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.4.1 Le cycle de l'eau Les planétoïdes, comètes et astéroïdes qui ont formé la planète Terre par leur accrétion contenaient toute l’eau de notre planète. Après cette accrétion, qui s'est terminée il y a 4,55 Ga (milliards d’années), la Terre a connu une période intense de dégazage qui a libéré l’eau sous forme de vapeur par l’intermédiaire des volcans. Aussi longtemps que la température terrestre s’est maintenue au-dessus de 100 °C, cette vapeur fut gardée dans l’atmosphère, créant un effet de serre important. Quand la température est descendue sous les 100 °C, la vapeur atmosphérique a condensé pour former les océans. On ne sait trop quand ceux-ci sont apparus, mais on a des évidences de la présence des océans il y a quelques 3,8 Ga comme en témoignent les premières roches sédimentaires, des roches qui nécessitent la présence d’eau pour se former (altération de massifs rocheux, érosion, transport et dépôt des particules, comme nous l'avons vu au point 2.2.2). Une faible quantité de vapeur d’eau est demeurée dans l’atmosphère, suffisamment pour maintenir un certain niveau d’effet de serre (avec le CO 2 venant aussi des volcans) sans lequel notre planète serait une boule de glace. Cela explique aussi que la lithosphère et l’asthénosphère contiennent un immense volume d’eau. La circulation annuelle de l'eau constitue le plus grand déplacement d'une substance chimique à la surface de la Planète. Par les processus de l'évaporation-précipitation et la circulation océanique, l'eau transfère, des tropiques aux pôles, une grande partie de l'énergie calorifique reçue par la Terre et constitue ainsi le régulateur des températures du globe. Ces déplacements de l'eau déterminent les patrons climatiques de notre planète. Autre élément important pour la survie de notre espèce, la quantité d'eau disponible annuellement est le facteur déterminant de la croissance des plantes terrestres et par conséquent influence énormément la productivité primaire. Le ruissellement des eaux continentales transfère les produits de l'altération physique et chimique vers les océans. On a vu plus haut (point 3.1.1) quel était le bilan hydrologique de la surface terrestre, sur la base du cycle externe précipitation-ruissellement-évaporation. La figure ci- 1

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.4.1 Le cycle de l'eau

Les planétoïdes, comètes et astéroïdes qui ont formé la planète Terre par leur accrétion contenaient toute l’eau de notre planète. Après cette accrétion, qui s'est terminée il y a 4,55 Ga (milliards d’années), la Terre a connu une période intense de dégazage qui a libéré l’eau sous forme de vapeur par l’intermédiaire des volcans. Aussi longtemps que la température terrestre s’est maintenue au-dessus de 100 °C, cette vapeur fut gardée dans l’atmosphère, créant un effet de serre important. Quand la température est descendue sous les 100 °C, la vapeur atmosphérique a condensé pour former les océans. On ne sait trop quand ceux-ci sont apparus, mais on a des évidences de la présence des océans il y a quelques 3,8 Ga comme en témoignent les premières roches sédimentaires, des roches qui nécessitent la présence d’eau pour se former (altération de massifs rocheux, érosion, transport et dépôt des particules, comme nous l'avons vu au point 2.2.2). Une faible quantité de vapeur d’eau est demeurée dans l’atmosphère, suffisamment pour maintenir un certain niveau d’effet de serre (avec le CO2 venant aussi des volcans) sans lequel notre planète serait une boule de glace. Cela explique aussi que la lithosphère et l’asthénosphère contiennent un immense volume d’eau.

La circulation annuelle de l'eau constitue le plus grand déplacement d'une substance chimique à la surface de la Planète. Par les processus de l'évaporation-précipitation et la circulation océanique, l'eau transfère, des tropiques aux pôles, une grande partie de l'énergie calorifique reçue par la Terre et constitue ainsi le régulateur des températures du globe. Ces déplacements de l'eau déterminent les patrons climatiques de notre planète. Autre élément important pour la survie de notre espèce, la quantité d'eau disponible annuellement est le facteur déterminant de la croissance des plantes terrestres et par conséquent influence énormément la productivité primaire. Le ruissellement des eaux continentales transfère les produits de l'altération physique et chimique vers les océans.

On a vu plus haut (point 3.1.1) quel était le bilan hydrologique de la surface terrestre, sur la base du cycle externe précipitation-ruissellement-évaporation. La figure ci-dessous présente le cycle complet (externe et interne) de l'eau à l'échelle du globe terrestre tout entier.

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Sur cette figure, les boîtes représentent les réservoirs, les flèches bleues les flux du cycle externe, et les flèches rouges les flux du cycle interne. Selon les conditions de température et de pression, l'eau se retrouve sous trois états: solide, liquide et vapeur.

Le cycle externe est celui qui est observable directement. L'énergie solaire transforme l'eau liquide en vapeur. L'évaporation se fait principalement au-dessus des océans (84%). Les vents et autres mouvements de l'atmosphère redistribuent la vapeur d'eau; celle-ci retombe sous forme de pluie qui, au niveau des continents, ruisselle et retourne à l'océan (section 3.1.1). Comme on l'a vu précédemment, une certaine quantité d'eau est stockée sous forme de glace (section 3.1.2). L'eau (liquide et solide) constitue l'agent essentiel de l'altération et la désagrégation des roches de la croûte terrestre et contribue ainsi au recyclage de plusieurs éléments.

Le cycle interne est celui qui concerne la circulation de l'eau entre l'océan, la lithosphère et l'asthénosphère. Un important volume d'eau s'infiltre dans les pores et les fractures de la couverture sédimentaire sur la lithosphère; on évalue à 330.106 km3 ce réservoir. Un autre volume important d'eau s'infiltre dans les fractures de la lithosphère. On n'a qu'à penser à ce système de pompage que constituent les sources hydrothermales au niveau des dorsales médio-océaniques. Cette eau est un agent fort efficace de l'altération chimique des basaltes océaniques, modifiant les propriétés physico-chimiques et la composition de la croûte océanique et contribuant à la composition chimique de l'eau de mer. La subduction de la lithosphère dans l'asthénosphère introduit aussi de l'eau dans cette dernière. Les minéraux du manteau même contiennent une énorme quantité d'eau. Ensemble, lithosphère et asthénosphère contiennent un volume d'eau évalué à 400.106 km3.

Le tableau suivant permet de comparer le volume des divers réservoirs d'eau dans les deux cycles.

On y voit immédiatement l'importance du réservoir océanique, ainsi que celle des réservoirs du cycle interne. Il n'en demeure pas moins que l'eau stockée dans les glaciers, qui en comparaison apparaît peu importante, compte tout de même pour un volume appréciable; un

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réchauffement climatique qui amènerait une fonte importante aurait comme conséquence une élévation significative du niveau marin. On peut s'amuser à des petits calculs simples. Compte tenu que la surface des océans est de 3,6.108 km2, si toute la glace stockée dans les calottes glaciaires et les glaciers fondait, la montée du niveau marin serait de 120 mètres; si le quart seulement du réservoir de glace fondait, la montée serait de 30 mètres. Farfelu? Peut-être pas autant qu'il n'y paraît. N'oublions pas que durant les deux derniers millions d'années (le Grand Âge Glaciaire), on a connu des fluctuations très importantes du niveau marin qui a oscillé entre +7 et -130 mètres au gré des phases d'englaciation et de fonte. Évidemment, on ne tient pas compte dans ce calcul simpliste des rétroactions comme des changements inévitables dans la circulation atmosphérique, des taux d'évaporation modifiés, des changements dans la circulation des eaux océaniques, de l'isostasie et surtout de la dilatation des eaux océaniques reliées à leur réchauffement.

Des interruptions importantes dans l'état stationnaire du cycle de l'eau sont causées, entre autres, par les périodes de glaciation continentale. Celles-ci affectent particulièrement la circulation des océans et l'interaction océan-atmosphère. Ainsi, un refroidissement global abaisse les taux d'évaporation, entraînant une réduction de la circulation de l'air humide dans l'atmosphère et des précipitations. Par exemple, on évalue que durant la dernière glaciation, il y a 18 Ka (milliers d'années), la précipitation totale fut de 14% inférieure à celle d'aujourd'hui, entraînant une expansion de la désertification, une diminution importante de la productivité primaire terrestre, ainsi qu'une accentuation de l'érosion éolienne des sols désertiques. Une glaciation entraîne aussi un changement dans les taux globaux du transfert, des continents aux océans, des matières dissoutes et en suspension dans l'eau. Durant les périodes de glaciation, une plus grande surface continentale est exposée à l'érosion parce que le niveau marin est plus bas (-120 mètres, il y a 18 Ka), ce qui entraîne un apport accru de matériaux dans l'océan. Une telle situation augmente le niveau de nutriments dans le milieu marin et une augmentation de la productivité primaire.

L'eau est le support essentiel sans lequel tous les grands cycles biogéochimiques ne sauraient exister. Tout changement climatique risque de se répercuter sur son cycle et par conséquent perturber les patrons globaux de la végétation, les taux d'altération des roches continentales et, en bout de ligne, les grands cycles biogéochimiques.

3.4.2 Le cycle du carbone

L'hydrogène (H), l'hélium (He), l'oxygène (O) et le carbone (C) sont, dans l'ordre, les éléments les plus abondants dans le cosmos. Sur Terre cependant, ce sont l'oxygène et le silicium qui dominent, le carbone venant en quatorzième place seulement.

Le recyclage des éléments à travers les diverses composantes à la surface de la Planète est fortement lié au fait que la Terre est une planète vivante. L'élément le plus critique attaché à ce recyclage est sans contredit le carbone. Depuis que le cycle biologique du carbone est apparu sur Terre, il a en quelque sorte transformé cette planète en un système fermé qui assure sa continuité. Il est le constituant majeur de deux gaz à effet de serre, CO2 et CH4, sans lequel il ne saurait y avoir de vie sur terre ; son recyclage influence particulièrement la productivité biologique et le climat. Le cycle global du carbone implique des processus qui agissent en milieu terrestre et en milieu océanique et où interviennent des réactions chimiques biologiques et non-biologiques. On ne peut discuter sérieusement de changements climatiques sans connaître le B.A.-Ba de ces processus.

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Précisons d'abord que dans la nature, le carbone se retrouve sous deux formes: le carbone organique (Corg) et le carbone inorganique (Cinorg). Il est souvent utile de faire la distinction. Le Corg est celui qui est produit par des organismes vivants et qui est lié à d'autres carbones ou à des éléments comme l'hydrogène (H), l'azote (N) ou le phosphore (P) dans les molécules organiques ou les hydrocarbures. Le Cinorg est celui qui est associé à des composés inorganiques, c'est-à-dire des composés qui ne sont pas et n'ont pas été du vivant et qui ne contiennent pas de lien C-C ou C-H, comme par exemple le carbone du CO2 atmosphérique ou celui des calcaires CaCO3.

Le cycle global du carbone

La figure ci-dessous présente le cycle global du carbone et ses flux entre les quatre sphères "superficielles" de la Planète: lithosphère, hydrosphère, biosphère et atmosphère. Y est indiquée aussi la dimension des réservoirs de carbone impliqués, exprimée en Gtc (Gtc = gigatonnes en équivalent carbone), c'est-à-dire en milliards de tonnes métriques de carbone.

On y voit que le grand réservoir de carbone est constitué par les roches sédimentaires. Un autre grand réservoir est l'océan; on verra qu'il s'agit en fait de l'océan profond (plus de 100 mètres de profondeur). C'est dire que la pellicule superficielle de la planète recèle relativement peu de carbone, mais ce carbone est ô combien important pour la Vie et l'influence qu'il y exerce. Au niveau des flux entre les réservoirs, on évalue que le temps de résidence d'un atome de carbone est de 4 ans dans l'atmosphère, de 11 ans dans la biosphère,

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de 385 ans dans l'hydrosphère superficielle (océan de 0 à 100 m), de plus de 100 Ka (milliers d'années) dans l'océan profond et de quelques 200 Ma (millions d'années) dans la lithosphère. Il est important de se rappeler de ces valeurs relatives dans toute discussion sur l’impact des gaz à effet de serre, en particulier le CO2, sur les changements climatiques et les échelles de temps impliquées.

Dans le cycle global du carbone, il y a une hiérarchie de sous-cycles opérant à diverses échelles, de la décennie (le recyclage du CO2 par les plantes) aux centaines de millions d'années (le recyclage du carbone organique par l'intermédiaire des roches sédimentaires ou des hydrocarbures par exemple). Les processus physiques, chimiques et biologiques agissent ensemble et sont si intimement liés qu'il devient difficile de les départager. Pour fin de simplification, nous allons examiner séparément le recyclage des deux types de carbone: le cycle du carbone organique et celui du carbone inorganique. Il faut bien réaliser cependant que cette séparation est artificielle et qu'en réalité ces deux cycles sont intimement liés. Mais elle est susceptible d'aider à mieux comprendre un système très complexe.

Le cycle du carbone organique

Le cycle court du carbone organique

La figure qui suit résume les deux cycles, court et long, du Corg, avec un chiffrage des flux et des réservoirs exprimé en Gtc.

Pour le cycle court, on parle de processus qui s'étalent sur des temps inférieurs au siècle. Le processus de base du recyclage du carbone à court terme est le couple photosynthèse-respiration, c'est-à-dire la conversion du Cinorg du CO2 en Corg par la photosynthèse, et

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subséquemment l'inverse, la conversion du Corg de la matière organique en Cinorg par la respiration. Il faut considérer trois réactions de base.

D'abord, la photosynthèse qui utilise l'énergie solaire pour synthétiser la matière organique en fixant le carbone dans des hydrates de carbone (CH2O):

La matière organique est représentée ici par CH2O, la forme la plus simple d'hydrate de carbone. En réalité, il s'agit de molécules beaucoup plus grosses et plus complexes dont la base demeure les éléments C, H et O, mais auxquels viennent se joindre d'autres éléments en faibles quantités comme l'azote (N), le phosphore (P) et/ou le soufre (S). Cette partie de la matière organique correspond à la productivité primaire, et les organismes impliqués (bactéries, algues et plantes) sont les producteurs primaires. Ceux-ci captent l'énergie solaire et la transforment en énergie chimique qu'ils stockent dans leurs tissus. Cette dernière est transférée aux organismes consommateurs, incluant les animaux. Il est intéressant de noter que dans la nature la biomasse des consommateurs est bien inférieure (ne comptant que pour environ 1% de la masse totale) à celle des producteurs primaires.

Les consommateurs tirent leur énergie de celle qui est contenue dans les producteurs primaires en ingérant leurs tissus et en respirant. La respiration est l'inverse de la photosynthèse: à partir de l'oxygène libre O2, elle transforme toute matière organique en CO2:

Il s'agit d'une réaction qui nécessite la disponibilité d'oxygène libre O2. Dans la nature, une partie de la matière organique est respirée (oxydée) par les animaux ou les plantes elles-mêmes; une autre partie se retrouve dans les sols terrestres ou les sédiments marins. La décomposition se fait sous l'action de micro-organismes, bactéries et champignons. Ces micro-organismes forment deux groupes: ceux qui utilisent l'oxygène libre O2 pour leur métabolisme, ce sont les aérobies, et ceux qui utilisent l'oxygène des molécules de la matière organique même en absence d'oxygène libre, ce sont les anaérobies. La décomposition aérobie produit du CO2 (équation 2). Dans les milieux anoxiques (sans oxygène libre), les anaérobies décomposent la matière organique par le processus de la fermentation.

La fermentation produit du dioxyde de carbone et du méthane (l'hydrocarbure le plus simple, avec une seule molécule de carbone).

Ces deux gaz peuvent s'échapper dans l'atmosphère oxygénée. Le méthane, qui est un gaz à effet de serre 20 fois plus efficace que le CO2, est alors oxydé et se transforme rapidement en dioxyde de carbone. En fait, son temps de résidence dans l'atmosphère n'est que de 10 ans, mais il ne faut pas oublier qu'il se transforme en CO2, … ce qui n'est guère mieux pour notre

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planète. Une partie du méthane demeure cependant dans le sédiment où il forme des réservoirs de gaz naturel (voir section 3.3.2 - Les combustibles fossiles). On vient de découvrir (Science, v. 293, juillet 2001) qu'un important volume de méthane est "bouffé" par des bactéries sur les fonds océaniques mêmes. On est tenté d'ajouter: fort heureusement!

Le cycle long du carbone organique

Les processus discutés plus haut (photosynthèse, respiration, fermentation) affectent le cycle du carbone organique, et en particulier l'équilibre du CO2 atmosphérique, sur une échelle de temps inférieure au siècle. Sur des échelles de temps beaucoup plus longues, ce sont les processus de nature géologique qui deviennent les contrôles les plus importants, des processus qui agissent sur des milliers et des millions d'années. Il s'agit de processus tels l'enfouissement des matières organiques dans les sédiments et roches sédimentaires, leur transformation en combustibles fossiles et leur altération (oxygénation) subséquente. Les flux de carbone reliés à ces processus sont faibles; en revanche, les réservoirs sont immenses (voir figure du cycle du carbone organique plus haut) et le temps impliqué très long.

Le remplissage de l’immense réservoir que constituent les roches sédimentaires, principalement les schistes, s'est fait petit à petit au cours des temps géologiques, avec deux accélérations importantes, d’abord lors de l'explosion de la vie métazoaire il y a quelques 600 Ma (millions d'années), puis lors de l’avènement de la grande forêt il y a 360 Ma. Le flux de carbone est faible, mais s'étend sur une longue période de temps. Il en est ainsi pour l'oxydation du réservoir de carbone qui se trouve dans les kérogènes, hydrocarbures et charbons. Celle-ci s'est faite au gré de l'exposition à l'air ou aux eaux souterraines oxygénées des roches sédimentaires et de leur contenu, lorsque les mouvements tectoniques qui ont affecté la croûte terrestre ont amené ces roches vers la surface. On évalue le temps de résidence du carbone organique dans ce réservoir à plus de 200 millions d'années, soit en gros le laps de temps correspondant au dépôt des sédiments et matières organiques dans un bassin océanique, à l'enfouissement et la transformation des sédiments en roches sédimentaires, et finalement le soulèvement et l'émergence lors de la formation d'une chaîne de montagne. L'extraction et la combustion des pétroles, gaz et charbons que nous pratiquons allègrement sont venues transformer une partie de ce cycle long en cycle court.

Le cycle du carbone inorganique

On a vu que l'interaction photosynthèse-respiration-fermentation est le noeud du cycle du carbone organique. Il y a cependant d'autres processus de recyclage du carbone qui impliquent cette fois le carbone inorganique, entre autres, celui qui est contenu dans le dioxyde (CO2) et dans les calcaires (CaCO3). Les réservoirs importants de Cinorg sont l'atmosphère, les océans, ainsi que les sédiments et roches carbonatées, principalement les calcaires CaCO3, mais aussi les dolomies CaMg(CO3)2. Pour bien comprendre ce cycle, il est essentiel d'avoir d'abord quelques notions de base sur la chimie du carbone inorganique dans l'eau.

La figure qui suit résume le cycle du carbone inorganique, en indiquant la dimension des réservoirs (chiffres noirs) et les flux (chiffres rouges) entre ces réservoirs.

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L'échange entre le CO2 atmosphérique et le CO2 de la surface des océans a tendance à se maintenir à l'équilibre. L'altération chimique des roches continentales convertit le CO2 dissout dans les eaux météoriques (eaux de pluies et des sols) en HCO3

- qui est transporté dans les océans par les eaux de ruissellement. Les organismes combinent ce HCO3

- au Ca2+ pour secréter leur squelette ou leur coquille de CaCO3. Une partie de ce CaCO3 se dissout dans la colonne d'eau et sur les fonds océaniques; l'autre partie s'accumule sur les planchers océaniques et est éventuellement enfouie pour former des roches sédimentaires carbonatées. Ces dernières sont ramenées à la surface après plusieurs dizaines de millions d'années par les mouvements tectoniques reliés à la tectonique des plaques. Une partie du carbone des roches carbonatées est recyclée dans les magmas de subduction et retournée à l'atmosphère sous forme de CO2 émis par les volcans.

3.4.3 Le cycle de l'oxygène libre et le couplage CO2 - O2

Un cycle géochimique essentiel à la Vie sur terre est en grande partie contrôlé par l'océan. Il s'agit du cycle de l'oxygène libre (O2). Si la vie a pu se maintenir et proliférer à la surface du globe, c'est qu'elle a inventé un mécanisme de défense contre ce poison violent pour elle qu'est l'oxygène, ainsi que la capacité d'exploiter cette ressource. Ce mécanisme, c'est la respiration. En même temps qu'elle inventait ce mécanisme, elle en devenait dépendante.

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Même si le rayonnement UV brise les molécules de vapeur d’eau (H2O) et de dioxyde de carbone (CO2) atmosphériques et produit ainsi de l’oxygène libre (O2), cette production est insignifiante en volume. L’O2 est essentiellement un sous-produit de la photosynthèse, ce processus qui, à partir du CO2 et de l'eau, utilise l'énergie solaire pour fixer le carbone dans des hydrates de carbone (CH2O), la matière des premières cellules végétales, ou encore des formes très simples de bactéries. Cette réaction dégage de l'oxygène comme nous l’avons vu au point précédent 3.4.2 et comme le répète l’équation au haut du schéma qui suit.

Le cycle de l’oxygène est donc un cycle court, attaché au cycle court du carbone organique. Au niveau des continents, la végétation, comme par exemple celle des grandes forêts, produit une certaine quantité d'oxygène grâce à l'activité de photosynthèse des végétaux. Le bilan net, sur plusieurs années, d'une forêt mature est pratiquement nul. C'est-à-dire qu'elle consomme autant d'oxygène qu'elle en produit, ne fournissant aucune quantité significative supplémentaire d'oxygène à l'atmosphère pour la respiration des animaux. C'est pourquoi il est faux de qualifier la grande forêt amazonienne de poumon de la Terre. Il y a bien d'autres raisons de vouloir protéger la forêt amazonienne, mais pas celle-là. C’est là une donnée importante à considérer lorsqu’on parle de puits de carbone dans la problématique actuelle des émissions de gaz à effet de serre.

C'est l'océan qui pratiquement à lui seul joue le rôle de régulateur de l'oxygène atmosphérique. La composante végétale du plancton, le phytoplancton, produit de l'oxygène grâce à la photosynthèse. Comme sur les continents, cet oxygène est utilisé pour la respiration par la composante animale du plancton, le zooplancton, et par les autres animaux marins, ainsi que pour l'oxydation de la matière organique. Cependant, une partie seulement de la matière organique est oxydée, l'autre partie se dépose au fond de l’océan et est incorporée dans les sédiments (voir au point 3.2.2 - les dépôts océaniques) où elle est gardée à l'abri de l'oxygène. Comme on l’a vu plus haut (point 3.4.2), cette matière organique sera éventuellement ramenée à la surface terrestre sous forme de combustibles fossiles, pétrole et charbon, ou de

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kérogènes, beaucoup plus tard dans le cycle géologique. Finalement, une partie de l'oxygène océanique est donc libérée dans l'atmosphère. Celle-ci est utilisée pour la respiration des animaux terrestres et dans les divers processus d’oxydation, comme celui du fer Fe2+. Dans une grande mesure, c’est donc le taux d’enfouissement du carbone organique, ainsi que celui de l’oxydation des matériaux terrestres qui vont contrôler le taux d’émission et la teneur en O2

dans l’atmosphère.

La courbe qui suit présente les variations de la teneur en oxygène libre de l’atmosphère par rapport au niveau actuel pour les derniers 600 Ma. Elle est déduite du taux d’enfouissement (séquestration) et d’altération du carbone organique et des sulfures (pyrite) pour la même période tel qu’établi par le modèle mathématique de R.A. Berner et D.E. Canfield (1989).

Bien que la marge d’erreur (zone en rose pâle) apparaisse relativement grande, force est de reconnaître que les teneurs en oxygène atmosphérique ont varié durant cette période de temps géologique et que le Carbonifère-Permien a connu une augmentation importante.

Puisque l’oxygène atmosphérique est le produit de la photosynthèse et que cette dernière utilise le dioxyde de carbone, il y a donc un couplage évident entre les taux d’O2 et de CO2 dans l’atmosphère. Plus la photosynthèse consommera du CO2, plus elle émettra de l’O2. On devrait donc s’attendre à des augmentations sensibles de la concentration atmosphérique en O2

durant les périodes de grande activité photosynthétique. Si le tout est accompagné d’un enfouissement accéléré des produits de la photosynthèse (= séquestration de carbone), moins d’oxygène libre sera utilisé pour la respiration et plus la teneur en oxygène de l’atmosphère

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augmentera. C’est ce qui s’est produit au Carbonifère-Permien avec l’avènement, à la fin du Dévonien, des plantes vasculaires et la colonisation des surfaces continentales par la

grande forêt (voir au point 3.4.7).

3.4.4 Le cycle de l’azote

On a vu que la vie sur terre influence profondément la compositon de l’atmosphère en produisant du dioxyde de carbone CO2 et du méthane CH4 à travers les processus de la respiration et la fermentation reliés au recyclage du carbone. La Vie a aussi influencé la composition de l’atmosphère à travers le recyclage d’un autre élément, l’azote (N). Ce gaz est le premier en importance dans l’atmosphère terrestre (78%). Il s’y trouve sous sa forme moléculaire normale diatomique N2, un gaz relativement inerte (peu réactif). Les organismes ont besoin d’azote pour fabriquer des protéines et des acides nucléiques, mais la plupart ne peuvent utiliser la molécule N2. Ils ont besoin de ce qu’on nomme l’azote fixée dans lequel les atomes d’azote sont liés à d’autre types d’atomes comme par exemple à l’hydrogène dans l’ammoniac NH3 ou à l’oxygène dans les ions nitrates NO3

-. Le cycle de l’azote est très complexe; le schéma suivant en présente une simplification.

Trois processus de base sont impliqués dans le recyclage de l’azote: la fixation de l’azote diatomique N2, la nitrification et la dénitrification.

La fixation de l’azote correspond à la conversion de l’azote atmosphérique en azote utilisable par les plantes et les animaux. Elle se fait par certaines bactéries qui vivent dans les sols ou dans l’eau et qui réussissent à assimiler l’azote diatomique N2. Il s’agit en particulier des

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cyanobactéries et de certaines bactéries vivant en symbiose avec des plantes (entre autres, des légumineuses). La réaction chimique type est:

Dans les sols où le pH est élevé, l’ammonium se transforme en ammoniac gazeux:

La réaction nécessite un apport d’énergie de la photosynthèse (cyanobactéries et symbiotes de légumineuses). Cette fixation tend à produire des composés ammoniaqués tels l’ammonium NH4

+ et son acide conjugé l’ammoniac NH3. Il s’agit ici d’une réaction de réduction qui se fait par l’intermédiaire de substances organiques notées {CH2O} dans l’équation 1.

La nitrification transforme les produits de la fixation (NH4+, NH3) en NOx (soient NO2

- et NO3

-), des nitrites et nitrates. C’est une réaction d’oxydation qui se fait par catalyse enzymique reliée à des bactéries dans les sols et dans l’eau. La réaction en chaîne est de type:

soit:

La dénitrification retourne l’azote à l’atmosphère sous sa forme moléculaire N2, avec comme produit secondaire du CO2 et de l’oxyde d’azote N2O, un gaz à effet de serre qui contribue à détruire la couche d’ozone dans la stratosphère. Il s’agit d’une réaction de réduction de NO3

- par l’intermédiaire de bactéries transformant la matière organique. La réaction est de type :

L’activité humaine contribue à l’augmentation de la dénitrification, entre autres, par l’utilisation des engrais qui ajoutent aux sols des composés ammoniaqués (NH4

+, NH3) et des nitrates (NO3

-). L’utilisation des combustibles fossiles dans les moteurs ou les centrales thermiques transforme l’azote en oxyde d’azote NO2

-. Avec N2 et CO2, la dénitrification émet dans l’atmosphère une faible quantité d’oxyde d’azote N2O. La concentration de ce gaz est faible, 300 ppb (parties par milliard). Cependant, il faut savoir qu’une molécule de N2O est 200 fois plus efficace qu’une molécule de CO2 pour créer un effet de serre. On évalue aujourd’hui que la concentration en N2O atmosphérique augmente annuellement de 0.3% et que cette augmentation est pratiquement reliée entièrement aux émissions dues à la dénitrification des sols. Les études des carottes glaciaires de l’Antarctique ont montré que la

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concentration en N2O atmosphérique était de 270 ppb à la fin du dernier âge glaciaire (il y a 10 000 ans) et que cette concentration s’est maintenue à ce niveau jusqu’à l’ère industrielle où elle a fait un bond pour atteindre son niveau actuel de 300 ppb; une augmentation de 11%.

3.4.5 Le cycle du phosphore

Comme dans le cas de l’azote (N), le phosphore (P) est important pour la Vie puisqu’il est essentiel à la fabrication des acides nucléiques ARN et ADN. On le retrouve aussi dans le squelette des organismes sous forme de PO4. Dans la Terre primitive, tout le phosphore se trouvait dans les roches ignées. C’est par l’altération superficielle de ces dernières sur les continents que le phosphore a été progressivement transféré vers les océans. On a calculé qu’il a fallu plus de 3 Ga (milliards d’années) pour saturer les océans par rapport au minéral apatite [Ca5(PO4)3OH], un phosphate. Le cycle du phosphore est unique parmi les cycles biogéochimiques majeurs: il ne possède pas de composante gazeuse, du moins en quantité significative, et par conséquent n’affecte pratiquement pas l’atmosphère. Il se distingue aussi des autres cycles par le fait que le transfert de phosphore (P) d’un réservoir à un autre n’est pas contrôlé par des réactions microbiennes, comme c’est le cas par exemple pour l’azote.

Pratiquement tout le phosphore en milieu terrestre est dérivé de l’altération des phosphates de calcium des roches de surface, principalement de l’apatite. Bien que les sols contiennent un grand volume de phosphore, une petite partie seulement est accessible aux organismes vivants. Ce phosphore est absorbé par les plantes et transféré aux animaux par leur alimentation. Une partie est retournée aux sols à partir des excréments des animaux et de la matière organique morte. Une autre partie est transportée vers les océans où une fraction est utilisée par les organismes benthiques et ceux du plancton pour secréter leur squelette; l’autre fraction se dépose au fond de l’océan sous forme d’organismes morts ou de particules et est intégrée aux sédiments. Ces derniers sont transformés progressivement en roches sédimentaires par l’enfouissement; beaucoup plus tard, les roches sont ramenées à la surface par les mouvements tectoniques et le cycle recommence.

Le schéma qui suit résume le cycle du phosphore.

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Le phosphore est un élément limitant dans plusieurs écosystèmes terrestres, du fait qu’il n’y a pas de grand réservoir atmosphérique de phosphore comme c’est le cas pour le carbone, l’oxygène et l’azote, et que sa disponibilité est directement liée à l’altération superficielle des roches. Il n’est pas clair si cette limitation est applicable à l’océan, mais la plupart des chercheurs considèrent qu’elle le serait sur une longue échelle de temps. L’activité humaine intervient dans le cycle du phosphore en exploitant des mines de phosphate, en grande partie pour la fabrication des fertilisants. Ajoutés aux sols en excès, les phosphates sont drainés vers les systèmes aquatiques. Puisque le phosphore est souvent un nutriment limitatif dans les rivières, les lacs et les eaux marines côtières, une addition de phosphore dans ces systèmes peut agir comme fertilisant et générer des problèmes d’eutrophisation (forte productivité biologique résultant d’un excès de nutriments).

3.4.6 Le cycle du soufre

Tout comme l’azote et le phosphore, le soufre est un élément essentiel à la Vie. À l’origine de la Terre, le soufre était contenu dans les roches ignées, principalement dans la pyrite (FeS2). Le dégazage de la croûte terrestre et subséquement l’altération sous des conditions aérobies ont transféré à l’océan une grande quantité de soufre sous la forme de SO4

2-. Quand SO4 est assimilé par les organismes, il est réduit et converti en soufre organique qui est un élément essentiel des protéines. Comme dans le cas de l’azote, les réactions microbiennes sont déterminantes dans le cycle du soufre.

La compréhension du cycle global du soufre acquiert une grande importance pour l’économie minérale et dans le débat sur les changements climatiques et la pollution atmosphérique. Plusieurs métaux, dont le cuivre, le zinc, le plomb, sont extraits des sulfures des dépôts hydrothermaux. Dans certains cas, des réactions microbiennes sont utilisées pour concentrer des sulfures métalliques à partir de solutions diluées. Le soufre est un constituant important des pétroles et des charbons et leur combustion libère du dioxyde de soufre SO2 dans l’atmosphère. Pouvoir départager les sources naturelles des sources anthropiques des composés du soufre dans l’atmosphère est fondamental pour cerner les causes des pluies acides et leur impact sur les écosystèmes.

Les composés du souffre sont multiples. Les principaux sont les suivants:

a) dans l’atmosphère, à l’état gazeux:

le soufre réduit comme dans le diméthylsulfure (acronyme: DMS) dont la formule chimique est CH3SCH3 et le carbonyl de sulfure COS,

le dioxyde de soufre SO2, les sulfates en aérosols SO4.

b) dans les systèmes aquatiques: les composés majeurs sont les sulfates dissouts SO4-

c) dans les sédiments et les roches sédimentaires:

les sulfures métalliques, surtout la pyrite FeS2, les évaporites: gypse CaSO4. nH2O et anhydrite CaSO4, les matières organiques.

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Le schéma qui suit résume à grands traits le cycle global du soufre.

Au niveau du cycle océanique, le DMS est un produit naturel issu de la décomposition des cellules du phytoplancton dans la couche supérieure de l’océan. Il s’échappe dans l’atmosphère pour former moins de 1% de la totalité des gaz atmosphériques. Néanmoins, il a une influence sur les climats. En quelques jours, il est oxydé en dioxyde (SO2), puis en sulfate (SO4) qui condense en minuscules particules aérosols. Celles-ci agissent comme noyaux pour la formation de gouttes de pluie et de nuages. Ces nuages vont réfléchir une partie du rayonnement solaire et ainsi tempérer le réchauffement de la Planète. Mais ils vont aussi éventuellement contribuer à des précipitations acides à cause de la réaction des aérosols avec la vapeur d’eau et les radiations solaires.

Le carbonyl de sulfure COS est produit à partir des sulfures organiques dissouts dans l’eau de mer et acquis en partie de l’érosion continentale. Il s’échappe par la surface des océans vers l’atmosphère. Il est inerte dans la troposphère, mais s’oxyde en sulfates dans la stratosphère pour former une couche tout autour de la Planète. Tout comme les nuages de la troposphère, cette couche de sulfates en aérosols va réfléchir une partie du rayonnement solaire, avec le même effet de modération sur la chauffe de la Planète.

Une autre influence naturelle importante sur le cycle du soufre est celle des volcans. Parmi les gaz qu’ils émettent jusque dans la stratosphère, il y a les sulfates SO4 en aérosols qui viennent s’ajouter à ceux qui sont issus du COS. Couplées aux émissions de cendres créant un effet de

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voile, ces émissions de sulfates peuvent résulter en des refroidissements à très court terme. Ainsi, on évalue que le Pinatubo aux Philippines qui a fait éruption en 1991 a abaissé la température planétaire moyenne de 1 °C pendant une année dû à l’effet combiné des émissions de cendres et de SO4.

Au niveau des continents, l’altération et l’érosion des sulfures métalliques, ainsi que le transport de poussières de sulfates (gypse et anhydrite) dans les déserts transfèrent du soufre aux océans. Les gaz biogéniques des sols anaérobies et des marécages contiennent aussi du H2S, ainsi que du DMS et COS en moindre quantité, lesquels sont libérés dans l’atmosphère. Mais la plus grande contribution en composés sulfurés vient de la combustion des pétroles et des charbons qui contiennent pratiquement toujours du soufre. Ce sont des émissions de sulfates SO4, mais surtout de dioxyde de soufre SO2. Ce dioxyde sous l’effet des radiations solaires se combine avec la vapeur d’eau et les radicaux OH pour former de minuscules gouttes de H2SO4 (acide sulfurique), un processus en partie responsable des pluies acides. Le flux anthropique de ces gaz excède par endroits de beaucoup le flux naturel. On peut dire que globalement le flux principal dans l’échange de soufre entre la surface de la Planète et l’atmosphère est celui d’origine anthropique relié à la combustion des hydrocarbures et des charbons.

3.4.7 Les grands cycles biogéochimiques: perspective historique

Dans les sections précédentes (3.4.1 à 3.4.6), on a examiné les grands cycles biogéochimiques surtout tel qu’ils fonctionnent présentement. Notre planète a une histoire de 4,56 Ga (milliards d’années). Ces cycles n’ont pas tous commencé au début de cette histoire, pas plus qu’ils n’ont fonctionné comme ils le font aujourd’hui. Pour bien comprendre comment a évolué le système Terre, il est important d’étudier ces grands cycles biogéochimiques dans la perspective du temps géologique. Nous verrons que cette histoire met en évidence l’intervention prépondérante de la Vie dans ces cycles.

L’Hadéen: de -4,56 à -4,03 Ga

On nomme Hadéen cette période des tous débuts de la Terre dont nous ne possédons aucun vestige rocheux. Les archives de l’histoire géologique de notre planète sont les roches, et puisque la roche la plus vieille connue a été datée à 4,03 Ga, l’histoire géologique documentée dans les roches commence donc à 4,03 Ga, avec la période archéenne (voir 4.1.3 Le calendrier géologique)

C’est durant l’Hadéen que poussières cosmiques, astéroïdes, météorites et planétoïdes se sont entrechoqués et agglomérés pour former la Terre primitive. Les météorites que nous recueillons aujourd’hui nous donnent des indications sur l’âge et la composition primaire de la Planète. La température devait être très élevée, à cause des chocs de collision et de la dégradation radioactive de certains éléments des minéraux (uranium, thorium, potassium) du matériel originel, résultant en un océan de magma. La différenciation par densité de ce matériel en fusion a fait en sorte que le matériel le plus dense (fer, nickel) s’est enfoncé vers le centre sous l’effet de la gravité pour former le noyau, que le matériel un peu moins dense (minéraux ultramafiques) a formé une épaisse couche autour du noyau, le manteau, et que le

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matériel le plus léger (minéraux mafiques à felsiques) a formé une mince pellicule externe, la croûte. C’est ainsi qu’on a obtenu une terre zonée.

Combien de temps a-t-il fallu pour que se complète cette accrétion et différenciation terrestre? La Terre a commencé à se former il y a 4,56 Ga. Cet âge du début de la formation de la Terre correspond à celui des météorites. D’une taille initiale égale à un planétoïde d’une dizaine de kilomètres, on évalue qu’il a fallu quelques 120 à 150 Ma (millions d’années) pour qu’elle atteigne sa taille actuelle, soit entre -4.41 et -4.45 Ga. Les continents apparurent plus tard, vers la fin de la différenciation. Ils sont les seuls qui gardent la mémoire des premiers temps de l’histoire terrestre, les planchers océaniques étant perpétuellement détruits dans les zones de subduction. Comme mentionné plus haut, l’âge de la plus vieille roche connue est de 4,03 Ga. Cependant, on a découvert dans des roches légèrement plus jeunes dans l’ouest de l’Australie des zircons, minéral presque indestructible, d’âge se situant entre -4,1 et -4,2 Ga. La présence de ce minéral recyclé dans les roches en question indique qu’il y avait une ou des surfaces continentales il y a 4,1 ou même 4,2 Ga, soit peut-être quelques 200 Ma seulement après la fin de l’accrétion terrestre.

Le dégazage de cette Terre primitive a probablement formé une première atmosphère composée d’hydrogène (H), argon (Ar), azote (N), néon (Ne) et hélium (He). Cependant, la faible teneur de la Terre en ces éléments suggère que cet atmosphère a été rapidement perdue, possiblement balayée par les vents solaires. Le dégazage subséquent du manteau à travers les volcans, qui devaient être beaucoup plus nombreux à l’époque, a produit une seconde atmosphère ou prédominaient l’azote (N), le dioxyde de carbone (CO2) et la vapeur d’eau (H2O), avec du dioxyde de soufre (SO2) et peut-être du chlorure d’hydrogène (HCl), de l’ammoniac (NH3) et du méthane (CH4), une atmosphère plus dense que celle d’aujourd’hui. On peut aisément penser que c’était là une planète nettement hostile à la Vie.

Cette Terre primitive s’est progressivement refroidie. L’eau qui ne se trouvait que sous forme de vapeur dans l’atmosphère à cause des températures supérieures à 100°C a commencé à condenser et à tomber en pluie lorsque les températures sont passées sous les 100°C. Les gaz atmosphériques se sont dissouts dans ces gouttes de pluie pour former des acides carbonique (H2CO3), nitrique (HNO3), sulfurique (H2SO4) et chloridrique (HCl), produisant des pluies acides. Ces dernières sont venues altérer chimiquement la toute nouvelle croûte terrestre silicatée. Il en est résulté la formation des premiers sédiments. Ces réactions chimiques ont commencé à changer l’atmosphère, entre autres par le captage du CO2 relié à l’altération chimique, un processus discuté au point 3.4.2.

On ne sait trop si la Vie est apparue dans ce contexte de la fin de l’Hadéen. Les premières preuves de sa présence sur terre remonte à il y a 3,76 Ga, donc à l’Archéen.

L’Archéen: de -4,03 à -2,5 Ga

Astronomes et astro-physiciens considèrent qu’au début de l’Archéen la luminosité du Soleil, et partant l’énergie transmise à la Terre par rayonnement solaire, était de 75% celle d’aujourd’hui. Si la composition de l’atmosphère avait été semblable à celle d’aujourd’hui, la Terre aurait été une boule de glace. La seule façon de résoudre ce dilemme est de considérer que l’atmosphère du début de l’Archéen était plus riche qu’aujourd’hui en gaz à effet de serre, tels la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone CO2, le méthane CH4, l’ammoniac NH3 et/ou l’oxyde nitreux N2O. Pour diverses raisons, les chercheurs dans ce domaine considèrent aujourd’hui que les gaz à effet de serre dominants étaient la vapeur d’eau et le CO2, avec peut-

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être du méthane. On évalue que la concentration en CO2 était 100 fois plus élevée qu’aujourd’hui et que la température devait se situer autour de 60°C. Il n’y avait pas d’oxygène libre O2 dans l’atmosphère au début de l’Archéen.

Un tournant critique dans l’histoire des températures terrestres est qu’il a fallu que se fasse l’élimination d’une partie de ce CO2 atmosphérique, sinon la Terre serait devenue aussi chaude que Vénus à cause de l’effet de serre causé par ce gaz. Le captage du CO2 s’est fait grâce à la précipitation de calcaires (CaCO3) et du dépôt des matières organiques primitives, le tout progressivement stocké dans les roches sédimentaires (voir au point 3.4.2).

On évalue à quelques 50.106 Gtc le carbone présentement stocké dans les roches sédimentaires. Tout ce carbone a été soustrait au CO2 atmosphérique. Compte tenu des taux d’altération et du transport et dépôt des produits de cette altération (Ca2+, HCO3

-, SiO2), on peut calculer qu’il aurait fallu un temps inférieur au milliard d’années (plusieurs centaines de millions d’années tout de même) pour stocker toute cette quantité de carbone. À ce rythme, l’atmosphère aurait été vidée de son CO2 bien avant la fin de l’Archéen (celui-ci a duré 1,5 Ga), et la Terre devenue une boule de glace. Il faut donc qu’une certaine quantité de CO2 ait été retournée à l’atmosphère pour maintenir cet effet de serre si nécessaire au maintien de l’eau liquide à la surface du Globe. Le mécanisme responsable de ce retour de CO2 à l’atmosphère est la tectonique des plaques qui recycle perpétuellement les planchers océaniques dans les zones de subduction où, sous des températures et des pressions élevées, le CaCO3 et le SiO2 stockés dans les sédiments et les roches se métamorphisent en silicates (CaSiO3), une réaction qui dégage du CO2. Les matières organiques, aussi séquestrées dans les roches et sédiments, dégagent aussi du CO2 dans ces conditions. Tout ce CO2 est retourné à l’atmosphère grâce aux volcans. Il s’agit donc là d’un cycle long du carbone qui fonctionne depuis le début de l’Archéen, soit depuis 4 Ga, et qui régule le CO2 atmosphérique.

Il y a donc une relation entre les concentrations en CO2 de l’atmosphère et la tectonique des plaques. Ces concentrations vont varier avec les variations dans l’activité de la tectonique des plaques. En somme, on peut dire que ce qui a rendu et qui rend encore notre terre habitable, c’est bien sûr sa position par rapport au soleil (ni trop près, ni trop loin), mais aussi la tectonique des plaques.

On ne sait trop à quel moment la Vie est apparue à l’Archéen, mais on a de bonnes raisons de croire qu’elle était déjà sur terre il y a 3,76 Ga comme en témoignent les roches du Groupe d’Isua au Groenland (voir 4.3.2 La longue vie solitaire des bactéries pour plus de détails). Parmi les premières bactéries apparues, il y avait les pourpres et les vertes, capables d’oxyder le soufre réduit (S2- dans les sulfures comme la pyrite FeS2) en sulfate (SO4

2-, comme dans l’anhydrite CaSO4). Ces bactéries furent donc reponsables de la dissolution de sulfates dans l’hydrosphère, dès les premiers temps de l’Archéen, une première modification du milieu physico-chimique par des organismes vivants. La production d’oxygène libre O2 a commencé avec l’arrivée des premières bactéries capables de faire la photosynthèse, les cyanobactéries, qu’on appelle aussi les algues bleues-vertes. Celles-ci nous sont connues comme fossiles dans les roches sédimentaires, à partir de -3,5 Ga (3500 Ma). C’est le début du cycle court du carbone. La production d’O2 est minime à l’Archéen, mais prendra son essor au Protérozoïque. C’est aussi le début de la formation de la couche d’ozone (O3) bloquant les UV.

Le Protérozoïque: de -2,5 Ga à -544 Ma

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Au début du Protérozoïque, la production d’oxygène libre est encore faible et l’atmosphère est réductrice. Les stromatolites, ces colonnes de CaCO3 construites par les cyanobactéries, avaient commencé leur développement à l’Archéen (autour de -3,5 Ga); ils vont prendre énormément d’expansion au Protérozoïque et contribuer à soustraire du CO2 de l’atmosphère grâce à la photosynthèse effectuée par les cyanobactéries et à stocker du carbone dans le CaCO3 dont ils sont constitués (voir Stromatolites).

Les températures terrestres n’ont pas toujours été constantes. La surface de la Planète a connu des alternances de périodes chaudes et de périodes froides. En anglais, on a désigné les périodes chaudes de « greenhouse » et les froides de « icehouse », deux termes imagés que je me permets de traduire par « planète-serre » et « planète-igloo ». On verra plus loin qu’il y a encore plus froid que planète-igloo, la planète « boule de neige »! Pour toute l’histoire géologique, on a documenté cinq grandes périodes de planète-igloo qui se sont traduites chacune par une ou plusieurs glaciations:

autour de -2,3 Ga (glaciation huronnienne), entre -1 Ga et -544 Ma, avec quatre maxima dont les périodes sturtienne, Varanger et

sinienne, à la fin de l'Ordovicien, à -450 Ma, au Carbonifère, circa -300 Ma, depuis la fin du Pliocène, il y a 2 Ma.

C’est dire que nous sommes présentement dans une période de planète-igloo (voir Le Grand Âge Glaciaire en Amérique au point 3.1.2).

Ces alternances de planète-serre et de planète-igloo ont eu une profonde influence sur le cycle de l’eau (voir au point 3.4.1). Elles constituent aussi un bel exemple de rétroaction négative qui en fait explique en partie l’existence de ces alternances.

En période de réchauffement vers une planète-serre, l’atmosphère contient de plus en plus de vapeur d’eau, ce qui entraîne une suite de réactions en chaîne: augmentation des pluies sur les continents, augmentation de l’altération chimique des silicates, augmentation de la production et de l’apport dans les océans de Ca2+, HCO3

- et SiO2, augmentation de la précipitation de CaCO3, augmentation du stockage du carbone dans les sédiments et roches sédimentaires, ce qui en bout de ligne constitue un captage du carbone et une diminution de la concentration de CO2 atmosphérique, laquelle résulte en une diminution de l’effet de serre et un refroidissement du climat conduisant à une planète-igloo.

En période de refroidissement vers une planète-igloo, moins de vapeur d’eau dans l’atmosphère cause une diminution de l’altération chimique, d’où une diminution du

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captage du CO2 atmosphérique par l’altération. Le carbone stocké dans le CaCO3 des sédiments et roches sédimentaires durant la période de planète-serre précédente sera englouti dans les zones de subduction et retourné à l’atmosphère sous forme de CO2 par les volcans, d’où une augmentation de l’effet de serre et des températures, et le retour à une planète-serre.

Deux périodes de planète-igloo ont marqué le Protérozoïque. La première, autour des -2,3 Ga, correspond à une période de glaciation majeure, la Glaciation huronnienne. Deux causes sont invoquées pour expliquer cette glaciation: a) la prolifération massive des stromatolites à compter de -2,5 Ga qui a abaissé drastiquement la concentration en CO2 de l’atmosphère et par conséquent a diminué de façon importante l’effet de serre; b) une diminution dans l’activité de la tectonique des plaques entraînant une diminution des émissions de CO2 par les volcans.

La seconde période de planète-igloo du Protérozoïque correspond, en gros, au temps Néoprotérozoïque (entre -1000 et -544 Ma), une longue période froide qui aurait duré plus de 450 Ma. Plus précisément, elle a été marquée par quatre glaciations importantes: vers -940 Ma, de -760 à -700 Ma (Glaciation sturtienne), de -610 à -580 Ma (Glaciation Varangar ou marinoenne) et la dernière vers -550 Ma (Glaciation sinienne) au tournant du Précambrien-Cambrien. Cette dernière fut plutôt douce, mais l’avant-dernière, la Varanger, aurait été particulièrement sévère; certains y réfèrent comme une période de « terre boule de neige » qui a sévi pendant une trentaine de millions d’années.

Durant la période allant de -2,2 à -1,6 Ga, le Protérozoïque a connu le dépôt d’un volume exceptionnel de roches sédimentaires riches en fer dans lesquelles le fer se trouve sous sa forme oxydée Fe3+, comme par exemple dans le minéral hématite Fe2O3. Ces roches qu’on appelle « formations de fer » constituent la source de 90% du fer qu’on extrait des mines. La présence de ces formations de fer indique le début de l’oxygénation de l’atmosphère-hydrosphère. On a vu que durant tout l’Archéen, l’atmosphère était à toute fin pratique réductrice, ce qui est aussi vrai pour l’hydrosphère. Le gros des eaux de la Planète était anoxique, avec un énorme volume en fer réduit Fe2+ en solution. Les premières venues d’oxygène libre dans l’atmosphère au tout début du Protérozoïque grâce à la photosynthèse des cyanobactéries a oxydé les couches superficielles de l’hydrosphère, transformant le Fe2+ en Fe3+. Ce dernier n’est pas soluble dans l’eau et par conséquent a précipité sous forme solide dans les formations de fer. Cette précipitation a consommé de l’oxygène libre et a sans doute ralenti pour un temps l’oxygénation de l’atmosphère. Voir aussi L’oxygénétion de l’atmosphère).

Vers -1,4 Ga, sont apparues les eucariotes, de nouvelles cellules à noyau, aérobies (tolérant l’oxygène libre) et capables de photosynthèse, comme les algues unicellulaires. Elles sont responsables d’une oxygénation rapide de l’atmosphère, étant beaucoup plus efficaces que les cyanobactéries pour produire de l’O2. (N’oublions pas que ces formes de vie existent toujours et qu’on peut comparer leurs « performances » respectives). On évalue que l’atmosphère avait atteint son taux actuel en oxygène libre à la fin du Protérozoïque.

Le Protérozoïque se termine avec un réchauffement du climat terrestre. Le mégacontinent Rodinia (voir La période Protérozoïque au point 4.2.1 Les temps précambriens) se fragmente vers les -650 Ma et l’activité de la tectonique des plaques est grande, ce qui entraîne une augmentation de la concentration en CO2 de l’atmosphère et amorce en conséquence un réchauffement planétaire qui prendra effet au tout début du Phanérozoïque.

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Le Phanérozoïque: les derniers 544 Ma

L’histoire des cycles biogéochimiques et des grands changements climatiques est beaucoup mieux connue qu’aux temps précédents. La raison tient dans une bien meilleure connaissance des séquences sédimentaires, dans l’abondance et la diversité des fossiles qui aident à comprendre les paléomilieux et à dater plus facilement les couches géologiques et à la résolution beaucoup plus fine des datations, le tout permettant de mieux comprendre la paléogéographie et son évolution dans le temps.

http://www.scotese.com/sitemap.htm. On y trouve une série de cartes paléogéographiques (les mêmes qui sont présentées aux points 4.2.2 et 4.2.3) et de cartes paléoclimatiques pour tout le Phanérozoïque.

On peut résumer ainsi l’histoire climatique du Phanérozoïque:

la première demie du Paléozoïque (Cambrien à Dévonien; de -544 à -360 Ma) fut une période de planète-serre, si on exclut une brève période de glaciation à la fin de l'Ordovicien (voir plus bas),

la seconde demie du Paléozoïque et le tout début du Mésozoïque (Carbonifère, Permien et tout début Trias : de -360 à -240 Ma) ont constitué la 3ème période de planète-igloo,

le gros du Mésozoïque (-240 à -65 Ma) fut un retour à une période de planète-serre, le Cénozoïque (-66 Ma à aujourd’hui) amorça la 4ème période de planète-igloo sur

laquelle nous vivons présentement.

Le diagramme qui suit présente les variations de la teneur en CO2 atmosphérique durant le Phanérozoïque. Il s’agit de la courbe connue sous le nom de GEOCARB II, basée sur un modèle mathémathique et analytique établi par Robert A. Berner en 1994 (Am. Jour. Science) et 1997 (Science). On y voit le nombre et la répartition des points qui ont servi à construire la courbe, ainsi que la marge d’erreur reliée à la méthode. RCO2 exprime une proportion, c’est-à-dire le nombre de fois le niveau actuel du CO2 atmosphérique (soit 300 partie par million, valeur d’avant l’ère industrielle). Exemple: à l’Ordovicien, le niveau de CO2 a été jusqu’à 22 fois plus élevée que juste avant l’ère industrielle.

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Deux courbes des températures de surface se superposent à cette courbe, l’une (la droite orangée) calculée uniquement en fonction de la variation dans le temps de l’intensité du rayonnement solaire, sans tenir compte de la présence de CO2, l’autre (bleue) calculée en tenant compte de la variation temporelle de l’intensité du rayonnement solaire, couplée aux teneurs en CO2 atmosphérique (effet de serre).

Les faits saillants de la courbe du CO2 durant les quelques derniers 600 Ma sont les suivants: 1) la concentration atmosphérique de CO2 fut plus élevée dans la première demie du Paléozoïque qu’elle ne le fut pour les derniers 400 Ma; 2) le Carbonifère-Permien a connu une chute drastique du niveau de CO2 atmosphérique; 3) après cette chute, les niveaux de CO2 ne sont jamais remontés à leur position du début du Paléozoïque; 4) les niveaux de CO2 baissent progressivement depuis le Trias, avec une accélération à partir du Cénozoïque.

La forte concentration de l’atmosphère en CO2 durant la période du Cambrien au Dévonien est due au fait que l’activité de la tectonique des plaques était assez élevée, entraînant un dégazage en CO2 par les volcans, et que le captage du CO2 atmosphérique était limité. En fait, le seul puits de carbone significatif à cette époque était relié au processus de l’altération superficielle des silicates continentaux qui, par captage du CO2 atmosphérique, conduisait au stockage du carbone dans le CaCO3 des sédiments et roches sédimentaires marines, un processus dont nous avons discuté plus haut. La production biologique primaire était

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pratiquement limitée à la vie marine à cette époque et par conséquent le volume de matière organique pouvant être stoké était peu important.

C’est l’avènement des plantes vasculaires à racines et la colonisation de vastes surfaces continentales à la fin du Dévonien qui a sérieusement modifié le décors et accéléré le stockage du carbone, de deux manières. D’abord par l’action des racines des plantes vasculaires qui accélèrent l’altération chimique des silicates en profondeur dans les sols et captent ainsi le CO2 atmosphérique, libérant une quantité de produits beaucoup plus grande que précédemment et augmentant substantiellement le stockage du carbone dans les sédiments et roches sédimentaires marines. Puis, cette végétation terrestre a produit une énorme quantité de matière organique qui est venue s’accumuler dans les marécages et les zones côtières marines. Les décomposeurs (bactéries, champignons) capables d’oxyder cette nouvelle matière organique (entre autres les lignines) n’étaient pas encore apparus sur terre à cette époque; ils ne viendront que plus tard, au Mésozoïque. En effet, l’oxydation de la lignine dans la biosphère actuelle est assurée par les champignons supérieurs dont les plus anciens fossiles connus remontent au Trias. Ce qui fait que ces matières se sont accumulées, ont été progressivement transformées en charbon et ont constitué un véritable tonneau des Danaïdes, un puits de carbone sans fond. Le Carbonifère-Permien contient le gros des réserves en charbon de la Planète. De là cette chute drastique du niveau de CO2 à la fin du Dévonien et le maintien d’un bas niveau tout au long du Carbonifère-Permien.

À la fin du Permien - début du Mésozoïque, c’est la Pangée. Les surfaces continentales sont vastes, car le niveau marin est bas. Le puits de carbone de l’altération superficielle fonctionne encore bien. Mais le début du Mésozoïque est une période de forte activité tectonique: c’est la fragmentation de la Pangée et l’ouverture de l’Océan Atlantique. Le dégazage au niveau des dorsales et des volcans de zone de subduction est intense et émet une grande quantité de CO2. Le niveau de CO2 atmosphérique se reconstruit, mais ne reviendra pas à son niveau de la première demie du Paléozoïque. L’altération continentale à travers les pluies acides et les racines des plantes va continuer à agir comme puits de carbone, mais les nouveaux décomposeurs des végétaux terrestres vont contribuer à diminuer énormément le stockage du carbone sous forme de charbon.

À partir de - 80 Ma, on note une chute significative du niveau de CO2 atmosphérique. On sait qu’il y a une nette diminution de l’activité tectonique aux dorsales médio-océaniques à partir de ce moment, ce qui aurait diminué les émissions de CO2 reliées au dégazage par les volcans. Cependant, cette diminution de l’activité tectonique n’est sans doute pas suffisante pour expliquer la chute plus importante à partir de -30 Ma. Une hypothèse récente relie cette chute à la collision de l’Inde avec l’Asie. Cette collision a créé une gigantesque chaîne de montagnes, l’Himalaya, avec au nord des terrains surélevés, le plateau du Tibet. Les nouveaux reliefs de la chaîne auraient offert des surfaces rocheuses facilement érodables et altérables chimiquement, contribuant efficacement au captage du CO2. En même temps, le soulèvement du plateau tibétain aurait favorisé les grandes pluies saisonnières (mousson) et fourni l’eau nécessaire à l’altération chimique au front de l’Himalaya. Ce serait là un autre exemple de l’implication de la tectonique des plaques dans un des grands cycles biogéochimiques. Finalement, les glaciations des 2 derniers Ma (Pléistocène) ont contribué au captage du CO2 atmosphérique et son piégeage dans les sédiments marins en offrant à l’altération chimique de plus grandes surfaces continentales durant les périodes de bas niveaux marins (jusqu’à -135 mètres).

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Il y a une corrélation assez évidente entre la courbe des variations des niveaux de CO2 et celle des variations des températures. Le rôle du CO2 en tant que gaz à effet de serre apparaît bien démontré ici. Point n’est besoin d’élaborer longuement sur ce sujet. Si les températures du Mésozoïque se retrouvent au même niveau que celles de la première demie du Paléozoïque pour une teneur atmosphérique en CO2 bien inférieure, c’est qu’il y a eu, au Mésozoïque, une augmentation dans l'intensité du rayonnement solaire (courbe orangée).

Un événement climatique important qui n’a pas été détecté par le modèle de la courbe des températures est une brève période de glaciation qui eut lieu à la fin de l’Ordovicien. Cette glaciation est bien documentée par la présence de dépôts glaciaires (tillites) sur les masses continentales qui se situaient à l’époque au pôles sud (voir carte paléoclimatique du milieu et fin Ordovicien de Scotese à http://www.scotese.com/mlordcli.htm). Elle est aussi fort probablement responsable d’une des cinq grandes extinctions de masse (voir L'extinction de la fin de l'Ordovicien à la section 4.3.3 sous Les grands chambardements de la vie: les extinctions de masse ).

La 3ème période de planète-igloo a conduit à un âge glaciaire important, les glaciations permo-carbonifères. Celles-ci nous sont connues par les nombreux dépôts glaciaires qui ont été répertoriés sur la grande masse continentale qu’était la Pangée, principalement dans l’hémisphère sud, du pôle juqu’à la frontière entre les zone tempérée et tropicale (voir carte paléoclimatique du Permien de Scotese à http://www.scotese.com/epermcli.htm). On se souviendra que la distribution de ces dépôts a été utilisée par Alfred Wegener comme l’un des arguments appuyant l’idée d’une ancienne Pangée et de la dérive des continents (voir Les traces d’anciennes glaciations à la section 1.1 La dérive des continents).

Finalement, la 4ème période de planète-igloo s’est amorcée avec le Cénozoïque, et sa première grande glaciation (le stade glaciaire Nébraskien) a débuté il y a 2 Ma. Nous vivons depuis dans ce Grand Âge Glaciaire. Il y a fort à parier que nous sommes présentement dans un stade interglaciaire, attendant une prochaine englaciation, ... à moins que nos émissions accélérées de CO2 atmosphérique amène un réchauffement si important qu’il mettra fin à cette 4ème période de planète-igloo et amorcera une nouvelle période de planète-serre! Allons voir au point suivant.

3.4.8 Les gaz à effet de serre (GES)

Nos inquiétudes concernant les changements climatiques actuels et à venir sont centrées sur le réchauffement planétaire. « Effet de serre » et « réchauffement planétaire » sont deux termes qui sont souvent considérés comme interchangeables, alors qu’ils ne le sont pas puisqu’ils réfèrent à deux phénomènes différents. L’effet de serre est un phénomène naturel qui maintient les températures de la surface planétaire plus élevées qu’elles ne le seraient s’il était absent. Tel qu’utilisé dans le contexte actuel, le réchauffement planétaire réfère à une augmentation des températures terrestres causée par les activités anthropiques (industrie, agriculture, mode de vie, etc.).

Le réchauffement planétaire est un sujet complexe parce qu’il implique plusieurs parties du système Terre. Il est aussi un sujet controversé parce qu’il n’est pas facile de discriminer entre les influences naturelles et les influences anthropiques. Et parce qu’elles découlent de notre

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monde industrialisé et de nos modes de vie, les causes du réchauffement sont et seront très difficiles à éliminer ... si jamais nous souhaitons le faire.

Les opinions sont partagées quant au réchauffement planétaire parmi les chercheurs et les divers organismes impliqués. Certains, peu nombreux, n’y croient carrément pas, considérant qu’il s’agit d’une sorte d’hystérie collective et que les chiffres sont triturés pour faire croire à la catastrophe imminente. Mais la grande majorité est persuadée qu’il y a eu effectivement réchauffement durant le dernier siècle. Certains hésitent encore à relier ce réchauffement aux activités anthropiques, alors que d’autres, beaucoup plus nombreux, sont persuadés qu’Homo sapiens (sapiens en latin = sage!) altère présentement le climat terrestre et qu’il continuera à le faire dans le futur. Les espèces se succèdent sur la Planète depuis près de 4 milliards d’années. Homo sapiens est la première à comprendre suffisamment celle-ci pour pouvoir sciemment la modifier et contrôler son devenir.

Dans l’atmosphère terrestre, les principaux gaz à effet de serre sont la vapeur d’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O) et les chlorofluorocarbures (CFC). Les CFC ont une origine exclusivement anthropique, alors que CO2, CH4 et N2O ont une double origine, naturelle et anthropique. De loin la plus abondante dans l’atmosphère, la vapeur d’eau n’est pas directement reliée aux activités de l’homme. Les quantités respectives de ces gaz dans l’atmosphère sont indiquées au tableau suivant:

Les gaz à effet de serre n’ont pas tous la même capacité d’absorption du rayonnement infrarouge; en clair, leur efficacité en termes d’effet de serre est variable. Ainsi, le méthane est 21 fois plus efficace que le dioxyde de carbone et les CFC-12 (fréon-12), 15 800 fois plus efficaces. C’est la vapeur d’eau qui est la plus grande responsable de l’effet de serre. Au second rang c’est le CO2. En effet, en tenant compte des teneurs actuelles des gaz et de leur efficacité à agir comme gaz à effet de serre, on peut dire, en simplifiant les calculs, que dans l’atmosphère terrestre actuelle, c’est le CO2, après l’eau, qui est le grand contributeur à l’effet de serre; le méthane représente l’équivalent d’un dixième de la contribution du CO2, le N2O un centième et les CFC de un à deux centièmes. Il n’est donc pas surprenant que l’on cible les émissions de CO2 dans l’analyse des causes du réchauffement planétaire. Par ailleurs, si les CFC ne sont pas de grands contributeurs à l’effet de serre, il n’en demeure pas moins qu’ils sont extrêmement nocifs pour la couche d’ozone.

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Il n’y a pas de doute qu’un réchauffement ou un refroidissement climatique est directement relié à la quantité des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, en particulier le CO2 et dans une bien moindre mesure le CH4, deux gaz reliés au cycle du carbone. Le problème majeur qui interpelle les chercheurs dans le domaine est de faire la part des choses entre les émissions naturelles et celles qui sont d’origine anthropique. Examinons les faits à la page suivante.

3.4.9 Vivons-nous réellement un réchauffement planétaire?

Notre étude de l’histoire géologique des climats au point précédent 3.4.7 nous a montré que depuis la fin du Mésozoïque les températures terrestres ont progressivement chuté et que nous sommes présentement dans une période de planète-igloo et même, depuis 2 Ma, carrément dans un Grand âge glaciaire (voir la répartition des stades glaciaires et interglaciaires des derniers 2 Ma).

La courbe qui suit trace cette chute depuis le début du Tertiaire (Selon University Corporation for Atmospheric Research/Office for Interdisciplinary Earth Studies (UCAR/OIES), 1991; cité dans Mackenzie, 1998).

Les deux autres graphiques qui suivent sont tirés de UCAR/OIES (1991) et du rapport d’évaluation de 1990 de l’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) (appellation française, GIEC - Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat), cités dans Mackenzie, 1998. Le graphique A présente les fluctuations de température durant les derniers 18 milliers d'années. Depuis 10,000 ans, nous sommes dans un stade interglaciaire, alors qu'entre 10,000 et 18,000 ans, nous étions en pleine englaciation (la glaciation wisconsinienne), ce qui se reflète nettement sur la courbe des températures. Le graphique B montre les fluctuations de température durant le dernier millénaire.

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À noter qu'entre le milieu du 15ème siècle et le milieu du 19ème siècle, on aurait connu une période où les conditions climatiques, à la grandeur du globe, furent sensiblement plus froides qu'aujourd'hui, de l'ordre de 1°C. Les climatologues ont appelé cette période le Petit Âge glaciaire. Les écrits de la Renaissance font état par contre d'une période relativement chaude durant le Moyen-Âge.

Il est à noter cependant que dans son dernier rapport d’évaluation scientifique (2001), l’IPCC (GIEC) modifie ses conclusions au sujet de cette idée, sur la base de nouvelles données exprimées par les graphiques suivants qui présentent les fluctuations durant le dernier millénaire dans l’hémisphère nord, telles que reconstituées à partir des anneaux des arbres, des coraux, des carottes glaciaires et des documents historiques (courbe bleue), ainsi que des mesures instrumentales (coube orangée) pour le dernier siècle. La zone grise exprime la marge d’erreur de deux écarts-types.

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Source: http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig2-20.htm

http://www.manicore.com/documentation/serre/GIEC.html. Pour en savoir plus sur le GIEC (IPCC, Intergovernmental Panel on Climate Change). Une page de l’excellent site de Jean-Marc Jancovici qu’il vous est suggéré de consulter en Bibliographie.

D’une façon générale, on voit sur ce graphique qu'il y a une légère baisse continue (trait rouge) depuis le 11ème siècle jusqu'au 20ème siècle et qu'il n’y a pas d’évidences que ces périodes chaude du Moyen Âge et froide du Petit Âge glaciaire aient affecté l’ensemble de la Planète. Le Petit Âge glaciaire serait plutôt une variation locale centrée sur l’Europe de l’Ouest. Ce dernier graphique montre aussi que le taux d’augmentation et la durée du réchauffement au 20ème siècle n’ont aucun précédent durant tout le millénaire; ils ne peuvent être considérés comme une simple récupération de ce qui a été appelé le Petit âge glaciaire, un argument parfois avancé pour expliquer ce réchauffement.

Malgré tout ce froid planétaire dans lequel nous baignons, les températures terrestres se sont élevées durant les derniers 150 ans comme le montre cette courbe fréquemment citée de leurs fluctuations pour la période 1856-1995 (selon les rapports d’évaluation scientifique de l’IPCC, 1990, 1996 et 2001). Les barres grises indiquent les écarts de températures moyennes annuelles par rapport à la moyenne des températures de la période 1961-1990 (ligne 0). La courbe rouge représente les valeurs moyennes annuelles filtrées.

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Vous trouverez des courbes plus détaillées dans le 3ème rapport d’évaluation 2001 de l’IPCC et présentées aux URL suivants: http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig2-1.htmhttp://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig2-6.htmhttp://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig2-7.htm http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig2-8.htm

Le réchauffement est plus important dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud. Les deux cartes qui suivent, construites selon les scénarios A2 et B2 du SRES (ces scénarios sont présentés plus loin), montrent bien cette différence importante entre les deux hémisphères et surtout un réchauffement inquiétant aux latitudes arctiques.

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Voir http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig9-10.htm pour la source de ces cartes et d’autres cartes construites selon d’autres scénarios qui finalement indiquent tous la même tendance, seules les intensités variant.

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http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/index.htm. On trouvera le 3ème rapport d’évaluation scientifique 2001 de l’IPCC à cet endroit, ainsi que plusieurs autres rapports connexes.

La question est maintenant de savoir si le réchauffement planétaire est causé par nos émissions de gaz à effet de serre3.4.10 - Y a-t-il une relation de causalité entre nos émissions de gaz à effet de serre, surtout de CO2, et ce réchauffement?

On peut difficilement douter que la dernière décennie du 20ème siècle a connu un réchauffement exceptionnel. Reste à savoir si nos émissions de gaz à effet de serre en sont responsables.

Établissons d’abord qu’il y a une relation directe entre fluctuations des teneurs en gaz à effet de serre et les fluctuations des températures. Le graphique qui suit montre un beau parallélisme entre fluctuations des températures et fluctuations des teneurs en CO2 et en CH4.

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Sources:Courbe du CO2 : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig3-2.htmCourbe du CH4 : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig4-1.htm

Il s’agit ici des teneurs en CO2 et CH4 obtenues par l’analyse de minuscules bulles d’air piégées dans la glace de la carotte du sondage de Vostok, ainsi que des températures déduites des isotopes stables de l’oxygène. Les fluctuations de température sont indiquées selon leur déviation par rapport aux températures de 1993 (année de l'étude). La largeur des courbes du CO2 et du CH4 exprime la marge d’erreur des évaluations. On peut toujours se demander si ce sont des variations dans les teneurs en CO2 et CH4 atmosphériques qui ont amené des variations de température ou plutôt l’inverse, des variations de températures qui ont contrôlé les teneurs en CO2 et CH4 atmosphériques. N’oublions pas ici les variations reliées aux paramètres orbitaux de la Terre et les cycles de Milankovich.

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La figure qui suit montre les changements de teneur en CO2, CH4 et N2O au cours du dernier millénaire. Ces données sont basées sur les carottes de glace et les anneaux des arbres de divers sites de l’Antarctique et du Groenland (les divers symboles sur les courbes), avec en plus les données provenant d’échantillons atmosphériques pour les dernières décennies (ligne noire sur la courbe du CO2 et partie terminale de la courbe du CH4). On peut difficilement nier une augmentation exponentielle depuis l’ère industrielle de ces trois gaz à effet de serre.

Sources :Courbe du CO2 : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig3-2.htmCourbe du CH4 : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig4-1.htmCourbe du N2O : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig4-2.htm

Voici quelques chiffres qui décrivent bien ces augmentations, chiffres extraits du 3ème rapport d’évaluation (2001) de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) qui conclut « qu’il y a des évidences nouvelles et plus fortes que le gros du réchauffement des derniers 50 ans est attribuable aux activités humaines ».

La teneur atmosphérique en CO2 a augmenté de 31% depuis 1750. La teneur actuelle n’a jamais été dépassée durant les derniers 420 000 ans, ni même vraisemblablement durant les derniers 20 millions d’années. De plus, le taux d’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique a été en moyenne de 1,5 ppm (0,4%) par année (variation de

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0,9 à 2,8 ppm) durant les deux dernières décennies; un tel taux d’augmentation ne s’est pas produit durant au moins les derniers 20 000 ans.

On évalue que trois-quarts des émissions anthropiques de CO2 dans l’atmosphère durant les derniers 20 ans sont dus à la consommation des combustibles fossiles. Le quart restant est dû en grande partie au changement de pratiques dans l’utilisation des terres, en particulier la déforestation.

Présentement, l’océan et les continents captent ensemble la moitié seulement des émissions anthropiques de CO2.

La teneur atmosphérique en CH4 a augmenté de 151% (soit 1060 ppb) depuis 1750 et continue d’augmenter. La teneur actuelle n’a pas été dépassée durant les derniers 420 000 ans. Un peu plus de la moitié des émissions de CH4 sont anthropiques (combustibles fossiles, ruminants, rizières). De plus, les émissions de monoxydes de carbone (CO) ont récemment été identifiées comme une cause de l’augmentation des teneurs en CH4.

La teneur atmosphérique en N2O a augmenté de 17% (soit 46 ppb) depuis 1750 et continue d’augmenter. La teneur actuelle n’a pas été dépassée durant au moins le dernier milliers d’années. Environ le tiers des émissions de N2O est anthropique (agriculture, alimentation du bétail, industrie chimique).

Depuis 1995, les teneurs atmosphériques de plusieurs des CFC qui sont à la fois nocifs pour la couche d’ozone et à la fois des gaz à effet de serre, augmentent plus lentement qu’auparavant ou même diminuent, grâce au protocole de Montréal. Par contre, leurs substituts, bien que plus amicaux pour la couche d’ozone, sont aussi des gaz à effet de serre et leur teneur augmentent.

Dans le 3ème rapport d’évaluation de l’IPCC (2001), on trouve aussi les résultats d’une modélisation qui simule les changements de température à la surface terrestre depuis 1960. Les résultats sont comparés à la courbe des températures réellement mesurées et on tente de séparer les causes naturelles des causes anthropiques. Les trois graphiques qui suivent expriment ces résultats. Sur les trois, la ligne rouge correspond aux températures mesurées et le profil en gris au modèle. Le profil en A ne tient compte que de causes naturelles (variations solaires, activité volcanique); celui en B, que des causes anthropiques (émissions de gaz à effet de serre, aérosols sulfatés); celui en C, de la somme des causes naturelles et anthropiques.

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Source : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig12-7.htm

On voit bien que les causes naturelles seules ne peuvent expliquer l’augmentation des températures des dernières décennies (graphique A): il y a peu de correspondance entre le profil du modèle qui ne tient compte que des causes naturelles et la courbe des températures

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mesurées. Le profil qui tient compte plutôt des causes anthropiques (graphique B) colle un peu mieux à la courbe des températures mesurées, mais c’est vraiment celui qui additionne les deux types de causes (graphique C) qui colle le plus à la réalité. En clair, ces résultats démontrent deux choses: 1) que les paramètres utilisés pour la modélisation sont valables, ce qui n’exclut pas la possibilité qu’il y en ait d’autres; 2) que le réchauffement planétaire que nous vivons est en majeure partie causé par des activités anthropiques.

En développant des modèles prévisionnels pour les teneurs en gaz à effet de serre et en aérosols pour les climats futurs, le 3ème rapport d’évaluation de l’IPCC (2001) en arrive aussi à la conclusion que « les effets des activités d’origine anthropique vont continuer à changer la composition de l’atmosphère tout au long du 21ème siècle ».

Il est virtuellement certain que les émissions de CO2 dues à la consommation des combustibles fossiles seront l’influence dominante sur la tendance à l’augmentation de la teneur atmosphérique en CO2 durant le 21ème siècle.

Avec l’augmentation des teneurs atmosphériques en CO2, l’océan et les continents vont capter une fraction de moins en moins grande des émissions anthropiques de CO2.

Au tournant du prochain siècle, on évalue que la teneur atmosphérique en CO2 se situera entre 540 et 970 ppm, selon le modèle utilisé, soit de 90 à 250% au-dessus de la teneur étalon de 280 ppm en 1750.

Tous les modèles développés prévoient une augmentation des températures terrestres moyennes et du niveau des mers. La figure qui suit présente les prévisions pour le prochain siècle selon six scénarios développés à partir de divers modèles complexes.

Source : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig9-14.htm

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Sur cette figure, SRES signifie Special Report on Emission Scenarios. Ces scénarios ont été développés par l’IPCC à compter de 1996 pour remplacer ceux d’une modélisation plus ancienne identifiés ici comme IS92. Un ensemble de 40 scénarios, dont 35 utilisent des données sur la totalité des gaz influençant le climat, ont été développés en tenant compte de facteurs démographiques, économiques et technologiques susceptibles d’influencer les émissions futures de gaz à effet de serre et de soufre. Il est à noter que ces scénarios ne tiennent pas compte des initiatives en cours ou proposées pour réduire les émissions, tel le protocole de Kyoto. Ces 40 scénarios ont été groupés en quatre familles, A1, A2, B1 et B2; sur le graphique, la famille A1 a été subdivisée en trois sous-familles. Les scénarios présentés correspondent à ces regroupements.

Famille A1 : décrit un monde futur à croissance économique très rapide, une population mondiale qui atteint un sommet au milieu du siècle et qui diminue ensuite, et l’introduction de technologies nouvelles et plus efficientes. Les traits dominants sont la convergence des régions, l’augmentation des interactions culturelles et sociales, avec une réduction substantielle des différences régionales. Les trois sous-familles de A1 expriment leurs différences principalement dans leur choix au niveau des énergies : A1T choisit des sources d’énergie non fossiles, A1F1 est fortement centrée sur les énergies fossiles, et A1B tente un équilibre entre toutes les sources d’énergie.

Famille A2 : décrit un monde très hétérogène. Le trait dominant est l’auto-suffisance et la préservation des identités locales. La convergence des patrons de fertilité entre les régions est très lente, ce qui résulte en une augmentation continue de la population. Le développement économique est d’abord orienté régionalement et sur la croissance individuelle. Les changements technologiques sont plus fragmentés et plus lents que chez les autres familles.

Famille B1 : décrit un monde convergent qui, comme en A1, possède la même population mondiale qui culmine au milieu du siècle et décline par la suite. Elle s’en distingue par un changement rapide des structures économiques qui se dirigent vers une économie de services et de l’information, avec une réduction du matérialisme et l’introduction de technologies propres et efficientes au niveau des ressources. L’emphase est mise sur des solutions globales quant à la durabilité du développement économique, social et environnemental, incluant une amélioration de l’équité, mais sans initiatives additionnelles concernant le climat.

Famille B2 : décrit un monde où l’emphase est mise sur des solutions locales en ce qui concerne la durabilité du développement économique, social et environnemental. C’est un monde où la population mondiale croît continuellement, mais à un rythme plus lent que A2. Le développement économique se situe à un niveau intermédiaire et les changements technologiques sont moins rapides et moins diversifiés par rapport à B1 et A1. Bien que ce scénario soit aussi orienté vers la protection de l’environnement et l’équité sociale, il est centré sur le local et le régional.

Quelque soit le scénario le plus probable dans cette nouvelle modélisation (SRES), on doit donc s’attendre à une augmentation des températures se situant entre 1,4 et 5,8°C vers la fin de ce siècle, une prévision à la hausse par rapport à la modélisation précédente (2ème rapport de l’IPCC, 1995) qui indiquait une fourchette de 1,0 à 3,5°C. Les modèles climatiques nous disent aussi que le réchauffement planétaire ne se fera pas de façon uniforme à la surface du Globe. Ainsi, le réchauffement des surfaces continentales sera plus élevé que la moyenne globale. Aussi, le réchauffement des régions nordiques de l’Amérique du Nord et de l’Asie centrale excède de 40% le réchauffement global dans tous les modèles, avec ce que cela

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implique sur la fonte des glaces. Par contre, le réchauffement est plus faible que la moyenne dans le sud et le sud-est de l’Asie en été et le sud de l’Amérique du Sud en hiver. Plusieurs modèles indiquent que la tendance des températures de surface dans le Pacifique tropical à présenter un patron de type El Niño devrait se poursuivre, c’est-à-dire un réchauffement plus important dans le Pacifique-Est que dans le Pacifique-Ouest, impliquant un déplacement vers l’est des précipitations.

Ayant bien établi qu'il y a bel et bien réchauffement planétaire et que les activités anthropiques en sont la causes, voyons maintenant quelles en seront les conséquences. ... Page suivante.

. Allons voir à la page suivante.

3.4.11 - Les conséquences d’un réchauffement planétaire

Nous allons examiner ici quatre des principales conséquences d'un réchauffement planétaire.

a) La montée du niveau des mers.

Une des conséquences à laquelle on pense en premier lieu lorsqu’on invoque un réchauffement planétaire est la montée du niveau des mers, avec ses effets néfastes sur les terres basses côtières (inondations, vulnérabilité aux tempêtes), comme les Pays-Bas ou les grandes plaines deltaïques (Bangladesh, Louisianne, etc.). Cette montée des eaux est le plus souvent attribuée à la seule fonte des calottes glaciaires. Nuançons.

L'histoire des derniers 140 milliers d'années nous apprend que les fluctuations du niveau des mers se sont faites au gré des alternances de stades glaciaires et interglaciaires, avec des chutes atteignant les 135 mètres.

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Les chercheurs évaluent que le niveau marin s’est élevé de 12 cm depuis 1880. Il n’est pas simple d’évaluer cette élévation puisque la croûte terrestre n’est pas stable partout: dans une grande partie du Canada et de l’Europe, la croûte se soulève à cause du réajustement isostatique suite à la dernière glaciation, alors que dans certaines zones comme les zones deltaïques, elle s’abaisse à cause du poids des sédiments. Cette élévation progressive de 12 cm depuis 1880 est concordante avec le réchauffement observé. Deux facteurs sont à considérer quand on cherche à cerner les causes d’une élévation du niveau marin: la fonte des glaces, bien sûr, mais aussi la dilatation thermique des eaux océaniques. En fait, on évalue que près de la moitié de l’élévation a été causée par la dilatation des eaux de la couche supérieure de l’océan reliée à leur réchauffement. Le réchauffement des eaux de l’océan profond causera aussi une montée du niveau marin, mais cette fois à beaucoup plus long terme, compte tenu que la circulation thermohaline est beaucoup plus lente. On a calculé qu’un réchauffement de 0,5°C des eaux de surface (le réchauffement depuis 1880) ont entraîné, par dilatation, une élévation de 5 cm. Les autres 7 cm de la montée des eaux depuis 1880 correspondent à la fonte des glaciers de montagne. Par exemple, on a observé des retraits importants de glaciers dans les Alpes durant les deux derniers siècles et plusieurs glaciers des Andes retraitent rapidement présentement. On peut donc s’attendre à ce que la fonte des glaciers de montagne contribue à gonfler l’eau des océans dans un proche avenir.

Le graphique qui suit exprime les prévisions de montée du niveau marin, selon les mêmes scénarios (SRES, IPCC 2001) que pour le réchauffement planétaire.

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Source : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig11-12.htm

Pour le siècle à venir, l’IPCC prévoit que:

la couverture neigeuse et le couvert de glaces océannes de l’hémisphère nord vont encore diminuer.

Les glaciers de montagne et les calottes glaciaires vont continuer à fondre. Par contre, le volume de la calotte de l’Antarctique devrait plutôt augmenter à cause

de précipitations plus importantes reliées au réchauffement global, tandis qu’au contraire, celui de la calotte du Groenland devrait diminuer à cause d’une augmentation de la fonte et du ruissellement dépassant le volume des précipitations, l’hémisphère nord demeurant plus chaud que l’hémisphère sud.

Conséquemment, le niveau marin devrait connaître une élévation se situant entre 9 et 88 centimètres, selon le scénario impliqué, à cause de la dilatation thermique de l’océan supérieur et de la fonte des glaces. Il s’agit là d’une élévation moindre que celle qui avait été prévue dans le 2ème rapport d’évaluation (1995), l’amélioration des modèles ayant minimisé la contribution de la fonte des glaces.

b) L’impact sur les écosystèmes

Les différents types de plantes ont différents mécanismes de fixation du carbone, ce processus qui fait que durant la photosynthèse le CO2 est converti en carbone organique. Sans entrer

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dans les détails, disons que pour certaines plantes, ce mécanisme passe par la synthèse de composés à trois atomes de carbone. C’est ce qu’on appelle la photosynthèse C3 qui implique les plantes dites plantes C3. Il y a aussi la photosynthèse C4, impliquant des composés à quatre atomes de carbone, et conséquemment les plantes C4 (maïs, canne à sucre, pâturages). Les plantes C4 sont capables de photosynthétiser à des teneurs atmosphériques de CO2 bien inférieures à celles qui sont nécessaires pour les plantes C3, mais aussi, elles répondent plus mal que les plantes C3 à une augmentation des teneurs en CO2; ce qui implique que dans un scénario d’augmentation du CO2 atmosphérique certaines cultures seront défavorisées par rapport à d'autres.

Au sein même du monde des plantes C3, différents types de plantes répondront de façons différentes aux changements de température et de taux d’humidité qui accompagneront les variations de teneurs en CO2. Ainsi, certaines espèces d’arbres supportent mieux les augmentations de température et de teneurs en CO2 que d’autres. Par exemple, le pin et le bouleau supportent bien les teneurs élevées en CO2, alors que le tremble et l’épinette dépérissent quand les températures deviennent trop chaudes. En somme, sans entrer dans les détails, on peut dire que l’abondance relative et la distribution de certaines espèces de végétaux dans un écosystème donné risquent d’être modifiées par un réchauffement planétaire, avec ce que cela implique sur les autres végétaux et la vie animale.

Les changements de température provoquent un déplacement des limites entre les zones de température et conséquemment de la migration des espèces dont la répartition géographique est contrôlée par la température. Ainsi on pourrait assister à la migration d’insectes nuisibles aux cultures ou tout simplement aux humains aujourd’hui confinés aux zones tropicales vers les zones tempérées actuelles, élargissant leur territoire de façon substantielle (exemple, l’insecte vecteur de la malaria qui ne peut supporter les hivers froids). La rapidité avec laquelle les changements de température se font pourront aussi avoir une influence. Certaines espèces pourraient ne pas avoir la rapidité de réaction suffisante (reproduction, colonisation) pour suivre le changement et carrément disparaître.

Dans le domaine marin, un réchauffement des eaux de la tranche de surface peut affecter la vie benthique. Les coraux en sont un bon exemple. La fameuse maladie blanche qui affecte présentement les récifs coralliens est considérée comme étant reliée au réchauffement de l’eau. Le coraux expulsent leur symbiotes algaires (zooxanthelles) et se voient ainsi dépérir (voir Vers une nouvelle décimation s4/decimation.coraux.html). On évalue aujourd’hui que 20% des récifs coralliens ont été détruits et que 40% sont en danger, par diverses causes dont le réchauffement des eaux superficielles.

c) L’impact sur la circulation de l’océan global (circulation thermohaline)

On a vu plus haut (point 3.2.4) que la circulation de l’océan global forme une boucle qui prend son origine dans l'Atlantique-Nord où les eaux froides (refroidies par les vents froids du Canada), salées, denses et bien oxygénées plongent vers les profondeurs. Il s’agit d’un cycle de 1000 ans environ. C’est cette plongée des eaux froides et denses de l’Atlantique-Nord qui constitue en quelque sorte le moteur de cette circulation en boucle. C’est la remontée locale (upwelling) de ces eaux froides riches en nutriments qui alimentent le plancton en surface et qui contribuent ainsi à la forte productivité biologique marine dans certaines régions, par exemple au niveau des pêcheries, comme sur les Grands Bancs de Terre-Neuve ou les côtes du Pérou. C’est aussi cette circulation thermohaline (i.e., reliée aux gradients de température et de salinité) qui redistribue la chaleur.

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Un ralentissement, ou à la limite un arrêt, dans le transport des masses d’eau océaniques aura certes une influence néfaste sur la ressource halieutique et les climats en général. L’effet El Niño est un bon exemple de l’interrelation climat-circulation océanique-ressources marines. Un tel ralentissement peut être causé, au point de départ de la boucle, par un réchauffement des eaux de surface dans l’Atlantique-Nord et par une diminution de leur salinité par la fonte des glaces du Groenland et de l’Arctique.

Le graphique qui suit montre, à partir de plusieurs modèles, que déjà la circulation thermohaline décline depuis quelques décennies et que, sauf pour deux modèles, cette diminution ira en s’accentuant. Le zéro de base correspond à la moyenne des années 1961-1990.

Source : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig9-21.htm

Certains modèles vont même jusqu’à prévoir qu’une augmentation de 1% par an de la teneur atmosphérique en CO2 pendant 100 ans entraînera une coupure nette de la circulation thermohaline. Un autre modèle conclut qu’avec une augmentation de 1% par an, la coupure se produira lorsque la teneur atteindra 4 fois la teneur de base (280 ppm). Rappelons-nous que le taux d’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique a été en moyenne de 1,5 ppm (0,4%) par année durant les deux dernières décennies (voir plus haut).

d) L’impact sur « le temps qu’il fera » et les événements climatiques extrêmes

Le dernier rapport d’évaluation de l’IPCC présente une liste de changements probables à ce niveau reliés au réchauffement planétaire.

1. Des maxima de température plus élevés et un plus grand nombre de jours chauds dans pratiquement toutes les zones continentales.

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2. Des minima de température plus élevés, moins de jours froids et de jours de gel dans pratiquement toutes les zones continentales.

3. Des écarts de température réduits dans la plupart des zones continentales. 4. Une augmentation de l’indice de chaleur (une combinaison température-humidité qui

mesure les effets sur le confort des humains) dans la plupart des zones continentales. 5. Un plus grand nombre d’événements extrêmes au niveau des précipitations. 6. Une augmentation de l’assèchement estival continental, entraînant une augmentation

des risques de sécheresse. 7. Une augmentation dans l’intensité des vents de pointe des cyclones tropicaux. 8. Une augmentation des moyennes et des maxima de précipitations reliées aux cyclones

tropicaux.

Plusieurs de ces changements ont déjà été observés et même quantifiés dans certains cas durant la dernière moitié du 20ème siècle. Les changements 1 à 5 sont qualifiés de très vraisemblables (probabilité de 90 à 99% qu’un énoncé soit vrai), les autres de vraisemblables (probabilité de 66 à 90%) pour le 21ème siècle.

Tous ces résultats et ces données sont-ils fiables? Question légitime. ... Page suivante...

3.4.12 - Quelle crédibilité peut-on accorder aux données du passé et à la modélisation prévisionelle?

Pour comprendre les climats futurs et leurs changements, nous nous référons beaucoup à l’histoire des climats anciens et actuels, une démarche uniformitariste (actualisme) vue différemment qu'à l'habitude.

Rappel : le principe d’uniformitarisme (aussi appelé actualisme), cher aux géologues, dit que « le présent est la clé du passé ».

Ici, c’est le passé qui devient la clé du futur. Nous avons des données factuelles (écrits, mesures, relevés, etc.) sur un certains nombres de paramètres climatiques, en gros pour les deux ou trois derniers siècles, et quelques unes plus vagues pour les deux ou trois derniers millénaires (écrits historiques). En ce qui concerne l’histoire plus ancienne, nous devons nous fier aux données issues des travaux des géologues et paléontologues, des données qui découlent de l’observation, de l’analyse et de l’interprétation. Ce cours vous donne maints exemples de la nature et du degré de fiabilité de ces données géologiques (voir en particulier la section 4 et le point 3.4.7).

Dans son 3ème rapport d’évaluation (2001), l’IPCC présente un tableau qui, entre autres, exprime le degré de compréhension qu’ont les scientifiques par rapport aux divers agents qui ont contribué aux changements de l’irradiation terrestre pour les dernières 250 années. On y voit que le niveau de confiance est assez élevé en ce qui concerne les données sur les gaz à effet de serre, mais qu’il devient très faible en ce qui concerne les aérosols et autres contributeurs. Une telle constatation est à mettre en perspective dans l’évaluation du degré de fiabilité des modèles climatiques.

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Source : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig6-6.htm

Le sommet ou la base des rectangles correspond aux valeurs centrales ou aux meilleures évaluations des données publiées. Les lignes verticales expriment l’écart d’incertitude basé sur les écarts dans les données publiées.

Pour qui se préoccupe de savoir ce qu’il adviendra de notre planète dans les décennies, siècles et millénaires à venir, et plus particulièrement au niveau des changements climatiques amorcés, il y a deux groupes de démarches possibles : d'une part, la boule de cristal, les feuilles de thé, l’astrologie, votre voisine et tutti frutti, et d'autre part, les méthodes de modélisation numérique (rien à voir avec la numérologie!); c’est l’un ou l’autre, les deux souffrant d’une incompatibilité définitive. Certains politiciens ont préféré choisir les premières, mais les scientifiques ont préféré jusqu’à aujourd’hui le second groupe et s’attachent à produire des modèles climatiques les plus représentatifs possibles de la nature et de ses comportements.

Un modèle climatique est en quelque sorte un gros logiciel, un gros programme pour ordinateur, à l’aide duquel on tente de résoudre une équation longue et complexe dans laquelle les innombrables variables et constantes sont les paramètres physiques, chimiques et biologiques, ainsi que les lois naturelles qui définissent le climat et son évolution dans l’espace et le temps. Dans le cas qui nous préoccupe, l’espace est la surface entière de la Planète que l’on matérialise par une infinité de noeuds (points d’intersection d’une maille plus ou moins serrée) et le temps peut être les décennies et siècles passés ou le siècle à venir. À partir d’une série de paramètres définis introduits dans le modèle, on fait « tourner » ce

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dernier qui finalement résoudra l’équation selon certaines variables recherchées, telles la température, la teneur en CO2 ou l’ampleur des fluctuations du niveau marin.

La fiabilité du modèle et surtout du résultat obtenu est beaucoup fontion de la compréhension que l’on a des lois de la nature et des interactions entre les divers paramètres climatiques. On doit admettre que physiciens, chimistes, géologues et climatologues connaissent assez bien ces lois depuis au moins quelques décennies et qu’en fait, la limite à la modélisation était la capacité de traitement informatique, une limite passablement repoussée aujourd’hui. En plus des paramètres physiques, chimiques et biologiques, on a vu plus haut qu’on introduit dans la modélisation, depuis qu’on est certain que les activités humaines ont une influence directe sur les changements climatiques, les paramètres sociétaux (économie, politique, comportement social, etc.).

Il faut cependant réaliser que si nous connaissons adéquatement les lois naturelles régissant individuellement chacun des paramètres impliqués, nous éprouvons encore souvent beaucoup de difficulté à cerner les interactions entre les paramètres, même si on fait présentement d’immenses progrès en ce domaine. On l’a dit plus haut, la planète Terre est un système complexe, un ensemble composé d’éléments variés, intimement reliés entre eux et fonctionnant comme un tout. Nos modèles veulent représenter ce système ou une partie de ce système. Dans le cas de modèles climatiques, le fait qu’ils peuvent adéquatement représenter une réalité connue, comme par exemple la concordance entre le modèle et les observations dans le cas de l’augmentation des températures depuis 1860 présenté plus haut, nous conforte dans leur fiabilité.

Cela dit, il est un domaine où la modélisation climatique trouve ses limites: c'est notre compréhension très limitée des effets de seuil. La réponse d'un processus à une perturbation donnée n'est pas toujours linéaire, c'est-à-dire qu'elle n'est pas nécessairement proportionnelle à la perturbation. Pour utiliser une analogie, une augmentation de la tension sur une bande élastique par faibles incréments entraînera son étirement progressif, jusqu'à ce qu'on atteigne un seuil où un seul incrément, aussi faible soit-il, fera casser la bande élastique, un effet disproportionné par rapport à la taille de la dernière perturbation et au-delà duquel il n'y a pas de retour possible. Personne présentement ne peut dire où se situe le seuil de température au-delà duquel la machine terrestre risque de s'emballer.

En définitive, il ne faut pas voir les modèles climatiques prévisionnels comme définitifs et sans faille. L’avancement des connaissances les rendront toujours perfectibles. Et ce n’est pas parce qu’ils sont imparfaits qu’ils sont faux et inutiles comme voudrait le laisser croire une certaine presse. Il ne faut pas tomber dans le piège de la pensée simpliste et réductrice, comme celle des créationnistes qui refutent l’évolution parce que les évolutionnistes ne s’entendent pas sur certains mécanismes de l’évolution. Ce n'est pas parce qu'on est pas certain si Un Tel est arrivé à 15h15 ou à 15h25 qu'on doit conclure qu'il n'est pas venu! Ce n’est pas parce que le modèle ne peut prévoir avec précision l’augmentation des températures ou la montée du niveau des mers qu’on doit le mettre à la poubelle ... et sortir sa boule de cristal ou l’horoscope chinois. Les valeurs avancées par le modèle sont susceptibles d’être revisées à la hausse ou à la baisse, mais une chose est certaine, c’est qu’il y a et qu’il y aura réchauffement planétaire, qu’il y a et qu’il y aura montée du niveau des mers.

Que faire? C'est la question traitée à la page suivante.

3.4.13 - Que faire?

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Nous vivons un réchauffement planétaire en grande partie causé par les activités anthropiques et tous les modèles prévoient une augmentation importante des températures, avec les conséquences dont nous avons discuté plus haut. L’activité anthropique prédominante ciblée est la combustion des hydrocarbures et des charbons qui contribuent à augmenter de façon importante les teneurs atmosphériques en CO2, un gaz à effet de serre. Nier cette évidence relève de l’ignorance ... ou de l’intérêt à le faire.

La question fondamentale qui se pose, c’est d’abord: devons-nous agir ou non? Les réponses ne font pas l’unanimité.

Scénario 1 : n’agissons pas!

« Il est temps de mettre fin aux idées préconçues et aux exagérations qui polluent le discours des écologistes.»« On connaît le refrain. Ça ne l’empêche pas d’être faux ou, du moins, grandement exagéré. »« Je ne peux pas concevoir que nous allons continuer à utiliser des quantités massives d’énergie fossile et que nous allons rejeter jusqu’à quatre fois plus de CO2 dans l’air [en faisant référence aux 40 scénarios du GIEC; en fait le GIEC prévoit 3,4 fois plus et non 4 fois plus de CO2 selon le pire des scénarios] quand on sait que le prix de l’énergie renouvelable a chuté de 50% tous les 10 ans au cours des trois dernières décennies et devrait continuer à baisser »« Le réchauffement de la planète est un problème important, mais pas le plus important. Et le protocole de Kyoto ne fera que le retarder de six ans! Autrement dit, on atteindra en 2100 la température qu’on aurait sinon atteinte en 2094. On ne sauve pas les habitants du Bangladesh, on ne fait que leur donner six ans de plus pour fuir la montée des eaux. (...) Le protocole de Kyoto va coûter annuellement de 150 à 350 milliards de dollars américains. Or, selon l’Unicef, pour 70 à 80 milliards par an, on pourrait résoudre le plus grave problème auquel l’humanité est en butte: donner à chaque habitant de la planète accès à de l’eau potable et à des installations sanitaires. Ça sauverait deux millions de vies chaque année et éviterait à un demi-milliard de personnes de tomber gravement malades. Ça aiderait dès maintenant des gens dépouvus de tout et le tiers-monde serait en bien meilleure posture pour s’adapter au réchauffement futur. »

Ces citations sont extraites d’un interview par Jean-François Bégin, publié dans l’Actualité (octobre, 2001), de Bjorn Lomborg, professeur de statistique au département de Sciences politiques de l’Université d’Aarhus, au Danemark, et auteur de « The Skeptical Environmentalist » (Cambridge University Press).

Il y a là de quoi hérisser le poil de l’individu soucieux de son environnement et celui de la Planète, n'est-ce pas? Elles ont cependant le mérite, ces citations, de mettre sur la table les véritables enjeux, la question fondamentale : pouvons-nous vivre avec un réchauffement de la Planète et ses conséquences. Le géologue historien de la Terre (que je suis) constatera qu’on ne connaît aucun exemple dans l’histoire géologique d’un réchauffement climatique planétaire qui aurait été préjudiciable à la Vie, mais que certains refroidissements par contre l’ont été (par exemple la grande extinction de la fin de l’Ordovicien). Mais, il y a une nouveauté ici: le rythme accéléré avec lequel nous réchauffons la planète n’a peut-être jamais

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été expérimenté dans le passé géologique; ce rythme risque peut-être de faire franchir un seuil qui amènera des perturbations imprévisibles, inconnues et irréversibles. Malgré tout, se pourrait-il que nous nous soyons lancés avec tellement d’enthousiasme et de conviction dans le « sauvetage » de la Planète que nous avons oublié de nous poser la question de base, soit le pourquoi de notre action?

Par contre, ces citations ont le démérite de conforter dans ses opinions la droite peu encline à se préoccuper de l’environnement, qui voit l’IPCC (GIEC) comme une sorte d’épouvantail et qui trouvera là un support à l’inaction et à la poursuite des émissions de gaz à effet de serre. Le rejet de Georges W. Bush du protocole de Kyoto et sa nouvelle politique énergétique centrée sur l’utilisation des combustibles fossiles en est un bon exemple. On pourrait aussi se demander si les milliards de dollars économisés seraient réellement utilisés pour régler les problèmes d’alimentation et de bien-être de l’humanité ou si ces argents ne retourneraient pas plutôt dans les goussets de ceux qui vont considérer avoir le plus contribué à réduire les émissions, soit les grands consommateurs d’énergie (industrie lourde, habitants des pays industrialisés).

Mais, si nous décidions de ne pas agir, il faudra bien nous assurer que nous, nos enfants et nos petits enfants pourrons vivre les conséquences d’un réchauffement planétaire. Pouvons-nous prendre ce risque?

Scénario 2 : agissons!

Plusieurs sont convaincus qu’il faut agir. La convention de Rio, le protocole de Montréal et ses accords subséquents, ainsi que le protocole de Kyoto sont de bons exemples d’actions entreprises par la communauté internationale. Après les émissions de CFC (protocole de Montréal), ce sont manifestement les réductions d’émissions de CO2 qui sont dans la mire des intervenants.

Les défenseurs du protocole de Kyoto ont crié victoire après la conférence de Bonn en juillet dernier (2001). On s’est réjoui du « sauvetage » du protocole. Les écologistes ont jubilé. Selon l'un d'entre eux, « c'est un accord historique et une grande victoire pour l'environnement » (Le Devoir, 24 juillet 2001). Le Canada serait sorti grand gagnant de l'opération. Il pourra soustraire de ses émissions de CO2 ce qu'il aura englouti dans des puits de carbone. La bonne affaire quoi! Planter un arbre délivrera un permis de pouvoir utiliser son gros 4x4 climatisé pour aller acheter ses cigarettes au dépanneur du coin. Allez donc comprendre ces écologistes qui juste avant la « rencontre secrète » de Montréal (30 mars 2001) dénonçaient ce projet de puits de carbone, accusant le Canada de faire « la sale job à la place des Américains » (Le Devoir, 26 mars 2001). Pourtant, comme il est dit plus haut, le protocole de Kyoto n’est qu’une goutte d’eau dans la grande marre des réductions qu’il serait nécessaire de mettre en place pour freiner le réchauffement, et on a peine à y adhérer.

Pour ma part, je doute qu’il y ait lieu de crier victoire. On aura sauvé une image, mais en pratique on s'est soumis aux impératifs des USA. George W. Bush se sentira plus à l'aise d'aller de l'avant avec sa politique énergétique fondée sur l'utilisation accélérée des combustibles fossiles: abandon des accords de Kyoto, augmentation de l'offre des hydrocarbures au détriment d'un contrôle de la demande, ouverture de l'exploration pétrolière et gazière et des forages dans un parc écologique de l'Alaska (Arctic National Wildlife Refuge), remise au goût du jour des centrales thermiques fonctionnant au charbon. On évalue que d'ici deux décennies la consommation de pétrole augmentera aux USA, de 45% et celle

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du gaz naturel de 50%. Georges W. trouvera bien une commission socio-economico-scientifique qui démontrera que les USA font plus que tout autre pays en enfouissant le CO2 dans des puits de carbone.

Le signal du départ de la course aux puits de carbone est donné. Chaque organisme gouvernemental, chaque entreprise de recherche, chaque chercheur universitaire tentera de se tailler une part du gâteau des subventions. Qui côtoie les milieux scientifiques américains sait bien que déjà les fonds sont presqu'illimités pour qui propose de trouver des puits de carbone, ce qui risque d’entraîner parfois des propositions les plus farfelues et sans fondement scientifique.

Note personnelle. La dernière que j’ai entendue à ce sujet proposait de contrôler tout le drainage d’une région vers une sorte de lac où les matières organiques se décomposeraient en méthane et que ce méthane « s’enfoncerait » (en anglais, sink) dans le sol et serait ainsi stocké pour des millénaires. Proposition faites par un chercheur d’une des plus grandes institutions océanographiques des USA! Pour ceux qui ne verraient pas la bourde, revoir le point 3.3.2 sur la formation et la migration des combustibles fossiles. Comment croyez-vous qu’un politicien, dont la culture scientifique est en général mince, réagira face à une telle proposition?

On a abondamment discuté des divers puits de carbone au point 3.4.2. Le moyen le plus immédiat de capter le carbone à une grande échelle, c'est de le stocker dans la matière organique dont la fabrication est reliée au cycle photosynthèse-respiration (cycle court). Donc de fabriquer de la matière organique. Simple! Plantons des arbres! Mais, en contrepartie, plus on produira de matière organique, plus il y aura production de CO2 par oxydation; le soi-disant puits de carbone risque de devenir un miroir aux alouettes. Car il s'agit là d'un puits à cycle très court. En effet, au delà de la démarche toute bucolique de planter un arbre, il faut savoir que les géochimistes ont démontré qu'une forêt à maturité consomme autant d'O2 qu'elle en produit et qu'en terme de puits de carbone, le bilan est nul, c’est-à-dire qu’il y a équilibre entre photosynthèse et respiration en terme d’échange de carbone. La grande forêt boréale canadienne ou russe en est un exemple. Une autre donnée importante à considérer est qu'une forêt ou une prairie en friche recèle dans son sol de 5 à 10 fois plus de carbone qu’un sol cultivé. C’est donc dire que la seule reforestation susceptible d’agir comme puits de carbone est celle qui remplacerait des sols cultivés. Est-on prêt à sacrifier des terres cultivées?

Il y a, à mon avis, un énorme risque que cette course aux puits de carbone devienne un faux-fuyant qui permettra aux pays industrialisés, dont le Canada, de soustraire de ses émissions de CO2 un volume jugé équivalent par des plantations de végétaux. Déjà, on a fait état, il y a quelques temps, de la volonté de l’Ontario de développer des forêts dans ... les Caraïbes et de considérer ceci comme sa contribution à la réduction des émissions de CO2.

Ne nous berçons pas d’illusions. À mon avis, il n’y a qu’une seule véritable solution pour réduire les émissions de CO2 et le réchauffement qu’elles entraînent: cesser de court-circuiter le cycle long du carbone en puisant dans les combustibles fossiles et en brûlant les calcaires (cimenteries), ce qui implique un changement drastique dans nos habitudes de vie. La recherche de divers puits de carbone appartenant au cycle court est certes louable en soi et ne doit pas être abandonnée, mais la somme de leur captage du CO2 demeurera bien en deça de la somme des émissions reliées à notre surconsommation des hydrocarbures et charbons qui eux appartiennent au cycle long. Il a fallu quelques 600 millions d'années pour constituer le stock de carbone des combustibles fossiles, nous prendrons quelques siècles pour les épuiser!

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Le talon d'Achille de Kyoto

On vient d'adopter le protocole de Kyoto (février 2005). Évidemment, on ne peut qu'applaudir. Mais ..., car il y a un mais! Avec Kyoto, on a accepté le marché du carbone. Les grands consommateurs de pétrole et éventuellement de charbon, canadiens ou autres, pourront en quelque sorte acheter un permis de production de CO2. Il est vrai que, dans une perspective d'émissions de CO2 à l'échelle planétaire, la chose peut à la rigueur être défendable. Cependant, le problème est qu'on se concentre uniquement sur les émissions de CO2. On oublie de prendre en compte que la combustion des pétroles et des charbons émet avec le CO2, toute une panoplie de polluants qui contribuent, entre autres, à la production locale de smog (anhydride sulfureux, monoxyde de carbone, ozone, microparticules variées). L'Alberta pourra demain si elle le désire (et elle le désirera!) utiliser la combustion des charbons pour produire des pétroles à partir des sables bitumineux; elle n'aura qu'à acheter des permis. Nos voisins ontariens et américains pourront de la même façon produire leur électricité à partir du charbon, sans pour autant augmenter les émissions mondiales de CO2. Mais tout cela va contribuer à augmenter considérablement les émissions locales de polluants et par conséquent la production locale de smog, une situation qui est déjà responsable de milliers de décès annuellement. À la limite, on peut même concevoir que le Québec puisse devenir un vendeur de permis. Il n'en demeurera pas moins étouffé par le smog!

http://www.manicore.com/documentation/serre/modele.htmlhttp://www.manicore.com/documentation/serre/confiance.htmlDeux pages de l’excellent site de Jean-Marc Jancovici (voir Bibliographie) qui traitent beaucoup plus à fond le sujet des modèles climatiques et de leur fiabilité.

Bibliographie à la page suivante.

3.4.9 - Bibliographie

D’abord, deux liens internet incontournables (par ordre d’intérêt):

http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/. Le site officiel de l’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), connu en français sous le sigle GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat). En anglais. On y trouvera le 3ème rapport d’évaluation scientifique 2001 de l’IPCC au complet, ainsi que le résumés pour les décideurs, une version PDF résumée téléchargeable et plusieurs autres rapports connexes. Essentiel pour celui ou celle qui veut suivre de près les développements en ce domaine et surtout avoir l’heure juste.

http://www.manicore.com/documentation/serre/. Un excellent site français de Jean-Marc Jancovici, très fouillé sur le sujet des changements climatiques, construit sous forme de questions et réponses, bien vulgarisé et surtout nuancé et critique. Vous y trouverez aussi plusieurs liens pertinents.

Les monographies qui traitent du sujet:

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KUMP, L.R, KASTING, J.F. et CRANE R.G. 1999. The Earth System. Prentice Hall, Upper Saddle River, New Jersey, 351p.Un excellent bouquin. Très complet. Le meilleur à mon avis sur le sujet. Mérite l’achat.

MACKENZIE, F.T., 1998, Our Changing Planet - An introduction to Earth Science and global environmental change. Prentice-Hall, Upper Saddle River, 2ème édition, 486p.Un autre excellent bouquin qui couvre l’ensemble du sujet. Mérite aussi l’achat.

SCHLESINGER, W.H. 1991. Biogeochemistry, an analysis of global change. Academic Press Inc., Toronto, 443p.Un peu plus vieux que les autres (les choses changent vite en ce domaine), mais un bon livre tout de même.

BERNER, E.K. et BERNER, R.A. 1996. Global Environment. Prentice-Hall, Upper Saddle River, 2ème édition, 365p.À conseiller pour les cycles biogéochimiques surtout.

BRAHIC, A., HOFFERT, M., SCHAFF, A. et TARDY, M., sous la direction de DANIEL, J.-Y., 1999, Sciences de la Terre et de l'Univers. Vuibert, Paris, 634p.Bouquin général qui comporte une section sur les climats (p. 247-349). En français. Très bons textes en général, très bien illustré, mais pour moi il y a une chose très agaçante et à la limite de l’acceptabilité éthique: contrairement au bouquins américains et ce qui devrait être, la source des figures n’est pas indiquée, laissant croire qu’elles sont des auteurs, ce qui n’est pas le cas. Une telle pratique va, à mon avis, à l’encontre de l’enseignement universitaire qui devrait inciter l’étudiant à aller aux sources et à fouiller plus avant.

Autres travaux cités dans cette section 3.4:

AUBOURG, C., DANIEL, J.Y. et DE WEVER, P., sous la direction de DANIEL, J.Y., 2000. Problèmes résolus de Sciences de la Terre et de l’Univers. Vuibert, Paris, 371p.

BERNER, R.A. 1994. GEOCARB II: a revised model of atmospheric CO2 over Phanerozoic time. American Journal of Science, v. 294, p. 56-91.

BERNER, R.A. et CANFIELD, D.E. 1989. A new model for atmospheric oxygen over Phanerozoic time. American Journal of Science, v. 289, p. 333-361.

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