A Ceuta, les lames tranchantes n’arrêtent pas les migrants

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22/03/14 09:19 A Ceuta, les lames tranchantes n’arrêtent pas les migrants Página 1 de 4 http://abonnes.lemonde.fr/europe/article/2014/03/22/a-ceuta-les-lames-tranchantes-n-arretent-pas-les-migrants_4387730_3214.html A Ceuta, les lames tranchantes n’arrêtent pas les migrants tentés par l’Europe LE MONDE | 22.03.2014 à 11h09 • Mis à jour le 22.03.2014 à 11h16 | Par Sandrine Morel (/journaliste/sandrine -morel/) (Ceuta, envoyée spéciale) Un vent d'ouest souffle sur Ceuta. Le ciel est si clair que les côtes d'Algésiras et de Gibraltar, à moins de 30 km, semblent à portée de main. « Tout ce qui nous reste, c'est l'espoir d'y arriver un jour », explique Daniel, le regard vers la mer. Caché dans les montagnes entre Ceuta et Tanger depuis 2010 avec des dizaines d'autres clandestins, ce jeune Camerounais a pris part au funeste « assaut » du 6 février, lorsque 15 migrants sont morts noyés en tentant de passer à la nage la frontière entre le Maroc et Ceuta. « Nous ne sommes pas des criminels. Nous voulons simplement un avenir meilleur pour nos familles », ajoute-t-il. Le plus souvent, les tentatives d'entrées en masse ont lieu au petit matin. Par centaines, ils descendent des forêts où ils se cachent, pour se lancer à l'assaut des enclaves espagnoles de Ceuta ou de Melilla, situées sur la côte nord du Maroc. Mardi 18 mars, près de 500 Subsahariens sont ainsi parvenus à franchir les barbelés de Melilla en escaladant les triples grilles Un migrant originaire du Cameroun, le 28 février, près de l’enclave de Ceuta (Espagne). | JUAN MEDINA/Reuters

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    A Ceuta, les lames tranchantesnarrtent pas les migrants tents parlEuropeLE MONDE | 22.03.2014 11h09 Mis jour le 22.03.2014 11h16 |

    Par Sandrine Morel (/journaliste/sandrine-morel/) (Ceuta, envoye spciale)

    Un vent d'ouest souffle sur Ceuta. Le ciel est si clair que les ctesd'Algsiras et de Gibraltar, moins de 30 km, semblent porte de main. Tout ce qui nous reste, c'est l'espoir d'y arriver un jour , expliqueDaniel, le regard vers la mer. Cach dans les montagnes entre Ceuta etTanger depuis 2010 avec des dizaines d'autres clandestins, ce jeuneCamerounais a pris part au funeste assaut du 6 fvrier, lorsque 15migrants sont morts noys en tentant de passer la nage la frontire entrele Maroc et Ceuta. Nous ne sommes pas des criminels. Nous voulonssimplement un avenir meilleur pour nos familles , ajoute-t-il.

    Le plus souvent, les tentatives d'entres en masse ont lieu au petit matin.Par centaines, ils descendent des forts o ils se cachent, pour se lancer l'assaut des enclaves espagnoles de Ceuta ou de Melilla, situes sur la ctenord du Maroc. Mardi 18 mars, prs de 500 Subsahariens sont ainsiparvenus franchir les barbels de Melilla en escaladant les triples grilles

    Un migrant originaire du Cameroun, le 28 fvrier, prs de lenclave de Ceuta (Espagne).

    | JUAN MEDINA/Reuters

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    de plus de 6 m de haut, surmontes de lames tranchantes. Une centained'entre eux a t blesse, mais c'est en criant leur joie qu'ils sont entrsdans la ville.

    Au total, ils sont plus de 1 000 Subsahariens y tre parvenus depuisjanvier, autant que durant toute l'anne 2013. Ils demeurent dans cesenclaves le temps que soit organis leur transfert sur la pninsule o, s'ilsne sont pas rapatris dans les soixante jours, ils seront remis en libert.En Espagne. En Europe. Pour viter que ne se reproduisent de telsassauts, Madrid a envoy 120 agents en renfort et installe de nouvellesgrilles anti-escalade, aux mailles si serres qu'il n'est pas possible de s'yaccrocher.

    A CEUTA, RIEN NE LAISSE DEVINER LA PRESSIONMIGRATOIRE

    A Ceuta, ce sont 1 500 migrants qui avaient essay d'entrer en masse le 4mars. Sans succs. Les policiers marocains et la garde civile espagnoleavaient form un cordon pour viter le drame du 6 fvrier. Ceuta etMelilla sont les seules frontires terrestres de l'Europe sur le continentafricain, insiste dans son vaste bureau du Palais de l'Assemble, le maire-prsident de la ville, Juan Jesus Vivas. La pression migratoire est trsforte.

    Combien sont-ils attendre aux frontires des deux enclaves espagnoles ? Impossible de le savoir puisque les migrants, par dfinition, sedplacent sans cesse , souligne Mercedes G. Jimenez, professeure enanthropologie des frontires l'universit de Tanger. Le ministre del'intrieur espagnol, Jorge Fernandez Diaz, les estime 40 000,dissmins au Maroc. Ces chiffres sont contests par des organisationshumanitaires, qui dnoncent un discours de la peur utilis par legouvernement espagnol pour demander Bruxelles une politiqueeuropenne commune et plus de moyens.

    A Ceuta, rien ne laisse deviner cette pression migratoire . Dans les ruespitonnes du coquet centre-ville, on ne croise aucun Subsaharien. Sur lapromenade de bord de mer, autour des imposantes murailles mdivalesfortifies, ils sont trs peu. Le Centre de sjour temporaire des immigrants(CETI) de Ceuta, situ 3 km de l, est perch sur une colline. Ses 532migrants y dorment six par chambre et peuvent y suivre des coursd'informatique ou d'espagnol. Ils sont libres d'en sortir leur guise, maisils ne se sentent pas les bienvenus dans la ville , expliquent-ils.

    GILDAS ANDR EST PARTI IL Y A UN AN ET DEMI DUCAMEROUN

    Ils attendent donc avec impatience leur transfert sur la pninsule, aprs

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    la pommique sur les 15 morts du 6 fvrier perdureLe 6 fvrier, Ceuta, la garde civile espagnole a tir des balles en caoutchouc dans

    leau en direction de 200 migrants bout de souffle qui tentaient de pntrer dans

    lenclave espagnole depuis le Maroc. Beaucoup ne savaient pas nager et

    saccrochaient des boues de fortune. Quinze dentre eux sont morts noys ce

    jour-l.

    Que sest-il vraiment pass ? 145 balles exactement et 5 fumignes ont t

    tirs, a prcis, le 19 mars, le secrtaire dEtat la scurit, Francisco Martinez,

    devant les dputs. Mais ses explications nont satisfait personne. Il na pas clairci

    de qui venait lordre de tirer et a ni que les tirs aient provoqu la panique.

    Pourquoi ont-ils tir sur les gens au lieu de les faire sortir de leau et de les rapatrier

    ?, sinsurge Sman, 24 ans, originaire de Guine, prs du centre de rtention de

    Suivre

    un dlai moyen de cinq mois. Ceuta, 84 000 habitants, frappe par untaux de chmage de 40 % des actifs et 60 % des jeunes, ne fait pas partiede l'espace Schengen. C'est une ville de transit. Une prison un peu douce, comme ils disent. Jules, 20 ans, originaire du Congo-Brazzaville, y estdepuis trois mois. Je suis venu la nage, raconte-t-il. a fait cinq ansque je suis parti de chez moi, o mes parents ont t tus par la gurilla.

    Aprs avoir pris l'avion jusqu'au Bnin, il a poursuivi pied jusqu'auMaroc o il est rest deux ans et demi, le temps de faire une dizaine detentatives pour entrer Ceuta la nage. A ses cts, Gildas Andr, 21 ans,est parti il y a un an et demi du Cameroun, o sa mre, malade, vit seuleavec ses deux surs. C'est pour leur envoyer de l'argent qu'il veut arriveren Europe. J'ai tent 15 fois de passer Melilla et 30 fois Ceuta.Finalement, je suis pass il y a un mois et demi en escaladant lesgrillages, seul , dit-il en montrant les cicatrices des lames des barbels.Les passages en masse, trs peu pour lui : La masse, c'est comme uneguerre, tu te fais taper, pitiner, tu reois des balles en caoutchouc, tupeux y perdre un il

    L'entre en Europe par Ceuta et Melilla est la solution des plus pauvres.Ceux qui ont un peu d'argent achtent des petits bateaux de plage pourcontourner la frontire. Les autres paient pour se cacher dans les pare-chocs des voitures. Les plus aiss louent des passeports marocains, leshabitants de la province de Ttouan pouvant entrer sans visa Ceuta. C'estla solution privilgie par les Syriens, qui arrivent rgulirement dans laville ces derniers mois et forment la deuxime communaut la plusimportante au CETI de Ceuta.

    (/journaliste/sandrine-morel/) Sandrine Morel (/journaliste/sandrine-morel/)

    (Ceuta, envoye spciale)

    Journaliste au Monde

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    Ceuta. Nous sommes pauvres. Nous ne parlons pas espagnol et avons du mal

    nous dfendre.

    Arriv il y a quatre mois bord dun bateau de plage, il a particip le 6 mars une

    marche silencieuse Ceuta en mmoire des 15 morts. LEspagne a viol les

    droits de lhomme le 6 fvrier, dnonce la prsidente de lassociation daccueil des

    migrants Elin, la sur franciscaine Paula Domingo. Elle les viole aussi lorsquelle

    rend les migrants au Maroc sans respecter la loi ou quand elle ajoute des lames

    sur les barbels, comme sil sagissait de criminels.

    Il est difficile de trouver un quilibre entre laide humanitaire et lobligation de

    protger les frontires quand fonce un groupe de 500 personnes , explique Juan

    Antonio Delgado, porte-parole national de lAssociation unifie des gardes civils, qui

    demande un protocole daction clair pour viter de nouveaux drames.

    Le collectif Caminando Fronteras, install Tanger, a publi un rapport accablant,

    fruit dune enqute dun mois pour retrouver les corps des victimes dans les morgues

    marocaines et les survivants de lassaut du 6 fvrier. Certificats mdicaux

    lappui, il atteste que des migrants prsentent des marques qui pourraient avoir t

    provoques par des balles en caoutchouc. Il rvle que parmi les 23 personnes qui

    ont rejoint la plage espagnole avant dtre rendues au Maroc, se trouvaient une

    femme, un mineur et deux possibles demandeurs dasile