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40 La Météorologie - n° 56 - février 2007 Histoire Carl-Gustaf Rossby : son temps, sa personnalité, ses actions Norman A. Phillips Résumé Les nombreuses activités de Carl- Gustaf Rossby sont abordées, en com- mençant par ses premières aventures en mer, et sont présentées dans le contexte du monde météorologique de son temps. Ses idées et ses articles scientifiques ne sont pas discutés en dehors d’un important aspect de son approche particulière de l’analyse des mouvements atmosphériques et océa- niques. On souligne son succès à impulser des interactions entre per- sonnes et institutions. Abstract Carl-Gustaf Rossby: his times, personality, and actions The many activities of Carl-Gustaf Rossby are described, beginning with his early adventures at sea, and pre- sented in the context of the meteoro- logical world of his time. His scientific ideas and papers are not discussed except for an important aspect of his typical approach to analysis of atmospheric and oceanic motion. His success in fostering interaction bet- ween different people and institutions is emphasized. d’abord, dans sa biographie de Tor Bergeron, G. H. Liljequist (1980) rap- porte que, durant l’été 1919, Rossby sug- géra qu’il serait préférable d’utiliser notre méthode actuelle du rouge pour un front chaud et du bleu pour un front froid, au lieu de l’inverse, selon une convention utilisée à l’époque. V. Bjerknes (1943) met aussi au crédit de Rossby d’avoir, à la fin de l’été 1919, amené les autres étudiants à une rotation des tâches, l’hiver suivant, afin que les prévisions de l’institut puissent conti- nuer. Rossby passa ensuite une année au Geophysical Institute de Leipzig avec V. Bjerknes et au Lindenberg Observa- tory, près de Berlin, où des lancers de cerfs-volants et de ballons étaient fré- quemment effectués. Mais Rossby fut incapable de convaincre le groupe de Bergen de faire de telles observations. En 1921, il retourna à Stockholm et rejoignit le personnel de l’Institut météorologique et hydrologique suédois. J’en viens maintenant au premier aspect relativement inconnu de la carrière de Rossby : sa première confrontation avec l’océan. En 1923, il navigua sur un petit bateau norvégien, le Conrad Holmboe (figure 1), jusqu’aux côtes est du Groen- land, pour aider à la mise en place de Ndlr Il y a cinquante ans, s’éteignait brutalement, lors d’une conférence, le célèbre météorologiste Carl-Gustaf Rossby (1898-1957). D’origine suédoise, plus tard naturalisé Américain, il étudia l’hydrodynamique, la circulation générale des océans, l’atmosphère. Il démontra que les ondes atmosphériques courtes se dépla- cent plus rapidement que les longues. Il fut aussi l’un des pionniers de la chimie atmosphérique. En 1957, le comité exécutif de l’OMM lui décerna un prix pour sa participation à la coopération météorologique internationale. En son honneur, on appelle plusieurs concepts de son nom ; citons le régime, le diagramme, le para- mètre, le rayon de déformation, le nombre et les ondes « de Rossby ». Aussi, pour cet anniversaire, avons nous décidé de remémorer sa carrière en publiant cet article. C’est la traduction de l’original anglais de Norman A. Phillips : « Carl-Gustaf Rossby: his times, personality, and actions », paru en juin 1998 dans le Bulletin of the American Meteorological Society (AMS) (Volume 79, n° 6, p. 1097-1112). Nous remercions l’AMS de nous avoir accordé son aimable autorisation pour l’utilisation de ce texte. La traduction a été réalisée par Anne Guillaume, membre du Comité de rédaction de notre revue. Les figures 1 à 6 ainsi que la figure 8 font partie des illustrations de l’article origi- nal et sont publiées avec l’aimable autorisation de l’AMS. Figure 1 - Le Conrad Holmboe à Tromsö, en Norvège, avant son départ pour le Groenland en 1923. (Archives personnelles d’A. Persson) Premiers voyages en mer Carl-Gustaf Rossby ! C’est un honneur de parler de ce grand homme et grand météorologiste. Vous êtes tous au courant de ses contributions théoriques à notre science. Mais il y a tellement plus dans Rossby que sa créativité théoricienne, et c’est cela que je vais aborder : il ne fut pas seulement un météorologiste synopti- cien, il a été la figure qui a dominé la modernisation de l’organisation météoro- logique américaine et la modernisation de ses pratiques. Tor Bergeron (Bergeron, 1959) raconte que Rossby était un étudiant exception- nel, à la fois dans les études humanistes et en science, et, plus que tout, toujours avide d’essayer des choses nouvelles. Il s’intéressa à la météorologie en tant qu’étudiant de Vilhelm Bjerknes à Bergen en 1919, passant une année et demie à Bergen, où le groupe de Bjerknes aboutissait à la description du front polaire. Rossby y participa à fond, selon des témoignages portés à mon attention par Anders Persson. Tout

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Carl-Gustaf Rossby : son temps, sa personnalité,ses actionsNorman A. Phillips

RésuméLes nombreuses activités de Carl-Gustaf Rossby sont abordées, en com-mençant par ses premières aventuresen mer, et sont présentées dans lecontexte du monde météorologiquede son temps. Ses idées et ses articlesscientifiques ne sont pas discutés endehors d’un important aspect de sonapproche particulière de l’analyse desmouvements atmosphériques et océa-niques. On souligne son succès àimpulser des interactions entre per-sonnes et institutions.

AbstractCarl-Gustaf Rossby: his times, personality, and actions

The many activities of Carl-GustafRossby are described, beginning withhis early adventures at sea, and pre-sented in the context of the meteoro-logical world of his time. His scientificideas and papers are not discussedexcept for an important aspect of histypical approach to analysis ofatmospheric and oceanic motion. Hissuccess in fostering interaction bet-ween different people and institutionsis emphasized.

d’abord, dans sa biographie de TorBergeron, G. H. Liljequist (1980) rap-porte que, durant l’été 1919, Rossby sug-géra qu’il serait préférable d’utilisernotre méthode actuelle du rouge pour un front chaud et du bleu pour un front froid, au lieu de l’inverse, selon une convention utilisée à l’époque. V. Bjerknes (1943) met aussi au crédit deRossby d’avoir, à la fin de l’été 1919,amené les autres étudiants à une rotationdes tâches, l’hiver suivant, afin que lesprévisions de l’institut puissent conti-nuer.

Rossby passa ensuite une année auGeophysical Institute de Leipzig avec V. Bjerknes et au Lindenberg Observa-tory, près de Berlin, où des lancers decerfs-volants et de ballons étaient fré-quemment effectués. Mais Rossby futincapable de convaincre le groupe deBergen de faire de telles observations. En1921, il retourna à Stockholm et rejoignitle personnel de l’Institut météorologiqueet hydrologique suédois.

J’en viens maintenant au premier aspectrelativement inconnu de la carrière deRossby : sa première confrontation avecl’océan. En 1923, il navigua sur un petitbateau norvégien, le Conrad Holmboe(figure 1), jusqu’aux côtes est du Groen-land, pour aider à la mise en place de

Ndlr Il y a cinquante ans, s’éteignait brutalement, lors d’une conférence, le célèbre météorologiste Carl-Gustaf Rossby (1898-1957). D’origine suédoise, plustard naturalisé Américain, il étudia l’hydrodynamique, la circulation générale desocéans, l’atmosphère. Il démontra que les ondes atmosphériques courtes se dépla-cent plus rapidement que les longues. Il fut aussi l’un des pionniers de la chimieatmosphérique. En 1957, le comité exécutif de l’OMM lui décerna un prix pour saparticipation à la coopération météorologique internationale. En son honneur, onappelle plusieurs concepts de son nom ; citons le régime, le diagramme, le para-mètre, le rayon de déformation, le nombre et les ondes « de Rossby ».Aussi, pour cet anniversaire, avons nous décidé de remémorer sa carrière enpubliant cet article. C’est la traduction de l’original anglais de Norman A. Phillips : « Carl-Gustaf Rossby: his times, personality, and actions », paru enjuin 1998 dans le Bulletin of the American Meteorological Society (AMS) (Volume79, n° 6, p. 1097-1112). Nous remercions l’AMS de nous avoir accordé son aimableautorisation pour l’utilisation de ce texte. La traduction a été réalisée par AnneGuillaume, membre du Comité de rédaction de notre revue.Les figures 1 à 6 ainsi que la figure 8 font partie des illustrations de l’article origi-nal et sont publiées avec l’aimable autorisation de l’AMS.

Figure 1 - Le Conrad Holmboe à Tromsö, en Norvège,avant son départ pour le Groenland en 1923. (Archives personnelles d’A. Persson)

Premiers voyages en merCarl-Gustaf Rossby ! C’est un honneurde parler de ce grand homme et grandmétéorologiste. Vous êtes tous au courantde ses contributions théoriques à notrescience. Mais il y a tellement plus dansRossby que sa créativité théoricienne, etc’est cela que je vais aborder : il ne futpas seulement un météorologiste synopti-cien, il a été la figure qui a dominé lamodernisation de l’organisation météoro-logique américaine et la modernisationde ses pratiques.

Tor Bergeron (Bergeron, 1959) raconteque Rossby était un étudiant exception-nel, à la fois dans les études humanisteset en science, et, plus que tout, toujoursavide d’essayer des choses nouvelles. Ils’intéressa à la météorologie en tantqu’étudiant de Vilhelm Bjerknes àBergen en 1919, passant une année etdemie à Bergen, où le groupe deBjerknes aboutissait à la description dufront polaire. Rossby y participa à fond,selon des témoignages portés à monattention par Anders Persson. Tout

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stations météorologiquespour Bjerknes. Le bateaufut pris dans les glaces pen-dant deux mois et manquad’être submergé ; il fallutjeter les équipements par-dessus bord et les prépara-tifs pour abandonner lebateau avaient commencéquand, finalement, de l’aidearriva. En tant que seulSuédois de ce voyage,Rossby reçut un traitementde star à son retour àStockholm (figure 2).

L’année suivante, il servitcomme officier météoro-logiste lors de la cam-pagne d’un navire-école des cadets dela marine suédoise, le trois-mâts afChapman. Le navire devait faire le tourdes îles Britanniques dans le senscontraire des aiguilles d’une montre [figure 3]. Pour son employeur, le Ser-vice météorologique suédois, l’objectifétait de déterminer les besoins et l’utilitédes prévisions météorologiques marines.Ce voyage est relaté en suédois parRossby (1925). Il avait plusieurs tâches :collecter et décoder les messages météo-rologiques, tracer les cartes météorolo-giques, préparer les prévisions, lesprésenter au capitaine avec les prévisionsradiodiffusées par plusieurs servicesmétéorologiques nationaux, et faire lesobservations par les ballons-pilots. Ilavait originellement prévu d’effectuerdes observations océanographiques,mais il ne fut pas possible d’obtenir l’équipement à temps.

Il décrit ainsi son travail : « Au cours decette période, j’ai préparé une prévisionle matin à 10 h, heurede Greenwich, sauf les 3 et 6 août où l’on nereçut aucune observa-tion et le 10 septembreoù un énorme mal demer rendit presqueimpossible tout travailintellectuel. »

La partie diff icile duvoyage où les compé-tences en prévision deRossby – ou sa chance –ont été mises à l’épreuveest la zone située au largede la côte ouest de l’Ir-lande, comme indiquésur la f igure 3. Voilàcomment il décrit lesévénements : « Le 3 août,l’Atlantique se leva sé-rieusement. Dans des

mers grosses et des vents forts qui s’éta-blissaient entre le sud et l’ouest et ontatteint parfois jusqu’à la force tempête,nous avons dû nous battre pendant dixjours pour progresser vers le sud ; ceque cela signifiait avec un grand grée-ment qui pouvait péniblement naviguerà moins de « sept quarts du vent(1) »,n’est pas difficile à comprendre. Leshoules fortes, un ciel presque continuel-lement gris et des averses de pluieininterrompues rendaient impossible deslancers de pilots. Je me suis doncconcentré davantage sur le travailsynoptique, et rarement mes prévisionsmétéorologiques ont été reçues avecautant d’intérêt que pendant cettepériode. » (Rossby 1925)Les figures 4 à 6 sont des copies de car-tes de météorologie marine, établies en1924 par le Meteorological Office duRoyaume-Uni, obtenues pour moi parAnders Persson du Centre européen desprévisions météorologiques à moyenterme. Rossby continue :

« La soirée du 10, certainesindications sur la carte sug-géraient une rotation desvents au nord-ouest. Le 11 août se passa dans une

attente intolérable. Un vent de nord-ouest signifiait une chance qu’en dépitde tout nous pourrions atteindreQueenstown à l’heure prévue. J’avaismis mon honneur en jeu et j’errais leteint pâle, sans grande possibilité d’enfaire plus.

Le vent tourna lentement du sud-ouest àl’ouest avec des averses de pluie tenace,mais s’arrêta là et augmenta lentementen force. Notre route nous conduisait àseulement 40 milles nautiques de la côteouest de l’Irlande ; si le vent fort conti-nuait, nous aurions à virer vers le nordafin de ne pas trop nous approcher de laterre.

La soirée arriva, mais pas de vent denord-ouest, et j’allai au lit le cœur emplide doutes et touché par le mal de mer.J’étais là, allongé, regardant fixement leventilateur du plafond, incapable dedormir. Alors arriva le message de lapasserelle : “L’officier de quart signale

que le vent a changé de‘quatre quarts’ vers lenord-ouest”. Enfin, j’aipu me tourner calme-ment vers le mur et dor-mir. » (Rossby, 1925)

À partir d’une étudeminutieuse de ces car-tes, Anders Persson acommenté : « Je n’en-vie pas Rossby danscette situation ! Cescénario est plutôtdélicat pour un prévi-sionniste à l’époque“prémodèles” parcequ’on ne peut savoir

Figure 2 - Extrait du journal de Stockholm Dagens Nyheter décrivant le voyage du ConradHolmboe. Le gros titre indique : « Voyage du Holmboe, Combat pourla vie pendant deux mois. Premier récit de cette histoire.Danses de sorcières des banquisesautour de la coque. » La carte insérée montre le passagedu Holmboe près des côtes, l’approche par le nord-est du bateau de secours, le Polarulv, et le derniervoyage vers l’Islande. (Archives personnelles d’A. Persson)

(1) Mesure d’angle ancienne-ment employée par les ma-rins, le quart vaut 11,25°.

Figure 3 - Carte de Rossby montrant le parcours du Chapman, s’arrêtant à Aberdeen le 7 juillet, à Queenstown (Cobh), sur la côte sud de l’Irlande le 14 août, et continuant son chemin de retour à travers la Manche et la mer du Nord jusqu’à la Scandinavie.

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comment le vigoureux anticyclone euro-péen va résister aux attaques desdépressions qui arrivent. » (A. Persson1997, communication personnelle)

L’image que nousavons ici de Rossbyest assez différente decelle du théoricien sûrde lui dont nous avonsl’habitude. Ce voyagenous renseigne cepen-dant sur ses compé-tences en prévision eten météorologie sy-noptique.

Pour illustrer cetimportant trait dis-tinctif, sautons cin-quante-six ans pourarriver à l’interviewque George Platzmana eue en 1980 avec JuleCharney (Platzman,1990). Ils discutentdes forces et faibles-ses de Rossby et de saparticipation aux com-mentaires de cartes,qui étaient organiséspar George Cressmanà l’université de Chi-cago. Jule fait remar-quer : « Mais le faitqu’il ait participé siactivement à ces com-mentaires de carte est

la révélation de sa personnalité domi-nante – je veux dire qu’il était une sortede météorologiste complet (sic). Je pensequ’il était à la fois un météorologiste

synoptique et dyna-mique. »

Rossby eut enfin lapossibilité de fairedes lancers de pilotsdurant le parcoursvers le nord par lamer du Nord. Il reporta graphique-ment les résultats etestima les valeurs dela dissipation parfrottement, appli-quant des méthodesqu’il avait probable-ment apprises avecLindenberg. La réali-sation et l’interpréta-tion de ces observa-tions à partir d’unnavire ballotté par les vagues suggèrentun sens pratique au-dessus de la moyenne.

D’après lui, les prévi-sions anglaises étaientles plus utiles. Les pré-visions depuis Bergen

étaient formulées en terminologie de« fronts » et de ce fait incomprises desmarins. Mais, pour l’élaboration de sesanalyses, Rossby insiste avec emphasesur l’intérêt du modèle de Bergen pourextraire un maximum d’informations de chaque observation de navire isolé. Il apparaît ici comme un interprèteenthousiaste des idées de Bergen.

Aucun événement particulier ne mar-quera le reste de la croisière, mis à partl’opération de l’appendicite d’un cadet,à Torquay. Mais l’intérêt de Rossbypour les sujets humanistes, cité parBergeron, apparaît aussi dans ces pre-mières publications. Le navire s’étaitarrêté pour une semaine à Aberdeen,laissant du temps à Rossby pour uneexcursion dans les Highlands. Il dédieun paragraphe à la comparaison descollines écossaises avec les montagnesnorvégiennes plus abruptes, et parled’anciens repaires de brigands dans les vallées, qui lui rappelaient des histoiresde Walter Scott. Il compare la position àflanc de colline de Queenstown à laville côtière de Visby sur l’île deGotland dans la Baltique, et, à Torquay,il décrit les jolies femmes, les hommeshabillés en tenue de tennis et aux voi-tures luxueuses, et les hôtels dont l’élé-gance est seulement outrepassée parleur prix ! Il décrit aussi le navire àl’ancre, se balançant dans la rade unmatin de brouillard, comme un oiseaublanc géant soulevant lentement sesailes pour voler.

Aussi dur qu’ait pu être ce voyage et leprécédent, notre futur théoricien Rossbyse porta volontaire pour un troisièmepériple l’été suivant, mais cette foispour Madère !

Émigration et réussiteLe travail routinier de prévision auCentre météorologique de Stockholmn’était pas satisfaisant pour Rossby. En1925, il postula et obtint une bourse dela Sweden-America Foundation deStockholm. La raison communémentadmise de la venue de Rossby enAmérique est celle citée par HoraceByers dans la biographie de Rossbyqu’il écrivit pour la U.S. NationalAcademy (Byers, 1960) : « pour étudierl’application de la théorie du frontpolaire aux conditions météorologiquesaméricaines. »

Cependant, la Sweden-America Foun-dation de Stockholm rapporte queRossby fut un des six bénéficiaires

Figure 4 - Carte de météo marine du 10 août 1924 à 07 h 00 UTC, copie des archives du Meteorological Office du Royaume-Uni

(avec l’aimable autorisation de A. Persson). La position du af Chapmanest indiquée par la marque en forme de nœud papillon située à lapointe nord-ouest de l’Irlande, comme interpolée sur la figure 3.

Les isobares sont à intervalles de 2 mb.

Figure 5 -Comme pour la figure 4, mais pour le 11 août 1924 à 07 h 00 UTC.

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(1) Le salaire annuel pour un professionnel du1er grade dans la loi de finances de 1923 était1 860 dollars. L’AMS possède une copie de larétribution de Rossby dans un tel poste, datée du12 juillet 1926, et une clôture datée du 11 oc-tobre 1926. C. Bates (1 998, communication per-sonnelle) a suggéré que ce pouvait être unerétribution temporaire jusqu’à ce que la boursesuédoise soit en place. Aussi bien Julie Burba del’AMS que John Lewis m’ont dit, individuelle-ment, qu’ils n’avaient rien trouvé sur Rossbydans les archives du Weather Bureau au milieudes années 1920.

tif faites par Rossbydans le sous-sol duBureau (figure 9). Et,de fait, la premièrepublication de Rossbyaux États-Unis (Ros-sby, 1926) parle desconditions de ces ex-périences, même siaucun résultat n’estdonné. Quoi qu’il ensoit, cette bourse eutune importance ma-jeure pour la Météo-rologie américaine et ledéveloppement de lascience atmosphérique.

Je cite ce fait car il mesemble que Rossbyn’aurait pas pu s’in-troduire rapidementdans les cercles mé-téorologiques auxÉtats-Unis sans cettebourse, et cela à unmoment critique pourle développement dela météorologie.

Anders Persson m’a écrit que le climato-logiste suédois C.-C. Wallén lui a racontéune fois comment son père Axel Wallén,alors chef de l’Institut météorologique ethydrologique suédois, avait rendu visite àRossby avant le départ de ce dernier. AxelWallén se rappelait par la suite avechumour : « Oui, il aurait été bon de l’avoir fait rester, mais puisque Rossbyavait des difficultés à tenir en place,Wallén comprit qu’il voulait trouverd’autres voies ailleurs. De par sa natureet son talent, deux routes s’ouvraientpour lui aux États-Unis, soit aller trèsloin, soit finir en prison ! » (C.-C. Wal-lén est convaincu que son père a aidéRossby à aller en Amérique).

Nous savons queRossby n’est pas alléen prison. Et noussavons aussi qu’il n’ajamais « tenu enplace ». Cependant,la possibilité d’allertrès loin en Amériquen’était pas évidente au Weather Bureau àl’arrivée de Rossby.Horace Byers (1960),Charles Bates (1989)et Jerome Namias(1995) sont unani-mes dans leur des-cription du bureaucomme étant en sta-gnation.

Ce n’est pas que les États-Unis n’avaient jamais eu de réflexion météo-rologique solide. Chester et HarrietNewton ont décrit ces antécédents, principalement à partir du XIXe siècle(Newton and Newton, 1994). Les idéesde l’école de Bergen avaient même étépubliées dans la Monthly WeatherReview de 1919 grâce à plusieurs arti-cles signés par Bjerknes. Et, comme rapporté dans le papier des Newton,Clarence Leroy Meisinger, un jeunemétéorologiste du Weather Bureau,avait appliqué avec succès les idéesnorvégiennes à une tempête dans leColorado. Mais ces promesses initialess’était arrêtées là en 1924, à la suite de la mort de Meisinger dans un accidentde ballon. Toutefois, en plus des ex-périences de rotation, Rossby fit desétudes synoptiques comme l’a men-tionné Byers, en collaboration avec R. H. Weightman, pour appliquer lesidées sur les fronts à l’Amérique duNord (Rossby et Weightman, 1926).

Rossby trouva une âme compatissantechez le lieutenant de marine FrancisReichelderfer, alors chef de l’équiped’aérologie marine installée dans ladivision Prévision du Bureau (Bates,1989), [figure 7]. Reichelderfer avaitétudié personnellement les idées norvé-giennes et était ravi de rencontrer quel-qu’un qui avait vraiment travaillé àBergen. Il devait plus tard prendre latête du Weather Bureau avant la Se-conde guerre mondiale, à temps pourmettre en place les grands changementspositifs qui étaient nécessaires.

L’article éclairant de Bates (1989) décritcombien les personnalités différentes deRossby et Reichelderfer se complé-tèrent pour le plus grand bénéfice de lascience et des méthodes météorolo-giques. Grâce à Reichelderfer, Rossbyrencontra Harry Guggenheim du FondsDaniel Guggenheim pour la promotionde l’aéronautique. Harry finança uneprolongation du séjour de Rossby etl’embaucha comme représentant rému-néré du Fonds auprès du « Committeeon Aeronautical Meteorology », dépen-dant du gouvernement.

Figure 6 - Comme pour la figure 4 mais pour le 12 août 1924 à 07 h 00 UTC.

Figure 7 - De gauche à droite : J. Namias, F. W. Reichelderfer et C.-G. Rossby, à Washington en 1955.

parmi les quatre-vingt-dix qui avaientpostulé en 1925 (Mundebo, 1997). Il reçut 1 000 dollars « pour étudier des problèmes de météorologie dyna-mique ».

Comme bourse d’étude, c’était unesomme considérable(1). Hurd Willett, ex-professeur au MIT (MassachusettsInstitute of Technology), était, en 1926,stagiaire dans la division Prévision duWeather Bureau des États-Unis. Dansses souvenirs, à l’occasion de la célébra-tion du cinquantième anniversaire dudépartement de météorologie du MIT,Willett (1977) donne une importanceconsidérable aux expériences en bac rota-

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Horace Byers (1960) écrit qu’une séried’incidents mineurs conduisit à unecrise ouverte entre Rossby et l’adminis-tration du Weather Bureau, si bien queRossby devint littéralement persona nongrata. Selon Bates (1989), la rupturef inale se produisit quand le nouvelhéros américain Charles Lindbergh,revenu depuis peu de son vol en solovers Paris en mai 1927, demanda àRossby de faire la prévision pour un volde Washington à Mexico. Rossbyaccepta, ce qui irrita vivement le direc-teur du Bureau, C. F. Marvin, et Rossbyfut mis à la porte.

Bates écrit que Reichelderfer avaitdemandé avec insistance à Guggenheimde financer un système modèle de rou-tes aériennes en Californie, avec Rossbycomme responsable. Les vols entre SanFrancisco et Los Angeles étaient faitssans radio et traversaient la CentralValley dans les deux sens. Le bureauavait déjà un système simple, avec quatrestations de mesure sur la route directevers Oakland, Fresno, Bakersfield et LosAngeles. Rossby réalisa que le mauvaistemps pouvait, sur cette route, provenirdes régions montagneuses proches, etdéveloppa donc un réseau régional desites de mesures avec l’aide d’un jeuneétudiant, Horace Byers.

Il serait difficile d’abréger ou d’améliorerla description que fait Bates de ces déve-loppements, je vais donc le citer :« Ils réussirent finalement par ajoutertrente points d’observations auxiliairesen obtenant, par leur persuasion, la par-ticipation de personnels des chemins defer, des services d’incendie et d’autresd’origines variées. En participant à dessoirées avec les pilotes de la Western AirExpress, Rossby les convainquit d’utiliserune entreprise météorologique à pleintemps plutôt que de simplement télépho-ner au Weather Bureau en ville. » (Bates1989)

En conséquence, J. J. George devint lepremier météorologiste du pays embau-ché par une compagnie aérienne com-merciale. (L’appendice A donne quel-ques souvenirs de Horace Byers sur cesévénements). Rossby prépara un rap-port étoffé contenant les idées motivantcette démarche, et le dispositif fut trans-féré de façon formelle au WeatherBureau en 1928 (Rossby, 1928). Sonsoutien à la météorologie privée s’ex-primera à nouveau à la f in de laSeconde guerre mondiale.

Ainsi, à trente ans, et seulementquelques années après son arrivée auxÉtats-Unis, Rossby était une figure éta-

blie de la météorologie américaine.Mais, il faut le souligner, ce n’était pasdu fait de ses contributions théoriques.

Les années MITEn 1928, Rossby devint professeurassocié de météorologie dans le dépar-tement d’aéronautique du Massachu-setts Institute of Technology (MIT). Enpeu d’années, celui-ci devint le princi-pal département de météorologie desÉtats-Unis. L’importance de la météoro-logie s’est alors accrue au MIT, pourplusieurs raisons (Bates, 1989) : Rei-chelderfer devait assurer la formationdes prévisionnistes marine, et seules dessolutions temporaires étaient possiblesavec Harvard ; l’efficacité de Rossbyétait bien connue ; et Jerome Hunsaker,responsable du département aéronau-tique, était intéressé par la prévisionmétéorologique pour les ballons diri-geables.

Lorsqu’il était au Weather Bureau,Rossby avait organisé une visite deHurd Willett à Bergen. Il s’arrangeapour que Willett le rejoigne rapidementau MIT et, ensemble, ils se mirent àprêcher les louanges de la météorologiedes fronts et des masses d’air, tout d’a-bord aux étudiants de la marine, puisaux étudiants civils et militaires. JörgenHolmboe, arrivé depuis peu de Nor-vège, devait par la suite rejoindre JackBjerknes à l’Université de Californie àLos Angeles (UCLA).

La carrière de Rossby au MIT duraonze ans, de 1928 à 1939. En 1931, ildevint aussi chercheur associé de laWoods Hole Oceanographic Institution.On connaît bien les nombreuses contri-butions théoriques qu’il a consacrées, àcette période, à la thermodynamique del’atmosphère, à l’hydrodynamique de l’océan comme de l’atmosphère, ainsique son soutien à Hurd Willett etJerome Namias dans leurs tentativesd’étendre l’échéance des prévisions à 5 jours.

Même si je mets en valeur les contribu-tions de Rossby qui ne sont pas de naturethéorique, je dois attirer votre attentionsur un aspect subtil de sa contributionthéorique la plus connue, la formule de1939 sur le mouvement des ondes lon-gues (Rossby, 1939). Pour illustrer monpropos, je réécris la formule en fonctionde la fréquence au lieu de la vitesse dephase et pour une onde barotrope plane àdeux dimensions dans l’atmosphère aurepos.

expi(kx + ly - ωRt), (1)

2Ω cosθ kωR = - ––––––––––, (2)a(k2 + l2)

où ωR est la pulsation, k et l les nombresd’onde en x et en y, Ω et a la vitesseangulaire et le rayon de la terre, et θ lalatitude.

Rossby n’a jamais, dans ses écrits, uti-lisé une équation du mouvement encoordonnées sphériques. Il commençaittoujours par les idées physiques de baseexprimées dans la géométrie la plus sim-ple. Cela a déjà été souligné par GeorgePlatzman (1968) au cours de son dis-cours à la mémoire de Symons à laRoyal Meteorological Society. Peu aprèsl’article de Rossby de 1939, BernhardHaurwitz (1940) fit remarquer que lemouvement d’onde de Rossby était enprincipe identique à celui découvert versles années de la naissance de Rossby,indépendamment, par Margules (1893)et Hough (1898), dans leurs études surles oscillations d’une pellicule fluidesphérique en rotation. Pour le cas hori-zontal non divergent traité par Rossby,Haurwitz obtint la formule exacte encoordonnées sphériques.

Pn

s(θ)expi(sλ - ωHt) (3)

2Ωs ωH =- ––––––– (4)n(n+1)

s = 1, 2, 3,… ; n = s, s + 1,…

où λ est la longitude, s est la compo-sante du nombre d’onde dans la direc-tion est-ouest, et n son intensité totale.La formule de Rossby reposait sur uneutilisation purement intuitive des coor-données cartésiennes du plan dit tan-gent. Cela est inévitablement faux, maisest bien plus profond et utile que la for-mule sphérique exacte d’Haurwitz.

Le point crucial est que l’approche deRossby conduit d’elle-même à considé-rer une distribution continue des nom-bres d’onde k et l, tandis que la formulesphérique d’Haurwitz est pour des nom-bres d’ondes s et n à valeurs discrètes.Le concept de vitesse de groupe,

∂ω ∂ωCgrp = (–––, –––), (5)∂k ∂l

émerge de manière naturelle quand lenombre d’onde est continu. Mais, quandseuls des nombres d’ondes à valeurs dis-crètes sont permis, ce concept n’émergepas naturellement. Et la vitesse de groupeest souvent plus importante que la vitessede phase. La propagation zonale de l’énergie et de la fréquence de l’onde à

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la vitesse de groupe est un phénomènemarquant qui est maintenant souvent misen évidence et est montré pour la pre-mière fois très clairement dans le célèbrediagramme de Hovmöller (1949) suite àsa formulation par Rossby (1945a).

De plus, comme mesure de l’étendue deleurs influences, les composantes vertica-les et latitudinales de la vitesse de groupepour les ondes de Rossby étaient aussid’importance pour Charney en 1949,quand il a dû décider de la taille quedevait avoir le volume de la prévisionpour les premières prévisions numériques(Charney, 1949). La réponse à cette ques-tion pratique d’importance critique pourle succès des prévisions numériques futgrandement facilitée par la préférencenaturelle de Rossby pour les géométriessimples.

Rossby a été extrêmement eff icacecomme enseignant et comme sourced’inspiration pour ses collaborateurs etses étudiants au MIT à Chicago, et àStockholm, tel que le décrit brillammentJohn Lewis (1992) dans un article duBulletin sur Rossby en tant que mentor.Et, dans ses souvenirs du MIT, le profes-seur Hurd Willett (1977) parle de Rossbycomme « l’âme » du département.

Au MIT, Rossby se lança dans l’exerciceinfluent de création de nouvelles revues.Il le fit à quatre reprises. Au MIT et auWoods Hole, il lança la revue apériodiqueMassachusetts Institute of Meteorologi-cal Papers, qui deviendra plus tardPapers in Physical Oceanography andMeteorology. À Chicago, il débuta lasérie du département : Institute ofMeteorology, Miscellaneous Reports. Denombreux numéros de cette série furentpréparés pour répondre à des problèmesde prévision rencontrés par les prévision-nistes militaires en campagne. Ces der-niers étaient très efficaces à tester lamatière au cours du programme de com-bat pour la météorologie organisé parRossby depuis Chicago et Joseph Kaplandepuis l’UCLA.

Les Miscellaneous Reports s’arrêtèrentquand l’American MeteorologicalSociety (AMS) lança la revue suivante deRossby en 1944. Ce fut le Journal ofMeteorology, qui devint par la suite leJournal of the Atmospheric Sciences.Enfin, en 1949, après son retour enSuède, il débuta la revue géophysiquesuédoise, Tellus. Lancer chacun de cesjournaux impliquait d’obtenir un accordéditorial, de l’aide, de l’argent, des relec-teurs et de solliciter des articles nouveauxintéressants pour asseoir le journal surdes bases respectables.

Juste avant la Seconde guerre mondiale,en 1939-1940, Rossby a été adjoint audirecteur pour la recherche au WeatherBureau sous Reichelderfer, où il amodernisé la recherche et la formationdes prévisionnistes.

Chicago, les années de guerre,et l’AMSRossby s’installa à l’université deChicago en 1941, au moment de l’en-gagement des États-Unis dans laSeconde guerre mondiale. HoraceByers le secondait à l’université et araconté cette période mouvementée(Byers, 1959, 1960). Selon ses dires,Rossby se battit immédiatement pour leprogramme de formation météorolo-gique qu’il savait indispensable auxservices de l’armée. Il organisa lecomité météorologique de l’universitéavec l’aide du géophysicien JosephKaplan et celle de Eldon L. Johnson. Ilfaisait souvent la navette entre civils etmilitaires. Il en résulta ce que l’on peutconsidérer comme le programme d’ins-truction militaire le plus performant dece temps. Byers fait remarquer que« seul le charme de Rossby pouvaitconvaincre les militaires qu’il était pré-férable de faire cela à l’université ».Environ 8 000 officiers météorologistesont suivi cet enseignement et le pro-gramme connexe de combat aérien(Bates and Fuller, 1986).

Dans leurs ouvrages America’s WeatherWarriors (Bates and Fuller, 1986) etThor’s Legions (Fuller, 1990), CharlesBates et John Fuller décrivent quelques-unes de ces visites à des centres mili-taires. En janvier 1944, les opérationsaériennes qui faisaient suite à l’invasionréussie de l’Italie commencèrent àinclure des raids stratégiques de bom-bardements aériens. Rossby se renditdans la zone pendant cinq semainespour étudier la compétence du groupemétéorologique local à soutenir ce typed’opérations aériennes. On ne put pasappliquer ses recommandations majeu-res du fait de problèmes de commande-ment, mais le Air Weather Serviceenvoya tout de même Jack Bjerknes etVincent Oliver dans la région pour aiderles prévisionnistes. Selon Oliver (1998,communication personnelle), Bjerknestravaillait sur l’analyse de surface desfronts et Oliver enseignait l’analyse dela haute atmosphère pour en déduire lacouverture nuageuse. De plus, début

1944, quand le général Spaatz de la 8e Air Force en Angleterre eut besoin depersonnel de coordination météorolo-gique pour ses opérations de bombarde-ment, Rossby eut son mot à dire sur lechoix du commandant américain de l’équipe, le colonel Don Yates. Puis,vers la fin 1944, lorsque les bombar-diers B-29 survolant le Japon rencontrè-rent les vents extrêmes du courant-jetd’hiver dans la région. Rossby fut l’undes météorologistes envoyés là-bascomme conseiller (l’appendice B pré-sente quelques expériences vécues decourants-jets en Europe pendant laSeconde guerre mondiale).

Rossby faisait plus qu’organiser le pro-gramme universitaire d’entraînement, iltravaillait l’enseignement. Dans l’undes articles du Miscellaneous Reportdont je me souviens le mieux quand j’étais prévisionniste aux Açores,Rossby, Vincent Oliver et MollieBoyden (qui sera madame Oliver plustard) décrivent comment de l’informa-tion pouvait être extraite d’un radioson-dage isolé et d’un radio-vent. Il estfacile d’imaginer qu’en écrivant cetarticle, Rossby se rappelait l’expériencequ’il avait acquise vingt ans auparavantau large de la côte irlandaise.

En même temps que ces activités liéesà la guerre, Rossby fut président del’AMS en 1944 et en 1945. L’AMS s’était formée à la f in 1919 sous ladirection de Charles Brooks. Mais,même avant l’invasion de la Norman-die en juin 1944, Rossby réalisa quel’expansion récente du savoir météoro-logique, de la technologique et deshommes demanderait davantage del’AMS que ce que son organisationd’amateurs bénévoles pouvait suppor-ter : une véritable société savante pro-fessionnelle était nécessaire. En tantque président, il dirigea ce changement.Dans le Bulletin of the AmericanMeteorological Society de juin 1944, ildécrit les objectifs qu’une telle sociétédevrait poursuivre. Ces objectifs étaientles suivants :– une coopération entre compagniespubliques et privées en météorologie ;– une qualité et une éthique profession-nelle ;– un suivi d’emploi des membres pro-fessionnels ;– un suivi des offres d’emploi ;– une assistance pour les météorolo-gistes privés ;– un encouragement à la recherche en« météorologie pour l’économie » ;– un nouveau journal technique ;– une expansion du service des publica-tions de la Société ;

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– le développement du programme duséminaire local ;– la participation à des formations avan-cées et– une assistance aux universités pour ledéveloppement de cours de culturemétéorologique.

On est étonné par le bien-fondé de cetteliste. Il n’y a été fait, depuis, quequelques ajouts significatifs : un systèmede prix et de récompenses, une accrédita-tion des présentateurs de bulletins télévi-sés, les comités techniques avec leursréunions spécialisées et le programmed’attribution des bourses, récemmentélargi. Tout le reste n’est qu’une amplifi-cation des thèmes de la liste de Rossby.

En 1945 et 1946, avec l’aide de CharlesBates et de feu Frances Ashley, Rossbys’est mis à encourager l’utilisation demétéorologistes par l’industrie privée(C. Bates, 1997, communication person-nelle). Des réunions furent organiséesavec les industriels les plus influents, àChicago, Boston et New York, typique-ment pour environ quarante participants,dans des lieux luxueux, comme leParker House et le Waldorf-Astoria. Laprésentation orale de Rossby à Chicagofut une pièce d’anthologie dans sa des-cription des avancées les plus récentes(Rossby, 1945b). Malheureusement, lecharme légendaire de Rossby ne fut passuffisant pour convaincre ces audiences.Elles étaient satisfaites des services gra-tuits du Weather Bureau.

Heureusement, il y avait des individusdéterminés qui travaillèrent dur à setailler une niche dans le monde nouveaude la météorologie privée. En 1970, larécompense de l’AMS pour servicesexceptionnels rendus à la météorologiepar une entreprise fut allouée à ungroupe de ces pionniers : A. H. Glenn &Associates, Murray et Trettle, Inc.,North American Weather Consultants,Northeast Weather Service, et WeatherCorporation of America. Grâce à leursinitiatives et celles d’autres personnes,comme Henry Houghton, le successeurde Rossby, et le nouveau secrétaire exé-cutif de l’AMS, Kenneth Spengler, lamétéorologie privée devint une partieflorissante de notre profession.

Le soutien de l’AMS pour cette activiténe fut pas facile. Le capitaine Orville, dela Marine, le colonel Yates, du AirWeather Service et le chef du WeatherBureau, Reichelderfer, aidèrent à l’ob-tention de bourses pour ce travail de lapart de la fondation Guggenheim et de laFriez Corporation. Mais le trésorier del’AMS démissionna pour protester

contre l’allocation de maigres ressour-ces au développement de la météo-rologie privée et l’embauche de météo-rologistes rendus à la vie civile (AMS,1997).

Horace Byers (1959) indique dans leRossby Memorial Volume, que les ensei-gnants d’autres universités ne croyaientpas que Rossby ait fait un travail scien-tif ique quelconque à cette époque.C’était pourtant en 1945 que son articlesur la vitesse de groupe avait été publié(Rossby, 1945a) !

Au cours des années d’après-guerre,Rossby fit venir de nombreux météorolo-gistes étrangers à Chicago. C’était lemoment où le courant-jet commençait àêtre reconnu comme un phénomène cir-cumpolaire plus ou moins continu, à par-tir des nombreuses coupes verticales etcartes analysées par Erik Palmén, ChesterNewton et Herbert Riehl. Pendant cettepériode, Horace Byers mena un travailindépendant sur le « ThunderstormProject » (Projet orages), le premier denombreuses campagnes météorologiquesde terrain soutenues par le gouverne-ment. Dave Fultz modélisa dans sonlaboratoire les mouvements de l’at-mosphère dans une coque hémisphériqueen rotation et une « bassine » chauffée. Àla fin du contrat de Rossby à Chicago, etpeut-être plus prophétiquement, GeorgePlatzman commença à enseigner la pré-vision numérique du temps, et VernorSuomi commença son ascension dans lamétéorologie satellitaire avec le dévelop-pement d’un hygromètre à point de roséepour mesurer la vapeur d’eau stratosphé-rique.

Retour en SuèdeLe professeur Bert Bolin a récemmentdépeint les vingt-cinq premières an-nées de l’Institut météorologique deStockholm qui, pendant ses dix pre-mières années, a eu Rossby commedirecteur (Bolin, 1997). On s’intéressaitsuffisamment à la météorologie en Suèdeaprès la Seconde guerre mondiale pourétablir deux nouvelles chaires de profes-seurs une pour Rossby à Stockholm etune deuxième à Uppsala pour TorBergeron. Rossby prit sa chaire en 1947,mais retourna de temps en temps àChicago et Woods Hole jusqu’à la fin desa vie. Quelques-uns de ces allers-retoursimpliquaient des devoirs reflétant un vraisens des responsabilités.

Il continua, selon sa tradition antérieure, àaccueillir de nombreux visiteurs, si bien

que son Institut de météorologie àStockholm prit une vraie tonalité interna-tionale. Par exemple, dans une lettre de1991 (J. Lewis, 1997, communicationpersonnelle), Bolin liste des gens dedouze pays qui sont restés pendant les dixannées de Rossby en Suède. Dans ses lettres à Jule Charney, Rossby mentionneaussi d’autres visiteurs de courte durée,par exemple d’Allemagne de l’Est.

Cette correspondance avec Charney étaitimportante ; les archives du MITcontiennent quarante-deux lettresmanuscrites de Rossby à Charney aucours des huit années suivant 1948.Rossby s’enquérait des progrès, suggé-rait des idées et des noms, et promettaitune publication rapide des manuscritsdans Tellus, y compris le célèbre articlede Charney, Fjørtoft et von Neumann(Charney et al., 1950) sur les premièresprévisions numériques du temps.

Figure 8 - Portrait de Rossby par l’artiste B. Artzybasheff,paru dans le magazine Time le 17 décembre 1956.

Pendant ce temps, l’Institut technique deStockholm avait envoyé des ingénieursaux États-Unis pour suivre les progrès dela construction des ordinateurs. Dès1952, l’ordinateur « Besk » était en cons-truction à Stockholm, suivant les idéesde von Neumann et de son équipe dePrinceton. En 1953, Rossby travaillaintensivement à l’application du Besk àla prévision barotrope du temps. Lesmétéorologistes qui y furent les plusactifs étaient deux Islandais, troisSuédois et deux Américains. Ce groupede Stockholm fut le premier à faire desprévisions numériques suffisammentrapides pour une utilisation en temps réel(Staff Members, 1954).

À cette époque, Rossby commença às’intéresser au champ en jachère qu’étaitla chimie atmosphérique, un domaine

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complètement nouveau pour lui. Il mit enplace rapidement un groupe de travaildans son institut autour d’Erik Eriksson.Ils étudièrent le problème du dioxyde decarbone et les sources naturelles et artifi-cielles de divers composés chimiquesdans l’eau et l’air. L’acidification despluies fut analysée et portée à l’attentiondes pays industriels. Rossby résuma lui-même ce travail d’éclaireur dans un ar-ticle publié dans le Rossby MemorialVolume peu après sa mort (Rossby, 1959).

À la fin de l’article accompagnant saphoto en couverture du magasine Time en1956 (Rossby, 1956) (figure 8), Rossbyest cité : « Toucher à quelque chose peutêtre dangereux. La nature peut être ven-geresse. Nous devrions avoir un trèsgrand respect pour la planète surlaquelle nous vivons. »

De ce fait, il rejoignit la poignée de scien-tifiques de par le monde qui lancèrent desavertissements dans la période qui pré-céda juste la publication explosive dulivre de Rachel Carson, Silent Spring, en1962. Au nombre des personnes appeléesà rejoindre ce groupe de chimistes del’atmosphère, se trouvait Paul Crutzen,qui partagea un prix Nobel de Chimie en1995.

Mais les intérêts de Roosby évoluèrent,comme toujours, et, au cours de la der-nière année de sa vie, on dit qu’il envisa-geait un départ pour le Moyen-Orient envue d’y étudier le problème du cycle del’eau.

La sociabilité de Rossby et Jule CharneyComme beaucoup d’entre vous le savent,Rossby s’attachait à réunir des personnesdiverses, pas seulement comme collèguesde travail, mais aussi à des fêtes, dont ilétait très féru. Je vais illustrer les résultatsfructueux de cette activité par trois casimpliquant Jule Charney. Hormis uneconférence à l’UCLA, vaguement gardéeen mémoire, Jule n’a pas vraiment ren-contré Rossby avant 1946 à Chicago(Platzman, 1990).

En avril 1940, l’Allemagne envahissait laNorvège. À ce moment-là, Jack Bjerkneset sa famille étaient aux États-Unis pourune tournée de conférences de longuedurée. Joseph Kaplan, sur le conseil etavec l’aide de Rossby, fit venir Bjerknesà l’UCLA, en 1940, afin de démarrer une

nouvelle unité de météorologie dans ledépartement de physique pour l’instruc-tion des officiers météorologistes. JörgenHolmboe, ancien collaborateur deRossby au MIT, et Morris Neiburgerrejoignirent Bjerknes à l’UCLA. Neibur-ger continua sa thèse de recherche sous latutelle de Roosby tout en enseignant lamétéorologie aux cadets à l’UCLA. Cesdéplacements, provoqués naturellementpar Rossby, préparèrent involontairementle terrain à la vocation de Charney pour lamétéorologie.

En 1941, Jule était étudiant en licence demathématiques à l’UCLA, quand il en-tendit une conférence de Holmboe sur unétrange sujet appelé « météorologie »auquel il trouva un intérêt suffisant pouraccepter un poste d’assistant chezHolmboe. Mais, selon l’interview deCharney en 1980 par George Platzman(Platzman, 1990), il semble que Jule n’était guère stimulé par la météorologiedynamique jusqu’à ce que Neiburger l’initie à l’article de Rossby de 1939. Parconséquent, nous voyons que le penchantde Rossby à créer des contacts humains,non seulement initia Charney à la météo-rologie via l’importation de Holmboe auMIT, mais maintint aussi son intérêt dansce domaine grâce à la mutation deNeiburger à l’UCLA. Charney reçuaussi de bons conseils de Theodore vonKarman au California Institute ofTechnology (Cal. Tech.) sur les poten-tialités de la météorologie. L’influencede Rossby ne fut pas, cette fois, liée à unefête.

Plus tard, l’océanographe HenryStommel fut l’un des condisciples actifsde Charney. En route pour la Norvègedepuis l’UCLA, Jule s’arrêta à Chicago,et Rossby le convainquit de reporter lasuite de son voyage de neuf mois.Pendant cette période, Jule et Stommelse rencontrèrent à une soirée organiséedans l’appartement de Rossby (voir p. viii in Platzman, 1990). Au cours desannées, il y eut de nombreuses rencont-res fructueuses entre Charney etStommel, mais l’exemple le plus mar-quant a été l’article de Charney, publiéen 1955, qui décrit le Gulf Stream baro-cline comme un courant de couche limiteinertiel. Charney (1955) termina sonarticle avec l’aveu de sa dette enversStommel : « dans la compagnie édifianteduquel le problème du Gulf Stream futdiscuté encore et encore jusqu’à cequ’on puisse dire qu’il se trouva résolucomme par enchantement. »

Mais la présentation de loin la plusimportante que Rossby organisa eut lieuen août 1946. Le docteur Frederik

Nebeker a raconté comment John vonNeumann vint à s’intéresser à la prévi-sion météorologique (Nebeker, 1995). Il écrit que Rossby et von Neumann serencontrèrent la première fois en 1942. En avril 1946, Rossby écrivit à Reichelderfer et à von Neumann insi-nuant que le gouvernement pourraitsoutenir un groupe dirigé par vonNeumann pour le développement deprévisions météorologiques avec lenouvel ordinateur qui serait construit àPrinceton selon les idées de vonNeumann. Von Neumann écrivit à laMarine en mai et convoqua une assem-blée à Princeton en août pour discuterde cette possibilité.

Jule était à Chicago pour plusieursmois, son voyage pour la Norvège ensuspens, quand Rossby le décida àassister à la réunion de Princeton et àrencontrer von Neumann. Rétrospecti-vement, le seul résultat significatif decette réunion d’août fut que Charney etvon Neumann firent connaissance. Ilpurent, à partir de là, travailler étroite-ment ensemble après le retour deCharney de la Norvège aux États-Unis,nanti de sa théorie quasigéostrophique.Aucune autre conclusion significativepour la météorologie ne fut produitedans cette réunion, en dépit des vingtmétéorologistes de premier plan quiétaient présents !

L’intérêt constant de Rossby était lemélange turbulent dans l’atmosphère etl’océan ; peut-être que sa contributionprincipale à la turbulence vint de son art àmélanger les gens !

Rossby et le travail pratiqueHorace Byers, vers la fin de ses écritsbiographiques sur Rossby (Byers, 1960)dit : « Un trait de son caractère était sonincapacité totale à maîtriser quoi que cesoit de pratique. » Nous avons vu,cependant, que Rossby était capable defaire et d’analyser des observations deballons-pilots à bord de l’af Chapmanen 1924.

Il avait souvent des idées sur des sujetspratiques. Par exemple, il s’adjoignitl’aide du professeur W. Humphreys et detechniciens au Weather Bureau, peu detemps après son arrivée, pour faire desexpériences sur les ondes baroclines dansun bac en rotation (figure 9). Le profes-seur Hurd Willett du MIT rappelait, en1977, que Rossby était convaincu que les

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prévisionnistes pourraient apprendrele comportement de l’atmosphère enregardant les mouvements dans cettecuve. Ce n’est pas aussi tiré par les che-veux que cela peut en avoir l’air ; il fautse rappeler qu’en 1926, on n’avait riend’autre à regarder qu’une carte météo-rologique de surface, pour des petitesportions du globe, et normalement seu-lement une fois par jour !

Au MIT, il renouvela son intérêt pourl’observation de l’atmosphère. Pour lesprofesseurs d’aéronautique (Lewis,1992), puis pour les étudiants de l’avia-tion militaire comme l’ancien colonelArthur Merewether (Sykes, 1997), ilmit en place la mesure de températureet d’humidité au moyen des ascensionsdes avions. Et d’après John Lewis(1992), au cours d’un déjeuner de hotdog et de haricots, Rossby persuadaAthelstan Spilhaus d’étudier le compor-tement d’un jet d’eau dans une cuve enrotation.

Dans le livre Woods Hole Reflections,William MacLeish (1983) écrit queRossby « conçut un mécanisme quipouvait mesurer la température conti-nûment depuis la surface jusqu’à plu-sieurs centaines de pieds deprofondeur ». Le procédé de Rossby futamélioré par Spilhaus, Maurice Ewinget Allyn Vine pour donner le bathyther-mographe, qui devint un outil nouveaupour l’océanographie physique juste àtemps pour les opérations sous-marinesde la Seconde guerre mondiale. DaveFultz rapporta à John Lewis (1992) queRossby et Victor Starr lui suggérèrentd’explorer le mélange turbulent à l’aided’une coque hémisphérique.

Je termine avec une traduction de l’apo-logie écrite par Tor Bergeron pourl’Académie suédoise peu après la mortde Rossby (Bergeron, 1958) :« Avant lui, pour ainsi dire aucun scien-tifique, de par ses résultats et sa person-nalité, ne semble avoir eu une influenceaussi importante sur la météorologiecontemporaine de son époque. Il se peutbien qu’il y ait eu des théoriciens plussavants dans cette science ; il y a aussieu des organisateurs de premier ordre etdes personnes innovatrices avec lamême capacité de travail. Mais dans C.-G. Rossby se combinaient de grandstalents dans tous ces domaines et il avaitle don rare de les utiliser avec sagessejusqu’à en faire bénéficier la météorolo-gie pratique. Il était aussi l’archétype dupionnier, qui labourait les terres viergespour y construire sa propre maison,mais qui, quand le voisinage commen-çait à se densifier, se déplaçait vers unsol vierge.

À la fois ceux qui l’ont connu et suivi aucours de toute sa carrière, et ceux quiont eu des contacts avec lui par la suite,trouvaient en lui un ami et un collèguefidèle, prêt à aider et toujours encoura-geant. Personne ne pouvait résister àson enthousiasme communicatif et à soncharme personnel ; en tant que meneur,il pouvait obtenir le maximum même desplus récalcitrants et abordait toujoursles objections avec une douce persua-sion. »

RemerciementsAu cours de la préparation de cette confé-rence, j’ai reçu une aide enthousiaste debeaucoup de gens ; principalement deAnders Persson du Centre européen pourles prévisions météorologiques à moyenterme. Il a partagé avec enthousiasme sonintérêt constant pour Rossby et pourd’autres thèmes historiques, et m’a aidédans la traduction de plusieurs extraits ensuédois. John Lewis et George Platzmanm’ont envoyé une masse de documents,tout comme Charles Bates, RonMcPherson, Chester et Harriet Newton,Kenneth Spengler et Hilding Sundqvist.Les correspondances avec Horace Byers,George Cressman, Arnt Eliassen, VincentOliver, Joseph Pedlosky, Thomas Rossby,Fred Sanders et Morton Wurtele furentaussi très utiles. Je suis très reconnaissantde l’aide du personnel des forces aérien-nes pour l’appendice B.

Ma femme Martha fut une source cons-tante d’encouragement et de critique,comme elle l’a été pendant cinquante-sept ans.

Figure 9 - Rossby devant son bac circulaire rotatif au sous-sol du Weather Bureau américain en 1926.(Reproduction de Lewis, 1992.)

Le deuxième fils de Rossby, Thomas,est professeur d’océanographie à l’uni-versité de Rhode Island. En réponse àune lettre, Thomas écrit de son père :« Bien qu’il ait pu être inepte en travailpratique, ce qui, je pense, est exact, iln’avait vraiment aucun problème àpenser en termes pratiques. » (T. Ros-sby, 1997, communication person-nelle). Cela me semble une estimationtrès pertinente des idées pratiques deC.-G. Rossby et montre qu’il a transmisdes idées très fertiles à d’autres plusdoués que lui en cette matière.

ConclusionsEn avril 1952, Rossby envoya deStockholm une lettre manuscrite de huitpages à Jule Charney (Rossby, 1952).Le paragraphe final rend bien comptede la dévotion que Rossby avait pour lafamille, son goût pour la nature et sapassion pour la science et la vie :« J’écris ceci à mon bureau à 5 h 30 dumatin. J’ai vu le soleil se lever sur laville, le ciel est clair, ma famille dortencore et je peux entendre la respirationde Tommy dans la chambre à côté. Toutest en harmonie avec le monde, je com-mence à me sentir reposé et prie Dieupour que revienne le moment où j’auraienvie de sortir mettre un coup de poing àla figure d’un quidam, scientifiquementje veux dire, au sujet de principes géné-raux. Vous voyez que je vais mieux.

Meilleures pensées, R. »(Le terme « aller mieux » peux faireréférence ici aux troubles cardiaquesque Rossby avait de temps en temps).

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App

endi

ce A

Le professeur Horace Byers m’a envoyéla description suivante des premièresannées de prévisions météo en Cali-fornie dans une lettre datée du 5 janvier 1998.

« Cher Norman,

Soyons clairs. Rossby et moi fûmes lespremiers météorologistes aéronautiques,embauchés par la Fondation DanielGuggenheim pour la promotion de l’aé-ronautique, à partir du 1er mai 1928 àl’aéroport d’Oakland, pour le compted’une ligne aérienne commerciale expé-rimentale : Western Air Express. Rossby adémissionné pour le MIT en 1928 (août)et je l’ai rejoint en 1929. La compagnieWestern Air Express assurait la liaisonOakland – L. A. [Los Angeles] avec desFokker F50, alors qu’à la même époqueun avion de Madox Airlines reliait FordTrimotors à Fresno (une escale).

Auparavant, le seul transport aérienconcernait le courrier, bien que PacificAir Transport eût commencé à faire volerdes Boeing, à une seule turbine, dans les

Les débuts de l’aviation commerciale en Californie

années 1940 – transportant deux passa-gers à Reno et de L. A. vers Salt LakeCity, puis continuant vers l’est avec uni-quement du courrier. Puis les choses évo-luèrent vite pendant que j’étais au MIT.Western Air Express fut réorganisé, deve-nant Western Air Lines, toujours doté desBoeing à une turbine. Puis a été forméTranscontinental Airlines avec un serviceavion plus train de L. A. vers New York.Une série de réorganisations a donnélieu à la naissance de TWA (Trans-continental and Western Airlines), qui amaintenant pris le nom de Trans-WorldAirlines.

Quand je suis revenu en Californie en1932, tous ces changements venaientjuste d’avoir lieu. Western Air Expressavait muté en Western Air Lines de L. A.vers Salt Lake City, sans météorologistes,autant que je sache. Puis [Irving] Krickou Joe George se mit à la météorologie,et la Compagnie Western Air Lines aacquis de plus gros avions. La TWA avaitdéjà débauché, à l’amiable, des aérolo-gistes de la Navy et de la Marine. Kricks’installa à Cal Tech and Western

Airlines. Je ne suis pas sûr de la façondont Joe George entra dans la tableau,mais c’était Krick le patron. WesternAirlines a disparu et TWA est devenu lagrosse compagnie que l’on connaît jus-qu’à la création d’American Airlines en1933, avec d’énormes biplans.

Quand j’étais à l’université de Chicago,Joe George avait mis en place le servicemétéo d’Eastern Airlines. Rossby ne leconnaissait pas et, quand je le proposaipour quelques sessions sur les prévisionsde brouillard en laboratoire, Rossby etWexler y ont mis leur veto et ont utilisé letemps imparti pour des expériences surles grandes ondes dans le flux d’ouestd’altitude (ondes de Rossby).

Joe George était un bon ami, très ai-mable. Il a beaucoup impressionnéCharlies Bates. Mais si vous devez parlerde Rossby, ce n’est pas la peine de parlerde Joe George, Rossby le connaissait àpeine.

Mes amitiés,Horace »

App

endi

ce B

Pendant que j’étais à Phœnix pour laréunion annuelle 1998 de l’AMS, j’ai lul’histoire du 447e groupe de bombarde-ment (8e Air Force, B-17), dans un livreappartenant à mon beau-frère, ArthurNissen, qui était mitrailleur de tourelle.Le livre (Shields, 1997) décrit chaquemission. Juste après mon exposé, danslequel j’ai mentionné que l’avis de C.-G. Rossby avait été sollicité pour tra-vailler sur le courant-jet dans la zonejaponaise, j’ai été frappé en lisant unrapport de mission d’un B-17 citant unerencontre avec un courant-jet au-dessusde l’Europe centrale ; je n’avais jus-qu’alors jamais entendu parler de cou-rant-jet repéré par des avions alliés au-dessus de l’Europe, bien que j’aie étéprévisionniste aux Açores.

L’extrait suivant, tiré du livre de Shields,décrit une mission de jour de douzeavions survolant l’Allemagne centrale à7,6 km d’altitude. (Les valeurs numé-riques de vent et d’altitude sont desconversions d’unités anglo-saxonnes).

Le courant-jet en Europe pendant la Seconde guerre mondiale

« Lundi 29 janvier 1945, (FO 568)(206/811).

À un point au sud de Kassel, nous avonstourné de 90 degrés vers le nord. Lesnavigateurs, en vérifiant leur vitessepar rapport au sol, furent plongés dansl’embarras. Avec une vitesse réelled’environ 129 m/s, nous avions unevitesse au sol d’environ 232 m/s. Levent se maintint jusqu’à que nous attei-gnions la cible.

Nous avons tourné de 180 degrés endirection de la base, reprenant la routeinverse pour le retour. Vers le sud, nousne trouvions qu’une vitesse au sol d’en-viron 26 m/s. Nous étions perplexes surces constatations. De retour dans lasalle de debriefing, les navigateurs sequestionnèrent mutuellement sur cetteinexplicable vitesse de vent. Tout lemonde avait constaté la même chose.D’après ce que nous savons du cou-rant-jet aujourd’hui, c’est ce qui expli-querait le phénomène. »

M. Shields rapporte des phénomènessimilaires les 25 septembre et 18 décem-bre 1944, qui n’ont toutefois pas étédécrits si précisément quant à la force duvent. Charles Bates m’a soumis plusieursnoms pour information sur ce sujet.

Robert Pettersen, un navigateur de B-24dans le 466e Groupe de bombardement, aécrit que, le 18 mars 1945, son groupe arencontré des vents d’environ 103 m/s à7,6 km d’altitude au-dessus de Berlin,provoquant de lourdes pertes par lesdéfenses antiaériennes. Il raconte qu’iln’était pas rare de rencontrer des vents deplus 51 m/s à 6,7 km, mais, d’après sonexpérience, des vents de 51 m/s n’étaientjamais prévus. D’un autre côté, DonaldBaker, prévisionniste pendant la guerre,écrit qu’aucun des membres d’équipagede B-17 ou B-24 avec lesquels il fut encontact dans sa région ne s’est souvenud’un courant-jet.

Elwood White, bibliothécaire à l’aca-démie de l’US Air Force à Colorado

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Cette grave erreur sur la prévision duvent s’est produite peu après le début dela visite de C.-G. Rossby en Italie, où ila conclu que des changements étaientnécessaires dans la protection météopour le bombardement stratégique,comme mentionné dans les livres deBaltes et Fuller (1986) et Fuller (1990).

Cependant, Vincent Oliver, qui étaitalors en mission dans cette région avecJack Bjerknes, écrit (1998, communica-tion personnelle) que leur principaletâche était la prévision de la couverturenuageuse : « Autant que je me sou-vienne, ni Bjerknes ni moi n’avonsjamais été questionnés sur les vents envol – on ne nous disait même pas àquelle altitude les avions volaient. »

L’expression « Strahlströmung », c’est-à-dire courant-jet, a été pour la premièrefois utilisée en météorologie par lemétéorologiste allemand Sielkpof(1939). E. Reiter (1961, 1967) et desréférences citées par Lewis (1998)montrent la présence de forts vents àhaute altitude, à partir de mouvementsde cirrus, avant la Seconde guerre mon-diale, et la rencontre désastreuse par unavion allemand de reconnaissance àhaute altitude au-dessus de la Méditer-ranée dès le début de la guerre. JohnLewis a également attiré mon attentionsur le récit, par Hermann Flohn, d’unvol de douze bombardiers anglais àcourt de carburant lors d’un raid aériensur la France en 1943, en luttant contreun vent de 105 m/s.

Robert Bundgaard (1998, communica-tion personnelle), se souvient avoirentendu Jack Bjerkness se référer aucourant-jet en Angleterre pendant l’été1943. Bundgaard, qui était responsablede la section de haute altitude des forcesstratégiques aériennes américaines en

Europe, m’a écrit que de très forts ventsn’étaient pas rares dans leurs analyses,mais, comme le viseur Norden BombSight ne fonctionnait pas bien dans lesvents forts, les missions étaient alorssouvent annulées.

John Borchet, un prévisonniste opé-rationnel au quartier général de la 2e Division aérienne en Angleterre,après s’être référé à ses notes de prévi-sion, a inclus cette phase intéressantedans une lettre : « Je pense que nousconnaissions tous l’existence d’un cou-rant ondulant, de position et d’épais-seur variable, qui constituait le cœurdes vents d’ouest, mais nous attendionsnaïvement la conceptualisation deRossby et la grande puissance de sesconséquences. »

Rétrospectivement, il semble que lesrencontres sporadiques avec le courant-jet au-dessus de l’Europe, à différentsendroits et moments, dans des direc-tions différentes, n’ont pas interpellésuffisamment des météorologistes har-celés, ni les pilotes, ni les généraux (niles professeurs !) professionnels pourqu’ils entreprennent immédiatementd’étudier sa structure et son comporte-ment afin d’améliorer sa prévision – si,à vrai dire, cela avait été possible sansun ensemble organisé d’observations.D’un autre côté, la force et la persis-tance du courant-jet d’hiver au-dessusdu Japon posait un problème trop cons-tant et sérieux pour être occulté.

Les rapports ci-dessus ne constituent cer-tainement pas une étude sérieuse des ren-contres avec des courants-jets par desavions alliés au-dessus de l’Europe ; lepropos de cet appendice est seulement desouligner que le courant-jet était aumoins un problème occasionnel pour lesaviateurs et les prévisionnistes en Europe.

Springs, m’a envoyé une copie d’un rap-port d’un pilote de chasse, Paul Jensen(1954), décrivant la mission en février1943 (sic) depuis l’Italie pour bombarderSofia à 675 km à l’est (Note : la date étaitincontestablement janvier 1944, puisqueque les alliés n’ont pas envahi la Sicileavant juillet 1943). Comme le ciel étaitcouvert sur les Balkans, son groupe de P-47 d’escorte eut la chance de reconnaî-tre soudain une île sur le Danube, située à160 km au-delà de Sofia, à travers unepercée dans les nuages.

Réalisant que les 320 km supplémen-taires à parcourir allaient épuiser leursréserves en carburant, ils changèrentimmédiatement de route et regagnèrentl’Italie. Bien que perplexes devant letemps mis pour atteindre et traverserl’Adriatique, tous les P-47, sauf un, ontpu rejoindre la base militaire, mais avecdes réservoirs vides. Les bombardiers,qui avaient réagi plus lentement, ontperdu dix avions, tous par panne de car-burant. Jensen remarque que, durantcette journée, les mesures indiquaientun vent d’ouest de 54 m/s à 6 km etconclut son histoire avec ces lignes :« Personne n’avait entendu parlé ducourant-jet à cette époque, et ainsi per-sonne n’y était préparé. Aujourd’hui, jepense qu’ils y prêtent plus d’attention. »D’après son autobiographie, le météo-rologiste norvégien Sverre Pettersen(1974) est arrivé à Bari, en Italie, à peuprès à cette époque (pour prévoir letemps pour le débarquement à Anzioplus tard en janvier). En entendant par-ler du désastre, il comprit tout de suiteque le gradient de température sud-nordétait tel qu’il changeait la faible circula-tion anticyclonique au niveau de la meren un fort vent d’ouest à l’altitude devol, et que cela avait été évidemmentignoré ou sous-estimé dans la prévisiondu vent.

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