65 - MAI-JUIN 2018 - GRATUIT · 2018-05-17 · mais aussi avec l'espoir de faire aussi bien que nos...

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N O 65 - MAI-JUIN 2018 - GRATUIT

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Rédacteur en chef adjoint :Olivier Pisella, [email protected]

Conseillers artistiques :Kamil Plejwaltzsky, Howard LeDuc

Rédaction de ce numéro :Olivier Pisella, Julien Foussereau, ThierryLemaire, Jean-Philippe Renoux, ThomasHajdukowicz, Michel Dartay, YaneckChareyre, Cecil McKinley, Hélène Beney,Kamil Plejwaltzsky, Vladimir Lecointre, Jean-Laurent Truc, Alex Métais, Vincent Facélina,Jérôme Briot, Gersende Bollut, LouisaAmara, Boris Henry, Line-Marie Gérold

Couverture :© Manuel Braun

Nous contacter :[email protected]@zoolemag.com

Collaborateurs : Yannick Bonnant et Audrey Retou

Dépôt légal à parution.Imprimé en Italie par TIBER S.P.A.

Les documents reçus ne pourront être retournés.Tous droits de reproduction réservés.

www.zoolemag.com

L orsqu'Olivier Thierry nous aconfié qu'il souhaitait passer lamain, la reprise de lÊemblématique

Zoo par notre entreprise, le groupeCultureBD, nous est apparue comme uneévidence. CÊest avec fierté et enthou-siasme que nous reprenons ce magazine,mais aussi avec l'espoir de faire aussi bienque nos prédécesseurs.

Nous sommes donc ravis et excités àlÊidée de vous présenter ce premier Zoode reprise qui inaugure quelques évolu-tions que nous vous proposerons au fildes numéros⁄ Dès à présent, Zoo devientbimestriel : vous avez donc entre lesmains le numéro de mai-juin. Le prochainsortira début juillet pour la Japan Expo.

J'espère que vous aurez autant de plaisirà lire ce numéro que nous avons pu enavoir avec toute l'équipe à le fabriquer.

Enfin, il me semblait impossible de finircet édito sans remercier à nouveau OlivierThierry pour la confiance qu'il noustémoigne en nous confiant les rênes deson ÿ bébé Ÿ après onze années à la barre.Nous te souhaitons une grande réussitedans tes futurs projets.

Belle lecture,

m Zoommaire m

numéro 65 - mai-juin 2018

ALEX IGNACE

Prochain numéro de Zoo : le 5 juillet 2018

Le logo ÿ coup de cflur Zoo Ÿ distingue lesalbums, films ou jeux vidéo que certainsde nos rédacteurs ont beaucoup appréciés.

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THE PROMISED NEVERLAND : PAGE 39Y

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04 - ZEP : THE END

CINÉ & DVD48 - MUTAFUKAZ : patchwork punk49 - AVENGERS 3 : le symposium infiniment insipide

JEUX VIDÉO50 - NINTENDO LABO : carton plein pour Nintendo

*

ACTU BD08 - RETOUR SUR ALDÉBARAN : Leo rebat les cartes10 - FABCARO : rire, sciences et poésie12 - CONAN : aux racines du barbare14 - HISTOIRES INCROYABLES DE LA COUPE DU MONDE16 - LA GUERRE DES LULUS : les Lulus à Berlin18 - THÉODORE POUSSIN / LE POUVOIR DE LA SATIRE19 - PSYCHOLOGIX : la psychologie pour les nuls20 - CORB-NEZ, épopée (à peu près) carolingienne21 - STRIP-TEASE : mise à nu22 - FLORIDA : la Floride, terre française23 - HERMISTON / GRAMECY PARK24 - MAI 68 : service minimum25 - MAI 68 : bulles et pavés26 - IL FAUT FLINGUER RAMIREZ : quiproquos, tueries et aspirateurs

RUBRIQUES27 - REDÉCOUVERTE : Ticonderoga28 - COMICS : Silver Surfer Parabole, HadrianÊs Wall T.2...34 - MANGAS & ASIE : Japan Expo Awards 2018, Mimikami...42 - JEUNESSE : Tamara, La Grande Aventure de Concombre...46 - ÉVÉNEMENT : festival dÊAmiens, Parc Spirou Provence

EN COUVERTURE04 - THE END : pour Zep, la fin est proche06 - UNE HISTOIRE DÊHOMMES / UN BRUIT ÉTRANGE ET BEAU

m Éditom

Une nouvelle aventure

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E n C o u v e r t u r e

A ficionados du dessinateur suisse, lisez bience qui suit. Pour pouvoir consacrer plusde temps à sa famille et à son travail, Zep

a décidé de ne plus participer à des festivals debande dessinée. Amiens est donc le dernier avantlongtemps, qui plus est agrémenté dÊune large expo-sition rétrospective. Deux très bonnes raisons devenir en Picardie le premier week-end de juin.DÊautant plus que lÊauteur de Titeuf vient y défendreun nouvel album, singulier, qui lÊa secoué, happé,au point de lÊempêcher de dormir tellement lÊhistoirelÊhabitait. Si on devait lui donner une étiquette, The End seraitun polar apocalyptique écolo. ÿ JÊaime les histoiresapocalyptiques, confie Zep. Mais très souvent, cÊest lÊHommequi déclenche lÊapocalypse, ou qui la voit et la répare. Ÿ Laterrible menace qui pèse cette fois sur lÊhumanitévient des arbres, dont la science découvre chaquesemaine de nouvelles et étonnantes capacités. Et sila nature finissait par se débarrasser de nous ?

ENTRETIEN

Pourquoi avoir attendu si longtemps (2013) pourpasser à un dessin réaliste et des histoires plusadultes ?Zep : Le déclic, cÊest la publication de Carnet intimechez Gallimard [2011, NDLR]. Après avoir sélectionnédivers dessins tirés de mes carnets pour réaliser cerecueil, lÊéditeur Thierry Laroche mÊa demandé dÊajou-ter des textes, qui nÊétaient pas des gags. CÊétait lapremière fois que je publiais des choses qui nÊavaientpas vocation à être drôles. Des gens ont beaucoupaimé. Je me suis dit que jÊavais peut-être le droit depublier des albums sans être rigolo. JÊavais plein dÊidéesdÊhistoires, et la première qui est arrivée cÊest Unehistoire dÊhommes.

On sait, pseudonyme à lÊappui, que vous aimez LedZeppelin. Cette fois, par le titre de votre nouvelalbum et le morceau quÊécoute inlassablement lepersonnage du professeur Frawley, ce sont les Doorsqui sont invoqués.JÊadore le rock et lÊironie dÊune musique qui est devenueune musique de seniors. Jim Morrison est forever youngpuisquÊil est mort à 27 ans. Mais les Rolling Stones etles Who sont toujours là. Il y a une sorte dÊarrogancehumaine, en rapport avec le sujet de cette bande des-sinée. Ils pensaient mourir jeunes et puis non, ils sonttoujours là. Mais cÊest cool dÊêtre toujours vivant. Etpuis jÊaimais bien montrer que le professeur Frawley,le vieux sage qui dirige la petite équipe scientifiquequi étudie les arbres, a aussi été un jeune rebelle.

Qui est Arthur, à qui vous dédiez The End ?Mon fils. CÊest lui qui mÊa raconté lÊanecdote des kou-dous dÊAfrique qui apparaît dans lÊalbum. Ça mÊadonné lÊidée de démarrer cette histoire. LÊintriguegénérale est venue en une heure, en marchant dansla rue. Ce livre doit beaucoup à Arthur. Il prêtedÊailleurs ses traits au personnage de Théo et lui res-semble beaucoup psychologiquement. CÊest aussi unactiviste assez radical dans lÊécologie. De mes enfants,cÊest celui qui sÊintéresse le moins à la bande dessinée.Mais on sÊest retrouvés sur ce thème-là.

Quelle a été lÊinfluence de La Vie secrète des arbres,le livre à succès de Peter Wohlleben qui parle destoutes dernières recherches scientifiques sur lesarbres ?Il ne mÊa pas influencé parce que je lÊai lu après coup,une fois mon livre terminé. Wohlleben fait un digest

de tout ce que les scientifiques ont découvert et cÊesttrès bien. Après, il a un côté anthropomorphique quine me convainc pas. Il part du principe que les arbressont comme les humains. Je ne suis pas dÊaccord.

Et est-ce que Carnet intime, dans lequel il y a beau-coup de dessins dÊarbres, a joué un rôle ?Comme énormément de mes confrères et consflurs,jÊai appris à dessiner en copiant les autres bandes des-sinées. Assez vite, jÊai trouvé une manière de repré-senter les personnages, mais pour les décors, cÊétaitcatastrophique. Je me suis donc forcé à aller dessinerdehors, des maisons, des rues, des voitures, des gens.Et ce qui mÊa plu le plus, cÊest de dessiner des arbres.Il y a quelque chose de vraiment contemplatif. Onest assis devant un individu qui a quatre ou cinq foisvotre âge et cÊest assez impressionnant. Ce nÊest pasla même chose que de dessiner une statue. On se ditque ce ÿ vieux sage Ÿ est lui aussi en train de nous

POUR ZEP,Invité d’honneur des 23e Rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens, Zep débarquedans la Somme avec un nouvel album dans ses bagages. Intitulé The End, il décrit unecatastrophe naturelle majeure et mondiale, dont les responsables ne sont pas desmétéorites géantes ou des aliens, mais… les arbres. Retour avec lui sur cette histoireapocalyptique qui, si l’humanité ne réagit pas, risque bien de devenir un récitd’anticipation. Une chose est sûre, après avoir lu The End, vous ne regarderez plus leschênes de la même manière.

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LA FIN EST PROCHE

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E n C o u v e r t u r e en bref

regarder et de nous mesurer dÊune cer-taine manière. Et on le sait maintenant,les arbres réagissent à notre présence.Je pense que cette histoire est venuede là. Après une longue maturation.

Est-ce quÊil y a eu un gros travail dedocumentation ? Parce quÊau fil despages, il y a beaucoup dÊinformationsscientifiques.Très gros. JÊai rencontré beaucoup dÊex-perts et notamment Francis Hallé. JÊaidiscuté avec eux. Je suis allé dessinersur place. Pour réaliser une simple case,jÊai parlé avec des scientifiques quiavaient travaillé 30 ans sur un sujet. Ladifficulté est de distiller toutes cesinformations dans le récit sans que çadonne lÊimpression dÊêtre un ouvragescientifique.On apprend des choses sur le sujettoutes les semaines. On sait désormaisque les arbres communiquent entre euxpar les airs avec des émanationsgazeuses et par le réseau racinien avecdes impulsions électriques. QuÊils modi-fient leur métabolisme en fonction delÊenvironnement. CÊest fascinant.

On découvre dans lÊalbum une théoriealternative à la disparition des dino-saures par une météorite. CÊest uneinvention de votre part ?Oui, tout à fait. Après coup, jÊen ai parléà plusieurs scientifiques, qui ne la vali-dent pas. Mais certains mÊont dit quecÊétait plausible. Et tous mÊont dit quede toutes façons, la théorie de la météo-

rite est très bancale. Même si celle-cisoulève un nuage de poussière pendantdix ans autour de la Terre, tout le mondeaurait dû disparaître.

Dans lÊhistoire, il y a un contrasteentre les personnages principaux quiont un peu de mal à communiquerentre eux et les arbres, qui dévelop-pent un remarquable esprit de groupe.Les Hommes bavardent. Les arbrescommuniquent sur des choses vitales.Chez nous, il y a une forme de déficitde langage. LÊidée que si on ne com-prend pas quelque chose, on plaquetout de suite un mot dessus pour sÊendébarrasser. On est toujours dans unequête de sens. On souffre de ne passavoir à quoi on sert. Dans la globalitéplanétaire, on nÊa pas pris notre place.¤ lÊaube de lÊHumanité, les premierspeuples avaient compris quÊils arrivaientdans un monde déjà habité. Il y avaitune déférence envers la nature. Aumoment de lÊarrivée des religionsmonothéistes, tout ça sÊeffondre. Dieuest un homme et il fait le monde à sonimage. Dieu ordonne à lÊHomme desoumettre la Terre. Il y a un bascule-ment qui fait quÊon a alors voulu ladomestiquer. Dans le meilleur des cas,on se demande aujourdÊhui commentla protéger. Mais il ne faut pas la pro-téger, il faut vivre avec.

LÊhistoire est assez sombre et apoca-lyptique. Mais il y a quand même cettepetite porte de sortie à la fin.

JÊavais envie de finir sur cette idée, pasque les arbres sont gentils, non, maisquÊils laissent une deuxième chance ànotre espèce. CÊest de la fiction. DanslÊHistoire du monde, quand une espècedisparaît, il nÊy a pas de deuxièmechance. Comme je suis optimiste denature, jÊai opté pour une fin un peumoins radicale. Mais jÊaime les histoiresapocalyptiques parce quÊil y a lÊidéefascinante de la page blanche. Avecune question majeure : comment ferait-on si on recommençait à zéro, commeil y a 200 ou 300 000 ans, privés de latechnologie ?

THE END

de Zep,Rue de Sèvres,

88 p. couleurs, 19 €

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Écoutez la BDsur France Culture

Chaquevendredi matin,rendez-vousavec les auteursqui fontlÊactualité de labande dessinéeau micro deTewfik Hakem.Podcasteznos derniersentretiens :

Zep, auteur de BD, pour The End,aux éditions Rue de Sèvres ; LewisTrondheim, auteur de BD, pour lehuitième tome des Petits Riens : Tout està sa place dans ce chaos exponentiel, auxéditions Delcourt / Shampooing ; JulienFrey, scénariste de BD, pour AvecEdouard Luntz, le cinéaste des âmes,aux éditions Futuropolis.

Panoramadu 9e art en 64 pages

Avec lacollectionÿ LÊopportune Ÿ,les PressesUniversitairesBlaise Pascalproposent defaire le tourdÊun sujet en64 pages, petitformat. Lapremière salve

de trois publications donne la possibilitéà Nicolas Labarre de présenter la BDcontemporaine. Vaste sujet sÊil en est,traité à travers le prisme des évolutionsdepuis 60 ans (en gros, la publication en1959 des premières planches dÊAstérix).Sont passés en revue les habitudes delecture, le triomphe de lÊalbum, lesdifférents formats et genres,lÊinternationalisation, la BD en ligne, etc.Plus quÊune simple introduction,lÊouvrage est suffisamment détaillé pouravoir une bonne vue dÊensemble dusecteur. Un bon point dÊentrée.La bande dessinée contemporaine,de Nicolas Labarre, 64 p., 4,50 €

THIERRY LEMAIRE

Aix-en-Provence acte 15Il reste encorequelques jourspour vousrendre à Aix-en-Provence etprofiter de la15e édition desRencontres du9e art. Pas deraisons dechanger unerecette quigagne :

lÊévénement, qui court sur deux mois,propose une dizaine dÊexpositionsdisséminées dans toute la ville quimontrent les passerelles entredessinateurs de bande dessinée,plasticiens, art contemporain. Dupuy etBerberian, Blanquet, Prudhomme, Avril,Micol, Planchon, Lambé, Atak, Reumann,Cartier et bien dÊautres auteurs ontrendez-vous avec le printemps aixois.LÊopportunité pour les visiteurs de faireune nouvelle fois de belles découvertesgraphiques dans un cadre, pour lemoins, très accueillant.Rencontres du 9e art, Aix-en-Provence, jusquÊau 27 mai 2018

THIERRY LEMAIRE

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PROPOS RECUEILLIS PARTHIERRY LEMAIRE

E n C o u v e r t u r e

Q uand paraît Une histoire dÊhommes, en 2013, Zepsemble déjà au firmament de sa carrière. Quepourrait espérer de plus un auteur dont les

albums se vendent par millions, sont traduits en 35 langueset adaptés en dessins animés pour la TV et le cinéma,qui près de 10 ans plus tôt a été très jeune désigné GrandPrix dÊAngoulême par ses pairs ? Eh bien continuer desÊamuser dans sa pratique de la bande dessinée, en chan-geant de registre. Quitte à transformer radicalement sontrait, en troquant le style comique de Titeuf ou Happy Sexpour un dessin plus réaliste, plus acéré, plus élégant, cequi implique de lutter contre ses propres automatismes.

Après un Carnet intime publié en 2011 chez Gallimard, oùil sortait pour la première fois du registre comique, dévoi-lant un certain goût pour la contemplation et la solitude,Zep signe chez Rue de Sèvres son tout premier romangraphique, une histoire dÊamitié, dÊambitions, dÊhésitationsface à la vie, bref une chronique sociale pas dépourvuedÊhumour (faut pô exagérer non plus), mais ne sÊinterdisantaucune émotion.

LIGNES DE VIE

Les quatre membres du groupe de rock ÿ Tricky Fingers Ÿ,séparés depuis 18 ans, se réunissent pour un week-end

festif dans la campagne anglaise, à lÊinitiative de SandroMoon. LÊancien chanteur du groupe est devenu une rock-star, alors que ses copains se rangeaient dans dÊautres

domaines professionnels, commeFrank et JB, ou sont restés commefigés dans le malaise dÊune éternelleadolescence, comme Yvan. Cesretrouvailles tardives leur permet-tront de se souvenir des bons (etdes mauvais) moments passésensemble. Puis viendra le tempsdes confessions⁄

I l y a 25 ans, le jeune William a fait le choix dese détacher du monde et de se consacrer à safoi en rejoignant une communauté de moines

chartreux. Il a prononcé ses vflux : solitude, pauvreté,obéissance, chasteté et⁄ silence. Ainsi, il est devenuDon Marcus, cloîtré selon sa propre volonté dansun monastère. Les semaines sÊécoulent, rythmées parles prières, quelques corvées quotidiennes et unepause hebdomadaire dans le silence et la solitude,

sous la forme dÊune balade en montagne. LÊhéritagede sa très riche tante, qui pourrait permettre à sacommunauté de résoudre des soucis de toiture,conduit son ordre à lui demander dÊinterrompre saretraite pour régler cette affaire. Dans le train qui letransporte vers Paris, il occupe le même comparti-ment quÊune jeune femme, Méry. Elle se sait frappéepar une anomalie vasculaire susceptible de dégénérersans prévenir, ce qui pourrait lui être fatal.

FACE AU TUMULTE

Trois ans après son incursion dans le sitcom inti-miste, qui lÊavait obligé à se repenser graphiquement,Zep reprend son trait ÿ roman graphique Ÿ pourun nouveau récit. Entretemps, lÊauteur a encore plusdiversifié sa production. Bien sûr, il a continué Titeufchez Glénat. Mais il sÊest aussi lancé dans des chro-niques dÊactualité publiées sur le site lemonde.fr etréunies en album chez Delcourt sous le titre Whata Wonderful World. Et il a scénarisé lÊalbum érotiqueEsmera, dessiné par Vince. Quatre projets bien dif-férents pour échapper à tout risque de routine. Unbruit étrange et beau est donc lÊhistoire croisée dÊun

homme forcé de retrouver letumulte de la société et toutce quÊil a fui depuis 25 ans enchoisissant une vie hors dutemps, et dÊune jeune femmepour qui il est urgent desavourer chaque instant dÊunevie fugitive.

Loin de l’univers rock d’Une histoire d’hommes, Un bruit étrange et beau révèle le goût de Zep pour la contemplation et sonrapport au spirituel.

c UN BRUIT ÉTRANGE ET BEAUde Zep, Rue de Sèvres, 84 p. couleurs, 19 €

Pour son premier roman graphique, Zep imagine un récit intimiste : les quatre membres d’un ancien groupe de rock se retrouvent18 ans après leur séparation, pour un week-end entre souvenirs et révélations difficiles.

JÉRłME BRIOT

c UNE HISTOIRE DÊHOMMESde Zep, Rue de Sèvres, 62 p. couleurs, 18 €

JÉRłME BRIOT

Vieux potes, rock et muffins©

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Du vacarme dans le silence

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L eo nÊavance pas en terreinconnue : ÿ Oui, ça fait unmoment que jÊavais ce retour en tête

dont je signe dessin et scénario. Quand jÊaicommencé Les Survivants, je voulais trouverà mes personnages une autre aventure pour lasuite, en particulier pour Manon qui nÊavaitjamais rencontré Kim Ÿ. Arrêt sur image.Kim rentre à la maison, héroïne pourles uns, dont le gouverneur Kurt etune partie de la population, mais aussi,pour dÊautres, une sorte de collabo àla solde des extraterrestres, les Tsal-térians. Ils ne se sont pas faits que descopains, les E.T., depuis leur arrivéesur Aldébaran. Pour beaucoup, ce sontdes colonisateurs potentiels dissimuléssous des airs de bienfaiteurs un soup-çon arrogants. Comme en prime lepère de la petite Lynn est lÊun dÊeux,la situation de Kim est précaire. Elleest la cible dÊune tentative dÊassassinatdéjouée par Manon, dont elle va sÊat-tacher les services.

Et cÊest parti. La montée en puissanceest rapide. Kim broie du noir. Lefameux cube avec sa porte quantiquemène on ne sait où, des nouveaux per-sonnages relancent la série. Leo avoulu ouvrir deux pistes dans cettesuite où le côté dramatique sÊimposeimmédiatement : ÿ Il fallait avoir cettepossibilité. Et on doit toujours trouver des per-sonnages qui sÊajoutent au récit, quÊon a sousla main pour mieux les travailler. Même siensuite ils perdent un peu dÊimportance aubesoin. Il se passe beaucoup de choses dans cepremier tome. Je le voulais. Je suis en train dedessiner le tome 2 qui aura surtout pour cadrece monde étrange qui part du cube, mais àdécouvrir au fil des albums Ÿ.

RÉALITÉ ET SF ROMANESQUE

On se souvient que Kim sur Antarèsavait eu quelques soucis avec une sectereligieuse qui a ses émules sur Aldébaran.Pour eux, Kim cÊest le diable. Et Leorevendique tout à fait ce mélange deréalisme quasi contemporain, politique,au racisme latent, violent et une visionromanesque de fiction : ÿ Ça fait partie dema façon de raconter des histoires. Il faut toujoursquÊil y ait justement cette part du réel dÊaujour-dÊhui. CÊest une bonne façon de faire de la science-fiction. Mais avant tout il y a lÊhistoire. Le reste,cela demeure une toile de fond Ÿ. Leo a vouluaussi bouleverser les règles et ne plus secantonner à une Kim exploratrice de

planètes à coloniser. Kim entame unegrande aventure, mais sans la sécurité,on verra comment, dÊune technologieavancée pour percer le mystère de cecube quantique sur lequel travaillentensemble humains et Tsaltérians. ÿ Ilfallait trouver le moyen de changer le schémaque jÊavais conçu jusquÊà présent. Kim partaittoujours sur une autre planète bien identifiée pourvoir sÊy on pouvait y habiter. Cette fois, avecses partenaires, dont certains du début, elle nesait absolument pas où ils vont. Grâce au cube,ils déboulent dans un monde insoupçonné. ŸLeo fait jouer le hasard, change la donneet le décor habituel, le déroulement delÊhistoire se trouve chamboulé.

TENSION PERMANENTE

Comme il aime bien, en plus, ajouterdes épreuves inhabituelles à ses héros,Kim et ses compagnons devront êtreencore plus imaginatifs, livrés à eux-mêmes. Suspense oblige, Leo, scéna-riste infatigable, surprend une fois deplus avec ce Retour sur Aldébaran. Sonsens de la narration est en alerte, soustension en permanence. Sa façon detravailler en est la preuve : ÿ JÊai une idéegénérale du cycle. Je sais comment ça va finirmais je peux évoluer pendant que je crée lÊhistoire.Pour ces trois tomes de 60 pages du Retoursur Aldébaran, ça va prendre du temps biensûr et lÊinspiration vient justement avec le temps.Je me suis aperçu que cela me donnait une vraie

liberté pour perfectionner mon récit Ÿ.Leo est concentré sur cette nouvelleaventure au dessin toujours aussi effi-cace, typé, tout en signant au scénarioAmazonie et Centaurus, dont le T.5 sorten juin. ÿ En nÊayant que le Retour à des-siner, je peux publier un album par an. MaisjÊai plein dÊidées pour lÊavenir. Ÿ Un retourqui nÊa pas été très compliqué pour Leoqui, il le dit, voulait ÿ commencer un nou-veau cycle sans décevoir. Je cherchais effecti-vement cette relance que jÊespère réussie Ÿ. Cequi est le cas.

Leo rebat les cartesKim rentre chez elle, sur Aldébaran, avec sa fille, Lynn. Leo, qui avait prévu depuis longtemps cet épisode, la renvoie sur sa planètepour un nouveau cycle d’une saga commencée en 1993. Après les six albums d’Antarès, Retour sur Aldébaran en trois tomes neva pas être une partie de plaisir pour Kim. Elle va croiser la route de Manon, déjà vue dans Survivants, quelques psychopathes etse heurtera à un cube quantique aux pouvoirs mystérieux.

RETOURSUR ALDÉBARAN, T.1

de Leo,Dargaud, 64 p. coul., 12,99 €

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JEAN-LAURENT TRUC

A c t u B d

V ous publiez plusieurs albums en lÊespacede quelques mois : il est loin le temps dela crise dÊinspiration, voire de motivation,

décrite dans Pause ?Fabcaro : Après Zaï zaï zaï zaï, jÊai eu besoin de prendreun peu de recul pour évacuer toute cette agitation,Pause notamment mÊa aidé à ça.

Le succès de Zaï zaï zaï zaï a-t-il vraiment changéles choses pour vous ?Il a surtout changé le regard que les autres portentsur mon travail et il faut se débrouiller avec ça, conti-nuer à en faire abstraction pour avancer en touteliberté.

LÊamour et la vie de couple sont au centre de plu-sieurs de vos nouveaux albums (Et si lÊamour cÊétaitaimer ?, En attendant, Moins quÊhier, plus quedemain). Cette problématique vous intéresse plusque jamais ou est-elle avant tout une inépuisablesource de situations comiques ?CÊest plutôt un hasard du calendrier des sorties quifait que trois livres sur ce thème sortent lÊun aprèslÊautre. Cela dit, oui, cÊest une problématique qui mepassionne. CÊest un beau moteur narratif.

Et si lÊamour cÊétait aimer ? est une parodie desrécits sentimentaux développés notamment par lesromans-photos ou les sitcoms. Ces derniers contien-nent par essence des situations générant un humourparticulièrement absurde ?Oui, ces situations sont presque drôles telles quelles,au premier degré, tellement cÊest codifié et figé. Etfaire dire nÊimporte quoi à des personnages aussisérieux est assez jouissif.

Sur cet album, votre dessin est différent ; vous êtes-vous inspiré dÊimages préexistantes ?Oui, lÊidée était de vraiment coller à lÊesthétiqueroman-photo : il fallait que les postures soient aussi

graves, figées et solennelles pour que le décalagefonctionne.

Comment est né En attendant, dessiné par GillesRochier ? Les dessins découlaient des textes ouétait-ce lÊinverse ?CÊétait une période où, avec Gilles, on avait un peuenvie dÊune récréation hors BD. Techniquement, onfaisait des aller-retours, un peu en free jazz, en évitantla redondance texte-dessin.

Dans cet album, le décalage entre textes et imagesgénère une poésie vive dÊautant plus forte et trou-blante quÊelle sÊappuie souvent sur des préoccupa-tions et formules issues du quotidien. Que souhai-tiez-vous faire et véhiculer ?Entre nous, on appelait ça des ÿ punchlines poétiques Ÿ,avec de gros guillemets. On avait envie de retrouverce flow des morceaux de rap. Je suis même allé jusquÊàles faire rimer deux à deux pour obtenir ce rythme.

Vous signez cet album ÿ Caro Ÿ ; est-ce une manièrede le distinguer dans votre travail ?Oui, les lecteurs associent Fabcaro à des livres dÊhu-mour. Ici ça nÊest pas le cas. JÊavais envie de marquerla différence pour ne pas les tromper.

Dans Zéropédia, prépublié dans le magazine Science& Vie Junior, lÊhumour provient du décalage entreles textes à vocation didactique et les situations

décrites par les dessins, ouvertement comiques. Lascience est-elle un terreau particulièrement propiceà lÊhumour absurde ?Tout est propice à lÊhumour absurde. Mais, oui, plusles situations sont carrées et rationnelles, plus il estdrôle de les décaler.

Votre palette comique est assez large, mais votrehumour repose fréquemment sur le décalage, larupture⁄ Cela vous vient spontanément ou vousle travaillez ?Ah non, je ne travaille pas grand-chose à vrai dire. Jedevrais peut-être⁄ CÊest comme le sport ou lÊarrêtde la clope, on repousse toujours au lendemain⁄

Fabcaro :

PROPOS RECUEILLIS PAR BORIS HENRY

rire, sciences et poésie

FABCARO : PARUTIONS RÉCENTESc ET SI L'AMOUR C'ÉTAIT AIMER ? de Fabcaro,6 Pieds sous terre, 56 p. bichromie, 12 €c EN ATTENDANTde Caro et Gilles Rochier,6 Pieds sous terre, 64 p. couleurs, 10 €c MOINS QU'HIER, PLUS QUE DEMAINde Fabcaro, Glénat, 64 p. couleurs, 12,75 €c JEAN-LOUIS ET SON ENCYCLOPÉDIE (NE) de Fabcaro, Glénat, 80 p. couleurs, 12,75 €c ZÉROPÉDIA, T.1de Fabcaro et Julien/CDM,Dargaud, 108 p. couleurs, 14,99 €

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Dans Pause, en 2017, Fabcaro faisait état de la remise en question qui a suivi le succès de Zaï zaï zaï zaï (2015). Ses publicationsrécentes ou à venir sont l’occasion de mesurer le chemin parcouru depuis.

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À lÊorigine de ce projet, ontrouve le prolifique scénaristeJean-David Morvan, auteur,

entre autres dizaines de titres, de Sillageet responsable chez Delcourt de la col-lection Ex-libris, proposant des adap-tations en BD de classiques littéraires.ÿ JÊai ce projet depuis 13 ans, quand jÊai vuque lÊfluvre de Howard allait entrer dans ledomaine public en Europe. Avant, personne nenous aurait vendu les droits ! Le problème descopyrights américains, cÊest que Sprague deCamp a réécrit dans toutes les nouvelles et quÊilétait impossible de démêler ce qui était de lamain de Howard des ajouts. Or pour pouvoirpublier du Conan libre de droits, il fallait êtresûr de nÊexploiter que du matériel écrit parHoward. CÊest ce quÊa permis la nouvelle éditionmenée par Patrice Louinet, en France chezBragelonne, qui, partant des manuscrits origi-naux, a restitué les textes tels que leur auteurles avait écrits. Ÿ

REVENIR AUX SOURCES

Cette contrainte de repartir des sourcesnÊen est pas vraiment une pour Jean-David Morvan qui, bien quÊayantdécouvert le personnage par les adap-tations quÊen firent John Buscema etRoy Thomas, est très attaché à la prosede Howard. Une fois convaincu duprojet, Benoît Cousin des éditionsGlénat recrute Patrice Louinet, spécia-liste de Howard, comme superviseurde la conformité des fluvres à lÊespritde lÊauteur.Divers auteurs que Jean-David Morvanavait pressentis pour la collectionacceptent de relever le défi. Le bal estouvert par la sortie simultanée de LaReine de la Côte Noire par Pierre Alary etMorvan lui-même et du Colosse noir par

Ronan Toulhoat et Vincent Brugeas(les auteurs de Block 109, du Roy desRibauds et du tout nouveau Ira Dei).Suivront ensuite fin août une adapta-tion dÊAu-delà de la rivière noire parMathieu Gabella et Anthony Jean (lesauteurs de La Licorne) et en octobre cesera La Fille du géant du gel par RobinRecht. Le planning est également bou-clé pour les deux années à venir. Lesnoms de Jae Kwang Park et SylvainRunberg, Luc Brunschwig et ÉtienneLe Roux sont annoncés.

ÿ Nous verrons si les lecteurs seront au ren-dez-vous⁄ En tous cas Glénat y croit, sansdoute encouragé en partie par le succès de lasérie Elric, confie Jean-David Morvan.Or Conan le Cimmérien est beaucoupplus connu quÊElric de Melniboné. Mais quelque soit le succès, la série comptera au maximum20 albums, car Howard nÊa pas écrit plus dÊhis-toires avec le plus célèbre de ses héros. DÊailleursnous nÊen ferons sans doute que 18, car il y adeux nouvelles pour lesquelles Patrice nÊest paschaud. Ÿ

DES ANNEAUX D’OREILLEDU MEILLEUR EFFET

Le point fort de cette collection, quiprovoquera peut-être la surprise, voirela colère des partisans des comics, cÊestque les auteurs se sont écartés, dansleur approche du personnage principal,des canons établis par les couverturesde Frank Frazetta et les bandes dessinéesde John Buscema. Ainsi lÊapparence dubarbare varie dÊun album à lÊautre.ÿ Personnellement, avant de rejoindre cette aven-ture éditoriale, je ne connaissais de Conan quele film de John Milius, nous déclare VincentBrugeas, mais Patrice Louinet nous a instam-

ment interdit de lire les adaptations de Buscemaet Thomas ! Il voulait que nous puissions nousréapproprier le personnage sans être influencés.Ainsi, pour son aspect général, Ronan et moisommes partis du William Wallace interprétépar Mel Gibson dans son Braveheart, un filmqui nous a beaucoup marqué quand nous avionsdix ans ! Ÿ

Ainsi le Conan de Toulhoat a le frontdégagé et quelques nattes, celui dÊAlaryapprécie les tatouages et celui deGabella arbore un ÿ half hawk Ÿ (tempesrasées) et des anneaux dÊoreille dumeilleur effet.

Fidélité à lÊfluvre alliée à la libertécréative, la direction impulsée est par-faitement louable. On déplorera toutde même, dans cette première fournée,que Pierre Alary, dont on apprécie ledynamisme du dessin, nÊait pas résistéà quelques outrances, sans doute liéesà son style cartoon, mais inappro-priées⁄ En effet, nager en armuredevrait toujours rester un problème.Dans la même histoire, le personnagede Bêlit (le seul amour connu deConan) déçoit, que ce soit par sonapparence ou par son comportement,

dÊune égale mièvrerie. Au-delà de cespetits bémols, la collection est le pro-duit soigné de gens passionnés quidevrait donner satisfaction aux ama-teurs de fantasy et permettra peut-êtreà certains de découvrir la prose incom-parablement énergique de Howard.

VLADIMIR LECOINTRE

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AUX RACINES DU BARBAREAprès avoir lancé il y a deux ans une collection Mickeyconstituée de créations originales d’auteurs européens, leséditions Glénat s’affrontent à un autre géant de la cultureétatsunienne du XXe siècle : Conan – une des figures majeuresde la fantasy, créé par Robert E. Howard (1906-1936).

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CONAN LE CIMMÉRIENdÊaprès Robert E. Howardc LE COLOSSE NOIRde Vincent Brugeaset Ronan Toulhoat,Glénat, 72 p. couleurs, 14,95 €c LA REINE DE LA CłTE NOIREJ.-D. Morvan et Pierre Alary,Glénat, 64 p. couleurs, 14,95 €

Ces deux albums sont également éditésdans des versions n&b, 29,50 €

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Q ue certains auteurs et éditeursnous pardonnent, nous netraiterons pas toutes les séries

BD consacrées au foot. Nous passeronsà la vitesse dÊun Flo Thauvin au galopsur toutes les créations humoristiquesou panégyriques, dont on pourrait sedemander si elles ne tiennent pasdÊabord du produit marketing. Le foot,cÊest populaire, ça fait vendre, donc çaengendre quantité de produits. Soleilet sa série consacrée au PSG, Bambooet ses Footmaniacs, Hugo BD et sa sériesur lÊOM (Droit au but) ou encorelÊéquipe de France (Le Réveil des Bleus),vous avez du choix.

ANECDOTES DE COUPE DU MONDE

DÊailleurs, Histoires incroyables de la Coupedu Monde nÊest pas à proprement parlerune BD. CÊest un ouvrage instructif etpédagogique qui utilise des séquencesde bande dessinée pour incarner lesanecdotes proposées. 29 auteurs vien-nent apporter ces respirations ludiquesfort appréciables. On se balade doncen textes, photos et planches de BD dela première Coupe en 1930 jusquÊà celleau Brésil en 2014.

On y raconte comment des guerrestrouvent de lÊécho dans des matchs,comment un gamin brésilien devint uneicône, comment le recordman de butsarriva là sans être le premier choix, oucomment 23 footballeurs dans un busont fait rire la planète entière.Bien construit, le livre trouvera unebonne place sur la table du salon pourêtre feuilleté pendant les mi-temps dejuin afin de partager des souvenirs enfamille ou entre amis.

RAYMOND REDING,L’INCARNATION DU FOOT EN BD

Raymond Reding est bédéaste. Il estlÊauteur dÊune des premières séries BDspécifiquement footballistique : VincentLarcher. Sept albums publiés de 1969 à1975 tout de même, après une pré-publication dans le journal Tintin. Cetavant-centre du Milan AC évoluait dansun univers fort aventureux, avec un amitélépathe, dÊétranges créatures en cou-verture du tome 1 et tout de même debelles séquences sportives. Un mélangede ce qui plaisait aux lecteurs de Tintinde lÊépoque, incontestablement. Reding se fera le spécialiste du genre,

en créant en 1979 pour lÊhebdomadaireSuper As le personnage dÊÉric Castel,pour une série cette fois purement spor-tive et qui reste en mémoire pour sontraitement très humain des différentspersonnages.

QUE FAIRE LIRE AUX ENFANTS ?

Si on veut parler aux plus jeunes, deuxtitres font référence en ce moment.Soleil propose lÊadaptation du dessinanimé Foot2rue, signée Mathieu Mariolleet Philippe Cardona. Le dernier tomeest paru en 2014 mais la série est encoredisponible à la commande. Une réfé-rence issue des programmes télé, cÊesttoujours aidant.Les pré-ados ou les jeunes déjà lecteursde BD choisiront peut-être de se tournervers Louca, de Bruno Dequier, chezDupuis. Les sujets sont plus matures etle quotidien du collégien parlera sansdoute aux lecteurs.

BONNES LECTURES POUR ADULTES

Les amateurs taquins connaissent sansdoute déjà Football Football de GuillaumeBouzard, paru chez Dargaud. Deuxtomes caustiques à souhait, lÊauteur estun vrai passionné et sa veste de footballperso est devenu un symbole que toutbon fan connaît.Pour ceux qui aiment lÊHistoire, Unmaillot pour lÊAlgérie de Kris, ChristianGalic et Javi Rey, chez Dupuis, est unincontournable. LÊhistoire de la premièreéquipe algérienne est dÊailleurs reprisedans Histoires incroyables de la Coupe duMonde. Quand la géopolitique et le footse croisent, on ne peut pas passer à côté.Enfin, Prolongations de Robin Walter,chez Des ronds dans lÊO, satisfera leslecteurs les plus pointus. LÊauteur avolontairement souhaité aborder unmaximum de sujets contemporains etintrinsèques au football. On frise lereportage.

ET L’ASIE DANS TOUT CA ?

La Coupe du monde ne fait pas vrai-ment lÊaffaire des nations asiatiques oùelles ont jusquÊici peu brillé, en dehorsde 2002 lors de la coupe Coréo-japo-naise. Histoires incroyables de la Coupe du

Monde nous rappelle bien combien leparcours de lÊéquipe coréenne laissa ungoût sulfureux derrière elle.Et côté bande dessinée ? Toute unegénération a encore le frisson de caval-cades intenses de plusieurs kilomètresde long, de terrains si étendus que lÊonpercevait la courbure de la Terre : Oliveet Tom [Captain Tsubasa en VO, NDLR].Dessin animé mais surtout manga signéYoichi Takahashi et publié de 1981 à1988 au Japon. Six suites suivront.AujourdÊhui, les jeunes disposent tou-jours de leur manga de foot, encoreplus spectaculaire, Inazuma 11. Le Japoncontinue dÊaimer le foot et les mangasqui y sont consacrés continuent de tou-cher largement au-delà du pays.Ne nous quittons pas sans une petitepensée pour le meilleur gardien dumonde, Gaston Lagaffe et son célèbremur de fumée de cabillaud à lÊananasbrûlé. Franquin nous a offert de bellesscènes de foot. Le blog du Footichiste1

les a référencées, nÊhésitez pas àreprendre quelques souvenirs.Souvenirs que vous trouverez aussidans Histoires incroyables de la Coupe duMonde, une belle occasion de réunirautour de la télé en ce mois de juinfans de foot et de BD !

La 21e édition de la Coupe du monde de football (en Russie cette année) est imminente. Ça va parler hors-jeu et penalty pendantde longues semaines. Les amateurs de BD profiteront peut-être de la parution du livre Histoires incroyables de la Coupe duMonde pour lier deux passions. L’occasion de faire le point sur les bandes dessinées marquantes liées à l’univers du football.

HISTOIRES INCROYABLESDE LA COUPE DU MONDE

par Emmanuel Marieet collectif, Éd. Petit à Petit,

192 p. couleurs, 19,90 €

ballon rond comme les autresLe phylactère est un

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Une nuit à Rome, T.3,de Jim

Nos 50 ans,à Rome !LÊoccasion esttrop belle.Refaire lÊhistoire.Pourquoi pas ?Celle du couplequi se cherche etne se trouve pasforcément.Vieillis, ils

émeuvent, touchent au cflur. Fluiditédu propos, de lÊaction. Beauté deslieux : Paris, évidemment, et Sète,Venise occitane, apparaissent aussilumineuses que la ville éternelle. Letemps passé et lÊabsence de la familleimposent les regrets. Amis et copainsde boulot festoient. 50 ans ! Où estlÊessentiel lorsque lÊon court après unrêve ? Unis par un serment, Marie etRaphaël cheminent lÊun vers lÊautre,jusquÊà cette villa romaine accueillanteoù la jeunesse exubérante descomportements explose. Le destinfrappe et lÊessentiel surgit. Une foisencore, Jim enchante son monde ensÊautorisant cette alternativecaptivante jusquÊà son terme.Grand Angle, 104 p. couleurs, 18,90 €

VINCENT FACÉLINA

Les Visés,de Gosselin et Nanni

Fruit de lacollaborationfranco-italienneGosselin / Nanni,Les Visés est uncaptivant récitayant pourambition deplonger le lecteurdans la tête deCharles J.

Whitman, lÊauteur de la célèbre tueriedÊAustin en 1966. Les quelqueséléments de la personnalité et duparcours du tueur égrainés ici ou là nesuffisent pas, bien entendu, à expliquerun tel drame. Ils permettent toutefoisdÊapprocher la folie latente dÊun jeunehomme loin dÊêtre stupide, ambivalent,féru dÊamour et violent à ses heures,dont les blessures émotionnelles nÊontjamais trouvé de voie rédemptrice. Leparti pris graphique rétro au tramageprégnant confère aux Visés uneatmosphère irréelle et pudique.Cambourakis, 112 p. couleurs, 22 €

OLIVIER PISELLA

Pepe Carvalho, T.1,Tatouage, de Montalban,Migoya et Segui

Montalban estun importantauteur catalande romanspoliciers, qui adonné avec lesenquêtes duprivé PepeCarvalho unepeintureintéressante de

l'Espagne (17 romans parus entre 1972et 2004, plusieurs films et adaptationstélé). S'il se définit comme un ex-flicet un ex-marxiste, le cynique Pepecontinue de fréquenter la gentféminine, et surtout, il adore manger !Un cadavre tatoué est retrouvé sur laplage de Barcelone, l'enquête va lemener jusqu'à Amsterdam, dont lesmflurs libérées contrastent avec cellesde l'Espagne franquiste.Dargaud, 76 p. couleurs, 14,99 €

MICHEL DARTAY

zoom actu bd

I ls sÊétaient échappés dÊun orphe-linat au début de la guerre de14. Soudés par une amitié à toute

épreuve, ils ont survécu comme ils ontpu en zone occupée par les Allemands,les Lulus. Ils sont même allés faire untour à Berlin en se trompant de train,à la Fernandel dans La Vache et lePrisonnier. Régis Hautière revient dansle diptyque sur celle balade outre-Rhin que raconte Luigi, un des Lulus,à un journaliste en 1936 : ÿ LÊaction sepasse du printemps 1916 à lÊété 1917. Unepériode que lÊon nÊavait pas pu traiter dans lasérie-mère parce quÊon avait choisi de faire unalbum par année de guerre. Arrivé au tome 3en 1916, je me suis aperçu que mon histoiretenait sur trois semaines. Dans lÊalbum sui-vant, on devait les retrouver en 1917. CÊétaitune ellipse importante. On les voit prendre untrain à la fin du 3. Je trouvais dommage detraiter sous la forme dÊun flashback rapide cequi sÊétait passé Ÿ.

NOUVEAUX POINTS DE VUE

DÊoù ce retour à Berlin où les Lulus sejoignent à une bande dÊenfants desrues, un petit côté Peter Pan de Loiselou Seuls de Velhmann. ÿ Je voulais resterréaliste sur le fond, même si cÊest une fiction

avec de vraies références au Berlin de cetteépoque grâce à un illustrateur qui a dessinédes gamins de rue comme Poulbot en Franceet photographié des lieux méconnus. ŸCuvillier a remplacé Hardoc au dessinpour ce diptyque, rappelle Hautière :ÿ Damien Cuvillier avait fait le story-boarddu tome 3. Le rythme était soutenu et il avaitaidé Hardoc. CÊétait donc une façon de leremercier avec une histoire où il était totalementaux commandes. Comme on changeait de nar-rateur, cÊétait aussi intéressant de changerdÊunivers graphique Ÿ. Un dessin un peuà la Vallée, abouti, qui mélange réa-lisme et caricature légère.

Les aventures des Lulus ne sont pasfinies. Après lÊAllemagne, on va lesretrouver en 1919, mais pas questionpour Hautière de les amener, adultes,en 1939 : ÿ On a décidé de continuer,lÊaprès-guerre des Lulus. Pas plus loin. AvecHardoc on fera des albums avec à chaque foisun interlocuteur et un point de vue différent Ÿ.En comptant les deux albums de LaPerspective Luigi, cinq tomes sont prévusau total.

Côté scénario, Régis Hautière travailleaussi sur Héros du peuple avec Vatine etBoutin-Gagne, Les Spectaculaires chez

Rue de Sèvres, Aquablue et a un projetavec Aouamri. Et pourquoi pas revenirpeut-être aussi à une BD plus jeunesse,comme La Guerre des Lulus, série quÊil acréée pour faire plaisir à sa fille. Il avaiteu raison.

Cinq copains, quatre garçons, une fille et des prénoms qui commencent par « Lu ». En cinq albums,ils ont vécu en direct le conflit de 14-18 avec Régis Hautière et Hardoc au dessin. Mais il manquaitun épisode à cette Guerre des Lulus : leur séjour en Allemagne en 1916. Pourquoi, comment ?On saura tout dans le premier tome du diptyque La Perspective Luigi qui sort le 6 juin.

LA GUERREDES LULUS, 1916

LA PERSPECTIVE LUIGI, T.1

de Régis Hautièreet Damien Cuvillier,

Casterman,56 p. couleurs, 13,95 €

JEAN-LAURENT TRUC

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LES LULUS À BERLIN

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D evenu lÊombre de lui-même, Théodore Poussinréussit à convaincre M. Buck de financer uneopération devant lui permettre de reprendre lÊîle

sur laquelle se trouvait sa cocoteraie désormais tenue parle capitaine Crabb. LÊargent acquis, il lui reste à trouverun bateau, puis un équipage. Tout le monde ne voit évi-demment pas les choses de la même façon, certains ayantintérêt à ce que Théodore ne parvienne pas à mener sonprojet à terme.

UN FORMAT À LA HAUTEUR DU PERSONNAGE

Théodore Poussin fait partie de ces personnages dontnous ne savons jamais sÊils reviendront ou non après unelongue absence, mais dont le retour est toujours le bien-venu. Ce treizième album après⁄ treize années de silencenÊéchappe pas à cela et il est lÊoccasion de retrouvaillesfort agréables.La première surprise fournie par ce tome est sa taille : lechoix dÊun grand format (24x32 cm) rompt avec les pré-cédentes Aventures de Théodore Poussin. Ce parti pris nÊest enrien anecdotique : il donne une belle ampleur aux planches,fait ressortir le dessin de Frank Le Gall, la richesse de sescompositions comme la finesse de son trait. Plus large-ment, il convient parfaitement à cette aventure, à sesmoments intimistes comme à ceux plus spectaculaires.

UN CONTEUR AGUERRI

En choisissant de consacrer une bonne part de lÊalbumà un retour en arrière qui éclaire la séquence inaugurale,Frank Le Gall privilégie le cheminement et, avec lui, leplaisir de saisir les mises en place autant – voire davan-tage ? – que leurs résultats. En accordant ainsi la mêmeimportance aux préparatifs de lÊaventure quÊà celle-ci,il marie judicieusement réflexion et action, dimensionlittéraire et légèreté. Pas avare en détails, au sein deson histoire comme de son dessin, il nÊhésite cependant

pas, parfois, à effacer le décor pourlaisser les personnages évoluerdevant un fond uniforme.Avec Le Dernier Voyage de lÊAmok,Frank Le Gall démontre une nou-velle fois quÊil est un conteuraguerri en pleine possession deson – 9e – art !

C e livre se présente comme un débat contra-dictoire par le biais de discussions entreun connaisseur et un néophyte. Ce livre,

sous une apparence humoristique, procure en faitun grand nombre de précisions et amène le lecteurà se poser des questions auxquelles il nÊaurait peut-être pas pensé, même si de nombreuses réponseslui sont proposées.

Petit rappel historique : avant 1789, il nÊy a rien àvoir ou à lire, lÊÉtat contrôle lÊensemble, toute irré-gularité contre la religion ou le pouvoir monar-

chique peut mener à de graves problèmes (prisonou pire). Bien évidemment, les périodes tumul-tueuses sont particulièrement propices à lÊinspiration(loi de 1905 sur la séparation de lÊÉglise et de lÊÉtat,Première Guerre mondiale, mai 68 annoncé parHara-Kiri Hebdo).

POIL À GRATTER

La presse satirique a pour ambition de sÊattaquer auSacré sous toutes ses formes, de faire tomber les sta-tues de leur piédestal. Parfois volontairement gros-

sière, cÊest en fait la forme civilisée de lÊinjure primi-tive. Caricature et symbolisation (parfois en dessousde la ceinture) permettent de porter le messagecontestataire.

Cette parenthèse de libre-expression amena plus tardlÊÉtat à légiférer ; à lÊheure actuelle, la Républiqueorganise la loi, mais laisse les citoyens, parfois regrou-pés en associations, engager les procès.

Le scénariste Terreur Gra-phique a fourni un importanteffort de réflexion documen-tée, que Fabrice Erre a mis enimages avec humour. Sansprovoquer directement larévolution, ces images por-teuses de messages se diffu-sent peu à peu dans lÊopinion.

L’attentat meurtrier du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo a involontairement mis enlumière le pouvoir de la presse satirique, mouvement qui s’inscrit dans une longuetradition depuis la Révolution française !

c LE POUVOIR DE LA SATIREde Terreur Graphique et Fabrice Erre,Dargaud, 72 p. couleurs, 17,99 €

Frank Le Gall fait reprendre du service à son emblématique Théodore Poussin. Si ce nouvel album navigue sur des flots plutôtsereins, quel plaisir de retrouver ce personnage d’aventurier à la croisée de Tintin et de Corto Maltese !

MICHEL DARTAY

c LES AVENTURESDE THÉODORE POUSSIN, T.13,LE DERNIER VOYAGE DE LÊAMOKde Franck Le Gall,Dupuis, 64 p. couleurs, 14,70 €

BORIS HENRY

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P rofesseur de psychologie émérite, le DocteurDanny Oppenheimer sÊest allié à GradyKlein, dessinateur déjà à lÊorigine dÊouvrages

pédagogiques sur lÊéconomie, les statistiques, le chan-gement climatique. Mission de ce duo : être rigou-reux, didactique et drôle. Ils mettent en place unemécanique bien huilée, mais répétitive : énoncer lesujet, par exemple les découvertes du Dr Pavlov (lefameux réflexe éponyme), puis expliquer en texteset en images lÊexpérience réalisée par le chercheuret ses applications concrètes. CÊest donc véritable-ment un manuel de psychologie que lÊon parcourt.

RIGUEUR ET HUMOUR

La psychologie recouvre un champ immense, de laperception du monde par nos sens, à la mémoire, auxémotions, en passant par le langage, les stéréotypes,etc. CÊest avec une rigueur scientifique et une grandehumilité que les auteurs expliquent les concepts fon-dateurs de la psychologie. Que lÊon soit totalement

néophyte ou expert, la lecture est agréable et enri-chissante. LÊhumour ne manque pas et les nombreusesréférences sont toutes expliquées. On saluera dÊailleursle travail de la traductrice Clotilde Meyer. Car unouvrage de psychologie sans un brin de folie, cÊest

un peu comme un cheesecake sanscoulis. Il manque un petit quelquechose. LÊouvrage est complet et ale mérite dÊouvrir le champ des pos-sibles. Maintenant quÊon en saitplus sur la compréhension dumonde, de soi-même et des autres,on ne peut quÊêtre meilleurs, non ?

Après Logicomix sur les maths (Vuibert), Economix sur l’économie (Les Arènes BD),Philocomix sur la philo (Rue de Sèvres), voici Psychologix qui, vous l’aurez deviné,aborde quelques notions de psychologie. Dans cet ouvrage, les auteurs s’emploient àvulgariser au mieux cette discipline.

LOUISA AMARA

c PSYCHOLOGIXde Danny Oppenheimmer et Grady Klein,Les Arènes BD, 240 p. n&b, 24,90 €

POUR LES NULSLA PSYCHOLOGIE

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Priape, de Nicolas PreslPar sonattribut hors ducommun, Priapea laissé son nomà une affectionsévère, lepriapisme.Mais qui connaîtvraiment lÊhis-toire de cettedivinité grecquede la fertilité ?

Nicolas Presl ne répond pas vraimentà la question, mais propose plutôt saversion du mythe. Les dieux sontabsents de ce récit muet, techniquehabituelle chez lÊauteur. La naissancehonteuse dÊun enfant au sexe démesuréa lieu au sein dÊun foyer humain. PuiscÊest la vie dÊun jeune homme,abandonné par ses parents qui estdécrite, regorgeant de parallèles avecnotre société contemporaine. LÊabsencede dialogues, le dessin et la mise enscène très typés de lÊauteur fleurentbon la tragédie grecque dans un albumqui fait lÊéloge de la différence. Atrabile, 208 p. n&b, 22 €

THIERRY LEMAIRE

Bonneville, T.1, Quatre zérosept !, de Marvano

Marvanos'intéresse deprès à laperformanceautomobile.Entièrementasséchée à la finde la dernièreère glaciaire, unepartie de l'Utahs'est retrouvée

coiffée d'une importante couche de sel,particulièrement plane. L'idéal pourservir de terrain d'entraînement àde nombreux passionnés de vitesse,fortunés ou bricoleurs de génie. Onn'hésite pas à greffer des moteursd'avions de guerre sur des châssis detôle, l'accident est parfois au rendez-vous. Une jeune fille en salopette rougesert de fil conducteur à cette évocationpassionnée des Bluebird, Spirit ofAmerica, Thunderbolt et Challenger.Ce documentaire est passionnant !Dargaud, 48 p. couleurs, 13,99 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

Parallèle, T.3, Moitié moitié,de Philippe Pelaez,Laval NG et Florent Daniel

Déjà letroisième tomede la sériefinancée vialÊéditeurparticipatifSandawe ! Unegageure quandon connaît lÊétatdu marché, etcÊest tant mieux.CÊest aussi

parce que cette série de SF dÊanticipa-tion est très bien fichue. Après unegrande explosion, la Terre semble sÊêtredédoublée, créant un monde parallèlepeuplé de zombies bouffeurs de chair.Près de Jupiter, deux vaisseaux tombentdans une grande perturbationmagnétique, passage entre les deuxÿ mondes Ÿ. Sur Terre aussi, il sembleque de petits passages existent⁄Impossible de résumer la trame decette uchronie futuriste qui continuesur sa lancée et confirme sa valeur dansson genre.Sandawe, 70 p. couleurs, 15 €

HÉL˚NE BENEY

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E n 797 ap. JC, Charlemagneest roi des Francs et desLombards (en attendant

dÊêtre couronné empereur trois ansplus tard). Depuis sa toute nouvellerésidence dÊAix-la-Chapelle, un pro-blème le taraude. Witgar, proche com-pagne de ses filles, a fugué jusquÊauxconfins du royaume. LÊaffaire est épi-neuse car la très jolie jeune femme estlÊépouse du roi de Bourgogne qui, bienque violent et répugnant de bassesse,nÊen est pas moins un vassal important.Contraint de laver lÊaffront, Charle-magne envoie donc une petite arméecommandée par Guillaume lÊHébreu,son favori, pour ramener Witgar à Aix,quitte à traverser les Pyrénées et fairele siège de la forteresse de Cardonatenue par les musulmans. LÊhomme estun guerrier et un meneur dÊhommeshors pair, dont la particularité phy-sique est ce nez crochu qui lui vaut lesurnom de ÿ Corb-Nez Ÿ. LÊintrigueconcoctée par Jérôme Charyn fleurebon celle des chansons de gestemédiévales, où le lignage, les rapportsde vassalité, le combat ou lÊhéroïsmesont les ressorts du récit. En revanche,oublions tout de suite de faire de Corb-Nez un modèle de bande dessinée his-torique, tant les erreurs, approxima-tions et anachronismes sont légion.

UN À-PEU-PRÈS NON RÉDHIBITOIRE

Jugez plutôt. Charles Ier nÊest appeléCharlemagne que longtemps après samort, en 797 la dignité de roi deBourgogne nÊexiste plus et la forteressede Cardona est érigée en 886 par leschrétiens. Le reste de lÊalbum est à lÊave-nant, mélangeant faitsréels et très régulières

– la liste est trop longue pour la déve-lopper ici – entorses à lÊHistoire.JusquÊà la représentation de Charles Ier

avec une barbe très fournie (mais pasfleurie tout de même), héritage directdes tableaux et gravures du XIXe siècle,dont les inexactitudes ne sont plus àdémontrer. Quant au ton du récit, iloscille entre celui du roman courtois– genre inventé au XIe siècle – et de lafinesse des traits dÊesprit du siècle desLumières. Pour autant, si lÊon met decôté les très grandes libertés avec lavérité historique, Corb-Nez ne manquepas de charme. Le ton, pour anachro-nique quÊil soit, est très réussi. La tru-culence des personnages, les dialoguesenlevés, les situations parfois à la limitedu burlesque et le cadre original pourune bande dessinée, donnent à lÊalbum

une saveur attrayante. La réalisation encouleurs directes dÊEmmanuel Civielloconvient bien à cette fresque médiévaleoù la politique ne fait – comme dÊha-bitude – pas bon ménage avec les sen-timents. Au final, on se laisse porterpar cette épopée carolingienne, enregrettant que lÊarrière-plan historiqueait été traité avec autant de légèreté.

CORB-NEZ

de Jérôme Charynet Emmanuel Civiello ,Le Lombard, coll. Signé,80 p. couleurs, 16,45 €

Avec Corb-Nez, Jérôme Charyn et Emmanuel Civiello livrent un album digne d’une gestemédiévale, situé à l’époque de Charlemagne. Bien peu rigoureux en termes de justesse historique,le récit possède pour autant un charme certain.

CORB-NEZ, ÉPOPÉE

THIERRY LEMAIRE

(à peu près) CAROLINGIENNE

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La Troisième Population,dÊAurélien Ducoudrayet Jeff Pourquié

Laissez-vousentraîner ausein dÊun hôpitalpsychiatriquetrès particulier,dans lequelaucune blouseblanche nÊestvisible et oùles fous et lessoignants sontdifficiles à

différencier. Au cours de leur reportageen immersion, Aurélien Ducoudray etJeff Pourquié découvrent une autrefaçon dÊaccompagner et de soignerla santé mentale. Une galerie depersonnages attachants, des scènes quisÊenchaînent dans un rythme délicieux...On referme le livre avec un sentimentde trop peu, malgré les 112 pages.CÊest toujours bon signe ! Avec un JeffPourquié pleinement lancé dans lesexpérimentations graphiques, cetteBD-reportage mérite quÊon lui accordetoute notre attention.Futuropolis, 112 p. couleurs, 19 €

YANECK CHAREYRE

Moments clés du journal deSpirou, de François Ayroles

Ayroles avaitdéjà revisitéquelquesmomentsimportants del'histoire de laBD, chez AlainBeaulet ou àl'Association.Il s'attaque icià l'histoire duvénérable

hebdomadaire pour jeunes, aujourd'huiseul présent en kiosques avec Le Journalde Mickey, destiné aux encore plusjeunes. François Ayroles est un membreimportant de l'Association, il a dûréviser ses classiques pour s'acquitterà bien de cette mission. En page degauche, un texte explicatif basé sur desfaits authentiques, à droite un dessinplein d'humour, rempli de caricaturesdes auteurs de l'époque. Instructif etdrôle !Dupuis, 312 p. couleurs, 26 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

LÊune dÊelles, de UnaRécit de sonenfance dansle Yorkshiredans lesannées 70,alors quÊuntueur en sériesÊattaque à desdizaines defemmes, cetalbum dÊUnaest unuppercut dans

ce que la société a longtemps ignoré :la violence faite aux femmes. Pour Una,victime de multiples agressions delÊenfance à lÊadolescence, il est questionde comprendre les mécanismes de cetaveuglement sociétal, mais aussi lahonte des victimes et le silence qui endécoule. Entre témoignages, chiffres etdémontage de cette période, Una prendla parole et met en lumière lÊengrenagede la violence masculine, physique oumorale. Un excellent album.Çà et Là, 208 p. n&b, 20 €

HÉL˚NE BENEY

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A c t u B d zoom actu bd

A près lÊavoir viré, Camille sÊef-fondre. Traitée de moche,utilisée pour son argent et

blessée par cette tromperie, elle décidede⁄ devenir strip-teaseuse ! Choixextrêmement étonnant lorsque lÊonveut reprendre confiance en soi, maisquÊelle justifie par une envie dÊêtredésirée et surtout de dépasser sa timi-dité. Une manière de reprendre lepouvoir. Rapports avec les autres dan-seuses et les clients, plongée dans lecôté obscur de la force, Camille seréinvente en Élise lÊeffeuilleuse, etopère sa transformation.

L’ÉMANCIPATIONPAR LE STRIP-TEASE

En découle beaucoup de réflexionssur la place de la femme dans notresociété, de lÊimage quÊen ont les

hommes, ainsi que de la sournoisemisogynie des certaines femmes. One-shot réussi et décalé, on est tout àcoup mal à lÊaise lorsquÊon apprendquÊEmma Subiaco a elle-même côtoyéle milieu pour payer ses études afinde devenir dessinatrice de BD.Conquérir sa liberté de femme en lÊan-nihilant dans ce qui représente le plusle patriarcat et la violence qui lÊac-compagne souvent (verbale et phy-sique) est déconcertant, mais chacunedoit pouvoir faire ce quÊelle décide deson corps et de sa vie. Cette expé-rience complexe, dont on ne doit passortir indemne, sa ÿ thérapie du string Ÿcomme elle lÊappelle, a amené lÊauteurvers le féminisme et une réflexion plusglobale des rapports entre les femmeset les hommes. Et vers le sujet de sapremière bande dessinée ! Un drôlede parcours et un récit à part (où lÊhu-

mour, heureusement, apporte unevraie respiration), qui offre auxÉditions du Long Bec leur premierroman graphique.

STRIP-TEASE

dÊEmma Subiaco,Éd. du Long Bec,

144 p. couleurs, 20 €

HÉL˚NE BENEY

STRIP-TEASE : MISE À NUJeune architecte, Camille rentre chez elle à l’improviste et surprend son compagnon avec uneautre. Le début d’une remise en question totale et une révolution personnelle.

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Dans son ombre,de Marie-Anne Mohanna

Aimée par samère commeson père, Marie-Anne a tout demême un secretpesant : elle estenfant illégitimeet cachée de labranchepaternelle.Ce père adoré,beaucoup plus

vieux que les autres, cultivé et posé,garde tout de même une grande partde mystère. Elle vit surtout ÿ dansson ombre Ÿ, sempiternellement dansl'attente de ses passages. Mais lorsquÊildisparaît et que lÊon est invisible,comment vivre sa place dans la familleet la société ? Fabuleux noir et blanclargement autobiographique, cesplendide roman graphique interrogesur la filiation et le poids du secret.Fascinante et simple, cette histoireparfaitement réalisée est un des albumsincontournables de ce début dÊété.Warum, 96 p. n&b, 14 €

HÉL˚NE BENEY

Peintures de guerre,dÊ˘ngel de la Calle

Chaque albumdÊ˘ngel de laCalle est unacte de foi en lacapacité de lÊartà questionner etchanger le mondepar sa dimensionpolitique. Ici, dansune narrationriche et libre, ilcompose quatre

récits différents où lÊon croisera JeanSeberg, Guy Debord, des artistes avant-gardistes latino-américains écrasés parles USA, sans oublier une soirée post-Pinochet à Santiago, afin de dresser unegéographie sensible de ce qui naquit çàet là à la charnière des années 1960-70 :une certaine résistance existentielle,intellectuelle et artistique face àlÊadversité. Brillant et passionnant.Otium, 304 p. n&b, 27 €

CECIL MCKINLEY

Buck Danny Classic, T.5,Opération Rideau de fer,de J-M. Arroyo, Marniquetet F. Zumbiehl

Le Mur deBerlin et deuxAllemagne, unbombardiersoviétiquetri-soniqueexpérimental,Buck Dannyet ses deuxcopainsentament undiptyque à

consonances Guerre Froide. Sonny vacrasher son Starfighter F 104 en RDA,lÊAllemagne de lÊEst, et risque de seretrouver entre les mains du KGB.Buck et Tumbler doivent à tout prix lerécupérer. DÊautant quÊune opérationde désinformation et dÊinfiltration dÊunespion communiste aux USA est encours. Slim Holden est aux premièresloges. Sans oublier une certaine Lady Xdont cÊest le retour. Le dessin de plusen plus peaufiné dÊArroyo repose surun scénario par contre un soupçonalambiqué. Et si on redistribuait lescartes côté écriture des histoires ? Dupuis, 48 p. couleurs, 14 €

JEAN-LAURENT TRUC

A c t u B dzoom actu bd

F ille dÊun cartographe, Éléonorea épousé Jacques Le Moyne,un employé de son père. Après

une expédition française en Floride,Jacques, manifestement traumatisé, sÊestmuré dans le silence. Il a abandonnéla cartographie au profit de dessinsreprésentant des motifs végétaux ouanimaliers. Protestants, Jacques etÉléonore vivent désormais à Londres.Si le mari refuse tout lien avec sonpassé, lÊépouse, au contraire, lesrecherche.

DE LA PETITE À LA GRANDE HISTOIRE

Ode à la cartographie, à la minutiede sa réalisation comme à ses invita-tions au voyage, Florida est égalementune plongée à la fois sombre et lumi-neuse dans un pan méconnu de lÊhis-toire de France : la tentative dÊétablirdes colonies de peuplement en Floridedans la seconde moitié du XVIe siècle,aventure éphémère qui découlenotamment de la persécution des pro-testants par les catholiques.Jean Dytar nous fait entrer dans lagrande histoire par la petite porte,celle des événements personnels ; cequÊil raconte nÊen est que plus saisis-sant. Il a également lÊexcellente idéede faire dÊÉléonore, lÊépouse du car-tographe, le véritable moteur du récit :son désir inassouvi dÊaventure est dÊau-tant plus fort que son époux refuse,durant des années, de raconter levoyage quÊil a effectué.

L’ART DE LA FORME ADÉQUATE

Cet album est impressionnant par sonpropos comme par ses partis pris. SÊilpermet de sÊouvrir à des faits peuconnus, il possède bien dÊautres mé-

rites. Ses 260 pages sont utilisées demanière particulièrement judicieuse.LÊemboîtement des récits, via lesretours en arrière, ne nuit nullement àla fluidité de lÊensemble. Celle-ci estfacilitée au sein des planches par leliseré blanc qui sépare les cases, bor-dure légère qui suggère souvent davan-tage la continuité que la rupture.DÊautres idées formelles sont pleine-ment au service du fond : de fins traitsblancs utilisés en cartographie parcou-rent les cases lors des retours enarrière ; des fragments de dessins(fleurs, Indiens⁄) que réalise JacquesLe Moyne se superposent aux casespour suggérer un profond malaise. Le

dessin accorde une grande importanceaux couleurs ; celles-ci changent enfonction du temps du récit (présentou passé) et sont plus ou moins déli-cates et aqueuses.fiuvre dense et intense, Florida a toutdÊun futur classique.

LA FLORIDE,

FLORIDA

de Jean Dytar,Delcourt, coll. Mirages,264 p. couleurs, 29,95 €

BORIS HENRY

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À travers un récit riche, sensible et d’une grande intelligence, Jean Dytar invite le lecteur àdécouvrir la Floride française du XVIe siècle.

TERRE FRANÇAISE

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A rchibald Weir fait partie de cette jeunessefougueuse et idéaliste qui a le don dÊembar-rasser ses parents. En critiquant ouvertement

la peine de mort, le jeune homme désespère sonpaternel, lÊintraitable magistrat Adam Weir, surnomméà raison le ÿ grand juge pendeur Ÿ. Nous sommes audébut du XIXe siècle, et lÊhonorabilité est une desclefs des rapports sociaux. Archibald est donc expédiédans le domaine familial du sud de lÊÉcosse pour yfaire fructifier la ferme et sÊy tenir à carreaux. Un exilpour faire amende honorable. Chaperonné par unevieille servante à la langue bien pendue, Archibald yrencontre lÊamour, rapidement assaisonné dÊune bonnepincée de tragédie romantique. CÊest à peu près à cemoment du récit que meurt R. L. Stevenson, sur unedes îles Samoa, en 1894. LÊauteur de LÊ˝le au trésor,LÊÉtrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde ou du Maîtrede Ballantrae, laisse le lecteur au milieu du gué.

À SA SAUCE, AVEC GOÛT

Ce roman inachevé, Jean Harambat le lit à lÊado-lescence, et ce récit qui prend place dans la cam-

pagne écossaise entre en résonance avec sa proprehistoire. Bien des années plus tard, il sÊattaque àprolonger lÊaventure. Délicate initiative sÊil en est,mais bornée par les différentes indications sur lasuite de lÊintrigue que Steven-son a pu livrer dans sa corres-pondance.¤ leur lecture, on sÊaperçoit queHarambat est assez proche duprojet de lÊauteur. Il nÊen restepas moins que Hermiston est uneadaptation, pétrie des choix nar-ratifs du dessinateur. Et le résul-

tat est très convaincant, plongeant le lecteur dansle romantisme des landes écossaises, mâtinées destournures de phrase et de préoccupations delÊépoque. La place donnée aux deux personnagesféminins principaux confère en outre au récit unejudicieuse modernité qui ne perturbe pour autantpas lÊessence du roman. Imprégné par lÊfluvre deStevenson, Harambat réussit son pari.

N ew York, 1954. Madeleine, uneFrançaise au visage à la AudreyHepburn, sÊoccupe dÊabeilles sur le toit

dÊun immeuble de Manhattan. LÊemplacement deses ruches ne doit manifestement rien au hasard :elle observe régulièrement lÊun des habitants dubâtiment dÊen face. Que recherche la jeunefemme ? Pourquoi sÊintéresse-t-elle à un organi-sateur de combats de boxe, propriétaire de clubsde musique ?

UNE BELLE ARCHITECTURE

Ce qui est au cflur de Gramercy Park se révèle pro-gressivement, au fil des situations. Cette finessedans la construction du récitsÊaccompagne dÊune délica-tesse dans les descriptions.Nombre de choses sÊexpri-ment de manière feutrée etcela accentue la détresse etla fureur que le lecteur sentpoindre au fur et à mesurede lÊhistoire. Des élémentsrécurrents apportent étran-

geté et mélancolie (les abeilles) ou un humour décalé(lÊhomme assis dans un couloir). Tout cela conduit àun dénouement inattendu et fort.

UN DESSIN AU DIAPASON

Le dessin de Christian Cailleaux, magnifique etsensible, véhicule la luxuriance des villes dessinées(New York, Paris) tout en accordant une importanceaux attitudes, postures, mouvements, gestes qui ren-dent compte dÊambiances comme des relations entreles personnages. Il parvient à rendre visibles et pal-pables des choses infimes, des tensions présentesaux explosions à venir. Côté couleurs, il utilise desnuances de gris comme des aplats variés. Ces der-niers permettent parfois de faire ressortir certainsdes personnages présents dans la case ou de créerune rupture avec le ton de la planche – il en vaainsi de lÊapparition soudaine du rouge pour repré-senter la colère dÊun personnage.

Avec Gramercy Park, Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux tissent une toile d’araignée dans laquelle se prennent despersonnages blessés. Ce polar classique et vénéneux est une très belle surprise.

c GRAMECY PARKde Timothée de Fombelle et ChristianCailleaux, Gallimard, 104 p. couleurs, 20 €

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c HERMISTONde Jean Harambat, dÊaprès R.L. Stevenson,Futuropolis, 72 p. couleurs, 16,25 €

THIERRY LEMAIRE

On achève bien Stevenson

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On connaissait les adaptations de romansen BD. Avec Hermiston, Jean Harambatinaugure la conclusion d’œuvres litté-raires inachevées. Et c’est un récit dugrand Robert Louis Stevenson qui estl’objet de ce défi fort bien relevé.

M ai 68 ne serait donc pas ban-kable. CÊest en tout cas lÊavisdes éditeurs de bande des-

sinée qui ont, pour la plupart dÊentreeux, boudé cet anniversaire. Quatrealbums ont tout de même bravé ledésintérêt supposé de lÊévénement :Mai 68 : La Veille du grand soir de PatrickRotman et Sébastien Vassant, Sous lespavés de Warnauts et Raives, Charles deGaulle T.4 : Joli mois de mai de Jean-YvesLe Naour et Jean-Claude Plumail, etMai 68, Histoire dÊun printemps dÊArnaudBureau et Alexandre Franc. ¤ premièrevue, leur schéma narratif est identique :présenter de manière détaillée ledéroulé des quelques semaines qui ontébranlé le pouvoir. Mais en regardantde plus près, on sÊaperçoit que le pointde vue nÊest pas le même pour chaquealbum. Le tome 4 de Charles de Gaullese concentre, on lÊaurait deviné, sur leressenti du chef de lÊÉtat. Mai 68, HistoiredÊun printemps utilise plusieurs narrateursfictifs pour décrire les événements demanière didactique. Sous les pavésromance un peu cet épisode avecquelques étudiants dans les rôles prin-cipaux. Et Mai 68 : La Veille du grand soirse base en grande partie sur les souve-nirs de Patrick Rotman, témoin des faitsde lÊintérieur, pour raconter le dérou-lement de ce fameux mois de mai.

SYMBOLES IMMUABLES

Difficile, en revanche, de se démar-quer en ce qui concerne les symbolesqui définissent encore aujourdÊhui

mai 68. Dès les couvertures apparais-sent en effet les fameuses affiches dontles visuels ont laissé une trace indélé-bile dans les mémoires (mention spé-ciale à lÊastucieux détournement quidonne naissance à la couverture deMai 68 : La Veille du grand soir). Les CRSsont également bien présents, maté-

rialisation de la réaction du pouvoiraux occupations de locaux et mani-festations estudiantines. Les pavés,enfin, ont aussi toute leur place. Quantaux dizaines de slogans qui ont fleurisur les murs de Paris, ils éclosent géné-reusement dans les pages intérieures.Finalement, tous ces albums quireprennent parfois des scènes iden-tiques, sont assez complémentaires.La vision dÊun Charles de Gaullevieillissant et nostalgique de son coupde force de mai 58, lÊair du tempshumé par un petit groupe dÊétudiants,les événements vus de lÊintérieurdepuis chaque ÿ faction Ÿ (les étu-diants, le gouvernement et lesouvriers) et le compte-rendu de cesquelques semaines de façon plusdidactique, sont quatre choix narratifsqui se complètent. Chacun apportantsa pierre (son pavé ?) à la compréhen-sion globale des tenants et aboutis-sants dÊun printemps pas comme lesautres.

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MAI 68 :Le Petit Poucet, de Jean-Louis et Louis Le Hir

Sous le règnede Louis XIV,Charles Perraulta retranscritde nombreuxcontes issusdes traditionspopulaires. Cadetde sept frères, lepetit Poucet estaussi le plus

malin. Dans l'incapacité de nourrir leurgrande famille, ses parents décident deperdre la fratrie dans la forêt, mais elleparvient jusquÊà l'imposant château deBarbe-Bleue, inspiré de l'authentiqueGille de Rais, père de sept filles dignesde leur père. Un trait stylisé nerveux,des décors impressionnants rehausséspar de superbes couleurs. Si l'histoireest connue, cette interprétation nevous laissera pas indifférents.Mosquito, 56 p. couleurs, 14 €

MICHEL DARTAY

Speedball no12 :Paranofuture !, collectif

Animée parJess X et SLO, larevue Speedball,dÊinspirationpunk etlibertaire,consacre sondouzièmenuméro auxgrands complots.Avec humouret paranoïa

revendiquée, les auteurs sÊemparent duthème au travers de montages photo,dessins, bandes dessinées et même,pour les lecteurs les plus chevronnés,de vrais textes tout gris. LÊensemble estfinalement très bon enfant : si quelquesquestions sont soulevées, ce douzièmeSpeedball se garde bien dÊaffirmer àtout va, préférant laisser la place,raisonnablement, au doute et à lavigilance.Sombrebizarre Productions,100 p. couleurs, 7 €

OLIVIER PISELLA

Gutenberg et le secret dela Sibylle, de Roger Seiteret Vincent Wagner

Cette BDréaliste célèbrele 550e anniver-saire de ladisparition delÊimprimeur.La révolutiontechnique endevenir estnarrée sousforme dÊunthriller porteur

dÊenjeu, dÊune ÿ quête mystérieuse etaventureuse dans le Strasbourg médiéval Ÿ.Rien nÊatteste que les germes deÿ lÊinvention Ÿ furent semés dès lesannées strasbourgeoises. En cela, lacréativité scénaristique permet cettefiction romanesque plausible. LÊaventuredes associés autour de JohannesGensfleisch, le patronyme véritable deGutenberg, débute en cet hiver 1438.En effet, la similitude régulière descopies dÊun ouvrage quelque peusubversif, Die Sibylle, transmises parlÊévêque de Strasbourg, intrigue le Pape.Cosme de Médicis est alors sollicité afindÊéclaircir ce mystère. Au final, la réalitéhistorique prévaut et cÊest à Mayence,ville natale de Gutenberg, que futimprimée La Bible. Attrayant et instructif.Éd. du Signe, 70 p. couleurs, 16,90 €

VINCENT FACÉLINA

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Les commémorations des 50 ans des « événements » du printemps 1968 n’ont pas l’heur deprovoquer un déluge de publications chez les éditeurs. Mais si seulement une poignée de bandesdessinées traitent de mai 68, elles ne manquent pas de qualités.

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CHARLES DE GAULLE, T.4, JOLI MOIS DE MAI

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MAI 68, HISTOIRE DÊUN PRINTEMPS,DÊARNAUD BUREAU ET ALEXANDREFRANC, DES RONDS DANS LÊO

La réussite de cet album didac-tique sur lÊhistoire de mai 68tient en grande partie dans lechoix dÊune demi-douzaine denarrateurs pour présenter lesfaits. Trois ex-étudiants (maoïste,communiste et sans étiquette),un ancien haut fonctionnaireet un ancien ouvrier se remé-morent le déroulement de mai68, à 50 ans de distance. Plu-sieurs voix sont donc enten-

dues, chapeautées par un propos plus objectif délivrépar le sixième narrateur, un jeune thésard dont lesujet dÊétude est ÿ Le mythe soixante-huitard dans lediscours politique en France Ÿ. La présentation généraleest claire, bien séquencée, tout en ayant une narrationenlevée. Le dessin épuré permet de se concentrersur certains détails parlants ou emblématiques.Certaines facettes peu abordées de mai 68, commepar exemple les événements nantais, ont toute leurplace. En refermant lÊalbum, on regrette amèrementde ne pas avoir eu un tel ouvrage comme manuelscolaire.

THIERRY LEMAIRE SOUS LES PAVÉS, DE WARNAUTS ET RAIVES, LE LOMBARDUn Américain à Paris, en mai 1968. Warnauts et Raives signent un one-shot qui leur tenait àcflur. Jay, jeune photographe US, a été raflé un soir dÊémeute. Au poste de Police, il raconte à unflic comment il vient de vivre, aussi bien sentimentalement que physiquement, ce mois de maide toutes les passions. ÿ On avait envie de parler de 68 depuis longtemps. Depuis deux ans, onécrivait sur le sujet sans réaliser que cela allait être le 50e anniversaire Ÿ, précise Raives. Jay arencontré deux jeunes femmes, Sarah la rebelle (mais lucide) et Françoise la mystérieuse. Onbarricade la rue Gay-Lussac, les pavés volent, la Sorbonne sÊoccupe comme elle peut. La FrancesÊennuyait, elle se fait peur. Ce qui nÊempêche pas de faire la fête, philosopher avec Sartredépassé, et se mettre en grève, CGT oblige. Warnauts et Raives alternent entre reportage trèsprécis sur des bases détaillées, documentées (ÿ Il faut savoir la placer, la doc, lÊutiliser avec logique Ÿ,

affirme Warnauts) et romanesque autour de personnages authentiques. Un album plein de vie, attachant, qui rappelleaussi quÊau Vietnam, en 68, cÊétait en revanche vraiment la guerre.

JEAN-LAURENT TRUC

MAI 68, LA VEILLE DU GRAND SOIR,DE PATRICK ROTMAN ET SÉBASTIEN VASSANT, SEUIL / DELCOURTLe 3 mai 68, la Sorbonne bruisse et sÊorganise pour la contestation. Un étudiant, pris dans sesrévisions et ignorant les événements (!), se retrouve par hasard au milieu de ce qui va être ladernière grande révolution sociale du XXe siècle⁄ Ce roman graphique balaie toute la période,chronologiquement, pour une meilleure compréhension du déroulé de mai 68. Déjà vu ? Pasvraiment car le récit montre précisément ce qui sÊest passé aussi au sommet de lÊÉtat, montrantun De Gaulle dépassé, en lutte avec ses ministres, surtout son Premier ministre, un certainPompidou. Écrit par Patrick Rotman (écrivain et réalisateur), témoin direct, présent aux premièresloges de la révolte estudiantine, le récit va là où lÊhistoire sÊest faite, des ors de la République àcelles des universités, des usines à la rue. On en apprend beaucoup, et le dessin de Vassant

donne à lÊensemble une dynamique fluide. HÉL˚NE BENEY

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FILLE DES OISEAUX, T.2,DE FLORENCE CESTAC, DARGAUD

Dans le premier tome, onavait vu comment deuxpetites filles se liaient d'amitiédans un pensionnat trèsstrict. Les années passent,l'âge adulte arrive, et c'est àce moment que les événe-ments de mai 1968 surgis-sent ! Une parenthèse tumul-tueuse, pleine de fracasestudiantin et d'esprit révo-lutionnaire qui se traduira

plus par une évolution sensible des mflurs que parla remise en cause de la société de consommation.Florence Cestac a vécu cette époque ; elle en rendcompte avec ses personnages à gros nez et sonhumour toujours efficace. On adore la musique, popet psyché, on séjourne à Londres, c'est la revanchedu libertaire après plusieurs années de conformismegaullien. Les ravages de la drogue et les problèmesde la contraception sont évidemment évoqués, maisce qui ressort en premier, c'est l'affirmation d'un fémi-nisme revendiqué !

MICHEL DARTAY

MAI 68, HISTOIRE DÊUN PRINTEMPS

Bulles et pavés

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L es dévoreurs de bandes dessi-nées auront essentiellementretenu de Nicolas Pétrimaux

son travail dÊillustrateur sur Les Misérablesqui ouvrait la série Zombies Nécronologiesqui, malgré un talent certain, avait lemalheur de passer après SophianCholet. Les gamers, eux, auront reconnuson trait anguleux, son penchant àbrosser des textures métalliques bros-sées et enluminer les ténèbres. CarPétrimaux a bien roulé sa bosse danslÊindustrie vidéoludique en réalisant desconcept arts pour Bethesda Softworks,notamment. Qui aura fureté tel unassassin discret dans les dystopies steam-punks de la saga Dishonored des LyonnaisdÊArkane Studio connaîtra une sambade puces dans son canal auditif tant laparenté est évidente malgré un universaux antipodes.

AU VRAI QUI PEUT NUIRE,SILENCE EST SOURCE D’EMMERDES

Dès les premières planches, Ramirezest décrit par un flic comme un tueurà gages aussi impitoyable que discretexécutant les éliminations les plus sen-sibles dÊun cartel mexicain. Pire, ce net-toyeur grand luxe serait le pire meur-trier que le Mexique ait jamais connu.Flashback. 1987, à Falcon City danslÊArizona, un certain Jacques Ramirezincarne le salarié rêvé de tout patron.Au sein de la Robotop, fleuron indus-triel de lÊélectroménager, il bosse vite

et efficacement sans jamais se plaindre.DÊailleurs, il ne sÊexprime pour ainsidire pas puisquÊil est muet. JacquesRamirez est un employé modèle sanshistoire⁄ jusquÊau jour où deux lieu-tenants du cartel reconnaissent formel-lement le démon qui a trahi leur orga-nisation par le passé. Mais ce petithomme moustachu affublé dÊune mou-moute frisée est-il vraiment ce barbaresanguinaire et recherché mort ou vifpar des Mexicains patibulaires ?

CENTRALE D’INSPIRATION

Il sÊagit bien de la question centrale deMuet comme une tombe, volet inaugural dela nouvelle série Il faut flinguer Ramirez.Et comme souvent dans les premierstomes, cette question est différée auprofit dÊun établissement des bases. Cesdernières se révèlent solides dans lÊen-semble. Nicolas Pétrimaux signe là sonpremier scénario et, si son écriturelorgne très clairement du côté deTarantino pour le ton décalé et les gang-sters bavards, Il faut flinguer Ramirez sÊas-sume surtout comme un hommage aucinéma américain des années 80 chargéen virilité, grandes gueules et filtresorangés. Son tribut se révèle intéressantdans les petites touches formelles euro-péennes quÊil essaime çà et là pour main-tenir un second degré plutôt agréable.De fait, les fausses publicités quÊil insèreentre ses chapitres ou le running gagdÊun aspirateur présenté à la presse

comme une révolution à la manière dÊunsmartphone vendu par une firme aulogo fruitier sont particulièrement effi-caces. Muet comme une tombe remplit samission dÊaccroche avec ses arcs narra-tifs laissés en plein suspense gentimentinsoutenable. Le désir de poursuivre estréel. Pourvu que la conduite ultérieuredu récit passe la seconde⁄ au risqueque le lecteur ait, lui aussi, envie quÊonlui apporte la tête de Jacques Ramirez.

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Les Pédés,de Paljan et Zezelj

Derrièrela cruditévolontairede ce titrese cacheune extrêmesensibilité,contrasteabsolu entrece qui estdénoncé et cequi est donné

à lire... Dans ce récit bouleversant desincérité, tout en sous-entendus, unjeune Croate voit son grand frère selier à un autre jeune homme, mais lavraie nature de ce lien pourrait bienêtre trop compliquée à vivre au grandjour dans un village reculé des Balkans.Les textes sont dÊune justesse bluffante,et comme dÊhabitude Zezelj excelledans le découpage et lÊart narratif desimages, dans un noir et blancsomptueux. Beau, tragique et poétique.Mosquito, 80 p. n&b, 18 €

CECIL MCKINLEY

Virginia Hill,de mkdeville et Girard

Voilà un destinstupéfiant, celuide Virginia Hill,la dernière petiteamie de BugsySiegel, lÊune despires figures ducrime organisé.Septième dÊunefamille de dixenfants, mariée à14 ans, la jeune

femme quitte son Alabama natal pourChicago, où elle se prostitue avantdÊobtenir un job de serveuse. Ellerencontre alors un bookmaker quilÊintroduit dans la mafia. Virginia vaensuite grimper tous les échelons,jusquÊà être surnommée par TimeMagazine ÿ la reine des gangsters Ÿ.Raconté à travers sa déposition devantune commission du Sénat américainen 1951, sa vie est romanesque,savoureuse, amorale, violente. Un vraiscénario quÊexploitent au mieux lesauteurs de ce récit enlevé.Les Enfants rouges, 222 p. n&b, 21,50 €

THIERRY LEMAIRE

Red Sun, T.1, Mon frère,de Stéphane Louis etAlessandra de Bernardis

2627. SystèmeTrappist-1.Réduite enesclavage pardes aliens,lÊhumanitéest devenueincapable detoute forme deviolence suite àune manipulationgénétique. Mais

une fraction dÊhumains, les Blue Dots,mène une résistance armée. Une deses bombes touchera le vaisseau deshéros⁄ Red Sun ne révolutionne pasles ressorts de lÊintrigue futuriste maisle dessin explosif dÊAlessandra deBernardis (Ale) assure le spectacle.Vaisseaux cargos, explosions et aliens,ses couleurs lumineuses et son traitexpressif rendent cet univers spatialtangible⁄ Première publication delÊéditeur Kamiti, cette BD de science-fiction ravira les amateurs de coups dethéâtre et d'action.Kamiti, 56 p. couleurs, 14,95 €

LINE-MARIE GÉROLD

IL FAUT FLINGUERRAMIREZ, T.1

MUET COMME UNE TOMBE

de Nicolas Pétrimaux,Glénat, 144 p. coul.,19,95 €

JULIEN FOUSSEREAU

Avec Il faut flinguer Ramirez, Nicolas Pétrimaux livre un chant d’amour au cinéma américain virilet fort en gueule plutôt alléchant. Plus que sur l’histoire qui demande encore à se déployer, cepremier tome séduit pour le tranchant de son trait et son ambiance tarantinesque à souhait.

TUERIES ETQUIPROQUOS,

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R e d é c o u v e r t e

E n 1755 éclate entre la Franceet lÊAngleterre un conflit mili-taire qui sera connu comme

ÿ La Guerre de sept ans Ÿ. Ce conflit ades répercussions sur le nord du conti-nent américain où les deux puissancesont commencé à implanter comptoirscommerciaux et colonies. Chacune tissedes alliances avec des Nations amérin-diennes, jouant des rivalités existantes.200 ans plus tard, Hugo Pratt travaillealors en Argentine. Avec le scénaristeHéctor G. Oesterheld, il partage pourcette période de lÊhistoire américaineune passion nourrie par les lectures évo-catrices de Fenimore Cooper, ZaneGrey et Kenneth Roberts⁄ Ensemble,ils décident dÊécrire un feuilleton dansce cadre. Ticonderoga sera publié dansles revues Frontera puis Extra Fronteraentre 1955 et 1957.Dès les premières pages, la puissancelittéraire et le pouvoir suggestif desimages se combinent harmonieusementpour nous entraîner dans les forêts duGrand Nord, et vibrer au rythme dessouvenirs du narrateur, qui évoque sajeunesse à la fois effroyable et mer-veilleuse dans les forêts sauvages quientourent les Grands Lacs.

RESTAURATION DIFFICILE

Cette réédition en deux volumes, lÊunà lÊitalienne, lÊautre à la française (lesrevues Frontera et Extra Frontera nÊétantpas publiées dans le même format) per-met à tous les amateurs de découvrirce monument, indisponible depuis desdécennies. En lÊabsence des planches

originales, les éditeurs ont fait ce quÊilspouvaient à partir des revues dÊépoque,dÊune médiocre qualité dÊimpression,ce qui donne souvent un certain flouau rendu final. Dans cette entreprisede restauration patrimoniale, on déplo-rera de malheureux collages etbidouillages non mentionnés mais trèsdommageables, bien visibles dans lÊhis-toire Le Loup vert. Par ailleurs, on regretteque les intéressantes postfaces nedétaillent davantage le rôle de GiselaDester, alors compagne de Pratt, quilÊassista sur ces planches et dessina lesépisodes suivants, jamais rassemblésen album.

Après Sergent Kirk et Ernie Pike, voici la réédition très attenduede l’autre grande collaboration entre les talentueux Hugo Prattet Héctor G. Oesterheld : Ticonderoga

Nouveau Monde

TICONDEROGA

de Hugo Prattet Héctor G. Oesterheld,

Casterman, 2 tomesréunis dans un étui,192 p. et 80 p. n&b,

7000 ex. numérotés, 49 €

VLADIMIR LECOINTRE

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Souvenirs du

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Batman Metal, T.1,collectif

Quand ScottSnyder se décideà conclure enfanfare ses 52épisodes deBatman New 52,ça donneBatman Metal.Imaginez queBruce Wayneait été le piredes super-vilainset vous avez la

situation au cflur de Batman Metal.Grosse compilation orchestrée parUrban pour que les fans françaisprofitent au maximum de ce crossover.Outre deux épisodes de la sérieéponyme, retrouvez les préludes DarkDays the Forge et The casting, ainsi quela série dÊépisodes sur la résistance àGotham. Une lecture à réserver auxconnaisseurs de lÊunivers DC tantSnyder joue avec les concepts les pluscomplexes. Ce détail réglé, le plaisirde lecture est bien présent. Batfans,rassemblement !Urban Comics, 232 p. couleurs, 19 €

YANECK CHAREYRE

Criminal, T.7,de Brubaker et Phillips

Après cinq ansdÊabsence sur cetitre, le fameuxduo Brubaker /Phillips avaitremis le couverten 2016 avec cetopus bien senti.Deux destinsliés durant lesseventies : lepère, Teeg, tôlarden fin de peine

qui va jouer gros, accompagné plustard par son fils Tracy qui va apprendreà vivre tout ce quÊil y a de moche dansle monde des adultes. Deux histoiresà quelques années près, avec pour filrouge un hommage appuyé en noir etblanc aux comics de genre qui ont tantincarné les peurs et espoirs de cetteépoque révolue et pourtant si vivace.Sombre et bouleversant.Delcourt, 112 p. coul. et n&b, 14,95 €

CECIL MCKINLEY

Judge Dredd :Les Affaires classées, T.3,de John Wagner & co

Ce troisièmetome delÊimpeccable,vraie et belleéditionintégrale deJudge Dredden Francenous propose– outrequelquesrécits plusou moins

courts – la deuxième grande saga endate de la série : Le jour où la loi estmorte. Une histoire poussant jusquÊauparoxysme le rôle de la loi avec unJudge Cal omnipotent et dictatorialnÊayant plus que Dredd dans sonviseur avant dÊatteindre le pouvoirabsolu. Ces histoires datant de 1978-79 expriment génialement lÊespritpunk de lÊépoque, combattant jusquÊàlÊabsurde et la folie, dans une beautébrute...Delirium, 200 p. n&b et couleurs, 32 €

CECIL MCKINLEY

C o m i c szoom bd us

G alactus avait juré de ne pasattaquer la Terre. Mais levoilà à nouveau surplom-

bant New York, bien décidé à libérerles humains de leur carcan en adoptantune posture divine. Alors que leshumains se laissent aller à leurs pen-chants les plus sombres, motivés parlÊappel de Galactus, un être se dressepour tous les autres : le Silver Surfer.

RENCONTRE FRANCO-AMÉRICAINE

La nature spéciale de ce livre, cÊestdéjà, bien entendu, la collaborationentre deux monstres sacrés de la BD,le scénariste américain Stan Lee etlÊauteur français Jean Giraud, aliasMflbius. LÊenthousiasme de Lee a sudonner envie à Mflbius de se lancerdans un nouveau défi.En sÊadressant à un Européen déjàculte, le scénariste savait quÊil allaitproduire une histoire différente, plusen symbolique. Parfaitement adaptéeau personnage voulu par Mflbius, leSilver Surfer.

UNE ŒUVRE QUI NE VIEILLIT PAS

Stan Lee a donc choisi de développerla dimension divine du duo Galactus /Silver Surfer. Dans un regard dÊune luci-dité forte sur lÊhumanité, Lee développeses réactions potentielles face à des êtresdépassant lÊentendement. Ce faisant, illivre une vision toujours pleine de sensaujourdÊhui, sur lÊextrémisme religieuxet le potentiel de notre espèce. Le SilverSurfer est à la fois lÊincarnation de ceque nous pourrions être et ce que nousne sommes pas, quand il se dresse faceau fanatisme et à Galactus. Attention,Parabole nÊest pas une fluvre niant lÊexis-tence dÊun Dieu. CÊest un appel à nousaccomplir nous-même avant tout. Unpropos fort, que Mflbius incarne avectout le talent quÊon lui connaît. Malgréses doutes créatifs, il propose une visiondes personnages qui retranscrit avec sapropre personnalité lÊimmense potentielque leur créateur, Jack Kirby, avait insuf-flé en eux. Les pages ne semblent abso-lument pas souffrir du temps qui passemais, au contraire, offrir une forme de

parenthèse permettant de toujours reve-nir avec plaisir à lÊouvrage.

ÉDITION AUGMENTÉE

Panini Comics propose en fin dÊalbumune belle section bonus. Retrouvez uncommentaire très complet de JeanGiraud lui-même ainsi quÊune introduc-tion de Stan Lee sur lÊorigine de cettecollaboration. Un auteur italien vientapporter un regard sur le contexte édi-torial américain et français de lÊépoque.Ajoutez enfin quelques illustrationspleine page de super-héros signéesMflbius. Intéressant et instructif, onaimerait que Panini joue le plus souventpossible cette carte. Mettre en valeurdu beau patrimoine Marvel Comics,cela ne se fait pas encore assez.

Une belle édition, riche en contenu bonus et à un prix très accessible, c’est l’offre faite par PaniniComics dans sa réédition d’un classique, le Silver Surfer de Stan Lee et Mœbius. On vous le faitdécouvrir ou redécouvrir !

SILVER SURFER PARABOLE

SILVER SURFERPARABOLE

de Stan Lee et Mflbius,Panini Comics,

80 p. couleurs, 14,95 €

YANECK CHAREYRE

RETOUR D’UN CLASSIQUE©

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I maginez un monde où les États-Unis jouentavec les bombes atomiques et que ces dernièresravagent la moitié de la planète. CÊest lÊunivers

dÊArchangel, que bons et méchants vont tenter detransformer. Le scénario envoie les personnages aumilieu de lÊAllemagne nazie, avec tout un tas de tech-nologies cool. William Gibson sÊest fait plaisir autantquÊil entend faire plaisir aux amateurs dÊuchronies etde science-fiction. Mais malheureusement, cetteenvie, clairement communicative, compense mal plu-sieurs failles que lÊon ne peut taire.

UN OUVRAGE IMPARFAIT

Le voyage dans le temps, cÊest compliqué. On nousprésente un futur dystopique basé sur notre présentdont on apprend plus tard quÊil est basé sur une uchro-nie : dans ce récit, la seconde bombe atomique nÊapas explosé à Nagasaki, mais sur Staline. Il nÊy a aucuneexplication quant au fait que les Américains aient euvent dÊune telle information. On pourrait penser queles actions des méchants en soient la cause, mais latechnologie qui leur permet de partir dans le passécrée de nouvelles lignes temporelles, de nouveauxmondes. Leurs actes nÊont donc pas pu provoquer le

futur en question. Donc le monde de départ ne peutpas exister. Une lecture suffit pour comprendre que lefond ne tient pas. Et cÊest la base de lÊhistoire.NÊattendez pas un dessin susceptible de rattraper lesmanquements de lÊhistoire. Butch Guice, dessinateuraméricain de grande qualité, livre des planches bâclées,dans lesquelles lÊhéroïne anglaise nÊa jamais le mêmevisage. La qualité est inconstante de bout en bout.Certaines cases sont tout simplement ratées avec desfaces disproportionnées. ¤ la croisée des deux, parlonsdÊune narration régulièrement difficile à suivre, avec

des ellipses nébuleuses entredeux cases.Archangel ne restera donc pascomme lÊun des fleurons de la col-lection Glénat Comics. Dom-mage, le potentiel était là, mais ilaurait demandé plus de travailpréalable et un meilleur suivi édi-torial du dessinateur.

Et si l’Amérique du futur voyageait dans le temps pour éviter la fin du monde et enprendre le contrôle depuis le passé ? Telle est la proposition du romancier cyberpunkWilliam Gibson, mise en dessin par Butch Guice et éditée par Glénat Comics.

ARCHANGEL :le pire desmondes américains ?

c ARCHANGELde William Gibson et Butch Guice,Glénat Comics, 160 p. couleurs, 19,95 €

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C o m i c s

AFFAIRES INSÉRÉES

Dans lÊespace, personne ne vousentend crier Ÿ⁄ CÊest sansdoute lÊune des motivations

qui ont poussé au meurtre dÊEdwardMadigan, le premier officier duHadrianÊs Wall – un vaisseau spatialchargé de prospecter de nouvellessources dÊexploitation minière. Alorsque les colonies comme celle de Thêtaremettent en cause le diktat écono-mique de lÊalliance terrestre et que lestensions menacent de dégénérer, ildevient urgent dÊélucider le mystère.Officiellement, la compagnie Antarèsne désespère pas que le fait divers nesoit en réalité quÊune suite de coïnci-dences ou que des causes passionnellesaient abouti au drame. Pour en avoirle cflur net, un enquêteur est dépêchéà bord. Un enquêteur de premier plan(bien quÊaddict à de multiples drogues),mais un enquêteur que lÊon a choisisurtout parce quÊil est en lien avec laveuve de la victime. Si Simon Mooreentend bien parvenir à expliquer lepourquoi du comment, il y a fort àparier quÊil souhaitera en profiter poursolder une affaire restée en suspens⁄

STYLES ENSERRÉS

En matière de science-fiction, HadrianÊsWall est à la bande dessinée ce queOutland est au septième art, cÊest-à-

dire un récit noir et un huis-clos quimise beaucoup sur lÊapesanteur de sonintrigue. Si le film joue aussi avec lescodes du western, la bande dessinéesÊaventure quant à elle du côté ducinéma dÊespionnage de lÊaprès-guerre.Un cinéma fortement marqué par le

maccarthysme sÊil en est. Car en effet,les circonstances du meurtre dÊEdwardMadigan fleurent bon la trahison auprofit dÊune intelligence ennemie.Kyle Higgins et Alec Siegel ont faitun pari audacieux en délivrant un scé-nario particulièrement économe enmatière dÊaction, mais riche de ten-sions psychologiques et de person-nages épais. Le tout est appuyé par letalent de Rod Reiss qui parvient àplanter une atmosphère étouffante aumoyen dÊun dessin anguleux et dÊam-biances colorées remarquablementbien dosées. Il semble évident que ledessinateur a été inspiré par ladémarche artistique de Bill Sienkiewicz.Si la filiation semble patente, le dessi-nateur est parvenu cependant à briderle foisonnement qui caractérise le stylede son aîné afin de rendre la lectureplus limpide. Tous les éléments sontdonc réunis pour que HadrianÊs Wall soitun indispensable, ou du moins un trèsbon comic-book, dÊautant que ledénouement est à la hauteur des inten-tions de départ et des moyens engagés.Le seul bémol vient (comme dÊhabi-tude) de lÊadaptation française qui per-siste à mettre des mots en gras dansles dialogues, alors que ces enrichis-sements propres à lÊanglais ne riment

à rien dans la langue de Molière. Ondéplore aussi (comme dÊhabitude) lamaladresse de certaines phrases et laperte de style occasionnée par le pas-sage de lÊanglais au français. Les bonstraducteurs se font rares.

Une série noire de science-fiction. Il fallait y penser. Le trio d’auteurs à l’origine de Hadrian’s Wall fait brillamment la démonstrationque les confins de l’espace peuvent se prêter à autre chose qu’au space opera.

HADRIANÊS WALL, T.2

de Kyle Higgins,Alec Siegel et Rod Reis,

Glénat Comics,112 p. couleurs, 15,95 €

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KAMIL PLEJWALTZSKY

Le mur du silence ©

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C ertes, depuis le début desannées 2000, les fans avaientpu lire The Authority (la

genèse de Warren Ellis puis la reprisepar Mark Millar, ainsi que divers spin-off) à travers différents fascicules etalbums chez Soleil, Semic puis Panini.Mais avec le second album de cetteintégrale de la série chez UrbanComics – complétant lÊintégrale endeux volumes de Stormwatch, la sérieoriginelle qui généra The Authority –cÊest bien la première vraie édition

cohérente de cette fluvre qui estmaintenant disponible : rien de moinsque les entières fondations du mythe.Il était temps, car cette série rentre-dedans emblématique de son créateurreste encore aujourdÊhui un jalonincontournable dans lÊhistoire contem-poraine des comics. Après lÊarc fon-dateur dÊEllis qui nous fit faire connais-sance avec cette super-équipe bienplus interventionniste et... autoritaireque tout ce quÊon avait pu voir jusquÊicidans le genre et qui se referma sur lamort de Jenny Sparks, esprit du XXe

siècle à la tête de The Authority, MarkMillar enfonça le clou en compagniede son compatriote écossais FrankQuitely.

MONTÉE EN PUISSANCE

Là où Ellis sous-entendait que lesactions dÊun tel super-groupe auraientnécessairement des répercussions surles politiques des hommes, Millaraborda le sujet de manière plus fron-tale en faisant se confronter violem-ment justiciers masqués surhumainset gouvernements humains à lÊaubedu XXIe siècle (plus tard, Brubaker iraencore plus loin dans cette logiqueavec Revolution où The Authority pren-dra radicalement le pouvoir àWashington). Démesure et pieds dansle plat sont donc plus que jamais demise, entre catastrophes naturellesgigantesques et super-héros faisantune overdose, homoparentalité et

mariage gay, ou bien paranoïa poli-tique... Cet album propose égalementlÊarc réalisé par Peyer et Nguyen afinde pallier les retards dus entre autresà des problèmes de censure dans uncontexte post-11 septembre trèsfébrile, ainsi que les versions initialesdes épisodes 13 et 14 et une histoiresignée par le duo historique Ellis /Hitch à lÊoccasion des 25 ans deWildstorm. Bref, de quoi ravir tout afi-cionado de ce blockbuster irrévéren-cieux à souhait !

THE AUTHORITY, T.2

de Millar, Peyer,Quitely et Nguyen

Urban Comics,480 p. couleurs, 35 €

C o m i c szoom bd us

Seven to Eternity, T.2,de Rick Remender,Jerome Opena et JamesHarren

Le westernfantastique post-apocalyptique deRick Remenderet Jerome Openalivre un deuxièmeopus quiconfirme lapromesse dutome 1 : le voyageimporte plus quelÊapparente

réussite initiale des personnages. Tousles personnages sans exception semontrent complexes et nuancés,jusquÊau méchant lui-même dont onne sait plus trop quoi penser à la fin.Le scénariste nous manipule de bouten bout, ce dont le lecteurredemande, et ça tombe bien carlÊaventure nÊest pas terminée. Seulepetite déception de cet album,lÊabsence sur quelques épisodes delÊexcellent dessinateur Jerome Opena,remplacé par un artiste au ton pluscartoony et moins impressionnant.Urban Comics, 136 p. coul., 15,50 €

YANECK CHAREYRE

Weird Fantasy, T.1,collectif

Depuis ledébut de cettepremière éditionintégrale en VFdes publicationsEC Comics parAkileos en 2012,chaque tome 1inaugural dÊunnouveau titre

est une victoire, un soulagement etun bonheur pour tout fan françaisfrustré par une éternité de frilositééditoriale. Il en va ainsi pour WeirdFantasy, car même si ce titre de SFeut moins de succès que ceuxdÊhorreur (peut-être à cause duformat court des histoires), on yretrouve Wood et Kurtzman audessin dans près de la moitié desrécits, et une plus grande implicationdÊAl Feldstein. Aussi délicieux quepatrimonial et indispensable !Akileos, 208 p. n&b, 27 €

CECIL MCKINLEY

Secret Weapons, dÊEricHeisserer et Raul Allen

Le manipulateurToyo Harada avaitpris la peine defaire émergertoute unegénération dejeunes gens dotésde pouvoirs pourmener son grandfluvre. Maiscertains voyaientapparaître des

pouvoirs inutiles et furent mis sur latouche. Personne ne s'occupait d'euxmais une étrange créature les traquedésormais. Heureusement pour eux,l'héroïne Livewire entend bien leurvenir en aide. Excellente idée que deprésenter des héros aux pouvoirsridicules. L'univers Valiant continuede jouer avec l'héritage de ToyoHarada mais le fait avec un décalagescénaristique et visuel bienvenus.Encore une série qui renouvelle avecfraîcheur le monde des super-héros.Bliss Comics, 208 p. couleurs, 20 €

YANECK CHAREYRE

L’édition définitive et homogène de la série originale The Authority est enfin à portée de mainaprès divers zigzags éditoriaux, offrant un écrin digne de ce nom à cette œuvre qui fit date.

De l’autorité, #%§&*£ !

CECIL MCKINLEY

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zoom mangas

P endant longtemps, les prixremis par la Japan Expoétaient remis pendant la Japan

Expo. Cela présentait un souci majeur :une fenêtre de médiatisation ultra-courte. Car le plus grand festival euro-péen consacré aux cultures japonaisesse tient début juillet. Quand il sÊachève,toutes les rédactions basculent en modeestival⁄ autant dire que les ÿ JapanExpo Awards Ÿ étaient décernés danslÊindifférence générale : les journalistespartaient à la plage, les éditeurs ne pre-naient pas la peine dÊimprimer des stic-kers, et les libraires ne faisaient riennon plus de particulier pour relayerlÊinformation. Bref, autant donner descoups de katana dans lÊeau. Conscients

de ce souci, les organisateurs de JapanExpo ont avancé leur calendrier, ce quinon seulement donne à toute la chaînedu livre la possibilité de profiter desPrix, et leur permet à eux, de faire parlerdu festival quelques mois avant sondéroulement. La mécanique des Japan Expo Awards(également nommés les ÿ Daruma Ÿ,du nom des statues rondes japonaisesréputées porter chance) est proche decelle des Fauves dÊAngoulême : uncomité de sélection établit, pourchaque catégorie, une liste de préten-dants. Ces listes sont ensuite soumisesaux votes de différents jurys : un jurymanga, un jury anime et le public,invité à voter par Internet.

AND THE WINNERS ARE…

Pour le manga, le jury composé de jour-nalistes, bibliothécaires et libraires aconsacré une jeune mangaka, YoshitokiOima, pour ses deux titres publiés enFrance : A Silent Voice (Ki-oon) décrochele Daruma dÊor, tandis que To yourEternity (Pika) obtient le prix de lameilleure nouvelle série. Le Daruma dumeilleur scénario revient à Golden Kamuide Satoru Noda (Ki-oon), celui dumeilleur dessin est attribué à HaruhisaNakata pour Levius Est (Kana). Enfin, leprix du patrimoine est décerné à Je suisShingo de Kazuo Umezu (Le Lézardnoir), un prix que ce même titre avaitdéjà remporté à Angoulême quelquessemaines plus tôt.Les prix du public permettent de dis-tinguer les meilleurs shôjo, shônen et seinen.Sont ainsi plébiscités, en shôjo : CardCaptor Sakura - Clear Card Arc de CLAMP(Pika), en shônen : My Hero Academia deKôhei Horikoshi (Ki-oon) (et on noteraque ce titre avait déjà obtenu le DarumadÊOr lÊannée précédente), et en seinen :Après la pluie de Jun Mayuzuki (Kana).En animation, sont primés Dans un recoindu monde (Daruma dÊor Anime), Yuri onice (meilleur scénario) et⁄ My HeroAcademia pour le Daruma de la meilleuresérie adaptée. Et voilà, vous savez main-tenant quoi lire et quoi regarder !

Perdus dans la jungle des quelques 2000 parutions manga annuelles ? Pas de panique,les Japan Expo Awards vont vous inspirer quelques lectures ou visionnages…

JÉRłME BRIOT

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KenÊen, T.1, dÊIchimuraItoshi et Fuuetsu Do

KenÊen nesurprend passpécialementpar sa formulede comédiefantastique déjàbien balisée, maisy mélange avecmalice différentsgenres quilÊemmènentvers une

direction a priori imprévue. Le récittrompe joyeusement son lecteur dèsles premières pages pour choisir delui fournir au final un duo tragi-comiquede créatures semi-humaines à ladynamique tout droit sortie dÊunecomédie romantique. On sent déjàpoindre sous cette couche dÊhumourtoute la douleur des thèmes humanistesque lÊauteur introduit rapidement.Mashira lÊhomme-singe et Hayate lechien exorciste nÊont toutefois pas finide se prendre le bec.Doki-Doki, 192 p. n&b, 7,50 €

Sunny Sunny Ann!, de Yamamoto Miki

Pika tape fortavec Sunny SunnyAnn!, récitpolyphoniquedÊune façondifférentedÊarpenter lemonde. LÊhéroïnede ce récit nesupporte pasle carcan dela modernité

douillette. Elle fait le choix de vivrelibre, dans sa voiture, vendant soncorps à lÊoccasion lorsquÊelle a besoindÊargent. Mais la liberté a un prix plusgrand et plus difficile à payer que prévu.Ann vit, Ann souffre, Ann explore unquotidien affranchi avec force etdétermination. Rien ne lÊarrêtera, pasmême les limites morales dÊune sociétédans laquelle elle étouffe. Une autre vieest possible et si vous y percevez plusde tristesse et dÊadversité que de joie,cÊest que vous nÊavez pas encore assezaccompagné Ann.Pika, 208 p. n&b, 16 €

Blue Giant, T.1,dÊIshizuka Shinichi

Il est dÊunecandeur à touteépreuve mais ilest un peusimplet. Ducoup, difficilepour luidÊexpliquervraiment cequÊest le jazz. Entout cas, il en estfou amoureux.

Cette énergie, cette liberté créative,cette puissance. CÊest sûr, même sÊil nesait pas vraiment comment procéder,Dai sera jazzman. Shinichi Ishizukareprend son modèle préféré depersonnage quÊil avait déjà abordé dansVertical, et lÊemmène faire un tour dansle monde des notes endiablées et delÊémotion qui vient des tripes.Autodidacte forcené, Dai surmonteratoutes les déconvenues avec le sourireet un souffle musical constammentrenouvelé.Glénat, 224 p. n&b, 7,60 €

ALEX MÉTAIS

Japan ExpoAwards 2018

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M a n g a s & A s i ezoom mangas

D ans un trou de souris de laville de Nakamichi, madameYamamoto, une femme un

peu lunaire, tient un salon de mimikaki.Le mimikaki est le nom donné aux cure-oreilles traditionnels japonais. Pour800 yens, hommes, femmes, jeunes etvieux peuvent se faire nettoyer lesoreilles de façon experte. Nous sui-vons des extraits de vie de neuf qui-dams qui ont pour seul point commundÊêtre clients du salon Yamamoto. En neuf saynètes, ces visiteurs vonttrouver un peu de réconfort et parfoismême des solutions aux tracas qui lesaniment, tout en se faisant désensablerles portugaises. Ce sont autant defenêtres sur le quotidien japonais.

COMPLEXE D’ŒDIPE

Car au Japon, le mimikaki est associé àlÊenfance. Bien souvent, cÊest la mèrequi cure les oreilles de sa progéniture :les enfants, la tête posée sur ses genoux,se délectent de ce petit plaisir familial.Quelques décennies plus tard, lessalons de mimikaki permettent auxadultes de revivre ces moments intimes,qui peuvent même se transformer en

plaisir érotique.Mimikaki réunit les premiers essais deYaro Abe dans le monde du manga. ¤lÊinstar de sa série phare La Cantine deminuit (éditée également au LézardNoir), lÊauteur sÊamuse à explorer lequotidien japonais à travers des expé-riences personnelles. Car la nourriturecomme le curage dÊoreilles appellentau mémoriel. Dans Mimikaki, ces petitesoasis de plaisir vont provoquer un émoisexuel, permettre de revivre un premieramour, ou encore provoquer une épi-phanie religieuse. Les clients du salonne se confient pas à madame Yama-moto ; elle nÊest quÊun catalyseur, per-mettant de réveiller les émotions. Pour accompagner ces récits contem-platifs, Abe utilise un dessin assezarrondi, plutôt tendre. Les visagesdes personnages, pourtant tout enéconomie de traits, sont très expres-sifs. Surtout, pour chaque client, lessensations du mimikaki sont représen-tées comme un papillon butinantlÊoreille, un courant dÊair traversantla tête ou réseau de filaments cares-sant le cerveau.Mimikaki – LÊétrange volupté auriculairesÊadresse dÊabord à un lectorat souhai-

tant rentrer un peu plus dans lÊintimitédu Japon du quotidien. Cependant,son dessin accessible et son propossimple conviendra à tout amateur debande dessinée en général.

MIMIKAMILÊÉTRANGE VOLUPTÉ AURICULAIRE

de Yaro Abe,Le Lézard Noir,200 p. n&b, 13 €

Vous souvenez-vous de cette scène dans Intouchables, où le personnage campé par FrançoisCluzet se fait masser les lobes d’oreille ? C’est un plaisir très similaire qui est exploré dansMimikaki – L’étrange volupté auriculaire, qui sort le 7 juin, au Lézard Noir.

THOMAS HAJDUKOWICZ

À L’ÉCOUTE

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DE SON PLAISIRRetour aux sources, T.1,de Zuo Hsuan

Grace à unjoli prétexteromantico-étudiant, nouseffectuons unretour aubercail délicataux côtés deXia Zhixun,jeune Taiwanaisqui va devoirmettre enregard sa vie à

la capitale et ses souvenirs champêtresde jeunesse. La force de ce diptyqueréside dans une discrète maturitématinée de pics dÊhumour plusclassiques qui devraient rendre ce récitintrospectif accessible à des lecteursplus souvent concentrés sur deshistoires davantage typées adolescentes.Entre malaises familiaux et découvertedu folklore rural local, Retour auxsources distille une ambiance estivalebucolique au goût doux-amer denostalgie et de folles festivités.Kana, 212 p. couleurs, 12,70 €

ALEX MÉTAIS

Drop Frame, T.1et 2, de Nariie Schinichiro

Les boulever-sementstemporels sontlégion dansles fluvresde fiction, maiscelui-ci sembleplus tenir de ladéconstructionpsychologique.La désagré-gationtemporelle se

lie alors étrangement à la confusionmentale pour un récit qui assume viteson éclatement tout en prenant unmalin plaisir à perdre son lecteur dansdes méandres savamment dispersés.La série débute gentiment comme unclassique récit dÊété, shôjo neutre àprogression amoureuse classique. Nevous laissez pas tromper. LÊéditeur necesse de répéter quÊil faut lire le secondvolume dans la foulée et force est deconstater quÊil a raison. 20/20 pour lechangement surprenant de prismenarratif.Doki-Doki, 200 p. n&b, 7,50 €

ALEX MÉTAIS

Blue, de Kiriko NanananDans un lycéejaponais, ladernière annéeavant la fac,deux jeunesfilles serapprochentet vivent unehistoire horsnormes.Amour, amitié,homosexualité,avenir⁄ Blue

aborde tous ces sujets avec finesse etsubtilité, mettant aussi le doigt sur lesattentes et les désillusions de lajeunesse japonaise. Paru initialement en1996 dans le magazine Comic Are puisen album, Blue revient dans son sensde lecture original chez CastermanÉcritures. Une nouvelle occasion dedécouvrir ce titre tout en langueurde cette dessinatrice surdouée.Casterman, coll. Écritures,240 p. n&b, 13,75 €

HÉL˚NE BENEY

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M a n g a s & A s i e

G race Field House est unorphelinat modèle pourenfants jusquÊà 12 ans. Sous

la garde bienveillante de Mère Isabella,la directrice dÊétablissement que tousles enfants ici appellent affectueuse-ment Maman, une petite armada dÊor-phelins vit, joue, apprend et granditen attendant lÊadoption. LorsquÊunenfant quitte lÊétablissement, cela libèreune place pour un petit nouveau. Unpetit paradis ? Hélas non. Emma etNorman, deux petits surdoués, vontbientôt découvrir que Grace FieldHouse est en réalité une ferme. Unélevage, dont ils sont le bétail. Derrièrele portail que ÿ Maman Ÿ leur a interditdÊapprocher, dans ce monde extérieurquÊils nÊont jamais vu de leurs propresyeux, ceux qui quittent lÊorphelinat nesont pas récupérés par des parentsadoptifs à la recherche dÊun enfant àaimer. Mais par des démons affamés.Quand lÊhorrible réalité éclate, Emma

et Norman comprennent quÊils nÊontpas le choix : il faudra sÊévader ou mou-rir. Pour Emma, pas question de laissermême un seul de leurs camarades auxgriffes des démons. SÊévader, donc, enemportant tout le monde et en trom-

pant la vigilance de Maman⁄ Plusfacile à dire quÊà faire, car elle est dÊuneintelligence redoutable. Et elle lesconnaît par cflur : cÊest elle qui les aélevés ! Démarre alors un jeu du chatet de la souris qui nÊest pas sans rappelerles meilleures scènes du désormais cul-tissime Death Note !

UNE SÉRIE TRÈS CONVOITÉE

2018 est un excellent millésime pourle manga. Le premier semestre a vu lelancement de quatre séries plus queprometteuses : Black Torch chez Ki-oon,LÊAtelier des sorciers chez Pika, Dr Stonechez Glénat⁄ The Promised Neverland,qui paraît chez Kazé, est probablementle titre qui a le plus gros potentiel. Entout cas, lÊéditeur y croit très fort, avecun premier tirage à 100 000 exem-plaires pour le lancement du tome 1. Au Japon la série fait un véritabletabac : des huit volumes publiés depuisle lancement en 2016, chacun a dépasséle million dÊexemplaires vendus. Assezlogiquement, ce titre a donc étéconvoité par la plupart des éditeursfrançais, et il a fait lÊobjet dÊune suren-chère. Si Kazé a remporté cette batailledÊattribution, cÊest quÊils devaient êtreles ÿ mieux-disant Ÿ dans les ambitionsaffichées et les initiatives marketingproposées. CÊest peut-être aussi en par-tie parce que ce label est, rappelons-le, la filiale française de Viz Media, quireprésente les intérêts pour lÊEuropedes géants japonais de lÊédition,Shûeisha et Shôgakukan1. Le succès deBlack Clover, gros titre lancé il y a deuxans, a prouvé à la maison-mère que lafiliale locale sait lancer un blockbuster,gérer son succès et le maintenir. Dèslors, pourquoi donner à la concurrenceles plus beaux fleurons du catalogue,sÊil est possible de sÊen remettre à lasociété ÿ maison Ÿ ?

THRILLER PSYCHOLOGIQUE

Sur le plan graphique, The PromisedNeverland ne se distingue pas particu-lièrement de la masse des parutions.

Car le niveau est globalement élevé !Posuka Demizu a des choix de cadrageet un art de la mise en scène qui ren-dent les scènes intenses et rythmées ;mais son trait manque un peu de carac-tère. On nÊy trouve ni lÊoriginalité quifait le sel de Dr Stone, ni la fureur desdessins de Black Torch, ni cette éléganceépurée qui émerveille le lecteur deLÊAtelier des sorciers. En revanche, le scé-nario est une mécanique implacablequi emporte lÊintérêt du lecteur dès lespremières cases. Le scénariste sÊamusemême à glisser dans les jeux des enfantsune réplique hilare : ÿ Groaaah ! Gare àvous ! Je vais vous dévorer ! Ÿ, qui sonnedÊune toute autre manière à la relec-ture⁄ Cabotin et flippant, The PromisedNeverland est une petite merveille dÊéqui-libre, un titre qui fait frémir et que,pourtant, on peut mettre entre toutesles mains. Exceptionnel !

THE PROMISEDNEVERLAND, T.1

de Kaiu Shiraiet Posuka Demizu

Kazé, 192 p. n&b, 6,79 €

VENEZ MANGER

1 Lire à ce sujet lÊinterview de Pierre Valls,directeur éditorial de Kazé, parue dans leZoo spécial Japan Expo de 2016.

JÉRłME BRIOT

The Promised Neverland est une sorte d’équivalent dessiné desjeux d’Escape Game. Les personnages s’y livrent, sans magie,à une bataille d’intelligence où se joue leur survie…

LES ENFANTS !

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M a n g a s & A s i ezoom mangas

L a reine Viviane est unesémillante jeune fille qui a àcflur de constater par elle-

même le bien être de son peuple. Entresorties secrètes et quiproquos popu-laires facétieux, elle ne tardera pas àdécouvrir quÊune terrible menace pèsesur tous les royaumes libres des envi-rons. Cette série qui sÊest originelle-ment illustrée par son fan-service heroic-fantasy gentillet mais un peu troppoussé (certains diront assumé) nousoffre un final somptueux. La grivoiseriegénérale et la légèreté dÊune reine avidede liberté laisse place à la tension dÊunebataille rangée bien planifiée. Voilàune série qui, plutôt que de péricliter,sÊéteint, un peu trop tôt, dans unesomptueuse explosion. Comme le ditle principal antagoniste, Haku, ÿ finis-sons en apothéose Ÿ. Cet album est unabandon pour son héroïne, la pé-tillante reine au casque. Un abandonde ses plus grandes valeurs, un aban-don de son optimisme et de ses idéauxcar il va lui falloir achever son adver-saire. Il faut bien ça pour gagner uneguerre. LÊauteur profite de lÊaffronte-ment final pour remédier par cetteoccasion à la plus grande faiblesse desrécits dÊaction moderne, le un contreun systématique qui nÊa pour but quedÊaccroître artificiellement et sans intel-ligence une tension de combat manu-facturée au millimètre.

LA FEMME AU MASQUE DE FER

La principale faiblesse de ce récit résidedans un panel large de personnagesplutôt génériques auxquels le lecteuraura du mal à sÊattacher. Leur mort,sensément marquante, sera difficile-ment ressentie comme telle, mais la

série se rattrape en disséminantquelques entités sensiblement charis-matiques qui seront suivies avec grandplaisir. Un léger ravalement de façadedes peuples fantastiques habituelsaidera aussi à faire passer la mixture,sans toutefois tromper lÊflil attentif desamateurs du genre. Bien entendu,Stravaganza sÊadonne au chapitre post-face un peu longuet destiné à présenterla félicité des personnages ayant sur-monté lÊadversité. ¤ lÊère de la dark fan-tasy sauvage et torturée, la série repré-sente un rayon de lumière qui nemanque pas de faire du bien. Mais sur-

prise ! Ce tome 6 de StravaganzanÊest au final quÊune conclusion

temporaire ! LÊauteur a débuté une nou-velle saison qui devrait sÊinscrire dansla continuité de lÊaventure que nousvenons de terminer. LÊexercice est ardu.Tous les compliments que nous venonsdÊémettre seront-il à jeter à la poubelle ?Nous attendons de le constater avecune grande curiosité.

STRAVAGANZA, T.6

de Tomi Akihito,Casterman,

224 p. n&b, 8,45 €

Deux gros poids bien mis en avant, deux mesures,il était temps de revenir sur Stravaganza à l’occasionde la sortie du tome 6 chez Casterman.

Extravaganza,

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Otaku Otaku, T.1,de Fujita

Un otaku bienintégré quisÊassume déclaresa flamme à unecomparserécalcitrante enplein déni social.Bien entendu,chaque situationde la viequotidiennese retrouve

bouleversée par leurs dévorantshobbies. La série tire son épingle du jeudans lÊavalanche de titres capitalisantsur le nouveau glamour du geek et delÊotaku grâce à un rythme narratifsegmenté surprenant qui mélangerespect des codes et travail de sapeétonnant. Bien loin de se moquer deleurs travers, lecteurs et auteurs lesembrassent avec humour et un brinde tendresse. Un jouissif plaidoyer enfaveur des amateurs frénétiques demondes imaginaires. Kana, 128 p. n&b, 5,95 €

ALEX MÉTAIS

Last Pretender, T.1, de Miwa Yoshiyukiet Eto Shunji

Quel est le plusgrand plaisirque peut nousapporter le japon ?Son art desaccrochesfumeuses. La Terredu futur est lepoint névralgiquede lÊunivers.Un tournoiintergalactique

entre les femmes les plus puissantes dela galaxie décidera du mariage du futurroi. Le dernier prétendant en date estun génie mégalo qui prévoit de fairegagner son propre concurrent, un clonefeminin créé sur mesure quÊil devraformer au cours dÊun voyage stellairemouvementé. La série camouflederrière une histoire totalementoutrancière et des graphismesclassiques mais acérés de nombreusespetites pépites qui font de ce tome unemontagne russe absolument jouissive. Kana, 208 p. n&b, 6,85 €

ALEX MÉTAIS

Saltiness, T.1,de Minoru Furuya

La collectionÿ WTF ?! ŸdÊAkata, faite derécits inclassablesqui élèvent legrotesquefoutraque etsubversif au rangdÊart majeur,accueille avecSaltiness un titreessentiel pour

qui aime les mangas bien perchés.Dessinée dans un style réaliste trèssoigné, cÊest lÊhistoire de Takehiko, untrentenaire qui jusque-là a consacré savie à sÊentraîner à lÊimperturbabilité.Histoire dÊêtre prêt, le jour où unhomme-fraise débarquerait chez lui.Craignant dÊêtre un fardeau pour sasflur, Takehiko part à Tokyo pour ydevenir indépendant⁄ sans être prêt lemoins du monde à affronter le mondemoderne. Et abordera cette épreuveurbaine avec une folie réjouissante etcommunicative.Akata, 208 p. n&b, 8,30 €

JÉRłME BRIOT

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M a n g a s & A s i e

C onnu en France pour sa fort farfelue série Ladyboyvs Yakuzas (chez Akata), Bargain Sakuraichiadapte un essai de sociologie tout à fait sérieux

de Atsuhiko Nakamura consacré à ceux qui sont désignésdans ce livre comme des ÿ puceaux tardifs Ÿ (une statistiqueeffarante est avancée : un quart des hommes entre 30 et50 ans seraient concernés par ce phénomène au Japon).Les caractéristiques sociétales japonaises – lÊauteur énumèreÿ lÊindividualisation de la société, la nucléarisation de la famille, labaisse de la natalité et du taux de nuptialité, la raréfaction des mariagesarrangés Ÿ, mais pointe aussi du doigt ÿ la précarisation delÊemploi, lÊappauvrissement économique, la perte de lien social Ÿ, ainsique, et cÊest loin dÊêtre anecdotique, ÿ la progression du statutsocial des femmes Ÿ – conjuguées à des parcours de vie chao-tiques marqués par le rejet précoce, des échecs répétés etdes rêves brisés, ont mené ces individus à une douloureusevirginité prolongée (bien souventirrémédiable selon le journaliste).

LE FANTASME DE L’ÉCOLIÈREVIERGE AUX GROS BONNETS

Huit portraits nous sont proposés,décrivant des personnes diplôméesou sans grade, otaku ou membre dela fachosphère, meurtries, résignées

(quand elles nÊont pas choisi lÊarrogance comme bouée desauvetage), plus ou moins lucides sur leur cas, isolées etbien souvent inaptes à la communication en situation réelle.Nombreuses sont celles qui évoquent le suicide commeunique option libératrice. Une réelle détresse sociale quise terre (beaucoup ne sortent pas de chez eux) ou qui sÊac-commode bon an mal an de lÊaltérité, non sans heurts ethumiliations. Des soirées de speed-dating pathétiques sontégalement évoquées, rassemblant des puceaux tardifs quiveulent continuer à y croire, alors quÊils fantasment sur desfemmes jeunes et encore vierges – ainsi moins effrayantes–, aidés en cela par une imagerie quasi pédophile déployéepar lÊindustrie du divertissement japonais. Des profils variés,une peine commune, de la frustration pour tous.Le mangaka dédramatise lÊensemble par un trait versantdans le grotesque (notamment, il prend un malin plaisirà dessiner les protagonistes lâcher des caisses) et quisÊavère parfois quelque peu cruel. Une fluvre instructive(chaque chapitre est conclu par un texte éclairant deNakamura), déconcertante, touchante, tragique maisheureusement traitée avec ce quÊil faut de légèreté etdÊhumour.

U n lycée japonais, aujourdÊhui. Senku, petitgénie des sciences, se moque de Taiju, uncostaud plein dÊénergie mais trop timide

pour déclarer sa flamme à la jolie Yuzuriha. Soudain,une lumière explose dans le ciel. Tout sÊarrête. Leshumains sont littéralement pétrifiés sur place, trans-formés en statues. Des millénaires sÊécoulent. Et un

jour, Taiju revient à la vie. Il nÊest pas seul : SenkulÊa devancé de six mois. Ensemble, ils vont sÊefforcerde survivre dans un monde hostile revenu à lÊâgede pierre. Mieux : ils vont mettre à profit leur seulacquis en ce monde barbare, les connaissances scien-tifiques dont ils se souviennent, pour rebâtir la civi-lisation et faire renaître lÊhumanité.

OÙ BOICHI INVENTE L’ANTI FAN-SERVICE

Dr Stone associe les talents de deux mangakas trèsrenommés. Riichiro Inagaki, le scénariste, a déjà faitses preuves sur Eyeshield 21. Boichi est quant à lui ledessinateur du cultissime Sun-Ken Rock, et dÊautrestitres dont Hotel ou Sanctum. Autant de seinen où lÊauteursÊest forgé une solide réputation de spécialiste desscènes dÊaction et du fan service. Dr Stone étant un mangashônen, lÊauteur allait-il exploiter les talents qui ont faitsa réputation ? Eh bien non. Malgré un contexte nar-ratif rempli de nudité subie (les vêtements nÊont pasrésisté à lÊoutrage du temps), Boichi sÊamuse à faire

de lÊanti fan-service. Certes, les per-sonnages sont nus, mais des élé-ments de décors coopératifs etdes angles de caméra improbablespermettent dÊen masquer les par-ties les plus intimes. Il en résulteun effet comique qui ajoute aucharme de cette série naissante etdéjà captivante.

Après l’apocalypse, dans un monde quasi dépeuplé, serait-il possible de tout reconstruire à partir de presque rien, avec lesmoyens du bord, en partant uniquement de solides connaissances scientifiques ?

c DR STONE, T.1, STONE WORLDde Riichiro Inagaki et Boichi,Glénat, 192 p. n&b, 6,90 €

La Virginité passé 30 ans, sous-titré Souffrances et désirs au quotidien, est un étonnant reportage en manga sur la misère sexuelleet les difficultés d’adaptation à la société d’un grand nombre de (plus si) jeunes hommes japonais.

JÉRłME BRIOT

c LA VIRGINITÉ PASSÉ 30 ANSde Nakamura et Sakuraichi, Akata, 240 p. n&b, 14 €

OLIVIER PISELLA

L’impossibilité d’une idylleM

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Le livre de ma naissanceou comment on fait lesbébés ?,de Kalicky et Graux

Léo vientdÊapprendrequÊil vadevenir grandfrère ! Unegrandenouvellequi apporteson lot dequestions :dÊoù vient le

bébé, comment est-il fabriqué, que sepasse-t-il dans le ventre de maman ?Une foule de questions simples pouraider à répondre aux interrogationsdes petits à partir de 3 ans. Bienconçu, joli et fondamental, il balaiebien le sujet⁄ des familles blanches,hétéro-normées et de classemoyenne. Si cÊest votre cas, cÊestparfait. Dommage tout de même,car deux-trois phrases ouvertespouvaient montrer aux plus jeunesla diversité de la parentalité.Éd. Gründ, 32 p. couleurs, 14,95 €

Monchhichi - Jamais sansArtus, collectif

Le Kiki detous les Kikis(cÊest monkiki !) est deretour ! Unerésurrectionrégulière (40ans après sanaissance) quirevient avecune série

télé en 3D, sous son nom originaljaponais, et les produits dérivéscomme les petits livres, adaptés desépisodes. On y retrouve les troishéros (Hanae, Kauri et Saule) quivivent de fabuleuses (!) aventures.CÊest mignon, lisse, rempli deréférences aux légendes japonaises,et surtout transgénérationnel puisquevéritable madeleine pour les parents !Il existe aussi des livres dÊactivités etcoloriage, bref, parfait pour lesvacances.Les livres du dragon dÊOr,30 p. couleurs, 5 €

Quand tu seras grand,dÊEmily Winfield Martin

Il est de ceslivres jeunessequi sont devéritablesbijoux detendresse :celui-ci enest ! LÊhistoireest simple, lenarrateur

sÊinterroge sur la personne que vadevenir lÊenfant plus tard, avec uneseule certitude : il ou elle seramerveilleux. Véritable déclarationdÊamour à la personne en devenirquÊest le petit lecteur, quoiquÊil ouelle devienne, ce texte poétiqueparlera autant aux adultes quÊauxenfants, garçons comme filles. Unbeau livre naïf et pur, à lire et àoffrir autour de soi. Les Éditions des Éléphants,30 p. couleurs, 14 €

HÉL˚NE BENEY

J e u n e s s ezoom jeunesse

T oujours ronde, toujours com-plexée, toujours gentille, tou-jours coincée dans les

méandres psychologiques de lÊadoles-cence, toujours la même en pas pareille,Tamara attaque maintenant la termi-nale. Et cette année va être, encore unefois, pleine de surprises et de rebon-dissements ! Déjà, Diego est de retour dans saclasse, toujours aussi adorable⁄comme sa nouvelle petite amie. Tamaratente de passer à autre chose sur lessites de rencontres, croise la route dÊungarçon super mais il est difficile dÊou-blier Diego (surtout lorsquÊil est serveurdans le restaurant dans lequel elle ason premier rendez-vous !). La famille ? Toujours recomposée,solide et soudée, même si un petit trem-blement de terre va faire chanceler tout

ça ! Le père volage et absent de Tamaraleur offre un cadeau de Noël pas banal :un bébé, Filandré, quÊil laisse à son ex-femme et sa famille sans rien dire, pouraller vivre un nouvel amour au bout dumonde ! Un coup dur pour sa mère et son beau-père, mais pas question pour Tamara(et sa petite sflur Yoli) dÊabandonnerce petit frère qui nÊa rien demandé. Etqui va forcément apporter un peu derenouveau et de fraîcheur à ce petitmonde déjà bien secoué.

SIMPLICITÉ ET BIENVEILLANCE

Bref, on retrouve Tamara et sa vieÿ banale et quotidienne Ÿ qui ne lÊestabsolument pas ! Car la série de lÊatta-chant personnage de lÊadolescente com-plexée, créé par Darasse et Zidrou dansle journal Spirou au début des années2000, déploie au fil de ses histoirescourtes et gags une image finalementassez réaliste des sentiments de la jeu-nesse, de la famille et de lÊamitié. Riende révolutionnaire, peut-être, mais sansprendre une ride, avec simplicité ethumour, la série plonge les lecteurs detous âges dans ce qui fait lÊessence desquestions adolescentes : la confianceen soi, notre place dans la société etsurtout la découverte de lÊamour et sesdétours ! CÊest dÊailleurs devenu un clas-

sique Dupuis, bienveillant, participantà lÊADN de lÊéditeur.Ces deux derniers albums, Zidrou alaissé sa place au scénario à Lou, quireprend le flambeau naturellement,mettant parfaitement en scène tout lepetit monde de Tamara. On constatequÊon peut continuer à la voir évoluersans se lasser, et pourquoi pas, demain,la suivre à la fac ? Pourvu quÊelle ait sonbac⁄

TAMARA, T.16 LA VRAIE VIE

de Darasse et Lou,Dupuis, 56 p. coul., 10,95 €

Déjà 18 ans (et une adaptation ciné) que l’on voit Tamara grandir, se débattre au milieu deschangements de l’adolescence, de ses problèmes de poids à ses petits bonheurs. Un personnagetendre et sincère qui revient dans un 16e album, à l’orée du bac et de l’âge adulte.

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UNE PINTE DEDIABOLO MENTHE

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Charlie & Pépino,de Krahn

Charlie estun petitgarçon quiaime lecirque etpasse, avecson chienPépino, unesoiréemerveilleusesous le

chapiteau du Circo Tibora. Dès lelendemain, Charlie enfile son habit delumière et sÊentraîne à faire des toursde plus en plus complexes. Pas sisimple ! Ce quÊil ignore, cÊest quePépino aussi sÊentraîne. Et disparaîtun matin⁄ Les jours passent et,inconsolable, Charlie va oublier sespeines au cirque. Une grosse surprise lÊyattend ! Look rétro et histoire courte,ce joli livre offre la découverte de lajoie intemporelle de lÊémerveillementface aux arts circassiens.La Joie de Lire, 32 p. couleurs, 12 €

Ni oui ni non,Réponses à 100 questionsphilosophiques dÊenfants,de Tomi Ungerer

Inutile deprésenter lÊundes maîtres dela littératureenfantineinternationale !LorsquePhilosophiemagazinedemande à TomiUngerer derépondre etdÊillustrer les

questions philosophiques des enfants(Pourquoi jÊexiste ? Quand un enfantcommence-t-il à penser ? Commentdire que lÊon aime ?...), lÊauteur y mettoute son imagination et sa poésie.Autant destiné aux parents quÊauxenfants, ce livre regroupe ses réponsesparues au fil des numéros. Un ouvragequi parle au cflur, parfois réaliste,parfois absurde, toujours percutant.LÊÉcole des Loisirs, 160 p. couleurs, 16 €

Aubépine, T.1,Le Génie saligaud,de Karensac et Thom Pico

La campagnependant lesvacances, çapasse encore,mais y habiter ?No way !Aubépine estune fille dubitume !Ses parentssÊinstallent à

la montagne, juste avant la grandemigration dÊoiseaux gigantesques qui,tous les 15 ans, dévaste tout sur sonpassage. Sa mère scientifique a peut-être une solution pour éviter lacatastrophe. Malgré sa détestation pourla nature, Aubépine vagabonde dans lamontagne, rencontre une bergère,vieille mémé mystique qui lui donneun chiot. Son aventure fabuleuse vapouvoir commencer ! Une BDdÊaventure réussie, drôle et moderne,qui ne prend pas les jeunes lecteurspour des canards sauvages. En revanche,Dupuis lÊa estampillée ÿ BD pourfilles Ÿ. En 2018, sérieusement ? CÊestdommage pour tous les petits gars quilÊauraient adorée !Dupuis, 104 p. couleurs, 9,90 €

HÉL˚NE BENEY

J e u n e s s ezoom jeunesse

P as de chance, la veille de son départ, il reçoit unmessage terrible de son père depuis le palais. Lareine Cordélia sÊest emparée du Château de

Cakeville et prévoit de dominer le Monde des Rêves ! Illui ordonne de venir pour régler le problème. Sauf queConcombre préfère la réflexion à lÊaction et nÊa rien dÊunhéros ! CÊest Amande, sa petite sflur, qui a lÊétoffe dÊunehéroïne, et heureusement, elle sÊincruste dans son aventurelégendaire⁄

DÉCALAGES

Une quête amusante dans ce pays où touta un nom de nourriture, qui sÊamuse avecles codes pour mieux les pulvériser. Lesjeunes filles sont plus bagarreuses que lesgarçons, réfléchir avant dÊagir nÊest pasla norme⁄ Concombre sÊacquitte toutde même de sa tâche avec gentillesse etson sens du sacrifice ouvre la porte dÊunequête héroïque qui sÊannonce longue et

rebondissante. Au milieu de ce monde magique, au superbedessin, les clins dÊflil décalés au lecteur sont les bienvenuspour rendre le tout un peu original.

Jeune lapin magicien, Concombre n’a qu’uneambition : étudier la magie dans la prestigieuseécole Puffington. Et justement, il y fait sarentrée demain ! Ou pas…

U ne langue bien pendue, unmoral dÊacier et un réseausolide, Philippine est le

détective privé des cours de récré quine sÊen laisse pas compter. Mais atten-tion, que son jeune âge ne vous abusepas : elle ne fait pas dÊenquêtes à laOui-Oui. Ici, on parle racket, vio-

lence, trafic, vol, meurtre. Du sérieux,donc, et surtout de lÊactuel.

JUSTICIÈRE AU GRAND CŒUR

Dans le premier tome, elle mettait àterre une équipe de racketteurs, dans ledeuxième, elle brisait un gang de ploucs

misogynes et voleurs du stock desRestos du Cflur et la voilà qui revientdans un troisième volume qui fait lanique à des pollueurs sans scrupules.Aidée par le caïd de la cité ou par sonpote de la casse, Philippine sait sÊen-tourer et rassurer sa mère (sourde) quisait tout dÊun regard ! Un nouveau tome, tout aussi bon queles précédents, qui malgré une liste

impressionnante dedélits pour Philip-pine comme pourles méchants, nevéhicule que delÊhyper positif et dubienveillant sansgnangnan !

c LES ENQU¯TES POLARDE PHILIPPINE LOMAR, T.3;POISON DANS LÊEAUde Zay, Blondin et Dawid,La Gouttière, 48 p. coul., 12,70 €

Pas de doute pour Philippine Lomar : plus tard, elle sera détective privé. Mais pourquoi attendred’être adulte ? Du haut de ses 13 ans (et demi), elle se lance déjà bille en tête dans sesenquêtes.

Petits plats

L’agitée du bocal

HÉL˚NE BENEY

c LA GRANDE AVENTURE DECONCOMBRE, T.1, LE ROYAUME DU DONUTde Gigi D.G.,Gallimard Jeunesse, 192 p. couleurs, 18 €

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Les Chroniques deClaudette, T.3,Chasseuse de monstres !,dÊAguirre et Rosado

Claudette estsurexcitée : letournoi desguerriers sedéroule à MontPetit Pierre !Elle compte bienreprésenter la villeet réussit à se fairechoisir par le

Marquis. Aidée de son petit frèreGaston, magicien pâtissier, et Marie, lagentille princesse, Claudette va materles monstres ! Sauf que la statue danslaquelle Grombach le magicien estenfermé est ramenée au milieu de laville et un esprit malfaisant pourraitavoir lÊidée de le libérer⁄ Retourde lÊintrépide (et folledingue) mini-guerrière dans un troisième tome aussidrôle et enlevé que les précédents. Onse lève tous pour Claudette !Akileos, 178 p. couleurs, 14 €

HÉL˚NE BENEY

Donald's HappiestAdventures,de Trondheim et Kéramidas

Après un premierMickey trépidant, letandem s'attaquemaintenant aucélèbre canard créédès 1934 par lesstudios Disney(pour simplifier,étant donné lenombre d'auteurs

impliqués à l'échelle mondiale !). Moinsastucieux que Mickey, Donald est plusattachant et drôle ; c'est un râleurmalchanceux, en permanence dans ladèche. Dans cet album au look vintage,il essaie de trouver le secret dubonheur. Voyage en Brutopie,rencontres avec Gontran Bonheur,Donald Dingue ou le méchant PatHibulaire, toujours placé au mauvaisendroit. Cette histoire agréable permetà Trondheim de poser des questionspresque philosophiques...Glénat, 48 p. couleurs, 15 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

LÊAutre Monde cycle 3 :Le Pays de Noël, T.2,de Rodolpheet Florence Magnin

Après lÊautrecôté du ciel et lesEnfers, les hérosde cet Autre Mondevisitent le Pays deNoël et sonenvers. Le veloutésoigné desaquarelles deFlorence Magnin,ajouté au

hiératisme des postures, confère à cesaventures, commencées il y a presquetrois décennies, une étrangeté théâtraleet onirique qui les rend singulières. Lesauteurs continuent de brasser avectendresse mythologies, contes etréférences artistiques. Toutefois, au furet à mesure des cycles, lÊoriginalitésÊémousse et la première histoire,rééditée à lÊoccasion de cettenouveauté, demeure le sommet decette création. Louons au passage ladessinatrice pour avoir rectifié lesmalheureux choix typographiquesdu 5e volume.Clair de Lune, 48 p. couleurs, 14,50 €

VLADIMIR LECOINTRE

É v é n e m e n tzoom actu bd

L a ville dÊAmiens sera-t-elle laprochaine Angoulême ? Laquestion peut surprendre.

Pour autant, cÊest un peu lÊambitiondes pouvoirs publics pour la préfecturede la Somme. Une ambition touterécente, qui part de la constatationque la bande dessinée est indéniable-ment un des outils de rayonnementdÊune ville qui nÊen possède pas à foi-son. Et il est vrai que les Rendez-vousde la bande dessinée dÊAmiens, dansle peloton de tête des festivals françaisselon leur fréquentation, est solide-ment ancré dans le paysage du 9e artavec ses (bientôt) 23 printemps (etson émanation éditoriale les éditionsde La Gouttière). Solidement ancréégalement dans la ville, puisque lesexpositions et animations sont dissé-minées dans plusieurs lieux culturelsamiénois. ¤ lÊétroit et éparpillé depuis2000 dans les locaux du pôle univer-sitaire, le cflur du festival devait chan-ger dÊespace pour trouver cohérenceet second souffle. CÊest chose faitecette année avec la mise à dispositionpar Amiens Métropole de la HalleFreyssinet, un vaste bâtiment de5000 m2 construit en 1926, acheté àla Sernam il y a une dizaine dÊannées,et laissé en friche jusquÊalors. Un lieuqui accueillera plusieurs expositionset les dédicaces des 80 auteurs invitéspar le festival.

NOUVEAUX MOYENS

LÊampleur de la halle, réhabilitée pourlÊoccasion, imposait dÊimaginer une scé-

nographie pour remplir lÊespace. Latâche a été confiée à lÊatelier Lucie Lom(dont fait notamment partie lÊauteurde bande dessinée Marc-AntoineMathieu), qui a imaginé des murs enforme dÊimmenses feuilles blanchesondulées, allusion sans équivoque àlÊune des matières premières du 9e art.LÊappropriation de la Halle Freyssinetentraîne une autre conséquence, celledÊallonger la durée des expositions àtout le mois de juin plutôt quÊau seultraditionnel week-end. Avec Zep,Zidrou, Denis Bajram, DanielGoossens, Enrico Marini, Julien Neelou Jérémie Moreau comme têtes dÊaf-fiche, une bonne vingtaine dÊexposi-tions, un concert dessiné, des perfor-mances graphiques et une pléiade

dÊanimations en direction des enfants,les Rendez-vous de la bande dessinéedÊAmiens poursuivent leur mission defaire découvrir le 9e art au plus grandnombre. Une mission loin dÊêtre sau-grenue lorsque lÊon épluche les étudessur le lectorat français de bande dessi-née. Si cette volonté de toucher le grandpublic empêche le festival dÊavoir uneidentité très marquée, elle lui confèreune grande ambition, stimulée par lesnouveaux moyens mis depuis cetteannée à sa disposition.

Pour sa 23e édition, les Rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens passent la vitesse supérieure.Le festival investit la Halle Freyssinet pour recevoir les 80 auteurs invités pendant le week-enddes 2 et 3 juin. 2018, l’année de la mutation.

LE FESTIVAL BDD’AMIENS FAIT SA MUE

23ES RENDEZ-VOUS DELA BANDE DESSINÉE

DÊAMIENS

les 2 et 3 juin 2018 à Amiens,expos jusquÊau 30 juin

THIERRY LEMAIRE

FRESQUE RÉALISÉE PAR FRANCK PÉ LORS DE LÊÉDITION 2017 DU FESTIVAL

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MISE EN SITUATION DE LA HALLE FREYSSINET, NOUVEAU LIEU DU FESTIVAL

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omment a été choisi le lieu dÊimplantationdu Parc Spirou ?Sébastien Célimon : Quand le projet a été

imaginé, tout de suite sÊest posée la question de salocalisation. Comme le nord de la France est parti-culièrement riche et quÊà lÊinverse le sud est pauvreen offre de parcs alors quÊil est une très forte destina-tion estivale, il y avait là un point à creuser. Dans lemême temps, la ville de Monteux, à proximitédÊAvignon, avait une réflexion approfondie sur com-ment développer une zone dite de Beaulieu. Il a suffide susciter la rencontre⁄

LÊouverture du parc est annoncée pour le 2 juin :vous en êtes donc aux finitions ?Oui, tous les voyants sont au vert, on attaque eneffet la phase finition. CÊest une sorte de ruche quise crée ici, pour faire une image. En quelques mois,le site est bâti et très bientôt, dès lÊouverture, cesont près de 200 personnes qui accueilleront lesvisiteurs et assureront le bon fonctionnement duparc. Ce qui est fou, cÊest le souci apporté à respecterles univers et personnages qui seront représentés,avec des détails à même de régaler les plus fans etdÊattiser la curiosité des curieux.

Quel positionnement par rapport aux poids lourdsDisneyland ou Astérix ?Le Parc Spirou Provence est un parc à thème commeles deux exemples que vous citez. Eux comme nousavons une passion pour les univers de la culturepopulaire. Mais beaucoup de choses nous distin-guent, à commencer bien sûr par le fait que pournous lÊhistoire nÊa même pas encore vraiment com-mencé ! Le Parc Spirou Provence est un parc com-pact, cÊest-à-dire que ses attractions sont prochesles unes des autres, il est à taille humaine. Il sÊadresseà un public familial, intergénérationnel, et les diffé-rentes attractions sont choisies pour contenter tousles âges, pour procurer un éventail de sensations etdÊémotions très large. Nous avons une conscienceaigüe de notre environnement et sommes très fiersde pouvoir devenir un point dÊattractivité majeur en

Provence et dans tout le sud, pour ses habitantscomme pour les personnes de passage, touristes ouvisiteurs.

Une trentaine dÊattractions sont annoncées : seront-elles toutes opérationnelles dès lÊouverture, ousÊagit-il dÊun objectif à court / moyen terme ?Notre plan de développement sÊétend sur plusieursannées et à lÊouverture ce sont 12 attractions quiseront proposées et opérationnelles. Ensuite, chaqueannée, au moins une nouveauté sera mise en place.Au-delà des attractions, nous avons une offre res-tauration thématisée, des animations et bien entendule site lui-même invite à lÊimmersion en particulier

dans 80 ans dÊaventures de Spirou & Fantasio. Lesoleil sera aussi de la partie, puisque les conditionsmétéorologiques sont très favorables : fort taux dÊen-soleillement et nombre de jours de pluie moitiémoins important quÊen région parisienne⁄

En quoi consisteront les animations en 3, 4 ou5 D ? SÊagira-t-il dÊexpériences proches de ce quepropose le Futuroscope ?Dans nos 12 attractions, nous avons trois roller coasters[montagnes russes, NDLR], cinq attractions traditionnelleset trois simulateurs numériques. Vous faites donc allu-sion en particulier à ceux-ci. Ils proposeront des expé-riences de cinéma dynamique avec mouvements,effets visuels 3D, jeux sur les éléments (eau, air)⁄Trois univers très différents sont proposés : un surGaston Lagaffe et un sur la série Zombillénium. Dans cesdeux cas, les programmes présentés sont inédits etexclusifs au parc à son ouverture. Le troisième universimmergera les visiteurs dans une île peuplée de dino-saures plus ou moins pacifiques. Des dinosaures ani-matroniques accueilleront notamment les visiteurs,et gare à ne pas les froisser !

Trente ans après l’ouverture du Parc Astérix, le groom le plus célèbre de la BD décroche à son tour son parc d’attractions– en attendant Tintin ? Un événement dévoilé pour nous par Sébastien Célimon, Directeur de la Communication du parc.

PARC SPIROU PROVENCE :SPIROU AMI, PARTOUT, TOUJOURS

PROPOS RECUEILLIS PARGERSENDE BOLLUT

c PARC SPIROU PROVENCEOuverture le 2 juin1 rue Jean-Henri Fabre, 84170 Monteuxhttp://www.parc-spirou.com/

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EXTRAIT DE LA FACE CACHÉE DU Z, PAR VEHLMANN ET YOANN (2011)

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Parvana de Nora Twomey

Nouvelle production du studioCartoon Saloon fondé par le cinéasteirlandais Tomm Moore, Parvanadélaisse les mondes anciens etoniriques de Brendan et le secret deKells ou du Chant de la mer pourlÊAfghanistan des Talibans. De cettehistoire de la jeune Parvana contraintedÊendosser lÊidentité dÊun garçon pourfaire vivre sa famille, Nora Twomeyjongle avec une maîtrise stupéfianteentre lÊhorreur dÊune situation et labeauté de son identité visuelle. ¤travers la passerelle narrative quÊelleétablit entre le présent obscurantisteet la beauté des contes pachtounes, lacinéaste signe en outre un magnifiqueplaidoyer pour le savoir et leprogressisme. Sortie le 27 juin

Batman Ninja Suite à uneexpériencetemporelletournant mal,Batman et toutle panthéonmythiquedÊennemisque comptelÊunivers créépar Bob Kanese retrouvent

catapultés dans le Japon féodal⁄ Onlève un sourcil face à un postulat dedépart aussi absurde. Et pourtant,Batman Ninja, en tant que pur exercicede style, tient bien ses promessesformelles franchement galvanisantes.Les ruptures de chartes graphiquesassociées à des séquences pugilistiquesconfinant à lÊabstraction confirmentune bonne santé créative dans ledépartement animation de DCComics. Certains concurrents feraientbien dÊen prendre de la graine.Un Blu-ray Warner Home Video

Dr Slump – Megabox Vol. 2Les trentenaireset quadras seprendrontvolontiers unshoot nostalgiqueavec ce deuxièmecoffret destribulations duDocteur Slumpdans le villagePinguin. Entredeux tourspendables

dÊArale, sa création hystérique à laforce surhumaine, Gatchan lÊangelotglouton, le facétieux praticien tenteencore et toujours de séduire MlleMidori sous lÊflil amusé de sesexcentriques voisins. Le travail derestauration de la création loufoquedÊAkira Toriyama est admirable etpermet dÊapprécier la piste audiojaponaise originelle plutôt que ledoublage français éreintant. En sus, unépisode inédit, ce qui est toujours bonà prendre.Un coffret Blu-ray Kazé

JULIEN FOUSSEREAU

C i n é & D V Dzoom ciné

M utafukaz part un peu dumême postulat quÊInvasionLos Angeles de John Car-

penter : Angelino partage une cham-bre dÊhôtel miteuse avec son meilleurami Vinz et plusieurs milliers decafards dans le pire quartier de lamégalopole Dark Meat City. Un jour,Angelino survit à un violent accidentroutier alors quÊil gagnait sa croûte enallant livrer une pizza sur son scooter.Depuis, il a de drôles dÊhallucinationsoù il remarque avec paranoïa que cer-tains quidams croisés dans la rue nesont pas ce quÊils semblent être avecleur forme noire et leurs appendicestentaculaires. Angelino inquiète par-ticulièrement ses potes. JusquÊau jouroù des hommes en noir armés jus-quÊaux dents les prennent en chassepour les liquider. SÊensuit alors la miseà jour dÊune vaste conspiration mena-çant lÊordre du monde comme toutrécit ÿ campbellien Ÿ1

TAILLER DANS LE GRAS

La parution de Dark Meat City en 2006,tome inaugural de la série Mutafukaz,fut comparable à un vent vivifiant surle paysage francophone de la bandedessinée. Bercé par les comics, les man-gas et obsédé par les ghettos de LosAngeles, Run posa les bases dÊune sérieaussi drôle et violente que multicultu-relle et inclassable. La frénésie de sonidentité graphique semblait exprimer

implicitement un désir de mouvementset de folie cinétique. CÊest pourquoilÊannonce dÊune adaptation cinémato-graphique nÊétait en rien surprenante,même si le foisonnement narratif déve-loppé entre-temps en cinq tomes pou-vait légitimement inquiéter. Aprèsvisionnage, les craintes étaient quelquepeu fondées. Bien que Run lui-mêmesigne le scénario, sa copie dégraisséeautant que possible dÊarcs annexes pourne retenir que la substantifique moellenÊévite pas quelques ventres mous. DÊoùcette sensation de suivre un parcourspar trop prévisible.

JOHN CARPENTER,AKIRA, TUPAC ET LES AUTRES

Si le fond sÊavère être trop convenu,Mutafukaz compense par une inventivitéformelle de tous les instants. Sur cepoint, Guillaume Renard et Ankamaont eu le nez creux dans leur castingvocal tant les prestations des rappeursOrelsan et Gringe font mouche enapportant une complicité plus que pal-pable dans leurs échanges. Surtout,faire appel aux Japonais du studio 4oCet au réalisateur Shôjirô Nishimi enparticulier a permis de transfigurercomme jamais lÊidentité visuelle dumatériau dÊorigine. Fort de son expé-rience en tant quÊanimateur sur Akiraou character designer sur Amer Béton,Nishimi met au service de Mutafukazson savoir-faire précieux dans le rendu

sidérant de la vitesse à même de trans-mettre des décharges électriques. Parson orchestration, il devient le shakerfuribard concassant Grand Theft Auto,Watchmen, Frank Miller ou la cultureWest Coast pour déverser un cocktailaussi corsé quÊétonnamment équilibré.Servi frappé à coups de batte de base-ball de préférence.

PATCHWORK PUNKPour le portage de sa propre création à l’écran, Guillaume « Run » Renard n’a pas fait les chosesà moitié en s’adjoignant les services des Japonais du mythique Studio 4°C. En résulte une œuvreparfois bordélique dans la conduite de son récit mais d’une inventivité formelle décoiffante.

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de Run et Shôjirô Nishimifilm dÊanimation, 93 minSortie le 23 mai 2018

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1 En 1949, lÊessayiste Joseph Campbelldéveloppait dans Le Héros aux mille et un vis-ages la thèse du monomythe dans laquelletous les mythes suivent les mêmes schémasarchétypaux.

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C i n é & D V D

Duel au Soleil

Film mythique sur la passiondestructrice, Duel au Soleil de King Vidorméritait depuis trop longtemps uneédition à la hauteur de sa démesure.Véritable déclaration dÊamour duproducteur David O. Zelnick à lÊactriceJennifer Jones qui aura nécessité prèsde deux ans de production, ce westernbaroque et fou est légendaire pour sacharge érotique latente, sa séquencefinale maintes fois parodiée et sonTechnicolor rutilant. LÊécrin de Carlottapour lÊaccueillir est à lÊavenant avec sarestauration impeccable et son sublimelivre-essai sur la fabrique de ce joyau delÊâge dÊor par Pierre Berthomieu.Immanquable.Un coffret ultra collector Carlotta

KurokoÊs Basket :Last Game

Pour lesnéophytes, Kurokoest au basket-ballce quÊOlive et Tomfurent au football,à savoir lesgladiateursÿ shônen Ÿ dÊunsport collectif.Avec tout ce quecela implique declichés sur lacamaraderie,

le sens de lÊhonneur et dÊeffetshyperboliques complètement irréelsdès que cela sÊagite dans la raquette.Dans Last Game, Kuroko et sa bandese font traiter de macaques par les roisaméricains du streetball⁄ LÊhonneurdÊune nation insultée est en jeu. StudioIG assure un très gros travail formel,notamment dans la fluidité delÊanimation. En revanche,lÊunidimensionnalité des thugsaméricains est tout simplement risible.Un DVD Kazé

La Légende de la montagneLorsque leperfectionniste etméticuleux KingHu réalise LaLégende de lamontagne en1979, les annéesfastes de DragonInn et A Touch ofZen sont loin.Entre-temps, laBruce Lee mania

a mis un sérieux coup de vieux auxfilms de sabre. Et pourtant cette fresquede plus de trois heures sur la quêtedÊun canon bouddhiste libérateurdÊâmes des défunts démontre au besoinque King Hu savait encore parfaitementcomposer des cadres magnifiques etfaire ressentir à lÊécran ce zen propre àla philosophie bouddhiste qui régissaitsa vie. Et comme son fluvre nÊest pas laplus accessible, les suppléments trèsdidactiques présents sont les bienvenus.Un Blu-ray Carlotta

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D éroulons les chiffres de cetAvengers Infinity War et, inextenso, du ÿ Marvel Cine-

matic Universe Ÿ (MCU) à même dedonner le tournis : 19 films en unedécennie depuis le Iron Man inaugural,près de 300 millions de dollars de bud-get, 26 super-héros Marvel réunis àlÊécran pendant 2h30 pour luttercontre Thanos le Titan Fou, aperçupar intermittences depuis le premierAvengers en 2012. Après tout, y a-t-ilmeilleure franchise pour illustrer lesadages du ÿ toujours plus Ÿ, ÿ plus ily en a, meilleur cÊest Ÿ ? Ou, en voyantle verre dÊeau tiède à moitié vide, pourconfondre quantité et qualité ? PassélÊeffet de surprise du premier film deJoss Whedon, ces réunions massivesposent le problème dÊune écriturecinématographique basée sur le déve-loppement et un sens de la progres-sion. En ce sens, Infinity War sÊappa-rente davantage à un chantier LafargequÊà une fluvre de cinéma.

THANOS CONTRE LES PANTINS

Passé les quelques éléments introduc-tifs de chacun, on prend rapidementconscience que Thanos est peu ouprou le seul personnage un tant soitpeu écrit. LÊidée de transformer latrame originelle du Gant de lÊinfini estplutôt bonne sur le papier : annihilerla moitié de la population galactique

pour rétablir un équilibre face à desressources naturelles en diminutionesquisse le minimum syndical denuances pour ce grand méchant. Larelation quÊil entretient avec sa filleadoptive Gamora demeure une desrares bonnes surprises dÊInfinity Wardans la mesure où il introduit une partde conflit intérieur, un trouble altérantmomentanément la grosse machine.Pour un Thanos et une Gamora, ona, hélas, plusieurs dizaines dÊébauchesde personnages donnant lÊimpression,au mieux, de jouer chacun dans unfilm différent, au pire, dÊenquiller lesbastons filmées sans génie comme onenchaînerait les exercices de team buil-ding dans un séminaire dÊentreprise.

GESTION D’ACTIFS

Pour filer la métaphore entrepreneu-riale, Infinity War serait le parangondÊune communication sur une gestiondÊactifs, une sorte dÊautopromotionpour la production à venir et encoreen gestation. Un semblant dÊhistoiredictée par un algorithme cochant tousles paramètres de rentabilité sans tenircompte dÊune éventuelle cohérenceque les frères Russo tenteraient dÊinsérerau forceps dans un slot temporel. Pouraccoucher, in fine, dÊun néant narratif etstylistique neutralisant tout lÊimpacttragique quÊest censé appeler InfinityWar. Horace Walpole avait écrit que

ÿ ⁄Ce monde est une comédie pour ceux quipensent, une tragédie pour ceux qui sentent Ÿ.Or, sans évolution dramatique, sanshistoire structurée, on ne sait quoi pen-ser ou ressentir face à cet univers mar-vellien proche dÊune shopping list enmouvement, destinée à vendre des pro-duits dérivés⁄ ou une promesse quela limonade tiédasse suivante gagneraquelques degrés supplémentaires.

LE SYMPOSIUM À l’heure d’imprimer, Avengers Infinity War aura probablement brisé moult records au box-officeconsacrant ainsi une formule d’univers étendu lancée 10 ans plus tôt. Pourtant, sur des basespurement artistiques et cinématographiques, cet épisode est révélateur d’une marque defabrique toujours plus visible : celle de l’insipidité anesthésiante.

AVENGERS 3 :INFINIMENT INSIPIDE

AVENGERSINFINITY WAR

de Joe et Anthony Russo,avec Robert Downey Jr,Chris Hemsworth, ChrisEvans..., 2h36, en salles

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God of WarSony Computer Ent.

Licence star de Sony endormie depuiscinq ans, God of War étaitessentiellement connue pour sonéloge de la brutalité sourde et aveugleet être le pendant hétéro-beauf deBayonetta. Avec cette suite / reboot,Kratos le dieu vénère ne se contentepas seulement de changer de théâtrede jeux sanglants, il redéfinittotalement sa caractérisation et sesmécaniques de jeu pour le meilleur.

LÊécrituredemeure encoretrop lourdinguemais sÊavèreêtre largementcompensée parune mise enscèneprodigieuse quitransforme God

of War en plaisir sauvage et esthète qui,in fine, humanise une brute épaisse.Exclusivement sur PlayStation 4

VandalsArte Experience

¯tre un street-artist est moinsune affaire detalent pourlÊillustration àla bombe depeinture quedÊinfiltration etde planification

dans Vandals. ¤ la manière delÊexcellent Hitman Go, ce titre dÊArtese présente sous la forme dÊun jeu deplateau avec mouvements et actions autour par tour. Jouer à cache-cache avecles forces de lÊordre pour imposer sasignature artistique sur une surfaceurbaine passera, au fil de la difficultécroissante, par des trésorsdÊanticipation stratégique tout endécouvrant au gré de vignettesdisséminées çà et là lÊhistoire de cemouvement artistique. Bel exempledÊéducation par le jeu.Disponible sur Google Play, Steam etlÊApp Store

Magic: The Gathering

25 ans et 20 milliards de cartesimprimées plus tard, Magic: TheGathering célèbre son anniversaire engrande pompe pour un succès qui nesÊest jamais démenti. LÊheroic fantasyfaçon jeu stratégique par des cartessuperbement illustrées lance lÊéditionDominaria chargée de revenir auxorigines du mythe dans le but avouédÊinterconnecter lÊensemble des cartesproduites dans un tout cohérent. Dequoi donner satisfaction aux millionsde joueurs de tous âges dans le mondeentier qui sÊen donneront à cflur joie,en petit comité comme dans lestournois.Édition Dominaria

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O n avait retenu du lancementde la Nintendo Switch enmars 2017 son hybridation

entre console de salon et systèmenomade. Cette seule spécificité cou-plée avec le caractère révolutionnairede The Legend of Zelda: Breath of the Wildavait fait le reste et permis un démar-rage commercial fracassant, remisantdans lÊombre les innovations quÊap-portaient les Joy-cons. Ces manettesaccrochées à lÊécran tactile etdébrayables à lÊenvi pour des sessionsde jeu en mobilité renfermaient destechnologies pourtant loin dÊêtre ano-dines avec leur puissant capteur infra-rouge détecteur et leurs vibrationshaute définition proprement bluf-fantes. LÊinfinie précision de ces der-nières était à même de simuler deseffets comme lÊécoulement dÊunliquide ou un roulement à billes. Lehic, cÊest que lÊon imaginait mal leurusage ailleurs que dans des party gamescomme 1, 2, Switch ! Alors, il était debon ton de remiser ces innovationscomme les sempiternels gadgets aulancement de chaque nouvelle consoleNintendo pour séduire le chaland.JusquÊà lÊannonce de Nintendo Labo...

DE BRIC ET DE BROC 2.0

Face à des ÿ Toy-cons Ÿ, ces planchesde carton contenant des éléments pré-découpés quÊil faut détacher, la cir-conspection est de mise. Avecméthode et application qui plus est,

puisque le tutoriel nous détaillechaque étape avec limpidité. Vientaprès la phase du pliage et des super-positions. Déjà, en plein travail, lerajeunissement sÊopère via un retourau temps de lÊenfance, celui où lÊonconstruisait à partir de matériaux derécupération les bolides de nos rêves,lÊinstrument de musique tant fantasméou encore le costume du robot puis-sant de notre dessin animé préféré.La traversée temporelle est plus oumoins longue. LÊenchantement sur-vient dès lors que lÊon pose un Joy-con sur la structure cartonnée et quelÊon sÊempare de lÊécran tactile. Parune simple pression dÊune commandede direction, le cliquetis dÊun moulinetde fortune sur une canne à pêcheidoine, un véhicule se meut, une lutteimplacable sÊengage avec un espadonsur le retour écran en contrebas. Et laréserve initiale de laisser place à unenthousiasme total⁄

JOUET VIDÉO PARTICIPATIF

LÊexemple du piano de carton figureparmi les plus emblématiques delÊémerveillement procuré par Ninten-do Labo. Comment le pianotage surce clavier de fortune peut-il produireun son tantôt cristallin, tantôt lour-dement travaillé ? Par la détectioninfrarouge, justement. Le géant deKyoto ne sÊen cache pas et cÊest bienlà que réside son coup de génie enouvrant à tous le cflur de sa techno-

logie grâce à un tutoriel de program-mation de Nintendo Labo extrême-ment bien pensé par sa vulgarisation.Là, chacun pourra se frotter aux fon-damentaux de lÊingénierie et de la phy-sique des Joy-cons pour que les plusbricoleurs puissent accoucher de créa-tions délirantes avant de partager leurspropres tutos sur YouTube. Outre lemodèle économique alléchant avecdes sorties régulières à venir de Toy-cons toujours plus complexes, Nin-tendo met en place le concept dÊunedémocratisation du jouet vidéo dansla convivialité. Respect.

NINTENDO LABO

Construction / Jouet vidéoDisponible pourNintendo Switch

JULIEN FOUSSEREAU

Nintendo Labo entend utiliser le plein potentiel de sa console Switch pour la transformer enpasserelle entre le jouet et le jeu vidéo. Mais c’est par la démocratisation de sa technologievibratoire et infrarouge ouverte à tous qu’il entend frapper un grand coup.

CARTON PLEINPOUR NINTENDO

RENOUEZ AVEC VOTRE BEAU-FILSGR˜CE ¤ NINTENDO LABO

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