5me Confrence Internationale de Droit...

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5 ème Conférence Internationale de Droit Maritime Le Pirée, 29 septembre au 2 octobre 2004-04-21 « Pour une responsabilité du propriétaire de la cargaison et des acteurs engagés dans l’activité de transport par mer des hydrocarbures? » Professeur Jean-Jacques Lavenue Université de Lille 2 , France. Sommaire I – La remise en cause d’un discours unique. A - La justification du discours originel. B – De la théorie à la réalité : les leçons de la pratique. II – Pour une nouvelle approche du discours sur la responsabilité du dommage de pollution. A – Au-delà de la responsabilité du transporteur. B – La responsabilité des acteurs engagés dans l’exploitation. Le titre de cette intervention a un caractère volontairement provocateur qui tend à faire écho à l’indignation ressentie par le public à l’occasion des dernières affaires qui ont été particulièrement médiatisées telles que celles de l’Erika ou du Prestige. On pourra se remémorer en particulier l’émotion suscitée en France par la réaction de la Cie Total-Fina- Elf, renvoyant dans l’affaire de l’Erika à la responsabilité du transporteur, ce qui en l’espèce était parfaitement justifiée sur le plan juridique. Le fait de voir cette même compagnie être indemnisée du montant de sa cargaison, alors que le FIPOL s’averrait incapable de répondre de manière satisfaisante aux demandes des victimes, fut perçu comme relevant d’une justice à deux vitesses . On parla d’iniquité, de scandale, quand il ne s’agissait que d’application régulière du droit positif. Le fait d’être dans le registre de l’émotionnel n’empêcha pas qu’une fois de plus nombreux parmi nous s’interrogèrent sur l’adéquation du système d’indemnisation mis en place à la réalité de la réparation du phénomène de pollution par les hydrocarbures. 1

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5ème Conférence Internationale de Droit Maritime Le Pirée, 29 septembre au 2 octobre 2004-04-21

« Pour une responsabilité du propriétaire de la cargaison et des acteurs engagés dans l’activité de transport par mer des hydrocarbures? »

Professeur Jean-Jacques Lavenue

Université de Lille 2 , France.

Sommaire

I – La remise en cause d’un discours unique. A - La justification du discours originel. B – De la théorie à la réalité : les leçons de la pratique. II – Pour une nouvelle approche du discours sur la responsabilité du dommage de pollution. A – Au-delà de la responsabilité du transporteur. B – La responsabilité des acteurs engagés dans l’exploitation. Le titre de cette intervention a un caractère volontairement provocateur qui tend à faire écho à l’indignation ressentie par le public à l’occasion des dernières affaires qui ont été particulièrement médiatisées telles que celles de l’Erika ou du Prestige. On pourra se remémorer en particulier l’émotion suscitée en France par la réaction de la Cie Total-Fina-Elf, renvoyant dans l’affaire de l’Erika à la responsabilité du transporteur, ce qui en l’espèce était parfaitement justifiée sur le plan juridique. Le fait de voir cette même compagnie être indemnisée du montant de sa cargaison, alors que le FIPOL s’averrait incapable de répondre de manière satisfaisante aux demandes des victimes, fut perçu comme relevant d’une justice à deux vitesses . On parla d’iniquité, de scandale, quand il ne s’agissait que d’application régulière du droit positif. Le fait d’être dans le registre de l’émotionnel n’empêcha pas qu’une fois de plus nombreux parmi nous s’interrogèrent sur l’adéquation du système d’indemnisation mis en place à la réalité de la réparation du phénomène de pollution par les hydrocarbures.

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Le vieux débat sur la responsabilité du transporteur, du propriétaire du navire ou du propriétaire de la cargaison devait-il être relancé ou écarté définitivement au nom d’un discours unique sur la doxa maritime ? Fallait-il , à la manière de notre collègue Antoine Vialard devant l’Association Française de Droit Maritime, donner un coup de pied dans la fourmilière1 ? Se contenter d’évoquer le sort promis par les politiques aux armateurs voyous en attendant la prochaine catastrophe ? L’existence même de cette conférence mesure la prise de conscience de la nécessité de réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution des mers et, au sein de celui-ci, d’une relecture des mécanismes de la responsabilité. Pour ce qui est des hydrocarbures, il est clair que personne ne pourra éluder éternellement le débat, et que s’il ne saurait être véritablement question de transférer purement et simplement la responsabilité du transporteur au propriétaire de la cargaison, on ne pourra pas faire plus longtemps l’économie d’une réflexion sur la redéfinition de leur rôles respectifs, d’établir entre eux une responsabilité solidaire, mais aussi d’aller plus loin en repensant la notion de « Responsible Party ».. Nous mettrons l’accent, dans cette contribution, tout d’abord sur ce qui dans la justification de l’approche traditionnelle nous paraît désormais discutable, avant d’évoquer dans une deuxième partie ce qui pourrait contribuer à fonder une autre discours. Celui-ci semblera peut être paradoxal aux uns, hérétiques aux autres. Je souhaite qu’il contribue à faire évoluer dans ce domaine spécifique un ordonnancement juridique inadapté aux nécessités et à la logique environnementales qu’il ne peut plus désormais ignorer. Quitte à ce que l’on s’interroge, d’ailleurs, sur l’idée selon laquelle si l’on veut préserver une spécificité aux activités de transports maritimes, celle-ci soit inscrite dans la logique de la préservation du milieu marin comme « activités susceptibles de créer des pollutions ». I – La remise en cause d’un discours unique. Le monde maritime est un monde de traditions dont les règles, d’origines souvent coutumières, sont à évolution lentes. Il repose sur des logiques propres, dans un univers de risques partagés. Si, selon l’adage des internationalistes, il est d’usage de rappeler que « la terre domine la mer », le monde des activités maritimes s’en est longtemps tenu quand à lui, et s’agrippe encore, à l’idée que le milieu maritime justifie le particularisme d’un droit reposant sur les risques assumés entre acteurs de l’entreprise maritime. « Le droit maritime est tout entier ordonné autour de la notion de risque de mer, qui impose une solidarité entre participants à l’expédition maritime et une division du risque, et ce d’autant plus que les marchandises mises en risque ont toujours été fort coûteuses », nous dit Rodière 2 .Or ce à quoi l’on assiste, dans le domaine de la pollution maritime par les hydrocarbures, est la remise en cause de cette approche. La revendication de ce qui peut apparaître comme une logique « terrienne » par rapport à la logique maritime, repose sur l’idée que dans le cas des activités polluantes les acteurs et les victimes du drame ne sont plus les seuls marins. Antoine Vialard, dans sa brillante intervention devant l’Association Française de Droit Maritime 3 en avril 2003, estimait que traiter le problème de l’indemnisation en termes de droit maritime était « une erreur d’optique 1 - Antoine Vialard, « Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par les hydrocarbures », intervention à l’AFDM, 3 avril 2003 ; DMF n°637,pp.435-453, mai 2003.. 2 - René Rodière, « Droit Maritime », Précis Dalloz, 1991, p.5 3 - Op. cit.p.5.

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fondamentale » alors qu’il s’agissait de traiter une question de droit de l’environnement. Tout en étant parfaitement d’accord avec cette observation, on peut se demander si d’une certaine façon il ne s’agit pas simplement de rappeler que « la terre domine la mer », et que l’on assiste à une nouvelle évolution que, mutatis mutandis, constatait déjà Gidel en 1932 4. Ainsi qu’il l’écrivait en effet: « Il est arrivé (…), en ce qui concerne le droit commercial maritime, que son caractère de particularisme a subi quelques altérations au cours du XIX ème siècle. Ce particularisme s’est affaibli pour des raisons juridiques et pour des considérations économiques…Les causes économiques qui ont atteint le particularisme du droit maritime sont le changement de caractère de l’exploitation maritime, la marine marchande tendant à devenir de plus en plus un « prolongement sur mer de l’activité nationale » (Ripert, p.74) » 5. N’assiste-t-on pas au XXème siècle en matière de transport d’hydrocarbures à un changement de caractère de l’exploitation maritime , correspondant qui plus est aux effets du développement des activités nationales dont ils sont une condition et un effet, et dont la pollution est une conséquence ? Dans l’espèce qui nous intéresse, on peut dire ainsi qu’à travers le constat de l’inefficacité des procédures d’indemnisation mises en place par le droit positif, de l’affirmation de la nécessité de prise en compte des conséquences côtières des pollutions, il s’agira dès lors de s’inscrire dans une logique qui sera différente. Dans la relation « terre-mer », elle impliquera non seulement que les victimes de la pollution puissent revendiquer la réparation du dommage subi, mais que « la terre » assume également son rôle d’acteur dans la gestion de l’activité pétrolière et des risques qu’elle implique. A la logique de la limitation de la responsabilité devra succéder ainsi la logique de la responsabilité illimitée car rien ne justifie que l’auteur du dommage limite la conséquence de ses actes ou manquements. Mais devront aussi être redéfinis en matière d’indemnisation, de responsabilité, de contrôle de sécurité : le rôle de l’Etat , des entreprises pétrolières de production, de distribution qui « à terre » sont à l’origine et à l’arrivée du processus de transport par mer des hydrocarbures. A ce titre elles seront susceptibles de se voir appliquer le principe du « pollueur-payeur », où de voir mettre en cause leur négligence. Nous conjuguons ici nos verbes au futur, mais nous verrons en fait que le processus est déjà amorcé. A- La justification du discours originel Nous ne nous appesantirons pas ici sur le mécanisme combiné de la convention CLC 69-926 et du FIPOL 71-92 7, rappelons simplement que la Convention Internationale sur la Responsabilité Civile pour les Dommages dus à la Pollution par les Hydrocarbures de 1969 met en place un système de responsabilité objective et limitée8. Le principe de limitation de la responsabilité y est dicté par la nature objective de la responsabilité, canalisée en l’espèce sur 4 - Le paradoxe ne serait-il pas de constater que ce qui apparaît aujourd’hui comme une remise en cause des approches classiques du droit maritime ne serait, en fait, que la poursuite d’un phénomène qui a conduit hier les tribunaux de commerce à succéder aux amirautés et demain le droit commun aux réglementations dérogatoires ? 5 - Gilbert Gidel, « Droit International Public de la Mer », Sirey 1932, T I, p.7. 6 - Civil Liability Convention, du 29 novembre 1969, publiée par le décret n°75-553 du 26 juin 1975, JORF, 3 juillet 1975, p.6756 7 - Convention Internationale portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, signée à Bruxelles le 18 décembre 1971. 8 - Cf. Françoise Odier : « Le système international sur la responsabilité et l’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures », Colloque « Prévention et lutte contre la pollution par les hydrocarbures en Manche et Sud Mer du Nord », Salon Ecotop , 4 & 5 février 1994, Lille.

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le propriétaire du navire. Le système instaurait en outre, dès l’origine, un système d’assurance obligatoire qui semblait apporter la garantie effective de la réparation annoncée. Les arguments et interrogations mis en avant à l’occasion de l’adoption de ce système méritent d’être rappelés. Ils retrouvent une fraîcheur nouvelle à l’heure des remises en causes. Les interrogations formulées aujourd’hui ne sont en fait qu’un retour aux interrogation d’hier éclairées désormais par l’expérience. a) Pour ce qui est de l’imputabilité au propriétaire de la cargaison, les arguments sont à la fois théoriques et pratiques. Le débat qui s’organisa autour du choix de la personne responsable rappela, dès l’origine, que s’il est classique de rendre le transporteur maritime responsable des marchandises dont il a la garde, cette solution, en matière de pollution liée au transports d’hydrocarbures, risquait d’aboutir à une injuste imputation de responsabilité. Tout le monde se souvient de la célèbre observation du doyen Chauveau : « il ne s’agit pas de dommage causé à la marchandise, mais d’un dommage causé par la marchandise à un tiers, or ce dommage et son intensité tiennent à la nature dangereuse et nuisible…si les cuves du Torrey Canyon avaient été chargées de vin ou de whisky, il n’y aurait eu aucun dommage particulier »9. Le transport du pétrole n’engendre pas plus de profit pour l’armateur que celui de toute autre marchandise ; or la charge du risque doit peser sur celui à qui profite de la chose dangereuse : le propriétaire de la cargaison. Le doyen Chauveau qualifiait d’ « erreur d’aiguillage » le fait de placer la responsabilité sur les épaules du propriétaire du navire alors que la nature polluante de la marchandise transportée est la cause directe du dommage. Autant il est normal de retenir la responsabilité d’un navire nucléaire puisqu’il crée le risque, autant il est injuste de la retenir ici, car ce n’est pas le navire qui crée le risque mais la nature de la cargaison, dont l’armateur ne tire aucun profit. Laurent Lucchini répliquait à cet argument, ainsi que le rappelle Emmanuel Langavant dans son traité de droit de la mer : « que, si les hydrocarbures ne sont pas, en eux- mêmes, chose dangereuse, ils le deviennent par leur transport en grande quantité, qui, en cas d’accident, entraîne une pollution importantes. La responsabilité objective, à raison du risque créé, devait légitimement peser sur le transporteur »10. Trente-cinq ans après ces débats si l’on peut s’interroger encore sur la nature dangereuse ou non des hydrocarbures, l’armateur dont parlaient nos auteurs tend, en particulier dans le domaine du vrac, à disparaître au profit du propriétaire du navire qui sera un financier tenté, ainsi que le souligne Jean-Pierre Beurier 11, de « réaliser des « coups » financiers rentables sans trop se soucier du chargeur, pas du tout du marin et encore moins de l’environnement »12. Le transport maritime devenant moins affaire de mer que de finance, et ce qui reste de marin dans ce transport ne justifie-t-il pas de privilégier la mer et l’environnement ? Contrairement à ce que pouvait penser le doyen Chauveau, le propriétaire du navire pourra aussi tirer profit des frets liés à la nature de la cargaison qu’il transporte. Le 9 - D., 1969, Chron.XXI, p.191 ; 10 - E. Langavant, « Droit de la mer », T. 1, p. 155, Cujas, 1979. 11 - Ainsi que l’explique J.P. Beurier dans son article du DMF n°645, p.99 : « …les propriétaires de navires ont progressivement tout sacrifié à la rentabilité au moindre coût pour tenter maladroitement de lutter sans succès contre le laminage par le bas de leur activité du fait d’une concurrence sauvage et de sa conséquence, la baisse sans précédent des taux de fret qu’ils n’on pas pu stopper. Cette chute vertigineuse a fait trop souvent disparaître l’armateur au profit du propriétaire du navire, financier sans savoir faire maritime du moins dans le domaine des vracs, faisant que le mauvais navire a chassé le bon ». 12 - J-P. Beurier, « La sécurité maritime et la protection de l’environnement : évolutions et limites », DMF N°645,p.99, février 2004.

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chargeur de son côté profitera des taux de fret les plus bas sachant que l’état actuel du droit l’exonère pratiquement de toute responsabilité. Si la responsabilité doit reposer sur celui qui profite de la chose dangereuse le propriétaire du navire et le chargeur, le propriétaire de la cargaison 13, doivent être objectivement responsables. Le deuxième argument qui fut évoqué en faveur de l’imputabilité retenue contre le propriétaire ou l’exploitant du navire a été un argument pratique. Faisant état de l’esprit du temps, Emmanuel Langavant écrivait : « le propriétaire de la cargaison peut changer en cours de route, tandis que l’identité du propriétaire du navire est une donnée constante, facile à appréhender ». Et de M. Lucchini, cette formule : « en se plaçant sur le terrain de la commodité, le propriétaire du navire apparaît - si l’on peut dire – comme la victime la mieux placée », le responsable le plus commode »14. La pratique hélas nous montrera qu’il ne sera pas plus aisé de retrouver le propriétaire du navire. Sans rentrer dans une démonstration superfétatoire, il est clair que cet argumentaire semble beaucoup moins pertinent à l’heure des marqueurs de cargaisons, des nouvelles technologies et des possibilités qu’elles peuvent offrir de suivre sur les ordinateurs les changements de propriétaires de cargaisons…Les boursiers qui spéculent sur les matières premières ne s’y perdent pas et l’on voudrait faire croire qu’il serait à priori impossible à la justice d’envisager de s’y retrouver ? Rappelons nous simplement qu’il n’y a pas très longtemps encore il était répété dans les facultés de droit qu’il était pratiquement impossible de poursuivre en cas de pollution par les hydrocarbures pour la simple raison de ceux-ci se dispersaient dans la mer !...Les juristes et les gendarmes ont appris depuis à découvrir les mérites de la chromatographie en phase gazeuse, de la spectrographie de masse, des scanneurs infrarouges etc…Les hydrocarbures se dispersent toujours dans la mer, les cargaisons changeront toujours de mains, cela n’empêchera pas que le propriétaire de la cargaison puisse être identifié. b) Pour ce qui est du caractère objectif et limité de la réparation ; comme nous le savons les deux éléments étaient liés. Le choix de la responsabilité objective du propriétaire du navire offrait l’avantage aux victimes de la facilité de mise en œuvre 15. La limitation de la responsabilité apparaissait comme la contrepartie de cette facilité. La victime n’avait pas a prouver la faute du propriétaire du navire. Le propriétaire du navire bénéficiait de la limitation de responsabilité dès lors qu’il avait constitué et mis à la disposition des victimes un fond d’un montant égal au plafond de sa responsabilité. On sait que ce plafond a évolué dans le temps en fonction certes des besoins croissant d’indemnisation mais aussi de la capacité de résistance des Cies d’assurances. Le marché des assurances se déclarant régulièrement incapable et encore moins disposé à se porter garant des propriétaires de navires, l’idée de plafond de responsabilité peut apparaître aussi, dès l’origine, comme le résultat d’une alliance objective, sous couvert de contrainte économique, entre assureurs et propriétaires de navire, aux dépens des victimes de la pollution 16. On peut se demander si cela est véritablement justifié, si l’exigence de justice doit s’arrêter à la limite que fixe le secteur économique 17 en fonction de critères qui n’ont pas nécessairement de 13 - Y compris les acheteurs de cargaisons « pied-de-bac » cf.P. Benquet et T.Laurenceau, « Petroliers de la Honte : la loi du silence », pp.237, Edition N°1 1994 14 - Op. cit. p.155. 15 - Exception faite naturellement des cas d’exonération de l’art.III §2 & 3. 16 - Cf. sur ce point R. Rodière, op. cit. p.98. 17 - En ce domaine l’enquête de P. Benquet et T. Laurenceau, op.cit pp. 203-207, montre que ce n’est pas toujours l’ethique qu sous tend ce qui est présenté comme l’exigence de la rationalité mais souvent des convergences d’intérêts « bien compris » qui en fin de compte se réaliseront sur le dos des victimes et des contribuables.

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rapport avec les exigences de l’ordre public 18? L’ interrogation sera d’autant plus justifiée lorsque l’on évoquera la possibilité ouverte par les Etats-Unis et l’Oil Pollution Act de mise en œuvre d’une responsabilité illimitée qui n’a conduit aucune Cie d’assurance à mettre la clef sous la porte, et aucun transporteur de pétrole à interrompre son trafic en direction des Etats-Unis. B- De la théorie à la réalité : les leçons de la pratique.. Que nous montre la pratique ? Essentiellement deux choses. Tout d’abord qu’aucun des arguments avancés pour justifier l’adoption du système CLC- FIPOL ne se vérifie, bien au contraire. D’autre part que les réformes entreprises relèvent soit du cautère sur une jambe de bois, soit de la volonté de verrouiller le système en place au profit des affréteurs, armateurs, armateurs gérant du navire ». a) Le leurre de la canalisation de la responsabilité sur propriétaire du navire. Est-il possible d’écrire une ligne de plus sur ce sujet après Antoine Vialard et son apophtegme mémorable des « canalisations percées, détournées et bouchées » ? Sa démonstration de l’ « irresponsabilité organisée des propriétaires de navires citernes »19 ? Les affaires de l’ « Erika » et du « Prestige » atteignent à cet égard à l’exemplarité 20. Le montage pour l’affrètement au voyage (au spot) de l’ « Erika » montre à quel point il peut être difficile d’identifier le propriétaire réel d’un navire caché derrière des sociétés écrans 21et combien l’idée même de « commodité » dans le choix du propriétaire du navire comme titulaire de la responsabilité peut être éloignée de l’idée que pouvait en avoir les rédacteurs de la convention de 1969. Le propriétaire finit-il par être identifié que l’on découvre qu’il a su organiser son insolvabilité . L’histoire de tous les contentieux intervenus depuis 1969 ne fait que démontrer à quel point la réglementation est contournable et ne remplit pas l’objectif qui lui était assigné : « la nécessité de garantir une indemnisation équitable des personnes qui subissent des dommages du fait de pollution résultant de fuites ou de rejets d’hydrocarbures provenant des navires » 22. L’existence même de ce décalage entre théorie et réalité ne justifie-t-il pas d’envisager une réingénierie du système d’indemnisation ? Des réformes ont certes été entreprises, mais on peut s’interroger sur leur finalité et leur efficacité réelles. b) Les reformes qui ne posent pas la vraie question : leurre et verrouillage ? Si l’on se penche sur l’évolution du système d’indemnisation depuis 1969 que constate t-on ? Devant l’insuffisance des niveaux d’indemnisation, une hausse progressive des plafonds d’indemnisation et la mise en place des moyens complémentaires de faire face à la réalité financière de la pollution. Les réformes du FIPOL, les Fonds CRISTAL, TOVALOP, COPE sont l’expression de cette démarche. Bien que le mécanisme mis en place par la convention ne soit pas satisfaisant celui-ci n’est pas remis en cause dans ses principes fondamentaux. Est-ce faire preuve d’un scepticisme excessif de suspecter que les réceptionnaires d’hydrocarbures (FIPOL), les armateurs (TOVALOP), les compagnies pétrolières (CRISTAL) d’avoir acceptés dès l’origine de « mettre la main à la poche » plutôt que de voir remis en cause le système de

18 - De la protection de l’environnement ou de la réparation du dommage écologique par exemple. 19 - Antoine Vialard, op. cit. p.3. 20 -Cf.J-P. Beurier, « Le transport maritime, le droit et le désordre économique international », in Mélanges Lucchini & Quéneudec, pp.89-90, Pedone 2003. 21 - Cf Rapport du BEA-Mer sur le naufrage de l’Erika, 2000. 22 - Préambule de la convention CLC.

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canalisation de la responsabilité objective et le concept de responsabilité limité qui en est le corollaire ? Ce que l’on a qualifié de « système volontariste » (FIPOL, CRISTAL) n’a jamais relevé de la philanthropie et paraît bien relever de l’intérêt bien compris, de la transaction entre pouvoirs publics et ce que l’on couvre du terme d’ « acteurs économiques ». Comment interpréter, aussi, le fait qu’après l’entrée en vigueur de la convention CLC les grandes Cies pétrolières aient brusquement réduit l’activité de leurs filiales maritimes ; diminuant de manière drastique le nombre des navires qu’elles possédaient en propre, et leurs affrètements à long terme ? Simple adaptation à l’évolution de la conjoncture ou volonté de contourner une réglementation internationale dont les conséquences pouvaient mettre en cause des profits ? On pourra s’interroger aussi sur le sens à donner à la réforme, du 27 novembre 1992, de l’article III de la convention CLC. Le protocole additionnel venant préciser qu’aucune demande d’indemnisation du chef de pollution, qu’elle soit ou non fondée sur la présente convention, ne peut être introduite contre « tout affréteur, armateur ou armateur gérant du navire ». Simple soucis de préciser la règle ou volonté de verrouiller un système ? Le protocole additionnel CLC 92 a-t-il été une contrepartie au protocole FIPOL 92 ? L’assurance de l’immunité des affréteurs et armateurs non propriétaires contre un peu plus d’indemnisation payées en grande partie par les principaux affréteurs que sont les grandes Cies pétrolières ? Les doutes dont nous nous faisons l’écho peuvent-ils être combattus par une logique justifiant le contenu du discours formulé par les tenant de ce système : à titre principal les Cies pétrolières et, dans certains cas les Cies d’assurances ? Les spécialistes que nous avons évoqués prennent actes de ce qui apparaît comme la fin d’un monde, la disparition d’un système, et réfléchissent aux possibilités de colmater les fissures d’une embarcation qui prend eau de toute part. Les meilleurs maritimistes imaginent depuis l’origine des systèmes qui, de protocoles en amendements, deviennent des constructions baroques, composites, d’aucuns parleront d’ « usines à gaz ». Rappelons nous les articulations dans la mise en œuvre de la responsabilité de la convention CLC avec Tovalop, Cristal, le Fipol, puis le Fond Cope...et de leur inefficacité. N’est-ce pas la mesure même de notre incapacité normative ? De la nécessité d’une refondation de l’ordonnancement juridique sur la relation « Mer-Terre » ? Faut-il continuer à s’acharner dans la voie des rafistolages alors que nous savons tous que ce qui se passe est l’effet d’un processus économique qu’on se refuse à mettre en cause au nom d’ intérêts et qui conduisent à mettre en avant le prétexte de la spécificité des activités maritimes ? A la question « Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ? » Antoine Vialard répond « Evidemment oui ». Jean-Pierre Beurier souligne que « ce sont les bases mêmes de la responsabilité qu’il faudrait faire évoluer ». La nécessité est claire : le système est à réinventer et il faut admettre qu’il ne pourra l’être sur les bases de celui qui a échoué. Faut-il dès lors aller jusqu'à remettre en cause ce qui est encore présenté comme la spécificité du droit maritime ? Nous pensons que oui ; et que, si spécificité il y a, ce n’est plus celle qui est encore alléguée. II- Pour une nouvelle approche du discours sur la responsabilité du dommage de pollution.

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Alors que le monde maritime, dans les coulisses de ses réunions et colloques internationaux , s’interrogeait sur l’inefficacité des ses normes et l’inviolabilité du dogme, les Etats-Unis, après le Canada, ont établi des législations qui remettent en cause l’approche classique de la responsabilité limitée pour pollution par les hydrocarbures. Après s’être élevés contre l’ « unilatéralisme » de l’OPA, leurs partenaires s’y sont pliés et l’OMI, elle-même, a transposé au niveau international certaines mesures adoptées par le législateur américain 23. Il n’y eu alors, comme nous l’avons dit, ni diminution significative du trafic vers les Etats-Unis, ni refus d’assurer de la part des Compagnies d’assurances…Paradoxalement même, les « mauvais navires » interdit d’accès aux Etats-Unis, furent un temps réservés à la desserte des ports européens ! Plutôt que de gloser sur ce que d’aucuns ont pu considérer comme l’expression arrogante d’une sorte d’unilatéralisme juridique ( voire d’ « impérialisme juridique ») ou la preuve de l’ échec du multilatéralime dans l’élaboration des normes, ne pourrait-on pas se demander s’il ne s’agit pas simplement du constat, fait par les Etats-Unis comme l’avait déjà fait le Canada, de la concrétisation inévitable d’ un changement de logique nécessaire? Changement dont il importera de prendre acte, dut -on pour cela, constater la substitution d’une spécificité à une autre ; d’une logique environmentale du transport 24 des produits dangereux 25, et de la réparation des dommages causés par ces activités, à celle traditionnelle des transports maritimes . « Pendant longtemps, écrivait Françoise Odier en 1998, le monde maritime a été réduit à ce qui se passait en mer, vivant dans une ignorance complète des dommages qu’il pouvait faire subir à la terre »26. Ces dommages sont désormais patents et le droit de l’indemnisation des pollutions venues de la mer ne peut plus être l’accessoire du seul droit traditionnel des activités maritimes 27.La pollution vient de la mer, à la terre de fixer les règles de son indemnisation. Ce changement d’approche, cette correction d’optique, qui s’amorce dans la législation américaine n’est, comme je l’ai dit précedemment, qu’un rappel de ce que la terre domine la mer et que la terre (l’Etat) dans le soucis de la préservation de son intégrité, fixe la règle qui conduira à la réparation intégrale du dommage qui est susceptible de venir du large. Par rapport au célèbre adage de Bynkershoek « Potentatem terrae finiri ubi finitur armorum vis »28, il ne s’agit que de remplacer « armorum » par « economicae » ou de qualifier les armes en question d’économiques ! Logique dont on trouve déjà une expression dans la convention de 1969 sur l’intervention en haute mer29 qui permet à l’Etat d’intervenir au nom de la « nécessité de protéger les intérêts de leurs populations contre les graves conséquences d’un accident de mer entraînant (…) une pollution de la mer et du littoral par les hydrocarbures ».

23 - A titre d’exemple on pourra faire référence à l’introduction dans la convention Marpol de l’exigence du « double coque ». 24 - Quel qu’en soit la forme. En l’espèce ici maritime. 25 - L’OPA nous apparaissant comme une des premières manifestations de cette logique . 26 - Cf. F. Odier : » Droit maritime et droit nucléaire », SEBES : Radioprotection et droit nucléaire, p. 275 ; http://www.unige.ch/sebes/ textes/1998/98Odier.html. 27 - La présentation matérielle du précis de Rodière sur la responsabilité pour pollution par les hydrocarbures me paraît significatif de ce décalage. Cette étude apparaît en effet dans le chapitre consacré au « Navire élément du patrimoine », comme un élément d’un §4 d’une section consacrée à responsabilité du propriétaire du navire où l’essentiel est consacré aux conventions de 1957 et 1976. Or il ne s’agit pas de la même histoire normative. 28 - « Le pouvoir de la terre s’achève où finit la puissance des armes ». 29 - Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur l’ »Intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures »

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A – Au-delà de la responsabilité du transporteur. Il s’agit d’évoquer là les systèmes qui, allant au delà de la stricte responsabilité du propriétaire du navire, « décanalisent » cette responsabilité , en élargissant la notion de partie responsable, et remettent en cause la notion de responsabilité en introduisant la possibilité de reconnaître une « responsabilité illimité ». Nous voyons dans ces phénomènes de déconstruction la traduction d’un constat : les mécanismes en vigueur au niveau international ne correspondent plus aux nécessités actuelles de la responsabilité pour pollution par les hydrocarbures. Ces systèmes nationaux contiennent à nos yeux l’ébauche d’un ordonnancement juridique nouveau qui ne prend plus acte d’une spécificité maritime qui ne se justifie plus. La dimension « maritime » cède alors le pas à la notion de pollution et au principe pollueur payeur, quel que soit le lieu de cette pollution. Nous évoquerons le cas de la réglementation américaine et de la réglementation canadienne qui dès 1985 avait en germes les mécanismes qu’ont développés les Etats-Unis cinq ans plus tard. a) L’Oil Pollution Act américain : L’Oil Pollution Act que l’on évoque souvent constitue l’avancée fondamentale sur la voie d’une meilleure indemnisation. Elle l’est sur deux points : l’élargissement de la notion de « Responsible Party », et la restriction des limitations de responsabilité pouvant aller jusqu’à l’adoption d’un système de responsabilité illimitée. 1- L’OPA utilise le terme de « Responsible Party » pour désigner la personne qui est à l’origine de la pollution ou de la menace de pollution prise en compte. Ainsi qu’en dispose la section 1001 (32) (A) , dans le cas d’un navire la partie responsable sera : « any person owning , operating, or demise chartering the vessel 30 ». La notion est extrêmement large. Elle comprend certes les propriétaires, mais aussi les opérateurs et les affréteurs coque nue. Ce que le protocole CLC de 1992 a spécifiquement tenu à écarter. Précaution ? Crainte de la contamination d’un esprit de réforme ?L’OPA fait peser sur toute personne, société ou groupement désigné et défini comme partie responsable une responsabilité conjointe et solidaire 31 et le dispositif a de quoi inquiéter non seulement les armateurs mais aussi tous les financiers liés de près ou de loin à la gestion du navire. Se trouvent en particulier visés, outre les affréteurs coque nue, les créanciers hypothécaires du navire c'est-à-dire le plus souvent des personnes étrangères à la gestion du navire qui en ont seulement financé la construction ou l’acquisition. Le principe de solidarité peut les tenir d’indemniser le dommages de pollution. Le fait de souligner la non participation de ces « débiteurs potentiels »32 à la gestion du navire me paraît essentiel. Bien loin de traduire l’injustice alléguée d’une responsabilité mise sur le dos d’étranger à l’ « univers » maritime. Il traduit très précisément l’idée qu’il ne s’agit plus d’évoquer la spécificité du secteur marin mais d’organiser un système de responsabilité autour des activités génératrices de profits et de pollution liées à l’utilisation des hydrocarbures à l’occasion, dans l’espèce particulière qu’est l’OPA, de la pollution marine.

30 - Il y a une légère différence entre « demise charter » et bareboat charter » qui se traduisent l’un et l’autre par « affrètement coque nue ». Le « demise charter » prend en compte la possibilité de fourniture d’une partie de l’équipage.. 31 - Section 1002 (A). 32 - Par exemple créanciers hypothécaires du navire.

9

Une confirmation de ce changement de logique peut être trouvée dans le rappel que dans son projet initial, l’OPA contenait aussi des dispositions impliquant la responsabilité des compagnies pétrolières propriétaires de la cargaison. L’action de lobbying de l’industrie pétrolière américaine et internationale, a fait que la législation est restée pour l’instant silencieuse sur ce point. Mais la question reste posée. Face au processus de mise en œuvre du principe pollueur payeur l’affirmation d’une responsabilité limitée n’a plus rien à voir avec une spécificité des activités maritimes qui a des allures de feuille de vigne. Quand à l’idée d’implication du propriétaire de la cargaison, seule la pression politique d’un secteur économique majeur a empêché de la reconnaître. Cela n’avait rien à voir avec la prise en compte du « risque lié à l’aventure maritime » et,comme nous le verrons le législateur canadien, en ce qui le concerne, l’a admis. 2- Si l’OPA , d’autre part, ne pose pas le principe général de la responsabilité illimité , il réduit les cas de responsabilité limité et dans certains cas permet que celle-ci devienne illimitée. Cette évolution va se trouver accentuée par la suppression dans ce domaine de la primauté du statut fédéral sur les statuts fédéraux 33. α – Jusqu’en août 1990, le régime du « Federal Water Pollution Control Act »34 précisait que le montant de la limitation à laquelle pouvait être soumis la partie responsable était limité en fonction du tonnage et à condition que le transporteur n’ait commis aucune faute. Cette limitation pouvait être renversée si le gouvernement prouvait que le transporteur avait commis une faute grave. Répondant aux souhaits des Sénateurs l’OPA a consacré une hausse vertigineuse de ces limites statutaires et augmenté sensiblement les risques pour les armateurs de voir leur responsabilité illimitée 35.L’OPA institue une série de limites légales à la responsabilité qui fluctuent en fonction du type de navire ou de l’installation concerné et de leur importance (tonnage ou fréquentation). La plus haute limite de responsabilité s’applique au déversement de pétrole par des navires citernes. Pour les navires de ce type, la responsabilité du propriétaire et de l’affréteur ne pourra pas dépasser 1200 $ par tjb 36. Ces limitations se trouvent considérablement rehaussées 37. Mais parallèlement l’Act prévoit que dans certains cas ces limitations ne s’appliqueront pas. Plus que dans le relèvement des plafonds de limitation, c’est dans la facilité avec laquelle ils cèdent que réside la véritable innovation de ce texte. L’OPA consacre en effet l’élimination du principe de limitation globale de responsabilité de l’armateur qui était contenu dans « The Limitation of Liability Act » de 1851, en énumérant un certains nombres de cas où la limitation de responsabilité ne peut s’appliquer. Il construit les bases d’une responsabilité illimitée de l’armateur. Rappelons ainsi que les limites de responsabilité ne s’appliquent pas lorsque l’incident ayant entraîné la pollution a été causé par : la faute lourde de la partie responsable qui sous-entend une négligence flagrante dans son comportement, la faute inexcusable de cette même partie, qui dans le cadre d’un navire peut être assimilée à une mauvaise gestion volontaire ; la violation, enfin, par la partie responsable, son mandataire ou son salarié d’un règlement fédéral relatif à la sécurité, à la construction ou à l’exploitation du navire ou du terminal pétrolier. Pour que cette exception soit valable, il suffit que l’auteur de 33 - OPA section 1018. 34 - 1948, amendé en 1972. 35 - OPA section 1004. 36 - Il existe d’autres limitations de responsabilité concernant les autres types de navires (navires secs), les terminaux off shore, les terminaux côtiers et ports en eaux profondes, ainsi que les plates-formes de forage mobiles. 37 - Pour les pétroliers de plus de 3000 tjb un montant minimum de responsabilité est fixé à 10 millions de $, le montant maximum pour un super tanker ira jusqu’à 600 millions de $.

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l’infraction soit le responsable lui-même ou l’un de ses préposés. La condition de la faute personnelle disparaît ici, ce qui semble ouvrir la voie à une responsabilité illimitée généralisée. La section 1004 de l’OPA, prend également en compte l’attitude et le comportement de la partie responsable dans le déroulement du processus de lutte et de nettoyage de la marée noire. Va ainsi se trouver privé du bénéfice de la limitation , le responsable qui a consciemment omis d’informer et de notifier l’incident ayant entraîné une pollution à l’autorité administrative compétente. La coopération de bonne foi du responsable présumé est ici indispensable car présent sur les lieux de l’incident, il est mieux que quiconque en mesure d’en limiter les effets immédiats. Les conséquences de ì¥Á�5@ ���ø�¿������0��������©r��

11

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������š0������š0������š0��8���Ò0��ä�té n’est ouverte que r la

u erreur humaine permet d’invoquer la responsabilité limitée de l’armateur. Cette règle peut être particulièrement contraignante si l’on se souvient

oir ime.

l et international. Dans le cadre régional on peut

- L’extension de la possibilité de reconnaissance d’une responsabilité illimitée va découler , du

ur

y State or

uc State ;… ». L’OPA, qui plus est, reconnaît possibilité d’imposer toute amende ou pénalité complémentaire 45 ainsi que toute mesure de

té,

en reconnaissant que chaque Etat sera en mesure d’aller bien au-delà de la norme fédérale. é des systèmes adoptés par les Etats fédérés, le constat est

dans des cas très précis. On pourra a titre d’exemple évoquer le cas de la violation papartie responsable des standards fédéraux de sécurité, de construction ou d’exploitation38. Désormais, la simple négligence o 39

ilque la plupart des accidents sont imputables à des erreurs humaines 40. On pourra aussi y vune forte incitation à mieux gérer le facteur humain dans l’entreprise de transport maritCe modèle est transposable au niveau régionaimaginer, par exemple, que les observations que nous allons faire puisse permettre une évolution progressive des différents systèmes européens. βaussi d’une autre innovation établie par l’OPA : la fin, à l’intérieur du système américainprincipe de primauté de la loi fédérale sur la législation des Etats en matière de commerce international. L’abandon de ce principe permet désormais aux Etats fédérés de mettre en place une réglementation encore plus répressive41. Jusqu’en 1990, selon la « Supremacy Clause »42, et la « Clause de Commerce » 43 de la constitution des Etats-Unis 44, les statuts fédéraux sur la pollution l’emportaient toujours sles lois fédérés lorsque leurs dispositions étaient en conflit. Dans sa section 1018 l’OPA met un terme à cette primauté du statut fédéral. Ainsi qu’il le souligne en effet « Nothing in this Act…shall affect, or be construed or interpreted as preempting, the authority of ansubdivision thereof from imposing any additional liability or requirement with respect to the discharge of oil or other pollution by oil within slaprévention plus stricte pour les responsables de ces actes. En établissant un double système de responsabilité au niveau fédéral et au niveau de chaque Etat fédéré, en acceptant de s’effacer devant la législation des Etats fédérés, l’OPA continue àposer le principe théorique de la limitation de responsabilité, mais en ruine ab initio la réali

Si l’on observe alors la réalitéloquent. A l’exception du Delaware, du New-Jersey et de New-York, tous les plafonds de limitation prévus par l’OPA sont crevés par les législations internes des Etats côtiers. La plupart prévoient une responsabilité sans limite des auteurs de pollution, et une gamme de

38 - OPA sect. 1004 (c) (1) (B). 39 - Une simple erreur de route, par exemple, est suffisante. 40 - On pourra y trouver une raison supplémentaire à la restructuration de sociétés en « single ship companies » une vérification de l’ambiguïté des discours sur « je respecte la loi quand elle désigne le propriétaire comme seuresponsable » et « je me restructure pour échapper à la loi si elle me considère a

et l

ussi comme responsable de la

pollution » ! 41 - OPA sect. 1018 (c). 42 - Art. VI, sect. 2 de la Constitution des Etats Unis et arrêt CS “Ware v. Hylton 3 U.S. (Dall)199 (1796), 43 - CS « Gibbons v. Ogden 22 U.S. (9 Wheat.) 1 (1824) 44 - Art.Ier, sect. 8 (3) 45 - OPA 90, sect. 1018 (c).

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dommages de pollution très largement étendue 46. Dans la législation américaine la limitation de responsabilité, en tant que principe fondamental justifié par la nature particulière d’uactivité, est déjà fortement mise à mal et les personnes susceptibles de voir mise en cause leuresponsabilité sont bien plus nombreuses que celles prévues par les conventions internationales. Dans l’exemple américain l’idée que la terre domine la mer est affirmée au double niveau de l’Etat fédéral et des Etats fédérés. Il apparaît également dans le rôle assigaux gardes côtes et dans les exigences à l’égard des navires entrant dans les eaux sjuridictions.

ne r

né ous

u mettre un temps au compte ’un exotisme juridique peu respectueux des usages de la mer et des pratiques des bureaux

sque l’on s’aperçoit qu’il n’était pas le eul et qu’il traduit la mise en œuvre de mécanismes que l’on trouvait dans une législation

enne, dès 1985, avait entrepris en effet de modifier les pproches traditionnelles de la responsabilité pour pollution. C’est dans cette législation que

Un tel phénomène, que les vieilles puissances maritimes ont pdlondoniens , devient particulièrement intéressant lorsantérieure qui était déjà allée jusqu’à la reconnaissance de la responsabilité des propriétaires de cargaison.. La législation canadial’on trouvera la formulation la plus novatrice de ce que pourrait être la réglementation de demain. b) La loi canadienne sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. La loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, de 1985 avait déjà introduit les deux éléments que l’on voit se développer dans l’OPA. L’extension du concept de responsable », et le mécanisme permettant de dépasser la notion de responsabilité limités. 1- L’extension de la notion de partie responsable apparaît à deux niveaux. Tout d’ala définition précise de la notion de propriétaire « owner ». A l’article 2 la loi précise : « A l’égard d’un navire, est assimilé au propriétaire quiconque a, a un moment donné, d’une disposition législative ou contractuelle, les mêmes droits que le propriétaire du navire en ce qui a trait à sa possession ou son usage

47

« partie

bord dans

en vertu

». A l’article 6 (1) c), ensuite : « sont spectivement responsables...le propriétaire du navire qui navigue dans les aux arctiques et

t in

48

reles propriétaires de la cargaison ». étant précisé « dans le cas du propriétaire d’un navire edes propriétaires de sa cargaison, cette responsabilité est solidaire ». Nous sommes assez lodes dispositions de la convention CLC et de ses avatars de 1992. Ce texte a également le mérite d’inscrire cette extension de souveraineté dans le cadre d’une approche résolumentéconomique et environnementaliste qui apparaît dès le préambule de la loi 49

46 - La législation de l’Etat de Washington est un exemple particulièrement significatif. A cet égard, en 1991 le Parlement de l’Etat a voté l’ « OIL Spill Prevention Act » et à chargé l’ « Office Of Marine Savety (OMS)» de la mise en œuvre de la loi qui s’applique à tous les navires de plus de 300 tjb., à tous les pétroliers ainsi qu’abarges. Cette législation à donné lieu à un contentieux qui a conduit la Cour Suprème à condamner l’Etat de Washington pour avoir pris des mesures plus strictes que celles adoptées au niveau fédéral (CS, »United States v. Locke, governor of Washington, n°98-1701, 6 mars 2000). On pourra voir dans ce nouveau retournement un symptôme de la crise du système de normes en matière de responsabilité et d’une instabilité révélatrice d’uneinévitable « révolution » ( Les Echos du 2 août 2000).

ux

- L.R. (1985), ch.A-12, art.2 ; 1992, ch.40,art.49

naturelles de l’Arctique canadien, et au transport de ces ressources à destination des autres marchés du monde sont, en puissance, de la plus haute importance pour le commerce international et pour l’économie du Canada ,

47 -http://lois.justice.gc.ca/fr/A-12/ 84

49 - Le préambule mérite d’être largement cité et comparé au préambule de la Convention CLC 1969 pour mesurer le « saut qualitatif » entre les deux textes : « Attendu que le Parlement reconnaît que des évènements récents se rattachant à l’exploitation des ressources naturelles des zones arctiques, notamment les ressources

en particulier ;

14

2) En dehors des cas classiques d’exemption de la responsabilité reconnus par la loi canadienne 50, deux articles ouvrent, d’autre part, la possibilité d’une définition très large de la responsabilité et de son montant. L’article 6 (2) dispose « La responsabilité couvre les frais, dépenses pertes et dommages

sultant de tout dépôt de déchets visés au paragraphe 4(1) et attribuable à l’activité, à

ement imputables à la prise des mesures isées au paragraphe (3) sur l’ordre du du gouverneur en conseil ;

ubis par des tiers ».

Le

égard

oi

ne

ant une même cause, rien n’interdit au « gouverneur en conseil » de mettre n place un système de responsabilité illimitée.

es différentes observations montrent que nos débats doctrinaux sur ce qu’il peut y avoir

à

t

de

rél’opération ou au navire en cause, à savoir : « a) les frais et dépenses directement ou indirectv« b) l’intégralité des pertes ou dommages s L’article 9 (1), sur le mode de détermination de la limite de responsabilité, précise «gouverneur en conseil peut , par règlement, pour l’application de l’article 6, à l’égard de toute action ou opération poursuivie par une personne visée à l’alinéa 6 (1) a),b), ou c) ou à l’de tout navire dont une telle personne est soit le propriétaire de tout ou partie de la cargaison, fixer le mode de détermination de la responsabilité d’une telle personne ». Le mode de détermination concerne bien le montant de la limite de responsabilité. Et si l’article 7 de la lprévoit que la responsabilité est « absolue et non subordonnée à la preuve d’une faute ou d’une négligence », le caractère limité n’apparaît pas comme la contrepartie obligatoire d’uresponsabilité automatique. Si en l’état actuel des choses le règlement 51 prévoit une limite de responsabilité à concurrence de 210 millions de francs or, par événement ou suite d’évènements aye Cd’inconcevable à envisager la désignation du propriétaire de la cargaison comme conjointement responsable du propriétaire du navire, ou sur l’impossibilité de mettre en place un système de responsabilité illimité, en termes de faisabilité, n’ont guère de sens. C’est déjfait ! De tels débats relèvent de combats d’arrière garde, de procédés de retardement. Lesargumentaires juridiques dans bien des cas tiendront à l’argutie et à la mauvaise foi face à un phénomène qui s’impose : la prise de conscience d’un impératif environnemental qui implique que le pollueur soit le payeur. Et les pollueurs, dans l’affaire de l’Erika étaient à la foi le propriétaire du navire et le propriétaire de la cargaison. Si le système juridique exonéraice dernier c’est que le système n’était pas adapté à cette réalité nouvelle : le pétrole est aussi un produit pollant. Même si c’est l’accident nautique qui le met en évidence, sa qualité polluant n’en est pas moins antérieure. Et c’est la raison pour laquelle le système d’indemnisation doit être modifié ; le reste n’est que littérature.

ue ues

e façon qui habitants de l’Arctique

canadien et quand à la conservation de l’équilibre écologique particulier qui existe actuellement dans les zones que forment les eaux, les glaces et les tarres de l’Arctique canadien… ».

« que le Parlement a, à la fois, conscience et l’intention ferme de s’acquitter de son obligation de veiller à ce qles ressources naturelles de l’Arctique canadien soient mises en valeur et exploitées et à ce que les eaux arctiqcontiguës au continent et aux iles de l’Arctique canadien ne soient ouvertes à la navigation que dtienne compte de la responsabilité du Canada quand au bien-être des Inuit et des autres

Le préambule de la convention CLC de son côté dispose « Conscient des risques de pollution que crée le transport maritime international des hydrocarbures en vrac, « Convaincu de la nécessité de garantir une indemnisation équitable des personnes qui subissent des dommagesdu fait de pollution résultant de fuites ou de rejets d’hydrocarbures provenant de navires ». 50 -S.R, ch. 2 (1er suppl), art 7. et règlement ch 354, art12 (2). 51 -CRC.ch.354, art.15(1).

15

B – La responsabilité des acteurs engagés dans l’exploitation a) Une nouvelle spécificité maritime : la pollution. La spécificité du monde maritime que l’on évoque aujourd’hui est doublement détournée dsens qu’on lui donnait à l’origine . 1- Comment évoquer l’aventure maritime et la limitation de responsabilité qui en était lacontrepartie quand précisément on s’évertue à faire échapper le propriétaire de la cargaison à sa responsabilité ? Relisons Rodières .« La règle est née à une époque où chaque expémaritime réalisait l’association du capitaine, du propriétaire de navire et des marchands propriétaires des marchandises embarquées… » Où se trouve le risque du propriétamarchandises assurées ? « La règle a survécu à ce régime juridique d’exploitation des naviresécrit-il. L’expédition maritime n’est plus le fait d’une association…C’est le fait du propriétaire seul. Il paraît toujours équitable qu’il n’engage pas to

u

dition

ire de ,

ute sa fortune sur le navire u sur chacun de ses navires en raison de l’importance du risque de mer et de la valeur des

re

ujourd’hui la complète inadéquation du système d’indemnisation et justifie sa remise en

mitation se fonde (…) sur une troisième ison qui est peut-être la plus puissante. Pratiquement, l’abandon s’applique surtout aux

iers limitée,

,

arité correspondant à la société de l’entreprise aritime doit se substituer l’autorité d’un autre niveau de solidarité prenant en compte les

ient

n . Il faut alors insérer dans le tableau dépeint par Rodière n autre créancier : la victime de la pollution. C’est à ce moment précis que la logique

52

ochoses mises en risque. L’entreprise maritime est historiquement une entreprise à responsabilité limitée ». Rodière écrivait au présent de l’indicatif ; le mode du verbe doit êtdésormais compris au passé : « L’entreprise maritime « était » …une entreprise à responsabilité limité ». Où est en effet désormais le risque de celui qui a divisé sa flotte en une nébuleuse de « one ship companies » ? 2- Pour ce qui est des propriétaires de navires, Rodière a un autre argument qui mesureacause. Ainsi qu’il l’expose en effet « Le principe de liracréanciers à raison d’abordage ou d’assistance. Les armateurs sont réciproquement créancet débiteurs les uns des autres. Ils souffrent comme créanciers de la responsabilitémais ils en profitent comme débiteurs ». Le problème est aujourd’hui celui du pollué qui pour n’être pas partie de l’entreprise maritime, se retrouve avec les armateurs et propriétaires de cargaisons membres d’une société « environnementalement » définie et soumise à sa logique. On peut dire que l’on change alors de niveau de solidarité, selon l’approche qu’en donnait Georges Scelle, et qu’au niveau de solidmexigences de la protection (prévention et réparation) de l’environnement. Ce que traduit précisément la législation canadienne. L’argument évoqué par René Rodière était admissible tant que les navires se contentaient, sil’on peut dire, de couler loin des côtes et quand les épaves qui parvenaient à la côte étaconsidérées comme des aubaines pour les populations côtières. On ne peut plus le retenir lorsque ce qui arrive sur la côte devient dommageable et porte atteinte au mode de vie, à la qualité d’existence de la populatio 53

u

loz 1991, p. 98,

la notion de pollution prend alors toute sa dimension . Ainsi que le rappelle l’art. premier § stances

isibles tels

es, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la on et dégradation des valeurs d’agrément ».

52 - René Rodière , « Droit maritime », Dal53 - La définition de1, 1) « On entend par pollution du milieu marin l’introduction directe ou indirecte, par l’homme, de subou d’énergies dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuque dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marine, risques pour la santé de l’homme, entrave aux activités maritimqualité de de l’eau de mer du point de vue de son utilisati

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environnementale se substitue à la logique maritime dont elle mesure en l’espèce l’obsolescence. La limitation se justifie-t-elle alors par le caractère inassurable d’une responsabilité illimité ? Antoine Vialard à fait un sort à cet argument. b) Esquisses pour de nouveaux systèmes : Le transport de produit pétrolier est une activité économique génératrice de profits, susceptible de causer des préjudices et des dommages écologiques.L’un et l’autre doivenréparés le plus complètement possible. Cette activité économique doit être régie par un système permettant l’indemnité la plus complète des victimes de ces dommages au même titreque le sont les dommages nés les a

t être

utres formes d’activités humaines. Pour peut que l’on

ccepte ces prémisses, deux axes de réflexions apparaissent dans la perspective de mise en uvre d’un principe pollueur payeur. L’un consistera à déterminer précisément qui sera

Deux phénomènes inverses sont actuellement acquis : des conventions internationales

vité

eur

s

es risquant d’être aussi impliqués, ne manqueraient pas également de participer au développement de ce genre de prise de conscience et d’assainissement.

e et

emnisation du dommage écologique, ce système pourrait parfaitement le

aœconsidéré comme pollueur (approche micro). L’autre à envisager une gestion sociale de la prise en compte de cette responsabilité (approche macro), en demandant aux Etats d’assumer la gestion et le contrôle de la prévention et de la réparation de la pollution par les hydrocarbures ; 1) Les pollueurs payeurs. tentent de verrouiller un système de responsabilité limité sur le seul propriétaire du navire, et des législations internes tendent à élargir la notion de « Responsible Party ». Si l’on pose comme principe que l’exploitation et l’acheminement des hydrocarbures est une actiéconomique comme une autre, c’est l’ensemble de ceux qui participent à l’exploitation de la« filière » qui devra être pris en considération pour la détermination, dans chaque cas d’espèce, des titulaires de l’obligation de réparer: propriétaire du navire, armateur, affrétcoque nue , propriétaire de la cargaison, vendeur et acheteur pied de bac, traders, mais aussi ship managers, sociétés de classifications, assureurs des uns et des autres etc…Ce sera au jugede remonter alors dans la chaîne des responsabilités et de positionner le « curseur » en fonction du comportement des différents partenaires de l’entreprise maritime. Il n’est paillusoire de penser que l’adoption d’un système de ce type dissuaderait les affréteurs de navires sous normes et que les chargeurs tentés par des « coups » réfléchiraient à deux fois avant de les tenter. Il en découlerait une hausse certaine des coûts du frét et un assainissement de la flotte mondiale qui réduirait notablement la sinistralité en ce domaine…les assureurs, sociétés de classification et autres partenaires de l’entreprise de transport d’hydrocarbur

Globalement un tel système pourrait aussi être compatible avec le FIIIPOL imaginé par Antoine Vialard , dans ses différents aspects de financement, d’indemnisation illimitéd’action récursoire contre les « coauteurs » de la pollution54. D’autre part toutefois, contrairement à ce que semble penser notre éminent collègue bordelais, qui conseille de négliger l’indprendre en compte. Le fait qu’il est difficile d’évaluer « la tête de macareu ou de

55cormoran » , ne justifie pas en soit que l’on néglige la prise en compte d’un dommage 54 - Op. cit. DMF n° 637, pp.444-446. 55 - op. cit. p.445.

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écologique que l’on constate même si l’on ne dispose pas toujours des moyens de le mesurer ar

ntoine Vialard, est d’autant moins inenvisageable que le mécanisme existe déjà. Les

lité s

de civil soient transposés au iveau international. Le fait que cela ne soit pas encore le cas relève peut être de la « politique

ité s amènera à

pelions la perspective « macro » d’un schéma d’évolution possible.

Ainsi que le rappelle Serge Halimi 58, quand les armes ne sont pas égales, la technique

isme de Guizot : « Entre le fort et le t

vu jusqu’alors ce que pouvaient avoir de dilatoires de

Sans qu’il soit ici question de hisser un quelconque pavillon vert au grand mat, ce qu’il st le

ien. Non seulement en tant qu’Etat du pavillon mais en tant que « pouvoir exécutif » en ions

e ses pouvoirs de police administrative générale: maintien de la sécurité,

tendre la responsabilité aux différents acteurs de la filière pétrolière reviendra à faire yer , en fin de parcours, sous une forme ou sous une autre le consommateur c'est-à-dire le

ation contre

personnes physiques et morales concernées. Si dans l’esprit des politiques l’économie l’emporte encore largement sur l’écologie, une affirmation nouvelle de la protection de

56 . En outre l’idée d’un « tuteur » ou d’un « représentant » de la nature, brocardée pAexemples que nous fournit le droit international des systèmes de représentation de l’ « humanité », en droit de la mer notamment 57, conduisent à penser que l’on peut très bien imaginer qu’une institution ou une agence internationale puisse être l’agent de cette représentation et titulaire d’un pouvoir d’action en ce domaine. Enfin, rien ne s’oppose fondamentalement à ce que le principe commun de la responsabis’applique aux conséquences de la pollution liée aux transports d’hydrocarbures, et que deprincipes équivalents à ceux qui sont posés par les articles du Conjuridique » de chaque Etat face aux compagnies pétrolières, il ne relève pas de l’impossibilthéorique ou technique. Cette dernière observation sur l’attitude des Etats nouévoquer ce nous ap 2) La gestion sociale de la réparation de la pollution. dilatoire est aussi ancienne que la domination. Déjà à l’époque de la restauration monarchique, Lacordaire expliquait contre le libéralfaible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime ela loi qui affranchit »…Nous avonsnombreux arguments avancés. Nous connaissons aussi le discours ultralibéral sur la primauténécessaire de l’économie sur l’environnement. s’agit d’affirmer ici c’est simplement la nécessité de voir l’Etat reprendre le rôle qui escharge de traduire la préoccupation environnementale exprimée par la loi et les conventinternationales : qu’il s’agisse de mise en œuvre des principes « pollueur payeur », du principe de précaution, demain peut-être de « développement durable », ou tout simplement de ce qui relève dtranquillité et salubrité publique. En l’Etat actuel des choses, ainsi que le rappelle Antoine Viallard, c’est le « pollué qui paye ». Epacitoyen. Tant qu’à faire payer le citoyen pourquoi ne pas confier la charge de l’indemnisà l’Etat ? A ceci près que celui-ci aurait pour mission de poursuivre et de se retournerl’ensemble de responsables du dommage indemnisé. L’Etat pourrait ainsi non seulement intervenir de façon préventive, en veillant à la mise en œuvre des normes de sécurité, mais aussi de façon récursoire et pénale : en mettant en jeux la responsabilité civile et pénale des

56 - Cf. Thèse Arnault Comiti «La prévention et la réparation du dommage écologique », Lille 2000. 57 - On pourra évoquer l’art.137 § 2 de la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 qui dispose « L’humanité toute entière, pour le compte de laquelle agit l’Autorité, est investie de tous les droits sur

one ». ond en arrière », Fayard, 2004, p.119

les ressources de la Z58 - in « Le grand b

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l’environnement dans la notion d’ordre public pourrait contribuer à une réelle évolution . L’adoption, en France, de la Charte de l’environnement est un geste politique qui traduit peuêtre une évolution en ce domaine. Selon une logique prenant en compte la dimension écologique de la filière économ

t

ique u’il s’agit de réglementer, cette réaffirmation nécessaire du rôle de l’Etat pourra se traduire à

s

allations et

e navires nucléaires . La réglementation internationale, en la matière, nous paraît

ne

même de

ures,

le risque, exploitant qu en tire profit, et ce en application du principe pollueur-payeur. L’exploitant,

’article 2 d’une nouvelle convention sur la responsabilité civile pour les dommages de ollutions liés aux hydrocarbures (modelé sur d la convention de Vienne du 21 mai 1963

revisitée dans l’optique qui est la notre ) pourrait ainsi devenir :

qdifférents moments du processus . Nous en retiendrons deux : avant le dommage, par la définition d’un concept élargi d’ « exploitant d’hydrocarbures et de navire transportant des hydrocarbures », susceptible de devenir « Responsible Party » ; d’autre part , par la créationd’une poll taxe sur les hydrocarbures alimentant un fond d’avance pour l’indemnisation devictimes de ce type de pollution une fois que le dommage est réalisé, d’autre part. Le concept d’ « exploitant d’hydrocarbures et de navire transportant des hydrocarbures » nousest fourni par la réglementation sur la responsabilité civile des exploitants d’inst 59

60dintéressante sur deux points. Le premier nous est donné par l’article 1er de la convention de Vienne du 21 mai 1963 qui en son alinea c) dispose : « Exploitant, en ce qui concerne uinstallation nucléaire, signifie la personne désignée ou reconnue par l’Etat où se trouvel’installation comme l’exploitant de cette installation » 61. Le second par l’utilisationla notion d’ « exploitation », de mise en valeur en vue d’un profit qu’elle suppose 62.La mise en avant du rôle de l’Etat dans le contrôle de l’exploitation et du transport des hydrocarbconsidérés comme matières dangereuses pourrait alors être reformulé , dans un optique environnementale, sur le modèle de la réparation des dommages causés par les accidents nucléaires. Instauration d’une responsabilité objective élargie pour celui qui créel’désigné ou labellisé par l’Etat 63, étant aussi bien la Compagnie pétrolière qui affrète , (qui vend ou qui achète), le propriétaire du navire, le trader, l’acheteur, le propriétaire de la cargaison, et derrière eux, leurs assureurs , leurs sociétés de classifications etc…Bref, ceux qui participant à un titre ou à un autre au profit doivent aussi en partager le risque. Mutatis mutandis on pourrait imaginer une réécriture des conventions sur la responsabilité civile pour les dommages causés par les pollutions liées aux déversements d’hydrocarbures sur le modèle des conventions sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire. Nous en donnerons un exemple qui pourra conduire à une interrogation. Lp

59 -Convention de Paris du 29 juillet 1960, Conventions de Bruxelles du 31 janvier 1963 et du 17 décembre 1971, Convention de Vienne du 21 mai 1963. 60 - Loi n°65-956 du 12 novembre 1965, http://wwww.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/UTEAH.htm61 - Pour les navires à propulsion nucléaire la loi française du 12 novembre 1965 , en son article 1§2 dispose :

iter un navire nucléaire ou l’Etat qui exploite

spect de ces normes puisse entraîner la mise en oeuvre d’une

« est exploitant la personne autorisée par l’Etat du pavillon à exploun tel navire ». 62 - Voire de « tirer un profit abusif de quelque chose » (Larousse), ce qui pourrait être le cas de l’affrètement de navires sous normes par exemple ! 63 - On peut imaginer sur le modèle de la législation canadienne de 1985 sur la prévention de la pollution des eaux arctique que l’Etat en profite pour définir des conditions particulière à la labellisation (art.12 (3) b) … et que , sur le modèle de l’OPA, le non reresponsabilité illimitée

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20

« L’exploitant est responsable de tout dommage dont il est prouvé qu’il a été causé par un dommage dont il est prouvé qu’il a été causé par un accident lié au transport d’hydrocarbures... « a)Mettant en jeu des hydrocarbures qui proviennent ou émanent de ses installations et survenus « i) avant que la responsabilité des accidents…causés par cette matière n’ait été assumée, au terme d’un contrat écrit TP

64PT, par un autre exploitant ;

« ii) à défaut de dispositions expresses d’un tel contrat, avant qu’un autre exploitant n’ait pris en charge ces hydrocarbures; « iii) si ces hydrocarbures ont été envoyés à une personne se trouvant sur le territoire d’une Etat non contractant, avant qu’elle n’ait été déchargée du moyen de transport par lequel elle est parvenue sur le territoire de cet Etat non contractant. b) Mettant en jeu des hydrocarbures qui sont envoyés à ses installations et survenu : « i) après que la responsabilité des accidents causés par les hydrocarbures lui aura été transférée, aux termes d’un contrat écrit TP

65PT par l’exploitant expéditeur ou transporteur ;

« ii) à défaut de dispositions expresses d’un contrat écrit, après qu’il aura pris en charge les hydrocarbures ; « iii) si ces hydrocarbures ont été envoyés, avec le consentement par écrit de l’exploitant TP

66PT,

par une personne se trouvant sur le territoire d’un Etat non contractant, seulement après qu’ils auront été chargés sur le moyen de transport par lequel ils doivent quitter le territoire de cet Etat ». On peut imaginer ce que l’application d’un tel article aurait pu donner dans l’affaire du naufrage de l’Erika, en particulier sur la situation de la Cie Total-Fina-Elf. Pour être fondamentalement différente sur le plan économique aurait-t-elle été inconcevable au plan de l’équité et de la protection de l’environnement ? On rappellera, à l’occasion de cette affaire, l’observation faite par M. François Arradon, Président de la Chambre Arbitrale maritime de Paris soulignant le double langage que pouvait avoir l’Etat lorsque « d’un côté, en accord avec les conventions internationales qu’il avait signé, il cautionnait la non responsabilité de l’affreteur, et d’un autre côté, désignait la société Total Fina Elf, affreteur de l’Erika, comme principal responsable de la pollution créée par le naufrage de ce navire » TP

67PT, l’existence même

du double langage atteste de la nécessité de lever l’ambigüité, dans l’intérêt des victimes et, à travers la prise en charge du dommage écologique, des citoyens dans leur ensemble. Les insuffisances du FIPOL, maintes fois rappelées, dans l’affaire de l’Erika pourront aussi servir d’exemple pour ce qui est de l’intérêt que pourrait avoir l’établissement d’une Pollution Taxe au niveau des Etats. Celle-ci pourrait servir à alimenter un fond d’avance à indemnité permettant à l’Etat d’indemniser les victimes avant même qu’intervienne le FIPOL ou un TP

64PT - On peut imaginer que les progrès des nouvelles technologies et la reconnaissance de la signature électronique

permette d’écarter l’argument dilatoire de la cargaison changeant plusieurs fois de propriétaire en cours de transport. La reconnaissance de cette possibilité ne manquerait pas d’entraîner une réelle prudence de la part de l’acheteur quand à la qualité du navire qui transporte ce qu’il achète …et participerait aussi à l’assainissement du marché » du fret. TP

65PT - Cf. note (60).

TP

66PT - Cf. note (60).

TP

67PT -Rapporté par Stéphane Miribel, DMF n°637, mai 2003, p.451

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éventuel FIIIPOL TP

68PT dont les fonctions ont été décrites par Antoine Vialard. Cette taxe qui

peut être parfaitement indolore TP

69PT pourrait même être prélevée, au passage, par les Etats à

l’occasion du recouvrement de la taxe FIIIPOL dont il envisage l’instauration au nom « de la demande terrienne de pétrole qui est à l’origine du trafic maritime polluant »TP

70PT.

Cette dernière citation d’Antoine Vialard, me permettra de conclure cette réflexion. La cause première des phénomènes de pollution est une demande terrienne. Les propriétaires de navires, les propriétaires de cargaisons sont de plus en plus des groupes industriels et financiers installés à terre. Les pollués sont de plus en plus les terriens. Il n’est plus admissible que face aux phénomènes de pollution liés aux hydrocarbures et aux problèmes de réparation qu’ils induisent on se retranche derrière une pseudo spécificité des activités maritime que toutes le observations pour organiser la fuite des véritables responsables devant leurs responsabilités financières. Tout le monde est d’accord sur ce point, tout le monde en dénonce les causes à des degrés polémiques divers : taux de fret et loi du profit. Mais il est encore un principe de droit international public de la mer, que nous avons évoqué deux fois, qui mérite d’être rappelé. Celui selon lequel « la terre domine la mer » . La terre peut poser des règles qui prennent en compte les intérêts de ceux qui y habitent et supportent les effets de la pollution . Elle s’exprime à travers les Etats et l’action des organisations internationales qui les rassemblent. C’est aux Etats, Etat du pavillon, Etat côtier, de prendre en ce domaine leurs responsabilités et d’assumer leur rôle, en écartant une fois pour toute les justifications plus ou moins dilatoires des lobbies du secteur des hydrocarbures . Le Canada, les Etats-Unis l’ont fait partiellement. Ils ne doivent pas être considérés comme des hérétiques mais comme des précurseurs sur un chemin où il importe d’aller plus loin encore.

TP

68PT - On pourrait aussi imaginer que les Etats, subrogé aux particuliers ou exerçant une sorte de « protection

écologique » de ses ressortissants (comme on parle de « protection diplomatique » en droit international public), soient les seuls à agir au niveau du FIIIPOL ou d’un FIPOL rénové. TP

69PT - Une simple affectation d’un pourcentage infime du montant des taxes déjà perçues sur les hydrocarbures

serait suffisant. L’assainissement et la diminution de la sinistralité résultant de la réforme dans son ensemble la rendant en tout état de cause rentable. TP

70PT - Antoine Vialard, op.cit. p.445.