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La Météorologie - n° 40 - février 2003 44 Les réseaux Figure 1 - Installation de l'aérien et du radôme du radar de Collobrières (Photo Météo-France, P. Taburet) Jacques Parent du Châtelet Météo-France - Direction des systèmes d'observation 7, rue Teisserenc-de-Bort - BP 202 - 78195 Trappes [email protected] Résumé Le réseau français de radars météoro- logiques est en plein développement. On décrit dans cet article sa situation actuelle et les évolutions prévues à court et moyen terme. Les produits fournis, ainsi que les principaux trai- tements appliqués aux signaux, sont brièvement présentés. Abstract Aramis, the French weather radar network The French weather radar network is now in a fully growth. The present network is described here as well as the developments planed for the near future. The operational products and the main signal processing schemes are presented. Un réseau installé en deux phases En métropole, Météo-France entretient actuellement un réseau de dix-huit radars météorologiques pour l'observation des précipitations, et des projets sont en cours pour en installer six autres. Cet article décrit ce réseau, appelé Aramis, les produits qu’il fournit, les problèmes de mesure associés ainsi que les évolu- tions envisagées. Les radars météorologiques utilisent des ondes centimétriques sensibles aux gouttes d'eau dans trois bandes de fré- quence réservées à l'usage météorolo- gique : la bande S (de longueur d’onde = 10 cm), la bande C ( = 5 cm) et la bande X ( = 2 cm). Les dimensions des aériens sont proportionnelles à la lon- gueur d'onde. On a donc intérêt, pour des raisons évidentes de coût, à utiliser les longueurs d'onde les plus courtes ; mais celles-ci sont plus atténuées par la traver- sée de la pluie, ce qui limite la portée du radar. La bande X est donc en général réservée à l'observation locale ou aux études, la bande C est couramment utili- sée pour l'observation en région tempé- rée et la bande S est préférée dans les régions où l'on risque des pluies très intenses (tropiques, zones soumises aux cyclones ou aux tornades). Comme les réseaux européens, le réseau canadien est essentiellement constitué de radars en bande C, tandis que le réseau des États- Unis, plus particulièrement destiné à la prévention contre les tornades et les cyclones, est constitué de radars en bande S. Quant à lui, le réseau français est mixte : des radars en bande C au nord et des radars en bande S dans les régions de l'arc méditerranéen ou bien outre-mer. Comme d'autres réseaux de radars (voir par exemple Serafin et al., 2000 ou Schreiber, 2001), le réseau Aramis s'est construit en deux phases : jusqu'en 1995, mise en place d’un réseau de détection des précipitations (Dalle et Béringuer, 1994) ; puis, compte tenu de l'évolution des besoins et des progrès de la technolo- gie, construction, encore en cours, d'un réseau de mesure de type hydrologique (figure 1). Avant 1995, le réseau de détection des précipitations La démarche consistant à organiser les radars de Météo-France en un réseau cohérent, appelé Aramis (acronyme signifiant Application radar à la météorologie infra-synoptique), qui couvre l'ensemble du territoire métro- politain, remonte au milieu des années Aramis, le réseau français de radars pour la surveillance des précipitations

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La Météorologie - n° 40 - février 200344Le

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Figure 1 - Installation de l'aérien et du radôme du radar de Collobrières (Photo Météo-France, P. Taburet)

Jacques Parent du ChâteletMétéo-France - Direction des systèmes d'observation7, rue Teisserenc-de-Bort - BP 202 - 78195 [email protected]

RésuméLe réseau français de radars météoro-logiques est en plein développement.On décrit dans cet article sa situationactuelle et les évolutions prévues àcourt et moyen terme. Les produitsfournis, ainsi que les principaux trai-tements appliqués aux signaux, sontbrièvement présentés.

AbstractAramis, the French weather radarnetwork

The French weather radar network isnow in a fully growth. The presentnetwork is described here as well asthe developments planed for the nearfuture. The operational products andthe main signal processing schemesare presented.

Un réseau installé en deux phasesEn métropole, Météo-France entretientactuellement un réseau de dix-huit radarsmétéorologiques pour l'observation desprécipitations, et des projets sont encours pour en installer six autres. Cetarticle décrit ce réseau, appelé Aramis,les produits qu’il fournit, les problèmesde mesure associés ainsi que les évolu-tions envisagées.

Les radars météorologiques utilisent desondes centimétriques sensibles auxgouttes d'eau dans trois bandes de fré-quence réservées à l'usage météorolo-gique : la bande S (de longueur d’onde � = 10 cm), la bande C (� = 5 cm) et labande X (� = 2 cm). Les dimensions desaériens sont proportionnelles à la lon-gueur d'onde. On a donc intérêt, pour desraisons évidentes de coût, à utiliser leslongueurs d'onde les plus courtes ; maiscelles-ci sont plus atténuées par la traver-sée de la pluie, ce qui limite la portée duradar. La bande X est donc en généralréservée à l'observation locale ou auxétudes, la bande C est couramment utili-sée pour l'observation en région tempé-rée et la bande S est préférée dans lesrégions où l'on risque des pluies trèsintenses (tropiques, zones soumises auxcyclones ou aux tornades). Comme lesréseaux européens, le réseau canadien est

essentiellement constitué de radars enbande C, tandis que le réseau des États-Unis, plus particulièrement destiné à laprévention contre les tornades et lescyclones, est constitué de radars enbande S. Quant à lui, le réseau françaisest mixte : des radars en bande C au nordet des radars en bande S dans les régionsde l'arc méditerranéen ou bien outre-mer.

Comme d'autres réseaux de radars (voirpar exemple Serafin et al., 2000 ouSchreiber, 2001), le réseau Aramis s'estconstruit en deux phases : jusqu'en 1995,mise en place d’un réseau de détectiondes précipitations (Dalle et Béringuer,1994) ; puis, compte tenu de l'évolutiondes besoins et des progrès de la technolo-gie, construction, encore en cours, d'unréseau de mesure de type hydrologique(figure 1).

Avant 1995, le réseaude détection des précipitationsLa démarche consistant à organiser lesradars de Météo-France en un réseaucohérent, appelé Aramis (acronymesignifiant Application radar à lamétéorologie infra-synoptique), quicouvre l'ensemble du territoire métro-politain, remonte au milieu des années

Aramis, le réseau français de radars pour la surveillance des précipitations

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1980. Jusqu'en 1995, la couverture aprogressivement été portée à treizeradars, en même temps qu’ont étéconstruits les premiers systèmes permet-tant d'assurer la concentration et la diffu-sion de leurs données. La figure 2 illustrela configuration de ce premier réseau. Laportée théorique y est représentée par descercles de rayon 200 km, centrés sur lespositions des radars.

L'objectif était alors de permettre unesignalisation à cadence rapide des phé-

nomènes précipi-tants pour les pré-visionnistes. Lemode d'exploita-tion était bienadapté à cet objec-tif : fonctionne-ment panoramiquedes radars, avec unangle d'élévationinférieur au degrépour observer auplus près du sol ;vitesse de rotationlente de 5° parseconde, à la foispour garantir unebonne qualité demesure et pourménager les par-ties mécaniques du radar ; enfin,production d'uneimage plane deréflectivité autourde chaque radaravec une cadencede 5 minutes. Ce

réseau était constitué de radars d'ori-gines diverses. Les plus anciens sont lesquatre radars Mélodi en bande S, four-nis par la société Omera (aujourd'huidisparue) pour Nîmes, Brest, Bordeauxet Grèzes ; viennent ensuite les septradars Rodin en bande C, construits parThomson, pour Trappes, Abbeville,Nantes, Bourges, Nancy, Lyon etToulouse ; les derniers équipés sont lesdeux radars en bande C, fournis par leconstructeur allemand Gematronik,pour Falaise et Arcis-sur-Aube.

Image composite et applications de la détection des précipitations

La cohérence était assurée par uneinterface commune, le système Castorconstruit par Météo-France et ayantpour fonction de commander le radar,de surveiller son état, de traiter les don-nées et de transmettre les images en unpoint central.

Le logiciel Sycomore a été développépour concentrer ces données à Toulouseet produire toutes les quinze minutesune image mosaïque (ou image compo-site), de résolution 1,5 km x 1,5 km,constituée à partir de tous les radars etdiffusée aux utilisateurs par satellite.Cette image s'est petit à petit enrichie,grâce à la coopération européenne dansle cadre du programme Opera(1)

d’Eumetnet, par la prise en compte desimages des radars des pays voisins(auxquels sont communiquées bien sûrles images d’Aramis).

Dans l’exemple de la figure 3, l'imageindividuelle du radar de Bollène montreune large bande pluvieuse orientéenord-sud. Au même instant, l'imagecomposite révèle que cette bande plu-vieuse fait partie d'un système météoro-logique plus important qui intéressetout le pays. Des fonctions d'animationpermettent aussi aux prévisionnistesd'anticiper par continuité l'arrivée de lapluie avec quelques dizaines deminutes d'avance.

Aspoc est une autre application de ladétection des précipitations qui a pourbut d’améliorer la gestion du traficaérien par la reconnaissance et la prévi-sion immédiate des cellules convec-tives (encadré page suivante). Grâce àune visualisation des images radar,réduites à une information sur la pré-sence de pluies intenses, le contrôleuraérien peut ainsi mieux comprendre lesréactions d'évitement des cellulesconvectives par les pilotes.

Maintenance et fiabilité

En matière de radar, les réseaux de sur-veillance opérationnelle les plus cri-tiques, comme ceux du contrôle detrafic de la navigation aérienne,

Figure 2 - Le réseau Aramis de radars météorologiques en 1995. En supposantque chaque radar assure la mesure à l'intérieur d'un cercle de 200 km de rayon, leterritoire métropolitain était entièrement recouvert (à part l'extrême Sud-Est et laCorse), par les treize radars du réseau français et trois radars étrangers.

Biscaye

aventemZav

DLa Dôôle

Jerseyy AbAbbeville

Falaise TrappesBresttest

NNNantesBourges

Arcis-sur-AubencyNancy

Borderdeaux Grèzes

Toulouse Nîmes

Lyon

Radar franç ée 200 km :dé é ènes dangereux

Radar européen

Figure 3 - Exemple de produits disponibles pour les prévi-sionnistes. Il s'agit, pour la même situation, le 14 février2002 à 6 h UTC, d'une image individuelle du radar deBollène (a) et d'une image composite (b). On observeune vaste zone pluvieuse sous la forme d’un enroule-ment allant des Pyrénées-Orientales au Bassin parisien et de la Lorraine au Poitou. Ces pluies semblent locale-ment modérées, notamment dans le couloir rhodanien, sur la Lorraine et au sud de l’Île-de-France. On observeaussi une étroite bande de pluies apparemment faibles des Pays de la Loire à l’estuaire de la Gironde et desaverses éparses sur le Cotentin, le nord de la Bretagne, les Landes et Midi-Pyrénées.Dans cette situation, l'image composite apporte des informations sur la Méditerranée (radars de Nîmes etd’Opoul) et sur le nord de la vallée du Rhône (radar de Lyon), où les intensités de précipitations sont bien plusmarquées que sur les mesures du seul radar de Bollène

(1) Opera : groupe de coordination, dans lecadre d’Eumetnet, pour le développement deséchanges de produits des radars en Europe.

a b

Intensité (1/10 mm/h)

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atteignent des taux de fonctionnementde presque 100 % grâce à un double-ment systématique des systèmes demesure. Ce type de solution, très coû-teuse, n'est pour le moment pas envisa-geable pour les réseaux de radarsmétéorologiques et la panne d'un radarse manifeste en général par un « trou »dans l'observation. L'organisation de lamaintenance est donc d'autant plusimportante. À Météo-France, cetteorganisation est construite autour d'uneéquipe centrale, installée à Trappes etconstituée de trois groupes spécialisésdans les domaines de la mécanique, del'électronique et du calcul. Ces groupes,qui effectuent les installations et lesopérations lourdes de maintenance pré-ventive, sont aussi chargés de définirles spécifications techniques pour lesachats des nouveaux radars. Ils sont encontact permanent avec des équipeslocales plus généralistes (égalementchargées de la maintenance des autresréseaux d'observation) qui peuventintervenir rapidement en cas de dys-fonctionnement et traiter les pannes, engénéral avec le soutien de l'équipe cen-trale. Cette organisation est complétéepar un suivi de la qualité du service enaval, lors de revues mensuelles d'ex-ploitation.

La politique de maintenance préventivesystématique (une visite de l'équipelocale par semaine et une remise àniveau par l'équipe centrale tous lesdeux ans environ) et la recherche desolutions techniques aux principauxdysfonctionnements constatés (pro-blèmes liés aux foudroiements, vieillis-sement des composants, etc.) ontpermis d'atteindre des taux de fonction-nement remarquables (entre 95 et 99 %)pour les images fournies aux utilisa-teurs (tableau 1).

Aspoc, une aide à la gestion

de l’espace aérienUtilisant les données des radars du réseau Aramis et les données de foudre issues duréseau Météorage, le logiciel Aspoc signale les zones orageuses d’une façon adap-tée aux besoins du contrôle du trafic aérien (figures 4 et 5). Cet outil permet auxcentres de contrôle aérien d'anticiper les déviations des trajectoires des avions occa-sionnées par la présence de zones ora-geuses et d'améliorer ainsi la gestion del'espace aérien. Les contrôleurs dispo-sent avec cet outil d'une informationproche de celle obtenue par les pilotessur le radar de bord.

Aspoc s'appuie sur les données radaravec une résolution spatiale d’un kilo-mètre et une résolution temporelle decinq minutes et sur des données defoudre au pas de temps d’une minute.Une image prévue, appelée imageSignora (Signalisation des orages), estfabriquée en extrapolant chacun deséléments de l'image observée à l'aidede vecteurs de déplacement détermi-nés en comparaison avec les imagesprécédentes. Ainsi, toutes les cinqminutes, Aspoc propose aux centres decontrôle d'approche et aux centres decontrôle en route français une imagesynthétique, à une résolution spatiale d’un kilomètre, des « obstacles » météorolo-giques et de leurs trajectoires prévues jusqu’à une échéance de trente minutes. Laversion destinée aux centres de contrôle en route s’appuie sur l'ensemble des radarsde Météo-France. Un code couleur permet de différencier l'intensité des précipita-tions. Il est complété parun pointage de l'activitéélectrique. Cette image-rie est présentée dans unenvironnement prochede celui du poste ducontrôleur aérien. Aspocoffre des fonctions devisualisation incluantdéfilement, zoom, ani-mation sur les trente der-nières minutes, calcul detrajectoire des cellulesorageuses par pas decinq minutes et jusqu’àtrente minutes, seuillage,loupe, point surveillé,impression et choix dufond de carte (zone géo-graphique, repèresvisuels tels que ville,pistes d’atterrissage outours de contrôle, routesaériennes).

Aspoc est utilisé dansles centres de contrôled'approche de Roissy,Orly et Bordeaux ainsique dans les centres decontrôle en route d'Athis-Mons et de Bordeaux. D’autres installations sont prévues,comme au centre de contrôle en route de Reims et au centre de contrôle d’ap-proche de Bâle-Mulhouse.

Jean-Marie Carrière

Météo-France, Direction de la production

Figure 4 - Interface Aspoc et image Signora ducentre de contrôle en route d’Athis-Mons, le 7 mai2001 à 7 h 30 UTC. Le fond de carte comporte lesroutes aériennes gérées par le centre d’Athis-Mons.

Figure 5 - Image Signora superposée avec la trajectoire d’un avion, le 2août 1998 à 14 h 50 UTC. Les cercles sont tracés de 10 km en 10 kmautour du centre de contrôle. La trajectoire suivie par l’aéronef (trait poin-tillé blanc) indique clairement que celui-ci évite la zone orageuse.

Tableau 1 - Exemple de suivi du réseau Aramis de sep-tembre 2001 à août 2002 (pourcentage d'images diffu-sées à l'utilisateur au cours du mois). Les principauxdysfonctionnements (septembre et novembre 2001) sontdus à des problèmes de transmission des données decertains radars vers les utilisateurs.

septembre 96 %

octobre 99 %2001

novembe 95 %

décembre 99 %

janvier 98 %

février 97 %

mars 98 %

2002 avril 97 %

mai 97 %

juin 97 %

juillet 97 %

août 97 %

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Figure 6 - Cumul de lames d’eau radar le 10 juin 2000de 16 h à 17 h (radar de Lyon). Les valeurs pointéessont celles de l’ensemble des mesures pluviomé-triques disponibles, y compris celles des postes clima-tologiques qui ne transmettent pas leurs informationsen temps réel. La superposition des informations duradar et du réseau pluviométrique met en évidenceleur cohérence. Mais l’imagerie radar permet d’identi-fier clairement l’étendue des noyaux de fortes précipi-tations, avec des valeurs maximales de cumulsdépassant 100 mm, ce que ne permettait pas leréseau pluviométrique ; en particulier, le réseau dispo-nible en temps réel ne détectait qu’un maximum de10,6 mm.

figure 7 - Altitude de l'observation en fonction de ladistance au radar pour trois valeurs de l'angle d'éléva-tion : 0,8°, 1,2° et 1,8°. Les parties hachurées corres-pondent à la largeur du faisceau à mi-puissance.

Les extensions du réseau pourl'annonce des cruesAvec une résolution spatiale de l'ordre dukilomètre carré et une résolution tempo-relle de quelques minutes, le radar météo-rologique paraît être un très bon candidatpour fournir des données d'entrée auxmodèles hydrologiques de pluie-débit quipermettent d'anticiper l'arrivée des crues.Pour donner au réseau Aramis la fiabilitéet la fidélité de la mesure nécessaires à cetusage, un gros effort de remise à niveautechnique a été effectué : mise en place deradômes protecteurs, climatisation deslocaux, définition de procédures d'étalon-nage, etc. Après quelques tentatives d'ex-ploitation dans des situations d'évé-nements hydrologiques violents, il estapparu que le relief, par ses effets demasque indésirables, amputait singulière-ment la portée des radars dans certainesrégions. Le réseau Aramis a donc été den-sifié. Dans un premier temps, en collabo-ration avec le ministère de l'Environ-nement, cinq nouveaux radars ont été ins-tallés dans le cadre du programme « Arcméditerranéen » à Sembadel, Bollène,Opoul, Collobrières et Aléria (les deuxderniers sont en cours de qualification).Le but était essentiellement d’améliorerl'observation dans des régions qui présen-tent la double caractéristique d'un reliefvigoureux et d'une occurrence fréquented'événements hydrologiques graves(comme les catastrophes de Nîmes en1988 et de Vaison-la-Romaine en 1992.)

On a ainsi pu commencer à utiliser leréseau Aramis pour les besoins de l'hy-drologie en fournissant des lamesd'eau(2), instantanées ou cumulées, surdes zones prédéfinies comme des bassinsversants. Mais une autre difficulté estapparue pour mesurer la pluie dans lesrégions les plus éloignées des radars : enraison de la rotondité de la Terre et duprofil vertical de l'indice de réfraction, lahauteur à laquelle la mesure est effectuéecroît avec la distance au radar (entre 3 et6 km d'altitude à 150 km de distance,figure 7). À des altitudes aussi élevées,les caractéristiques de l'événement préci-pitant détecté par le radar peuvent êtretrès éloignées de celles qui seraient obte-nues par une observation au niveau dusol. Cet effet oblige à réduire la portéedu radar pour les applications hydrolo-giques : on a ainsi l'habitude d'utiliserune portée hydrologique limitée à 80ou 100 km alors que la portée pour ladétection météorologique est plusgrande, jusqu'à 300 km pour les phéno-mènes convectifs très étendus en altitude.

En partenariat avec le ministère de l'Écologie et du Développementdurable, le projet Panthère a défini unnouvel objectif de réseau plus dense,par l'ajout de cinq à six nouveauxradars destinés à couvrir des bassinsversants mal desservis : Poitou,Aveyron, Nord, Bourgogne, Franche-Comté et bassin de l'Adour. Dans lacarte du réseau prévu pour 2006, com-plété par les radars européens voisins,chaque radar est entouré d'un cercle de

Leslamesd’eauHydram

En 1995, Météo-France a lancé leprojet Hydram,avec l’objectif dedévelopper l’utili-sation quantita-tive des donnéesdes radars. Lafigure 6 illustrel’ intérêt d’uneimage de lamesd’eau radar obte-nue le 10 juin2000 avec leradar de Lyon.

La carte de cumul de lames d’eauradar est obtenue à partir des imagesde lames d’eau radar qui sont diffuséesen temps réel aux prévisionnistes fran-çais depuis mai 1997. Elle fournit desestimations des quantités de précipita-tions reçues au sol pour les 15 ou 30dernières minutes (15 minutes pour leradar de Lyon). La version actuelle desalgorithmes de production des imagesde lames d’eau (Chèze et al., 1998)comporte les traitements suivants :

– prise en compte d’un facteur correc-tif obtenu par comparaison des cumulsmensuels déduits des données radaravec les cumuls pluviométriques mesu-rés par le réseau sol ;

– correction d’advection destinée àcompenser les effets du déplacementdes cellules de précipitation pendantle cycle d’acquisition des images debase (5 minutes).

Ces images de lames d’eau sont égale-ment destinées à des applicationshydrologiques, en particulier pour l’an-nonce des crues. La Direction régionalede l’Environnement Midi-Pyrénées atesté une production expérimentaled’images de lames d’eau radar prenanten compte une correction supplémen-taire (effets liés au profil vertical deréflectivité) ; la nouvelle conventionsignée entre Météo-France et laDirection de l’Eau prévoit la généralisa-tion progressive de la mise à disposi-tion de ces images de lames d’eau auxServices d’annonce des crues.

Jean-Luc ChèzeMétéo-France, Direction des systèmes

d’observation

(2) La lame d'eau est une carte qui contient pourchaque pixel la hauteur de pluie accumulée pen-dant un intervalle de temps donné. Cette quantitéest calculée à partir de la réflectivité en utilisantune relation, dite relation Z-R, qui peut varieravec le type de pluie, l'altitude de la mesure, etc.

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rayon 100 km (figure 8). La comparai-son avec la figure 2 montre le cheminparcouru depuis 1995. Malgré la densi-fication du réseau, la réduction de laportée des radars fait apparaître de nou-veaux « trous » (en particulier dans lesAlpes et en Bretagne). Mais le réseauassure une bonne couverture desrégions dont l'importance hydrologiqueest cruciale.

Le premier des nouveaux radars seralivré début 2004, le deuxième huit moisplus tard et les suivants avec unecadence d'un tous les quatre mois.Avec une résolution de 1 km, cetensemble fournira une mosaïque toutesles cinq minutes pour les usages météo-rologiques et une lame d’eau toutes lesquinze minutes.

Les problèmes liés à la mesure

Échos fixes, masques partiels

Malgré tout le soin pris pour choisir lesemplacements des radars, il existe tou-jours dans l'environnement plus oumoins proche des structures naturellesou artificielles qui gênent la mesure, enrenvoyant des échos dits échos fixes ouéchos de sol et en occultant plus oumoins partiellement le faisceau, ce quise traduit par une diminution, voire unedisparition complète des échos enarrière de l'obstacle. Les solutions sontvariées : pour les échos de sol, on peutfiltrer le signal (filtre Doppler ou statis-tique) ; on peut aussi reconstituer lamesure par une mesure à un angled'élévation plus élevé ou par une inter-polation entre les cellules voisines.Pour les masques, on peut appliquer uncoefficient correcteur ou, là encore,remplacer la mesure par une donnéereconstituée. Les solutions opération-nelles sont souvent mixtes, c'est ainsique, pour le réseau Aramis, on utilise àla fois le filtre statistique (Sugier et al.,2002 et encadré page suivante) et la

à utiliser la rotation de la différence dephase entre deux signaux de polarisa-tions orthogonales (Testud et al., 1999),semble très prometteuse.

Les effets du profil verticalde réflectivité

La réflectivité radar peut varier consi-dérablement suivant l'altitude d'obser-vation du système précipitant : elle peutêtre nulle au-dessus du nuage (oumême en dessous pour les précipita-tions en altitude sans signature au sol) ;elle peut être au contraire considérable-ment renforcée dans la zone de fusionoù les cristaux, entourés d'une pelliculed'eau liquide, sont confondus par leradar avec de très grosses gouttes (phé-nomène appelé bande brillante).L'observation en diversité de polarisa-tion paraît être la solution d'avenir à cetype de problème, mais les techniquesutilisées de façon opérationnelle sontpour le moment toutes fondées sur l'ob-servation volumique à partir de plu-sieurs angles d'élévation (entre 5 et 20),ce qui permet de constituer un profilvertical de réflectivité (PVR). La préci-pitation au sol se déduit alors de lamesure en altitude, par une extrapolation

reconstitution à partir d'un ou deuxangles d'élévation plus élevée. D’autresméthodes ont été mises au point pourtraiter les échos fixes résiduels, en lesremplaçant par un signal interpolé parune technique d'advection, et pourdiminuer l'influence des masques enappliquant un coefficient correcteur.Mais elles ne peuvent pas encore êtremises en service opérationnel, car on nedispose pour le moment d'aucun moyenpour informer l'utilisateur du traitementappliqué à un pixel donné.

L'atténuation par la pluie

L'acuité de ce problème dépend de lalongueur d'onde : marginal en bande S,le phénomène est sensible en bande Cet très important en bande X. La signa-lisation est assez simple car l'atténua-tion est reliée à l'intégrale du signal lelong de la radiale, mais la correction estplus aléatoire en raison d’effets perversqui sont dus, par exemple, aux erreurs,même faibles, d'étalonnage du radar.On préfère donc employer desméthodes fondées sur la mesure d'unequantité intégrée comme l'énergie reçued'un écho de sol situé en arrière de lacellule pluvieuse (Serrar et al., 2000).Une méthode plus récente, qui consiste

Figure 8 - Le réseau Aramis prévu pour 2006, en suppo-sant que chaque radar répond aux besoins de l'hydrolo-gie dans un cercle de 100 km de rayon. Le territoiremétropolitain sera couvert par l’ensemble constitué de24 radars du réseau français et de 8 radars des paysvoisins. Malgré cette densité importante, quelquesrégions seront encore imparfaitement surveillées,comme les Alpes, la Bretagne et la Sarthe.

Biscaye

Zaventem

DLa DL ôle

Jerseyy

cheilenbachNeuheil

montLibram

CroceBric Della C

Abbbevillee

Falaise TrappesPlabenaabennec

Treillères

Bourges

A eArcis-sur-AubA bencyNancyNNN

Bordeordeaux Grèzes

Toulousse

oulOpou

-NizierzierSaint-Ni

SembadelSeBollBollèène

Nîmes

Collobribll ères

Alééria

NorNorrdrdordrd

ChervesCherves

AdourAdour

BourgogBourgogognognnneneggéééé

AveyronAveyronAAAveyronAveyronyy

Radar opérationnel porté

des précipitations

Radar européenRadar du projetd'extension du réseau Aramis

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Le traitement des échos fixes dans le réseau Aramis

Les échos de sol, qui ne proviennent pas de la pluie mais d'obs-tacles fixes de petite dimension (arbres, immeubles, etc.) ou deplus grande étendue (reliefs), sont gênants car on peut lesconfondre avec des échos de pluie. Une abondante littératurescientifique existe sur cette question ; elle propose desméthodes de détection ou de filtrage fondées sur le signalDoppler, l'élévation de l'altitude d'observation ou l'utilisation decartes d'échos fixes obtenues par temps sec. Pour les radars nepossédant pas la capacité Doppler, comme c’est le cas pour leréseau métropolitain français, on obtient d'assez bons résultatsen utilisant la variance de l'amplitude du signal reçu combinéeà l'utilisation d'un petit nombre d'angles d’élévation du radar.

Le temps de cohérence du signal de pluie est de l'ordre de 10 ms, beaucoup plus court que celui du signal de sol. Cettedifférence est illustrée par les distributions de la figure 9 : leparamètre représenté est la variance des énergies reçues, à dis-tance fixe, entre deux impulsions radar successives. Les distri-butions sont bimodales : un pic de variance fort pour la pluie(signal très fluctuant) et un pic de variance plus faible pour leséchos de sol (signal stable). Les positions moyennes de ces picsvarient avec la vitesse de rotation de l'aérien et avec le déca-lage temporel utilisé pour calculer les écarts.

Une fois ces paramètres fixés, on peut construire un algorithme(figure 10) en fixant l’ordonnée à l’origine ou la pente de ladroite d'atténuation. Malgré son caractère un peu arbitraire,cet algorithme est particulièrement utile pour diminuer leseffets néfastes de la propagation anormale (exemple en figure11). Il s’agit d’échos de sol inhabituels qui se produisentlorsque les profils de température et d'humidité atmosphé-riques sont tels que le faisceau électromagnétique du radar estsuffisamment incurvé vers le bas pour rencontrer le sol. Ils peu-vent conduire à des erreurs de mesure sur la pluie très impor-tantes et à la génération de fausses alertes. Leur détection (etéventuellement leur suppression) est donc un enjeu importantde la surveillance hydrologique automatique. Cependant, mal-gré son évidente efficacité, ce filtre souffre de quelques limita-tions lorsque les signaux d'échos fixes fluctuent ou bien lorsquela vitesse de rotation de l'aérien est plus grande. Des travauxsont en cours pour résoudre ces problèmes.

Figure 9 - Distributions de la variance du signal pour différentes vitesses de rota-tion de l'aérien et pour différents décalages temporels. Pour éviter que lescourbes ne soient polluées par des signaux correspondant à du bruit, on a retiréde l'analyse les pixels dont l'énergie est inférieure à un seuil de 16 dBZ.

Figure 10 - Algorithme utilisé par le réseau Aramis pour l'atténuation des échosfixes : aucune atténuation pour une variance supérieure à 3,5 dBZ (signal consi-déré comme de la pluie pure) ; en dessous de 3,5 dBZ, atténuation variant linéai-rement jusqu'à Amax pour une variance (hypothétique) de 0 dBZ.

Nom

bre

de p

ixels

Variance en dBZ

0 Variance en dBZ

AmaxAtténuation en dBZ

Seuil à 3,5 dBZ

Atténuation

Figure 11 - Exemple de situation dans laquelle des échos de pluie, de sol, de cielclair et de propagation anormale sont mélangés (radar de Bollène, 3 juin 2002, 0 h 45, distance de 0 à 256 km.)

b

(b) L'image de la variance de la réflectivté permet dedistinguer les échos de pluie (en jaune et en vert) deceux qui sont dus à la propagation anormale (en bleufoncé).

(a) L'image de réflectivitéfait apparaître, en jauneet en rouge, des échospuissants dans la partie

centrale (échos fixes habi-tuels, échos de propagation

anormale) ainsi que dans lapartie sud-ouest.

(c) L'application du filtragedonne une image exploi-table pour la prévisionmétéorologique, malgré la

présence d'échos fixes trèspuissants sur les données

d'origine.

c

a

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sur la base du PVR estimé. Uneméthode de ce type, très simplifiéepuisqu'elle n'utilise que deux anglesd'élévation, est en place sur le radar deToulouse et donne satisfaction.

La relation Z-R

En dehors du problème lié à la zone defusion, évoqué ci-dessus, la relationentre la réflectivité radar et la quantitéde pluie dépend essentiellement dudiamètre moyen des gouttes (voir parexemple Uijlenhoet, 2001). Ce pro-blème peut être traité en adaptant la loiZ-R (Z est la réflectivité radar et R laquantité de pluie au sol) au type d'évé-nement pluvieux, soit par desméthodes de type statistique, soitmême à travers un recalage en directsur des données pluviométriques.Compte tenu de la variabilité spatialede la pluie, cette dernière méthodenécessite des réseaux denses de plu-viomètres. Une autre approche, qui, làencore, utilise la diversité de polarisa-tion, est fondée sur l'estimation directedu diamètre des gouttes (Testud et al.,1999).

Les solutions adoptées pour Aramis

En résumé, la mesure de la pluie partélédétection radar est une techniquetrès puissante, mais elle souffre de dif-ficultés (échos de sol, masques, PVR,relation Z-R, etc.) pour lesquelles denombreuses solutions ont été propo-sées par le monde de la recherche.Pour un service opérationnel, l'exer-cice qui consiste à trouver les solu-tions adaptées aux besoins n'est pasfacile car, bien évidemment, chaquecorrection a son effet pervers dans cer-tains cas. Jusqu’à présent, on a choisiun mode de fonctionnement assezsimple pour le réseau Aramis, avecune cadence de cinq minutes :– une vitesse de rotation des aérienslente, fixée à 5° par seconde, pour assu-rer une bonne qualité à la mesure et évi-ter de fatiguer la mécanique du radar ;- un filtrage des échos fixes par unfiltre statistique ;– une exploration volumique très res-treinte (un à trois angles d'élévation),essentiellement pour passer au-dessusdes échos fixes résiduels dans leszones proches ;– une relation Z-R unique, valablepour tous les radars et pour toutes lessaisons ;

– une comparaison systématique, surune base mensuelle, des mesures radaraux mesures des pluviomètres, pouridentifier d'éventuels problèmes decomportement des radars.

Les évolutions technologiques prévues ou envisagéesCompte tenu des besoins de l'hydrolo-gie, des avancées de la recherche et despossibilités de la technique, des modifi-cations des modes de fonctionnementactuels peuvent apporter une meilleurequantification de la pluie mesurée. C'estpour cela que le projet Panthère, en plusde ses objectifs de densification duréseau, comporte un volet d'évolutionstechnologiques consistant à préparer lesmodifications qui devront être mises enplace à l'arrivée des nouveaux radars,c'est-à-dire à partir de mi-2004.Préparées avec l’appui de plusieurslaboratoires de recherche à travers lecomité scientifique du projet, ces évolu-tions pourront être implantées dans lenouveau calculateur radar de Météo-France qui a été conçu pour cela (Parentet al., 2001).

Un codage de la qualité pour chaque pixel de l'image radar

Comme on l'a vu, la mise en placeopérationnelle de corrections tellesque l'advection dans les zones d'échosfixes résiduels ou la correction desmasques est difficile, car certains utili-sateurs préfèrent disposer d’une don-née non optimale, mais dont on saitexactement comment elle a été obte-nue, plutôt que d'une donnée corrigéesans que l'on sache exactement com-ment. Pour contourner ce problème,Météo-France travaille à la mise aupoint d'un codage de la qualité :chaque image radar sera fournie avecune image d'accompagnement danslaquelle figurera, pour chaque pixel,une information sur la manière dont cepixel a été obtenu. On attend de cetteaction une meilleure fluidité dans latransition des progrès vers les applica-tions opérationnelles. Météo-France,qui n’est évidemment pas le seul ser-vice météorologique à rencontrer ce

type de problématique, est mandatépar le groupe européen Opera pourfaire avancer ce travail.

Le mode Doppler

La technique Doppler, très répandue, ycompris dans les réseaux opération-nels, consiste à mesurer la vitesseradiale de la cible à partir de la dérivéetemporelle de la phase du signal reçu.L'application opérationnelle la plusévidente est le rejet ou le filtrage deséchos fixes, qui sont reconnaissablescar immobiles, donc de signal Dopplernul. De plus, de nombreux radars four-nissent des profils verticaux du ventdans les zones pluvieuses, obtenus pardes techniques de VAD (VerticalAzimuth Display, voir par exempleTabary et al., 2001). L'utilisation laplus pertinente du Doppler se fera pro-bablement dans un futur proche à tra-vers l'assimilation de la vitesse radialepar des modèles numériques à trèspetite échelle (Bielli et Roux, 1999).

La mesure Doppler est en principeassez simple, mais elle souffre d'uneambiguïté due à ce que la rotation dephase élémentaire est mesurée par dif-férence entre deux impulsions radarsuccessives. Dès que la vitesse radialeest supérieure au seuil d'ambiguïté, larotation de phase d'une impulsion à lasuivante est supérieure à 360° et lavitesse radiale se trouve « repliée ». Leseuil de vitesse ambiguë est inverse-ment proportionnel à la fréquence et àla cadence du radar. Pour le radar deTrappes (bande C avec une cadence de330 Hz), la gamme de vitesse radialenon ambiguë est de ± 10 m/s (soit ± 36 km/h). C'est très faible et, pourétendre la gamme de mesure Doppler,les radars sont souvent mis dans unmode d'exploitation particulier quiconsiste à augmenter la cadence, auprix d'une diminution de la portée endistance et de la puissance émise. Uneautre solution consiste à alterner deuxcadences légèrement séparées, ce quipermet de lever l'ambiguïté tout enconservant la même énergie émise et lamême portée. Ce genre de technique,qui ne nécessite pas l'utilisation d'unmode d'exploitation spécifique pour leDoppler, est bien adapté à l'utilisationopérationnelle et c'est dans cette direc-tion que Météo-France conduit desétudes. Les premiers résultats sont trèsencourageants et les premiers profilsVAD obtenus sur le radar de Trappesparaissent corrects. Il reste à préciserles limites de la méthode (vitesse

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Figure 12 - Le radar météorologique

de Bollène dans le Vaucluse.

(Photo Météo-France,

F. Poulain d’Andecy)

La Météorologie - n° 40 - février 2003 51

L’explorationvolumique

Depuis le 30 août 2002, le radar météorologique de Bollène (figure 12) fonc-tionne en mode d’exploration volumique. Cette expérimentation s’inscrit dans ledouble cadre du projet Panthère et de l’observatoire hydrométéorologique médi-terra-néen Cévennes-Vivarais (OHM-CV, http://www.ohmcv.net/). L’exploration

volumique de l ’atmo-sphère consiste à passerd’un balayage à troisélévations à un balayageà treize élévations indé-pendantes comprisesentre 0,4° et 18° au-des-sus de l'horizon.

La connaissance de lastructure verticale desprécipitat ions a desapplications dans troisdomaines : l’hydrologie(correction des échosf ixes, correct ion desmasques et correctiondes effets de bandebrillante), l’assimilation(description plus fine duchamp tridimensionnelde précipitations dansl ’atmosphère via desapproches 3D-VAR ou

nudging) et la prévision immédiate. À titre d’exemple, la figure 13, obtenue lors del’épisode dramatique du Gard des 8 et 9 septembre 2002, montre différentescoupes horizontales et verticales.

L’expérimentation menée actuellement sur leradar de Bollène a ainsi été fortement soutenuepar les équipes de recherche du CNRM(GMME/Micado) et du LTHE. Elle s’inscrit dansune stratégie d’évolution du réseau Aramis dansle but d’améliorer les produits hydrologiquestirés des données radar (lames d’eau) et, à pluslong terme, la prévision à courte échéance dessystèmes précipitants intenses dans le sud de laFrance, dont l’actualité récente nous a montrécombien ils pouvaient se révéler dangereuxpour la société.

Pierre TabaryMétéo-France,

Direction des systèmes d’observation

Figure 13 - Champ tridimensionnel de réflectivité, dans une représentation dite du maximum le 9 septembre 2002à 6 h UTC, obtenu avec le radar de Bollène. La figure centrale représente la réflectivité maximale le long de la verticale. La figure de droite (respectivement de gauche) représente le maximum pour chaque latitude et chaque altitude du demi-plan est (respectivement ouest) du domaine. La figure du haut (respectivement bas) représente le maximum pour chaque longitude et chaque altitude du demi-plan supérieur (respectivement inférieur) du domaine. Ce type de représentation a l’avantage d’être synthétique, mais présente l’inconvénient d’être parfois difficile à interpréter(deux cellules se superposent). Sur cette situation météorologique explosive, les figures montrent bien le développement vertical des cellules et l’extension des cœurs convectifs.

Altitudeen km

Altitudeen km

Altitudeen km

Altitudeen km

Réflectivités maximales selon la verticaleet selon les quatre demi-axes horizontaux

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maximale non ambiguë, rapport signalsur bruit admissible) pour passer à uneutilisation en opérationnel.

L'exploration volumique

L'exploration volumique est largementemployée dans les réseaux d'observa-tion radar. Elle consiste à recueillir suc-cessivement des données à plusieursangles d'élévation (un tour par angled'élévation), pour ensuite combiner cesdonnées de façon à obtenir une imageen volume du nuage pluvieux. Cetteimage peut être utilisée directement enprévision immédiate par l'informationqu'elle apporte sur la structure des sys-tèmes météorologiques, ou bien pouraméliorer la qualité des produits hydro-logiques à travers une meilleure priseen compte des échos de sol et desmasques, ainsi que par la prise encompte du profil vertical de réflectivité.

En collaboration avec les hydrologuesdu Laboratoire d’étude des transferts enhydrologie et environnement (LTHE)de Grenoble, une première campagneexpérimentale a été définie pour leradar opérationnel de Bollène. Desdonnées particulièrement intéressantesont déjà été recueillies (encadré pageprécédente) ; leur exploitation doit per-mettre de définir un protocole d'exploi-tation opérationnelle des cinq radars del’arc méditerranéen, bien adapté auxconditions de relief de la région. Dansla suite des travaux du Centre national

de recherches météorologiques(CNRM), ces données seront égale-ment exploitées pour évaluer leurapport en prévision numérique à trèspetite échelle (Ducrocq et al., 2000).

La diversité de polarisation

La technique, déjà largement répanduechez les chercheurs (Sauvageot, 2000),donne de bons résultats pour l'identifica-tion des hydrométéores, l'amélioration dela loi Z-R et l'estimation de l'atténuationpar la pluie. Elle n'est cependant pasencore employée de façon systématiquepar les réseaux opérationnels d'observation. Pour progresser dans cettedirection, une expérimentation de valida-tion opérationnelle va être mise en placepour le premier des nouveaux radarsPanthère, qui sera pour cela équipé de ladouble polarisation. On couplera deuxcalculateurs radar derrière le récepteur :le premier est destiné à fournir le produitopérationnel classique pour que le radarpuisse pleinement remplir sa fonctionopérationnelle ; un algorithme de traite-ment en double polarisation, très proba-blement l'algorithme ZPHI (Testud et al.,1999), sera implanté sur le second calcu-lateur qui produira une lame d'eau corri-gée des effets d'atténuation par la pluie etdes effets de variation de la loi Z-R. Lesdeux produits seront comparés à uneréférence au sol constituée d'un ensemblede pluviomètres et de quelques disdro-mètres. Ce travail sera effectué en colla-boration avec le Laboratoire central des

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Bibliographie

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ConclusionSi tout se passe comme prévu, en 2006,les six nouveaux radars du réseauAramis fonctionneront en modeDoppler, sans qu'il soit pour autantnécessaire de mettre en œuvre un moded'exploitation spécifique, et ils serontégalement exploités en mode volumique.Leurs données, employées pour amélio-rer le rejet des échos fixes et corriger leseffets de PVR, conduiront à une lamed'eau de meilleure qualité pour les appli-cations hydrologiques. Chaque produitsera accompagné d'une description de saqualité dont le but est de permettre à l'uti-lisateur de savoir quel degré de confianceil peut accorder à chacun des pixels del'image. Ces évolutions seront autant quepossible étendues aux radars déjà exis-tants, en donnant la priorité aux radarsplus récents de l'arc méditerranéen.

Dans le même temps, Météo-Franceaura évalué, à travers l'expérimenta-tion de validation opérationnelle, lesbénéfices que peut apporter la diver-sité de polarisation à la qualité d'esti-mation de la lame d'eau. Si lesrésultats sont positifs, il restera à esti-mer les investissements nécessairespour généraliser cette technologie àl'ensemble des nouveaux radars duréseau.