36 II - COMPORTEMENT MECANIQUE DES CCF (TRACTION). ....

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36 II - COMPORTEMENT MECANIQUE DES CCF (TRACTION). 2.1. Description globale. Notre étude se borne aux CCF à fibres courtes et droites (i.e. sans ondulations, crochets, etc...) de répartition homogène (leur orientation dans le composite peut être quelconque). Les composites étudiés sont tels que, sous l'influence du chargement, la dégradation de l'association fibre-matrice ne se fasse pas par rupture de la fibre, mais par décohésion et déchaussement de celle-ci. Pour ce faire, il faut que la demi-longueur de la fibre (qui est la longueur maximale d'ancrage de la fibre dans la matrice), L, remplisse la condition suivante (pour la plupart des cas) : σ τ fu f f cL a > (I.1) σ fu est la contrainte de rupture de la fibre (et dans certains cas la limite élastique de la fibre) ; a f est l'aire de la section droite de la fibre ; c est la circonférence de la fibre ; τ f est la contrainte de cisaillement frictionnel fibre-matrice approximée comme constante ; L est la demi-longueur de la fibre. Figure 17. Schématisation du comportement des CCF en traction uniaxiale [38]. δ (élongation) 1 2 σ matrice pure CCF 1 CCF 2

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II - COMPORTEMENT MECANIQUE DES CCF (TRACTION).

2.1. Description globale.

Notre étude se borne aux CCF à fibres courtes et droites (i.e. sans ondulations,

crochets, etc...) de répartition homogène (leur orientation dans le composite peut être

quelconque). Les composites étudiés sont tels que, sous l'influence du chargement, la

dégradation de l'association fibre-matrice ne se fasse pas par rupture de la fibre, mais

par décohésion et déchaussement de celle-ci. Pour ce faire, il faut que la demi-longueur de

la fibre (qui est la longueur maximale d'ancrage de la fibre dans la matrice), L, remplisse la

condition suivante (pour la plupart des cas) :

σ τfu

f

f

cL

a> (I.1)

σfu est la contrainte de rupture de la fibre (et dans certains cas la limite élastique de la fibre) ;

af est l'aire de la section droite de la fibre ;

c est la circonférence de la fibre ;

τf est la contrainte de cisaillement frictionnel fibre-matrice approximée comme constante ;

L est la demi-longueur de la fibre.

Figure 17. Schématisation du comportement des CCF en traction uniaxiale [38].

δ (élongation)

1

2

σ

matrice pure

CCF 1

CCF 2

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Selon sa constitution, le CCF sous traction uniaxiale peut présenter l'un des deux

modes de comportements suivants :

a) Premier mode de comportement.

Ce mode peut se représenter par la courbe contrainte-élongation suivante :

Figure 18. Schématisation du premier mode de comportement du CCF sous traction

uniaxiale.

σc est la contrainte de fissuration du composite ;

σcpc est la contrainte de post-fissuration maximale du composite :

δc est l'élongation du CCF à la fissuration ;

δr est l'élongation finale du CCF.

Ce mode de comportement se décompose en deux phases : une phase de pré-

fissuration (I) et une phase de post-fissuration (II). Le lieu de jonction des deux phases est un

point de discontinuité du comportement, il signifie la localisation des déformations,

l'émergence de la macro-fissure dans le CCF.

σ

σcu

σcpc

0 δc δrouverture de fissure

δ (élongation)

I II

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La phase I [0 - A] est celle où le comportement du matériau peut être qualifié de

quasi-élastique. Ici, les champs de contrainte et de déformation du CCF sont encore

homogènes. Bien qu'il y ait répartition homogène des microfissures dans le composite, ce

dernier se comporte à l'échelle macroscopique comme un milieu quasi-élastique. Cette phase

s'achève à l'émergence de la macrofissure. C'est le début de la phase II, [B1 - δr]. Dans cette

phase, le comportement du composite dépend essentiellement de l'évolution de la

macrofissure. La matrice ayant atteint sa contrainte de fissuration, rompt. Ses bords disjoints

sont reliés par des fibres. Ces dernières fournissent à la (pseudo) fissure sa capacité portante

résiduelle. C'est le phénomène qui permet d'éviter la rupture brutale (instable) qui se

produirait dans le cas d'une matrice sans fibres de renfort. Lorsque toutes les fibres pontant la

(pseudo) fissure se sont déchaussées, celle-ci n'a plus de capacité portante. Le comportement

du CCF dans la phase II peut être qualifié d'adoucissant, c'est-à-dire à chute progressive de la

capacité portante. Le CCF a par rapport à la matrice seule, une fissuration plus stable et une

capacité d'absorption d'énergie plus élevée. Ceci dit, le deuxième mode de comportement du

CCF nous montrera que l'apport des fibres peut être encore plus déterminant.

b) Deuxième mode de comportement

Ce mode peut se représenter par la courbe contrainte-élongation suivante :

Figure 19. Schématisation du deuxième mode de comportement du CCF sous traction

uniaxiale

δ (élongation)

0 δc δ’ c δc

I II IIIouverture de fissure

σcpc

σcu

σ

A

B2

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σcu est la contrainte de fissuration du composite ;

σcpc est la contrainte de post-fissuration maximale du composite ;

δc est l'élongation du composite à la fissuration ;

δc est l'élongation du composite à la contrainte de post-fissuration maximale ;

δr est l'élongation finale du CCF.

Ce mode de comportement comprend trois phases :

une phase quasi-élastique (I), une phase de multifissuration ou phase de pseudo-

écrouissage (II), et une phase d'adoucissement matériel (III).

Les phases I et III de ce mode de comportement correspondent respectivement

aux phases I et II du premier mode de comportement, et se décrivent de manière analogue. Il

ne reste plus qu'à décrire la phase II du deuxième mode de comportement. Cette dernière

commence à la fin de la phase I, lorsque le matériau a atteint sa contrainte de fissuration σcu.

La constitution et l'apport des fibres, lui permettent d'éviter la localisation des déformations.

Les fissures qui se forment sont "cousues" par les fibres. Ces dernières confèrent au matériau

une capacité portante supérieure à σcu. C'est le phénomène de pseudo-écrouissage ou de

multifissuration. Les fibres induisent une répartition homogène de la microfissuration dans le

composite. L'accroissement de la résistance du composite se poursuit jusqu'à la contrainte de

post-fissuration maximale du composite σcpc. Il s'en suit la localisation des déformations et le

développement d'une macrofissure ; c'est la fin de la phase II, le début de la phase III.

2.2. L'élasticité du CCF.

Les CCF peuvent être qualifiés de matériaux (quasi)-élastiques linéaires dans

certaines phases de leur comportement.

En faisant abstraction des champs de températures et de contraintes résiduelles, la

loi générale de l'élasticité linéaire, qui lie le tenseur de contraintes au tenseur de déformations,

peut se formuler comme suit, en termes de composantes [39] :

σ εij ijklklE= (I.2)

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σij sont les composantes contravariantes du tenseur de contraintes ;

εkl sont les composantes covariantes du tenseur de déformations ;

Eijkl sont les composantes contravariantes du tenseur d'élasticité.

En tenant compte des symétries des indices de ces tenseurs, 21 constantes

élastiques indépendantes sont nécessaires pour déterminer le comportement élastique d'un

matériau anisotrope. Ces constantes sont combinées dans les 81 composantes Eijkl . Pour des

matériaux à symétries particulières, le nombre de constantes indépendantes se réduit, et n'est

que de 2 pour les matériaux dits isotropes : le coefficient d'élasticité (communément appelé le

module de Young) "Ec", et le coefficient de contraction de Poisson "ν".

La loi des mélanges simples, illustrée par exemple par le modèle de Voigt

appliqué aux CCF, donne :

E E V E Vc m m f f= + (I.3)

Em, Ef sont respectivement module de Young de la matrice et de la fibre ;

Vm ,̧Vf sont respectivement les fractions volumiques de la matrice et de la fibre ;

Ec est le module de Young du composite.

Cette loi des mélanges simple est incapable de déterminer avec une précision

acceptable le module d'élasticité des CCF à fibres courtes alignées, encore moins celui des

CCF à fibres courtes d'orientation quelconque. La loi des mélanges ne tient compte, ni de la

discontinuité du renfort, ni de l'orientation des fibres, ni de la véritable nature de l'interface

fibre-matrice [40]. Certains auteurs comme KRENCHEL [41] proposent une loi des

mélanges améliorée :

E V E V Ec fi

i

j

m Li i

fi

fi

i

j

= − ∑

+ ∑

= =1

1 1η ηθ (I.4)

Em est le module de Young de la matrice ;

Eif est le module de Young du système de fibres ;

ηiθ est le facteur d'orientation du système de fibres i;

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Vif est la fraction volumique du système de fibres i.

Cette formulation tient compte de l'orientation des fibres dans le composite, mais

ne tient pas compte de la véritable nature de l'interface, tout comme les modèles proposés par

NIELSEN et al. [42], SHAH et al. [43], ALLEN [44], PAKORIPRAPHA et al. [45],

SANADI et al. [46], NAAMAN et al. [47], et ceux conçus à l'origine pour les composites à

particules (à l'instar du béton) et dont le tableau suivant regroupe les expressions dans le cas

où les particules sont des fibres [40].

Figure 20. Quelques modèles biphasiques [42].

Modèles biphasiques

Modèle de Voigt

Modèle de Reuss

Modèle deHirsch-Dougill

Modèle de Popovics

Modèle deHalpin-Tsai

Modèle de Counto

Modèle de Hashin

Ec = EfVf + EmVm

1

E

V

E

V

Ec

f

f

m

m= +

1 1

2

1 1

E E Ec cVoigt c uss= +

Re

E E Ec cVoigt c uss= +3

8

5

8 Re

( )E E Ec cVoigt c uss= +1

2 Re

1 1 11

E

V

E

V

VE E

c

f

m

f

fm f=

−+

−+

EE E E E V

E E E E VEc

m f m f f

m f m f fm= + + −

+ − −

( ) ( )

( ) ( )

Phase 1 : matrice

Phase 2 : fibre

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BAALBAKI [40] a démontré que les modèles biphasiques (i.e. qui ne tiennent

pas compte de la véritable nature de l'interface) ne décrivent pas correctement le module

d'élasticité des composites à particules comme les bétons. Ce raisonnement peut aussi

s'appliquer aux CCF, dont la matrice est cimentaire ; les particules étant remplacées par des

fibres. Des auteurs tels LOU et al. [48], CHRISTENSEN et al. [49], MIKATA et al. [50], et

MURA [51] ont proposé des modèles triphasiques (l'interface est considérée comme une

troisième phase). Ces modèles sont basés sur la théorie des inclusions de ESHELBY. Ces

modèles pourraient trouver une expression dans le cas des CCF si l'on considère la matrice

comme matrice cimentaire et l'on remplace les particules (inclusions) par les fibres.

Cependant, les problèmes dus à l'orientation des fibres sont toujours présents (dans le cas des

fibres à orientation quelconque). ALWAN et NAAMAN. [37] proposent un modèle

triphasique du module de Young du CCF, où l'interface est considérée comme une troisième

phase de volume "nul", ayant des caractéristiques mécaniques différentes de celles de la fibre

et de la matrice. Ce module de Young est combinaison de celui d'une cellule fibre-matrice

ayant la fibre perpendiculaire à l'axe du chargement et de celui d'une cellule fibre-matrice

dont l'axe de la fibre est confondu avec celui du chargement. Ce modèle tient compte de la

porosité du composite et peut traiter le cas d'orientation aléatoire des fibres.

Nous devons également mentionner l'emploi des méthodes basées sur

l'homogénéisation des structures périodiques (HSP) pour modéliser le module de Young du

composite. Cette technique a été utilisée par ALWAN [52], sous forme d'approche numérique

par éléments finis.

La réalité physique interprétée par les théories HSP consiste à déterminer à partir

des caractéristiques à l'échelle microstructurale d'un matériau hétérogène de structure

périodique, la caractéristique macroscopique du matériau homogène "équivalent". Les

théories HSP sont basées soit sur un développement asymptotique à échelle multiple

(TARTAR [68], BENSOUSSAN et al. [69], SANCHEZ-PALENCIA [70], LIONS [71]), soit

sur l'analyse à double échelle de NGUETSENG [72]. Cette dernière est la plus efficace et la

plus rigoureuse des théories HSP.

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La démarche dans les théories HSP avec développement asymptotique peut se

décrire succinctement comme suit, pour un milieu élastique.

Les équations d’équilibre non homogénéisées s'écrivent :

( )( )− =∂∂

εε ε

xE u f

jijkl kl i dans le domaine H (I.5)

uiε = 0 sur la frontière ∂H

(ε signifiant l'écriture à l'échelle microscopique de la variable périodique

concernée).

Eijklε sont les composantes du tenseur du module d'élasticité à l'échelle microscopique.

( )

( )E

E Phase I

E Phase IIijkl

ijklI

ijklII

ε =⇒

Par passage à la limite ε → 0 et en utilisant les techniques de développement

asymptotique [70], [73], [74], les équations d’équilibre homogénéisées s'écrivent :

( )( )− =∂∂

εx

E u fj

ijkl kl i dans H (I.6)

ui = 0 sur ∂H

Eijkl sont les composantes du tenseur du module d'élasticité homogénéisé (i.e.

macroscopique).

( ) ( )Ev

E y y dyijkl ijkl ijkl

v= +∫

1[ ]ε τ ; où y est une variable de l’échelle microstructurale,

v est un volume élémentaire.( )τ ijkl y étant des termes microstructuraux corrélant les différentes

composantes microstructurales ([70], [73], [74]).

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Lorsque la cellule fibre-matrice est modélisée par une théorie HSP [73], [74],

l'une des conditions imposées à l'interface fibre-matrice est que : le saut de déplacement est

nul :

[[ u ]] = 0, c'est-à-dire uf = um.

L'interface est dans ce cas considérée comme une liaison parfaite. Ces modèles ne

tiennent donc pas compte de l'interface comme point faible de la structure interne du

composite. L'interface n'est pas considérée comme une phase en soi, ayant ses propres

propriétés mécaniques. Force est de constater que les modèles basés sur les théories HSP ont

en général la faiblesse d'être biphasiques.

2.3. Contrainte et déformation du composite à la fissuration de la matrice ;

contrainte et déformation de post-fissuration maximale.

2.3.1. Contrainte du composite à la fissuration de la matrice.

La limite d'élasticité des CCF est en général approximée par la

contrainte du composite à la fissuration de la matrice. Plusieurs modèles basés sur la loi des

mélanges modifiée ont été développés. SWAMY et al. [53] ont proposé un modèle semi-

empirique dont la formulation est :

( )σ σ τcu mu ff

fVl

dV= − +1 0 82. (I.7)

σmu est la contrainte ultime de traction de la matrice ;

τ est la contrainte d'adhérence interfaciale ultime ;

σcu est la contrainte du composite au moment de la fissuration de la matrice ;

Vf, lf, d sont respectivement la fraction volumique, la longueur et le diamètre des fibres .

NAAMAN [54] propose un modèle probabiliste basé sur une loi des mélanges modifiée et sur

la méthode du maillon le plus faible :

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( )σ σ α α τcu mu ff

fVl

dV= − +1 1 2 (I.8)

α1 est un coefficient représentant la fraction d'adhérence mobilisée à la fissuration de la

matrice ;

α2 est un facteur d'orientation des fibres.

Le composite est considéré comme une chaîne qui rompt à son maillon le

plus faible dont la résistance est σcu.

La formulation de SWAMY est limitée entre autre par sa spécificité

empirique. Tous ces modèles ne tiennent pas compte de l'interface en tant que point faible de

la structuration interne du composite. L'état de l'interface au moment de la fissuration de la

matrice (adhésion élastique, décohésion partielle ou totale) influence logiquement la forme

des équations constitutives du matériau. Les formulations précédentes négligent une telle

influence.

2.3.2. Contrainte de post-fissuration maximale .

La contrainte de post-fissuration maximale est l’une des grandeurs

essentielles du comportement des CCF. Elle permet de décider de l'existence ou non du

pseudo-écrouissage. (multifissuration). NAAMAN [55] et LI [67] en ont dérivé des formules .

Le premier part d'une approche de type mécanique du composite et le

second de considérations micromécaniques basées sur la résistance à l'arrachement des fibres

droites souples.

[ ]

[ ]σ

λ λ λ τ

τcpc

ff

ff

Vl

dNAAMAN

g Vl

dLI

=

1 2 3 55

1

267

������

���������

(I.9)

τ est la contrainte d'adhérence interfaciale ultime ;

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λ1 est un coefficient de longueur d'ancrage, λ2 est un coefficient d'orientation des fibres ;

λ3 est un facteur de réduction associé à la densité de fibres pontant la fissure ;

g est un facteur d'efficacité d'orientation des fibres ;

Vf, lf, d sont respectivement, la fraction volumique, la longueur et le diamètre des fibres.

Il est important de remarquer que ces deux approches tiennent compte de

l'effet de l'orientation des fibres sur les forces d'arrachement. Cependant, la variabilité du

cisaillement frictionnel est négligée. Ceci peut être pénalisant pour certaines fibres (par

exemple, le polypropylène) dont le gradient du cisaillement frictionnel peut être positif∂τ∂

f

s>

0 . Le cisaillement frictionnel moyen dans un tel cas serait supérieur à τ.

2.3.3. Déformation à la fissuration de la matrice et déformation de postfissuration

maximale.

Des formules pour la déformation du composite à la fissuration de la

matrice et sa déformation de post-fissuration maximale ont été élaborées par TJIPTOBROTO

et HANSEN [89],[58]. Leur approche est basée sur le bilan énergétique et la mécanique de la

rupture. Pour la déformation du composite à la fissuration de la matrice, εcu,ils proposent:

( ) ( )

ε γ

α α βcu

m m

c f ef f

V

E E V l=

− +

23

4

7

241

1

2

( I.10)

où α = E V

E Vm m

f ef

,et β = L

ltr

f 2.

lf est la longueur de la fibre .Ec , Em,, et Ef sont les modules d'élasticité

respectivement du composite, de la matrice, et des fibres. Ltr est une longueur de transfert (cf

[89]). γ m est l'énergie surfacique de la matrice. Vm est la fraction volumique de la matrice. Vef

est la fraction volumique effective des fibres ( elle est égale à la moitié de la fraction

volumique des fibres dans le composite ).

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Dans cette approche, les auteurs ont considéré une distribution linéaire du

cisaillement interfacial. C'est une approximation par rapport à la distribution non linéaire du

modèle de la couche de cisaillement.

Pour la déformation de post-fissuration maximale, εcpc , les mêmes auteurs

proposent:

ε ε ε εcpc cu cu cuf d

c

A A A B B BV G

E d= − + + +

− +

+ −

+

3

8

9

64

11

24

3

4

1

41

1

2

42

1

2

( I.11)

où Al

E df

f

= 2τ , et B

E V

Ef f

c

= ∗ .

Ec∗ est le module d'élasticité du composite fissuré ; Gd est l'énergie de

décohésion interfaciale. τ est le cisaillement frictionnel interfacial, considéré constant. d est

le diamètre des fibres, Vf leur fraction volumique dans le composite.

Les équations de ces modèles ne peuvent varier avec le genre de

phénomène dissipatif affectant le composite. L'interface n'est pas considérée comme une

phase en soi. Ces modèles ne sont, en toute rigueur , pas triphasiques. La linéarisation du

champ de force interfacial peut induire des erreurs non négligeables dans le bilan énergétique

(les auteurs proposent à cet effet d'utiliser un coefficient de correction cf. [89]). Les équations

de ces modèles sont spécifiées pour une orientation (3D) aléatoire des fibres dans le

composite, et ne peuvent varier avec la fonction de densité probabiliste sur l'orientation des

fibres. Cette approche serait prise à défaut dans le cas où la contrainte de cisaillement

frictionnel interfacial est très inférieure à la contrainte d'adhérence interfaciale ultime. Car,

dans de telles conditions, la déformation de post-fissuration maximale dépend de la contrainte

d'adhérence interfaciale ultime et non du cisaillement frictionnel comme c'est le cas dans cette

approche.

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2.4. Rupture du composite.

Le processus de rupture du composite ne saurait être compris sans celui de la

fissuration de la matrice.

2.4.1. Fissuration de la matrice.

La matrice est considérée comme un matériau élastique-fragile. Notre but

est de comprendre l'équilibre et l'évolution d'une fissure dans un tel matériau (nous omettons

ici le processus de création de la fissure, celui-ci est dû à la jonction des microfissures [60]).

Un solide élastique fragile possède une fissure à l'état initial, sans changement :

Il est soumis à un chargement P. Déterminons les conditions d'équilibre et

de propagation de la fissure .

Nous ne considérons pas les éventuels confinements plastiques et

demeurons dans le cas idéal de la théorie élastique de la rupture fragile. Il s'en suit que la

dissipation d'énergie n'a lieu que par le fait de la propagation de la fissure.

Ce contour externe

Ci contour interne (de la fissure)CeCi

Ce

C’e

C’i

P

P

Contour initial

Nouveau contour

C’i : frontière indéterminée

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L'évolution de la fissure dans le solide est à priori inconnue. Ce problème

est un problème à frontière indéterminées. Les équations de la théorie de l'élasticité, i.e. les

équations d'équilibre, la loi de comportement, les conditions aux limites, ne permettent pas à

elles seules de le résoudre. Il faut pour cela une équation supplémentaire liée au phénomène

de propagation de la fissure. GRIFFITH [61] détermina une telle équation. La réalité physique

qu'elle traduit est qu'il y a propagation de fissure lorsque le travail (des forces extérieures et

des contraintes sur les frontières du solide) dû à l'accroissement de la surface de la fissure est

égale à la variation de l'énergie de cohésion du matériau causée par ce même accroissement

de la fissure.

Dans le cas statique adiabatique, cette équation peut s'écrire sous la forme

[62]

dC = -dWdS (I.12)

dC est la variation de l'énergie de cohésion du matériau ;

dWdS représente le flux d'énergie en des points particuliers situés aux bords de la fissure ;

travail des forces extérieures et des contraintes sur les frontières du solide, dû à

l'accroissement de la surface de fissure ;

L'équation (I.12) est l'équation fondamentale de la théorie de la fissuration.

C'est une relation complémentaire des équations de la théorie de l'élasticité. Le terme "dC"

peut s'exprimer comme suit : [62]

dC dSi ii

= ∑ γ (I.13)

les "dSi" sont les accroissements des surfaces de fissuration ;

γi est la densité surfacique de l'énergie de rupture du solide considéré.

Pour les matériaux isotropes c'est une constante scalaire, pouvant se déterminer

expérimentalement. Considérer γ constante pour les solides isotropes est une approximation.

γ peut en effet dépendre des défauts, des dislocations, de l'état de déformation, de la

température, d'autres paramètres du matériau ainsi que de l'influence du milieu extérieur [62].

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Le terme dWdS dépend des conditions aux limites et de chargement du problème d'élasticité

initial. Ce dernier consiste à déterminer l'état de contraintes et de déformation d'un solide

ayant une fissure dont les extrémités ont la forme d'une fente (ellipse dégénérée). La solution

élastique linéaire de ce problème présente une singularité des champs de contraintes et de

déformations aux extrémités de la fissure : en ces lieux, ils ont une grandeur infinie. Cette

solution n'est pas exacte aux extrémités de la fissure, le matériau y plastifie ou se dégrade

d'une autre manière [62]. Les champs de contraintes et de déformations ont en réalité une

grandeur finie aux extrémités de la fissure, comme l'a en outre démontré BARENBLATT [63]

en considérant les forces de cohésion moléculaire qui y agissent.

v

x0

0x

σy

(a )

v

x0

0x

σy

(b)

Figure 21. Forme de la pointe de fissure et distribution des contraintes en pointe de fissure.D'après : a) Griffith ; b) Barenblatt [68].

La théorie élastique linéaire reste néanmoins applicable pour la résolution

du problème de fissuration fragile, car le domaine où les champs de contraintes et de

déformations ne "concordent" pas avec la réalité sont extrêmement restreints [62].

Dans le cadre de l'élasticité plane, nous avons les trois mode d'ouverture de

fissure suivants :

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M o d e I : o u vertu re

M o de I I : g lissem ent d ans le p lan

M o d e I I I : g lissem ent ant ip lan

les flèches ind iq u ent lesd ép lacem ents des lèvresd e la fissure

0x

z

y

Figure 22. Les trois modes d'ouverture de fissure.

Tout déplacement des lèvres de la fissure se réduit à une combinaison de ces trois modes

La singularité des champs de contraintes et déformations en pointe de la

fissure doit être en 1

r (‘‘r’’ étant un rayon portant de la pointe de la fissure), c'est le seul

type de singularité qui permet à l'énergie élastique de demeurer finie [60]. Le premier terme

du développement limité des contraintes (et des déformations) en pointe d'une fissure est le

même pour tous les problèmes correspondants à un mode d'ouverture donné. Ce terme est

connu à un facteur multiplicatif près, noté KI, KII, KIII en mode I, II et III. De façon générale,

nous avons [60] :

( )σπ

θα αij ij

K

rf o

r= +

2

1 (I.14)

pour un mode α donné (α = I, II, III)

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"r" et "θ" sont les coordonnées polaires dans un système ayant pour origine la pointe de la

fissure. Kα représente KI, KII ou KIII . Les Kα sont appelés facteurs d'intensité de contraintes

dans leur mode respectif. Ils sont fonction du chargement et de la géométrie du système.

Lorsqu'un problème de fissuration fait intervenir les trois modes d'ouverture, sa solution

élastique est une combinaison des solutions de chacun des modes. Ceci se justifie par le

théorème de superposition des solutions en élasticité linéaire. le terme dWd dépend des trois .

"Kα". En supposant une extension coplanaire de la fissure, nous avons [63] :

( )dW K KE

KE

dS GdSds I II III= − + − + +

= −2 2

221 1ν ν

(I.15)

( )GW

SK K

EK

Eds

I II III= = + − + +

∂∂

ν ν2 22

21 1 est le taux de restitution d'énergie. Il atteint sa

valeur maximale Gc lorsque la fissure se propage, c'est-à-dire lorsque dC dW G dSds c= − = .

E et ν sont respectivement le module de Young et le coefficient de Poisson du matériau.

En écrivant dC = 2γdS, nous avons la condition de propagation de la

fissure :

( )K KE

KE

GI II III c2 2

221 1

2+ − + +

= =ν ν γ (I.16)

Le mode I est le plus dangereux et le plus fréquemment rencontré. Lorsqu'il

intervient seul, nous avons dans le cas de la propagation :

KE

GI c2

212

− = =ν γ (I.17)

d'où se déduit KE

Ic =−1

22ν

γ , le facteur d'intensité de contrainte critique en mode I (ceci

vaut pour l'état de déformations planes en contraintes planes, nous avons KE

Ic =1

2γ ),

encore appelé ténacité.

La cinétique de propagation de la fissure peut s'écrire :

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G < Gc (ou KI < KIc) pas de propagation (I.18)

G ≥ Gc (ou KI ≥Kic) propagation (I.19)

Une méthode supplémentaire de caractériser le phénomène de fissuration est l'utilisation de

l'intégrale "J". L'intégrale "J" est une intégrale de contour fournissant la variation de l'énergie

potentielle d'un système due à la progression d'une fissure. En adoptant le schéma suivant :

0x

y

n i

u i

t i

d S

Γ+

Figure 23. Notations adoptées en pointe de fissure pour définir l'intégrale de contour, J.

L'intégrale J s'écrit (RICE) [64] :

J dy Tu

xds= − ⋅

∫ Φ

Γ

&&∂

∂ (I.20)

φ est le potentiel élastique vérifiant σ ∂Φ∂εij

ij

=

&

T est le vecteur de contrainte en un point M du contour Γ, avec la normale

tournée vers l'extérieur, &

u est le vecteur déplacement au même point. Le contour Γ doit être

orienté comme sur la figure 23.

L'un des avantages de l'intégrale J est qu'elle est indépendante du contour

d'intégration. Ceci permet de choisir des contours très favorables (comme ceux faisant

intervenir les conditions aux limites). En état de déformations planes de l'élasticité linéaire,

en mode I, nous avons :

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J GE

KI= = −1 22ν

(I.21)

2.4.2. Cinétique de fissuration des CCF.

2.4.2.1. Morphologie et évolution de la fissure dans les CCF.

Une fissure évoluant dans un CCF peut se schématiser comme

suit [65], [66] :

Figure 24. Schéma d’une fissure et distribution qualitative des contraintes le long de la

fissure.

La fissure peut être divisée en trois zones caractéristiques [65],

[66] (figure 24) :

. La zone I.

Dans cette zone, la matrice est fissurée et les fibres sont arrachées. Les contraintes sont nulles

sur les lèvres de la fissure. C'est la zone de fissuration complète (ou réelle).

. La zone II.C'est la zone où la matrice est fissurée, mais les fibres pontant la fissure résistent

encore à son écartement. C'est la zone pseudo-plastique.

La zone III.

La matrice n'a pas de macrofissure dans cette zone, mais une densité de microfissures plus

élevée que dans le reste du composite. C'est la zone d'élaboration de la fissure.

σ σ

σσσ σc

0

? ?

x

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Le processus d'élaboration de la fissure peut se résumer comme

suit : lorsque la matrice fissure, la résistance à l'arrachement des fibres pontant la fissure est

mise à contribution. ces dernières ralentissent et stabilisent la propagation de la fissure. En

l'absence des fibres, il y aurait propagation instable de la fissure (rupture brutale). Dans le cas

du CCF, s'il n'y a pas accroissement des efforts appliqués au système (i.e. apport d'énergie

supplémentaire), il n'y a pas de propagation de la fissure. Ce type de propagation est dit

stable. Ce phénomène de stabilité se poursuit jusqu'à ce que l'énergie de résistance a

l'arrachement des fibres pontant la fissure atteigne sa valeur maximale. La zone pseudo-

plastique est dite dans ce cas pleinement développée ou saturée [65] (à cet instant, l'ouverture

de la fissure à l'entrée de la zone II atteint sa valeur cruciale). Dès lors, la fissure n'a plus

besoin d'apport d'énergie pour progresser. Elle peut se propager de manière permanente dans

un état énergétique constant (énergie critique de fissuration). La cinétique de fissuration se

résume comme suit : initiation - propagation stable - état de propagation permanente. Cette

cinétique peut se représenter par les courbes dites de résistance à la propagation de fissure.

Ces courbes représentent l'énergie spécifique de résistance à la fissuration Gr (ou le facteur

d'intensité de contrainte KR correspondant K EGR R= en contraintes planes,

KEG

RR=

−( )1 2νen déformation planes) en fonction de l'accroissement de la fissure.

1

23

1

2

3

KR o

u G

R

∆a

amorce de la fissu ra t ion

propaga tion sta ble

propaga tion permanente

Figure 25. Courbe type de résistance à la propagation de la fissure (courbe - R).

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Figure 26. Influence des fibres de renfort sur les courbes de résistance à la propagation de

fissure [65].

2.4.2.2. Modèles analytiques d'évolution de la fissure.

Il s'agit de déterminer les formes analytiques des courbes

contrainte-ouverture de fissure et des courbes de résistance à la propagation de fissure

(courbes - R), de l'énergie de fissuration.

L'énergie de résistance à la propagation de la fissure a pour

composante essentielle l'énergie de résistance à l'arrachement des fibres. C'est une énergie

spécifique, c'est-à-dire une énergie par unité de surface. Si δ (x) est l'ouverture de la fissure

en fonction de l'abscisse "x", σ (δ (x)) est la fonction contrainte-ouverture de la fissure (figure

27).