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A LA RENCONTRE DE SAMEER AL-DOUMY, JOURNALISTE SYRIEN EXILE Les élèves de 2MVA2 dans le cadre du projet « Renvoyé Spécial » ont pu rencontrer le 30 Avril au lycée Sameer Al -Doumy, photo- journaliste syrien. Celui-ci est venu témoigner de son parcours de professionnel de l’information exilé. L’opération Renvoyé Spécial Celle-ci existe depuis 2006, elle est or- ganisée par la Maison des Journalistes (MDJ) en partenariat avec le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information). Des journalistes de la MDJ interviennent auprès de lycéens, partout en France, dans le but de sensi- biliser les jeunes à la liberté d’expres- sion, de la presse, aux valeurs ci- toyennes, à travers le témoignage et l’échange avec un journaliste en exil. Plus de 10 000 élèves ont ainsi pu parti- ciper à cette opération (plus d’une di- zaine de rencontres par an), suscitant de nombreux retours positifs. Pour plus d’informations, consultez le site suivant : http://www.maisondesjournalistes.org/le -projet/ La maison des Journalistes La MDJ est une association de loi 1901, située à Paris, qui accueille et accom- pagne les journalistes contraints de fuir leur pays, pour avoir voulu pratiquer une information libre. C’est un lieu de rési- dence provisoire pour ces exilés, profes- sionnels de l’information. C’est un endroit pour se reconstruire, continuer la mobilisa- tion en faveur de la liberté de la presse et trouver un espace de publication dans son journal www.oeil-maisondesjournalistes.fr. La MDJ a accueilli 400 journalistes environ venus d’une soixantaine de pays. Pour plus d’informations : Mr Lecat, Mme Hugot, Mme Nanni Avant le début de l’interview, tout le monde s’installe tandis que Mme Hugot accueille en arrière plan les journalistes du Courrier Picard, du Journal d’Abbeville et de France Bleu Picardie, venus couvrir l’événement.

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A LA RENCONTRE DE SAMEER AL-DOUMY,

JOURNALISTE SYRIEN EXILE

Les élèves de 2MVA2 dans le cadre du projet « Renvoyé Spécial » ont pu rencontrer le 30 Avril au lycée Sameer Al-Doumy, photo-

journaliste syrien. Celui-ci est venu témoigner de son parcours de professionnel de l’information exilé.

L’opération Renvoyé Spécial

Celle-ci existe depuis 2006, elle est or-ganisée par la Maison des Journalistes (MDJ) en partenariat avec le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information). Des journalistes de la MDJ interviennent auprès de lycéens, partout en France, dans le but de sensi-biliser les jeunes à la liberté d’expres-sion, de la presse, aux valeurs ci-toyennes, à travers le témoignage et l’échange avec un journaliste en exil. Plus de 10 000 élèves ont ainsi pu parti-ciper à cette opération (plus d’une di-zaine de rencontres par an), suscitant de nombreux retours positifs.

Pour plus d’informations, consultez le site suivant : http://www.maisondesjournalistes.org/le-projet/

La maison des Journalistes

La MDJ est une association de loi 1901, située à Paris, qui accueille et accom-pagne les journalistes contraints de fuir leur pays, pour avoir voulu pratiquer une information libre. C’est un lieu de rési-dence provisoire pour ces exilés, profes-sionnels de l’information. C’est un endroit pour se reconstruire, continuer la mobilisa-tion en faveur de la liberté de la presse et trouver un espace de publication dans son journal www.oeil-maisondesjournalistes.fr. La MDJ a accueilli 400 journalistes environ venus d’une soixantaine de pays. Pour plus d’informations :

Mr Lecat, Mme Hugot, Mme Nanni

Avant le début de l’interview, tout le monde s’installe tandis que Mme Hugot accueille en arrière plan les journalistes du Courrier Picard, du Journal d’Abbeville et de France Bleu Picardie, venus couvrir l’événement.

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Qui est Sameer AL-DOUMY ?

Sameer est un photographe syrien origi-naire de Douma, dans la Ghouta orien-tale. Il commence dès 2011, à l’âge de 14 ans, à filmer les manifestations pacifiques et à documenter les événements qui ont lieu dans la région. Un travail qui le con-duit à collaborer avec plusieurs médias à l’échelle locale. Il travaille pour l’AFP, comme photographe à partir de 2014. A travers ses clichés, il relate les violations des droits humains et raconte l’histoire des civils en période de guerre. La qualité de son travail est récompensée par plu-sieurs internationaux : Istanbul Photo Awards en 2015, prix de la Photographie à Paris en 2018. Il obtient également en 2016 le premier prix « reportage » dans la catégorie « Actualité chaude » du World Press Photo.

Sameer, accompagné de Mme Nanni, ensei-gnante d’Anglais dans le rôle de l’interprète. Mr Lecat, Mme Hugot, Mme Nanni

Sa venue au lycée du Marquenterre pour témoigner

Sameer est venu rencontrer les élèves de 2MVA2 le mardi 30 mai de 14h à 16h à l’initiative de Mr Lecat (professeur de Lettres Histoire) et Mme Hugot (professeure documenta-liste). Il commence par interroger la classe sur sa connaissance de la si-tuation actuelle en Syrie. Il raconte ensuite, grâce à la traduction de Mme Nanni, professeure d’anglais, l’his-toire récente de la Syrie (voir par ail-leurs). Il explique longuement le con-texte de guerre et ses conséquences dans la ville où il vivait. Il évoque no-tamment des attaques chimiques du pouvoir contre les civils, des vio-lences qui ont coûté la vie à des mil-liers de personnes depuis le début du conflit. Beaucoup de personnes ont dû quit-ter les zones de bombardements et de guerre, beaucoup ont également quitté le pays, après sept ans conflit, vers la Turquie. Cela était compli-qué de partir car ce n’était pas légal de traverser la frontière. Sameer ra-conte avoir fait sept tentatives de dé-part vers la Turquie en un mois. Il a été rattrapé deux fois, et deux fois il s’est fait tirer dessus. Il est resté en Turquie six mois, sans document officiel, sans visa. Même pour circuler dans le pays, c’était compliqué car il faut une autorisation.

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La Syrie, c’est où au fait ?

La Syrie est un pays d’Asie de l’ouest si-tué sur la côte orientale de la méditerra-née. La Syrie est née du découpage de l’Empire ottoman par la France et le Royaume-Uni après la Première Guerre mondiale. Le territoire actuel n’est donc pas le fruit

d’une construction nationale ou historique ancienne. Seuls les 2/3 du pays sont habités du fait de l’aridité du pays.

Petit rappel historique de Sameer sur l’origine de la guerre civile dans son pays…

La guerre civile prend racine dans le « Printemps arabe », à l’image de la Tuni-sie, l’Egypte ou encore la Libye. Les Sy-riens aspirent alors également au change-ment ; ils ne veulent plus d’une dictature. Ils réclament « Liberté, Justice et Digni-té ». En 2011, à Deera, des jeunes écrivent sur des murs « Le peuple veut la chute du ré-gime ». Bachar Al Assad, alors au pouvoir, ordonne leur arrestation. Ils sont torturés. Les parents réclament justice. L’armée commence alors à riposter. Les manifestations pacifistes prennent alors de l’ampleur. Le peuple réclame la démocratie. L’armée tire sur la foule.

www.universalis.fr

Les manifestations sont réprimées et beaucoup de participants disparaissent dans les prisons du régime. Fin 2011, l’ONU dénombre environ 5000 morts. Mais des soldats se rebellent et protè-gent les manifestations. Ils s’appellent « L’Armée de la Syrie libre ». Des ci-vils ont décidé de prendre les armes à leurs côtés. La répression passe alors du fusil au canon ; la révolution a fait place à la guerre civile. Fin 2012, une attaque chimique a tué 1400 personnes dans sa ville (Douma). Il était 2h30 du matin, tout le monde dormait. Pendant cinq ans, il a fallu trouver des alternatives pour survivre. L’armée a détruit systématiquement les hôpitaux. Aujourd’hui, les syriens ont à nouveau des médicaments et de la nourriture mais le régime continue à voler des en-fants pour en faire des soldats.

Cette photo a fait la Une du New York Times

Mr Lecat, Mme Hugot, Mme Nanni

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INTERVIEW DE SAMEER AL-DOUMY AU CDI !

Après avoir raconté aux élèves son histoire et les conditions de son départ de la Syrie, Sameer s’est gentiment livré au jeu des questions. Les élèves de 2MVA2 posent les questions en anglais, Mme Nanni jouant le rôle de l’interprète.

Quel âge avez-vous ? J’ai 21 ans.

Quelle formation avez-vous suivi en Syrie ? J’essayais de passer le bac mais comme la guerre a commencé, je n’ai pas pu aller jusqu’au bout. L’armée, es-sayant d’entrer dans ma ville, je n’ai pas pu se rendre aux épreuves d’arabe et de mathématiques.

Quand la guerre a commencé en 2011, quelle était votre situation personnelle ? Scolaire ? Professionnelle ? Quand la guerre a commencé, j’étais juste étudiant. Je voulais devenir méde-cin. Je ne m’imaginais pas faire des photos.

Dans quelle partie de la Syrie habitiez-

vous ? J’habitais à Douma, près de la capitale Damas.

Comment avez-vous vécu la guerre civile dans votre pays ? La guerre civile est très difficile à vivre. Tout le monde était concerné ; ma famille, mes amis.

Avez-vous assisté ou subi des vio-lences en tant que civil ? J’en ai vu beaucoup. Des frères, des cou-sins, des amis ont été arrêtés. J’ai vu les marques sur leurs corps quand ils sont revenus. Certains de mes amis sont morts en prison.

Êtes-vous arrivé seul en France ? Je n’ai pas quitté la Syrie seul ; Mes pa-rents et trois frères sont en Turquie, un frère est au Liban, un autre en Arabie Saoudite, et un dernier en Egypte. En fait, nous avons tous fui la Syrie. Tous sont re-fugiés et n’ont pas de documents qui leur permettraient de voyager.

Avez-vous encore de la famille en Syrie ?

Oui. J’ai encore une sœur dans le sud du pays, deux frères dans le nord.

Les élèves de 2MVA2 et les enseignants posent avec Sameer.

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Comment et quand vous êtes-vous inté-ressé à la photographie ? En Syrie, j’aidais mon frère à faire des vidéos pendant trois ans. En 2014, j’ai commencé à faire de la photo en regar-dant des tutos sur Youtube. Puis, de fil en aiguille, j’ai commencé à travailler pour l’Agence France Presse. C’est maintenant vital pour moi de faire de la photo.

Comment avez-vous acheté votre pre-mier appareil photo ? J’ai d’abord fait des photos avec un ap-pareil appartenant à mon frère. Quand l’AFP a commence à acheter mes pho-tos, j’ai fait venir un appareil de Dubaï.

Que cherchez-vous à montrer à travers vos photographies en Syrie ?

Je veux montrer la vie des civils, com-ment ils survivent malgré la guerre, à l’exemple de cette photo d’une dame qui a été blessée au ventre et qui élève des poules dans son appartement parce qu’il faut bien continuer à vivre. Est-ce important pour vous d’avoir eu

des prix, d’être reconnu pour votre tra-vail ? Ce n’est pas mon objectif premier d’avoir des prix. A travers la photo, je veux montrer autre chose, je veux utili-ser ces prix pour faire connaître mes photos et montrer la situation en Syrie.

Y a-t-il une de vos photos que vous ap-préciez en particulier ou qui vous émeut ? Celle que je préfère est celle-ci : On voit une femme et son mari prendre le café dans leur maison détruite. On a, d’un côté, l’image de la guerre avec ses destructions et de l’autre, l’image de la vie avec la ville qu’on aperçoit au loin.

Pourquoi avoir choisi la France ? Con-naissiez-vous ce pays avant votre arri-vée ?

Je n’ai pas vraiment choisi la France pour demander asile. Tous les pays n’accueillent pas les Syriens, la France oui.

Avez-vous été bien accueilli en France ? Vous êtes-vous bien adapté ? Oui j’ai été très bien accueilli. D’abord par la maison des Journalistes, puis au-jourd’hui, je vis dans une famille fran-çaise. J’ai été très bien accueilli.

La vie est-elle différente en France ? Qu’appréciez-vous ici ?

La vie est différente en France oui ! Ici, vous avez la liberté d’expression. Vous êtes libres de manifester. La justice est indépendante.

Aviez-vous voyagé dans d’autres pays par le passé ? Je connais seulement l’Arabie Saoudite car mes parents sont musulmans.

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Quelles formations suivez-vous au-jourd’hui ?

En ce moment, j’apprends le fran-çais, c’est une langue très difficile !

Quel est votre métier actuel en France ? Je ne travaille pas de manière régu-lière. D’abord les études. Je fais quelques photos pour l’AFP.

Êtes-vous toujours photographe au-jourd’hui ? Si oui, quels types de photos faites-vous ? Aujourd’hui, je continue à faire des photos. Je prends des photos de la vie quotidienne en France ; par exemple, j’ai pris des photos au mo-ment de la coupe du monde de foot-ball 2018 et également des photos des gilets jaunes.

Quel est votre statut aujourd’hui (réfugié / droit d’asile) ? Aujourd’hui j’ai le statut de réfugié et j’attends d’obtenir ma carte de séjour qui me permettra de résider 10 ans en Europe. Je ne sais pas encore si je vais demander la nationalité fran-çaise.

Comment envisagez-vous l’avenir ? Espérez-vous rester en France, re-tourner en Syrie ou voyager ? Pour l’instant, je veux rester en France. Je ne veux pas retourner vivre en Syrie, juste y retourner pour voir mes proches là-bas. Pour le mo-ment, je n’ai pas de passeport, donc je ne peux pas voyager dans d’autres pays. Ce qui m’importe le plus, c’est de faire mon métier de photo-journaliste, pourquoi pas dans un autre pays, comme l’Afrique du Sud.

Comment voyez-vous la situation en Sy-rie aujourd’hui ? Et à l’avenir ? La situation en Syrie est très compliquée aujourd’hui. Beaucoup de pays prennent part au conflit et ont introduit des milices comme les USA, le Liban, la Turquie, la Russie…

Pouvez-vous nous parler de la maison des Journalistes ? A quoi sert-elle ? Elle accueille des journalistes qui en ont besoin quand leur liberté ou leur sécuri-té est menacée. Il y a un programme qui permet de continuer à parler de ce que j’ai vécu en Syrie, de parler de ce qu’il s’y passe encore, ce que je fais aujour- d’hui devant vous.

Avez-vous accepté facilement de partici-per au projet Renvoyé Spécial ? Le projet Renvoyé spécial est très impor-tant : il me permet de témoigner de ce qu’est la réalité de la guerre en Syrie et de redire aux gens qu’il y a eu une révo-lution pacifiste avant que la guerre n’éclate.

Pourquoi est-ce important pour vous de témoigner auprès de jeunes lycéens ? C’est important car on oublie qu’avant les années de guerre, il y a eu une révo-lution pacifiste qui a ensuite dégénéré. C’est important d’ouvrir l’esprit des gens à ce sujet.

Mr Lecat, Mme Hugot, Mme Nanni