FRATEL) qui sedéroule cette année à Paris sur le thème « Lesenjeux de la régulation des réseaux et desservices multimédia ». Michel Feneyrol présidel’une des tables-rondes.

n 15 septembre : Nicolas Curien intervient àune séance de l’Académie des technologiesconsacrée à la mémoire d’Hubert Curien sur lethème « Satellites de télécommunications etéconomie de l’information ».

n 21 septembre : Gabrielle Gauthey etJacques Douffiagues participent aux groupesde travail du Comité des réseaux d’initiativepublique (CRIP) de l’ARCEP, sur le thème del’intervention des collectivités locales dans lestélécommunications.

n 22 et 23 septembre : Paul Champsaurparticipe aux troisièmes réunions plénières del’année du GRI-GRE à Copenhague où sontprésentés les travaux de divers groupes de travail,dont certains seront soumis à approbation.

n 23 septembre : Gabrielle Gauthey intervientau colloque organisé par l’Avicca au Sénat surles réseaux d’initiative publique et l’attractivitédurable des territoires.

Les propositions de l’ARCEP pour l’utilisation de fréquences BLRdevraient favoriser le développement de nouvelles solutions radiocapables d’étendre le haut débit sur tout le territoire.

Wimax : l’Autorité proposede nouvelles règles