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55 Dammartin-sur-Tigeaux La Celle-sur-Morin Guérard Voulangis Couilly-Pont-aux-Dames Saint-Germain-sur-Morin Condé-sainte-Libiaire Esbly Crécy-la-Chapelle Le Grand Morin Curieux ouvrages du Grand Morin Le Grand Morin des cités aquatiques Vivre auprès de la rivière à Coulommiers

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Dammartin-sur-TigeauxLa Celle-sur-Morin

Guérard

Voulangis Couilly-Pont-aux-Dames

Saint-Germain-sur-Morin Condé-sainte-Libiaire

Esbly

Crécy-la-Chapelle

Le Grand MorinCurieux ouvrages du Grand Morin

Le Grand Morin des cités aquatiques

Vivre auprès de la rivière

à Coulommiers

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Quand le Grand Morin fait parler de lui, c’est, le plus souvent, parce qu’ilest sorti de son lit. En période de crue, il a en effet forte réputation : ilgonfle rapidement, un peu comme le font les torrents, car ses nombreux

affluents s’écoulent sur des pentes généralement fortes, et ont vite fait de le grossir. Tout le reste du temps, le Grand Morin reste à découvrir, et pour cela,à mettre en valeur.

C’est à Lachy, dans le département de la Marne, que ce Morin-là a débuté sonparcours, à 165 mètres d’altitude, et parcouru 40 km, avant d’entrer en Seine-et-Marne où il s’écoule sur un peu plus de 76 km. Son bassin versant est vaste :1200 km2, dont les deux tiers sont en Seine-et-Marne, répartis sur 66 commu-nes. Il y reçoit une foule d’affluents ; cependant, nombreux sont ceux qui necoulent qu’en période humide, demeurant secs plusieurs mois durant, chaqueété. Cela ne les empêche pas de dessiner des vallons, et parfois plutôt des ravins,de s’entourer de bois, nécessiter des ponts, ou au moins des passerelles auprèsde leurs gués. Ceux qui montrent un débit en tout temps, sont, en rive droite du Morin : les rus de Raboireau , de l’Orgeval, du Liéton, de la Fosse aux Coqset du Mesnil. Le ru de Raboireau vient de Rebais, donne une jolie vallée, et conflue à Chauffry ; l’Orgeval ne mesure qu’un seul kilomètre, mais il est le résultat de deux autres bien plus longs – les rus de Rognon et des Avenelles –

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Vannage à Coulommiers.

Page de droite, anciennevanne à Pontmoulin.

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Curieux ouvrages du Grand Morin

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qui s’écoulent de la forêt du Mans pour le premier, et pour le second, de Doue,dont l’église culmine, solitaire sur sa butte, à 202 mètres ; le Liéton vient de terres qui s’appelaient étangs, et conflue à Mouroux ; le ru de la Fosse aux Coqsse borde d’un joli lavoir au pied de la collégiale de Crécy ; le Mesnil enfin, des-cend du plateau de Coulommes, où s’exploite un gisement de pétrole, et alimentait un moulin avant de rejoindre le Morin, à Couilly-Pont-aux-Dames.Sur sa rive gauche, se jettent principalement : le Vannetin ou ru de Piétrée,l’Aubetin, puis les rus de Binel et de Lochy. Le Vannetin est un ruisseau d’assezbelle qualité, d’ailleurs classé en 1re catégorie piscicole, qui coule à Choisy-en-Brie, dans une vallée presque symétrique à celle du Raboireau, et conflue à Saint-Siméon, après un parcours de 18 km ; l’Aubetin est le principal affluentdu Grand Morin, et fera l’objet d’un autre développement, tant il constitue unevraie rivière ; le ru de Binel est court, mais il naît dans la forêt de Crécy quil’alimente constamment en eau, ce qui lui a valu de faire tourner un moulin ;enfin le ru de Lochy, désormais grossi des eaux qui lui viennent de la ville nou-velle, descend de là-haut, de ce rebord du plateau qui s’affaisse pour laisser la place au confluent de Marne et Morin.

Tout au long de son cours, le Grand Morin se divise en de nombreux bras,que ce soit dû, ou non, à la présence de ses moulins : plus de 50 y étaient recen-sés dans le passé, dont un bon nombre subsiste. A part eux, villes et villagess’étaient généralement implantés à une distance prudente de cet impétueux

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A Condé-Sainte-Libiaire ce pont permet au canal de Chalifert de passer au-dessus du Grand Morin.

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cours d’eau : sur une butte, au pied du coteau ou en remontant sur celui-ci. Aucours du temps, de faubourgs en extensions urbaines, plusieurs l’ont, malgrétout, rejoint puis traversé, s’étendant au-delà. A La Ferté-Gaucher, il est dans lebourg. A Coulommiers, l’histoire de la ville et celle de la rivière sont intime-ment mêlées : le Morin y a plusieurs bras et surtout une fausse-rivière, creuséeau début du XVIIe siècle pour évacuer les eaux, en contournant la ville ; elle l’a,depuis, dépassée elle-aussi. A Crécy-la-Chapelle il joue avec l’eau de ses brassets,bordés de petits lavoirs et surmontés de passerelles, en autant d’accès auxanciennes maisons. Plus à l’aval, on se contient, en retrait, jusqu’à ce que le Grand Morin conflue avec la Marne. Il le fait de curieuse façon : son anciencours est sur Esbly, car un nouveau débouché, plus direct, lui a été trouvé à la fin du XIXe siècle, à Condé-Sainte-Libiaire. Cette principale confluence se faitaprès passage du Morin sous un large pont, aux nombreuses et massives arches,qui porte le canal de Chalifert, un de ces canaux destinés à raccourcir le tempsde navigation sur la Marne. Problème : ce pont, on le verra, est source de com-plication pour la rivière, car il lui fait obstacle en période de crue. Il fut aussi untemps, de 1846 jusqu’à la fin des années trente, où l’on prit l’eau du Morin

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Le Grand Morin traverseCoulommiers.

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Lavoirs à Crécy-la-Chapelleet à Chauffry.

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pour alimenter ce canal de Chalifert; à Saint-Germain-sur-Morin cela se voitencore : une ancienne écluse, comblée de terre, n’est plus en lien avec le Morin,mais constitue le début d’un long canal rectiligne qui rejoignait celui deChalifert. C’est la « branche alimentaire » ; l’eau s’y trouve prisonnière, immo-bile, et, à cet endroit, recouverte de milliers de lentilles d’eau au travers des-quelles seuls quelques canards se risquent un passage ; à l’autre extrémité, sur lacommune d’Esbly, elle a une belle embouchure sur le canal ; un tel site mérite-rait un projet. A rivière complexe, statut compliqué : le Morin ayant longtempsservi à transporter vers Paris le bois de la toute proche forêt de Crécy, il futrendu navigable en 1618, et donc domanial, depuis le moulin de Coude, àDammartin-sur-Tigeaux, jusqu’à sa confluence avec la Marne. Trois siècles plustard, en 1926, il fut radié des voies navigables. De son côté, le petit bras d’Esbly,qui avait perdu le privilège de mener les plus gros flots du Morin à la Marne,redevint non domanial comme le sont le reste du Grand Morin et tous sesaffluents. Enfin, deux syndicats interviennent pour l’aménagement et l’entretiendu Grand Morin ; leur nature et leur rôle seront précisés plus loin.

De bonne qualité dès son entrée en Seine-et-Marne jusqu’à La Ferté-Gaucher,malgré, souvent, une légère opacité, le Grand Morin y est classé en premièrecatégorie piscicole. Par la suite, sa qualité diminue surtout du fait des rejetsurbains; il y est classé en deuxième catégorie piscicole et ce, jusqu’à saconfluence. Rivière aux dimensions intéressantes (15 mètres de largeur, enmoyenne, et de 50 cm à 1 m de profondeur moyenne, avec des creux de plus de deux mètres), le Grand Morin présente des berges généralement abruptes,mais aussi une alternance régulière de zones vives sur des graviers, et de secteurs lents avec de forts herbiers. Cette variété constitue un ensemble favorableà la vie et à la reproduction du poisson. Douze associations agréées pour lapêche se succèdent le long de son cours, regroupant environ 1800 pêcheurs.Son profil permet aussi au Morin d’accueillir des canoës que l’on voit en diverssites, comme devant la petite base de loisirs de Saint-Rémy-de-la-Vanne. Rivière

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Non loin de Saint-Rémy-de-la-Vanne.

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industrieuse, le Grand Morin subissait fréquemment, il y a seulement deux ou trois décennies, des pollutions chroniques ou accidentelles qui émurentnombre de riverains et de pêcheurs. Plus rien de cela aujourd’hui, pour deuxcauses principales : les communes ne cessent d’améliorer leurs dispositifsd’assainissement et d’épuration ; tandis que du côté des industries, c’est surtout– et malheureusement – leur raréfaction qui est la cause de leur moindre impactsur le Morin. Ainsi ne reste-t-il en amont de Coulommiers, comme grandesentreprises directement implantées sur les rives de celui-ci, qu’une faïencerie à La Ferté-Gaucher et une papeterie à Jouy-sur-Morin, alors que les papeteries,pour ne citer qu’elles, avaient longtemps été présentes, et en nombre, sur ceMorin, attirées par sa force et la qualité de ses eaux. Maintenant, de vastes bâti-ments peinent à trouver preneur, et les friches s’emparent de sites où les rouesdes moulins ne tournent plus. Signe d’espoir peut-être : l’un d’eux, à Boissy-le-Châtel, s’est transformé en lieu d’exposition d’art contemporain.

Très vite autour du Morin, à part quelques prairies, petits boisements et peu-pleraies, et jusque sur le grand plateau d’où viennent ses affluents, les terressont vouées à la culture du blé, surtout, comme partout en Brie, mais aussi

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Ancien moulinà Boissy-le-Châtel transformé en galerie d’art contemporain.

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Les Sources avant de sejeter dans le Grand Morin.

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des pois, du maïs, du colza, des tournesols, ou encore de l’avoine. Ce grand plateau n’est jamais monotone ; c’est encore la Brie, mais celle des deux Morinparsemée de boisements, ondulant légèrement, offrant constamment de nou-veaux horizons qui ne s’ouvrent largement que lorsqu’ils portent sur la vallée.Comme dans celle du Petit Morin les vergers de pommiers tendent à régresser,n’occupant que quelques pentes qu’ils partagent avec des prés où se maintientun peu d’élevage, principalement bovin. On voit cependant des chevaux, desmoutons, ici ou là. Les grandes forêts sont plutôt rares : bois de Doue et duMans au nord-ouest, forêt de Crécy au sud-ouest ; mais lorsque leur pente étaittrop forte pour la culture, les coteaux du Morin, comme les vallons de presquetous ses affluents, se sont largement boisés une fois la vigne et les vergers disparus.Cela donne de beaux sites, surtout lorsque le Morin, se heurtant à des rochesplus dures, a dessiné des méandres, parfois resserrés, ce qui lui a valul’inscription du territoire de plusieurs communes (Guérard, La Celle-sur-Morin, Dammartin-sur-Tigeaux, Voulangis et Crécy-la-Chapelle) au titre de laloi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites decaractère (cf p. 174-175). Loin de constituer une récompense, une telle mesurerevient à reconnaître la qualité d’un site, mais aussi la réalité des menaces quipèsent sur celui-ci. Ce qui est vrai à cet endroit peut donner matière à réflexionpour le reste de la vallée, dont l’ensemble reste, encore, de caractère. Encore…car il n’est que de la sillonner pour saisir la mutation, qui se produit sous nosyeux : si l’habitat de plusieurs communes reste remarquablement groupé, ne s’étendant que sur des parcelles vides au cœur des bourgs, ou directementattenantes à ceux-ci ou à leurs hameaux, sur d’autres, les constructions, sansretenue, se succèdent au long de chaque route qui s’écarte du pays. Ici comme,malheureusement, trop souvent dans bien d’autres lieux, certaines entrées de ville ou de bourg ne se distinguent plus, sauf par des constructions éparses

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Moulin de La Celle-sur-Morin.

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et des enseignes excessives ; viennent aussi l’appropriation des berges d’uncôté, et celle des points de vue de l’autre, les prétentieuses tourelles, les clôturesqui ne sont plus protectrices mais offensives, hérissées de toutes parts, auxpilasses surmontées d’inutiles ajouts dominateurs… On pourrait dire cela de toutes sortes d’autres régions ; mais ici, il est encore temps, et la vallée du Grand Morin peut encore évoluer dans la qualité, souvent synonyme de simplicité, rarement de surcoût. Pendant ce temps, au fond de la vallée, là où serpente ce Morin que l’on ne voit qu’à peine, des bâtiments s’abandonnent,en même temps que s’est arrêté le train qui allait de Coulommiers à La Ferté-Gaucher. Il a été parfait du temps où il fallait desservir les usines du fond de vallée ; désormais, il ne va plus là où l’on vit, et, laissant ses barrières se figer, et sa voie se couvrir de ronces, il accentue encore cette lancinante impressiond’abandon de la rivière. Certes il y a moins de travail sur les rives du Morin,mais faut-il, en plus, en oublier celui-ci, ou lorsqu’une activité revient,l’admettre sans exigence, sur le premier terrain venu?

Les eaux du Grand Morin sont de plus en plus belles, et la rivière bien entre-tenue, mais on ne le sait pas, car on ne les voit pas, sauf en de rares endroits,

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Les saules à Tigeaux.

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comme à la Celle-en-Bas, ou Voulangis, où l’on a fait la démonstration de labeauté du Morin : ici c’est la simplicité d’une prairie entre deux eaux, un vieuxpont et des moulins, là c’est l’entretien minutieux d’anciens saules, reconnusremarquables, sur le site où nous est rappelé que les peintres du « Cercle artis-tique » posaient leur chevalet, près du moulin de Saint-Martin, face au clocherde Crécy. Même si cette tendance se retrouve à quelques endroits, surtout à l’avalde Crécy, il faudra se mobiliser largement pour redécouvrir les berges du GrandMorin, à commencer, tout simplement, pour les habitants des communes qui le bordent. Comme on l’a dit pour le Petit Morin, un projet de Parc naturelrégional est mis à l’étude par la Région sur ce nord-est de l’Ile-de-France ; des associations, de particuliers, d’élus, tous passionnés du Morin, se sont cons-tituées pour promouvoir cette idée. Ce devrait être l’occasion de lancer le débatsur le devenir de cette belle vallée ; elle peut se banaliser, et même se dégrader, sion n’y prend garde, ou devenir, pour tous, un passionnant projet, en parlant derivière, de vallée, et des gens, et jamais autrement que des trois à la fois. M. B. !

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Passerelle à Crécy-la-Chapelle.

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Un brasset à Crécy-la-Chapelle.

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Le Parc des Capucins, lumière d’automne.

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Le Musée et les pavillons du Parc des Capucins à Coulommiers.

Le Grand Morin est sans doute l’une des rivières les plus émouvantes deSeine-et-Marne et celle qui se rapproche le plus d’une œuvre d’art. C’est la raison pour laquelle cet ample réservoir de chimères a inspiré tant de

peintres remarquables qu’on dénomme les peintres de la Vallée et c’est elle quicontient une large réserve de folklore, d’écrivains en face de la Seine chevale-resque de Fontainebleau la Royale et la Marne de Meaux la Sainte. C’est la régiondes plumes du terroir. La rivière, elle-même est à sa juste dimension, ni troplarge pour se prélasser sur les plaines, ni trop étroite pour être reléguée à l’étatsecondaire. Nous sommes dans la Brie laitière ou Brie des étangs, souvent effacés par une culture intensive. Les jolis coteaux-jardins recouverts de vigneset de pommiers sont aujourd’hui tapissés d’arbres et de résidences. AlexisMartin nous dit que ces vingt lieues de promenade sont un enchantement. Il n’ya guère de villages où l’on ne découvre une église des XIII ou XVIe siècles.Quelques moulins, étangs et cascatelles et des bourgades qui ont conservé leurplace du marché, ensembles harmonieux bordés de maisons de style.

Le Grand Morin des cités aquatiques

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!Panneau touristiquede la Vallée des peintres.

Sortis de la Champagne, nous nousacheminons vers La Ferté-Gaucher dontle prieuré est remarquable. On l’avaitappelée « la ville aux bêtes », maisles habitants s’en défendaient en disant« il en passe plus qu’il en reste ». Auxalentours se distinguent la chapelle dela Commanderie de Coutan et le petitchâteau de Lescherolles. A Chartrongesvivait la famille de Villefosse qui égrèneses souvenirs non loin de Saint-Barthé-lemy où Marc Villin nous conte lesmaîtres d’école d’avant-hier.A Jouy-sur-Morin, les papeteries du Marais fabri-quaient les assignats et les billets de laBanque de France. Saint-Siméon estdécoré dans son église des fresques naï-ves de son curé. Avant Coulommiers sedresse la « forteresse courroucée » deBoissy-le-Châtel.

A partir de Coulommiers nous tom-bons dans une rivière devenue dorman-te, toute chargée de pittoresque et depoésie où quelques cités converties en

petitesVenise, sont parsemées de canaux.Tout s’y passe. Catherine de Gonzague yconstruisit à la fin du XVIe siècle un château qui ressemblaitau Palais du Luxembourg. Il en reste un beau jardin côtoyépar le Musée des Capucins avec sa crypte en forme de grot-te décorée de coquillages. Au château de Montanglaust, surla colline, se trouve la demeure des parents de La Fontainenon loin de la superbe Commanderie desTempliers qui futsauvée de justesse. Dans la cité se trouve une imprimeriecélèbre, une ancienne prison convertie en bibliothèque,une halle aux fromages et une Caisse d’Epargne qui res-semble à un palais. Au collège vécut Henri Massoul quiécrivit la chronique des lieux où la Révolution fut parti-culièrement virulente.

A partir de l’endroit où se décharge l’Aubetin, la riviè-re et sa vallée deviennent de plus en plus pittoresques,traversant les lieux enchanteurs de Dammartin-sur-Tigeaux et Serbonne puis l’époustouflante collégialede la Chapelle-sur-Crécy située entre le château neuf,et les vestiges de l’ancien ; Julien Green écrit « Elle estadmirable et belle et les autos qui passent n’arrivent pas à

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!Moulin sur les bordsdu Grand Morinpar Chamaliard (col. part.)

la tirer de sa longue méditation. Elle sut garder sa foi. ». A Crécy, autrefois fortifiée, une partie des murailles demeure et trois tours, dont la tour Chatelainoù séjourna Corot. Le Morin se divise en de multiples canaux agrémentés de pittoresques passerelles. Les lieux savamment aménagés n’ont pas pris uneride. La seigneurie qui appartenait à la famille d’Orléans, avant la Révolution, est devenue une belle cité bourgeoise.

Non loin de là se trouve le village de Villiers-sur-Morinau centre de la Vallée des peintres. Amédée Servin en fut le conducteur et Toulouse Lautrec couvrit les murs de l’auberge du «Cercle Artisti que» de fresques disparues.Les paysages qu’en gendre la rivière continuentlégitimement d’ins pirer peintres et écrivains.

Vercors vécut 14 ans à Villiers-sur-Morin ; il y écrivit «le Silence de la Mer» en 1942.

La commune suivante est celle de Couilly-Pont-aux-Dames dont l’abbaye était célèbre et où se trouve aujour-d’hui la Maison de retraite des artistes fondée parCocquelin.

Puis, en déclivité, la rivière divisée va se jeter dans la Marne dans le beau paysage châtelain de Condé-Sainte-Libiaire. C. de B. !

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Collégialede Crécy-la-Chapelle.

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La Commanderie destempliers à Coulommiers.

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Vivre auprès de la rivière

Avril 1983 ; les rivières d’Ile-de-France débor-

dent. Il a beaucoup plu, après un hiver humide,

et les nappes d’eau souterraines ont été bien

rechargées. Au plus fort de sa crue, le Grand Morin

débite, en moyenne journalière, près de 130 m3

d’eau par seconde, quarante fois plus qu’en été.

Il se heurte aux arches du pont-canal de Chalifert,

y accumule branches et troncs arrachés plus haut ;

cela le bloque un peu plus. De l’autre côté, la

Marne, elle aussi, est sortie de son lit ; plus forte

que lui, elle passe d’abord, et empêche le Morin de

libérer ses eaux. Le canal tremble de tout ce tumulte

qui se déroule à ses pieds, et le Morin, empêché

d’avancer, se répand où il peut. Couilly-Pont-aux-

Dames, Saint-Germain-sur-Morin, Montry, Esbly…

partout on colmate, on évacue les maisons trop

basses, les pavillons trop près. Les captages d’eau

potable, qui puisent l’eau sous les alluvions, et

les stations d’épuration, inévitablement proches de

la rivière, aux points bas des communes, ne sont

plus accessibles autrement qu’en canot. L’eau se

trouble et devient impropre à la consommation ;

il faut avoir recours à l’eau embouteillée, et aux

citernes des pompiers. La vie de la vallée, la vie

ordinaire, s’est arrêtée. On guette l’éclaircie,

les yeux rivés sur ces échelles de crue qui jalonnent

la rivière. Quand enfin l’eau se retire, on voit bien

ce qu’est un champ d’expansion des crues et pour-

quoi il ne faut rien y bâtir. Contraignantes, ces

lignes de débordement figurent, progressivement,

sur les documents d’urbanisme des communes ;

ne les trouvent illogiques que ceux qui n’ont pas

vécu ces inondations, ou celles de décembre 1988,

ou encore, les inconscients.

L’Ile-de-France a, généralement, le temps de s’or-

ganiser avant une crue de ses rivières ; le Grand

Morin y ferait presque exception. L’eau peut aller

très vite de l’entrée du département à Coulommiers :

huit heures, à peine le temps d’alerter et de s’orga-

niser, de coordonner le mouvement des vannages de

multiples moulins, là où leur état le permet.

Plusieurs sont habités, ou propriété des commu-

nes, ou encore utiles, et donc entretenus. Par contre,

nombreux sont ceux qui montrent, lorsque l’on par-

vient à les apercevoir, des ouvrages fort délabrés,

car devenus usines, puis abandonnés, ils gardent

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Le Grand Morinen crue entreVoulangis et Crécy.

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grille close. Les chutes d’eau peuvent être impor-

tantes – jusqu’à 2,5 m – et presque tous ces barra-

ges restent infranchissables par les poissons, empê-

chant truites ou brochets de remonter la rivière. Les

inondations du Morin étant fréquentes et souvent

dévastatrices, surtout à l’approche de sa confluence

avec la Marne, deux syndicats se sont, historique-

ment, constitués pour prendre en main la gestion

d’une rivière délaissée par ses riverains, dépassés

par l’importance des travaux, ou simplement

absents : celui d’Etude et de travaux pour l’aména-

gement et l’entretien du bassin du Grand Morin

le plus ancien, dont la compétence va de Boissy-

le-Chatel à la confluence et s’est étendue ensuite

à plusieurs petits affluents, parfois torrentueux,

comme le ru de Villiers ; et celui d’Aménagement de

la vallée du Haut Morin qui, après avoir modeste-

ment débuté par les deux communes de La Ferté-

Gaucher et Jouy-sur-Morin, a admirablement réussi

à rallier toutes les communes de Seine-et-Marne

depuis l’amont du précédent syndicat, à Chauffry,

et celles du département de la Marne jusqu’à

la source du Grand Morin.

Etudes et travaux se sont succédés pendant des

années. A la confluence, quatre imposants « épis »

ont été implantés en rive droite du Morin, afin

d’orienter ses eaux de crue vers le milieu du pont-

canal de Chalifert, et non sur le côté comme

il le faisait spontanément, afin d’en faciliter l’écou-

lement vers la Marne. Surprenants au départ,

ces ouvrages se sont fondus dans la végétation

des berges, et rares sont les jours où vous

n’apercevrez pas, sur chaque épi, son pêcheur,

confortablement installé ! Ailleurs, ce sont les van-

nages de plusieurs moulins qui ont été rénovés, afin

de pouvoir agir sur le débit de la rivière en fonction

de ses crues ou, à l’inverse, de ses étiages d’été,

pour y maintenir une hauteur d’eau suffisante. Puis

des balises donnant simultanément l’alerte à diver-

ses autorités, élus et services, ont été implantées

à Châtillon-sur-Morin (dans la Marne), à Meilleray,

et à Mouroux. Enfin, comme sur toutes les autres riviè-

res de Seine-et-Marne, se déroule sur l’ensemble

de la rivière, et plusieurs de ses affluents, un pro-

gramme permanent d’entretien de la végétation des

rives, sélectionnant les arbres dont les racines tien-

nent bien la berge – ce qui, contrairement aux idées

reçues, n’est pas du tout le cas des peupliers – et

éliminant ceux qui ont pu, malgré tout, tomber à la

rivière, à la suite d’une crue ou d’un trop fort coup

de vent. Là où la végétation n’existait plus, on a

même replanté les berges, pour qu’elles résistent à

l’érosion, lors des crues : les saules de Serbonne

en sont témoins, qui redessinent le Morin. On a

parlé aussi de digues qui pourraient retenir,

quelques heures, ou quelques jours, les eaux excé-

dentaires des plus grandes crues… les études sur le

Morin ne s’arrêteront pas de sitôt. Elles s’ins criront

à l’avenir dans une procédure nouvelle, lourde, mais

concertée : un Schéma d’Aménagement et de

Gestion des Eaux, dont les prescriptions s’impo -

seront dans tous les domaines pouvant influer sur la

quantité ou la qualité de l’eau, qu’elle soit de sur-

face ou souterraine. Celui des deux Morin, interdé-

partemental et interrégional, est engagé ; on y parle

des rivières, des vallées, et des gens : long, diffici-

le, mais prometteur. M. B. !

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