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SELÇUK ÜNiVERSiTESi · 6. Milli ., llevlini ){ongresi . . ( TEBLiG L ER ) 24 - 25 MAYIS 1992 KONYA

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SELÇUK ÜNiVERSiTESi·

6. Milli .,

llevlini ){ongresi . .

( TEBLiG LER )

24 - 25 MAYIS 1992

KONYA

Des-alteration et epipha.ıiie : une lecture avicennie)l;lle de la dalnse mevlevie

Prof. Dr. Jean R. Michot

Plus je fn3quente le Shayıkıh al-Ra'is et les textes des auteurs musulmans venus a;pres lui, plus j'ai le senıtimıent que, depuis pres d'un millenaire, daru; !'islam oriental, et surt.out ~ranien, l'in:telligence avicennienne .de la realitıe (haqiqal c.onstitue, pıosd.tivement ou en negatif, l·e cadre et l'in!fraetruc1nıre con'Ceptuels- de l'exercice de ia pensee, non saulement pO:ıilosıoıphlque mais theologiqu·e et mys-tique. rı na s'a.git pas la d'une dıeformaJtion professionnelle, et, p·our illu.sıtrer mes · dires, je me oontenter-ai ioi. 'd'eiVtlquer le ca.ıs de !'imam, Hujjat al-Islam, Albü Haıp.ıid al-Gıb.aozali. Selon Afda1 alJDin :Dbn Ghaylan al­Balkıhi (VJe/XIIe sJ , le .tres celalbre auteUT du Ta;hafut al-FaJ.a.sifa s'est laisse albuser Cibhtarial ıpar l'a;pparence des prı0ıpos des philo­sopb.es, c'est-iırdire, essenıtiellement, d'Avicenne. Mieux encore, seıon un ibon root rapporte par lbn Taymiyy.a, al-GJ:ıaza.Ii etait m.~looe et ·sa maladie etait La Gueri,son, c'·est-iır.dire 'le Liwe de la Guerison Cal-·shifa'), la· summa magna d'Avkenne. · ·

On voutdra done lbien me pardıonner "d'ooer, dans la presente· eom­munication, ıporter sur la plıase la ıphis C?tractenietique du sama' mev~ levj, la tla.nse giratoire des dervish98; un rega;rd nourrd. des idees du Shayıkh al-Ra'is. Assurement, j~ n'd!gnore point que c'·es.t a ia suite de la dispariıtion de Shams-e Tabiiizi que Mewlana instiotua le s.ama.•. J e sa.is par a.iUeurs que nornlbre d~ decrypta.ges, . !hermeneutiques et autres mterpretations ont deja ete ıproposes de la sym'holii.qıue de la ceremıonie mevlevie par les auteuxs anciens ou modernes. Qudd par ailleurs de la partinence d'une analyse fıondee saulement ısur le &pectaJCle offert ıpar :cles ceJ:eıbratiıonıs mo:dernes du sama,' des demehes t-ourneurs? Tout a fa;it conscient de l'imp-ortance de ces ecueilS et, bien enten'du, 5a.D.S aJU.Cunement preten'dre a quelque fıorme exclus'iıve de rverıi.te, je :serais cepandant por:te aoonsiderer un~ approoıie aVıicen­nisan.te de la danse mevlevie. oomme non d'eiıuee de pertiheıice. Je la ·soumettrai ıcıone lSans ıplus tarder a vıotre jugement.

P·our Avicen.rle, les dessins que le geometre trace sur le paıpier alors qu'il redherche la rolution d'un p:ro'bleme, les poupees de cire que le mclıgicien transperce d'ai.guilles alors qiı'i1 rugit sur la peroonne ainsi f·iıguree, l·es ·objets de culte des diver.ses reliıgıiıons, les. rites ac­comıplios par les orants ıcle .toıutes le conrfessiıons, les oogitatiıons, eD!fin, de tout ·individu en que.te d'intelligence, sıont des phenıomeues fonda­mentalement similaires, ·repondant a une meme lıogique, exıplicaıbies selon une seu'le etmemedef de lecture. n s'agit en effet, da.ns dhaque cas, de peıımettre l'actualıisatiıon de pouvoirs es-sentiels du pur esprit immaıteriel .de l'ıhomme - l'intuition des oonnaissances, l'action spiri­.tuelle extra-oo:ıi:>.ore\le, .la .. jon:cti·on mtellectuel'le a la diiVinite - en 69

deberrassant de l'obsiacle <lppose a l'exercice de ces pouvoins par l'incarnation de l'ame, ıpar son etre-la, par sa natura1ite. Or se defaire de cet oıbstacle n'est poss~ble que ıpar l'a-ss·oo:i.ation, a;u projet iiilıltı.a­.teriel de !'esprit, · de ıtout ·ce qui, en l'ıb!omme, lui est in!ferieur, des facu.ltes les .phis elevees du ıpsyah'isme .aux ıfonctions les plus lbasses de la oor.porei'te. «Tan.t qu'elle demeure dans le conps, l'ame ren­oontre peut-etre des opp,ositions, de la part de l':i.ımagination, en l'en­semlble de .ce a quıoi elle s'adtonne. Si eae l'associe alors a quelque ohose' qui -corresponıcl a son .aJgir, il luıi •est facile de poursruivre (elle­men:ıe> sa pr.opre actiıOn. Peut-etre me.me se delirvre-t-elle <de cetıte opppsi.tion). Tand~s que -si Cl'a.me- n'ass'Ocie paıs) <l'imaıgination) a quelque chose qui correspond a son a-gir, ·elle est pre.occupee (par elle) et trouve ·en elle un 'Oibstacle. C;est comme quelıqu'un qui monte une bete recalcitrante: U a besoin de se l'associer et de s'aider en la flattanıt» . (1)

. Tıoute nega1ıion est done sterile_ En revanche, faire participer

toutes 'les .composantes de l'etre humain, ahaJC'll;ne a lerur niveau; selon · le ·mode 1eur cor.respondant, a l'aotivite su.per'ieure de !'esprit, ıga:rantit une aıbsence d'entrave dans la realisa-tion de l'dbjectif poursuivi. Si, par exemple, des dessins menent le geometre a la ooluti'On du pro'b­leme qui le ıpreoccupe, c'est done saulement en ce. sens: occupant l'im:aıg~atiıon et la main ci quelque dhıose de semlblaible a l'oıbj et d:e 'la quete du .aavant, ils les empechent de faıire obstacle ason acqu.lsitiorr de :la sol-q·ti.ıon par une 'intuition purement intellectuelie, c'est-a-d:ire a l'actualisation de ce pou:voir 'de conn.aissance . propre a ressence :humaine ma1lieureusement lbefıoue, le p1us souv.ent. par notre si.tua­tion suıblunaire. Ce n'·est :pas parce . qu'on depoussi~re .un miroir qu'H reflete ce qu6. hıi fad't f.ş.ce, rriais parce qu'H est un mi:rıoir. Plutôt. qu'une pn~paration apporta:nt un plus, l'assodiation de l'i.D!franspirituel

(1) .Mubabathat, ed. Badawi, p. 231-232; traquit innotre Cuıtes, p. 232-233.

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a tout projet, essentiellement immateriel , de Fhom.m.e, est done pour Avicenne la suıppression d'un moins. Retablissement de 1'-exercice tie pouvı0iııs . de l' essenoe de 'l'homme, un:e ·te lle paır.ticipation de. l'inıfe­rieur a des acbirvites ıd'ordre superieur est mqins elaıboratiıon que des­al~er.ation, au ·sens etymologique. ·

. . Tıo~t autant qu'une des-.alte~ati.on, il s'aıgi-t par ailleurs d'une 'epipihanie, · d'une · mariifestation. Dans la mesur.e ou il n'y a ici-ibas actualisation de quelque pÔuvıoir de l' es sence de l'ib:omme que lorsque les dimensions inferieures <de son etre particiıpant effeetivement, a ieur niveau, a .son projet spirituel, e'est-a-dıre quand selu.ment il ya.

. une inıtime corresıpondanope entre tous les «etaıges» de l'acti:vıite hu­maine, les formes ıd'exteriorisation de cette partidpation app.arais-

. ·serit oomm·e des syımJbolô.ısations, .des representations, des maniıfesta­tions de ce projet. Pıour reprendre l'.exemple deja utilise- et l'on p:our­rait tout aussi ıbien reterer a laı ma.gie, a la reliıgion, ete. -,ıes d~ssins du · geometre ne sont paıs saulement des contre-empe9hements a la qıu~te de la· solution qu'il eg.pere mais des mustrş,tions, des phenom:e .. na1is~tlıoİı·ş de cette_ oolution, Iaquelle intervient ~orsque ees dessins entrebi.•ennent avee ell-e un raıppor.t de correspondance partieul'i.ere­ment _intime.

_L'inferieur oomme des-a,lterationlepiphanie de la realiıte . superi­·eure dıont il participe, · a laquelle il est a-ssıocie : .telle sem'blerait etre pour Avieenne, nıon saulement la def permettant d'exıpliquer l'acti­vite huma'ine maiıs, dhose ibeauooup plus ıiomıportante, le seeret meme ıde la ereation. En effet, alors meme qu'il ne peut etre explicitement question de voir dans l'immarience de l'ıunivers eree une :ctimension

. inıferieure du Tout qui aurait p:our fıonction la des-alteratiıon de la tran-seendance essentielle du · divıin, il faut ·b'i.en reconnaitre que, n~ de l'exterıi:ori·saıtion de la pensee de Dieu, ma.nifesıtation de cette penısee, le cree se ctı&V-.e•Ioıı)ıpe, a partir de Lui et vıis-a..ıvis.de Lui, selon une relation structure1Jement ·identicrıie a un raıpp.ort des-alteration/ ~piphanie. En verite, sans dıoute l'epiplhanrl:e et la des-alteration ne sıont-elles qıue les extrem.es d'un meme. oontinuum, les deux :versions d'une meme 1ogique du reel. En -d'autres te:Pmes, sans dourte le rpr.oces­sus cjui, dans ce monde sublunaire, a la ıfr:ontiere materielle du neant, lor.S du retolır du cree vers iDieu (ma'adJ , prend 'l'aspect d'une des­alteration, est-'il celui-la imeme qui, dans la proxinıite de Dieu, aux premiers mo~ents_ de la ıgenese (mabda'), de l'epandiement dıu flux createur, est eıpi-phanıie. Et vice-versa. _

.. . ._ Sel on Aıv'icenne, c'est dori,c un e. meme loıgique qui relie le •cree au·. Createur et le dessin au geome·tre, la praıtique au oorcier, le rHe

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au croyant, la cogitati<On a l'intu,oition... Et de meme po ur toute creature et toute !fornıe d'activite, quelles qu'elles soient, a quelque ni'veau de l'etre qu'•elles se situent. Ainsi, par exemple, est-ce egale­men.t la logıique de la des-alterationlepiphanie quıi., fondamentale­ment, .opere quand l'!hıomme honteux !'"oug'it; lorsque les femmes d'Egypte se tailladent les doigts a la vue de Jl.()seph., ıou encore, depuis toute eternite, dans le .tressail'lement qui conduit l'ange stellaire, aıbime dans ·fa con·teİnJplation amoureuse de son principe, a r&vıolutiıon..: ner dans le ciel.

L·es derviches saluent le shey:kh, sollicitant la permission de danser. ll -dıonne son .a:cquie!;cement en ıbaisant leur ooıllfe ... Les bras cnomes, les mains sur les epaıules, ii.ls se mettent alıers a .tıourner lente- . menıt, puis ils etendent 'les tbras oomme des ailes, la ma.ıin droite tournee vers le ciel, la main gauohe vers '.l:a terre. En dansant autour d'eux-memes, ils dansent autour de la .salle ... Le sheykfh entrera aussi dans la danse, finalement, en tournant sur une liıgne droite ideale, au ceiı.tre ö.u cercle .. .' C'est le moment suJpreme du tawhid, de l'union reaılisee ...

Lue dans un perıspecti:ve avıi:cennieİıne, la 'danse mevl'8vie oon­duit mıoins le derv'i.dhe a 'l'extase qu'elle 1e ilibere des entraves du monde. Dans ses I~harat, Seetion sur le~ stations des Connaissaın,ts, Avicenne attriibue trois objectifs aux exercices spirituels (riyadal : «le premier, ecarter ıdu domaine du choix ce qui se tr.:>uve en deça du Reel; le deuxieme, faô.re obeir «l'ame qui ordıonne le mal" <Coran , XII, 5'\3) a «l'ame apa'iısee» ·<Coran, LXXXIX, 27), aıfin que les puis­sances de l'imaginaıtitve 'et de l'es.timative soient attirees vers des images corresp.ondant aux cheses sainteıs; · detournees des images cor­respondant aux c'hoses imerieures; le trois:ieme, aff.iner le Seeret du ooeur fsirr) en vue de l'eveil.» Et le Shayklh a;l-Ra'is de pounsu:i.vre: «L'ascese verita:blE' fav.orise ia . realisation du premier objectn' et nomıbre de dhoses la realisation ~u p.-euxoi.eme : 1es actes d'ad:oration . . (al-'ibadal acdompagnes de pensee, les melo'dies Calhanl qui atti-· ren,.t (*) les puissances de l'ame et qui fıont que les paııo1es dont eUes (**) sont la musique Uuhhinal oont ıre·çues par le'S estimaıtıi.ves, · les paroles memes d'ex!hortation d'un orateur malin, s'exprimant avec e'loquence, d'une voix harmonieuse et d'une manii~re sensee. Quant ala reaU.sation du troi&ieme ıoıbjectif, elle est favorisee par un'8 pensee fin·e et ·un amour chaste, ·comımaıide par les perıfectiıons de .ı':abjet aime, nion i)ar la doınination d'e passion.» (2) Si l'on a.ı'borde

(2) Kitab al-Isbil.rat wa 1-Tanbibat - Livre des Evocations et des Mises en

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Eveil, ed. Forget, p. 202 (la traduction d'A.-M. Goichon, Directives, p. 491'-492, n'est pas completement satisfaisante).

le sama.' mevievi •en reference a ceute ty;pologie, c'est assurement parmi les ehoses favorisant Ja realisation du deuxieme IQibject:if qu'il oonvient de le ranier. Il s'agiraıl:t done, dans une ıperspective avieen­nieıirie, d'une a:'ibada» tendant a oofaire o'bear l'ame qui ordonne. le nial a l'a~ apaiSee.» (3) Et cela, «aıfin que les puissances de l'imaıgi­nati:ve ·ctakhayuD et de l'estimative Cwahm) .s-oient attirees ver-s des imaıges eorrespoıidant (tawahhumat munasiba) aux cıhıoses saintes, detournees des images correspondant aux clıoses .inferieures." ·

. \

Ass.ociant ·1ıoutes les composantes de son etre naturel, psychique et co:r;porel, a la quete 'd'albsolu de s-on essence, la danse detourne done l'ıim8!ginative et l'estimative du dervicb.e «des images correspon­dant aux choses inferieures», c'est-a...dire qu'elle le soustraiıt a disper­sion, a l'exH, a falteration dans la :ma:tiere .et le ma.ı. Il s'a.git moins d'un ·cıhemin·ement' que d'une .retrai·te et d'rune reconduction, et moins de la genese d'une ıaituation que de la restitutian d'un 8-tat originel de .serenıi.te : celui, ordinairement bafoue, de l'integration essEmtielle de l'indivi'du dans l'unite dynanüque de l'univers, intuition du mode ideal de participation ~f[eotirve de cib.aque homm:e a l'epanouissement du flıux proıvidentiel de !la creation.

Dans une optique avieennienne, v.or.ir en un .tel etat de surcon­soience, ainsi defin'i, le oonıtenu de l1exta·se mevlevie )l'est ipas une conjecture. Gette 6Xtase intement en effet seulement quand, en la dans~. tout l'etre psyehique et cor·por~l du derviche entretient avec elle un intime apporıt analogique, s·ymıbolise harmonieuşement avee elle. Avicenne i'e:x.plique claıirement dans le texte cite supra en pariant des «images correspondant aux·. choses saintes"' vers lesqıuel­les les 'puissance de l'üna:ginatirve et de l'esti.mati.rve sont alors attir~es. C' est-a-dire qu;il en va de cette 'i b ada comıne du dessin du geometre ou de la cogitation d·e !'intelligence ·intiuti:onnant le Reel: Ja danse · pıeme du derviohe doit constltuer la visualisatio.n, la inanifestation du ·contenu, autrement indiciıble, de son extaıse. En d'a-utres ·termes, tout autant que des-~lteration, elle est ega'lemenıt epipıhanie.

(*) A al-mustakhclima, nous preferons la Ieçon al-mustajdhiba· do'unee dans l'apparat critique. -

<**> A bi-hi~ nous preferons la leçon bi-ha egalement donnee dans l'appa.rat critique. ·

(3) On sait · que Rılmi meme -considere le sama' comme un office liturgique, une interieure de priere canonique (of E. de Vitray-Meyerovitch, Mystique et poesie, p. 83) Par ailleurs, de meme qu'Avicenne fait de 'ibadat comme le sama' un deuxieme type d'exercies spirituels, Rüıni ecrit : <ıDanse seule­ment quand tu es mortifie!:~ (Mathnawi, m, 95, cite in E. de Vitray -Meyerovitch, Mystique et poesie, p. 84).

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Or ce que le dıerviohe mantre par la lente ıgıirati:on en laquelle il s'engaıge apres avoir \Salue ıs.on sheylkıb., alors• qu'il deplıoie les ıbras la main droi.te tournee ver-s le haut, la gaudhe ver-s le lbas, es-t ~ıfecti­vıement l'oimaıge exacte de ce qui, dans ie systeme avi:c~nnien, ~p­parait comme le ressort ıcle l'activite du cree: pour route creature, il n'est d'actiıvite qu.'a titre de consequence, ou rejaillissement, de sa propre canversion vers le Bien qui est son .Principe. En d'autres . termes, il n'est d'action qu'a titre d' ,,affet secontlaire» d'une quete du Principe et c'est cette quete meme· qui as·sure la valeur ibenefique de ·cet effet . .Ain.si, ce qui aneut le ciel, c'est la force meme de l'amour

·av ep lequel l'ange ·extatique ·conteınple son prin.cipe - p;ourrait-ori: dlre «salue lui aussi son she~kıh»? - et clıerohe a s'assli::n.i'ler a sa perfectton, assurant ıde la sorte la transmission des ıgraces d'e.ri ha~~t vers les univer-s ·situes ·en contreıbas. Non recherche en lui-meme, ce mouvemenıt est la ·suite, la consequence, le ·concomitant aıccompaıgnant necessairement cet amour. Et ce moulin sideral est le filtre de l'ex-· pansion ulterieure du flux du iBien createur qui lui donne d'exister. «La visee des planates .et des spheres, ecrit Avicenne, est d'etre seiqn leur perfection 'la .pluı:r n'dble, afin de s'assimiler (mutashabbihl au Createur, cllose que leur moıuvement suit et dont il est la conse., quence necessair.:. Pui.s s'ensuit neces·saireıment, de leur mouvement, l'existence de caos etants-ci (.ka'inat). qui sont done en vertu d'une: visee seoonde." Quant aux autres etages de.la creati!on, «les aorps · naturels ne se meuvent naıturellement que par assimilatioı:ı au ıBien. dans leur fıin ... De meme, les suıbstances animales et vegetales n'ac­complissent les acti.Ons qUi leur:- sont particuliers que par assimilaiion a Lui.dans leur-s fms ... De meme, les ames llmmaines n'acoomplissent· leurs aıCtions iiıtellectuelles et partiques 'bonnes que ıpar assimilation· a Lui dans leurs finıs ... " (.S) - .:rL'ame .meut cette matiere comme :ıes aıhes ·des •spheres meuvent leurs oo:rıps. De meme que ces ames-la n~ meu~ent pas afıin de faire se produire ce qui est en dessous d'elles, · ainsi ces ~m~s terrestres ne aneuv,ent ıpas aıfin de :faire ·se produire Ja · 'Complexiıon ıou qtlelque autre des etaıts du oonps mais, ~lutôt, pour etre' .le plus noıblement poşsilble, :ces (modiif-ications :au niveau du corps) etant parm.i les suites d'une ıtelle quete.» (6)

Une que~tion demeure: est-ce saulement du ressort de l'acii:vlte du ere~ que la danse mevlevie fourni<t l'i~aıge? Ne s'aıgiraıit-il ,Pas plutôt du ressart de ·toute actiV'ite, y oeompris done de celle du

(4) Ta'liqat, ed. Badawi, p. 102. (5) Epitre de l'amour, ed. Mebren, p. 25. (6) Ta'liqat, .ed. Badawi, p. 63.

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Createur? Car 1e · sfrleyıkh aussi entre finalement dans la danse, en . tournant sur une ligne droite idea:le, .au centre du cercle, tel le sol~il

celebre par les planetes ... Et quelle peut etre la ·significatiQn de cette danse du sheyıkh au milieu des dervicihes en ext;:ı.se sinon qııe S!On dm"7 mobilite lors de l~ur sa;lut et durant la premiere partie du sama.' n'etait qu''illusio:::ı? Pour Avicenne, en tout etat de -cause, les mO:des d~agir des creatures et de Dieu sont lbel et tbien -identiques, specifi­quement ·UUS. En effet, «parce que le Premier intelldıge Son essence oom:me un iBieri pur, il aHn.e·Son essence e-t :tr.ouve du plçı.isir a S-on essence.» (7) · - «ll est aımoureux de Son €-SSence et Son essence est le principe de oout l'ı0rdre du Bien. L'ıordre du Bien est done aime :de lui par vi·see seaonde.» (8) De meme que le mouveme:rit de la sphere suit et illustre, en l'exteriıorisant activement, l'am.our de l'anıge extati­que pour son prinoipe, le flux createur est la preuve (d·aialal de la sureminence de l'essen-ce di'Vine «et ıde la necessite poıui l'essence sureminente d'etre te'He que l'etre s'epanche d'elle suivant l'ordre, ceci etant toutefois consequence de son etre et non pa;s cause de la noblesse de celui-ci». ('9)• ·

A:pıprı9Chee d'un point de vue avicennien, la danse giratoire des eoufi=s mevlevis {)ppara1t 5).one comme une demonstr.a;tion, coıınme une tı.ı.'ı.eatralisaJtion parbiculierement transparentes du mystere du . Reel. Des-altaratton du derviche, elle le ramane teliement bien ala prehension de son essence purement spirituelle, qu'elle se fait epiphanie, rfwelation •spati.ıo~ternıporelle, d'une part du resson structurellement le plus profand ds son a;ctivite et de celle de tout etre - l'.aıgir vrai est transcriptian d'un .amour -, d'autre part, · et il ne. s'aıgit en rverıite que d'une seule ·et meme realite, quand :bien meme on la dit de façons tdiverses, du seeret de cette activite - a priori incapıroi.ta:nte, l'inferioriote est a la [oiı.s pur'i.!ficatrice et revelatrice si. on l'ass•ocie a une ·'Visee. superieıure. ·

La pensee du pni:nciıpal phi1osophe d'Iran a-t-eUe j:oue un rôle " dans la g.enese du sam?-' des soufiıs se reelarnant tdu granÇ. my.stiqtie

pc;rsan o u y eut-il. seulement, dans le meme esıpace spirituel de l'Islam ori.ental, convergence extra;ordinaire d'intU'ltions geniales? Si A vicen­ne a exerce l'empire que l':on sait sur les div.erses . ıtraditions de ia pensee musulmane, c'est parce que son systeme, :verita'ble pll:ıiloso;phie de la ' religion ·islamique, leur devait ıbe.auaoup lui...meme. Quant a Rumi ·et a sa tariqa, il suiffit de se· souv:eniT de leur dette a l'€!gard

(7) Kitab aı-mabda' wal-ma'ad, M. Nürani, p. 33. (8) Ta'liqat, Badawi, p. 72. · (9) Notes. sur la Theologie, trad. Vajda, p. 395-396.

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d'al-Ghaza.tl ıou d'Ibn 'Arabi pour 1es 6U:P,poser egalement influences, d'une manü~re ıou d'une autre, ;par 'les idees ~u Shaykb. al-Ra'is. S'il n'y a pas lieu, ici, de developper pluıs amplement ces questions d'his­toire d~ la pensee, il valait cependa.:nt la peine de les .poser.

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