351 sud 31 mars 2010.doc) · Je présente ici brièvement le livre “La psychiatrie au pays des...

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Transcript of 351 sud 31 mars 2010.doc) · Je présente ici brièvement le livre “La psychiatrie au pays des...

  • DDDDDDDDDDDDppppppppppppnnnnnnnnnnnnqqqqqqqqqqqquuuuuuuuuuuuffffffffffff!!!!!!!!!!!!ssssssssssssffffffffffffooooooooooooeeeeeeeeeeeevvvvvvvvvvvv!!!!!!!!!!!!ttttttttttttppppppppppppnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnbbbbbbbbbbbbjjjjjjjjjjjjssssssssssssffffffffffff!!!!!!!!!!!!

  • Point Rencontre de Santé Sud – Santé mentale et interculturalité – Marseille, 31 mars 2010 2

    BBBBBBBBBBBBwwwwwwwwwwwwbbbbbbbbbbbboooooooooooouuuuuuuuuuuu............QQQQQQQQQQQQssssssssssssppppppppppppqqqqqqqqqqqqpppppppppppptttttttttttt!!!!!!!!!!!!

    !!!!!!!!!!!!Ce compte rendu du Point Rencontre de Santé Sud « Santé mentale et interculturalité » ne se veut pas exhaustif et a été rédigé sur la base de notes manuscrites. Si les propos que vous y avez tenus ou entendus ne correspondent pas à la réalité, merci d’adresser vos commentaires à [email protected] ou au 04 91 95 63 45.

    !!!!!!!!!!!!

    PPPPPPPPPPPPvvvvvvvvvvvvwwwwwwwwwwwwffffffffffffssssssssssssuuuuuuuuuuuuvvvvvvvvvvvvssssssssssssffffffffffff!!!!!!!!!!!!Marc Lescaudron, responsable de programmes à Santé Sud Au nom de Santé Sud, organisatrice de cette soirée, j'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de vous être déplacés en si grand nombre. Santé Sud est une association de solidarité internationale dont le siège est situé à Marseille, sur le boulevard National, à deux pas d'ici. Nous travaillons depuis bientôt 26 ans à l'accompagnement et au renforcement des ressources humaines en Santé dans les pays en développement, et nous avons été présents dans plus de 25 pays, avec pour seule devise: agir sans remplacer. La santé mentale n'est pas en reste dans nos actions: depuis maintenant 22 ans Santé Sud travaille sur le sujet, avec aujourd'hui le programme Promotion des droits de la personne en situation de handicap mental en Méditerranée, mené en Algérie, en Tunisie et au Liban, et un programme que nous lançons aujourd'hui en Mauritanie: « Pour une meilleure offre de soins en santé mentale sur la Communauté Urbaine de Nouakchott ». C'est pour cette raison notamment que nous avons voulu faire cette réflexion en votre compagnie et comparer les pratiques en santé mentale en France et dans les pays en développement, puisqu'il y a des liens à faire entre les deux! J'aimerais maintenant vous présenter les quatre invités, à qui je demanderais de répondre à la question « Comment adapter sa pratique psy auprès des sociétés traditionnelles, En France ou en Mauritanie? » selon leur propre champ de pratique. Et je commence par notre référente technique sur ce nouveau projet de Santé Sud, dont l’objectif est de promouvoir les droits humains des personnes atteintes de maladie mentale en Mauritanie et de favoriser un environnement propice à leur insertion socio-économique. Notre action vise ainsi à renforcer les capacités des associations mauritaniennes afin qu'elles puissent proposer des prestations de qualité en complémentarité avec les pouvoirs publics locaux, au bénéfice des personnes atteintes de maladie mentale, particulièrement vulnérables et marginalisées.

    RRRRRRRRRRRRvvvvvvvvvvvvbbbbbbbbbbbbuuuuuuuuuuuussssssssssssffffffffffff!!!!!!!!!!!!qqqqqqqqqqqqppppppppppppjjjjjjjjjjjjoooooooooooouuuuuuuuuuuutttttttttttt!!!!!!!!!!!!eeeeeeeeeeeeffffffffffff!!!!!!!!!!!!wwwwwwwwwwwwvvvvvvvvvvvvffffffffffff!!!!!!!!!!!!Comment adapter sa pratique « psy » auprès des sociétés

    traditionnelles, dans les pays en développement ou en

    France ?

    Marie Lépine, psychiatre libérale, référente technique Mauritanie du Programme « Pour une meilleure offre de soins en santé mentale à

    Nouakchott » de Santé Sud. Je présente ici brièvement le livre “La psychiatrie au pays des marabouts”, paru en 2008 aux éditions l’Harmattan. Ce livre est le témoignage d’un acteur important de la psychiatrie de son pays, le Pr AlHoussein Dia, qui a été le premier psychiatre mauritanien. Il décrit dans ce livre l’introduction d’une pratique médicale spécialisée, la psychiatrie moderne, dans un pays qui en était jusque là dépourvu.

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    Le Pr Dia a effectué son cursus initial et psychiatrique, dès 1963, dans le service du Pr Collomb à l’hôpital de Fann à Dakar. C’est là qu’il a d’abord approché les thérapies institutionnelles. Car il existait à l’intérieur du Sénégal des villages psychiatriques communautaires, tenus par des thérapeutes traditionnels...Le Pr Collomb aimait visiter ces villages, et l’organisation du service de psychiatrie de Dakar se voulait également village communautaire, avec un accompagnateur pour chaque malade. Le Pr Dia a ensuite poursuivi sa formation à Dakar, où il s’est familiarisé aux techniques du psychodrame pendant deux ans. Il a pendant un séjour en France poursuivi une analyse lacanienne. Son parcours lui a également permis de fréquenter les premiers acteurs de la sectorisation psychiatrique, et puis de nouveaux lieux de thérapie institutionnelle en région parisienne. Par la suite, il se formera également aux thérapies familiales systémiques avec une équipe internationale. Lorsque le Pr Dia est rentré dans son pays, il n’existait pas de soins en psychiatrie. Car à l’indépendance en 1960, la Mauritanie n’avait pas hérité de structure asilaire contrairement à l’Algérie, au Maroc, au Sénégal et au Mali. Quelques rares patients étaient parfois évacués vers l’hôpital de Fann à Dakar. Les premiers acteurs sollicités par les patients et leurs familles étaient, et restent les thérapeutes traditionnels. La première consultation psychiatrique en Mauritanie aura lieu en 1975. J’aimerais vous dire quelques mots sur la population mauritanienne. Il y a environ 3 millions de personnes en Mauritanie; 44% ont moins de 15 ans. La population est composée de deux principaux groupes humains:

    � les Maures, 65% de la population, encore appelés Arabo-berbères et Haratines parlant le hassanya, arabe local mauritanien ;

    � les Négro-africains, 25%: Hal Poular (comprennent les Toucouleurs sédentaires et les Peuls semi-nomades), les Soninké et les Wolof.

    Un autre préambule sur le contexte culturel et les pratiques traditionnelles: La société mauritanienne est musulmane et en grande partie nomade. Le mode de pensée est magique et métaphysique. Le Pr Dia réfère au philosophe Lahbabi / Mohamed /Aziz et décrit pour le musulman une personnalité globale, faite de corps et d’âme, relationnelle, ouverte aux autres musulmans. Sa conscience est tendue entre le permis et l’interdit, habitée par la crainte d’Allah. L’hygiène spirituelle est très importante: il faut avoir l’esprit constamment tourné vers Allah, dans un état de pureté de corps, de pensée, d’intention. Les mauritaniens consacrent beaucoup de temps et de moyens aux soins. L’hygiène alimentaire est très importante aussi : elle puise ses racines dans la médecine des humeurs des anciens grecs et arabes. Le marabout est un personnage familier dans cette société: mariages, baptêmes, décès. Et presque toute la population a affaire à lui. L’autorité du thérapeute traditionnel se fonde sur: l’Islam, l’écriture (pour beaucoup, ce qui est écrit est vrai), et la référence au passé. Les théories et interprétations traditionnelles attribuent la maladie à un élément perturbateur exogène que le patient doit combattre avec ses proches, la famille, et la communauté. C’est un mode de pensée culturel, structuré et pérenne, propre aux peuples africains depuis l’Antiquité égyptienne. La psychanalyse dirait: il projette, mais n’introjecte pas. Les interprétations traditionnelles de la maladie mentale sont de trois ordres:

    � les causes surnaturelles directes: par exemple le djinn, Cheytane ; � les causes surnaturelles provoquées par un tiers: c’est le maraboutage ; � les causes naturelles: intoxication, chaleur, deuil, chagrin.

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    Schématiquement, les thérapeutiques traditionnelles opèrent sur deux niveaux: � spirituel: la parole écrite ou psalmodiée ; � physique: par ingestion de substances, ou régime, ou interventions sur

    l’enveloppe corporelle. Le rite traditionnel est riche, d’un héritage éprouvé qui le rend efficace pour la mise en condition du patient (manipulation d’objets symboliques, émotion); il s’appuie sur la puissance du verbe. Dans ce contexte, le Pr Dia s’est longuement interrogé sur la méthode psychiatrique la plus adaptée pour la société mauritanienne. D’autant qu’il existe des traumatismes sévères récents et une fragilisation du tissu social mauritanien: l’exode rural, la précarité économique, la modernité avec: ses bienfaits, mais son potentiel de déstabilisation aussi. Il y a eu la guerre du Sahara, la sécheresse de 74 à 94, la pandémie du VIH, et des tensions intra-communautaires culminantes en 1990. J’en profite pour dire que les malades mentaux sont ici comme ailleurs une minorité en difficulté de se faire entendre, non considérable; et l’on doit avoir ceci à l’esprit pour nos actions dans des pays où la question des minorités et de la reconnaissance de leur parole est importante. De plus la société dite traditionnelle est en acculturation rapide, et profonde. Donc: en 1975, on attribue un bureau de consultations au Pr Dia dans l‘hôpital général; et on lui confie une jeune fille anorexique, devenue l’objet du soin médical; explorée au plan para-clinique, perfusée, et mutique. Il la fait transférer sous une tente dans la cour de l’hôpital et instaure un traitement psychiatrique. Elle guérit en quelques jours et au bout de quelques mois, s’érige un véritable campement (10 à 20 tentes) avec entre 3 et 10 personnes dans chacune. Le choix de la tente est dicté par la nécessité, mais je pense est significatif de la posture du Pr Dia, qui accueille au plus près la subjectivité du patient, dont la tradition est une part constitutive, et considère attentivement les apports et écueils de la médecine moderne. Il décrit ainsi cette période: “ La vie dans le service était une vraie vie de campement, avec les habituels circuits d’échange: petits commerces, travaux ménagers, solidarité et entraide: la famille parfois au complet était là, sous sa propre tente, les activités quotidiennes continuant de façon normale... Le malade dormait à côté de sa mère... L’hospitalisation sous la tente... était conforme aux habitudes de vie des populations maures.... qui la demandaient spontanément, et la préféraient.” La visite (au sens où on l’entend à l’hôpital) ”commençait par des souhaits de bienvenue, un thé, et à propos du malade, chacun donnait son avis... Le patient était presque toujours du côté est de la tente, les bagages à l’ouest, l’ouverture au sud... les cinq prières quotidiennes étaient donc dirigées vers le malade.” L’hébergement sous la tente persistera jusqu’en 1990. Les familles appliquaient leurs propres médications et invitaient souvent des thérapeutes traditionnels. L’attitude du Pr Dia a été de tolérer ces pratiques et de n’intervenir que dans les situations qui lui paraissaient nocives. Il faut dire ici que le Pr Dia évoque le parcours d’un infirmier qui partage son travail, et qui a été un thérapeute très célèbre, héritier d’un long lignage de tradithérapeutes. Son père lui a légué la responsabilité spirituelle du savoir familial, qu’il a enrichi à Nouakchott, mais aussi à Bamako et à Dakar. Il a été tailleur, lutteur, militaire en armes lourdes, et infirmier en chirurgie.... Il n’a jamais cessé les contacts avec le milieu des guérisseurs, et s’est doté de nombreuses connaissances médicales modernes concernant la maladie. Face aux interprétations traditionnelles qu’un malade ou sa famille proposent d’emblée aux soignants le Pr Dia tente d’amener le patient à réfléchir sur les facteurs de sa vie

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    personnelle qui pourraient jouer un rôle déterminant dans sa souffrance. Rares sont ceux qui s’y engagent vraiment. En Mauritanie, le psychiatre est souvent sollicité de donner une autorisation d’aller voir un marabout, qui est sollicité à son tour pour donner son avis sur des soins psychiatriques. Les grands cheiks paraissent les plus ouverts. Les grandes familles maraboutiques, celles qui sont reconnues pour posséder la baraka, font appel couramment à la psychiatrie pour leurs proches et peuvent parfois émettre des avis favorables. Les personnes averties savent que l’islam encourage la science et que la médecine est pratiquée depuis le temps du Prophète. Pour ces personnes le thérapeute n’est qu’un agent grâce ou par lequel la volonté divine va se manifester. Pour d’autres, Dieu a créé les maladies, mais aussi leurs remèdes et il va falloir les trouver. Les populations mauritaniennes ont dans l’ensemble une grande ouverture d’esprit, toute nouveauté étant à découvrir et à expérimenter. Quel est le facteur déterminant dans le choix des patients et de leur famille? Pour le Pr Dia, citant Tall: ” L’efficacité précède le dogme et fonde la croyance. Le rite est toujours prioritaire sur la croyance...pratiquer d’abord, la foi viendra ensuite.” Le choix thérapeutique est une démarche pragmatique. Le traitement médicamenteux ne semble poser aucun problème, car la médecine moderne est relativement intégrée depuis les premières périodes de la colonisation. Au-delà, et concernant la recherche de sens: c’est à cette interrogation que les théories étiologiques traditionnelles, autant que modernes essaient toutes de répondre. Le risque est que ces savoirs salvateurs, deviennent des dogmes sans contenu. En Mauritanie, les patients continuent à suivre une double thérapie, traditionnelle et moderne, parfois successivement, parfois simultanément. Même après un traitement réussi par les méthodes modernes, la vraie guérison n’est acquise qu’après les soins maraboutiques, qui, avec les formules ésotériques tirées du Coran, sont seuls capables d’effacer le côté maléfique de toute maladie. Concernant les psychothérapies et leurs pratiques: elles s’appuient sur un concept, une théorie, un mythe mis au travail, et qui renvoient à la notion de culture. Le système thérapeutique traditionnel fait référence au discours collectif mythique sacré, un discours synthétique exprimant une vérité irrécusable. L’individu n’est pas responsable, le sentiment de culpabilité est presque absent (contrairement aux sentiments de honte et de pudeur). Les thérapies traditionnelles s’intéressent plus à la cohérence entre l’individu et le groupe, alors que les psychothérapies modernes (mises à part les psychothérapies familiales systémiques) privilégient l’aspect individuel. Dans la société moderne, le discours individuel doit avoir des capacités de relations dialectiques avec le discours collectif, afin de permettre au sujet d’être avec les autres. Le besoin de psychothérapie individuelle allant de pair avec la réduction des autres espaces de parole. Dans une société traditionnelle, le discours individuel est peu déterminant, l’individu doit s’approprier les termes du discours collectif pour pouvoir s’adapter au groupe, où sa place est déjà assignée. Rares sont ceux qui parmi les consultants s’interrogent spontanément sur leur personne, leur enfance, leur contexte familial et social. Les pratiques sociales confrontent à un mode de pensée où:

    � le mot signifie la chose et pourrait la faire advenir ; � la pudeur limite l’expression libre : il est mal vu qu’une femme s’isole avec un

    homme ; � raconter sa vie est indiscret ; � parler de ses parents, ou de Dieu, peut être blasphématoire ; � Dieu est omniscient et les pères symboliques omniprésents ; � prendre une position originale engendre de l’angoisse ;

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    � les contraintes d’espace et de temps sont difficilement acceptables ; � le temps est rythmé par les cinq prières, la tente est ouverte sur les quatre points

    cardinaux ; � le cadre formalisé est un écueil.

    Pour le Pr Dia, soigner, c’est aider à redonner cohérence au sujet, et à redonner cohérence entre le discours individuel et le discours du groupe. Le Pr Dia a fait de nombreuses tentatives avec: la psychothérapie d’inspiration analytique et la relaxation, parfois associés aux médicaments; les résultats ont été mitigés. Il a également considéré le psychodrame, l’hypnose, et les thérapies cognitivo-comportementales. Quant à la psychanalyse, elle cherche à répondre à la question: “Pourquoi?”, dans une quête des origines. Elle est profane et ses fondements théoriques sont athées. Elle se concilie donc mal avec la foi islamique affirmée de la majorité des mauritaniens. Elle est située dans le prolongement du siècle des Lumières, dont le credo est la Raison. Elle demande à l’analysant des capacités d’introspection, de critique et d’autocritique qui ne sont pas habituelles dans cette société. Elle nécessite une expérience du transfert et de la résistance. Le Pr Dia considère qu’au fil du temps la psychanalyse gardera sa place de méthode d’investigation et de compréhension de la psychopathologie, mais au moyen de thérapies plus brèves. Concernant la thérapie familiale systémique, en Mauritanie comme en thérapie systémique, le symptôme reste un mal extérieur et la famille doit montrer sa solidarité. La société mauritanienne est communautaire, avec des valeurs d’intégration et de tolérance relative vis-à-vis des troubles psychiatriques; quoique beaucoup de malades soient durant leur vie entière attachés ou enchaînés, enfermés dans un coin éloigné, leur maladie mentale considérée comme honteuse. Cependant la solidarité familiale et tribale continue à jouer un grand rôle dans la protection des individus. Dans ce type de thérapies, il importe de repérer quel rôle particulier joue le patient désigné dans l’économie familiale. L’action des thérapeutes porte sur les interactions au sein de la famille. La pratique du rituel, notamment thérapeutique, est assez familière aux populations du pays. En thérapie systémique, l’irrationnel est admis et même recommandé. La société mauritanienne d’aujourd’hui est plus portée à l’irrationnel qu’au rationnel. Enfin, les séances de thérapie sont moins nombreuses et fréquentes que pour d’autres modalités de prise en charge, ce qui en réduit le coût. Par ailleurs, le développement des thérapies institutionnelles est vraiment souhaitable et indiqué en raison de la présence des familles dans les services : population disponible et réceptive, qui apporte son concours aux soignants et peut être l’agent d’une sensibilisation. On peut organiser des espaces de partage de vie avec réunions, ergothérapie, jeux; ce sont des lieux de capables de prendre en charge l’aliénation des patients : l’apragmatisme, la violence, la désorganisation, la désocialisation. En conclusion de son livre, le Pr Dia considère que la conjonction thérapeutique est plus heureuse lorsque la culture est commune. Cependant, au delà d’une culture commune partagée, la culture universelle permet à tout soignant de mener à bien une psychothérapie, la relation nouée entre soignant et soigné étant la plus significative. Il faut se préparer, avec la perte progressive de la sécurité trouvée dans le groupe, à des besoins de prises en charge individuelles. À ce jour, et après avoir eu longuement la charge du Centre Neuro-psychiatrique, le Pr Dia continue son travail avec d’autres outils:

    � une clinique psychiatrique privée en ville ;

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    � l’édition récente de deux ouvrages. Le premier s’adresse aux professionnels du soin et s’appelle Psychiatrie du praticien. Le second s’adresse à la population et s’appelle Psychiatrie pour tous.

    � enfin, le 23 Mars dernier, le Pr Dia participait avec la Ligue Mauritanienne d’Hygiène Mentale, et le Groupe d’Études et de Recherche sur la Démocratie, au lancement du premier atelier pour l’accès à la justice et au droit en direction des populations; soit des permanences fixes et mobiles tenues par des avocats seniors et stagiaires.

    Je citerai pour conclure Fethi BenSlama, (lecture que le Pr Dia ne désavouerait pas et même recommanderait) : “Se tenir dans la césure du temps, qui est notre lieu: entre ce qui n’est plus et ce qui n’est pas encore, tel est l’espace d’une expérience diagonale de la culture, en mesure d’assumer le présent, et d’entrevoir l’inespéré.”

    Marc Lescaudron, responsable de programmes à Santé Sud Le parcours du Professeur Dia, qui collabore au programme de Santé Sud en Mauritanie, est bien représentatif pour moi des évolutions qui modèlent le monde actuel et ses échanges culturels: un Mauritanien de formation occidentale qui revient dans une société traditionnelle en faisant le syncrétisme des approches! Et je voudrais souligner un point que nous pourrons préciser ensemble, c'est la définition de la société traditionnelle, ou plutôt des sociétés traditionnelles, elles aussi en évolution...

    Marc Maximin, psychiatre, au CMPP le Chazelet, association SERENA

    Le CMPP « le Chazelet » fait partie des trois CMPP de l’association SERENA et il est situé dans le quartier de Sainte Marthe à Marseille, dans l’enceinte de la copropriété des Rosiers. Cette copropriété a été bâtie en 1957 pour loger les employés des usines et pour leur permettre d’accéder à la propriété. Elle regroupe 727 logements. La fermeture de beaucoup de ces usines et le chômage ont modifié l’évolution de cet ensemble de logements. Avec l’émigration, la population a changé, intégrant de plus en plus de maghrébins. Les Comoriens apparaissent à Marseille, d’après les archives, dans les années 40, comme navigateurs, marins et ils font des séjours brefs. Au début des années 50, ils s’implantent à Marseille, avec une première phase dans le centre ville (le Panier) et puis à la périphérie dans les quartiers nord de Marseille, ils se regroupent alors massivement dans la cité des Rosiers. Actuellement, dans cette cité, la population est à majorité comorienne. On parle de plus de 80 000 comoriens à Marseille (mais les chiffres sont imprécis) et 80 % de ces émigrés installés en France seraient originaires de la Grande Comore. Le centre social des Rosiers a fonctionné dès 1962 et à compter de 1966 l’association SERENA et son CMPP ont été locataires de ce centre en établissant un partenariat. Dans un souci de répondre au mieux à une demande croissante et pour nous permettre un accueil plus adapté et plus structuré, nous avons décidé en septembre 2006 de quitter le centre social et d’emménager juste à côté dans le centre médical de la copropriété. Je rappelle succinctement que l’action du CMPP c’est de recevoir des enfants et adolescents pour des suivis, des prises en charges voir des bilans dans le cadre de la psychiatrie infanto juvénile. Notre clinique repose sur une référence à la psychanalyse et cette théorie est toujours notre référence première, même si d’autres apports sont venus la compléter car elle nous permet une prise en charge de l’enfant qui nous protège contre le piège d’un consensus qui viserait à évacuer la complexité.

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    Dans notre travail, dans ce CMPP, nous sommes confrontés à des particularités, des spécificités que nous devons connaître et élaborer pour essayer de mieux prendre en compte les paroles et les actes dans leur contexte. Ce n’est pas une approche culturelle, mais une clinique de sujets qui sont en France dans une situation de migrants avec tout ce que cela implique dans leurs rapports à leurs traditions et leurs coutumes. Qu’en est-il de ces traditions comoriennes ?

    � Pour commencer le mariage coutumier, « l’anda », coutume importante qui permet que l’homme devienne un homme « accompli ». Il a alors le respect des anciens et a le droit à la parole dans les lieux publics. Le mariage qui est un véritable impératif social, qui coûte très cher, prends beaucoup de temps et qui est un but dans la vie.

    � Les Comores, c’est un pays de tradition orale : tous les soirs, les anciens racontent aux enfants et petits-enfants des histoires et contes. Il faut souligner l’importance de cette transmission, de la place des générations et du respect des places. Dans notre clinique, une Comorienne racontait : « j’essaie de reparler avec les enfants comme faisaient les vieux mais ils répondent qu’ils préfèrent la télé ! ». C’est symptomatique d’une génération (l’enfant) qui vit la mutation de l’acculturation de cette société traditionnelle vers sa société d’adoption…

    � Une donnée culturelle rare et importante qu’il est nécessaire d’appréhender tant pour comprendre les enjeux actuels que pour travailler certains abords, est que la culture comorienne est une culture…

    o Matriarcale : l’autorité familiale n’est pas attribuée au père mais au lignage maternel et plus particulièrement à l’oncle maternel.

    o Matrilocale : l’époux va habiter le village ou la maison de l’épouse. o Matrilinéaire : la transmission du statut social avec nom et fortune passe

    par la lignée maternelle. Dans le cadre de notre pratique en CMPP, avec une population à majorité comorienne, on perçoit des changements, des hésitations quant aux repères avec certains qui s’accrochent à leurs traditions et d’autres qui s’en voudraient dégagés mais la plupart tâtonnent à la recherche de compromis. Nous recevons des comoriennes avec leurs enfants qui ont souvent un discours sur les pères qui les situent en périphérie si ce n’est « inexistant….. ». Cela ne semble plus s’inscrire dans une particularité culturelle mais plutôt dans une perte de repères. Globalement, nous sommes de plus en plus confrontés à des situations familiales complexes, peu structurantes pour les enfants issus de ces familles et qui ne sont plus superposables à leurs habitudes, à leurs coutumes du fait d’une rupture profonde dans ce qui fonde leurs propres repères. Au vu de cette problématique, deux thèmes nous semblent à questionner et élaborer pour mieux étayer notre pratique, notre clinique: la demande et la place du père. La demande C’est le plus souvent l’école qui se plaint des difficultés de l’enfant alors que dans la famille il n’y a pas de problèmes où bien les difficultés sont exacerbées mais pas exprimées. Pour que la famille et l’enfant puissent s’approprier une demande qui leur soit propre, elle doit être dépliée, travaillée avec eux pour qu’ils puissent mettre du sens à cette demande. Cela ne peut se faire dans l’instantané et demande du temps, qui est le temps psychique nécessaire à chacun.

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    Comment permettre à cette population de dire ce qu’il en est d’une problématique où souvent le symptôme présenté est le prétexte pour parler d’une ou de leur difficulté ? L’exemple de ces enfants comoriens qui ne parlent pas à l’école, de ce que l’on pourrait appeler un mutisme sélectif me semble pathognomonique.

    - Ce silence peut-il traduire un compromis où un impossible d’être pour l’enfant, pris dans un entre-deux linguistique ?

    - Quand la parole fait symptôme chez l’enfant de migrants, quel rôle détient la langue dans cette forme de mutisme ?

    - Ce mutisme est-il une réaction en chaîne signant la difficulté des parents à vivre leur migration ?

    - Pour ces enfants, en ne parlant pas en-dehors de leur cercle familial, ne serait-ce pas une façon de s’approprier un territoire familier privé, un cocon dans lequel ils se sentent protégés ?

    - Plutôt qu’un problème de bilinguisme, ne serait-ce pas une impossibilité à gérer une double contrainte linguistique et culturelle que ces enfants traduisent en un conflit silencieux ?

    La complexité d’un symptôme, l’histoire d’un sujet nous montre régulièrement qu’on ne peut réduire la demande à un trouble qu’il faut éradiquer. Il est nécessaire de prendre le temps pour permettre à cette famille de penser, de dire et de pouvoir en fonction de leurs repères mettre du lien avec l’offre de parler que nous proposons. Par ailleurs, il est toujours nécessaire d’insister sur le fait que le travail sur la demande avec la famille est important car il permet que celle-ci ainsi que nous de notre côté prenions une certaine distance avec la « commande » sociale. La place du père « Le père, on peut s’en passer, à condition de s’en servir » dit Jacques Lacan. Cette citation, cette référence fondamentale ne peut s’expliquer, se soutenir, qu’à définir le concept de fonction paternelle. Les différents moments cruciaux où un enfant grandit sont soutenus, dans leurs passages successifs, où il s’agit de se couper de quelque chose pour accéder à autre chose, par une fonction : la fonction paternelle, comme essence même de la fonction symbolique. Le père opère donc au titre de cette fonction qui produit une double opération : une coupure et une liaison. C’est la définition même de la fonction symbolique, ce qui divise et ce qui réunit. On voit le caractère fondamental de cette fonction qui permet au sujet d’être, qui inscrit du tiers et pose l’interdit. Cette fonction paternelle est introduite, amenée par la mère comme matrice du symbolique. La présence du représentant, de celui que l’on nomme père, est secondaire. Il peut être absent ou mort. Ce qui importe c’est la circulation de ce principe dans la parole de la mère. Pour que la fonction paternelle opère, il y a deux conditions : qu’elle existe en tant que telle, et que le (ou les) médiateur(s) qui en assurent la mise en œuvre soient reconnus dans l’espace social où ils fonctionnent. Peu importe « le corps » dans lequel cette incarnation a lieu. Il se trouve que dans nos sociétés c’est le plus souvent un homme qui incarne cette fonction tout en prenant sa part dans la reproduction génétique qui en fait un géniteur. La fonction est donc introduite par la mère et supportée par le père réel. Mais d’autres sociétés nous montrent que la fonction peut être assumée par d’autres « fonctionnaires ». Chez les comoriens c’est l’oncle maternel qui occupe cette place. L’évolution actuelle avec les pertes de repères, les confusions de place, le besoin de légitimer sa place favorisent l’émergence de discours où en plus de se passer du père, on pourrait ne plus s’en servir… Leurre dangereux et qui a un coût et des dérives. Fonction paternelle absente, actuellement chez beaucoup de migrants, du fait de manque

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    de repères, où plutôt de moment d’hésitations entre deux abords culturels, dans un entre-deux qui fait vaciller sur ce qui fonde le père comme médiateur. Il s’agit d’un constat dont on commence a mesuré les conséquences, avec des enfants et adolescents en errances et dans des passages à l’acte dans la quête d’un interdit structurant et fondateur. Si cette fonction n’est plus incarnée dans un idéal social de père, si ceux qu’on dit pères ne sont plus reconnus comme le passage obligé, par où cela passe-t-il ? Et comment ça se passe ? Ce qui a chuté, ce sont ces médiateurs patentés de la culture que sont les pères. Aujourd’hui il semble plutôt que le Nom-du-Père, tel que l’oncle maternel pour les comoriens, s’est éparpillé. Il se présente sous d’autres visages, de nouvelles représentations qui ne font pas tiers, ne transcendent rien et ne permettent pas que soit abordé ce qu’il en est de l’inter-dit fondamental. On assiste de plus à une prolifération des caricatures paternelles pour essayer de compenser ce manque… Plus le père défaille, plus on veut jouer au père. Mais le père n’apparaît là que sous le masque féroce du surmoi. Dans le cadre de notre consultation, mais aussi chez les autres services concernés, on est de plus en plus interpellé pour des jeunes comoriens perdus, en errance, souvent dans le passage à l’acte avec des familles désemparées, dépassées et qui nous demandent conseil…s’en remettent à nous… Notre travail ne peut prendre sens s’il ne permet pas que ces familles retrouvent leur place et puissent adapter leurs repères. Ce court résumé montre l’importance de la clinique, de la nécessité d’un temps qui permette de donner du sens au symptôme, de la référence à la théorie analytique qui prend en compte les particularités de l’enfant avec tout ce que cela comporte. Notre travail de clinicien est à la croisée des chemins, il tient compte des différents courants qu’il rencontre, qui le traverse sans être dans une position de fermeture, de clivage et en évitant les pièges des déterminismes.

    Marc Lescaudron, responsable de programmes à Santé Sud Dans la présentation de Monsieur Maximin, deux éléments ont particulièrement attiré mon attention: tout d'abord, je retiens que la connaissance de la culture est nécessaire pour comprendre les représentations des patients qui permettent une thérapie adaptée; et d'autre part, la question de la fragilisation, de la précarisation des individus qui vivent un processus de migration vers d'autres horizons, d'autres cultures.

    Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne, IMAJE Santé.

    Comme il a été dit en introduction, je travaille en tant que psychologue à IMAJE Santé qui est l’Espace Santé Jeunes de Marseille et où nous recevons les jeunes et les familles dans le cadre d’un accueil pluridisciplinaire fait par des médecins, des travailleurs sociaux et des psychologues. IMAJE Santé a comme mission d’accueillir, d’écouter, d’informer et d’accompagner les jeunes de 12 à 25 ans pour toutes les difficultés concernant leur santé, tant au plan médical, social que psychologique. En tant que psychologue, j’interviens à la Consultation Transculturelle qui fonctionne à IMAJE Santé depuis quelques années maintenant. La question qui nous a été posée aujourd’hui, celle de l’adaptation de nos pratiques auprès des sociétés traditionnelles, me pose problème puisque je n’interviens pas auprès

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    des sociétés traditionnelles mais auprès des migrants. Ce sur quoi il est important de réfléchir ici concerne donc la migration et les effets au plan psychique de cette migration. Lorsqu’un individu migre et qu’il change d’environnement culturel, il est important de penser ce changement. Pour cela la culture doit être pensée dans le sens où nous sommes tous des êtres de culture et ne pas perde de vue que chacun s’approprie la culture de manière subjective. Ceci revient à dire qu’il ne faut pas enfermer l’autre dans sa culture : ne pas aborder la culture au détriment du sujet. Ce qui revient à éviter le risque culturaliste. Dans notre activité d’accueil des migrants à IMAJE Santé, nous sommes très vigilants à cette question. Penser la culture c’est obligatoirement se penser soi-même comme un être de culture et l’énigme que représente l’autre pour nous se lie à l’énigme que nous venons représenter pour lui. L'énigme est réciproque. Outre la culture, le contexte de la migration est très important. Marseille est une ville particulière et fournit donc un contexte particulier. Travailler avec les migrants implique de prendre en compte ce contexte et ses effets : peut-on penser les choses de la même manière quand on travaille sur la ville de Marseille, à Paris ou ailleurs en France ? Rien n'est moins sûr... Je reviens à cette question de la migration, puisque la population que nous recevons est issue de ces mouvements migratoires dont Marseille est constituée. Les effets de cette migration sur le plan psychique sont essentiels à considérer au travers de trois points. Premièrement, qu’est-ce que le voyage ? Dès le moment où il décide de partir, le sujet est déjà pris par cette fantasmatique qui l'engage dans des processus de transformation, dans des remaniements de sa subjectivité. Avant même de partir, dès l’instant où il commence à penser le voyage, chaque individu est engagé dans ces mouvements de changement. Deuxièmement, quelles sont les conditions de la migration ? Comment s’est effectué le voyage : seul, en famille, en couple ? S'agit-il de « mineurs isolés étrangers », les MIE comme les appelle l’administration, ces jeunes qui entreprennent le voyage seuls? Pour eux le voyage est souvent source de traumatismes liés aux conditions dans lesquelles il s’est déroulé, à la perte fréquente des compagnons de route qui pour certains décèdent durant ce parcours. Enfin, de quoi sont porteurs les migrants ? Cette question est celle du projet du groupe, c’est-à-dire le groupe familial resté là-bas. Dans la migration ces différents facteurs ne sont pas sans effets. Parallèlement le couple, la famille subit un certains nombre de modifications dans la migration. Le mariage, la conjugalité sont définis culturellement. Ils posent des assignations de places aux individus à l’intérieur du couple et de la famille. La migration modifie les dynamiques conjugales et familiales. Enfin il est important de penser la place qui est faite au migrant dans le pays d’accueil : quel est le regard, le discours porté sur l'immigrant ? Par ce regard, par ce discours nous assignons le migrant à une certaine place qui est souvent celle de victime. Or, et pour reprendre ce que dit Yahyaoui, il est important de penser que «tout migrant est un conquérant». A IMAJES, dans le cadre de la Consultation Transculturelle, nous recevons les jeunes et les familles avec interprète, quelqu’un qui parle la langue mais aussi quelqu’un qui est de la même culture. Nos consultations sont pensées comme un espace transitionnel, un espace physique en tant que métaphore de ce qui se joue au pan psychique. Les entretiens se déroulent en groupe, le groupe étant souvent une enveloppe protectrice.

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    Si nous avons choisi le terme de transculturel, c'est parce que notre travail se situe au-delà de la différence culturelle et qu’il est important de penser la culture au niveau méta, c’est-à-dire que tout un chacun est un être de culture.

    Marc Lescaudron, responsable de programmes à Santé Sud Madame Dutertre soulève la notion de l'enfermement de l’individu dans sa culture que l'on a tendance à faire quand on aborde l'autre comme l'étranger. En parlant d'approche transculturelle, il me semble que l'on se rapproche d'une conception plus respectueuse de l'autre, plus réciproque... à explorer! Par ailleurs, elle aborde aussi l'usage de l’interprète qui doit appartenir à la même culture... A Santé Sud, lors d'interventions dans d'autres pays, nous sommes également confrontés au choix difficile de l'interprète: d'une part, s'il parle une langue étrangère, comment s'assurer de la justesse des traductions et d'autre part, dans le cadre d'une thérapie, ne faudrait-il pas systématiquement recourir à un interprète possédant des compétences psy ?

    Djamel Bouriche, pédopsychiatre, CMP Saint Louis et centre Le Viaduc, Edouard-Toulouse

    D’après les études épidémiologiques, la dépression du postpartum touche environ 15% des femmes qui viennent de mettre au monde un enfant. La maternité de l’hôpital Nord de Marseille enregistre chaque année 5000 naissances dont 200 d’une cité de proximité : Kallisté. La cité Kallisté, à forte densité de population, est une zone urbaine essentiellement composée de migrants des Comores. Cette population est jeune et issue de milieux pauvres de la plupart de ces îles. Ces migrants sont venus en France pour s’y installer et démarrer une nouvelle vie avec l’idée d’une reconnaissance sociale qui va passer aux futures générations, à commencer par leurs enfants. Nous ne sommes pas, en effet, dans la configuration de certaines familles maghrébines qui évoquaient un possible retour au pays d’origine.

    Cette migration génère un taux de natalité important (pour le moment) par rapport à la moyenne nationale mais les conditions sociales dans lesquelles vivent ces familles, c’est-à-dire la pauvreté, la misère, vont transformer considérablement la trajectoire existentielle de leurs enfants (entassement dans des logements inadaptés, environnement bruyant, manque de nourriture, d’accès aux soins, isolement, insécurité, stress, etc.). Les enfants présentent des scores plus bas aux échelles de développement et cognitives, ce qui a des répercussions sur leur développement psychoaffectif et intellectuel. La pauvreté augmente aussi la vulnérabilité des parents face au stress, favorise les modes d’éducation autoritaires et une moins grande disponibilité et une capacité moindre à soutenir les enfants en difficulté. La pauvreté peut être également un facteur de manque de stimulation de l’enfant lors des relations précoces et peut engendrer des pathologies de l’attachement (attachement désorganisé, insécurité affective) qui font apparaître des symptômes précoces chez le bébé : retrait affectif, anhédonie, pleurs incessants, troubles du sommeil, troubles psychosomatiques pouvant être secondairement source d’aggravation de la relation, avec un épuisement psychologique maternel et parfois un recours aux violences physiques sur le bébé lui-même ou sur le reste de la fratrie.

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    La dimension du couple, quand elle existe, n’est pas à négliger pour comprendre les répercussions possibles de l’arrivée d’un enfant dans le contexte social que nous avons décrit auparavant.

    À la consultation de pédopsychiatrie, nous voyons arriver des enfants très jeunes, entre 3 et 4 ans, avec un trouble du comportement qui gêne leur mise à l’école mais qui révèle également des troubles du schéma corporel, une absence d’étayage affectif de qualité par manque de temps et de disponibilité. Le relais éducatif est souvent assuré par les enfants « parentifiés » qui eux-mêmes ont aussi des carences affectives. Sur le plan cognitif, une certaine lenteur idéative, une pauvreté imaginaire réversible (par manque de stimulation) est observée et donne cette impression de mélancolie ambiante. Les conséquences peuvent être graves avec l’apparition de pathologies autistiques atypiques tardives, des dysharmonies d’évolution, des pathologies dépressives difficilement évaluables sous le masque de l’instabilité psychomotrice.

    Nous avons mis en place en 2006 une consultation à visée psychologique et transculturelle ouverte à toutes les familles dont la spécificité est d’être plus particulièrement dédiée aux familles migrantes d’origine comorienne ou maghrébine. Son objectif consiste à prendre en charge précocement les troubles de l’attachement entre l’enfant et sa mère. Il n’est pas rare en effet que des mamans, fragilisées par le fait d’accoucher en exil, développent des symptômes dépressifs et anxieux dont la lecture varie en fonction des contextes culturels. Ce travail mis en œuvre dès la naissance autour de la dyade mère/enfant et de la famille permet de prévenir l’apparition d’éventuels troubles du comportement, d’inadaptation scolaire, ou encore d’anxiété et d’instabilité psychomotrice. La consultation de périnatalité se tient tous les vendredis matin à la PMI des Bourrely ; elle est financée par la DDASS, soutenue par le Conseil général des Bouches-du-Rhône et les associations ICI (travaillant à Kalliste grâce à une médiatrice de santé), et Apronef (Association départementale pour la protection des nourrissons, des enfants et de la famille). Elle a permis en deux ans et demie le suivi de 70 familles, le repérage et l’orientation des familles en souffrance étant effectués par les professionnels de la PMI Bourrely, les médecins généralistes, les travailleuses familiales… Les familles migrantes ont des représentations de l’enfant, du développement du nouveau-né et de la relation à la mère différentes. Par exemple, tant que le bébé n’est pas né, il n’existe pas. On ne doit pas en parler, pour ne pas attirer sur lui le « mauvais œil ». Lorsqu’il est né, on met en place autour de lui des rites pour le protéger d’une « attaque sorcière ».

    Les techniques de maternage diffèrent également, qu’il s’agisse de l’endormissement, de la façon de nourrir le bébé, de le porter, de le masser, de lui parler... Ces différences peuvent être sources de conflits et d’incompréhension entre les professionnels de santé français et les mères. Deux dérives peuvent émerger : soit on laisse les jeunes mères materner de manière traditionnelle, soit on leur demande de renoncer à leur culture rapidement pour assurer à l’enfant le maximum de chances, d’un bon développement psychomoteur par exemple. Les familles sont reçues en consultation par une équipe pluridisciplinaire de six personnes : psychiatre, psychologue, infirmière psychiatrique, médiatrice de santé, éducatrice de jeunes enfants et secrétaire. Les familles parlent la ou les langues qu’elles désirent. La traduction est faite par la médiatrice qui assure l’échange et leur explique le dispositif. Nous intégrons les données culturelles de la famille pour évoquer ensemble la manière de penser l’enfant, de faire et d’être avec lui. Il suffit de quelques séances sur leur histoire, la conception et la filiation de l’enfant pour qu’émerge un matériel clinique.

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    La consultation a parfois pour objet d’accompagner la naissance d’un enfant prématuré, ou d’aider les familles à faire le deuil d’un bébé. Cette consultation de périnatalité permet de travailler sur les assises narcissiques et affectives du bébé. On l’aide à bien démarrer dans la vie, à être compétent et mieux armé pour vivre dans l’environnement difficile qui va être le sien dans ces quartiers. Les familles migrantes ont des représentations de l’enfant et de la dyade mère-enfant différentes, ce qui nécessite que nous prenions le temps de les rencontrer pour évoquer autrement ces systèmes de pensée. Le principe selon lequel « l’enfant est une personne» n’est pas obligatoirement universel. Les techniques de maternage sont complexes et souvent sources de conflits entre les institutions et les mères aussi bien dans un sens que dans l’autre ; il ne faut donc pas sombrer non plus dans un culturalisme forcené pour que certaines jeunes mères maternent de manière traditionnelle au nom d’un je ne sais quel item culturel. Et inversement, au nom d’une visée intégrative ou plutôt assimilatrice, nous évoquons la nécessité de s’acculturer rapidement pour assurer à l’enfant le maximum de chances de réussite sociale. L’acculturation n’est pas l’effacement de l’identité. La langue parlée est également source de conflit et de culpabilité maternelle. Nous savons depuis longtemps l’importance du « bain langagier » sur les interactions précoces mère-enfant, mais aussi entre le bébé et le reste de la fratrie. Son développement psychoaffectif en dépend, mais également son développement intellectuel. Le métissage langagier peut être intéressant à étudier pour comprendre comment les familles communiquent et éviter l’éloge de la fixité culturelle. La consultation spécialisée va donc intégrer les données culturelles de la famille pour évoquer ensemble la manière de penser l’enfant et la manière d’être et de faire avec lui. Selon les ethnies, l’enfant n’appartient pas à un individu mais à une communauté et il est inscrit dans une chaîne de filiation et d’affiliation complexe dont on ne mesure pas toujours les effets lorsqu’il s’agit de parler de sa nomination. Lorsqu’un enfant présente des symptômes ou une maladie, la logique causale individuelle et autocentrée ne doit pas être exclusive et nécessite de redonner parfois un sens au symptôme en privilégiant l’étiologie traditionnelle faisant référence à l’invisibilité. Le travail de cette consultation est un travail d’accompagnement de familles confrontées à une souffrance psychologique, précarisées et ne pouvant bénéficier d’un suivi par ailleurs, la consultation est donc ouverte à toutes les familles qui désirent en bénéficier. Nous essayons de travailler actuellement sur les troubles envahissant du développement et les techniques de maternage.

    QQQQQQQQQQQQppppppppppppjjjjjjjjjjjjoooooooooooouuuuuuuuuuuu!!!!!!!!!!!!ssssssssssssffffffffffffooooooooooooddddddddddddppppppppppppoooooooooooouuuuuuuuuuuussssssssssssffffffffffff!!!!!!!!!!!!Marc Lescaudron, responsable de programmes à Santé Sud Je retiens quelques idées qui semblent transversales à toutes les interventions: l'opposition entre société traditionnelle et société dite moderne (ou occidentale) est loin de faire consensus : d'un côté comme de l'autre, ce sont des représentations réductrices, erronées ! Sur ces propos, j'aimerais d'abord que les quatre panelistes réagissent aux propos de leurs interlocuteurs avant de passer la parole à la salle...

    Marc Maximin, psychiatre, au CMPP le Chazelet, association SERENA

    On a beaucoup parlé des différences, mais j'aimerais souligner le caractère universel de ce qui nous fonde, de notre position de sujet et d’un interdit fondamental. Le pire de ces pièges serait de tomber dans un voyeurisme culturel, une approche d’étude d’un

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    « objet » culturel. Ceci dit, actuellement, une particularité à la société comorienne c'est d'être une culture matriarcale, matrilinéaire et matrilocale. Un jour, lors d'une consultation; j'entends une maman dire à son fils : « mais à quoi ca te sert de savoir qui est ton père ? ». Le garçon qui demandait à connaître son père était de la 3e génération et cet échange mesurait l’entre-deux de générations différentes en difficulté avec leurs repères et leurs traditions.. L’analyse de la réponse de la mère sans connaître l'aspect matrilinéaire particulier de la société comorienne n'aurait pas donné la même interprétation... Il faut toujours faire la part des choses entre particularités et universel.

    Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne, IMAJE Santé.

    Je reviens à la maman comorienne dont le fils préfère la télévision aux histoires de sa grand-mère. Pour moi, aucune surprise, puisque ce gamin est né ici. Pourquoi devrait-il être autrement ? Nos enfants ne sont pas plus intéressés au petit chaperon rouge qu’a la télé ! Leur psychisme est métissé! Ils ont acquis la culture dont ils ont été baignés. Sur la question des sociétés traditionnelles ou modernes, je préfère société individualiste (occidentale ou l’individu prime, qui prend ses décisions qui n’engagent que lui, schématique) contre société tribale, où c'est la société qui prime. Les vagues de dépression massives qu'on constate après la migration chez ces populations tribales pourraient à mon avis être réfléchies de ce point de vue. Entre ces deux extrêmes (individualisme et tribalité), il existe bien sûr une série de déclinaisons et de nuances. Le monde n’est pas clive ainsi heureusement. Ces jeunes ont accès a tous les medias, aux moyens de communication « modernes » et sont déjà pris dans le processus d’acculturation.

    Djamel Bouriche, pédopsychiatre, CMP Saint Louis et centre Le Viaduc, Edouard-Toulouse

    J'aimerais que Marie nous dise un peu comment est prise en charge la périnatalité des femmes en Mauritanie.

    Marie Lépine, psychiatre, référente technique Mauritanie de Santé Sud. Je peux vous donner l’exemple des psychoses puerpérales hospitalisées, où il y a absence de soins aux bébés. Ainsi, les mères sont hospitalisées avec leur enfant, puis laissées avec leur mère ou leur grand-mère sans prise en charge d'ordre psy. Il faut savoir que pour cet immense territoire qu'est la Mauritanie, un pays de désert, marqué par la guerre, il n'y a en tout que 5 psychiatres, 10 psychologues, qui n'ont pratiquement aucune formation clinique. Aucun n'est formé à la pédopsychiatrie non plus, sauf exceptions. Cela constitue bien sûr un problème grave. Pour le reste, je sais que les sages-femmes et les aides accoucheuses des postes de santé font ce qu'elles peuvent bien qu'elles soient débordées (durée de la consultation 10 minutes) et les médecins et infirmiers aussi...

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    FFFFFFFFFFFFddddddddddddiiiiiiiiiiiibbbbbbbbbbbboooooooooooohhhhhhhhhhhhffffffffffff!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!bbbbbbbbbbbbwwwwwwwwwwwwffffffffffffdddddddddddd!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!mmmmmmmmmmmmffffffffffff!!!!!!!!!!!!qqqqqqqqqqqqvvvvvvvvvvvvccccccccccccmmmmmmmmmmmmjjjjjjjjjjjjdddddddddddd!!!!!!!!!!!!

    !!!!!!!!!!!!Marc Lescaudron, responsable de programmes à Santé Sud Nous allons poursuivre le débat avec le public.

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    PUBLIC - Pascale Amieremasse, psychologue secteur 12, Edouard Toulouse, cmp Belle de Mai Sur la question du maternage, je trouve que c'est une question épineuse dans la mesure ou on invoque une manière définie de se comporter par rapport aux enfants qui pourrait conduire à certains troubles chez l'enfant, dont l'autisme. J’ai l’impression que la vogue actuelle est de donner des causes génétiques à ces troubles. Comment pensez-vous de ces mères émigrées qui auraient un comportement particulier, voire non maternel envers leur enfant, puissent avoir ce type d'impact sur leur progéniture? Ma deuxième question, c'est de situer la différence entre exil et expatriation : existe-t-il un distinguo entre ces 2 phénomènes, qui créerait un regard très différent de la part de la société d'accueil selon qu'ils sont exilés ou expatriés,? N'a-t-on pas peur des exiles, alors que les « expat » seraient perçus comme moins menaçants? Comment ca se passe avec les personnes que vous recevez?

    Djamel Bouriche, pédopsychiatre, CMP Saint Louis et centre Le Viaduc, Edouard-Toulouse Avec certaines familles comoriennes, on alterne des techniques proximales et proximo-distales. Mais la parole n'est pas du même registre. Chez les Comoriens, l’enfant n’appartient pas à la mère. On le voit à la façon dont elle le prend, dont elle l’habille. J’évoquais le maternage, la mère avec syndrome dépressif non étiqueté à cause de la méconnaissance culturelle: il faut souligner aussi que le maternage de cette mère se trouve modifié précisément à cause du milieu hospitalier, et là oui, il peut y avoir impact sur l'enfant. Mais j'insiste: l'enfant appartient au groupe et cette notion de maternage doit être analysée sous cet angle. Quant à la lecture de la dépression, elle n’est pas évidente: l'interprétation comorienne des symptômes peut être magique: « c’est un djinn, une sorcière ». A la consultation, on essaiera de comprendre l’impact négatif de la mère sur l’enfant.

    Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne, IMAJE Santé. Le distinguo entre exilé et expatrié c'est que le premier est isolé et le second retrouve une communauté identique à celle qu’il a quittée. La question ramène a la peur de l’étranger, de celui qui est étrange, qu’on ne connaît pas, donc qui fait peur. L'exilé vient sous une forme différente qui peut être menaçante. Ces deux positions de la personne c’est son rapport à l’étranger : l’exilé doit construire du familier s’il veut continuer à vivre dans cet environnement Il devra essayer de correspondre au modèle que les autres attendent de lui (pense-t-il) alors que l’expatrié va prendre de la distance par rapport à cette pression. Exilé ou pas, il reste que la migration ne nous laisse pas intact tout de même, ca diffuse dans notre univers psychique.

    PUBLIC – Neurologue, Marseille Je reviens sur votre histoire de cet enfant qui préférait écouter la télé; considérez-vous qu’il vaut mieux qu’il soit imprégné plutôt que d’aller vers des histoires des familles?

    Marc Maximin, psychiatre, au CMPP le Chazelet, association SERENA Dans cette histoire, au-delà de la position de la télé chez les jeunes, l'important surtout c'est que la mère affirme l’importance pour elle de ses racines, mais tienne aussi compte de cette réalité contemporaine qui est celle de son enfant qui est aussi inscrit dans

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    d’autres repères et références. L'enfant doit lui comprendre que c’est important pour sa mère mais que sa propre réalité existe aussi.

    PUBLIC - Blandine Barru, Pédopsychiatre, membre de Santé Sud Je travaille dans un Foyer de demandeurs d’asile sur le secteur 0n a des enfants qui arrivent avec des traumatismes graves, et on est souvent démunis pour les traiter. Il y a aussi la question du temps: comment concilier nos horaires structurés dans notre cmp avec ceux de la clientèle? Comment ca se passe dans vos structures?

    Djamel Bouriche, pédopsychiatre, CMP Saint Louis et centre Le Viaduc, Edouard-Toulouse

    Il faut vraiment beaucoup de temps! Les 20 minutes habituelles ne sont pas suffisantes: le temps que la famille se pose, comprenne le cadre, commence à se mettre à l'aise, et la consultation est déjà finie. On essaie de prendre une heure, une heure et demie… Certaines structures spécialisées proposent jusqu’à 4 heures. Apres ça dépend de la fréquence des rencontres. Je vois peu de traumatismes graves chez les comoriens. Sur le plan du traumatisme, les causes sont plutôt du côté de la rencontre avec les institutionnels, les problèmes de logement, les conditions de vie (il faut voir les visites à domicile !!) et les carences affectives pour les enfants ! Le traumatisme de l’exil chez les familles comoriennes n’est pas très important car la communauté très soudée et solidaire. Ils sont aussi en contact continu avec le pays qui evite le traumatisme sévère dû à la coupure.

    Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne, IMAJE Santé La question du temps est très importante : nous sommes confrontés à une autre temporalité! Les Comoriens sont toujours en retard aux consultations, si on s'en tient à notre perception des choses. En fait, les repères de temps ne sont pas les mêmes. Nous fonctionnons avec notre montre, mais dans la société comorienne, ce sont les événements qui marquent le temps. On se voit après le repas a du sens pour eux, mais on se voit à 14h n'a pas de signification particulière. Ca ne veut pas dire qu’ils ne tiennent pas compte de ce nouveau temps « français ». Le traumatisme dû à l’exil en général c’est du registre du microtraumatisme: cette adaptation qu’ils doivent subir. Mais c’est notre adaptabilité à ces microtraumatismes qui fait qu’on avance. La majorité des migrations se passe bien. Mais dans nos consultations, on voit surtout ceux avec qui ca se passe moins bien. Ceci dit, n'oublions pas ces jeunes qui arrivent avec des traumatismes importants (contextes de guerre, de violences dans leur pays, rupture des liens familiaux, systèmes de passeurs très violent où tout le monde n’arrive pas vivants...).

    Marc Maximin, psychiatre, au CMPP le Chazelet, association SERENA J'y ajoute un autre traumatisme, très violent, que j'appellerais « traumatisme inversé », c'est à dire le retour au pays obligé en situation d'échec, où l'on doit faire face au jugement de la société communautaire... J'ai reçu un gamin qui posait problème à l’école, à la maison. Sans en être averti, le jeune est parti mais n’est jamais revenu de ses vacances aux Comores. Il avait failli à son intégration! On entend souvent chez les Comoriens: « ne fais pas comme les autres ». Les autres, ce sont les Maghrébins qui ne se sont pas intégrés !!

  • Point Rencontre de Santé Sud – Santé mentale et interculturalité – Marseille, 31 mars 2010 18

    Marie Lépine, psychiatre, référente technique Mauritanie de Santé Sud. Je fais aussi des consultations à la Préfecture auprès d'exilés et ce qui m’a frappée, c'est qu'il est très difficile de dépister les enfants avec des troubles graves. Pour la famille, il est difficile de distinguer quel est leur enfant le plus souffrant, car ils "galèrent" tous, adultes et enfants, et parfois ce sont les troubles les plus spectaculaires d'un enfant qui sont mis en avant, alors qu'un enfant plus inhibé de la même fratrie restera dans des angoisses majeures. Ce sont nos consultations de professionnel qui permettent d'établir le diagnostic...c'est notre travail de spécialiste alors qui entre en jeu.

    Djamel Bouriche, pédopsychiatre, CMP Saint Louis et centre Le Viaduc, Edouard-Toulouse

    Parfois il faut 3-4-5 séances de 1h avant qu’il se passe quelque chose et qu'on puisse détecter les problèmes. Pour revenir à la notion de temporalité, si on ne prend pas le « temps méditerranéen » de se connaître, de contractualiser la rencontre, de mettre les patients a l’aise, on ne peut pas délier la parole, et encore moins dépister les problèmes!

    PUBLIC - Yvon Dubois, pédopsychiatre, quartier nord de Marseille, membre de Santé Sud - PUBLIC On touche deux pôles quand on parle d'interculturalité... l'aspect psychologique, psychiatrique, mais aussi l'aspect anthropologique, sociologique. Il existe de grandes différences entre travailler ici auprès des migrants, et travailler comme avec Santé Sud, dans un autre pays. Marie est en Mauritanie, moi je suis intervenu au Liban. Le concept qui me paraît important c’est celui des représentations sociales. Nous sommes ici dans un environnement donné, face à un individu unique qui est en difficulté. C'est un contexte individualisé. C'est très différent car dans un autre pays, comme psy, on interagit auprès de sociétés entières, dans un système dont on connaît peu de choses. Et le travail est d'autant plus difficile.

    Marie Lépine, psychiatre, référente technique Mauritanie de Santé Sud Durant la mission dont je reviens en Mauritanie, les spécialistes français que nous étions, avec notre éclairage français, voulions évidemment ajouter une consultation psy dans le service hospitalier de Nouakchott. Mais à force d'observer, de discuter et grâce à la compréhension de nos pairs mauritaniens, nous nous sommes rendu compte qu'il était beaucoup plus adéquat d’intégrer un volet psy dans la pratique médicale généraliste directement.

    PUBLIC - Psychiatre Qu'en est-il des personnes en situation irrégulière? Les recevez-vous ? Comment cela se passe-t-il ?

    Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne, IMAJE Santé.

    Au risque d’être dénoncée, oui, nous recevons les jeunes migrants sans papiers. Parfois ce sont les travailleurs de rue qui nous les réfèrent, parfois ils viennent avec la famille. La possibilité d’offrir un lieu où l’on peut parler de leur situation dans un autre cadre est essentielle. Mais la question de l’irrégularité, est travaillée avec le travailleur social pour son aspect administratif.

  • Point Rencontre de Santé Sud – Santé mentale et interculturalité – Marseille, 31 mars 2010 19

    Marc Maximin, psychiatre, au CMPP le Chazelet, association SERENA Il ne faut surtout pas que le soin devienne un lieu de contrôle policier. Beaucoup d'irréguliers ont peur de venir consulter car ils craignent d'être fichés, dénoncés. Il est vrai qu'on n'entre pas dans un cmpp sans remplir un tas de papier. Mais cela effraie souvent ces personnes. Mais nous avons aussi le droit de ne pas les faire remplir tout ça si c'est dans leur intérêt!

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    !!!!!!!!!!!!Guy Farnarier, président de Santé Sud Je voudrais, avant de conclure, remercier chaleureusement les quatre intervenants dont les propos, d'une grande qualité et d'une complémentarité certaine, ont contribué à faire avancer cette réflexion sur la prise en charge de la santé mentale dans un contexte transculturel! A sante Sud, nous qui agissons uniquement sur le versant Sud, nous sommes sans cesse confrontés aux données de la socio-anthropologie et du domaine médical, qui se chevauchent et se complètent. Un troisième facteur vient compléter le tableau: c’est le sous-développement. Les problèmes d’accès aux soins de qualité, du manque de moyens, des lacune d'accès aux compétences pour mieux prendre en charge les problèmes médicaux, médicaux sociaux et de la santé mentale demeurent notre contrainte principale. Notre devise, agir sans remplacer, que nous appliquons depuis 26 ans maintenant, consiste à nous appuyer sur les Ressources humaines de ces pays, ressources qui existent bien, qui sont compétentes et formées, mais manquent souvent d'appui sur les plans pédagogiques et d'encadrement. Marie a choisi de vous parler de la démarche du professeur Dia dans son allocution sur nos actions en Mauritanie. Cela n'est pas anodin, car des Professeur Dia il y en a beaucoup dans les pays du sud, qui veulent vraiment des choses dans leur pays, et qui ont une immense connaissance scientifique, de niveau largement international, et qui connaissent les réalités concrètes de leur pays. En permanence, notre mode de fonctionnement à Santé Sud, c’et de trouver ces personnes, de compléter des pans de leur formation, de les accompagner pour que ce soit eux qui soignent leur population. Il y a un réel continuum entre ce qui se passe ici et là-bas, plus que ce que l'on pense, dans un univers mondialisé où la migration n'est pas seulement dans nos pays modernes, mais bien généralisées sur la planète. Je remercie les intervenants d'avoir bien voulu partager leur réflexion sur cette thématique, et le public.

    Marie Lépine, psychiatre, référente technique Mauritanie de Santé Sud Une dernière chose. Le Professeur Dia est très intéressés à recevoir des commentaires sur cette présentation et sur son livre !! Alors si vous avez des commentaires, faites passer l’information à Santé Sud ! Merci !