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eJRIEPS Ejournal de la recherche sur l’intervention en éducation physique et sport 35 | 2015 Varia Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ejrieps/1501 DOI : 10.4000/ejrieps.1501 ISSN : 2105-0821 Éditeur ELLIADD Référence électronique eJRIEPS, 35 | 2015 [En ligne], mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 04 octobre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/ejrieps/1501 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ejrieps.1501 Ce document a été généré automatiquement le 4 octobre 2020. La revue eJRIEPS est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons Attribution 4.0 International License.

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eJRIEPSEjournal de la recherche sur l’intervention en éducationphysique et sport 

35 | 2015Varia

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/ejrieps/1501DOI : 10.4000/ejrieps.1501ISSN : 2105-0821

ÉditeurELLIADD

Référence électroniqueeJRIEPS, 35 | 2015 [En ligne], mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 04 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ejrieps/1501 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ejrieps.1501

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La revue eJRIEPS est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons Attribution 4.0International License.

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SOMMAIRE

ÉditorialMarie-Paule Poggi, Nathalie Wallian, Mathilde Musard, Yannick Lemonie et Fabienne Brière-Guenoun

Les dimensions personnelles de gestion du risque d’étudiants en écoles supérieures decirque : une étude exploratoireDelphine Lafollie

Analyse des phénomènes transpositifs dans l’enseignement du badminton à partir d’unprogramme épistémologique centré sur les curricula potentielsCédric Roure

Approche technologique et forme de pratique scolaire du football en milieu difficile : lemodèle du « futsal »Guillaume Dietsch

Effet du débat d’idées sur l’apprentissage du hand-ball chez les débutantes : cas des jeunestunisiennesZeineb Zerai

L’enseignement et l’apprentissage de la tactique en sports collectifs : des précurseurs oubliésaux perspectives actuellesJean-Francis Gréhaigne

Actualités des thèses et des livres : Thèses et HDR

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ÉditorialMarie-Paule Poggi, Nathalie Wallian, Mathilde Musard, Yannick Lemonie etFabienne Brière-Guenoun

Les propositions de manuscrits sont à envoyer à :

marie-paule.poggi[at]espe-guadeloupe.fr

Avril 2015

1 Ce numéro 35 d'eJRIEPS propose cinq contributions originales prenant appui sur trois

APSA, le cirque, le badminton et les sports collectifs.

La première intitulée Les dimensions personnelles de gestion du risque d’étudiants

en écoles supérieures de cirque : une étude exploratoire propose une

compréhension approfondie des dimensions personnelles liées à la gestion du risque à

la lumière de données issues de la psychologie du sport. Cette étude, de type qualitatif,

permet de mettre en avant l’importance des dimensions personnelles intra-

individuelles et interindividuelles, perçues par les étudiants en école supérieure de

cirque, dans leur gestion du risque corporel et son apprentissage. Son auteur, Delphine

Lafollie, nous livre une analyse fine des interactions qui s'établissent entre dimensions

techniques et dimensions affectives dans la gestion du risque dans le milieu du cirque.

Elle note toutefois que maitrise technique et gestion de la peur relèvent de deux formes

d'apprentissage spécifiques.

Le second texte, proposé par Cédric Roure, s'intéresse à une Analyse des phénomènes

transpositifs dans l’enseignement du badminton à partir d’un programme

épistémologique centré sur les curricula potentiels. L'auteur compare une analyse

épistémologique des savoirs scolaires du badminton présents dans les curricula

potentiels à des données prélevées in situ lors d’un cycle de badminton. Les conclusions

laissent penser que l’activité de transposition des professeurs s’exerce davantage au

niveau du choix des objets d’apprentissage et de leurs évolutions au fil du cycle en

relation avec deux éléments prioritaires qui sont leur conception de l’activité

badminton et les caractéristiques des élèves composant la classe. Cette recherche

permet sans nul doute d’approfondir les connaissances relatives à la part du processus

de transposition didactique effectué par l’enseignant.

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Les trois communications qui complètent ce numéro centrent leur attention sur les

sports collectifs. Les deux premières, celles de Guillaume Dietsch et de Zeineb Zerai

explorent les possibilités d'un dispositif socio-constructiviste, le « débat d'idées », testé

dans des contextes particuliers. Avec Guillaume Dietsch, l'article intitulé Approche

technologique et forme de pratique scolaire du football en milieu difficile : le

modèle du « futsal », s'intéresse à une forme de pratique scolaire du football en

Education Physique et Sportive (EPS) inspirée de l’activité futsal et prend en compte le

rapport au sens construit par des élèves issus de milieu difficile. Les résultats montrent

que, pour des élèves difficiles, une co-construction des savoirs et une réflexion

collective à travers des débats d’idées, permettent de produire des actions collectives

signifiantes, des apprentissages méthodologiques et sociaux dans un sport collectif

comme le football. De son côté, Zeineb Zerai, dans l'article intitulé Effet du débat

d’idées sur l’apprentissage du hand-ball chez les débutantes : cas des jeunes

tunisiennes, s'intéresse plus spécifiquement aux effets du débat d'idées sur l'activité

des filles tunisiennes. Les principaux résultats montrent que chez ces dernières, la

compréhension, l’analyse et l’interprétation des phénomènes qui surviennent lors du

jeu sont primordiales pour la planification des actions en projet pour la rencontre à

venir. Ainsi, le débat permet aux élèves de prendre conscience de leurs conceptions et

de les mettre à l’épreuve en les soumettant à leurs pairs, qui sont susceptibles de les

critiquer et donc de contribuer à leur évolution. Enfin, ce numéro se clôt par une

remarquable revue de questions sur l'évolution des conceptions de l’enseignement /

apprentissage de la tactique en sports collectifs. Jean-Francis Grehaigne et Luc Nadeau

proposent un article intitulé L’enseignement et l’apprentissage de la tactique en

sports collectifs : des précurseurs oubliés aux perspectives actuelles. Le tour

d'horizon international qui nous est offert pointe avec brio les enjeux actuels de la

recherche sur l'enseignement et l'apprentissage en sports collectifs. Il constituera sans

nul doute une lecture de référence pour les recherches à venir dans le domaine.

2 Le prochain numéro est prévu en juillet 2015 avec des articles originaux que nous vous

invitons cordialement à nous envoyer. A venir dans les pages d'eJRIEPS, le compte

rendu des journées Alain Durey (19 mars 2015, Créteil), celui des journées Deleplace (21

mars 2014, Bordeaux) ainsi qu'une partie des actes du colloque ARIS (2 au 4 juillet 2014,

Genève). L'activité scientifique, dans notre champ, est vivace, eJRIEPS se donne pour

mission de vous en tenir informés au plus près.

AUTEURS

MARIE-PAULE POGGI

Editrice scientifique eJRIEPS

NATHALIE WALLIAN

Editrice scientifique eJRIEPS

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MATHILDE MUSARD

Editrice scientifique eJRIEPS

YANNICK LEMONIE

Editeur scientifique eJRIEPS

FABIENNE BRIÈRE-GUENOUN

Editrice scientifique eJRIEPS

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Les dimensions personnelles degestion du risque d’étudiants enécoles supérieures de cirque : uneétude exploratoireDelphine Lafollie

1. Introduction

1 La question du risque et des prises de risque dans la société et dans le sport notamment

est particulièrement étudiée. A ce titre, des déterminants biologiques (e.g., Zuckerman,

2006), psychologiques (e.g., Michel, 2001) ou sociologiques (e.g., Soulé & Corneloup,

2007) sont notamment mis en avant dans des études émanant de différents champs

disciplinaires. Cependant, la gestion du risque, en particulier en contexte sportif, a fait

l’objet de beaucoup moins de recherche. Dans le domaine du cirque professionnel, cette

question est pourtant centrale : la carrière professionnelle des circassiens est

directement dépendante de la préservation de leur intégrité corporelle et donc de la

gestion qu’ils feront de leurs prises de risque. Or, paradoxalement, dans le monde du

cirque contemporain ce risque est euphémisé (Fourmaux, 2006 ; Goudart, 2002 ; Sizorn,

2008). Cette particularité se retrouve de façon encore plus surprenante dans les écoles

supérieures de cirque en France qui forment à bac +3 les artistes de cirque de demain :

« Parler du risque et de gestion dans les écoles professionnelles de cirque ne semble donc pas si

évident, alors que cette dimension apparait clairement dans les maquettes pédagogiques et dans

les discours des professionnels des écoles. Souvent le risque est banalisé, encore une fois

euphémisé dans une vision plutôt fataliste » (Legendre, 2014, p. 5). Dans ce contexte, nous

pouvons alors nous demander quelle gestion du risque et surtout quels apprentissages

de cette gestion du risque vont être mis en œuvre dans ces écoles ? Cette étude

exploratoire qualitative va tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, à

travers une recherche menée auprès d’étudiants d’écoles supérieures de cirque en

France. Nous mettrons donc en avant quelles gestions du risque émanent du discours

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de ces étudiants et quels apprentissages ou quels types d’apprentissage (formel,

informel) en découlent.

Dans les activités circassiennes professionnelles, le risque est pluriel. Dans les discours

des enseignants et des enseignés des écoles professionnelles de cirque, plusieurs types

de risque émergent (Legendre, 2014) : tout d’abord le risque corporel avec des

conséquences à court terme ou à long terme, et dans une moindre mesure, le risque

dans une activité de représentation (« perdre la face », ne pas réussir lors d’un

spectacle), le risque de l’insertion professionnelle puis des conditions économiques

d’exercice du métier, et enfin le risque dans les activités de création (« lâcher prise » et

donc oser en terme de création). Dans le cadre de cette étude, nous nous limiterons à la

gestion du risque corporel. Par ailleurs, la gestion du risque est plurielle également,

nous avons choisi de nous focaliser sur l’importance des dimensions personnelles dans

cette gestion. Par conséquent, notre recherche sera dans un premier temps

contextualisée avec quelques éléments théoriques concernant tout d’abord le risque, sa

gestion et son apprentissage en contexte sportif et en écoles de cirque. Puis nous

présenterons le cadre utilisé pour définir les dimensions personnelles. Nous

expliciterons ensuite la méthodologie de cette étude. Enfin, les résultats seront

présentés et discutés à la lumière des données scientifiques relatives aux déterminants

de la performance sportive et à l’intervention psychologique dans le sport, cette

dernière référence permettra notamment de mettre en avant quelques pistes pour la

formation.

2. Gestion du risque en contexte sportif et en écolesupérieure de cirque

2.1. Risque et prise de risque en contexte sportif

2 Le risque, tout d’abord, renvoie à l’éventualité d’un événement incertain qui peut

conduire à un dommage, à une perte. Deux éléments sont donc indissociables du

risque : l’imprévisibilité et les conséquences négatives de l’événement. Collard (2002)

évoque ainsi le hasard et les enjeux (ce qui est misé en début ou en cours de partie, que

le joueur tente de ne pas perdre) qui peuvent être compétitifs mais surtout corporels

dans les sports à risque (quand l’exécution d’une action motrice, prévue explicitement

par le code du jeu, peut affecter l’intégrité physique).

La prise de risque peut être définie comme « la participation active de l’individu dans un

comportement pouvant être dangereux » » (Michel, Purper-Ouakil & Mouren-Siméoni,

2002, p. 584). C’est une « décision impliquant un choix qui se caractérise par un certain

degré d’incertitude quant aux probabilités d’échec ou de réussite. A chaque probabilité

est associée une utilité, un bénéfice du risque » (ibid., p. 584). La prise de risque

comporte ainsi quatre caractéristiques : deux relevant du risque (l’incertitude du

résultat, et les conséquences de l’action éventuellement négatives) et deux relevant du

choix personnel de l’individu qui va prendre des risques (le choix intentionnel et

volontaire de s’engager, et l’objectif positif, la récompense recherchée dans cet

engagement). Les bénéfices escomptés dans les prises de risque sportives sont

généralement d’ordre personnel : estime de soi, réputation personnelle, virilité,

courage (Raveneau, 2006), reconnaissance sociale, identité, bien-être, mérite, plaisir

(Corneloup & Soulé, 2002), recherche de sensations, de limites ou d’autonomie,

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construction de soi, accomplissement de soi (Soulé & Corneloup, 1998). Il a été

notamment mis en avant en psychologie du sport, deux grands profils de preneurs de

risque sportif (Lafollie & Le Scanff, 2008) : les compensateurs surtout à la recherche d’une

valorisation ou d’une construction de soi et les hédonistes à la recherche de sensations

fortes, de plaisir. « Le risque devient alors l'élément d'un mode de vie placé sous le

signe du jeu, du ressenti. La pratique d'un sport à risque, au sens premier du terme,

rentre a priori dans ce cadre (…), prise de risque comme possibilité d’atteindre une

certaine harmonie » (Soulé & Corneloup, 1998, p. 8-9). En contexte sportif, la prise de

risque est donc avant tout considérée comme constructrice avant d’être

éventuellement destructrice (accident).

Ce choix volontaire de s’engager dans l’activité va être largement modulé par la

représentation du risque encouru qui diffère selon les individus. En effet, le risque est

fortement subjectif. Il correspond avant tout à une évaluation personnelle de la

situation (Delignières, 1993), même si certains critères qui relèvent du risque objectif

(variable quantitative qui caractérise le contexte de la tâche prenant en compte la

probabilité d’accident et sa gravité, Delignières, 1991) peuvent être dégagés en lien

notamment avec la logique interne des activités physiques et sportives (Collard, 1998).

Le risque sera donc pris si l’individu y voit plus de bénéfices, d’intérêts que de coûts

négatifs. Dans la théorie homéostatique du risque (Wilde, 1988, 2012), la prise de risque

dépend de la comparaison entre le risque préférentiel ou risque cible (meilleur compromis

entre les coûts et les bénéfices des actions possibles) qui est un standard spécifique à

chacun (niveau optimal de risque que l’on souhaite prendre selon le contexte) et le

risque perçu (évaluation de la dangerosité actuelle) (Delignières, 1993). L’individu tendra

alors à réduire, de façon intuitive, les écarts entre le risque préférentiel et le risque perçu

en modulant le risque pris : risque élevé si le risque perçu est inférieur au risque

préférentiel, risque faible si le risque perçu est supérieur au risque préférentiel (Wilde,

1988).

La prise de risque va donc dépendre des évaluations subjectives, et également

intuitives, du risque préférentiel et du risque perçu qui sont liées à de nombreux facteurs.

En contexte sportif, de multiples biais, imprévus et données culturelles vont, en effet,

modifier le rapport préférentiel au risque : pression des médias, logique de la

distinction, valeurs affectionnées, dynamique et ambiance de groupe, état

psychologique, situation anomique (Corneloup & Soulé, 2002). Par ailleurs, des

recherches en psychologie du sport montrent aussi, dans une perspective différentielle,

que des caractéristiques individuelles impactent le risque subjectif et l’engagement

dans une situation risquée. Ces caractéristiques sont en particulier émotionnelles (e.g.,

alexithymie : incapacité à identifier, différencier, verbaliser et communiquer ses

émotions ou sentiments) ou liées à la personnalité, comme la recherche de sensations,

l’extraversion ou l’impulsivité (e.g., Bonnet, Pedinielli, Romain & Rouan, 2003 ; Lafollie

& Le Scanff, 2007, 2008 ; Michel, 2001). Enfin, l’évaluation du risque perçu pourra

dépendre des compétences perceptives de l’individu (Wilde, 2012), de variables

cognitives comme la capacité de traitement de l’information, les connaissances ou le

niveau d’information sur la situation (Kouabenan, 2006) ou de façon plus générale de

l’expertise des individus (Delignières, 1993). Finalement, pour Kouabenan (2006)

l’évaluation subjective du risque est liée à certaines caractéristiques du risque et aux

variables individuelles, psychosociologiques ou cognitives de l’individu.

Agir sur le risque subjectif (préférentiel et perçu), qui détermine la prise de risque,

semble ainsi difficile : il serait intuitif, donc peu rationalisable, et sous tendu par un

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grand nombre de variables en interaction. Plutôt que de jouer sur l’engagement dans

une situation risquée qui parait alors difficilement influençable, la gestion du risque

pourrait être basée sur une augmentation de la sécurité passive (amélioration des

matériaux, des dispositifs de sécurité) : en cas d’accident, les conséquences corporelles

seraient amoindries. Cependant, si cette solution s’avère efficace à court terme, elle ne

l’est pas à long terme. En effet, la sécurité passive n’influence pas le niveau de risque

préférentiel, mais diminue le risque perçu (évaluation de la dangerosité de la situation).

De ce fait, dans un but de « conservation du risque » (Wilde, 1988), les individus

percevant la situation comme moins risquée, vont prendre plus de risque pour être en

phase avec leur standard de risque préférentiel. Cette théorie est connue dans le domaine

de la sécurité routière ou de l’alpinisme où l’introduction de dispositifs plus sécurisants

(respectivement ABS ou descendeurs métalliques, piolets-traction, etc.) a augmenté les

prises de risque et les accidents (Delignières, 1993). « Plus on évolue dans un

environnement sûr, plus on sera prêt à prendre des risques, et inversement » (Camiolo,

2013, p. 160).

Par conséquent, la gestion des risques ne peut pas s’appuyer uniquement sur des

mesures d’amélioration de la sécurité passive. En amont de l’action, elle ne pourra

jouer qu’à minima sur le risque préférentiel, difficilement atteignable car infraconscient,

mais elle pourra porter plus facilement sur une amélioration de l’évaluation précise de

la dangerosité de la situation (risque perçu) ou sur une mise en place de stratégies

logistiques (Corneloup & Soulé, 2002). Une fois l’action engagée, la gestion des risques va

concerner la mise en jeu de diverses compétences de l’individu pour assurer un

déroulement de l’action en toute sécurité : mise en place, par exemple, de stratégies

d’action (ibid.) et en cas de problème de stratégies sécuritaires (ibid.) ou d’ habiletés

d’évitement (Delignières, 1991, 1993). Nous allons détailler ces éléments de la gestion du

risque et son apprentissage en contexte sportif.

2.2. Gestion des risques et son apprentissage en contexte sportif

3 Si beaucoup de recherches traitent des déterminants et des conséquences de la prise de

risque dans le sport, très peu s’intéressent directement à la gestion de ces risques et

encore moins à son apprentissage.

Corneloup et Soulé (2002) font partie des rares chercheurs qui évoquent la gestion des

risques en contexte sportif (et plus précisément en environnement naturel). Ces

sociologues s’intéressent à la manière dont se prennent les décisions dans les sports de

plein air selon une approche globale. Cette dernière prend en compte les facteurs

techniques, humains et organisationnels dans l’étude des risques et non la seule

décision rationnelle de l’acteur (comme le fait l’approche cognitive dans la théorie des

jeux notamment). En effet, l’environnement physique et social serait tout aussi

menaçant que le comportement du pratiquant dans le déclenchement du processus du

danger. Dans les sports de plein air, où existe une forte incertitude, la décision loin

d’être rationnelle, va reposer sur l’expérience, des compétences assimilées, des savoirs

implicites, des probabilités subjectives, des suppositions, des habitudes ou encore

l’observation du comportement d’autrui. Le pratiquant utilise donc un « bricolage

interactionnel » (ibid.) pour apprécier le niveau de danger et prendre des décisions

satisfaisantes. La gestion des risques des sports de plein air va alors se présenter

comme une interaction entre maitrise de la logistique, de la culture d’action et de la

sécurité pour faire face aux multiples incertitudes rencontrées : le pratiquant va mettre

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en place des stratégies qui vont orienter sa décision face aux nombreux choix se

présentant à lui. Tout d’abord en amont, face aux incertitudes logistiques qui peuvent

être individuelles, organisationnelles, relationnelles ou technologiques, des stratégies

logistiques peuvent être adoptées : que dois-je emmener ? Quelle est la fiabilité de la

météo ? Quel choix du site, de la structure professionnelle ? etc. (ibid.). Ensuite dans

l’action, les incertitudes peuvent être individuelles (faute technique, mauvaise stratégie

d’action, etc.), environnementales (orage, avalanche, etc.), technologiques (rupture de

corde, etc.), relationnelles (faute d’un partenaire, conflits, etc.) ou structurelles (faute

d’un guide, matériel de location défectueux, etc.). Différentes stratégies d’action

émergent alors : ai-je le niveau pour faire cette voie ? Mon partenaire est fatigué, que

faisons-nous ? Puis-je faire confiance à ce guide ?, etc. (ibid.). Enfin en cas de problème

et face à des incertitudes individuelles (méconnaissance des techniques de réchappe, de

l’utilisation d’un arva, etc.), relationnelles, structurelles ou technologiques

(impossibilité de joindre les secours), des stratégies sécuritaires seront nécessaires : en

cas de problème, saurai-je faire face à la situation ? Ai-je bien vérifié la compétence

sécuritaire de mon partenaire ? etc (ibid.).

La réflexivité du pratiquant et les méthodes pratiques utilisées sont donc

incontournables dans la façon dont il va organiser son action et prendre des décisions

pour assurer sa sécurité et celle des autres. Le pratiquant met alors en place différentes

stratégies face aux multiples choix qui s’offrent à lui, en amont, pendant l’action et

éventuellement en aval. De ce fait, pour Corneloup et Soulé (2002) une « pédagogie du

risque » efficace doit reposer autant sur la maitrise logistique et la maitrise d’action

que sur la maitrise sécuritaire. Cependant, la réflexion de ces sociologues ne concerne

pas directement l’apprentissage de la gestion du risque. Delignières (1991, 1993), est

l’un des rares auteurs qui a proposé quelques pistes sur ce sujet. En s’appuyant

principalement sur un autre cadre (théories cognitivistes présentées précédemment), il

émet des hypothèses concernant une « didactique de la sécurité » en contexte scolaire

en insistant aussi sur le développement concomitant d’habiletés préventives (logistique),

d’habiletés sportives et d’habiletés d’évitement pour réagir en cas de problème.

Tout d’abord, cet auteur explique que de façon générale si le risque préférentiel est

difficilement affecté par des injonctions raisonnées, les psychosociologues indiquent

que pour changer l’attitude des sujets envers les situations risquées, il faut déjà

modifier les comportements (par la contrainte ou la répression éventuellement).

Ensuite, la justification de ces nouveaux comportements moins risqués modifierait

l’attitude, qui deviendrait le soubassement des comportements ultérieurs. Le risque

préférentiel et donc la prise de risque pourraient alors être diminués de cette façon,

surtout utilisée en sécurité routière. Concernant le risque perçu, l’évaluation précise de

la dangerosité de la situation est également indispensable à la gestion des risques : une

sous-évaluation des risques réels entrainera des comportements dangereux. Or il a été

montré que l’expertise permet une évaluation précise et plus objective des risques. En

termes d’apprentissage, il serait donc nécessaire de confronter les sujets à des

situations à risque réel et leur permettre l’acquisition de compétences significatives

dans leur maitrise (Delignières, 1993).

Acquérir une compétence solide dans une activité donnée est donc une des bases de la

gestion des risques. Dans le contexte particulier de l’éducation physique et sportive

(EPS), il s’agit de s’appuyer sur une activité sportive culturellement porteuse d’une

problématique de sécurité et qui nécessite la mise en jeu d’habiletés de sécurité. Ces

dernières doivent être développées, de concert avec les habiletés sportives, en situation

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signifiante risquée et non « à vide ». De ce fait, il faut favoriser l’apprentissage en

situation des habiletés d’évitement, c’est-à-dire des tactiques d’urgence (réchappes) du

sujet lui-même ou du rôle des partenaires (parade en gymnastique, assurage en

escalade) pour réagir efficacement en cas de problème. Il faut aussi permettre le

développement des compétences nécessaires pour assurer sa propre sécurité, comme

les habiletés préventives qui concernent l’aménagement et la gestion de dispositifs de

« sécurité passive » (dispositifs protecteurs visant à diminuer la gravité d’un éventuel

accident : tapis, filet, etc.) qui doivent réellement servir à la récupération d’accidents,

simulés ou non, lors d’un apprentissage signifiant.

Par ailleurs, tant que le risque n’est pas maitrisé, il est un obstacle à l’apprentissage. Il

s’agit alors de veiller à l’adaptation du risque au niveau d’habileté des élèves.

L’apprentissage des habiletés sportives, et de façon concomitante des habiletés

d’évitement, nécessite une gradation de la difficulté et une progressivité des facteurs de

risque (en modulant par exemple l’incertitude événementielle ou temporelle, la vitesse

d’exécution ou la complexité des opérations à réaliser). Chaque élève peut ainsi choisir

un niveau de risque adapté et trouver un compromis optimal entre la difficulté de la

tâche et la dangerosité du contexte. Ceci présuppose une bonne connaissance de soi

pour évaluer ses savoirs et habiletés et la recherche active des modalités de

dépassement.

Pour résumer les propositions de Delignières (1991, 1993), l’apprentissage de la gestion

du risque en EPS devrait passer par une pratique en situation signifiante, risquée mais

adaptée au niveau de l’élève, qui permettra le développement progressif des habiletés

spécifiques sportives et leurs indissociables habiletés de sécurité (d’évitement et

préventives). Le contexte est cependant différent en école supérieure de cirque :

contrairement à l’EPS, la confrontation à des situations risquées signifiantes est

incontournable, quotidienne et présente un risque objectif plus élevé, notamment dans

les spécialités mêlant l’acrobatique à l’aérien. Par ailleurs, le milieu aseptisé des écoles

de cirque est aussi bien différent de la pleine nature au cœur des réflexions de

Corneloup et Soulé (2002). Une compréhension de la gestion des risques spécifique aux

écoles supérieures de cirque semble alors nécessaire.

2.3. La gestion du risque en école supérieure de cirque : entre

apprentissage formel et informel

4 Si quelques travaux scientifiques se sont intéressés à la question du risque dans le

cirque (Fourmaux, 2006 ; Goudart, 2002 ; Sizorn, 2008), pratiquement aucun n’a abordé

la question de l’apprentissage de la gestion du risque dans les formations supérieures

d’artiste de cirque. L’étude récente de Legendre (2014), qui s’appuie surtout sur des

entretiens avec des enseignants des écoles supérieures de cirque en France, met en

avant une double transmission de la gestion du risque : une partie de façon formelle et

une autre de façon informelle.

La transmission formelle concerne surtout les techniques sportives, mais aussi la

gestion de l’intégrité physique ou celle du matériel. L’apprentissage technique se

réalise de façon organisée et formelle en s’appuyant sur la maitrise progressive des

éducatifs et par la répétition. Il est alors possible de prendre de plus en plus de risques

dans le sens où il y a une maitrise de plus en plus grande des risques pris. L’entretien

physique et l’hygiène de vie sont soulignés également comme contenus formels de

formation participant à la gestion du risque (préparation physique notamment), tout

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comme la maitrise de l’environnement matériel (accroches, parades, tapis, etc.). La

transmission informelle concerne surtout des dimensions psychologisées telles que la

maitrise de la peur ou la confiance en soi qui permettraient une gestion du risque. Les

enseignants considèrent que la transmission de la confiance en soi, par exemple, est

compliquée, et qu’elle va se construire surtout dans les relations aux autres

(enseignants et partenaires). Des dimensions plus intra-individuelles sont mises en

avant également, comme l’état psychologique de la personne et son rapport au danger

auxquels les enseignants essayent d’être attentifs et qu’ils tentent de saisir de manière

informelle. Legendre (2014) précise par rapport à ces dimensions : « les causes des

blessures (…) mettent en lumière des dimensions personnelles, psychologiques qui vont échapper

à la gestion fortement formalisée des apprentissages physiques et sportifs. On aborde ici des

dimensions non-formelles qui peinent à être traduites en compétences ou en objectifs

d’apprentissage d’un cursus formalisé d’une école supérieure » (p.9).

Le but de la présente recherche est donc d’essayer de mieux comprendre ces

dimensions personnelles, psychologiques et la complexité de leur apprentissage. Les

théories concernant les déterminants psychologiques de la performance sportive et

l’intervention psychologique dans le sport, nous ont alors paru les plus pertinentes

comme cadre de référence.

2.4. Les dimensions personnelles de la performance sportive

5 Dans le milieu du sport, beaucoup d’études portent sur les déterminants

psychologiques comme éléments de compréhension de la performance sportive.

L’intervention psychologique (préparation mentale notamment) s’appuie sur ces

données pour optimiser les performances en complément de la préparation physique et

de l’entrainement technique et tactique.

Plusieurs dimensions personnelles sont mises en avant dans ces recherches : elles

pourront être intra-individuelles (cognitives, conatives, émotionnelles) ou

interindividuelles (sociales, émotionnelles). Les dimensions cognitives (Ripoll,

2004) concernent notamment le traitement de l’information, la mémoire, le

raisonnement ou l’attention (pour une revue de littérature : Bernier, Thienot & Codron,

2009 ; Ferrel-Chapus & Tahej, 2010). Les dimensions conatives se rapportent à la

personnalité (Le Scanff & Nicchi, 2004), aux stratégies de coping (ibid.), aux croyances

sur soi (pour une revue de littérature : Famose, Guerin & Sarrazin, 2005) ou encore aux

styles explicatifs (pour une revue de littérature : Martin-Krumm & Sarrazin, 2004). Les

dimensions sociales mettent en avant la cohésion de groupe (pour une revue de

littérature : Buton, Fontayne & Heuzé, 2006), le leadership (Heuzé, 2003), les relations

interpersonnelles et compétences relationnelles (Pion & Raimbault, 2008), etc. Et enfin,

les dimensions émotionnelles concernent en particulier la gestion du stress (Le Scanff &

Famose, 1999), le « flow » ou « l’état psychologique optimal » (pour une revue de

littérature : Demontrond & Gaudreau, 2008), les états affectifs (pour une revue de

littérature : Debois, 2003), l’intelligence émotionnelle et la gestion des émotions (Pion &

Raimbault, 2008). Ces dimensions personnelles sont trop nombreuses pour être

explicitées et détaillées ici, mais nous reviendrons de façon beaucoup plus approfondie

dans la discussion sur celles qui sont en lien avec la gestion du risque des circassiens.

En conclusion de cette revue de littérature, les études sur la gestion du risque en

contexte sportif sont rares et celles sur son apprentissage encore plus. Il est mis en

avant, d’une façon générale, que la gestion du risque se fait en amont, en cours d’action

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et éventuellement en aval en cas d’accident. Il ressort aussi que la gestion du risque et

son apprentissage sont évidemment très dépendants du contexte étudié. En école

supérieure de cirque, Legendre (2014) montre qu’à côté d’une transmission formelle

des techniques sportives et de la gestion de l’intégrité physique et du matériel, la

gestion du risque passe aussi par la mise en jeu de dimensions personnelles

psychologiques difficiles à formaliser et transmettre. Le but de cette présente étude

sera alors d’étudier la gestion du risque des étudiants circassiens à travers la mise en

jeu de ces dimensions personnelles et les apprentissages qui en découlent.

3. Méthodologie

6 Cette étude exploratoire qualitative s’appuie sur des entretiens semi-directifs auprès de

30 étudiants en école supérieure de cirque (Ecole Nationale des Arts du Cirque de

Rosny-sous-Bois et Académie Fratellini à Saint-Denis). Les étudiants, d’une moyenne

d’âge de 20,7ans, sont spécialistes de différentes disciplines, plus ou moins aériennes,

plus ou moins acrobatiques. Pour préserver l’anonymat des sujets, un numéro leur est

attribué. Ce dernier est reporté dans les extraits d’entretiens.

Tableau 1. Caractéristiques et spécialités de la population étudiée

S1 Femme 20ans

Voltigeur(se)

Bascule Coréenne

S16 Homme 23ans

Mât chinoisS2 Homme 22ans S17 Homme 22ans

S3 Homme 21ans S18 Homme 18ans

S4 Homme 22ans S19 Femme 20ans

Tissu

S5 Femme 21ans

Voltigeur(se)

Main à main

S20 Homme 23ans

S6 Femme 18ans S21 Femme 21ans Cerceau aérien

S7 Homme 18ans S22 Homme 19ans Sangle

S8 Femme 18ans Voltigeuse

cadre aérien

S23 Homme 25ans Trapèze Washington

S9 Femme 21ans S24 Femme 23ans

Porteur(se) cadre aérien

S10 Homme 20ans Fil de fer S25 Homme 20ans

S11 Femme 20ans

Acrobatie

S26 Homme 19ans Porteur main à main

S12 Homme 20ans S27 Homme 23ans Jongleur + porteur main à main

S13 Homme 23ans S28 Homme 19ans

Roue Cyr

S14 Homme 20ans S29 Homme 24ans

S15 Femme 21ans Corde lisse S30 Femme 18ans Equilibre

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7 Les entretiens menés auprès des étudiants ont permis de saisir les représentations de

leur gestion du risque corporel (notamment les dimensions personnelles mises en jeu)

et de l’apprentissage de cette gestion dans leur école respective. La technique de

l’entretien est en effet particulièrement adaptée ici puisque, outre le recueil

d’informations portant sur des faits (objectifs), elle permet de recueillir des

informations qui portent sur des représentations (subjectives) « qui sont tout aussi

importantes que les faits eux-mêmes » (De Ketele & Rogiers, 2009, p. 130). Dans ce

dernier cas le recueil « vise à recueillir des opinions, des façons de percevoir les choses

ou les comportements, à préciser leur signification ou encore à leur attribuer une

cause » (ibid., p. 125). Les entretiens menés sont semi-directifs car ces derniers

paraissent les plus pertinents dans le cadre de cette recherche exploratoire. En effet,

les informations recueillies par cette méthode reflètent mieux les représentations que

dans un entretien directif car l’interviewé a davantage de liberté dans la façon de

s’exprimer (ibid.) et les questions posées, moins directives, n’ont pas pour but de

vérifier des hypothèses posées a priori. De plus, les informations recueillies le sont

aussi dans un temps beaucoup plus court que dans un entretien libre qui est surtout

utilisé pour se forger une hypothèse (ibid.) et qui n’oriente pas les questions. Au

contraire, la méthode de l’entretien semi-directif « consiste à faciliter l’expression de

l’interviewé en l’orientant vers des thèmes jugés prioritaires pour l’étude tout en lui

laissant une certaine autonomie » (Guibert & Jumel, 1997, p. 102). Trois thèmes

principaux ont ainsi été retenus, ils composent la base de notre guide d’entretien

(Deslauriers, 1991) et seront obligatoirement abordés à travers des questions ouvertes

(dont la formulation peut changer) et éventuellement des relances neutres qui

permettent de préciser le discours des interviewés. Le premier thème général concerne

les représentations du risque des étudiants dans leur pratique de circassien (e.g.,

« Raconte-moi, dans tes activités de cirque, est-ce que tu trouves que la prise de risque

est importante ? », et relance sur les risques abordés : « C’est-à-dire ? C’est quoi « ce »

risque ? »). Puis dans un second temps est abordée la façon dont ils gèrent ces risques

(e.g., « Et tu le gères comment ce risque-là ? »). Enfin le troisième thème concerne

l’apprentissage de cette gestion du risque (e.g., « Et d’où tu le tiens ça ? » et relance sur

la formation « Et est-ce qu’on vous forme à ça ici ? »).

Les entretiens, intégralement enregistrés et retranscrits mot à mot, ont fait l’objet

d’une analyse thématique de contenu de type inductif. En effet, l’étude étant

exploratoire, les différents éléments relatifs à la gestion du risque et son apprentissage

n’ont pas été définis à l’avance, mais regroupés en thèmes et sous-thèmes a posteriori à

partir des données qui ressortaient des discours des étudiants. Par ailleurs, nous ne

présenterons dans cet article qu’une partie des nombreuses données recueillies. Tout

d’abord, les représentations des différents risques ne seront pas détaillées ici, mais elles

ont permis d’amener progressivement la question de la gestion de ces risques par les

étudiants et se retrouvent par conséquent en filigrane dans ce deuxième thème

d’entretien. Ensuite, seules les dimensions personnelles de la gestion des risques

corporels –qui étaient les plus largement évoquées– et leurs apprentissages seront

explicités ici, même si les étudiants ont abordé d’autres dimensions notamment

matérielles.

Concernant l’analyse thématique de contenu, la thématisation « constitue l’opération

centrale de la méthode, à savoir la transposition d’un corpus donné en un certain

nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé et, en rapport avec l’orientation

de recherche » (Paillé & Mucchielli, 2012, p. 232). Pour ce faire, il s’agit de voir

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comment les différents thèmes, qui émergent d’une lecture entretien par entretien, se

recoupent, se complémentent, ou se contredisent : des fusions, des subdivisions, des

regroupements et surtout des hiérarchisations thématiques pourront alors être faites

(ibid.). Deux thèmes principaux et leurs sous-thèmes respectifs ont ainsi été relevés. Il

s’agit des dimensions intra-individuelles et des dimensions interindividuelles en jeu

dans la gestion du risque corporel. Ces deux thèmes et leurs sous-thèmes seront

présentés dans la partie « résultats » avant d’être discutés à la lumière des données

scientifiques relatives à la psychologie de la performance sportive. En effet, les thèmes

qui émergent de cette analyse sont difficiles à mettre en lien avec les recherches sur le

risque, mais sont tous emblématiques des études sur les déterminants de la

performance sportive et de l’intervention psychologique dans le sport. Ce cadre

d’analyse nous a alors semblé le plus pertinent et le plus global pour discuter de

l’ensemble des dimensions personnelles mises en avant par les étudiants dans leur

gestion du risque corporel et son apprentissage. Ce cadre permet également d’avancer

quelques pistes d’intervention.

4. Résultats

8 Les résultats obtenus mettent en avant des dimensions intra-individuelles et

interindividuelles de la gestion du risque corporel, ainsi que leurs conditions

d’apprentissage.

4.1. Dimensions intra-individuelles de la gestion du risque corporel

9 Trois dimensions intra-individuelles sont mises en avant par les étudiants dans leur

gestion du risque : la gestion de la peur, la confiance en soi et en son corps, et la

concentration.

4.1.1. La gestion de la peur : un apprentissage informel, un « bricolage »

personnel

10 La donnée la plus importante qui ressort de cette étude exploratoire est le discours

quasi-unanime de tous les étudiants concernant leur(s) « peur(s) » quand on les

interroge sur le risque qu’ils perçoivent dans leur pratique. Ils évoquent surtout la peur

de se faire mal, en particulier en acrobatie [« L'acrobatie au sol, bien sûr que j'y vois un

risque (…) j'ai très peur ! Ce qui me gâche la vie, car j'ai trop peur (…). Alors j'ai peur de quoi ?

J'ai peur de quoi ? C’est con quoi, mais j'ai peur de tomber, j'ai peur de me faire mal, mais de me

faire mal violemment, de me rétamer, de me fracasser au sol » (S11, acro-danse)] ou le vertige

pour les disciplines aériennes [« Au mât, sur ma spé, je suis plutôt calme, je fais attention

parce que ça me fait peur, parce que j'ai le vertige donc... j'ai une part qui me freine parce que

j'ai peur » (S16, mât chinois)]. Des étudiants font cependant la différence entre la

« bonne » peur, qui donne envie de s’engager et qui est surtout liée à la recherche de

sensations [« Je sais que j’aurai peur mais c’est une peur que j’ai envie d’avoir quoi, comme

faire de là-haut du trapèze volant, faire des saltos tout ça ! Voilà recherche de sensations » (S1,

voltigeuse bascule coréenne)] et la mauvaise peur qui tétanise. La peur serait en effet

très handicapante pour la plupart d’entre eux, entrainant un « blocage » que les élèves

ont du mal à raisonner : ils n’arrivent pas à lancer le mouvement [« Mon cerveau, il

bloque et il m'empêche de faire le mouvement, euh par peur, par appréhension réelle, alors que

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j'ai visualisé le mouvement, j'ai envie de le faire, mais euh, mais là y'a quelque chose en moi qui

me bloque et euh qui dit "non n'y va pas !" » (S17, mât chinois)]. Cette peur pourrait

engendrer un risque accru d’accidents notamment à cause du « refus » de certaines

figures, c’est-à-dire en stoppant la figure au milieu du mouvement ce qui entrainerait

une réception aléatoire et dangereuse [« Quand on a peur on prend des positions débiles et

du coup l'autre n'arrive plus à nous rattraper ou on se bloque » (S5, voltigeuse main à main) ;

« Si tu fais une figure, tu le fais en entier quoi ! (…) Il vaut mieux faire la figure et pas bien la

faire, que ne pas la faire et de commencer à la faire parce que la tête passe en premier et là on

tombe la tête la première et c’est là que ça peut faire mal ! » (S7, voltigeur main à main)].

Pour les étudiants, la peur serait donc un des facteurs de risque les plus importants, ce

qui présuppose alors que leur gestion du risque passe en premier lieu par une gestion

de leur peur. Les étudiants précisent que cette gestion de la peur serait éminemment

personnelle [« Bon, c'est quand même très personnel, la gestion de la peur (…) c'est dans la tête,

je veux dire » (S12, acrobatie), « On ne t'apprend pas à... à gérer tes peurs, mais parce que je

pense qu'au final, on ne peut pas vraiment te l'apprendre, c'est quelque chose que tu trouves tout

seul » (S17, mat chinois)].

Par conséquent, pour la plupart des étudiants, la gestion de la peur et donc du risque lié

à cette peur, passerait principalement par des techniques informelles et personnelles,

issues notamment de l’expérience. Selon les étudiants, ces techniques ne feraient pas

l’objet d’un apprentissage formel particulier, et trouver « sa » technique poserait de

toute évidence des difficultés [« Je me bats chaque jour pour vaincre ma peur mais ce n'est

pas évident » (S11, acro-danse) , « Pff je ne l'ai pas encore vraiment appris hein ! Je

l'expérimente, parce que ça bloque encore toujours » (S17, mat chinois)].

Les étudiants gèreraient donc leur peur de façon autonome avec deux techniques en

particulier : « se lancer sans réfléchir » et/ou se rassurer sur ses capacités avant de se

lancer [« Y'a toujours la peur, mais on sait faire le mouvement et c'est là que ma technique de se

dire "je sais faire ce mouvement, je peux le peux faire", éteindre son cerveau et y aller, là elle

marche » (S12, acrobatie)]. Pour certains étudiants, « ne pas réfléchir » signifie ne pas

penser aux conséquences d’un mouvement raté [« Tu dois arrêter de penser aux

conséquences (...) hypothèse s'il y a erreur qu'est-ce qu'il va se passer ? Nuque tordue, cassée ? »

(S17, mat chinois)] ou s’en remettre à l’automaticité des mouvements maitrisés [« Il faut

vraiment arriver à se vider l'esprit, euh un minimum avant de faire notre figure. Moi, je vois ça

quand je suis... quand je suis très fatigué par exemple, ça peut m'arriver de bien réussir, parce

que je fais ça machinalement, c'est... sans réfléchir. Pas pour les mouvements trop compliqués,

parce que là je ne peux pas » (S12, acrobatie)].

Des techniques plus classiques de gestion de la peur, comme l’utilisation de la

respiration ou la visualisation, sont très peu évoquées par les étudiants.

4.1.2. La connaissance et la confiance en soi et en son corps consécutifs à un

apprentissage technique progressif

11 Un thème récurrent dans la gestion du risque des étudiants concerne le fait de se

connaitre, connaitre ses limites, se faire confiance afin de contrôler et d’avoir un risque

mesuré [« Le risque c’est de ne pas avoir confiance en soi, je pense (…) Ben oui, parce que si on

sait ce qu’on fait, enfin... y’a pas de risque » (S24, porteuse cadre aérien)].

Cependant cette connaissance ou confiance en soi n’est pas forcément conscientisée.

Elle passe souvent par un ressenti, une intuition, un « feeling », pour savoir si on est

prêt ou pas. Beaucoup d’étudiants utilisent le terme de le « sentir » ou pas [« Si je le sens

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j'y vais, si je le sens pas, j'y vais pas. Je ne me pose pas la question ! » (S4, voltigeur bascule

coréenne), « Enfin, encore ça dépend vraiment de mon état d’esprit, de comment je me sens sur

le moment, ça marche… enfin je marche beaucoup en ressenti (…) pour tout ce que je fais ouais,

pour 90 % des trucs que je fais, je marche au feeling quoi, c’est si je le sens. C’est quelque chose

d’un peu inexplicable » (S26, porteur main à main)].

La connaissance de son corps dans l’espace, la confiance dans les sensations de son

corps et dans ce que « sait faire » son corps est également largement mise en avant

dans la gestion du risque des étudiants qui évoquent la technique corporelle et les

« réchappes » [« Moi quand je me lance dans quelque chose, je sais que je vais à peu près

retomber sur mes pieds (…) On nous apprend à connaître notre corps et à connaître notre corps

dans l’espace. Du coup, si tu sais où tu es en l’air, t’as peu de chance de tomber sur la tête » (S4,

voltigeur bascule coréenne)]. En effet, une figure réalisée parfaitement n’est pas

accidentogène et en cas de problème, les étudiants ont développé un repérage dans

l’espace qui leur permet de tomber avec le moins de dommages possibles

(« réchappes ») [« On finit par devenir un peu des chats quoi, comment essayer de se retrouver

sur ses pieds quand on est mal parti, comment essayer de finir quand même la figure, ou de

sentir que ça va pas du tout le faire. Donc il faut tout faire pour essayer, dans tous les cas, de se

retrouver sur ses pieds, ou se retrouver dans une position pour pouvoir amortir le choc » (S2,

voltigeur bascule coréenne)].

Cette connaissance et cette confiance dans son corps proviennent d’un travail

quotidien et de l’expérience, notamment après des chutes [« C'est pas quelque chose de

magique ! C'est un travail de tous les jours, comme les médecins, comme les banquiers. Et alors

c'est ça, après tu connais ton corps, tu connais où tu te trouves. Alors, même si pour les

personnes tu es fou, tu sais ce que tu es en train de faire ! » (S23, trapèze Washington), « J’ai

pris des repères aussi, que je n'avais pas avant (…) maintenant j'ai pris confiance dans mon

corps, dans la manière de tomber (…) mais ça par exemple, ça s'apprend au fur et à mesure quoi,

en faisant. (…) après y'a des trucs, tu t'en rends bien compte tout seul, quand tu te prends une

boite [rires] ! » (S9, voltigeuse cadre aérien)].

Finalement les étudiants sont unanimes pour dire que ce sont les éducatifs,

l’apprentissage par étapes, avec du matériel adapté notamment (sécurité passive), et les

répétitions qui permettent cette connaissance et cette confiance en soi et en son corps [

« Puis y’a des étapes aussi dans une figure, tu ne vas pas lancer la figure, passer du rien au tout

(…) tu as plein d’éducatifs pour t’amener à la figure finale, du coup tu prends des risques

modérés. Petits risques par petits risques au lieu de faire un gros risque d’un coup » (S4,

voltigeur bascule aérienne), « [Pour gérer la peur] peut être que le travail ça passe par les

éducatifs, par exemple pour un mouvement, ça passe par des éducatifs, après ça passe par la

longe si y'a besoin de longe, après ça passe par des gros tapis d'abord, puis on réduit l'épaisseur

des tapis, jusqu'à arriver au sol (…) C'est faire, faire, refaire encore, jusqu'à comprendre des trucs

et se faire confiance en fait » (S10, fil de fer)]. L’apprentissage formel de la technique, et la

maitrise sont donc largement au service de la gestion du risque et de la peur

4.1.3. La concentration

12 Le thème de la concentration est un peu moins mis en avant par les étudiants, mais il

reste cependant important, en particulier dans les disciplines les plus dangereuses [« Je

ne ressens pas les mêmes choses quoi, je suis plus en attention quand je suis sur un trampoline

ou quand je pense à faire des choses dangereuses. Je tombe, ben, et bien c’est la mort quoi, tu

peux mourir quoi ! Là, je change plus, je ne suis pas pareil, je me mets plus en état où il faut être

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hyper concentré quoi (…) en général c’est quand t’es pas concentré que tu te blesses » (S14,

acrobatie)]. Des étudiants expliquent cette nécessité de ne penser à rien d’autre qu’à sa

prestation [« Dès qu’il y a des éléments un peu parasites dans la tête qui nous font un peu

lâcher la concentration, là, ça devient dangereux. Il faut être complètement à fond dans ce qu’on

fait et ne pas penser à autre chose à un moment, sinon ça ne marche plus quoi. Quand on fait

quelque chose, c’est que ça, et jusqu’au bout » (S2, voltigeur bascule coréenne), « Si je tombe,

je suis mort, voilà ! (…) Si je suis en train de penser à la situation de ma famille (…), que mon père

n’est pas bien ou... il faut laisser ça, dans les moments où je monte parce que ça, ça n'a rien à

voir. C'est la concentration ! C'est comme la méditation euh ça ne veut pas dire que je ne dois pas

penser. Je dois être dans ce que je suis en train de faire » (S23, trapèze Washington)].

4.2. Dimensions interpersonnelles de la gestion du risque corporel

4.2.1. La gestion de la peur et du risque : la confiance en l’enseignant

13 La confiance en l’enseignant est également un thème récurrent du discours des

étudiants. Ces derniers s’engageront d’autant plus facilement dans des mouvements

dangereux ou difficiles si les enseignants les y encouragent. Cependant, une forte

dépendance vis-à-vis de leur enseignant émerge parfois [« Mais je me sens pas capable de

faire un truc super dangereux si mon prof il me dit pas "vas-y tu peux le faire !" (…) Je sais que

mes profs, là, je leur fais confiance, donc je sais que si ils me disent que je peux le faire, c’est juste

que je peux le faire, donc je vais le faire » (S26, porteur main à main), « J'avais entièrement

confiance en lui et je ne me suis jamais fait mal en trampo (...) j'ai réussi à faire des trucs bien

quoi, que je n'arrive plus à faire maintenant, parce qu'il n'est plus là non plus (…) Ouais et cette

confiance là je l'ai... enfin, après ça ne vient pas non plus comme ça d'un coup, mais... mais ouais,

ça me permet d'oublier complètement, ce risque-là, et puis même tous les risques en général

d'ailleurs » (S25, porteur cadre aérien)]. Dans cette relation de confiance, de

dépendance, un étudiant évoque même son déplacement de responsabilité envers

l’enseignant [« J’avais l'impression de déplacer un peu ma responsabilité sur lui. Dans le sens, si

lui te fais confiance, il te dit "fais ce mouvement", tu peux le faire, il te l'a expliqué... Il te dit

"maintenant fais-le !", ben c'est comme si, "je le fais, mais si je me fais mal, de toute façon, ça ne

sera pas de ma faute " donc je ne peux pas me faire mal (…). Si je n'ai pas confiance en moi pour

le faire, parce que j'ai peur de moi-même, de ne pas réussir à faire ce mouvement, lui il a

confiance en moi donc c'est bon, c'est sa responsabilité presque » (S17, mat chinois)].

Cette confiance très importante dans les enseignants vient notamment de la

connaissance très fine qu’ils ont de leurs étudiants [« Ils [les profs] disent ça tu peux

envoyer, ça tu ne peux pas envoyer, euh… ça tu vas attendre un peu, t’es pas prêt (...) souvent ils

voient juste » (S4, voltigeur bascule coréenne), « En fait, il faut que le prof, il soit là aussi

pour te pousser jusqu'au bout de tes limites mais sans te briser, sans te casser. Il faut toujours

qu'il soit sur le fil de la... de la blessure, ou de... je ne sais pas… du craquage quoi. Mais sans te

faire craquer, sans te blesser quoi ! » (S18, mat chinois)].

4.2.2. La gestion de la peur et du risque : la confiance en son/ses partenaire(s)

14 Si les étudiants ont une confiance très importante en leur enseignant, celle-ci est

également incontournable à l’égard de leur(s) partenaire(s). En effet, parmi les activités

circassiennes des étudiants interrogés certaines se pratiquent en duo (le main à main et

le cadre aérien qui comportent un voltigeur et un porteur) ou en collectif (la bascule

coréenne où tous sont voltigeurs, mais assurent aussi le rôle de pareurs). Dans ces

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disciplines, l‘intégrité physique des voltigeurs est entre les mains du porteur. Les

étudiants qui pratiquent avec des partenaires mettent tous en avant l’importance de la

confiance qui existe déjà entre eux ou qui se crée [« Dans le main à main, en fait c'est

important, cette confiance avec l'autre (…) Mon premier partenaire, j'étais tellement en

confiance avec lui et j'ai grandi avec lui (…) je ne me suis jamais posé la question en fait… je

savais qu'il me rattraperait, que je pouvais faire n'importe quoi (…). [Avec le nouveau porteur] ça

fait beaucoup plus peur mais je pense que je m'en remets plus à moi actuellement qu'à lui et me

dire que lui il fait son job, que moi je fais mon job, et que du coup cette confiance elle se créera

petit à petit (…) Du coup c'est ça qui fait que j'aurai moins peur et que je prendrai moins de

risque » (S5, voltigeuse main à main)]. En collectif de bascule coréenne, certains

voltigeurs se connaissent depuis de nombreuses années, ce qui favorise cette confiance

en l’autre de façon générale et dans l’activité de façon spécifique, avec une fois de plus

le risque de dépendance à l’autre [« Et puis la bascule, ça ne se pratique pas tout seul, et moi,

je voulais un truc de groupe. On a un collectif, on est déjà des amis à la base… Et du coup, oui

voilà, je voulais un truc vraiment de confiance où il y ait tout le monde qui soit présent et pas un

agrès tout seul. Ce qui est un peu le problème maintenant, c’est qu’on est un peu dépendant des

autres. Mais, c’est ça que je voulais à la base aussi. C’est vraiment avoir une place dans un

collectif et de se plaire en dépendant un peu des autres et que les autres dépendent de moi, quoi.

J’aime bien cette idée » (S2, voltigeur bascule coréenne)].

4.2.3. La gestion de la peur et du risque : l’émulation du groupe

15 L’émulation de groupe permet aussi de dépasser sa peur et de se lancer dans des figures

dangereuses [« A chaque fois j’avais peur de le faire mais je le faisais quand même. Il me disait :

"allez ! " (…) On regarde les autres, on se dit il le fait (…), on s’évalue, on se dit : "j’suis capable de

faire la même chose ! Si lui il y arrive, il y a pas de… enfin, il n’a pas des capacités extraordinaires

par rapport à moi. Je peux le faire aussi ! " » (S7, voltigeur main à main), « Après y'a une

autre façon aussi d'enlever les risques... enfin d'enlever, non pas d'enlever le risque, le risque y

est toujours, mais de gérer le risque, d'enlever un peu la peur, c'est l'adrénaline et le mouvement

de groupe en fait. Quand on est plusieurs, souvent on est poussé par une énergie et ça permet (...)

d'y arriver, ouais d'y arriver euh parce qu'on... parce qu'on réfléchit moins (…) et si on pense à

trop de trucs, on ne peut pas faire le mouvement, c'est impossible » (S12, acrobatie)].

5. Discussion des dimensions personnelles de lagestion du risque et de leur apprentissage

16 Les données scientifiques issues de la psychologie du sport nous ont semblé les plus

pertinentes pour analyser les résultats obtenus : le champ des déterminants

psychologiques de la performance pour discuter de la gestion du risque et le champ de

l’intervention auprès du sportif, en particulier la préparation mentale, pour discuter de

l’apprentissage de cette gestion du risque et proposer quelques pistes de formation.

Dans une première partie, nous nous intéresserons plus précisément aux dimensions

intra-individuelles et dans une deuxième partie, aux dimensions interindividuelles.

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5.1. Les dimensions intra-individuelles de la gestiondu risque corporel

17 La gestion du risque passerait tout d’abord par la gestion de la peur pour la majorité

des étudiants, voire pour la totalité de ceux qui pratiquent les disciplines les plus

risquées (avec des éléments acrobatiques et/ou aériens). En plus de la gestion de la

peur, deux autres thèmes reviennent majoritairement dans le discours des étudiants :

la connaissance et la confiance en soi et en son corps, consécutives à un apprentissage

technique progressif, et dans une moindre mesure la nécessité de la concentration.

Pour mieux comprendre l’importance de ces trois thèmes dans la formation des

étudiants circassiens, nous allons les mettre en lien avec les théories et les techniques

conceptualisées en psychologie du sport.

En préparation mentale, la gestion de la peur par exemple, est abordée sous la forme de

la gestion du stress. Cette dernière, chez les sportifs, est souvent nécessaire pour faire

face aux enjeux de la compétition. Cependant, la gestion du stress du sportif est

spécifique. Le Scanff (1999, 2003) explique quelles sont les différentes stratégies qui

peuvent être employées pour gérer le stress dans le sport de haut niveau, mais aussi

dans les situations dites « extrêmes » (armée, missions spéciales, etc.) où la prise de

risque est également un élément important. Quatre types de stratégies permettent de

gérer le stress et seront à travailler plus ou moins conjointement selon la situation :

développer son sentiment de contrôle sur l’environnement, développer un

apprentissage technique poussé, développer les techniques individuelles de gestion du

stress et développer les relations interpersonnelles du groupe. Nous allons approfondir

tous ces thèmes qui sont également les plus abordés par les étudiants quand ils parlent

de leur gestion de la peur et du risque.

1-Développer son sentiment de contrôle sur l’environnement par une meilleure

connaissance de celui-ci, l’incertitude déclenchant du stress (Le Scanff, 1999, 2003).

Chez les circassiens, la diminution de l’incertitude de l’environnement passe

essentiellement par les vérifications matérielles et les protections (accroches pour les

disciplines aériennes, tapis, longe, etc.). Ce thème de la « sécurité passive » ne fait pas

l’objet de cette étude, mais de façon générale, les étudiants se disent bien sensibilisés

sur ce sujet avec, dans une des deux écoles, des apprentissages formels lors de cours

théoriques (« On a eu des formations plus techniques sur comment accrocher une sangle, et

tout » ) et des apprentissages informels quotidiens lors des entrainements (« [Le prof] a

dit : "alors là vous ne mettez pas de tapis parce que y’a pas de risque, c’est sûr à 100 % qu’il va

atterrir sur ses pieds ? " Mais alors là, à ce moment-là, tu vas mettre un tapis »).

2-Développer un apprentissage technique poussé pour éviter la dégradation de

performance due au stress. Un surapprentissage (entrainement intensif) en condition

réelle permet notamment aux tâches de devenir automatiques et de requérir moins

d’attention augmentant ainsi le sens du contrôle c’est-à-dire l’impression de pouvoir

contrôler la situation (Le Scanff, 1999, 2003). Les étudiants circassiens mettent

largement en avant la dimension « technique » dans leur gestion du risque et de la

peur. L’apprentissage technique progressif et les répétitions permettent l’automaticité

de certains mouvements (« [Le professeur] va te faire faire plein d'éducatifs pour que ton

corps, il enregistre les mouvements ») et la connaissance du corps dans l’espace (« Tu

tournes ton corps dans tous les sens et au bout d’un moment tu sais où il est quoi que tu fasses »).

Cette dernière est primordiale, tant pour les techniques corporelles que pour les

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« réchappes ». Ces « tactiques d’urgence » sont des habiletés d’évitement (Delignières,

1993) qui permettent de retomber sans se faire mal quand une figure est mal exécutée

(« On finit par devenir un peu des chats »).

Par ailleurs, l’apprentissage technique progressif et répétitif en favorisant la maitrise,

augmenterait aussi la connaissance et la confiance en soi et dans son corps, ce qui

permettrait une diminution de la peur et des risques de façon générale (« Plus t'es fort,

plus t’as confiance en toi et du coup moins t'as peur »). Le Scanff (1999, 2003) confirme

qu’une meilleure maitrise des habiletés augmente le sentiment d’efficacité personnelle

qui réduit alors le stress. Ce sentiment d’efficacité personnelle (attente de réussite dans

une situation très particulière) dépend en effet des performances récentes dans la

tâche (Bandura, 1977). Cependant si les sportifs se sentent efficaces, confiants dans la

tâche parce qu’ils sont performants, ils sont aussi performants parce qu’ils se sentent

confiants (e.g., Gould, Weiss & Weinberg, 1981) : confiance et efficacité sont donc

interdépendantes. Pour les étudiants qui n’ont pas confiance en eux (« Et je pense que je

n'ai pas confiance en moi et c'est très dur ça aussi, parce que je pense que ça m'aiderait »), un

travail sur la confiance pourrait les aider à se lancer dans des figures difficiles, la

réussite nourrissant en retour leur confiance. Des techniques spécifiques existent

notamment en préparation mentale.

3-Développer les techniques individuelles de gestion du stress. Le Scanff, (1999, 2003)

indique que la majorité des techniques utilisées (relaxation, méditation, etc.) vise une

diminution des processus physiologiques de l’activation déclenchés en condition de

stress (baisser l’anxiété somatique qui se manifeste par une accélération du rythme

cardiaque, des tensions musculaires, etc.). Cependant, certaines études montrent que la

réduction de l’activation n’est pas toujours souhaitable en vue d’une performance

sportive. Les étudiants circassiens évoquent aussi la « bonne peur », cette recherche de

sensations qui favorise l’engagement dans l’action. Il est donc parfois préférable de

privilégier des techniques qui diminuent l’anxiété cognitive (expectations pessimistes,

manque de concentration, etc), et non l’anxiété somatique, comme l’imagerie mentale ou

le dialogue interne qui modifie l’évaluation des situations stressantes. Certaines

techniques composites comme le SIT (stress inoculation training, Meichenbaum, 1977)

ont l’avantage de traiter en même temps l’anxiété somatique et cognitive et

d’incorporer les stresseurs dans l’entrainement. D’autres techniques reposent sur l’idée

que pour certaines performances, ce sont les secondes qui précèdent l’habileté motrice

qui sont déterminantes (Le Scanff, 1999, 2003). En effet, dans les sports à habiletés

fermées très automatisées, l’anxiété augmente l’attention portée sur le geste, et ce

passage d’un contrôle inconscient à un contrôle conscient déstabilise les acquisitions

(Masters, 1992). Dans ces disciplines spécifiques (sports de précision, plongeon,

gymnastique, etc.), il faut alors éviter cette désautomatisation. Dans ce cas, l’utilisation

de « routines de performance » pour gérer le stress et amener le sportif à un « état de

performance optimal » a démontré son efficacité. Ces routines sont un ensemble de

schémas de pensées, d’actions ou d’images que l’on reproduit systématiquement avant

d’exécuter une performance (Crews & Boutcher, 1986). Elles permettent de contrôler et

de diriger ses émotions, ses pensées et son attention juste avant une performance pour

basculer dans l’automatisme (Singer, 2002). Par ailleurs, c’est à chacun de trouver sa

propre recette en utilisant les stratégies ou habiletés mentales de base les plus adaptées

à ses caractéristiques personnelles (Gould & Udry, 1994), à sa discipline et son niveau de

pratique. Ces stratégies concernent surtout le domaine de la concentration et

consistent en l’utilisation du dialogue interne (discours lié à l’exécution technique, des

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encouragements) ou de l’autosuggestion (se persuader qu’on y arrivera), de l’imagerie

mentale (visualisation d’un mouvement), des contrôles respiratoires, et de la relaxation

pour diminuer l’activation ou, au contraire, de la mise en tension pour l’augmenter (Le

Scanff, 1999, 2003).

Dans les écoles supérieures de cirque, les étudiants ne disposent pas de préparateur

mental ou de psychologue du sport pour leur apprendre ces techniques individuelles de

gestion du stress. Comme dans d’autres disciplines sportives où la préparation mentale,

même à haut niveau, n’est pas utilisée pour diverses raisons, les athlètes ont donc

plutôt tendance à « bricoler » leurs propres techniques. Ripoll (2008) qui a interviewé

des sportifs de haut niveau a été surpris de leur capacité à faire face seuls aux moments

difficiles notamment, sans aucune préparation mentale. Ils font à « leur propre sauce…

et ça marche » (ibid., p. 219). En plus d’avoir une très grande confiance en eux, ils sont

passés maitre dans la gestion de leur mental sans intervention extérieure : gestion du

stress, stratégies d’autorenforcement, etc. Les étudiants circassiens « bricolent » aussi

leurs techniques de gestion de la peur et du risque (« Je ne l'ai pas encore vraiment appris

hein, je l'expérimente, parce que ça bloque encore toujours ») et semblent utiliser avant

l’exécution d’une figure dangereuse des techniques qui s’apparentent aux routines de

performance. La réalisation de figures acrobatiques complexes, précises et risquées en

cirque (bascule coréenne, disciplines aériennes, etc.) s’intègre bien dans la catégorie

des habiletés fermées où la précision est importante et pour laquelle les routines de

performance, qui privilégient concentration et automaticité du mouvement, sont

adaptées et efficaces. La technique décrite par la très grande majorité des étudiants

pour gérer leur peur semble peu académique, mais efficace : ne pas réfléchir et se

lancer. Certains étudiants expliquent l’importance de ne pas trop réfléchir pour ne pas

penser aux conséquences possibles d’un mouvement raté avant de partir (« Si je réfléchis

trop, c'est foutu… je me vois, je visualise le mouvement, je me vois me scratcher »). Des termes

forts sont employés par les étudiants pour parler de cet état de « non-réflexion » :

« mettre mon cerveau sur off », « déconnexion de la conscience », « se vider l’esprit »,

« éteindre son cerveau ». Même si cela n’est pas conscientisé chez la plupart, il

semblerait que cette stratégie permette également d’éviter la perturbation du

mouvement une fois celui-ci automatisé. La majorité des figures exécutées par les

circassiens atteignent, après apprentissage, un stade de traitement automatique qu’un

contrôle conscient dégraderait. Les comportements automatiques sont inconscients,

rapides, ne nécessitant pas de stratégies cognitives particulières (Shiffrin & Schneider,

1977), et se développent avec l’entrainement, la répétition dans des conditions

similaires. De façon générale, il serait préférable de centrer son attention sur les effets

du mouvement plutôt que sur le mouvement lui-même une fois qu’il est automatisé

(Wulf & Prinz, 2001) ou d’utiliser une focalisation attentionnelle externe (Ferrel-Chapus

& Tahej, 2010) comme la cible au golf par exemple (Crews & Landers, 1991). Une

voltigeuse en main à main dit à ce sujet : « J'essaye de mettre mon cerveau sur off. De me

remettre à ce que mon corps connait et puis lui faire confiance en fait », « Je ne fais que penser

par exemple... à l'endroit où doit passer mes jambes, plutôt qu'à l'ensemble en fait. J'adore

analyser tout, tout ce que je fais, voir plus large et tout, mais je ne m'en sors pas. Du coup, je me

cale sur un point, l'endroit où doit passer mes jambes et puis je sais que ça fonctionnera… Je ne

pense pas au mouvement en lui-même, je pense à un truc, du genre mes pieds, voilà ! Et du coup,

toute cette peur qui parasite autour parce que je pense que je dois tirer mes bras, parce que je

pense que je dois me mettre en boule, parce que je dois m'ouvrir à ce moment-là, tout ce qui me

fait peur du coup, parce que j'ai peur de ne pas le faire au bon moment, je l'efface et je me

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concentre sur un truc que je sais exactement ». Par ailleurs, s’ils essayent de ne pas réfléchir

aux conséquences d’une erreur, la plupart des élèves se rassurent aussi brièvement sur

leur capacité avant de se lancer dans le mouvement. Cette technique bien connue en

préparation mentale relève également des routines de performance : le « dialogue

interne » voire l’autosuggestion (Bandura, 1977) (« Je me dis "la technique tu la connais, [le

prof] il te l’a apprise, et voilà tu sais la faire" et j'y vais ! »).

Concernant des techniques un peu plus spécifiques, très peu d’élèves évoquent

l’importance de la respiration avant de faire un mouvement difficile ou de l’imagerie

mentale, alors que cette dernière technique est couramment utilisée, même de façon

informelle, par les sportifs. Elle semblerait pourtant très pertinente pour visualiser les

mouvements complexes à réaliser, ce qui favoriserait l’apprentissage, la concentration

et la gestion du stress (Perreaut-Pierre, 2000).

18 Finalement en ce qui concerne les dimensions intra-individuelles, la gestion de la peur

et du risque par les étudiants circassiens repose sur un apprentissage formel de

techniques corporelles et un apprentissage informel de techniques mentales.

L’apprentissage des techniques corporelles favorise la maitrise voire l’automatisation

de certains mouvements (gestes ou réchappes) et la confiance en soi et en son corps.

Les techniques mentales favorisent un état de concentration (dialogue interne

notamment) et le déroulement automatique du mouvement (ne pas penser au

mouvement pour ne pas le perturber). Ces « routines de performance » semblent

pertinentes au regard des données concernant la gestion du stress. Néanmoins, à

l’instar de Ripoll (2008) qui se demande si les sportifs de haut-niveau qu’il a interrogés

n’auraient pas fait encore une plus belle carrière en ayant une préparation mentale

dispensée par des professionnels plutôt qu’en se la construisant tout seul au fil des

expériences, nous pouvons nous demander si des interventions spécifiques en

préparation mentale (gestion du stress) ne seraient pas intéressantes, tant la gestion de

la peur est un sujet de préoccupation majeur de la plupart des étudiants. Il semble

notamment que l’imagerie mentale ou certaines techniques de respiration seraient

pertinentes dans ce cadre.

4-Développer la gestion des ressources d’une équipe, en particulier le développement

des relations interpersonnelles, permet un soutien social qui est une des stratégies les

plus efficaces pour gérer le stress (Le Scanff, 1999, 2003). L’importance des dimensions

interpersonnelles a aussi largement été abordée par les étudiants circassiens dans la

gestion du risque et va faire l’objet de la deuxième partie de cette discussion.

5.2. Les dimensions interindividuelles de la gestion du risque

corporel

19 Les dimensions interindividuelles de la gestion de la peur et du risque ont été

fortement mentionnées par les étudiants à travers les relations et la confiance qu’ils

ont en leur entraineur mais aussi en leurs partenaires.

5.2.1. Relations avec l’entraineur : une confiance à toute épreuve

20 La relation entraineur-entrainé est un élément indissociable de la pratique sportive en

club et semble être un déterminant incontournable de la performance sportive, pour

autant les chercheurs ne se sont intéressés que récemment à cette relation. Les

premières recherches sont celles concernant le leadership. Elles ont surtout étudié

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l’entraineur à travers l’étude de ses caractéristiques intra-personnelles : ses

comportements, ses prises de décisions et ses connaissances (Heuzé, 2003). Toutefois,

ces études ne prennent pas en compte le versant affectif, émotionnel qui offrirait

pourtant un contexte favorable à l’entrainement et à la performance (Lévêque, 1995 ;

Totchilova-Gallois, 2005). Quelques recherches d’origine anglo-saxonnes récentes se

sont intéressées de façon spécifique aux relations interpersonnelles entre l’entraineur

et le sportif. Losier et Vallerand (1995) ont montré que l’entraineur, notamment, devait

essayer de développer avec ses athlètes une relation harmonieuse, valorisante,

satisfaisante et qui amène les sportifs à lui faire confiance. Jowett et Meek (2000)

définissent les relations interpersonnelles entraineur-sportif comme une interaction

entre un ensemble d’émotions (« proximité » affective, confiance et respect mutuels),

de pensées (« co-orientation » avec un cadre commun à trouver nécessitant du

dialogue, des négociations, des prises de décisions) et de comportements

(« complémentarité » basée sur la collaboration, le travail d’équipe entre l’entraineur et

le sportif). Pour Saury (2004) cependant, il faudrait remettre en question les deux pôles

distincts de la relation entraineur-entrainé : l’un « relationnel ou affectif » et l’autre

« instructif » (faire acquérir des procédures techniques et tactiques), ainsi que la

conception selon laquelle l’entraineur prescrit et le sportif exécute. Des recherches ont,

en effet, mis en avant la véritable collaboration organisée en vue d’un travail collectif, il

faudrait alors plutôt parler de « collaboration entraineur-athlètes ». Cette dernière

s’appuie notamment sur un référentiel commun, fruit d’une expérience partagée

(Saury & Durand, 1995) prenant en compte l’évocation des sensations de sportif par

l’entraineur, une connaissance fine des sportifs et l’évocation d’anecdotes passées

vécues en commun.

Les données qui ressortent des entretiens avec les étudiants circassiens concernant leur

gestion du risque mettent en avant les deux pôles classiques de la relation entraineur-

sportif : l’un technique et l’autre affectif. Ces deux pôles sont cependant

interdépendants et largement basés sur la confiance en l’entraineur. Le pôle technique,

a déjà été mentionné : les étudiants gèrent de mieux en mieux la peur et les risques à

mesure que leur maitrise augmente, en particulier la maitrise de leur corps dans

l’espace et l’automatisation des mouvements. Or, cette maitrise passe par les

répétitions mais aussi par les éducatifs et diverses situations d’apprentissage mises en

place par les enseignants. Les étudiants font entièrement confiance aux enseignants,

qui sont des experts dans leur discipline, pour ces apprentissages techniques. Aucun

étudiant n’a mentionné quelques désaccords d’ordre technique concernant

l’enseignement reçu. La relation de confiance est surtout mise en avant, et de façon

unanime par les étudiants, au niveau des encouragements pour se lancer dans des

figures difficiles voire dangereuses (« Dans ce cas-là je lui fais confiance... s'il dit que je peux

le faire, je le fais »). Cette confiance en l’enseignant (pôle affectif) provient donc de son

expertise technique (pôle technique) qui rassure les étudiants, mais aussi de la

connaissance précise qu’il a du fonctionnement de ses étudiants. Cette dernière lui

permet de s’adapter à leurs attentes et caractéristiques (« Quand elle sent que je suis

fatigué, elle va faire un travail avec mon état aussi parce que ça sert à rien de bosser des trucs

alors que tu n'en es pas capable »). Saury et Durand (1995) ont d’ailleurs montré que les

entraineurs évoquent une connaissance très fine des sportifs pour interpréter les

comportements de ces derniers et pour justifier des modes d’intervention différenciés à

leur égard. C’est un des éléments du « référentiel commun » partagé avec l’athlète qui

constitue une des bases de la coopération entraineur-sportif.

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La confiance en l’entraineur est cependant un thème très peu abordé dans les études

sur les relations entraineur-sportif. Il s’avère que dans la gestion spécifique de la peur

et du risque, cette confiance est un élément pourtant primordial qui mériterait un

regard plus approfondi. Nous allons maintenant aborder la confiance dans les

partenaires qui est également largement mise en avant par les étudiants.

5.2.2. Relations avec les partenaires : la confiance et l’émulation de groupe

21 Les relations interindividuelles dans un groupe sportif sont surtout étudiées à travers le

thème de la cohésion (Buton, Fontayne & Heuzé, 2006 ; Heuzé, 2003). Si de nombreuses

conceptions théoriques de la cohésion existent, les recherches font clairement ressortir

deux dimensions (Cox, 2005). La cohésion opératoire face à l’exécution des tâches, qui est

le degré de collaboration d’une équipe dans la poursuite d’un but opératoire, et la

cohésion sociale qui est le degré d’attirance entre les équipiers et leur degré de

satisfaction à évoluer ensemble. Dans le domaine sportif, il semble qu’un consensus se

dégage autour du modèle de Carron, Widmeyer et Brawley (1985) en quatre facteurs

(intégration opératoire du groupe, attractions individuelles opératoires pour le groupe,

intégration sociale du groupe, attractions individuelles sociales pour le groupe). La

cohésion est donc décrite comme une variable multidimensionnelle mais aussi

dynamique : elle fluctue rapidement et ne s’exprime pas forcément par ces quatre

facteurs. Les recherches ont surtout mis en avant les déterminants et les conséquences

de la cohésion, et notamment son lien avec la performance sportive. Quelques résultats

montrent également que les relations interpersonnelles permettent un soutien social

qui est une des stratégies les plus efficaces pour gérer le stress (Le Scanff, 2003) ou

qu’un haut niveau de cohésion dans les groupes sportifs était associé à une diminution

de l’anxiété situationnelle.

L’importance des relations avec les partenaires et la cohésion du groupe sont mises en

avant par les étudiants circassiens dans leur gestion de la peur et du risque, en

particulier dans les spécialités nécessitant de travailler en duo (un porteur et un

voltigeur en main à main et en cadre aérien) ou en collectif (bascule coréenne). Les

collectifs, tout comme les duos, peuvent être considérés comme des groupes sportifs en

se référant à la définition de Carron et Hausenblas (1998) : « rassemblement de deux ou

plusieurs individus qui possèdent une identité commune, ont des buts et des objectifs communs,

partagent un destin commun, présentent des patrons structurés d’interaction et de

communications, possèdent des perceptions communes de la structure du groupe, sont

personnellement et instrumentalement interdépendants, manifestent une attirance

interpersonnelle réciproque et se considèrent eux-mêmes comme un groupe » (p.13-14).

Cependant, les caractéristiques de ces duos et collectifs se différencient des groupes

habituellement étudiés qui sont essentiellement des équipes de sport collectif (où les

tâches interactives nécessitent une grande coordination des actions pour produire une

performance collective) et dans une moindre mesure des équipes de sport individuel

(où les tâches sont co-actives avec une performance collective obtenue par addition des

performances individuelles). Si les tâches des circassiens sont effectivement

interactives et nécessitent une grande coordination afin de produire la performance, la

mise en jeu de l’intégrité physique du voltigeur qui se trouve entre les mains de son

porteur, ajoute une dimension de premier ordre à cette relation qu’on ne retrouve pas

dans les sports collectifs. Or, à notre connaissance, aucune recherche n’a pris en

compte cette particularité, ce qui pourrait expliquer que la confiance en l’autre est une

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variable qui n’est pas mise en avant dans les études sur la cohésion d’un groupe sportif.

Pourtant dans les discours des étudiants circassiens, la cohésion importante entre les

partenaires semble fortement liée à la confiance en l’autre, tant à un niveau opératoire

que social. Les voltigeurs l’illustrent très bien (« J'étais tellement en confiance avec lui et

j'ai grandi avec lui… Je savais qu'il me rattraperait, que je pouvais faire n'importe quoi…, que ce

soit dans notre discipline ou que ce soit à l'extérieur »), mais l’importance de la cohésion et

de la confiance dans les collectifs de bascule nous semble encore plus emblématique. La

bascule est la spécialité la plus dangereuse et la plus contraignante, il semble que la

force du collectif soit puisée dans une très forte cohésion et confiance interindividuelle,

une fois de plus tout autant à un niveau opératoire que social. L’exemple d’un des

collectifs composés de cinq voltigeurs qui se connaissent depuis de nombreuses années

(plus de dix ans pour certains) est révélateur : « Ca dépend vraiment des autres c’est pour

ça qu’il faut vraiment qu’il y ait une bonne entente dans le groupe. Nous on a commencé, les

cinq, parce qu’on s’entendait vraiment bien, on s’est dit, on va faire un truc. La bascule, c’est

marrant, on essaye ça. Et vu qu'on était bien soudé déjà à la base, ça a tout de suite marché à

fond, on a l’habitude de se voir tout le temps ».

Cette cohésion opératoire, basée sur une très forte confiance en l’autre à un niveau

technique, peut être liée à une cohésion sociale importante, une entente parfois très

spontanée (« On a de la chance… depuis le début on s'entend super bien. Et euh, on s'écoute

bien, je pense... Tu peux juste pas pratiquer, si t'es pas ensemble et si t'es pas à l'écoute de

l'autre »). Parfois la cohésion opératoire se construit principalement à partir du travail

technique (« Me dire que lui il fait son job, que moi je fais mon job, et que du coup cette

confiance elle se créera petit à petit … Que lui il aura pris confiance en lui, que moi j'aurai pris

confiance en moi et que du coup on pourra avoir confiance en nous deux »), mais une fois

installée cette cohésion opératoire pourra, à l‘inverse, influencer la cohésion sociale («

Y’a une relation qui se crée… et après y a une relation amicale, relation professionnelle et c’est

une vraie relation de confiance »). Un seul étudiant a évoqué un apprentissage plus formel

de la confiance en l’autre sous forme de cours ponctuels de « conscience collective »

dans une école préparatoire (e.g., se laisser tomber en arrière et rattraper par les

autres).

L’émulation du groupe à l’entrainement favorise également une certaine gestion de la

peur et de la prise de risque. La comparaison aux autres, le regard des autres, voir les

autres y arriver ou vouloir montrer aux autres que l’on peut y arriver permet à

l’étudiant d’aller au-delà de ses appréhensions (« ce qui me pousse à faire les choses, c'est

aussi l'émulation collective »). Cependant si l’émulation collective permet aux élèves de

gérer leur peur et de se lancer plus facilement, elle peut aussi être source de danger

notamment pendant les pauses et, ou quand les enseignants ne sont pas présents

(Legendre, 2014).

Finalement, les dimensions interindividuelles de gestion de la peur et du risque des

étudiants sont surtout basées sur la confiance en l’autre et ce, au niveau de deux pôles

en interaction : l’un technique et l’autre affectif. Avec l’enseignant, la confiance est très

importante que ce soit dans la progression technique proposée aux étudiants ou pour

se lancer dans des figures difficiles. L’expertise de l‘enseignant (pôle technique) est

donc à la base de la confiance des étudiants (pôle affectif). Avec les partenaires, la

cohésion et la confiance se retrouvent également à un niveau technique (chacun doit

faire « son boulot »), qui suit ou précède une cohésion sociale (plus affective) également

importante.

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Conclusion

22 Cette étude exploratoire a permis de mettre en avant l’importance des dimensions

personnelles intra-individuelles et interindividuelles, perçues par les étudiants en école

supérieure de cirque, dans leur gestion du risque corporel et son apprentissage.

Les dimensions intra-individuelles concernent la gestion de la peur, la concentration et

la confiance en soi et en son corps. Cette notion de confiance est également à la base de

la gestion de la peur et du risque à un niveau interindividuel, tant à un niveau

technique qu’affectif. A un niveau opératoire, les étudiants font confiance à leurs

enseignants, experts reconnus de leur discipline, pour tout ce qui concerne les

apprentissages techniques. Cette expertise se décline à un niveau plus affectif, quand

l’enseignant encourage l’étudiant à se lancer dans une nouvelle figure car il considère

que c’est le « bon moment », l’étudiant lui fait alors totalement confiance. Les étudiants

font également confiance, spontanément ou de façon construite, techniquement et

d’une façon plus générale, à leur(s) partenaire(s). Cette cohésion tant opératoire que

sociale, voire affective, permet le développement d’une véritable symbiose notamment

entre le voltigeur et son porteur.

Au niveau des apprentissages de la gestion du risque, il semble qu’un des enjeux

majeurs de la formation sera de faire évoluer la peur du profane vers le risque maitrisé

du professionnel. L’émotionnel sera alors rationnalisé avec la maitrise progressive des

techniques tant mentales que corporelles. En effet, la gestion de la peur et la

concentration passent par un apprentissage informel de techniques personnelles qui

s’apparentent aux routines de performance (favoriser un déroulement automatique du

mouvement en essayant de ne pas trop réfléchir, discours interne pour se rassurer). Cet

apprentissage semble pertinent, mais gagnerait en efficacité et en rapidité s’il était

rationalisé et formalisé (préparation mentale notamment). La connaissance et la

confiance en soi et dans son corps vont être développées indirectement et

essentiellement par la maitrise (voire l’automatisation) issue d’un apprentissage formel

et répétitif des techniques corporelles et des réchappes. La confiance dans l’enseignant

et dans les partenaires se développe aussi sur la base de dimensions techniques :

l’expertise de l’enseignant rassure les étudiants, tout comme la maitrise technique des

partenaires. Cependant, les dimensions techniques sont aussi en interaction avec les

dimensions affectives, elles s’influencent mutuellement : la cohésion sociale peut

précéder ou suivre la cohésion opératoire, la confiance dans l’enseignant vient

notamment de son expertise technique, l’enseignant qui connait son étudiant sait

adapter ses enseignements techniques, etc. Ceci conforte le point de vue de Saury

(2004) qui remet en question les deux pôles distincts « relationnel ou affectif » versus

« instructif » dans la relation ou collaboration entraineur-sportif, les deux semblent

bien interdépendants.

23 La gestion du risque dans le milieu du cirque est souvent réduite à la maitrise

technique. Finalement, s’il semble bien que l’apprentissage des techniques sportives

soit la pierre angulaire de la gestion du risque, notamment parce qu'il participe

largement au développement de dimensions personnelles indispensables à cette

gestion : la confiance en soi, en son corps et en l’autre. L’autre apprentissage qui semble

primordial dans la gestion du risque, et qui mériterait d’être formalisé, concerne les

techniques mentales de gestion de la peur. Par ailleurs, dans les écoles supérieure de

cirque, les étudiants perçoivent l’apprentissage de la gestion du risque comme quelque

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chose qui est bien présent mais de façon diffuse et informelle : « On n'a pas un cours pour

la gestion du risque… ça va être travaillé petit à petit… on ne se rend pas forcément compte qu'on

le travaille, mais on le travaille... on n’a pas une ampoule rouge qui fait "gestion du risque, c'est

un risque, faut faire attention ! ". C'est toujours, c'est tout le temps, c'est tout le temps là et on le

sait... on est tout le temps en train de gérer ce truc-là ».

Cette étude exploratoire a permis de mettre en avant les thèmes qui étaient les plus

abordés par les étudiants en école supérieure de cirque concernant leur gestion

personnelle du risque et son apprentissage. Ces thèmes sont évidemment amenés à être

approfondis notamment avec des méthodologies plus spécifiques. Les relations

interpersonnelles chez les circassiens nous semble, par exemple, un domaine tout à fait

intéressant à étudier. En effet, certaines spécialités de cirque mêlent une présence

importante de risque corporel et une coopération avec des partenaires qui gèrent une

partie de ce risque (main à main, cadre aérien, bascule coréenne). Cette spécificité peu

commune dans le sport, permettrait notamment d’approfondir la construction de la

confiance et de la cohésion qui oscille entre technique et affectif (entre le voltigeur et

son porteur par exemple). Par ailleurs, cette étude a mis aussi en avant la très forte

confiance des étudiants envers leur enseignant. Il serait alors intéressant d’approfondir

comment ces derniers gèrent le risque de leurs étudiants ? Sur quoi se basent-ils ?

Qu’est-ce qui justifie cette confiance aveugle des étudiants en leurs enseignants ? Dans

cette perspective, il serait notamment pertinent d’étudier en situation la gestion du

risque par l’enseignant et son impact sur l’engagement des étudiants.

BIBLIOGRAPHIE

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RÉSUMÉS

La gestion du risque dans le cirque a surtout été étudiée d’un point de vue sociologique qui met

largement en avant la « gestion des émotions » (Fourmaux, 2006) ou l’importance des

« dimensions personnelles, psychologiques » (Legendre, 2014). Notre étude exploratoire,

constituée de 30 entretiens semi-directifs d’étudiants en écoles supérieures de cirque, vise une

compréhension plus approfondie de ces dimensions personnelles à la lumière de données issues

de la psychologie du sport appliquée. Les résultats mettent en avant des dimensions intra-

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individuelles de gestion du risque (gestion de la peur, confiance en soi et dans son corps, et

concentration) et des dimensions interindividuelles (forte confiance accordée à l’enseignant ou

aux partenaires, émulation du groupe). L’apprentissage ou le développement de la plupart de ces

dimensions personnelles passe indirectement par la maitrise technique issue d’apprentissages

formels répétitifs et progressifs. Les techniques mentales plus spécifiques concernant la gestion

de la peur ou la concentration sont, par contre, plutôt issues d’un apprentissage personnel et

informel, qui semble pertinent, mais le serait probablement encore plus s’il était formalisé.

Risk management in the field of circus art has until now mainly been studied from a sociological

perspective which emphasises “emotion management” (Fourmaux, 2006) or the importance of

personal and psychological dimensions of risk management (Legendre, 2014). This exploratory

study, based on 30 semi-directive interviews with students from graduate circus schools, aims at

increasing our understanding of these personal dimensions of risk management in the light of

issues raised in sport psychology research. The results highlight two key dimensions of risk

management: intra-individual dimensions (fear management, self-confidence and confidence in

the body, and concentration) as well as inter-individual dimensions (trust placed in teachers or

partners, group competition). Learning or development of most of these personal dimensions of

risk management indirectly involves the technical mastery of skills through repetitive and

progressive formal learning. On the other hand, mental skills and strengths around fear

management and concentration are gained through personal and informal learning; these skills

are highly relevant and would be much more so if they were formalised as part of learning

process.

INDEX

Mots-clés : risque, cirque, psychologie du sport, techniques mentales, maîtrise technique

Keywords : risk, circus, sport psychology, mental skills, technical mastery

AUTEUR

DELPHINE LAFOLLIE

Université de Reims Champagne-Ardenne, CEREP EA 4692, Reims, France

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Analyse des phénomènestranspositifs dans l’enseignementdu badminton à partir d’unprogramme épistémologique centrésur les curricula potentielsCédric Roure

1. Introduction

1 Les recherches actuelles portées sur l’intervention, dans le cadre de la théorie de

l’action conjointe en didactique (TACD), visent à rendre compte du fonctionnement des

systèmes didactiques classiquement définis comme système ternaire d’interactions

(Brousseau, 1998). Ce courant de recherche analyse l’activité en contexte des acteurs

(enseignant et élèves) en s’appuyant particulièrement sur le concept de transposition

didactique appréhendé in situ c’est-à-dire en relation avec la dialectique « contrat/

milieu didactiques » (Amade-Escot, 2013). Considérant l’action conjointe du professeur

et des élèves comme une coproduction de connaissances à la lumière de pratiques

culturelles les légitimant, les chercheurs et l’auteur de cet article proposent d’étudier

les phénomènes transpositifs en articulant deux programmes : le programme

épistémologique et le programme didactique (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2005).

Le programme épistémologique a pour enjeu principal de saisir l’organisation des

objets de savoirs et ses répercussions sur les phénomènes d’enseignement/

apprentissage. Les recherches conduites dans cette direction tentent d’expliquer la

structuration des savoirs à enseigner ou enseignés, pour reprendre les termes utilisés

par Develay (1992), à partir de différentes échelles : les programmes scolaires, un

établissement ou encore un professeur d’EPS. Le programme didactique se différencie

de celui-ci dans la mesure où il cherche à saisir l’activité des sujets et des institutions et

leurs rapports évolutifs aux objets de savoirs. Cette deuxième orientation fait référence

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à un ensemble de recherches visant à étudier l’activité des acteurs, enseignant et

élèves, dans leur contexte d’intervention à la lumière d’actions conjointes. Désirant

questionner les formes de transmission de la culture corporelle et sportive dans divers

milieux (EPS, entraînement, éducation adaptée…), les chercheurs essayent de

caractériser les processus conjoints d’élaboration des savoirs in situ. En définitive, cette

approche didactique se donne pour visée d’éclairer la façon dont les individus

participent conjointement à la diffusion et à l’appropriation des savoirs culturels au

sein de diverses institutions.

Ces deux programmes sont considérés comme complémentaires lorsqu’ils interrogent

les phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton que nous

étudions ici. Adoptant une analyse ascendante de la transposition didactique selon le

point de vue de l’enseignant, la TACD marque un tournant vis-à-vis des analyses

descendantes formalisées antérieurement (Chevallard, 1985 ; Develay, 1992 ;

Martinand, 1986). L’enjeu de cette posture théorique est d’articuler « délibérément les

dimensions interactionnelle et épistémique des situations d’apprentissage » (Amade-Escot,

2013). En ce sens, le programme épistémologique s’intéresse à l’organisation des objets

de savoirs et ses répercussions sur les phénomènes d’enseignement/apprentissage. Il

vise à déterminer quels sont les enjeux de savoirs mis à l’étude, ce qui lui confère une

fonction épistémique et exploratoire. Afin de respecter les assises théoriques de la

TACD, nous avons choisi de mener une analyse épistémologique sur les savoirs scolaires

du badminton repérables au travers des curricula potentiels. Ces curricula sont

entendus comme des propositions d’actions planifiées pour instruire en fonction d’un

contexte donné, qui émanent des acteurs d’une discipline (Musard, Robin, Nachon &

Gréhaigne, 2008). Nous justifions ce choix par le fait qu’une analyse centrée

directement sur des propositions de savoirs scolaires émanant des acteurs de

l’enseignement est compatible avec une analyse ascendante des processus de

transposition didactique centrés sur l’enseignant. Ainsi pensé, ce programme

épistémologique, apparenté à une analyse a priori, constitue une grille de lecture

anticipatrice pour le chercheur. Cette grille lui permet d’étudier l’univers des possibles

et d’apprécier en quoi les situations d’apprentissage peuvent constituer un milieu

favorable aux savoirs visés (Amade-Escot, 2013). Quant au programme didactique, son

analyse des logiques d’actions conjointes des acteurs peut être considérée comme un

révélateur des processus d’élaboration et de diffusion des objets de savoir en contexte

d’intervention. Etant également en cohérence avec l’analyse ascendante des

phénomènes transpositifs, ce programme fonctionne comme une analyse a posteriori

révélatrice d’une dynamique, co-construite entre l’enseignant et les élèves ayant

rapport à l’avancement des objets de savoir dans le temps et aux modifications du

milieu utilisées pour apprendre.

Notre objectif est donc de prendre appui sur un travail épistémologique existant centré

sur les savoirs scolaires des sports de raquette en EPS (Roure, 2013) afin d’analyser les

phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton. Nous désirons

mettre en perspective un programme épistémologique, centré sur les curricula

potentiels et autorisant une analyse a priori des enjeux de savoirs mis à l’étude, avec un

programme didactique analysant l’action conjointe du professeur et des élèves. Ainsi

considéré, nous présenterons dans le cadre théorique suivant, le programme

épistémologique comme une lecture anticipatrice de l’enseignement du badminton et

le programme didactique comme le révélateur des logiques de construction conjointes

des objets de savoirs. Nous évoquerons ensuite la complémentarité de ces deux

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programmes et nous terminerons par la présentation de l’analyse épistémologique

portée sur les savoirs scolaires du badminton afin d’envisager des hypothèses de

recherche en lien avec l’enseignement de cette APSA.

2. Cadre théorique de la recherche

2.1. Le programme épistémologique comme lecture anticipatrice

2 Le programme épistémologique considéré comme une lecture anticipatrice constitue

une grille de lecture pour le chercheur lorsque ce dernier désire s’appuyer sur la

structuration des savoirs d’une discipline ou d’une APSA. Dans cette optique, l’appui

sur l’épistémologie des savoirs permet de saisir les objets de savoirs fondamentaux,

porteurs de la culture de l’APSA enseignée (Roure, 2013). Afin de saisir précisément les

enjeux de la transmission de savoirs en badminton, nous nous appuyons sur un travail

épistémologique existant à propos de cette activité (Roure, 2013). Cet auteur a élaboré

un cadre théorique permettant de réaliser une analyse épistémologique des savoirs

scolaires des sports de raquette à partir de l’étude des curricula potentiels repérés dans

des publications professionnelles sur une période de 48 ans (1963 à 2011). Cette

approche épistémologique, développée selon des angles historiques et sociologiques,

nous intéresse dans la mesure où les résultats mettent en évidence une structuration

des savoirs scolaires autour de concepts centraux à l’intérieur desquels sont déclinés

des objets d’apprentissage (OA) et des mises en œuvre (MO) en lien avec des situations

d’apprentissage (SA). Etant donné que nous sommes centrés sur l’enseignement actuel

du badminton, nous exploiterons les résultats de cette recherche épistémologique

seulement au niveau de la dernière période décrite par l’auteur, à savoir 1999 à 2011. La

logique d’organisation des objets de savoirs, révélée au travers de ce programme

épistémologique, s’organise autour de trois éléments : les OA, les MO et les concepts

intégrateurs (CI). Les OA correspondent aux savoirs-faire ou autres habiletés motrices

que l’élève doit acquérir, lesquels sont généralement envisagés dans leurs relations

avec d’autres types de ressources à développer (e.g. connaissances déclaratives,

connaissances procédurale, etc.). Il peut ainsi s’agir de développer la maîtrise du coup

droit ou du revers. Un OA apparaît le plus souvent encapsulé en une situation

d’apprentissage ou dans une suite de situations d’apprentissage dont les contours sont

spécifiés par les professeurs, en relation avec l’exposé de mises en œuvre (MO). Les MO

sont relatives aux aménagements humains et/ou spatiaux ainsi que matériels. Un

travail axé sur la maîtrise du coup droit peut ainsi être envisagé dans une logique

coopérative, avec un relanceur produisant des volants aisés à renvoyer, sur un terrain

comportant des zones cibles tracées, par exemple pour spécifier un enchaînement de

frappes à produire. La SA correspondante peut ici viser à la réalisation d’un nombre

d’échanges prédéterminé en vue de travailler la précision et la flexibilité de la frappe

en coup droit. Enfin, les CI correspondent à des référents communicationnels clés

partagés par les membres d’une communauté donnée, comme les professeurs d’EPS,

que nous pouvons associer à des « noyaux durs » de l’enseignement d’une APSA

(Develay, 1992) en tant qu’ils organisent et structurent un ensemble d’OA et de MO.

Ainsi peut-il en aller de l’idée de « prise en compte de l’adversaire », comme illustration

d’un CI en badminton, qui renvoie implicitement à la prise d’informations durant

l’échange, ainsi qu’à la mise en place d’un projet de jeu ou encore et notamment à la

gestion d’un rapport de force. Un CI, ainsi considéré, a donc une fonction

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communicationnelle. Il est en effet de nature à orienter un professeur vers une

conception des contenus et de l’enseignement relatif à une APSA, concourant par-là

même à utiliser certains OA et MO. L’utilisation de ce programme épistémologique pour

notre recherche consistera principalement à situer les objets de savoirs à enseigner en

badminton, sous la forme d’OA et de MO. Nous nous réfèrerons également aux CI

structurant l’enseignement de cette activité dans la mesure où leur portée

communicationnelle devrait nous autoriser à les retrouver dans les discours du

professeur lorsque celui-ci définit et régule ses situations d’apprentissage (Sensevy,

2007).

2.2. Le programme didactique comme révélateur des logiques

chronogénétiques et mésogénétiques

3 Le programme didactique se donne pour objectif premier d’éclairer la façon dont les

acteurs participent conjointement à la diffusion et à l’appropriation des savoirs

culturels au sein de diverses institutions (Amade-Escot & Loquet, 2010). A ce titre, il

peut être considéré comme un révélateur des processus d’élaboration et de diffusion

des objets de savoir en contexte d’intervention. Classiquement, les chercheurs en ce

domaine mettent en avant trois caractéristiques de l’action conjointe du professeur et

des élèves : 1) la progression des savoirs au fil du temps didactique (logique

chronogénétique) ; 2) les modifications du milieu utilisées pour apprendre (logique

mésogénétique) ; 3) l’évolution des responsabilités prises par le professeur et les élèves

vis-à-vis des savoirs (logique topogénétique). Dans le cadre de notre étude, le

programme didactique sera utilisé au niveau des logiques chronogénétiques et

mésogénétiques. Nous n’avons pas retenu la logique topogénétique car la lecture

anticipatrice permise par le programme épistémologique ne nous permet pas de

disposer d’informations relatives aux responsabilités prises par le professeur et les

élèves. Selon l’axe chronogénétique, l’accent est porté sur l’introduction des objets de

savoirs, supports de l’enseignement du badminton, et sur leurs logiques d’évolution au

sein des séances et au fil du cycle. L’objectif est de saisir les savoirs enseignés par le

professeur, leur découpage dans le temps ainsi que leur structuration à l’échelle d’un

projet d’enseignement. Dans l’optique d’assurer une cohérence vis-à-vis du programme

épistémologique, les savoirs enseignés par le professeur d’EPS en badminton seront

catégorisés en OA et MO Cet axe chronogénétique sera principalement mis en relation

avec le travail de définition des SA réalisé par le professeur (Sensevy, Mercier &

Schubauer-Leoni, 2000). Nous chercherons donc à identifier les OA et MO lorsque le

professeur explique les SA aux élèves, notamment au travers des objectifs, buts et

variables employées pour décrire les attentes de l’enseignant envers les élèves. Le

deuxième axe employé dans notre étude (mésogénétique) sera centré sur une analyse

des MO utilisés par le professeur au sein de ses interactions avec les élèves vis-à-vis des

objets de savoirs mis à l’étude. L’objectif sera de comprendre dans quelle mesure

l’introduction des MO permet à l’enseignant de structurer son discours et ses

interactions avec les élèves dans une optique d’apprentissage. La poursuite de ce

deuxième axe passera par une analyse des discours de l’enseignant lorsque celui-ci

régule l’activité des élèves au sein des SA (Sensevy & Co, 2000).

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2.3. Quelle complémentarité entre les deux programmes ?

4 Cette recherche s’appuie sur les descripteurs utilisés dans la TACD afin de confronter

les données issues de la lecture anticipatrice permise par l’analyse épistémologique et

les données issues de l’observation d’un cycle d’EPS basé sur l’enseignement du

badminton au lycée. Plus précisément, deux types de données supportent cette étude.

Premièrement, des données relatives aux OA, aux MO ainsi qu’aux mots clés

structurant les discours des enseignants sont établies à partir des travaux

épistémologiques menés sur l’enseignement du badminton (Roure, 2013). L’appui sur

un travail de recherche existant nous permet d’obtenir des catégories d’OA et MO

principalement utilisées dans l’enseignement du badminton au travers des SA. Nous

disposons également d’un ensemble de mots utilisés par les enseignants pour expliquer

et justifier leurs SA, ces mots faisant référence à des concepts intégrateurs qui leur

donnent une structure et une cohérence. Et deuxièmement, des données relatives aux

dynamiques évolutives du temps didactique (chronogénèse) et du milieu (mésogénèse)

sont prélevées lorsque le professeur définit et régule les situations d’apprentissage

(Sensevy, 2007). Notre objectif est ici de saisir et comprendre, dans l’activité de

définition de l’enseignant, l’organisation des SA afin de pouvoir les catégoriser sous la

forme d’OA et de MO. Pour ce faire, nous nous appuierons principalement sur le

discours du professeur lorsqu’il explique les objectifs et les buts de chaque situation

aux élèves, mais également lorsqu’il met en place des variables didactiques. Ces trois

descripteurs (objectifs, buts et variables) fournissent suffisamment d’informations au

chercheur pour établir les objets de savoir mobilisés au sein des SA. (Loizon, Margnes &

Terrisse, 2008). En ce qui concerne l’activité de régulation de l’enseignant, nous

étudierons ses interactions avec les élèves lorsque celles-ci sont centrées sur les

relations entre les activités motrices déployées par les élèves et l’aménagement du

milieu mis en place par le professeur. Notre but est de saisir l’organisation de

l’enseignant au niveau des interactions entre l’utilisation des MO, son discours et

l’activité déployée par les élèves. En définitive, la dimension conjointe de la TACD est

principalement appréhendée au travers de l’activité de l’enseignant. Ce choix, qui peut

paraître réducteur vis-à-vis de ce cadre théorique, s’explique par notre objectif de

recherche. En effet, notre volonté de mettre en perspective un programme

épistémologique et un programme didactique nous conduit à envisager les phénomènes

transpositifs prioritairement sous l’angle de l’enseignant et d’envisager l’activité des

élèves uniquement de manière indirecte. Dans cette perspective, nous n’avons retenu

que les descripteurs de la TACD qui permettaient de répondre directement à notre

objectif de recherche, à savoir la chronogénèse et la mésogénèse en relation avec les

actions du professeur, c’est-à-dire définir et réguler.

2.4. L’analyse a priori de l’enseignement du badminton

5 Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous prenons appui sur un travail de

recherche existant ayant produit une analyse épistémologique des savoirs scolaires du

badminton en EPS. Cette lecture anticipatrice, au sens d’Amade-Escot (2013), doit nous

permettre de situer les objets de savoir enseignés dans cette activité, sous la forme

d’OA et de MO, ces derniers étant structurés par l’intermédiaire de CI représentant les

« noyaux durs » de l’enseignement de cette APSA (Develay, 1992). Nous pouvons

prendre appui sur la dernière période de l’enseignement des sports de raquette, qui

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s’étend de 1999 à 2011 selon Roure (2013), dans la mesure où l’organisation des objets

de savoirs perdure très vraisemblablement aujourd’hui. Cette période se caractérise par

un enseignement cherchant à développer une adaptation tactique chez les élèves basée

sur la rupture de l’échange et la recherche de zones à viser. Dans ce cadre organisateur,

les professeurs d’EPS valorisent les apprentissages tactiques en se centrant sur un

projet de jeu prioritaire représenté par la rupture de l’échange. La rupture est

poursuivie par le biais d’une adaptation au jeu de l’adversaire mise en œuvre au travers

de zones à viser sur le terrain, ou au travers de thèmes de jeu représentant des moyens

d’introduire des incertitudes liées au jeu. A titre d’illustration, les SA peuvent

demander aux élèves de prendre en compte le déséquilibre initial de leur adversaire

(un joueur est placé sur le côté du terrain au début de l’échange) pour mettre en œuvre

un plan de jeu visant à terminer l’échange en trois frappes maximum. Dans cet

exemple, l’OA tactique visé par l’enseignant est la rupture de l’échange au sein d’une

MO utilisant un thème de jeu en relation avec l’incertitude spatiale (placement

particulier de l’adversaire au départ du point). Une autre SA peut demander à l’élève de

placer une zone bonus dans le terrain de l’adversaire qui lui rapportera trois points si le

volant tombe à l’intérieur de la zone ou si le joueur adverse est présent dans cette zone

et fait une faute. Dans ce cas, l’enseignant utilise un OA stratégique, relatif à

l’observation des points forts et faibles de l’adversaire (pour placer judicieusement la

zone dans le terrain adverse) avec une MO représentée par une zone à viser au sol. Ces

deux illustrations de SA utilisées dans l’enseignement du badminton démontrent que le

sens culturel du badminton est axé sur « la capacité réflexive des joueurs sur les plans

tactiques et stratégiques pour faire face à des rapports de force différenciés » (Roure, 2013). Les

objets de savoir ainsi décrits, appartenant à l’enseignement du badminton, sont

structurés au sein de CI relatifs à l’adaptation à l’adversaire, à la construction d’un

projet tactique et la formation d’un joueur réfléchi (Roure, 2013). Ce sens culturel du

badminton se retrouve au sein des derniers programmes officiels de l’EPS parus en 2010

pour les classes du lycée. Les compétences attendues sont toutes libellées selon une

entrée tactique, rapportée à l’adaptation à l’adversaire et à la prise en compte des

évolutions de l’état du rapport de force.

2.5. Les hypothèses de recherche

6 Nous nous attendons à retrouver, lors de l’analyse des processus de chronogénèse et de

mésogénèse chez un enseignement d’EPS, la lecture anticipatrice donnée par l’analyse

épistémologique portant sur l’enseignement du badminton. De ce fait nous devrions

observer, dans un cycle de badminton au lycée, un enseignement prioritairement

centré sur des apprentissages tactiques et stratégiques mis en œuvre au sein

d’environnements éducatifs variés utilisant des zones et des thèmes de jeu. Selon l’axe

chronogénétique, l’observation d’un cycle de badminton majoritairement élaboré selon

des entrées tactiques et stratégiques est attendue avec des séances axées sur la

construction de projets de jeu en lien avec l’adaptation à l’adversaire. Nous devrions

également identifier certains OA techniques envisagés comme des points d’appui

nécessaires au développement tactique des joueurs. Quant à l’axe mésogénétique, nous

émettons l’hypothèse que l’enseignant utilise les aménagements matériels et humains

(traduits sous la forme de MO dans notre étude) pour structurer ses interactions avec

les élèves et faciliter l’acquisition des objets de savoirs. Nous pensons observer des liens

entre l’utilisation des thèmes de jeu et des zones à viser et les interactions professeur –

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élèves centrées sur le rapport de force, l’adaptation aux tactiques adverses et les

différentes prises d’informations.

L’existence d’un travail de recherche relatif aux sports de raquette en EPS (Roure, 2013)

permet opportunément de disposer de repères en termes d’objets de savoirs et de

situations d’apprentissage (sous la forme d’OA et de MO) et en termes de discours

employés dans la justification des SA (sous l’angle des concepts intégrateurs

structurant les objets de savoirs). Cette référence à un travail existant favorise notre

investigation dont la logique est présentée ci-après.

3. Méthodologie

7 La méthodologie repose sur l’observation d’un enseignant d’EPS lors d’un cycle de

badminton de huit séances en lycée et sur l’utilisation d’un travail épistémologique

publié sur l’enseignement des sports de raquette en EPS. Ces deux dimensions sont en

étroite relation avec nos hypothèses de recherche dans la mesure où nous cherchons à

confronter l’analyse permise par un programme épistémologique avec des données

observées in situ dans le cadre d’un programme didactique (Schubauer-Leoni &

Leutenegger, 2005). En cohérence avec notre cadre théorique, notre méthodologie vise

ainsi à obtenir deux types de données : celles acquises par la lecture anticipatrice du

programme épistémologique et celles obtenues par le programme didactique

révélateur des logiques chronogénétiques et mésogénétiques.

Selon l’axe épistémologique, l’appui sur un travail de recherche existant nous permet

de disposer de données relatives aux objets de savoir et à leur logique de structuration

pour l’enseignement du badminton. Sans reprendre l’ensemble des éléments

développés lors du cadre théorique (point 2.4), nous rappelons que les objets de savoir à

enseigner dans l’APSA badminton sont découpés sous la forme d’OA et de MO. Ces deux

catégories ont été établies par Roure (2013) à partir d’analyses des curricula potentiels

publiés dans une revue professionnelle (Revue EP&S). De plus, la structuration de ces

objets de savoir sur une période donnée s’appuie sur l’identification de CI qui

correspondent à des référents communicationnels clés partagés par les membres d’une

communauté donnée, comme les professeurs d’EPS, que nous pouvons associer à des

« noyaux durs » de l’enseignement d’une APSA (Develay, 1992) dans le sens où ils

organisent et structurent un ensemble d’OA et de MO. Ces CI sont de nature à orienter

un professeur vers une conception des contenus et de l’enseignement relatif au

badminton, concourant par-là même à utiliser certains OA et MO. En définitive, nous

disposons de trois types de données à partir de la lecture anticipatrice permise par la

référence à un travail publié dans le cas des sports de raquette : les OA, les MO et les CI.

Afin de pouvoir confronter ces premières données à des observations réalisées dans le

contexte d’une classe d’EPS, nous devons mettre en place un dispositif de recueil de

données pour l’observation d’un cycle de badminton réalisé par un professeur d’EPS au

lycée. Le contexte éducatif support de l’étude est caractérisé par un enseignant non

spécialiste de l’APSA possédant une expérience d’enseignement de 10 ans. Il s’agit d’une

classe de première scientifique composé de 29 élèves (16 garçons et 13 filles)

caractérisés par l’enseignant titulaire, aux niveaux 1 et 2 des compétences attendues

fixées par les programmes officiels. Ce deuxième type de données est relatif au

programme didactique au travers des logiques chronogénétiques et mésogénétiques.

Afin de saisir l’évolution des objets de savoir au fil du temps didactique (axe

chronogénétique), nous nous sommes appuyés sur des grilles d’observation structurées

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sous la forme d’OA et de MO (pour rester en cohérence avec le programme

épistémologique) afin de catégoriser l’ensemble des SA mises en place par le professeur

pendant son cycle. Nous recourrons à une analyse catégorielle, telle que définie par

Bardin (1977), selon une procédure par boites étant donné que les catégories sont déjà

établies en référence au travail épistémologique. Ainsi esquissée, notre grille

d’observation est composée de trois types d’OA possibles : techniques, tactiques et

stratégiques, et de trois catégories de MO envisageables : aucun aménagement, zones et

thèmes de jeu, chacune d’entre elles pouvant se subdiviser selon l’aménagement

humain employé : seul, avec partenaire et avec adversaire.

Le tableau I ci-dessous permet d’avoir un aperçu de cette grille d’observation avec des

exemples dans chacune des catégories.

Tableau I. Grille d’observation des SA mises en place par l’enseignant d’EPS en badminton

Objet d’apprentissage (OA) Mise en œuvre (MO)

Techniques Tactiques Stratégiques

Aucun aménagement Zones Thèmes de jeu

Seul

(S)

Avec

partenaire

(AP)

Avec

adversaire

(ADV)

S AP ADV S AP ADV

Smash,

placement

sous le

volant,

amorti,

etc.

Chercher la

rupture,

varier les

trajectoires,

etc.

Observer les

points forts

et faibles

adverses,

etc.

Aménagement minimum :

terrain, filet, raquettes et

volants

Zones sur

le terrain

(cibles ou

interdites),

pour le

placement

d’un joueur

Thèmes avec

incertitudes

spatiales,

temporelles ou

événementielles

8 Cette grille d’observation est accompagnée d’enregistrements vidéo afin de pouvoir

utiliser les discours de l’enseignant lorsqu’il définit les SA (Sensevy, 2007). L’utilisation

vidéoscopée s’est avérée indispensable pour coder correctement les SA sous la forme

d’OA et de MO. Pour ce faire, nous avons sélectionné les extraits vidéos relatifs à

l’activité de définition du professeur, en retenant trois éléments clés reconnus par la

littérature scientifique pour identifier les objets de savoir mis à l’étude : les objectifs,

les buts et les variables didactiques des SA (Loizon, Margnes & Terrisse, 2008). Pour

saisir les modifications du milieu utilisées pour apprendre (axe mésogénétique), notre

recueil de données s’appuie sur une grille d’observation des MO utilisées par le

professeur (telle que présentée précédemment) ainsi que sur des enregistrements vidéo

des leçons. L’outil vidéo est de nouveau utilisé en sélectionnant uniquement les extraits

où le professeur est dans une activité de régulation (Sensevy, 2007). Nous avons donc

retenu tous les passages pendant lesquels le professeur intervient auprès des élèves

pour les aider à interagir avec l’aménagement matériel et humain mis en place. Nous

avons codé le type d’aménagement du milieu utilisé par l’enseignant à l’aide des

catégories préétablies par l’analyse épistémologique (cf. tableau I ci-dessus). De plus,

l’ensemble des discours a été transcrit sous la forme de verbatim support à une analyse

lexicale (Bardin, 1977). Cette analyse lexicale a été conduite en recourant au logiciel

ALCESTE©1. La méthode correspondante vise à « cartographier les principaux lieux

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communs d’un discours, les mondes lexicaux, qui sont des traces purement sémiotiques inscrites

dans la matérialité même du texte » (Kalapalikis & Moscovici, 2005, p. 15). L’analyse

lexicale opérée, ayant pour but de déterminer l’organisation d’un discours, tient au

postulat que le vocabulaire usité traduit une intention de sens chez l’émetteur (Reinert,

1999). Ce vocabulaire est envisagé comme une trace et la redondance lexicale est censée

permettre de circonscrire des lieux communs discursifs autorisant une interprétation

qui débouche sur les thèmes référentiels correspondants (Kalapalikis, 2003). La

procédure ainsi dessinée à grands traits apparaît dès lors en phase avec notre objectif

de compréhension des mots-clés utilisés par l’enseignant lorsque celui-ci régule

l’activité des élèves : c’est autour d’eux qu’est censé se structurer l’emploi d’un vocable

spécifique intéressant les objets de savoirs mis à l’étude lors des leçons de badminton.

L’identification de mots-clés, structurant le discours de l’enseignant lorsqu’il régule les

interactions des élèves avec les MO devrait nous permettre d’avancer dans la

compréhension des modifications du milieu utilisées pour apprendre. En définitive,

nous disposerons de deux types de données principales : les MO utilisées au sein des SA

et les mots-clés structurant les discours du professeur lorsqu’il est en activité de

régulation auprès des élèves.

Les données ainsi explicitées sont alors à commenter et à interpréter. Il s’agit dès lors

d’opérer une mise en perspective des données fournies par le programme

épistémologique avec celles recueillies au travers du programme didactique. Les

résultats, présentés ci-après, sont ainsi centrés sur les OA, MO et CI repérés au sein de

la lecture anticipatrice dans l’enseignement du badminton. Ces données sont ensuite

confrontées aux observations recueillies in situ traduites sous la forme d’OA, MO et de

mots-clés utilisés dans les discours.

4. Résultats

4.1. Résultats du programme épistémologique

9 La présentation des résultats s’appuie sur une logique de comparaison entre les

données fournies par le programme épistémologique et celles obtenues avec le

programme didactique. Selon l’axe épistémologique, en accord avec Roure (2013),

l’enseignement du badminton est organisé autour d’une adaptation de schémas

tactiques et stratégiques des joueurs à des rapports de force différenciés symbolisés par

des adversaires singuliers. Le tableau II ci-dessous synthétise l’enseignement du

badminton au travers de trois SA emblématiques. Ces SA sont qualifiées

d’emblématiques car elles sont représentatives de la grande majorité des SA employées

en badminton. Ce sont des formes typiques d’organisation des objets de savoir que nous

retrouvons régulièrement dans l’enseignement de cette APSA.

Tableau II. Synthèse de l’enseignement du badminton d’après Roure (2013)

OA Tactique : exploiter les espaces

libres et libérés

OA Technique : le dégagé

de coup droit

OA Stratégique : observer

les points forts et faibles de

l’adversaire

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MO Thèmes : incertitude spatiale avec

un adversaire

MO Zones : sur le terrain

avec un partenaire

MO Thèmes : incertitude

événementielle avec un

adversaire

La situation oppose deux équipes de

joueurs. Chaque joueur sort du terrain

après chaque frappe et laisse sa place à

un partenaire qui rentre par une porte

disposée sur le côté du terrain. Le

déséquilibre crée par cette entrée

décalée sur le côté doit être utilisé par

les joueurs pour tenter de marquer le

point en exploitant les espaces du

terrain adverse.

Le joueur est placé avec un

partenaire qui renvoie le

volant dans une zone

centrale. Sur chaque

volant, le joueur essaye de

produire des dégagés en

atteignant des zones de

plus en plus éloignées.

Chaque joueur choisit un

coup interdit pour son

adversaire parmi une liste

(smash, amorti droit, etc.).

Les joueurs doivent conduire

leur affrontement en tenant

compte de l’interdiction.

10 En accord avec le panorama dressé ci-dessus, les principes organisateurs de

l’enseignement du badminton se structurent autour de trois CI : l’adaptation à

l’adversaire, la construction d’un projet tactique et la formation d’un joueur réfléchi. Le

premier CI correspond à une évaluation de l’état du rapport de force combiné à

l’adaptation de la réflexion de l’élève aux caractéristiques adverses. Le deuxième

s’intéresse à l’analyse du jeu de l’élève et aux moyens permettant de construire des

projets de jeu (jouer vite, placé, fort, en finesse…). Quant au troisième, il est basé sur

l’adoption d’une démarche réflexive sur le jeu où l’élève cherche à extraire des

invariants tactiques ou des représentations fonctionnelles des différents systèmes de

jeu. Le tableau III, ci-après, présente les principaux mots-clés participant à la

construction de chacun des CI ainsi qu’une phrase illustrative utilisée par les

professeurs pour justifier leur orientation en matière de SA. Les données et les phrases

illustratives sont issues des analyses lexicales conduites avec le logiciel ALCESTE©.

Tableau III. Les concepts intégrateurs structurant l’enseignement du badminton

L’adaptation à l’adversaireLa construction d’un projet

tactiqueLa formation d’un joueur réfléchi

Mots-clés : repérer, tester,

provoquer, équilibre,

favorable, imprévisible,

incertitude, réflexion,

schéma, transversal.

Mots-clés : variation, rupture,

régularité, risque, construction,

smash, trajectoire, diagonale,

cible, zone.

Mots-clés : développer,

ressource, stratégie, acquisition,

observation, profil,

représentation, interaction,

gestion, réinvestissement, projet,

modèle.

Phrase illustrative : « Il

s’agit d’identifier les schémas

de jeu de l’adversaire afin

d’induire un rapport de force

favorable et réduire les

incertitudes ».

Phrase illustrative : « L’objectif

est de construire un jeu autour de la

régularité et la variation des

trajectoires pour déséquilibrer

l’adversaire et terminer le point dans

des zones précises du terrain ».

Phrase illustrative : « Le

développement des ressources

stratégiques passe par l’observation

des adversaires qu’il est possible de

représenter sous la forme de profils de

jeu »

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4.2. Résultats du programme didactique

11 Les données prélevées grâce aux observations de terrain, au sein du programme

didactique, seront présentées selon les axes chronogénétiques et mésogénétiques en

accord avec le cadre théorique et l’objectif de la recherche. Premièrement, l’analyse des

huit séances conduites par le professeur d’EPS fait état d’un projet d’enseignement à

l’échelle d’un cycle que nous pouvons apprécier au travers du découpage chronologique

des OA employés dans les différentes SA. La figure 1, ci-dessous, représente la

répartition des OA pendant le cycle à partir des trois catégories établies par le

chercheur à partir d’un travail antérieur (cf. p. 10-11). Les résultats sont exprimés sous

la forme de pourcentages afin de voir facilement la répartition de chacune des

catégories sur chaque séance.

Figure 1. Répartition des OA sur un cycle de huit séances

S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8

OA Techniques

100 %

75 %

50 %

25 %

OA Tactiques

100 %

75 %

50 %

25 %

OA Stratégiques

100 %

75 %

50 %

25 %

12 Les résultats montrent clairement que l’enseignant opte pour une logique de cycle

basée sur les apprentissages tactiques. Cette entrée tactique prend appui, à partir du

milieu du cycle, sur la mise en place de réflexions stratégiques chez les élèves. Enfin, les

apprentissages techniques sont utilisés en tant que ressources motrices susceptibles de

faire évoluer les projets de jeu tactiques des élèves. En ce sens, la technique ne

constitue qu’un moyen au service des desseins tactiques des joueurs. Sur le plan des

séances, nous pouvons remarquer que le professeur associe systématiquement deux

types d’apprentissage pour structurer les SA. Les associations privilégiées sont de type

tactique – technique et tactique – stratégique. Enfin, nous pouvons noter que les

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séances 5 et 8 présentent la particularité d’associer les trois types d’OA dans les SA. Ces

différentes associations s’opérationnalisent de deux manières différentes : soit il s’agit

d’un enchainement de SA différentes du point de vue des apprentissages (une SA

tactique, puis une SA technique et enfin une SA tactique), soit il s’agit de situations

entremêlant plusieurs OA (une SA stratégique, puis une SA tactique et technique et

enfin une SA stratégique et tactique). Afin d’illustrer ce premier panorama général,

nous présentons dans le tableau IV ci-après, trois SA emblématiques en les situant dans

le cycle. Comme lors des résultats précédents, les SA choisies, qualifiées

d’emblématiques, représentent la majorité des SA utilisées au cours du cycle de

badminton. Ce sont des formes typiques d’organisation des objets de savoir que nous

retrouvons régulièrement dans l’enseignement conduit par le professeur.

Tableau IV. Illustration de trois SA emblématiques d’un cycle de badminton au lycée

Leçon n° 2 Leçon n° 5 Leçon n° 7

OA Tactique : variation des

trajectoires du volant

OA Stratégique : observer le

profil de jeu de l’adversaire

OA Technique : le smash

de coup droit

MO Zones : sur le terrain avec un

adversaire

MO Thèmes : incertitude

temporelle avec un adversaire

MO Zones : élève seul avec

séries de volant à renvoyer

Le terrain est divisé en plusieurs

zones (zones courtes, longues et

latérales) qui rapportent 3 points

si les joueurs placent le volant

dedans ou si leur adversaire est

placé dans la zone et fait une

faute. L’objectif est de faire varier

les trajectoires de volant aux

élèves afin de déséquilibrer leur

adversaire pour finir le point dans

une des zones bonus.

Les joueurs disputent un match en

étant placé dans deux

configurations différentes : un

joueur n’a que trois frappes

maximum pour finir le point et

l’autre n’a pas le droit de smasher.

Les joueurs inversent les rôles à la

moitié du match. L’objectif est

d’identifier le profil de jeu préféré

de l’adversaire (attaquant ou

défenseur/placeur).

Sur une série de 10

volants, les élèves doivent

répéter des smashs en

essayant d’atteindre des

zones placées sur le

terrain adverse. Les zones

sont placées sur les côtés

et l’objectif est de

privilégier le placement

des smashs plutôt que leur

puissance.

13 La première situation, qui s’inscrit dans la leçon n° 2, a pour objectif de développer un

projet de jeu articulé autour de la variation des trajectoires du volant. L’enseignant met

en place cette entrée tactique en début de cycle avant d’aborder d’autres projets de jeu

comme la rupture de l’échange. L’introduction de cet OA tactique relativement tôt dans

le cycle peut s’expliquer par le fait que ce projet de jeu peut être déployé par les élèves

à partir d’un large choix de techniques. En effet, les variations peuvent consister en une

alternance de jeu long et jeu court avec l’utilisation des dégagés et des amortis. Mais

nous pouvons également varier les trajectoires en direction en alternant le jeu à droite

et le jeu à gauche avec l’utilisation des dégagés et des drives. L’avantage du projet

tactique basé sur la variation est qu’il s’adapte à un large panel d’élèves quel que soit

leurs ressources techniques actuelles. La deuxième situation centrée sur un

apprentissage stratégique intervient au niveau de la leçon n° 5, une fois que les élèves

sont parvenus à mettre en place leurs premiers projets tactiques. Cet ajout stratégique

vise avant tout à travailler l’adaptabilité à des adversaires présentant des profils

différents. Enfin la dernière situation, orientée sur un travail technique spécifique,

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intervient en fin de cycle afin d’optimiser les ressources des élèves en lien avec leurs

projets tactiques notamment pour ceux qui se sont orientés vers la rupture de

l’échange. Ces trois SA témoins de la logique chronogénétique identifiée chez un

enseignant en badminton s’appuient sur un aménagement du milieu dont nous

pouvons examiner les évolutions à l’aune de la logique mésogénétique repérée chez ce

professeur d’EPS.

La présentation des résultats selon l’axe mésogénétique s’appuie sur deux types de

données principales (les MO et les mots-clés structurant les discours du professeur)

dont nous tenterons de rendre compte en relation avec les résultats explicités selon

l’axe chronogénétique. Dans un souci de cohérence et afin de respecter les limites

imposées par l’article, nous présentons deux MO caractéristiques des modifications du

milieu utilisées pour apprendre par ce professeur, ces dernières correspondant aux

situations expliquées précédemment aux leçons n° 2 et n° 5. Ces deux MO seront mises

en relation avec les mots-clés structurant les discours de l’enseignant (établis à partir

de l’analyse lexicale du logiciel ALCESTE©) et des exemples de phrases utilisées par le

professeur pour réguler l’activité des élèves. Le tableau V ci-contre rend compte de ces

résultats.

Tableau V. Illustration de deux MO caractéristiques de la logique mésogénétique

Leçon n° 2 Leçon n° 5

OA Tactique : variation des trajectoires du volant

MO Zones : sur le terrain avec un adversaire

OA Stratégique : observer le profil de jeu de

l’adversaire

MO Thèmes : incertitude temporelle avec un

adversaire

Mots-clés : variation, construction, trajectoire,

adversaire, position, profondeur, diagonale, cible,

zone.

Mots-clés : repérer, favorable, réflexion,

profil, schéma, rapport de force, adversaire,

déséquilibre.

Exemples de phrases pour réguler : « Regarde la

position de ton adversaire pour jouer dans une

zone libre » ; « Il faut que tu choisisses une

manière de construire ton point, par exemple avec

les diagonales » ; « Tes trajectoires se ressemblent

trop. Il faut vraiment avoir des trajectoires

différentes pour déstabiliser ton adversaire ».

Exemples de phrases pour réguler : « Quel

est le profil de ton adversaire ? Est-ce qu’il

préfère attaquer ou placer les volants ? » ;

« Quand tu es en position favorable, il faut

tenter de finir le point car tu n’as que 3

frappes en tout » ; « Est-ce que tu as réfléchi à

un schéma de jeu contre lui ? ».

14 Lors de la leçon n° 2, le professeur utilise un aménagement du milieu avec des zones

matérialisées au sol. L’utilisation de cette MO possède une double fonction : d’une part

elle permet aux élèves de progresser vers l’acquisition d’un objet de savoir relatif à la

variation des trajectoires du volant (étant donné que les zones matérialisent des

impacts de volant permettant de différencier les placements de celui-ci), et d’autre part

les zones sont utilisées par l’enseignant pour structurer son discours auprès des élèves

lorsqu’il régule leur rapport avec l’aménagement du milieu. Il utilise également les

zones afin d’introduire des notions clés dans l’apprentissage du badminton comme les

prises d’informations et de décisions. Ces constats sont valables également pour

l’illustration prise dans la leçon n° 5 dans la mesure où le professeur s’appuie sur la

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mise en place d’un thème de jeu jouant sur l’incertitude temporelle (l’élève n’a que

trois frappes maximum pour terminer le point ou alors il n’a pas le droit de smasher)

pour faciliter l’acquisition d’un OA stratégique relatif à l’observation d’un profil de jeu

chez l’adversaire. Cette MO participe aussi à la structuration de son discours de

régulation en centrant l’attention des élèves sur l’adaptation à l’adversaire.

4.3. Comparaison de la lecture anticipatrice et des données

prélevées in situ

15 La comparaison des résultats issus de la lecture anticipatrice avec les données

recueillies lors d’un cycle de badminton fait apparaître de nombreux points de

convergence et quelques différences. Tout d’abord, nous pouvons remarquer des

similitudes dans les principes organisateurs de l’enseignement du badminton dans la

mesure où les deux programmes (épistémologique et didactique) mettent clairement en

avant une entrée tactique et stratégique pour les apprentissages des élèves. Même si le

professeur d’EPS valorise les apprentissages tactiques lors de son cycle, nous pouvons

noter que le choix des OA est légèrement différent par rapport aux données de la

lecture anticipatrice. En effet, alors que les OA tactiques privilégiant la rupture de

l’échange sont prioritaires dans l’analyse épistémologique, nous nous sommes rendus

compte que les résultats prélevés in situ accordaient plus d’importance à la variation

des trajectoires, ceci pouvant s’expliquer par le fait que ce projet tactique est plus

facilement maitrisable d’un point de vue des techniques employées par les élèves. Le

choix des MO fait également apparaître quelques différences avec une utilisation

partagée des thèmes de jeu et des zones pour l’enseignant d’EPS tandis que l’analyse

épistémologique identifiait les thèmes de jeu comme prioritaires. Sur un plan proche de

la logique mésogénétique, des convergences apparaissent nettement surtout dans les

mots-clés structurant les discours de l’enseignant lorsque celui-ci régule l’activité des

élèves. En effet, une très grande majorité des mots-clés utilisés par le professeur sont

communs avec ceux identifiés lors de l’analyse épistémologique pour la construction

des concepts intégrateurs. Sur ce plan, la logique des trois concepts intégrateurs

déduits de l’analyse épistémologique (l’adaptation à l’adversaire, la construction d’un

projet tactique et la formation d’un joueur réfléchi) se retrouve dans les discours

employés par l’enseignant. Son travail de régulation, qui prend appui sur les MO,

s’articule très souvent avec des mots-clés proches de notions comme les prises

d’informations et de décision, la construction de projets de jeu ou encore la capacité

des élèves à s’adapter à des adversaires aux profils différents.

En définitive, nous disposons d’une mise en perspective des programmes

épistémologique et didactique appelant à une discussion au regard des convergences et

des différences pointées précédemment. Discussion à envisager en outre à la lumière de

la part du processus de transposition didactique effectué par l’enseignant d’EPS.

5. Discussion

16 L’analyse des phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton

met en évidence des cohérences entre un programme épistémologique, basé sur un

travail de recherche existant (Roure, 2013), et un programme didactique articulé

autour de l’observation d’un cycle de badminton en EPS. Nous avons retrouvé dans

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l’analyse des processus de chronogénèse et de mésogénèse chez un enseignement

d’EPS, la lecture anticipatrice donnée par l’analyse épistémologique portant sur

l’enseignement du badminton. Les résultats de nos observations, dans le cadre d’une

classe de lycée, ont mis en évidence un enseignement prioritairement centré sur des

apprentissages tactiques et stratégiques mis en œuvre au sein d’environnements

éducatifs variés utilisant des zones et des thèmes de jeu. A ce titre, notre hypothèse de

recherche est validée. Néanmoins, au-delà des nombreuses convergences apparues

entre la lecture anticipatrice et les données prélevées in situ, certaines différences ont

été constatées comme des choix d’objets d’apprentissages spécifiques au professeur

d’EPS. Ces décalages entre le programme épistémologique et le programme didactique

sont tout à fait normaux si l’on en croit les travaux de Schubauer-Leoni & Leutenegger

(2005), et sont à interpréter à la lumière de la part du processus de transposition

didactique effectué par l’enseignant.

En effet, ces décalages sont les témoignages directs des phénomènes transpositifs à

l’œuvre dans l’enseignement du badminton. Ils permettent également de renforcer la

posture de la TACD qui valorise l’analyse ascendante de la transposition didactique

centrée sur l’enseignant. Cette part du processus de transposition didactique, réalisée

par le professeur d’EPS, s’opère selon deux grands axes : 1) la conception du badminton

et le type d’élève à former au travers de la pratique et 2) les caractéristiques des élèves

au regard des différents projets (établissement, EPS et classe). Sur le plan de la

conception de l’activité, les choix déclarés par cet enseignant (en référence à son

histoire personnelle, son expérience et son expertise) mettent en évidence que le

badminton est conçu comme une activité de gestion d’un rapport de force. L’objectif est

de développer la capacité à gérer un affrontement avec un adversaire, c’est-à-dire faire

les bons choix tactiques en fonction de certaines possibilités techniques. Cette

conception du badminton est portée par la volonté de former un joueur réfléchi qui

analyse son contexte de jeu et évalue l’état du rapport de force afin de prendre les

décisions les plus judicieuses pour gagner les échanges. L’enjeu de cette conception

rejoint le sens culturel des sports de raquette tel que décrit par Roure (2013) : « Le sens

culturel des sports de raquette s’axe désormais sur la capacité réflexive des joueurs sur les plans

tactiques et stratégiques pour faire face à des rapports de force différenciés. Les raisons d’agir

des pratiquants correspondent ainsi aux analyses et réflexions menées sur les choix tactiques de

l’adversaire afin de proposer et faire évoluer des projets de jeu en lien avec ses possibilités

techniques » (p. 176). Les différences avec l’analyse anticipatrice apparaissent plus

nettement dans le choix des objets d’apprentissage eu égard aux caractéristiques des

élèves de cette classe de première. Sans rentrer dans les détails de celles-ci, nous

pouvons retenir une hétérogénéité des niveaux de pratique chez les élèves, ce qui est

relativement habituel dans le contexte de l’EPS. Dès lors, le choix de l’enseignant de

valoriser davantage le projet tactique lié à la variation des trajectoires s’explique par le

fait que cette entrée tactique permet de fédérer un grand nombre d’élèves ayant des

niveaux différents. En effet, ce projet de jeu peut s’exprimer avec une grande variété de

techniques (smash, dégagé, amorti, drive) ce qui permet une adaptation aux niveaux

des élèves via le travail de régulation opéré par ce professeur. Par ailleurs, ce travail de

régulation, analysé au travers des mots-clés structurant les discours de l’enseignant, est

en adéquation avec l’analyse épistémologique dans le sens où les notions clés abordées

par le professeur se rapprochent des concepts intégrateurs sous-tendant la

structuration des savoirs scolaires du badminton (s’adapter à l’adversaire, construire

un projet tactique et former un joueur réfléchi).

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Ainsi, la part du processus de transposition didactique effectuée par l’enseignant

s’exprime davantage sur le choix des objets d’apprentissage plutôt que sur leurs mises

en œuvre qui apparaissent similaires aux analyses anticipatrices. Nous pouvons donc

en conclure que les phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du

badminton peuvent être appréhendés au travers de la mise en perspective des

programmes épistémologique et didactique. Nous devons toutefois rester mesurés

quant à notre travail d’investigation. Les résultats de cette recherche ne sont valables

qu’à l’échelle d’une classe de lycée et sont donc à confirmer par de nouveaux travaux

menés dans d’autres niveaux du système éducatif (classes de collège, enseignement

technologique…). Néanmoins, nous pouvons souligner la complémentarité des

programmes épistémologique et didactique, celle-ci ayant été démontrée dans le cadre

de l’enseignement du badminton en EPS. Cette complémentarité met en évidence la

nécessité de croiser les approches théoriques au niveau des travaux scientifiques

centrés sur l’intervention. Il serait intéressant, à cet égard, de conduire des recherches

similaires dans d’autres APSA enseignées en EPS afin d’obtenir des regards différents

sur les phénomènes d’enseignement et d’apprentissage.

6. Conclusion

17 L’analyse des phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton

au lycée a été conduite par une comparaison des données issues d’un travail

épistémologique existant avec des données prélevées lors d’un cycle d’EPS. La

confrontation de ces deux programmes de recherche (épistémologique et didactique),

issus de la théorie de l’action conjointe en didactique, a permis de révéler la

complémentarité de ces approches, confirmant ainsi les propos de Schubauer-Leoni &

Leutenegger (2005). En tant que telles, les analyses épistémologiques portées sur les

objets de savoir, considérées comme des lectures anticipatrices selon Amade-Escot

(2013), s’avèrent très intéressantes pour appréhender l’activité des sujets et leurs

rapports évolutifs aux objets de savoirs révélés au travers des analyses didactiques in

situ. Les résultats avancés dans cette étude participent à la compréhension de la part du

processus de transposition didactique réalisé par l’enseignant. De ce point de vue, nous

avons pu conclure que l’activité de transposition des professeurs s’exerce davantage au

niveau du choix des objets d’apprentissage et de leurs évolutions au fil du cycle en

relation avec deux éléments prioritaires qui sont leur conception de l’activité

badminton et les caractéristiques des élèves composant la classe. Toutefois, l’ensemble

de ces conclusions n’est valable qu’à l’échelle de l’enseignement du badminton dans

une classe de lycée et serait à interroger par d’autres investigations (niveau du collège,

autre profil de classe…). Enfin, l’adéquation relativement élevée entre les analyses

épistémologiques conduites sur des curricula potentiels (publications professionnelles)

et les analyses didactiques menées dans une classe de lycée questionne l’influence de ce

genre de publications sur la préparation des leçons des enseignants. A ce titre, l’analyse

des curricula potentiels pourrait constituer un axe de travail intéressant pour la

formation initiale des professeurs d’EPS. Cette piste gagnerait à être investie davantage,

d’autant plus que certains auteurs considèrent les curricula potentiels comme des «

lectures professionnelles » (Loizon, Margnes et Terrisse, 2008) ou encore une « mémoire

collective » (Lémonie et Robin (2010).

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NOTES

1. La dénomination de ce logiciel, originellement conçu par Max Reinert, correspond à

l’acronyme d’Analyse des Lexèmes Coocurrents dans les Enoncés Simplifiés d’un Texte.

RÉSUMÉS

Partant du courant de recherche basé sur la théorie de l’action conjointe en didactique, l’objectif

de cette étude est d’analyser les phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement en

badminton. Prenant appui sur une analyse épistémologique des savoirs scolaires du badminton

présents dans les curricula potentiels, nous confrontons cette analyse, considérée comme une

lecture anticipatrice (Amade-Escot, 2013), à des données prélevées in situ lors d’un cycle de

badminton sous l’angle des logiques chronogénétiques et mésogénétiques (Sensevy, 2007). Les

résultats montrent une adéquation relative de la lecture anticipatrice avec les observations

réelles qui peut être interprétée comme des décalages existants entre le programme

épistémologique et le programme didactique (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2005). Cette

recherche permet ainsi d’approfondir les connaissances relatives à la part du processus de

transposition didactique effectué par l’enseignant.

On the basis of the joint action theory in didactics (JATD), the aim of the study is to analyse the

didactic transposition that occurred in physical education (PE) in badminton. First, subject

matter knowledge in potential curricula related to badminton in PE has been analysed from an

epistemology perspective (Amade-Escot, 2013). Then, we compare that analysis with data

collected in a real badminton classroom from the point of view of the chronogenese and the

mesogenese (Sensevy, 2007). Results show good adequacy between the epistemology perspective

and the data collected in situ. This study tells us more about the didactic transposition process

done by the physical education teacher.

INDEX

Mots-clés : TACD, épistémologie, éducation physique, transposition didactique, badminton,

curricula potentiels

Keywords : JATD, epistemology, physical education, didactic transposition, badminton, potential

curricula

AUTEUR

CÉDRIC ROURE

UFR Sport et EP de Brest, Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages et la Didactique

(CREAD – EA3875), France

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Approche technologique et formede pratique scolaire du football enmilieu difficile : le modèle du« futsal »Guillaume Dietsch

1 Le football répond, comme tous les autres sports collectifs enseignés, aux objectifs de

l’Education Physique et Sportive (EPS). Pourtant, les vertus éducatives de cette Activité

Physique, Sportive et Artistique (APSA) semblent parfois décriées au regard des

comportements déviants et violents présents dans le football et médiatisés dans la

société. Cary et Bergez (2010), dans une étude ethnographique de deux clubs de football

populaires amateurs en France, relèvent notamment de la part des joueurs un rapport

problématique à la règle, voire un rejet de la norme provenant d’une « défiance

généralisée envers l’ensemble des institutions supposées produire du lien social (école,

association) ».

Les représentations négatives du football dans la société rejaillissent au niveau scolaire,

où le « foot » subit le refus voire l’opprobre des enseignants d’EPS à le programmer et à

l’enseigner. Comme en témoigne le Numéro Spécial sur le « Football » de la revue

Contre-Pied, le football semble indésirable à l’école, « ce qui entraîne une « quasi

disparition du "foot" des programmations d’établissement, des évaluations et examens

nationaux » (Becker, 2014, p. 4). Paradoxalement, l’activité football représente la

première pratique institutionnelle sportive en France.

Les réticences des enseignants d’EPS à proposer l’activité football semblent renforcées

en milieu difficile « citadin » au regard du rapport à l’activité des élèves. En effet, les

élèves de « quartier » vouent un « culte de la performance individuelle » (Lepoutre,

1997). L’auteur relate ainsi le fait que « Dans les sports de rue pratiqués par les adolescents,

que ce soit le football, le basket (…), la réussite se mesure tout autant à la démonstration des

capacités physiques, aux prouesses, aux exploits et aux records de chacun qu’aux points

accumulés ou à la partie gagnée » (Lepoutre, 1997, p. 398). Ainsi, la pratique du football

s’inscrit dans une réalité sociale plus vaste puisqu’elle dépend dans une certaine

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mesure de la manière dont les acteurs perçoivent cette APSA. Le « football de pied

d’immeuble » décrit par Travert (1997) montre la prééminence de l’individu sur le

collectif. Ce type de joueur « perso » (Caillé, 2008) se singularise en réalisant l’exploit et

en effectuant de beaux gestes.

L’impact médiatique du football est fort chez ces jeunes : « le sportif, dont le footballeur est

le représentant le plus médiatisé en Occident, constitue l’un des principaux modèles de réussite

sociale et économique » (Zotian, 2010, p. 4). Ces projections de soi en tant que footballeur

professionnel sont liées au sentiment que l’école n’est pas (ou plus) la voie de

l’ascension sociale (Zotian, 2010). Cette représentation est notamment significative

chez certains garçons qui peuvent rencontrer d’importantes difficultés scolaires.

L’orientation en lycée professionnel, qui est le plus souvent subie et pas réellement

choisie pour nombre d’élèves issus le plus souvent de milieux défavorisés, est perçue

comme une condamnation sociale par anticipation « qui voue au mieux au destin d’ouvrier

et au pire à celui de chômeur » (Beaud, 2003).

Prenant appui sur des « pratiques sociales de référence » (Martinand, 1989),

l’enseignant d’EPS se trouve confronté d’une part, à la question de la référence

culturelle par rapport à la culture sportive et à la diversité des formes de pratique du

football prises dans la société et dans les cités (Mauny & Gibout, 2008). Or, nous

observons actuellement une « transformation de la pratique du football dans les quartiers,

notamment avec l’émergence du futsal » (Beaud & Guimard, 2014, p. 222). Le futsal est né

de la volonté de créer un nouveau sport collectif avec des règles du jeu spécifiques et

adaptées aux missions d’une association de jeunes chrétiens en Uruguay. Il emprunta

pour cela aux règles d’autres sports collectifs déjà codifiés (handball, basket-ball,

water-polo) tout en conservant le but principal du football, de marquer des buts avec

une balle au pied. L'idée originelle n'était pas simplement de jouer au football sur un

plus petit terrain (intérieur ou extérieur), mais bel et bien de créer un nouveau sport

avec ses propres règles beaucoup plus strictes, dans l' « esprit d'éduquer les jeunes adultes,

de les responsabiliser et de les rendre solidaires » (Kievits-Boucher, 2006). Au même

moment, l’utilisation des jeux réduits en football se développe en Europe (Frantz, 1975).

D’autre part, la question de la référence renvoie à une diversité des modalités de

pratique. Nous pouvons ainsi distinguer le « football de rue » et le « football en club »

(Zotian, 2010). La pratique sociale de référence n’est donc plus la même.

Quelle pratique du football l’enseignant d’EPS peut-il alors transposer dans son

contexte d’enseignement, afin de préserver ce qui semble légitime culturellement ?

L’enseignant est amené à faire des choix d’objets d’enseignement culturellement

significatifs de l’APSA pour répondre aux objectifs scolaires. Pour sélectionner ces

objets d’enseignement, il convient de ne pas se focaliser uniquement sur l’APSA en tant

que pratique sociale, mais plutôt de se centrer sur l’activité de l’élève en train de vivre

une expérience sportive originale. Dans le cadre de notre recherche, l’expérience aura

du sens pour l’élève s’il s’intéresse à l’action collective, s’il y voit un intérêt personnel

et enfin si les règles mises en place amènent un aspect positif dans leur pratique. Cette

réflexion doit « aboutir à l’élaboration d’une forme de pratique scolaire permettant de faire

vivre aux élèves une expérience sportive culturellement signifiante » (Mascret & Dhellemmes,

2011, p. 99).

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1. Cadre théorique

2 Dans cette première partie, nous explicitons notre cadre théorique ainsi que nos

questions de recherche. Nous nous inscrivons dans le cadre de l’approche

technologique à visée didactique (Bouthier & Durey, 1994).

1.1. Rapport au savoir et formes de pratique scolaire en football

3 Pour des jeunes issus de milieu difficile où l’école ne joue plus le rôle d’ascenseur social,

la question du sens devient centrale (Dubet & Duru-Bellat, 2000). Pour l’équipe ESCOL

(Education, Scolarisation) et le réseau RESEIDA (Recherches sur la Socialisation,

l’Enseignement, les Inégalités et les Différenciations dans les Apprentissages), elle

permet de mieux comprendre le lien entre le sujet et le savoir. Les auteurs définissent

la notion de rapport au savoir comme « une relation de sens, et donc de valeur, entre un

individu (ou un groupe) et les processus ou produits du savoir » (Charlot, Bautier & Rochex,

1992). Ainsi, l’élève valorise ou dévalorise les savoirs en fonction du sens qu’il leur

attribue, et donc se mobilise ou non pour les apprendre. Il est ainsi couramment admis

que les apprentissages en milieu difficile amènent de la part de l’enseignant d’EPS une

réduction des contenus enseignés ainsi qu’une centration sur les savoir-faire sociaux

(Monnier & Amade-Escot, 2009). Nous pouvons notamment relever une volonté de sur-

ajuster des tâches aux caractéristiques des élèves, des difficultés à les impliquer dans de

réels enjeux de savoir ou d’apprentissage au-delà de la simple effectuation des tâches,

ou encore une baisse des exigences concernant les contenus des programmes visés

(Kherroubi & Rochex, 2004).

Il en est de même concernant leur rapport à la règle et son acceptation. Dans le

« football de rue », les joueurs sont partie prenante de la définition des règles et il est

rare que des phénomènes de violence se produisent (Cary & Bergez, 2010). Or, dans le

« football de club », les mêmes joueurs qui acceptent de se plier à la règle lorsqu’ils ont

eux-mêmes participé à sa définition dans le football improvisé, rejettent violemment la

contrainte extérieure (Cary & Bergez, 2010). Dès lors, il existe un contraste important

entre ces deux modalités de pratique du football. Ainsi, pour Long & Pantaléon (2007),

le type de conscience morale du sport auto-organisé est « autonome et ouvert à la

négociation » alors que dans le sport institutionnel, cette conscience est « disciplinée et

soumise ».

Pour l’enseignant d’EPS, il convient de ne pas négliger les règles constitutives de

l’APSA. En effet, l’apprentissage des règles par les élèves amène l’intériorisation de cinq

types de règles : les règles du jeu donc, mais également les règles institutionnelles,

groupales, d’apprentissage et de sécurité (Méard & Bertone, 1998). L’élève doit pouvoir

se réapproprier les objets d’enseignement retenus par l’enseignant à travers une co-

construction du savoir, telle que préconisée par les nombreux travaux relevant des

approches didactiques comparatistes (Amade-Escot, 2007 ; Schubauer-Leoni, 2008 ;

Sensevy & Mercier, 2007).

L’important est que les évolutions règlementaires apportées en EPS et en football

permettent à l’élève de vivre une réelle expérience de joueur de football, de valoriser

leur pratique. Ainsi les conditions de pratique mises en œuvre par l’enseignant, visent à

favoriser l’efficacité des apprentissages des élèves dans cette APSA. Aussi, « Apprendre

les règles par le jeu permet sans doute un apprentissage plus efficace de celles-ci » (Léziart,

2012).

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En outre, à l’instar de Cary & Bergez (2010), nous pensons que l’arbitre des rencontres

de football se trouve très souvent en « situation de forte vulnérabilité ». Ses décisions sont

systématiquement contestées. Or, dans le cadre de l’EPS et des sports-collectifs

notamment, les rôles sociaux (arbitre, observateur) semblent être utilisés le plus

souvent de manière formelle afin d’ « occuper » tous les élèves, et non dans une

perspective fonctionnelle en associant les rôles sociaux aux apprentissages. Il convient

dès lors de donner les moyens aux élèves d’arbitrer en toute sérénité et de pouvoir

progresser dans leur pratique pour ainsi, former des élèves citoyens et acteurs

« cultivés, lucides, autonomes » (MEN, 2009) et critiques de l’évolution même du

football. Ce regard « critique », cette prise de distance, témoigne d’une intelligence

tactique du jeu. Les travaux en didactique des sports collectifs et plus particulièrement

en football, montrent l’intérêt d’une prise de distance sur l’action, à travers la

construction de « règles d’actions », ce qui a été finalisé par les travaux de recherche

relatifs au « débat d’idées » (Gréhaigne & Godbout, 1998). Le « débat d’idées » permet

d’articuler des temps moteurs, par une observation d’une séquence de jeu, avec des

temps non-moteurs, par une analyse d’une séquence de jeu. L’enjeu est de

conceptualiser l’action pour construire des invariants opératoires et des règles d’action

(Gréhaigne, 1992).

En sport collectif, deux notions se trouvent au cœur de l'analyse du jeu : d'une part,

celle de configuration de jeu, telle qu'elle s'actualise et prend forme dans le rapport de

force en cours, d'autre part, celle de situations potentiellement émergeantes, mais

prédictibles à qui sait « lire » le jeu, et dont les joueurs doivent tirer parti (Gréhaigne,

Caty & Marle, 2004). Ces situations « émergeantes » sont également appelées

« configurations prototypiques » par Gréhaigne (2007) et permettent une analyse

qualitative du jeu en sport collectif. Les enjeux de savoirs associés à la lecture du jeu

renvoient à la compétence propre (« Conduire et maîtriser un affrontement collectif ») et

relèvent non seulement de la dimension tactique (« Pertinence et efficacité de

l’organisation collective ») mais également de l’appropriation des actions collectives

signifiantes (« Organisation créatrice d’incertitudes par combinaisons d’actions de plusieurs

joueurs : circulations de balle, déplacements des joueurs coordonnés, décalages et variation

collective du rythme de jeu »). Selon les préconisations institutionnelles, ces objets de

savoirs s’actualisent aussi dans la compétence méthodologique (« Savoir utiliser

différentes démarches pour apprendre »). Les critères d’évaluation qui en résultent sont

ainsi liés aux configurations collectives (sur laquelle nous nous centrons dans cet

article) et aux conduites motrices individuelles (que nous n’étudions pas dans le cadre

de cet article). Ils concernent l’observation spécifique de la circulation du ballon et des

joueurs (Chateau, 2004) et l’analyse des séquences de jeu amenant à un tir orienté vers

la cible adverse, à partir des indicateurs de jeu collectif suivants : le lieu de la

récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de

l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de

l’EJE) et le choix de jeu adopté (poursuite du jeu par un tir, une conduite de balle, une

passe courte au sol, une passe longue).

L’analyse des configurations de jeu, à partir d’une adaptation des règles du jeu,

constitue un outil d’apprentissage et d’évaluation des progrès des élèves relatif aux

productions d’actions collectives et sociales telles qu’instituées par les programmes de

la discipline.

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1.2. Le choix d’une approche technologique

4 Nous nous inscrivons dans le cadre de l’approche technologique à visée didactique

(Bouthier & Durey, 1994) en prenant appui sur les problèmes de terrain comme objet

central d’étude (Bouthier, 2014). Notre recherche a pour but une transformation des

pratiques d’intervention, et tente d’apporter des pistes de réflexion quant à

l’évaluation des progrès des élèves sur le plan collectif en football.

Nous tenterons de justifier nos choix didactiques par rapport à la pratique sociale de

référence et les modalités d’organisation de cette forme de pratique scolaire afin que

des élèves issus de milieu « difficile » puissent s’approprier les apprentissages

organisationnels, méthodologiques et sociaux (MEN, 2009). Les acquisitions au niveau

des savoirs tactiques et méthodologiques d’une classe de Terminale BAC PRO sont

évaluées en fonction de l’adaptation de la règle des « fautes collectives » propre au

futsal en situation réelle de jeu, et la présence d’élèves co-arbitres. La règle des fautes

collectives en futsal peut entraîner un pénalty (à 9 mètres) si une équipe effectue un

certain nombre de fautes. Par exemple, pour un match de 8 minutes, si l’équipe commet

trois fautes collectives, un pénalty est accordé à l’équipe adverse. Enfin, les

« contestations » verbales des joueurs à l’égard des arbitres et des adversaires sont

comptabilisées et considérées comme une « faute collective ». Nous définissons la

« contestation », comme l’action de contester, de ne pas admettre quelque chose, de

remettre en cause la décision arbitrale.

1.3. Problématique et questions de recherche

5 Face à ces obstacles et aux réticences des enseignants d’EPS à programmer cette

activité, notre étude consiste à proposer et à expérimenter une forme de pratique

scolaire du football significative pour des élèves « garçons » d’un lycée professionnel

situé en Zone Urbaine Sensible (ZUS) : le modèle du « futsal », permettant une

articulation entre configurations de jeu et construction de la règle en EPS. Nous

entendons par « futsal », une forme de pratique scolaire du football, inspirée des règles

spécifiques du futsal, en particulier la règle des fautes collectives, mais pratiquée sur

terrain extérieur.

Partant de cette problématique, des questions de recherche émergent :

Quelle forme de pratique scolaire proposer en football afin de faire vivre aux élèves une

expérience collective signifiante conciliant leur rapport au savoir et des apprentissages

d’actions collectives, méthodologiques et sociaux ?

Considérant que la référence culturelle du futsal et ses règles spécifiques peuvent faire vivre

aux élèves une expérience collective signifiante, quels dispositifs l’enseignant d’EPS peut-il

concevoir et mettre en œuvre dans cette activité sur la durée d’un cycle ?

6 Nous souhaitons ainsi questionner les temporalités propres aux apprentissages des

élèves en relation avec celles relatives aux différents dispositifs : a) l’articulation entre

temps nécessaire à l’intégration des savoirs tactiques (collectifs) ; méthodologiques et

sociaux et de leur mise en œuvre ; b) la répartition des temps consacrés aux situations

d’apprentissage, aux situations de référence et aux débats d’idées, au sein de la leçon et

du cycle.

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2. Méthode

7 Pour élaborer notre dispositif méthodologique, nous respectons les trois phases

caractéristiques de l’approche technologique à visée didactique (Bouthier & Durey,

1994), à savoir : la conception du projet, sa mise en œuvre et son évaluation.

2.1. Phase de conception du projet

8 Cette première phase d’élaboration du projet s’appuie sur les différentes productions

théoriques et pratiques afin que ce projet soit cohérent et faisable.

2.1.1. Une modélisation de l’activité « futsal »

9 La phase de conception du projet repose sur le modèle d’analyse que nous avons choisi

de dénommer « Modélisation futsal » (figure 1).

Figure 1. Modélisation de la forme de pratique scolaire du « futsal »

10 Ce modèle d’analyse du « futsal », schématisé dans la figure 1, tient compte du contexte

d’enseignement, des finalités éducatives, des pratiques sociales de référence et des

travaux en didactique des sports-collectifs.

2.1.2. Contexte de l’étude et participants

11 Le protocole est mis en place dans une classe composée de 18 garçons de Terminale BAC

PRO Électrotechnique, issue d’un Lycée Professionnel industriel situé dans une zone

urbanisée et socialement défavorisée en Seine-Saint-Denis (93).

Les élèves de cette classe peuvent être considérés comme des élèves « difficiles », dans

la mesure où ils présentent d’importantes difficultés scolaires et peuvent être agités et/

ou perturbateurs.

Ils ont tous un vécu dans la pratique du football (scolaire, UNSS, club, loisir). Ils ne

peuvent donc pas être considérés comme des élèves « débutants » dans l’activité. Pour

autant, ils reflètent totalement les caractéristiques culturelles développées

précédemment dans nos propos introductifs : ils sont orientés principalement sur

l’« exploit individuel » en football (Travert, 1997). Ils privilégient systématiquement le

dribble et l’action individuelle plutôt que le jeu collectif.

Le protocole est négocié et discuté avec un enseignant de l’équipe pédagogique d’EPS

suite à un entretien semi-directif destiné à comprendre l’histoire de l’enseignant. A

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l’issue de cette discussion, nous nous sommes mis d’accord sur l’élaboration du cycle de

football, le niveau de classe, le groupe d’élèves pour l’étude de cas, le nombre de

séances et la démarche pédagogique. Le rôle de l’enseignant d’EPS renvoie à la

conception des situations d’apprentissage, de l’animation de la séance et du suivi des

apprentissages des élèves.

2.2. Phase de mise en œuvre du projet : recueil et traitement des

données

12 Cette deuxième phase de mise en œuvre du projet permet d’expérimenter l’étude, et de

tester son efficience.

2.2.1. Le protocole d’étude

13 Le protocole d’étude amène les élèves à vivre un cycle de sept leçons de football,

activité programmée en classe de Terminale dans l’établissement (cycle 3). La première

leçon du cycle (l’évaluation diagnostique) et la dernière leçon (l’évaluation certificative

en leçon 7) ne sont pas retenues dans le cadre du dispositif testé. Au regard des objets

d’enseignement retenus et étudiés par l’enseignant, le projet de cycle est : « Mettre en

œuvre une organisation offensive capable de faire évoluer le rapport de force en sa faveur par

une occupation permanente de l’espace de jeu (écartement et étagement), face à une défense qui

se replie collectivement pour défendre sa cible ou récupérer la balle » (au regard de la

compétence attendue de Niveau 4, MEN, 2009). Cet objectif d’organisation tactique est

articulé à un objectif de type méthodologique et social, relatif à l’association de rôles

sociaux (observateurs, co-arbitres) à une situation réelle de jeu.

Lors des leçons, les élèves seront regroupés en 3 équipes de 6 joueurs. Les équipes,

constituées par l’enseignant d’EPS à partir de la première leçon, sont stables durant le

cycle, homogènes entre elles et hétérogènes en leur sain. La structure de leçon « test »

reste identique au cours du cycle et respecte les étapes suivantes : un échauffement

général et spécifique au football, une situation d’apprentissage en fonction des objets

d’enseignement retenus, puis une situation de référence (Gréhaigne & Cadopi, 1990). La

situation de référence a pour fonction, soit de faire émerger des problèmes, soit de

valider l’appropriation des savoirs tactiques (collectifs) ; méthodologiques et sociaux

par l'élève. Aussi, à l’instar de Deriaz et Hayoz (2012), nous pensons que la situation de

référence doit être aménagée mais authentique, c'est-à-dire respectant les

composantes essentielles de l'activité en confrontant l'élève aux problèmes

fondamentaux posés par l'APSA pratiquée. Cette notion de situation de référence se

différencie de la situation d'apprentissage car elle se focalise plutôt sur l'existence ou

non de comportements et non pas sur l'émergence et la construction d'une ou plusieurs

règles d'actions en relation avec les pouvoirs moteurs correspondants (Deriaz & Hayoz,

2012).

La situation de référence articule différents temps :

Le premier temps concerne une situation réelle de jeu (8 minutes), dont les règles sont celles

du football avec intégration de la règle des fautes collectives issue du futsal (pénalty à la

troisième faute collective ou faute cumulée par équipe). Deux équipes s’affrontent en 6c6 sur

un terrain de 60x45m, alors que la troisième occupe les rôles sociaux suivants de co-arbitres

(deux co-arbitres), d’assistants à la table de marque (chronomètre, score et fautes

a.

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collectives) et d’observateurs (un élève observe les deux co-arbitres et un élève observe les

contestations des deux équipes).

Le deuxième temps consiste à effectuer un débat d’idées (deux minutes maximum) à l’issue

de chaque séquence de jeu. Les trois équipes se regroupent par « collectif ».

Le troisième temps réunit les trois « collectifs » autour de l’enseignant afin que chaque

collectif puisse débattre et faire part de ses idées au « collectif de la classe » (deux minutes

maximum).

Le quatrième temps permet d’envisager un bilan des interventions de chacun au sein de la

classe (une minute maximum). L’enseignant d’EPS effectue un bilan des interventions de

chacun afin de synthétiser les idées et d’orienter les apprentissages.

2.2.2. Le recueil des données audio et vidéo

14 L’entretien semi-directif effectué avec l’enseignant d’EPS, d’une durée de 45 minutes,

porte sur son parcours d’enseignant, sur ses expériences et sa conception de l’activité

football, sur l’organisation prévisionnelle du cycle et enfin, sur sa gestion des élèves et

des apprentissages. Le projet est mis en œuvre par un enseignant de l’équipe

pédagogique d’EPS autour d’un contrat de recherche positionnant clairement celui-ci

comme le seul responsable de l’ensemble du cycle. Ce contrat a été proposé par le

chercheur et négocié avec l’enseignant. Le rôle de l’enseignant est dès lors

prépondérant dans la mise en œuvre du projet et relève de l’élaboration des situations

d’apprentissage, de l’animation de la séance et du guidage des apprentissages des

élèves.

En outre, les données recueillies reposent sur l’analyse des séquences de jeu

(Gréhaigne, Billard & Laroche, 1999), à partir d’un enregistrement filmé. La vidéo,

cadrée en plan moyen en fonction du déplacement et de l’action des joueurs et des

arbitres, suit les déplacements du ballon, l’intervention des arbitres et les réactions des

joueurs des deux équipes. Ces séquences peuvent être définies comme les échanges de

balles entre les joueurs depuis l’entrée en possession du ballon et jusqu’à sa perte par

l’équipe (Gréhaigne, Caty & Marle, 2004). Ces séquences de jeu permettent d'obtenir des

informations importantes comme le nombre d'échanges de balles réussis à l'intérieur

de chaque séquence ainsi que le temps de possession durant une séquence avant une

interruption du jeu. Ce dernier est très souvent lié au niveau de l’opposition. En effet,

plus la séquence de jeu est longue, plus l’équipe démontre qu’elle est capable de gérer

différents paramètres du jeu, notamment le jeu adverse en enchaînant différentes

unités tactiques.

Toutefois, étant donné que nous ne disposons pas de la direction du jeu et de la position

des joueurs, il nous manque deux paramètres importants du jeu. Aussi, il convient

d’analyser plus spécifiquement la circulation du ballon et des joueurs (Chateau, 2004). A

partir de la notion de phase mère du jeu, définie comme « le lieu d’apparition des

déséquilibres à l’origine des attaques, le lieu où l’affrontement pour la récupération du ballon est

le plus courant » (Gréhaigne, 2007, p. 93), la méthodologie adoptée consiste avec l’aide de

la vidéo à sélectionner et à analyser les séquences de jeu amenant à un tir orienté vers

la cible adverse.

Notre analyse s'est effectuée à partir d’une observation croisée de trois critères : le lieu

de la récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de

l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de

l’EJE) et le choix de jeu adopté (poursuite du jeu par un tir, une conduite de balle, une

passe courte au sol, une passe longue). Cette étude des configurations de jeu amenant à

b.

c.

d.

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un tir, devrait nous conduire à identifier des « situations prototypiques », dans le sens

où elles représentent un modèle original, archétype d’un modèle qui se reproduit

(Gréhaigne, 2007, p. 93). Elle permet d’identifier les conduites motrices collectives à

travers l’identification d’indicateurs de jeu collectif.

Enfin, le recueil des données repose sur l’analyse des débats d’idées, en phases 2, 3 et 4,

enregistrés et filmés. Toutefois, nous choisissons de nous focaliser uniquement sur

l’analyse des configurations de jeu. Nous ne développerons pas l’analyse des débats

d’idées dans cet article.

2.2.3. Le traitement des données

15 Le contenu de l’entretien semi-directif effectué avec l’enseignant d’EPS est analysé

(Bardin, 1977) puis interprété. Nous regrouperons le contenu et les paroles de

l’enseignant en quatre thématiques, afin de prendre en compte les éléments qui nous

semblent pertinents pour notre étude. En référence aux fondements de l’approche

didactique (Brousseau, 1986), nous chercherons à renseigner les trois instances du

« système didactique » : les élèves, le professeur et le savoir. Au regard de notre étude,

nous rajouterons une quatrième thématique : la conception de l’activité football.

Le traitement des données issues des séquences de jeu a pour objectif de comparer

l’évolution du nombre de fautes collectives, des contestations des joueurs avec

l’observation de l’arbitrage. Concernant l’observation des arbitres, nous prenons en

compte les critères relatifs aux déplacements, à l’autorité et à la présence, aux gestes et

aux explications.

Tableau I. Analyse des séquences de jeu en phase 1 du dispositif

16 Les séquences de jeu analysées visent à identifier l’évolution de la « dynamique du jeu »

(Gréhaigne, 2007) sur le plan tactique, en attaque et en défense, en fonction de l’objectif

de leçon, l’existence de configurations momentanées du jeu se reproduisant durant ces

séquences, l’efficacité collective en attaque (nombre de buts) et corrélativement

l’efficacité collective en défense (nombre de buts encaissés).

Ainsi, l’analyse et l’identification de configurations de jeu amenant à un tir s’effectuent

à partir d’une observation croisée de trois critères (cf. tableau I) : le lieu de la

récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de

l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de

l’EJE) et le choix de jeu adopté après la récupération du ballon (poursuite du jeu par un

tir, une conduite de balle, une passe courte au sol, une passe longue).

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3. Résultats

17 Nous présentons la phase d’évaluation du projet en débutant par les résultats

concernant l’analyse des séquences du jeu, puis ceux issus des indicateurs

méthodologiques et sociaux.

3.1. L’analyse des séquences de jeu

18 L’analyse des séquences de jeu renvoie au premier temps de la situation de référence.

Les données chiffrées sont utilisées comme des indicateurs quantitatifs permettant, par

l’articulation avec les indicateurs qualitatifs, d’analyser les configurations de jeu et

d’approcher au plus près des pratiques des élèves. Les données quantitatives

permettent de donner un ordre d’idée des conduites des élèves que les données

qualitatives éclairent.

3.1.1. Les données chiffrées relatives aux évènements du jeu

19 La figure 2 illustre le temps moyen de possession (durée de la séquence) et le nombre

moyen d’échanges de balles réussis à l’intérieur de chaque séquence, définie comme les

échanges de balles entre les joueurs depuis l'entrée en possession du ballon et jusqu'à

sa perte par l'équipe. Le temps moyen de possession est compris entre 7 et 10 secondes,

tandis que le nombre moyen d’échanges réussis est compris entre 2 et 3. Comme révélé

par la figure 2, cette durée et ce nombre d’échanges sont relativement constants au

cours du cycle, mais présentent tout de même une légère augmentation en leçon 4 (10

secondes de temps moyen de possession de balle).

A ce titre, l’objectif de la leçon 4 était de « S’organiser collectivement en attaque en occupant

tout l’espace de jeu face à une défense placée ». L’objectif collectif était ainsi axé sur la

conservation du ballon et peut expliquer le temps moyen de possession plus

conséquent et le nombre d’échanges réussis. En outre, selon Gréhaigne, Billard et

Laroche (1999), « plus la séquence de jeu est longue plus l’équipe prouve qu’elle est à même de

gérer différents paramètres du jeu, et en particulier le jeu adverse en enchaînant diverses unités

tactiques ». Nous pouvons notamment prendre l’exemple de l’équipe C qui a un temps

moyen de possession de 12 secondes. Ce temps moyen de possession est supérieur aux

autres équipes A et B et se concrétise également par une efficacité collective en attaque,

eu égard aux deux victoires de l’équipe C lors de cette leçon (2-1 contre l’équipe A et 2-0

contre l’équipe B).

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Figure 2. Evolution du temps moyen de possession et du nombre moyen d’échanges réussis parséquence de jeu analysée au cours du cycle (moyenne pour l’ensemble des équipes)

3.1.2. L’efficacité collective en attaque et en défense

20 Comme illustré par la figure 3, les courbes et les évolutions du nombre moyen de tirs et

du nombre moyen de buts subissent la même irrégularité en fonction des leçons du

cycle.

Figure 3. Evolution du nombre moyen de tirs et du nombre moyen de buts marqués au cours ducycle (moyenne pour l’ensemble des équipes)

21 Les résultats montrent un nombre important de tirs et de buts marqués en leçon 2 (9

tirs et 3 buts marqués), 4 (6 tirs et 3 buts marqués) et 6 (5 tirs et 2 buts marqués) et

témoignent d’une certaine « efficacité collective en attaque ». Ils peuvent être corrélés

aux objectifs des leçons 2, 4 et 6, centrés sur des contenus et des apprentissages

« offensifs », sur des aspects de l’organisation collective en attaque. A contrario, les

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leçons 3 et 5 présentent des résultats et une « efficacité collective en attaque » plus

relative (4 et 5 tirs pour 1 but marqué en moyenne). Ces leçons sont centrées sur des

objectifs « défensifs », dont l’organisation collective en défense et attestent de la même

manière d’une relative « efficacité collective en défense. Toutefois, le nombre moyen de

tirs au but présente une évolution décroissante durant le cycle (9 tirs en leçon 2 et 5 tirs

en leçon 6). Cette diminution atteste d’un rééquilibrage du rapport de force et des

organisations collectives des équipes, en attaque et en défense. Il semblerait donc qu’il

soit plus facile de progresser en défense qu’en attaque. De plus, les objets

d’enseignement retenus par l’enseignant peuvent expliquer cette relation entre objectif

de leçon et efficacité collective. A titre d’exemple, le choix de l’enseignant de se centrer

sur « S’organiser en défense de zone et conserver le bloc défensif : près et loin du but » en leçon

5, amène les élèves à se centrer sur la protection de leur but et donc sur l’efficacité

collective en défense (1 but marqué en moyenne).

3.1.3. Les configurations du jeu

22 Le tableau II relève le nombre de configurations de jeu amenant à un tir à partir de

l’analyse vidéo de 70 séquences de jeu sélectionnées au cours du cycle. Comme révélé

par le tableau III, sur les 70 séquences de jeu retenues, cinq configurations apparaissent

et se sont reproduites plus fréquemment au cours du cycle.

Tableau II. Comptabilisation des configurations de jeu amenant à un tir

23 La récupération haute en avant de l'EJE suivie d’une conduite de balle par le joueur est

apparue 7 fois (soit 10 % des configurations de jeu identifiées). Cette configuration peut

être la conséquence d’un pressing des attaquants ayant la volonté de progresser

rapidement vers la cible adverse, ce qui correspond à l’objet d’enseignement retenu par

l’enseignant en leçon 2.

La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le

joueur s’est reproduite 9 fois (soit 13 % des configurations de jeu identifiées). Cette

configuration est le plus souvent la conséquence d’un pressing des défenseurs.

L’objectif est alors de « s’organiser collectivement en défense et maintenir l’écart entre les

lignes » (objet d’enseignement de la leçon 3).

La récupération médiane à la périphérie de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le

joueur a été observée 6 fois (soit 9 % des configurations de jeu identifiées). Cette autre

configuration survient le plus souvent à la suite d’une perte de balle d’un défenseur.

Cette récupération à la périphérie du jeu semble liée à la volonté de l’équipe de «

contourner et déséquilibrer » la défense adverse (objet d’enseignement de la leçon 6).

La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le

joueur s’est présentée 7 fois (soit 10 % des configurations de jeu identifiées). Cette

configuration peut s’expliquer par la difficulté pour l’attaque à progresser vers la cible

face à une défense regroupée dans l’axe (objet d’enseignement de la leçon 3).

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La récupération basse en arrière de l’EJE suivie d’une conduite de balle par le joueur a

été identifiée 6 fois (soit 9 % des configurations de jeu identifiées). Cette configuration

est la conséquence de la difficulté de l'attaque à pénétrer dans le dispositif défensif

avec une récupération basse à l'arrière de l'espace de jeu effectif puis jeu de transition

en déviation. Cette récupération basse témoigne d’une « organisation en bloc défensif près

de son propre but », objet d’enseignement retenu par l’enseignant en leçon 5. Cette

récupération basse semble renforcée par la limitation des fautes qui est une règle

empruntée au futsal, ce qui amène les élèves à adapter leur intervention défensive sans

faire de faute.

Le tableau III nous permet d’identifier cinq configurations prototypiques, dans le sens

où elles représentent un modèle qui se reproduit au cours du cycle.

Tableau III. Identification de cinq configurations prototypiques à partir de la sélection et del’analyse vidéo de 70 séquences de jeu amenant à un tir, durant le cycle

3.2. Les indicateurs méthodologiques et sociaux

24 Nous présentons les résultats concernant les indicateurs méthodologiques et sociaux,

qui s’articulent avec les données précédentes relatives à l’analyse des séquences de jeu.

3.2.1. Les données relatives aux fautes collectives et aux contestations

25 Comme révélé par la figure 4, les résultats montrent une diminution importante du

nombre de contestations des joueurs au cours du cycle (6 en moyenne en leçon 2 et 1 en

moyenne en leçon 6). Parallèlement, le nombre de fautes collectives par séquence de

jeu diminue également sensiblement durant le cycle (3 en leçon 2 et 1 en leçon 6).

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Figure 4. Evolution du nombre moyen de fautes collectives et du nombre moyen de contestationsdes joueurs au cours du cycle (moyenne pour l’ensemble des équipes)

3.2.2. L’observation des co-arbitres

26 A partir de la fiche d’observation des deux élèves co-arbitres lors des séquences de jeu,

les élèves observateurs ont évalué les arbitres à partir de critères d’observation relatifs

aux « déplacements », à « l’autorité et la présence », ainsi qu’aux « gestes et aux

explications ». Majoritairement, au début du cycle, les élèves ont observé des arbitres

« assez loin de l’action », se déplaçant pour certains mais sans anticiper l’action à venir.

Ils ont pu observer des arbitres « hésitant dans leurs prises de décision », subissant les

« contestations » des joueurs. Cette hésitation lors des premières leçons peut

s’expliquer par une méconnaissance pour certains du règlement et un « manque

d’explication et de communication » des arbitres avec les joueurs. En fin de cycle, les

élèves observateurs ont relevé des arbitres bien plus « mobiles », « sifflant plus » et

« aidant les joueurs par leurs gestes ». Cette évolution positive des élèves dans le rôle

de co-arbitre s’explique également par une diminution significative des contestations

des joueurs (cf. figure 4). Ainsi, les contestations des décisions de l’arbitre (« Les arbitres

ne sifflent pas trop les fautes ») et de sa connaissance du règlement (« J’ai vu plusieurs mains

et l’arbitre n’a pas sifflé »), ont diminué sensiblement au profit d’un nombre de fautes

collectives limitées et relatif à des fautes de jeu (contact ou tacle par exemple).

4. Discussion

27 Notre ambition était d’étudier l’impact d’une forme de pratique scolaire du football

dérivée du futsal sur l’activité d’élèves issus de milieu difficile et sur leurs

apprentissages relatifs aux productions d’actions collectives (savoirs tactiques) ainsi

que méthodologiques et sociales. La discussion des résultats vise à mettre en évidence

un certain nombre de connaissances utiles à la décision dans un acte d’enseignement

(Bouthier & Durey, 1994).

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4.1. La relation entre objectif de leçon et efficacité collective

28 Nos résultats mettent en perspective l’intérêt de centrer les objectifs de leçon sur un

aspect offensif ou un aspect défensif d’un point de vue de l’organisation collective. En

effet, l’analyse de l’efficacité collective des équipes montre que le nombre de tirs et de

buts marqués est plus important pour une leçon centrée sur un objectif « offensif » ; et

de la même manière le nombre de buts encaissés est faible lors de leçons axées sur des

objectifs « défensifs ». Nos résultats ne nous permettent pas de prouver avec certitude

que ce sont les objectifs de leçon et les objets d’enseignement travaillés qui ont

entraîné cette corrélation, mais nous pensons que cette tendance peut toutefois être

envisagée. Partant de cette interprétation, notre étude permet de mettre en avant un

« réinvestissement » des savoirs tactiques collectifs par les élèves lors de la situation de

référence. Les résultats de l’entretien ante réalisé avec l’enseignant semblent confirmer

cette tendance, puisque selon l’enseignant il convient d’axer le projet de cycle sur « la

dimension collective et l’aspect tactique ». En outre, les données issues de l’analyse des

débats d’idées nous permettent également de rendre compte de ce réinvestissement

des apprentissages résultant des échanges entre les élèves.

Néanmoins, notre approche présente certaines limites au regard de l’adaptation

nécessaire des systèmes de jeu par rapport à l’adversaire. En effet, le rééquilibrage du

rapport de forces attaque/défense et donc de l’efficacité collective en attaque et en

défense, opéré en leçon 6, témoigne d’une certaine application et non d’une adaptation

des configurations de jeu. Avec Caty, Meunier et Gréhaigne (2007), nous pensons qu’il

convient de concevoir l’organisation du jeu comme une totalité, ce qui revient à penser

l’attaque et la défense ensemble et dans le même instant. Les prescriptions

institutionnelles en matière d’évaluation de l’efficacité collective de l’activité football

au Baccalauréat Professionnel (MEN, 2009) vont également dans ce sens puisqu’elles

préconisent d’envisager à chaque leçon, de manière systémique et imbriquée,

l’organisation collective du jeu en attaque et en défense.

4.2. Les configurations prototypiques au service de l’analyse du jeu

29 Nos résultats nous ont permis d’identifier cinq configurations prototypiques à partir de

l’analyse qualitative du jeu en sport collectif concernant 70 séquences de jeu amenant à

un tir. Notre étude confirme les résultats observés par Gréhaigne (2007) reposant sur

l’étude de 98 séquences de jeu. Toutefois, des disparités ont été observées et peuvent

s’expliquer par la différence de niveau des élèves dans l’activité football. En effet, nos

élèves ne sont pas « débutants » dans l’activité, puisqu’ils ont tous un vécu dans la

pratique du football (scolaire, UNSS, club, loisir). De plus, notre étude se centre sur une

pratique inspirée de la règle du jeu du futsal : les fautes collectives.

Certaines configurations de jeu identifiées nous permettent de caractériser le niveau de

nos élèves à l’interface entre le Niveau 3 et le Niveau 4 de la Compétence attendue

(MEN, 2009). Ainsi, « La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au

sol par le joueur » ou « La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte au

sol par le joueur », témoignent d’une configuration de jeu initiale quand l'espace de jeu

effectif s'est stabilisé dans le demi-terrain offensif. Ces configurations peuvent être la

conséquence de la difficulté de l'attaque à pénétrer dans le dispositif défensif avec une

récupération basse ou médiane, au milieu ou à l'arrière de l'espace de jeu effectif, puis

un jeu de transition en déviation sous forme de passes courtes au sol, puis tir au but. Le

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temps de possession augmente, même si en jeu nos résultats montrent que le nombre

d’échanges réussis dépasse rarement deux ou trois échanges.

L’identification de ces configurations prototypiques permet d’évaluer un niveau de

compétence attendue et qualifier les transformations des actions collectives des élèves

telles qu’elles sont identifiées à travers les configurations collectives de jeu sur la

temporalité d’un cycle. Ainsi, la configuration de jeu observée en début de cycle (leçon

2) : « La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le joueur »,

correspond à un niveau 3 de compétence en cours d’acquisition : une « organisation

offensive simple, fondée sur l’action individuelle du porteur de balle, début d’échanges entre

deux partenaires dans l’axe du but, pour accéder à l’espace de marque ». En fin de cycle (leçon 5),

la configuration de jeu : « La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte

au sol par le joueur » répond à un niveau 4 de compétence attendue : une « organisation

offensive liée à des enchaînements d’actions privilégiant l’utilisation alternative des couloirs

latéraux et du couloir central. Echanges qui créent le déséquilibre ». L’évolution des

configurations de jeu identifiées, analysées et donc d’un niveau de compétence

attendue, atteste de transformations du niveau de jeu collectif des élèves au cours du

cycle. Aussi, ces résultats peuvent apporter une aide aux pratiques des enseignants,

notamment dans l’optique d’évaluer l’efficacité collective des élèves en football.

Après ce travail d'identification et de sélection de situations prototypiques, se pose

maintenant le problème de leur utilisation par les élèves. Aussi, nous postulons que

l’utilisation de l’outil vidéo en sport collectif est susceptible de favoriser leur

réutilisation en situation de jeu (Berchebru, Meunier & Gréhaigne, 2009). Partant de

cette idée, une étude future pourrait se centrer sur le visionnage par les élèves des

configurations de jeu choisies avec pour objectif de viser une adaptation des

organisations collectives retenues en fonction du rapport de force adverse. Cette future

étude consisterait à un prolongement du débat d’idées qui intégrerait l’utilisation

d’outils vidéo, ce qui renvoie à l’acquisition de compétences scolaires.

4.3. L’impact des règles du jeu sur les productions d’actions

collectives, sur les apprentissages méthodologiques et sociaux

30 Les résultats observés montrent que l’instauration de la règle des fautes collectives a

entraîné une diminution sensible des contestations des joueurs lors des séquences de

jeu. De plus, cette construction collective de la réponse par rapport au rôle d’arbitre, a

permis d’observer une amélioration certaine de l’occupation des rôles sociaux,

contribuant ainsi à de réels apprentissages au niveau méthodologique : au niveau de

leurs déplacements, de leur autorité et de leur présence, et de leur communication avec

les joueurs. Nous pouvons également faire l’hypothèse d’une influence directe de

l’instauration de la règle des fautes collectives sur les apprentissages moteurs des

élèves au niveau de la fluidité du jeu en attaque et au niveau de l’intervention du

défenseur. En effet, l’enseignant s’est focalisé sur cet objet d’apprentissage au cours du

cycle. De plus, selon les résultats de l’entretien ante effectué avec l’enseignant, la

relation professeur/élève doit être basée « sur un code commun sur le règlement du jeu,

pour éviter tout conflit et toute frustration de l’élève ».

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4.4. L’enseignement du football en milieu difficile : le modèle du

« futsal » en EPS

31 L’ambition de notre travail était d’actualiser une forme de pratique scolaire du football

adaptée à notre public, des élèves « difficiles ». Nous pensons à cet égard que le modèle

du « futsal », tant dans l’adaptation des règles du jeu que dans l’alternance de temps de

pratique et de temps de débat d’idées, permet de prendre en compte le rapport au sens

construit par des élèves issus de milieu difficile. En effet, la valorisation du collectif, la

limitation des fautes et des contestations, l’implication des élèves dans les rôles

sociaux, la co-construction des savoirs moteurs collectifs, méthodologiques et sociaux,

ou encore l’usage de l’outil vidéo sont autant d’arguments en faveur de cette forme de

pratique scolaire en EPS.

Enfin, il convient de rester attentif au contexte culturel et social de l’élève, puisque «

faire vivre une expérience culturellement signifiante aux élèves en EPS est une ambition

complexe, car quoi qu’il en soit la seule mise en référence culturelle effectuée par l’enseignant

n’est pas garante du sens que les élèves vont donner à leur pratique » (Mascret, 2009).

L’enseignant joue ainsi le rôle de « guide » et non de « prescripteur » de l’activité de

l’élève. Aussi, dans la perspective de la théorie de l’action conjointe en didactique

(Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2005 ; Sensevy & Mercier, 2007), les élèves et

l’enseignant co-construisent une référence commune, elle-même articulée aux pré-

construits socio-culturels.

Dans le cadre de notre forme de pratique scolaire, l’expérience aura du sens pour

l’élève s’il s’intéresse à l’action collective, s’il y voit un intérêt personnel, si les élèves

sentent qu’ils dépendent les uns des autres et adoptent des comportements qui le

permettent, et enfin si les règles mises en place amènent une plus value dans leur

pratique. L’important est que les évolutions règlementaires apportées en EPS et en

football amènent l’élève à vivre une réelle expérience de joueur de football, et que les

conditions de pratique, mises en œuvre par l’enseignant, lui permettent de devenir plus

efficace dans cette APSA.

5. Conclusion

32 L’objectif de notre étude était de présenter ses apports et son impact du point de vue de

sa « visée transformative » (Schwartz, 1997). Elle décrit l’apport pour les élèves et pour

l’enseignant ayant participé à cette étude. Pour des élèves difficiles, une co-

construction des savoirs et une réflexion collective à travers des débats d’idées,

permettent de produire des actions collectives signifiantes, des apprentissages

méthodologiques et sociaux dans un sport collectif comme le football. A cet égard,

l’instauration de la règle des fautes collectives et l’observation des contestations des

joueurs peuvent faciliter l’implication de l’élève dans le rôle d’arbitre, mais également

les acquisitions motrices de type collectif ou individuel dans le jeu. L’action motrice

d’un élève qui maîtrise ses déplacements et son engagement dans l’action de

reconquête de balle en est un exemple. Les résultats de notre étude peuvent amener à

une réflexion sur la formalisation de savoirs « pour » et « par » l’arbitre ou

l’observateur à travers l’intégration des rôles sociaux (arbitres, observateurs) dans la

pratique. L’enjeu réel de l’élève observateur et de l’élève arbitre n’est pas tant

d’occuper les élèves de manière formelle, mais bel et bien de les impliquer dans

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l’analyse des réponses en jeu afin de faire de ce moment un temps d’apprentissage

authentique.

L’identification de configurations prototypiques nous permet d’analyser la qualité du

jeu des élèves et ainsi caractériser leurs progrès et leur niveau de compétence.

Parallèlement, la prise en compte de l’efficacité collective en attaque et en défense

permet d’envisager l’utilisation et le réinvestissement d’objectifs de leçon centrés sur

les aspects défensifs ou offensifs.

Nos résultats peuvent également influencer l’intervention de l’enseignant d’EPS lors de

l’élaboration d’une forme de pratique scolaire, en sport collectif notamment. Ainsi,

l’implication de l’élève dans les tâches d’arbitre ou d’observateur nécessite de la part de

l’enseignant la recherche de sens, notamment pour des élèves issus de milieux

difficiles, puisque « le sens n’est pas un objet que l’on enseigne, mais un rapport que le sujet

construit » (Rochex, 1996).

Toutefois, notre recherche présente certaines limites. En effet, nos résultats, centrés

sur des élèves d’une classe et d’un cycle de football donnés, ne nous permettent pas de

certifier certains éléments apportés par notre étude, notamment eu égard au

réinvestissement d’objectifs « offensifs » ou « défensifs » en fonction de la leçon

étudiée. Ces limites nous amènent à penser que l’utilisation de configurations de jeu

par les élèves doit être pensée comme une totalité et ainsi, l’enseignant doit préconiser

dans une même leçon des objectifs sur le plan offensif et défensif (Caty, Meunier &

Gréhaigne, 2007). Il convient enfin de nuancer la généralisation des résultats à

l’ensemble des élèves issus de milieux difficiles au regard du contexte de cette étude,

qui concerne une classe de Terminale BAC PRO, dont les élèves ont pour perspective

proche le baccalauréat, ce qui atteste d’une certaine réussite de leur parcours. Pour

autant, en mettant la focale sur la production d’actions collectives organisées des

élèves dans la mise en œuvre d’une forme de pratique scolaire, l’analyse de

configurations de jeu renseigne les manières dont ils peuvent atteindre un niveau de

compétence et viser de réels apprentissages. Plus largement, en intégrant les

dimensions motrices et méthodologiques des programmes d’EPS, la forme de pratique

scolaire du « futsal » peut contribuer à la mise en place d’une approche plus positive du

football en EPS tout en respectant le rapport au sens construit par des élèves difficiles.

Finalement, notre étude mériterait d’être prolongée et ainsi élargie à plusieurs classes,

sur plusieurs cycles afin de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses de recherche et les

résultats présentés, analysés et discutés dans le cadre de cet article.

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RÉSUMÉS

L’objet de cet article est de présenter et d’analyser l’élaboration d’une forme de pratique scolaire

du football en Education Physique et Sportive (EPS) inspirée de l’activité futsal et prenant en

compte le rapport au sens construit par des élèves issus de milieu difficile. Notre étude concerne

une classe de Terminale Baccalauréat Professionnel d’un lycée professionnel situé en « Zone

Urbaine Sensible ». La méthodologie reprend les trois phases caractéristiques de l’approche

technologique à visée didactique (Bouthier & Durey, 1994) : l’élaboration du projet, sa mise en

œuvre et son évaluation. Elle prend appui sur des problématiques de terrain comme objet central

d’étude (Bouthier, 2014). Notre recherche se centre sur l’identification et l’analyse de

configurations de jeu, afin de qualifier les productions d’actions collectives des élèves et

permettre une construction positive de la règle en EPS. Les résultats montrent que la co-

construction des savoirs est au cœur des transformations réelles et durables de ces élèves sur le

plan de l’investissement et des apprentissages au niveau tactique et méthodologique.

The aim of our research is to present and to analyze the elaboration of a type of school practice

for soccer in PE (Physical Education). It is inspired by the activity futsal and considers the

building of meaning of pupils from a difficult background. Our study concerns a final year of a

professional high school situated in "Sensitive Urban Zone". The methodology resumes three

properties of technological approach with a didactic aim: the project elaboration, its

implementation and evaluation (Bouthier & Durey, 1994). It is based on professionnal issues as

main aim (Bouthier, 2014). Our research speaks about identification and analysis of game

configurations, to qualify pupils collective motor acquisition and enable a positive rule

construction in PE. The results show the co-construction of knowledge turns out to be

fundamental to lead real and long-lasting transformations of these pupils in their investment as

well as in their learnings which can be both fundamental and methodological.

INDEX

Mots-clés : approche technologique, rapport au savoir, rapport à la règle, forme de pratique

scolaire, football, configuration de jeu

Keywords : technological approach, relation of knowledge, relation of rule, type of school

practice, soccer, game configuration

AUTEUR

GUILLAUME DIETSCH

Professeur Agrégé d’EPS – Lycée Professionnel Aristide Briand Le Blanc-Mesnil. Doctorant au

LIRTES (EA7313), Université Paris-Est, France

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Effet du débat d’idées surl’apprentissage du hand-ball chezles débutantes : cas des jeunestunisiennesZeineb Zerai

1 Un des acquis de la recherche en didactique des sports collectifs à l’école est que si

l’apprentissage d’un jeu ne peut se concevoir sans une pratique réelle, il nécessite aussi

une prise de distance avec l’immédiateté de cette pratique (Zerai, 2009). L’enjeu du

sport collectif est de conceptualiser l’action pour construire des invariants opératoires

et/ou des règles d’action (Vergnaud, Halbwachs, & Rouchier, 1978 ; Gréhaigne, 1989,

1992). Ainsi on n’apprend pas seulement en jouant ou en répétant des gestes

techniques. Pour parvenir à des généralisations et à la construction d’un sens du jeu

dans les sports, il est nécessaire d’analyser ce qui s’est passé après la séquence de jeu.

Ce travail de recherche vise à produire des connaissances et des outils utiles pour

l’enseignement des sports collectifs à l’école. Les études technologiques sur

l’intervention dans les activités physiques sportives et artistiques s’intéressent à des

questions de terrain en les soumettant à une approche scientifique susceptible de les

éclairer. Elles se définissent comme des études portant sur les conditions de

transmission et/ou appropriation des techniques corporelles (Mauss, 1950). Elles

servent les objectifs suivants : accroître les connaissances sur l’intervention, contribuer

à la constitution de savoirs sur la formalisation et la transformation des techniques,

favoriser l’optimisation des procédures d’entraînement, de formation et

d’enseignement (Mouchet, Amans-Passaga, & Gréhaigne, 2011).

À partir de ces éléments, nous avons décidé de nous intéresser à l’apport des débat

d’idées en prenant comme support un cycle de handball avec des filles d’une classe de

deuxième (second en France) du lycée d’Ibn Charaf à Thala en Tunisie. L’analyse des

aspects décisionnels (débat d’idées et prise de décision en jeu) en tant que facteur

d’efficacité dans l’apprentissage en éducation physique et d’amélioration de la

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performance en situation d’opposition constitue un sujet d’actualité correspondant à

une demande sociale.

1. Le contexte

2 Pour les filles en Tunisie, le sport représente la santé, la silhouette, les loisirs

(Bedhioufi, 2010). Il ne s’agit en aucun cas de compétition, de confrontation et de

travail dans un groupe et pour le groupe. Nos observations personnelles nous portent à

croire que les filles préfèrent toujours être certaines de ce qui va se passer, connaître

les résultats avant même de commencer. Les pratiques incertaines leur font peur et

donc, elles choisissent de se retirer plutôt que de participer et découvrir le jeu. Les

jeunes filles tunisiennes s’intéressent principalement au sport lorsqu’il s’agit d’un sport

individuel tel que la gymnastique ou encore la course et les sauts. Engagées dans la

pratique d’un sport collectif qu’elles conçoivent comme masculin, leur intérêt décroit

rapidement (Zerai, 2011). Les joueuses semblent considérer que les sports collectifs

présentent une certaine violence, un contact éventuellement rude avec l’autre, une

responsabilité au sein d’un groupe difficile à assumer et la nécessité de respecter des

règles qu’elles maîtrisent très mal.

Souvent, les enseignants d’EPS soulignent la passivité des jeunes participantes dans les

jeux d’opposition, leur maladresse dans l’exécution des gestes et insistent sur leur

inertie lors du jeu et même leur fuite de la confrontation. Les lycéennes s’écartent pour

laisser passer l’attaquant et/ou encore parfois tournent le dos au jeu. Elles auraient été

peur ! Les enseignants décrivent aussi des joueuses « accompagnatrices » qui courent

parallèlement à l’attaquante mais également des élèves qui se recroquevillent dans une

attitude de protection. Elles se convainquent ainsi très vite de leur médiocrité et ceci

bien souvent sous les reproches, voire les moqueries, des garçons.

Il nous semble dès lors fondamental de réinscrire les filles dans une activité réelle de

confrontation où les rapports d’opposition sont premiers. Ainsi, les situations

proposées devront permettre d’explorer et d’utiliser avec pertinence des formes, des

techniques, des choix efficaces pour elles, sans se contenter de reproduire

systématiquement les savoir-faire des joueurs garçons. Prendre en compte comment

leurs représentations, leurs ressources dans des situations où l’affrontement et la

réussite se construiront à partir du jeu constitue une piste prometteuse. La

reconnaissance des espaces, des intervalles, la lecture du jeu et l’anticipation des choix

sont sans doute d’autres éléments à explorer. Ce travail consiste à identifier le type de

relations existant entre les éléments qui interagissent lors des prises de décision dans

l’action, en se centrant notamment sur l’organisation fonctionnelle de l’activité de la

joueuse et sa logique propre qui n’est pas forcément uniquement rationnelle.

Nous espérons ainsi obtenir des éléments sur l’apprentissage et les représentations des

joueuses. Il semble important de veiller à ce que la phase d'interprétation des données

soit construite et validée du point de vue méthodologique et théorique pour que les

conclusions soient réellement utilisables. A cette condition, ce type de travail peut

répondre aux enjeux actuels de l'éducation et apporter des outils efficaces et des

réponses pertinentes à tous les acteurs éducatifs.

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2. Apprentissage et sport collectif

3 L’apprentissage des sports collectifs par leur dimension tactique permet de prendre en

compte la dimension cognitive du jeu dès le début de la formation. Par cet

apprentissage, l’apprenant face à une situation problème se trouve capable d’exécuter

sa réflexion et de dégager quelques règles de ses actions pour finir par élaborer des

savoirs constitués.

2.1. Apprentissage et configuration du jeu

4 En sport collectif, les comportements des joueurs s'inscrivent et s'insèrent dans des

configurations du jeu illustrant un rapport d'opposition momentané (Gréhaigne, 2007 ;

Zerai, 2011).

« Au sens le plus général, une configuration est composée d'une liste ou d'un schéma donnant la

nature et les caractéristiques principales de l’ensemble des éléments d’un système (p. 169) »

(Gréhaigne, Caty, & Marle, 2004). Après quelques (trois) matchs, il semble que l’étude et

l’analyse par les élèves des configurations de jeu posant problème facilitent les

solutions en jeu et leurs apprentissages. En dévoilant certains éléments tactiques du

jeu, le débat d’idées aide la joueuse à produire une réponse plus rapide face à des

configurations connues. Cela permet, à terme, la stabilisation en mémoire d’images

opératives. (Gréhaigne, 2011 ; Ochanine, 1978). Une situation de jeu en sport collectif

est complexe. En effet, la dynamique du jeu peut être traitée et interprétée de

différentes manières selon les expériences précédentes et les connaissances antérieures

des participants. Il faut toutefois essayer de choisir l’interprétation la plus pertinente

et la plus simple selon les caractéristiques du jeu et des joueuses à ce moment précis du

jeu. Ce processus est continu pour tous les joueurs au cours du match. De plus, l’activité

constructive peut se prolonger bien au-delà de la fin de l’action. C’est précisément la

raison pour laquelle l’analyse par l’élève de sa propre activité et de celle des autres

après l’action, autrement dit l’analyse réflexive et rétrospective, est un remarquable

instrument d’apprentissage.

La pratique d’un sport collectif requiert des qualités d’observation en relation avec une

représentation de l'espace et du temps et des relations physiques [les positions des

joueuses et leurs relations de vitesse] sous-tendue par la représentation de l'espace des

relations sémantiques [les faits qui ont du sens pour les joueuses] (Chang, Wallian, &

Nachon, 2006) ; Gréhaigne, 2011). La construction de ces représentations permet à la

joueuse de comprendre la situation de jeu et de prendre des décisions appropriées afin

de déjouer les adversaires ou d’aider ses coéquipières.

2.2. Le débat d’idées

5 L’interaction entre les élèves au sein du groupe entre les sections de jeu est donc

nommée débat d’idées. C’est une « situation dans laquelle les élèves explicitent (grâce à

la verbalisation) et échangent des idées à propos des faits, en se fondant sur

l’observation ou l’expérience personnelle. Le débat peut concerner les résultats obtenus

durant l’action, le processus impliqué, et ainsi de suite » (Gréhaigne & Godbout, 1998b,

p. 114). Dans le débat d’idées, en plus de l’interdépendance, il existe une interaction

verbale qui est privilégiée entre les membres d’un même groupe. Pour accomplir une

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tâche bien déterminée, les apprenants présentent tour à tour leurs idées, analysent les

situations de jeu, formulent des hypothèses et proposent des réponses pour aboutir à

une décision finale collective sous forme d’actions en projet. Selon Adams et Hamm

(1990, p. 41), « une interaction verbale est valable lorsque la discussion du groupe

favorise l’effort d’attention dirigée et le développement des habiletés à sélectionner, à

rappeler, à analyser, à intégrer et à évaluer l’information ».

3. Méthodologie

6 Nous avons voulu connaître, à partir d’un questionnaire, les différents points de vue

des filles concernant le handball et les effets qu’ont eu l’observation et le débat d’idées

sur leurs compétences et la construction de leurs connaissances.

Le cycle de travail présenté ici comporte onze leçons : huit-séances d’apprentissage et

trois séances où le match occupe une place centrale. Un débat d’idées de trois minutes a

eu lieu après chaque situation de jeu (15 minutes) et ce dès la première séance

d’apprentissage. L’enseignant pose la première question « que s’est-il passé ? » et le

reste du débat - se déroule entre les joueuses sans aucune intervention de l’enseignant.

Plus précisément, afin de vérifier l’utilité de ces débats, un questionnaire, composé

d’une partie générale et d’une autre spécifique (Zerai, 2011), a été utilisé afin de vérifier

l’utilité de ces débats dans l’apprentissage des jeunes filles. La première partie du

questionnaire est consacrée au recueil de données qualitatives. La deuxième partie a

porté sur des données davantage quantitatives.

Dans cette étude, nous présentons les résultats de la première partie qualitative.

3.1. Echantillon

7 La population est constituée de deux groupes de filles tunisiennes. Chaque groupe est

composé de dix filles (5 joueuses et 5 observatrices). Le groupe A (10 joueuses) a été

soumis à la modalité d’apprentissage technique classique (situation d’apprentissage +

consigne) et n’a pas répondu à la partie concernant les observations du jeu. Le groupe B

(10 élèves) a été soumis à une approche fondée sur le jeu et l’utilisation systématique

du débat d’idées. Les filles ont répondu à la majorité des questions puisque les joueuses

ont observé le jeu et débattu ensemble ». Nous avons organisé deux équipes de 5

joueuses dans chaque groupe afin de constituer les équipes qui vont s’affronter.

Pendant que deux équipes s’affrontaient, les deux autres étaient chargées de tâches

d’observation pour lesquelles les filles ont été entrainées pendant une durée de deux

semaines avant le début du cycle de travail (Zerai, 2011) ».

3.2. Le questionnaire et la prévision d’analyse

8 Le questionnaire présenté aux apprenantes est formé d’une majorité de questions

ouvertes. Pour pouvoir analyser les données qualitatives extraites des réponses, nous

avons utilisé comme moyen méthodologique l’analyse de contenu. Dans la définition

classique donnée par Bardin (1977), l'analyse de contenu est « un ensemble de techniques

d'analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de

description du contenu des énoncés, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant

l'inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables

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inférées) de ces énoncés » (p. 43). Cette méthode permet de rendre les données recueillies

plus lisibles, compréhensibles et capables d’apporter des informations sur la

dynamique d’un texte. L’analyse de contenu peut aussi mettre en relief la nature des

relations existant entre les joueuses ainsi que la confirmation des hypothèses

concernant ces relations.

Pour la réalisation de notre travail, nous avons procédé par un repérage des idées

significatives et les avons rangées dans différentes catégories afin d’obtenir un modèle

pratique pour le traitement de ces données. Ainsi, les énoncés des joueuses sont codés

de manière à ce que le lecteur puisse déduire sans difficulté le contenu de chaque item.

Au cours de cette analyse, nous avons remarqué que des idées ont été formulées

plusieurs fois dans des contextes variés de discours. Nous avons ainsi regroupé tous ces

fragments de réponses dans les mêmes catégories thématiques. Celles-ci ont été

obtenues en tentant de repérer les unités sémantiques qui constituent l'univers

discursif de l’énoncé. Dans ces conditions, il s'agit de produire une reformulation du

contenu de l’énoncé sous une forme condensée et formelle. Pour réaliser cette tâche, on

procède en deux étapes : le repérage des idées significatives et leur catégorisation.

Ainsi, par la catégorisation, nous obtenons une modalité pratique pour le traitement

des données brutes. Cette méthode a pour but de dégager les éléments sémantiques

fondamentaux en les regroupant à l'intérieur des catégories. Les thèmes sont des unités

sémantiques de base, c’est-à-dire qu'ils sont indifférents aux jugements ou aux

composants affectifs. Les éléments sont classés dans des catégories thématiques

formalisables dans des affirmations simples, explicites et exclusives les unes des autres.

Dans notre démarche de recherche, nous avons pris en considération le fait que les

énoncés ne sont pas des entités isolées, des phénomènes en soi, mais qu’ils évoluent

dans un contexte distinct de celui du jeu. En d’autres termes, pour cette partie de

travail nous avons commencé par organiser le contenu des représentations en des

catégories cohérentes afin d’identifier quels sont les traits communs des idées qui

partagent ces logiques. Ensuite, nous avons fait un retour au contenu des réponses pour

chercher les éléments qui expliquent symboliquement ces différences d’orientation. Il

n’y a pratiquement pas eu de difficultés pour affecter les occurrences lors de l’analyse

de contenu, car les réponses des filles étaient claires, précises et, la plupart du temps,

sans nuances et peu équivoques.

4. Résultats

9 Nous allons, maintenant, présenter les résultats dans l’ordre des questions et

caractériser les réponses au questionnaire du groupe B.

Tableau I. Réponses des élèves du groupe B

Qu’as-tu appris sur l’activité handball ? Items retenus

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Il s’agit d’une activité collective qui demande beaucoup de planification

et d’organisation individuelle et collective.

Règlement et organisation du jeu.

J’ai appris qu’il s’agissait d’une activité qui demande un travail collectif,

une organisation, mais aussi elle nous a donné le plaisir de jouer.

C’est une activité qui se joue collectivement et non pas un jeu individuel.

Un jeu qui se joue en groupe et il n’y a pas de jeu individuel.

L’organisation de l’équipe et du jeu.

Organisation

collective

C’est une activité qui demande beaucoup d’efforts.

Qu’elle est composée de deux parties : défense et attaque. Et que toutes

les deux sont importantes.

Un nouveau jeu qui a son propre règlement et sa manière de jeu

différente des autres jeux.

Une activé différente des autres sports collectifs.

Organisation du jeu

Dis ce que tu as bien aimé dans les séances Items retenus

La confrontation avec l’adversaire tout en sachant qu’il y a quelqu’un qui

me soutient. On forme ensemble un groupe donc on est toutes

responsables de réaliser notre but commun.

J’ai bien aimé l’ambiance dans laquelle nous avons appris cette activité.

Durant les séances, nous nous sommes entraidés à bien jouer, la

collectivité et la façon de traiter le jeu (analyse et discussion). Je peux

confirmer que c’est la première fois et c’est nouveau pour moi : j’ai

jamais été un élément responsable et efficace dans un groupe. A cause de

ces séances d’entraînement je le suis.

Organisation

collective

Le règlement du jeu ainsi que son organisation.

L’organisation des situations d’apprentissage (sous forme de jeux).

La méthode avec laquelle on a appris les différentes techniques : passe

réception (sous forme de jeux).

Planification du jeu

Ce travail collectif qui nous a amenées à gagner la majorité de nos

matchs.

L’organisation du groupe et des situations d’apprentissage ainsi que

l’esprit avec lequel on joue.

La nouvelle forme d’organisation des situations d’apprentissage.

Analyse du jeu

Qu’est-ce qui est important en handball pour gagner ? Items retenus

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En plus de la condition physique et la préparation psychologique, c’est

d’appliquer les consignes et surtout de suivre une stratégie collective, de

respecter les rôles au sein du groupe et d’éviter les solutions

individuelles.

La tactique de jeu, il faut une stratégie avant de commencer.

Application des règles du jeu et suivre une stratégie commune. Mais le

plus important c’est de travailler au sein d’un groupe.

Maîtriser la technique de jeu (passe, réception…) et suivre une stratégie

bien déterminée. Respecter les règles du jeu et maîtriser les techniques

de jeu ainsi que suivre une stratégie tout en prenant en considération

qu’il s’agit d’un sport collectif où toute l’équipe doit participer afin de

réaliser le but commun.

Planification du jeu

Organisation de l’attaque et de la défense.

L'élaboration d'une stratégie de jeu avant de commencer.

Se coordonner avec les partenaires.

Jouer comme étant un seul joueur.

Travailler en groupe en respectant les rôles et les capacités.

Organisation

collective

Qu’est-ce que tu crois avoir bien fait dans ce cycle de handball ? Items retenus

J’ai bien participé en attaque et en défense. J’ai intercepté la balle, j’ai

marqué les attaquantes et j’ai marqué des buts.

J’ai aidé mes partenaires à gagner. J’ai participé en attaque et en défense.

J’ai bougé sur tout le terrain et j’ai perturbé l’adversaire.

J’ai essayé d’aider mes partenaires à réaliser notre but.

J’ai appris le rôle de la gardienne et je l’ai bien aimé.

J’ai bien participé à la défense (mieux qu’en attaque).

Marquer des buts et défendre avec mes amies.

Apprendre le règlement du jeu et l’appliquer correctement.

Ajouter un plus pour mon équipe.

Organisation

collective

J’ai bien défendu notre but.

J’ai bien participé à l’attaque et j’ai marqué des buts.

Participation aux

différentes phases

du jeu

Qu’est-ce que tu as moins bien fait ? Items retenus

Le marquage des adversaires.

Quelques fautes de règlement.

Je n’ai pas bien suivi les adversaires.

Perte de temps.

Mes tirs ne sont pas tous réussis.

Accepter quelques buts.

J’ai raté des occasions de tirs.

J’ai raté quelques occasions de tirs.

Aspects technico-

tactique

Les périodes de concertation avant ou entre les matchs t’ont-elles

aidée ? Dis pourquoi.Items retenus

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Bien sûr. Lorsqu’on est sur le terrain on ne peut pas tout contrôler donc

la discussion entre les matchs et même après nous a aidées à avoir une

idée sur tout ce qui passe lors du match.

Absolument j’ai appris l’existence d’autres points de vue qui nous a

beaucoup aidées à avancer dans le jeu.

Oui. A chaque fois quand le jeu reprend je remarque une amélioration au

niveau du jeu que ce soit sur le plan individuel ou collectif.

Oui du fait qu’à chaque fois on revoit les fautes commises et on

réorganise le jeu d’une manière différente que la précédente. Prendre

conscience des fautes commises, avoir une idée sur tout ce qui se passe

lors du jeu et qu’on ne peut pas le voir lorsqu’on joue.

Compréhension du

jeu

Oui, ces périodes sont consacrées à la discussion des différents points de

vue, chacun essaye de présenter sa propre interprétation.

Bien sûr, suite à ces périodes, j’ai remarqué une diminution des fautes,

plus de concentration sur le jeu ; déplacement, placement, adversaire…

Oui, j’ai pu savoir ce qui se passe durant tout le match.

Oui, parce qu’elle m’a facilité la compréhension du jeu.

A partir des discussions on a pu déterminer les différents points de vue.

Analyse du jeu

Que t’ont-elles appris ? Items retenus

Être compréhensive et accepter les autres opinions.

Importance de la discussion au sein du groupe pour l’amélioration de

l’apprentissage.

Organisation

collective

L’importance et le rôle de l’observation et de l’interprétation du jeu

entre les joueuses, ce qui facilite l’apprentissage de ce genre de sport.

Le travail collectif facilite l’apprentissage surtout lorsqu’il s’agit d’une

nouvelle activité.

Une meilleure compréhension du jeu, de son organisation et

l’importance de la discussion.

Compréhension du

jeu

La discussion permet une meilleure compréhension du jeu.

Ne pas commettre les mêmes fautes, de pouvoir dépasser les obstacles

rencontrés brusquement.

Pour réussir un jeu collectif il faut travailler en groupe. Il n’y a pas place

pour le travail individuel.

Collectivement on apprend mieux qu’un individu seul. Le savoir se

construit à partir des expériences individuelles et des expériences des

autres.

Seule on ne peut pas tout gérer car on ne peut pas tout observer. Le fait de

discuter nous a beaucoup aidées dans notre connaissance et nos savoirs.

Analyse du jeu

Les observations

Qu’ont–elles apporté sur le plan collectif ?Items retenus

Une meilleure compréhension et planification du jeu.

Une meilleure organisation du jeu.

Une meilleure appréciation du jeu. Confrontation des idées et

élaboration d’une solution collective.

Compréhension du

jeu

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Accentuer la motivation en plus de la rectification des fautes.

Déterminer la stratégie de l’adversaire et essayer de soustraire les points

forts et les points faibles de ce groupe.

Ensemble on organise mieux le jeu, la répartition des rôles des joueuses

dans le groupe.

Planification et

Organisation du jeu

Une complémentarité entre les filles du même groupe.

Participation de toute l’équipe au jeu, une participation efficace et

productive.

Travailler en groupe c’est s’aider l’une l’autre.

L’effet de travail en groupe sur l’apprentissage.

Organisation

collective

Qu’ont–elles apporté sur le plan individuel ? Items retenus

La responsabilité et la confiance en moi.

La responsabilité au sein du groupe est une responsabilité commune.

Le fait d’être un membre du groupe n’ignore pas le statut individuel.

L’expérience individuelle est une partie intégrante de l’expérience

collective.

L’importance de chaque membre dans l’équipe.

Il faut mieux discuter avec l’autre pour mieux apprendre et comprendre.

Seule on ne peut pas gérer une tâche réservée au groupe.

Le groupe n’est pas une juxtaposition des individus mais c’est un travail

de collaboration.

Organisation

collective

Mieux maîtriser quelques techniques comme la passe longue. Mieux

défendre le but.

Aspects technico-

tactique

10 L’analyse des réponses présentées dans le tableau I montre un accord encore plus

important à la fin qu’au début de l’apprentissage, des joueuses concernant l’importance

du travail collectif. La responsabilité de chaque membre est engagée pour maintenir la

cohésion et la cohérence du fonctionnement du groupe. Pour ces filles, la

compréhension, l’analyse et l’interprétation des phénomènes qui surviennent lors du

jeu seraient primordiales pour la planification des stratégies pour la rencontre à venir

et pour maintenir la cohésion du groupe. La majorité des filles du groupe B insiste sur

l’utilité de l’observation et du débat d’idées entre les séquences de jeu pour apporter

des corrections collectives, puis individuelles.

5. Discussion à partir des résultats des questionnaires

11 L’idée de proposer un débat d’idées entre les séquences du jeu en handball suscite

seulement un doute dans l’esprit de quelques élèves. En pratiquant cette méthode

d’apprentissage, les filles ont pu se construire des idées claires sur ce qui est nécessaire

d’apprendre pour réaliser leurs tâches dans l’équipe. En effet, il existe plusieurs

réponses ou attitudes distinctes chez la joueuse, qui peuvent constituer une réponse

adaptative satisfaisante, en face d'une même configuration du jeu (Gréhaigne, Billard &

Laroche, 1999). D’où l’intérêt d’étudier les réponses des élèves à la suite des débats

d’idées pour décrire l’évolution de la pensée tactique des joueuses. Pour cette analyse

nous proposons que les "connaissances en action" reposent sur la construction de

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connaissances partagées, le débat d’idées et la communication, la compréhension de

l’acte tactique ainsi que la prise de décision.

5.1. Construction de connaissances partagées

12 Les résultats de notre étude et notre interprétation des réponses des élèves montrent

que ces derniers s’engagent dans les tâches collectives d’apprentissage d’une manière

variée et relativement indéterminée en fonction des différentes interactions. Dans un

premier temps, les filles n’ont aucun plan de jeu pré-établi. Cependant, les joueuses

font aussi apparaître des formes spécifiques d’activités collectives qui témoignent de

phénomènes qui caractérisent une communauté de pratique en cours d’élaboration par

un engagement mutuel autour de normes et de valeurs communément admises. Nos

observations de l’évolution des discussions de groupe au cours des trois séances

montrent en effet que cette activité collective se construit de façon hypothétique entre

les élèves. La légitimité des actions est sans cesse renégociée ; l’équilibre du groupe est

toujours menacé en raison des dynamiques distinctes des apprenants (Zerai &

Gréhaigne, 2014). L’exemple de la « négociation de stratégies » permet même de

pointer une forme de construction « conflictuelle » de connaissances au niveau des

sports collectifs, questionnant la réalité d’un engagement mutuel et des connaissances

partagées entre élèves. Ainsi, les filles du groupe expérimental semblent davantage

construire que celles du groupe témoin, à un niveau collectif, des « îlots de cohérence

locale » (Durand, Saury & Sève, 2006, p. 65) se concrétisant par les actions qu’elles

défendent et les connaissances qu’elles construisent et partagent de façon plus ou

moins étendue au sein du groupe. Pour le questionnaire, en répondant à la question sur

les observations, « Qu’ont-elles apporté sur le plan collectif ? », des joueuses affirment

par exemple : « Le sport collectif est une complémentarité entre les filles d’un même groupe » ;

« La participation de toute l’équipe est une participation efficace et productive » ; « Travailler en

groupe c’est s’aider l’une l’autre ».

Les résultats font apparaître qu’une performance collective, par exemple l’application

adéquate de règles du jeu par les joueuses, peut reposer à la fois sur un partage inégal

de connaissances entre les élèves et sur des phénomènes d’ajustements. Ces derniers ne

mettent pas en jeu l’apprentissage des règles elles-mêmes, mais plutôt un

apprentissage du degré de confiance qu’il est possible d’accorder aux compétences de

ses partenaires. Cependant la construction et le partage de la connaissance montrent

que les filles ne construisent pas les mêmes idées. Quelques-unes mobilisent et / ou

construisent des connaissances relatives aux règles du jeu, alors que d’autres

construisent des connaissances relatives aux compétences de leurs partenaires dans la

maîtrise de ces règles.

Ainsi, dans des situations de coopération, les joueuses accordent souvent leur confiance

à leurs partenaires pour prendre en charge des responsabilités. Néanmoins, elles

exercent une plus ou moins grande surveillance des membres du groupe. Elles peuvent

parfois tenter d’influencer les choix de leurs partenaires lorsqu’elles mettent en doute

la pertinence de leurs interprétations et des actions dans la situation. Ces tentatives

d’influence sont plus ou moins dissimulées selon les normes collectives du domaine

d’intervention considéré, le statut des différentes joueuses et leur position dans le «

réseau de compétences » (Gréhaigne et al. 1999) et la connaissance distribuée dans

l’intelligence collective (Cicourel, 1994 ; Grosjean & Lacoste, 1999). L’apprentissage

évolue donc à travers les interactions collaboratives. Pour Durand et collaborateurs.

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(2006, p. 73), « les interactions au sein des communautés de pratiques constituent un

compagnonnage cognitif : chacun pratique et aussi aide et évalue les autres membres ». Ceci

permet, de surcroît, une plus grande participation des élèves à leurs propres

apprentissages (Ensergueix, Lafont & Cicero, 2006).

5.2. Débats d’idées et communication

13 Le débat d’idées est considéré pour l’apprenant comme un moyen de découvrir ses

véritables compétences afin qu’il s’investisse réellement dans son apprentissage et soit

l’artisan de son propre savoir (Lesnes, 1977). Une progression dans les apprentissages

aura lieu lorsque l’enseignant aura fait de la classe un lieu actif d’écoute, de doute, de

tâtonnement, de questionnement, de découverte, d’échange, de partage et de

mutualisation. Dans le cadre de cette étude, l’apprentissage est un acte social qui

nécessite la mobilisation de toutes les attentions. En ce qui concerne l’apprentissage en

sport collectif, on ne peut pas ignorer que les apprentissages croisent le langage et

l’action. Cela permet aussi à l ‘apprenant de développer ses compétences transversales,

ce qui donne naissance à un apprentissage utile, efficace et réutilisable. Il s’agit donc de

donner aux filles des occasions pour apprendre à résoudre des problèmes, à réussir, à

construire un cheminement cognitif personnalisé et à s’évaluer. La valorisation du

langage aide les élèves à développer une conscience de la logique cachée dans le jeu

afin de les aider à ce qu’ils construire des significations de l’action. Cette organisation

propose des conditions qui s’avèrent prometteuses et porteuses pour aider des élèves

en difficulté face à des situations qui leur semblent rébarbatives.

A la lumière de cette étude, l’apprentissage n’a de sens et ne s’inscrit dans une logique

d’efficacité que s’il répond aux critères suivants :

mettre l’apprenant dans des situations de communication avec ses partenaires ;

développer chez lui des compétences communicationnelles ;

lui donner constamment la parole pour parler de lui, de son milieu, de ses interaction de

valoriser ses productions et ses performances en optant pour une auto et co-évaluation ;

lui permettre de se distancier par rapport à ce qu’il fait, pour développer des stratégies

personnalisées : sens critique, curiosité, questionnement, remise en question, reformulation.

5.3. La compréhension de l’acte tactique

14 La compréhension de l’action tactique (Gréhaigne & Godbout, 1998 b ; Malho, 1969) et la

réflexion consciente à propos de la tâche sont deux éléments importants du processus

de la prise de décision. Les étapes de la compréhension de l’action tactique peuvent

ainsi être caractérisées (Bunker & Thorpe, 1982) :

La forme de jeu ou le traitement didactique de l’activité en proposant des jeux réduits ;

L’appréciation en jeu ou la compréhension des règles, des contraintes spatio-temporelles et

du but à atteindre ;

La prise de conscience des aspects tactiques et des principes d’action communs ;

La prise de décision avec une différenciation entre le « quoi faire ? » et le « comment

faire ? » ;

L’effectuation ou la production motrice en rapport avec la situation et les compétences

motrices du joueur ;

L’évaluation de la prestation en jeu, permettant une classification des joueurs selon la

pertinence des réponses et l’efficacité de l’action des compétences motrices.

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15 Ces caractéristiques soulignent la priorité accordée à la compréhension et à

l’apprentissage tactique par rapport à des joueuses qui découvraient les sports

collectifs.

5.4. La décision

16 L’intégration de la communication au cours d’apprentissages, plus précisément le débat

d’idées, produit une ingénierie complexe et remet en question l’ensemble de la

construction d’informations. Ce débat conduit à une prise de décision concernant le

problème rencontré. Cette décision représente l’ultime étape d’un processus cognitif.

Vedel (1990, p. 76) définit la prise de décision comme « savoir réagir à un signal donné ;

être capable d’anticiper ; s’organiser ; faire le bon choix. Au niveau moteur, faire preuve d’action

spontanée et efficace dans les gestes ».

En sport collectif, les séquences de jeu nécessitent une adaptation collective au rapport

d’opposition. Ceci demande, de la part des élèves de considérer deux éléments

importants lors de la prise de décision :

la compatibilité et la pertinence des contributions individuelles de chaque joueur ;

les coordinations temporelles en vue de l’efficacité des actions motrices.

17 Au cours de cette phase, les filles prennent en considération les facteurs déterminants

du jeu et décident d’appliquer les consignes et surtout de suivre une stratégie

collective, de respecter les rôles au sein du groupe et d’éviter les solutions

individuelles. En d’autres termes, les stratégies peuvent s’établir ou s’actualiser

pendant les arrêts de jeu ou lors de débats d’idées. Durant cette étape, les apprenants

envisagent le rapport de forces, les moments pertinents pour réagir, les phases de jeu

et aussi les ressources de l’équipe. Parce que les sports collectifs sont caractérisés par

une interactivité continue, porteuse d’incertitude, les filles sont constamment amenées

à prendre des décisions visant la régulation et l’adaptation aux configurations

mouvantes du jeu. En fonction des différentes phases du jeu, les élèves ont posé des

questions, relevé des indices pour construire de l’information, proposé différentes

réponses aux problèmes rencontrés et sont confrontés à la multiplicité des réponses.

C’est en quelque sorte un moment d’utilisation et / ou d’émergence des connaissances

et des compétences. Ce stade de décision permet de prendre une décision globale, de

concevoir la logique et l’orientation générale de la réponse à apporter à la situation

analysée précédemment. Il consiste en une sélection parmi les divers comportements

possibles pour ne retenir que celui qui paraît le plus adapté et fonctionnellement le

plus efficace au problème à résoudre.

6. Conclusion

18 L’utilisation du débat d’idées par les joueuses est sans doute une source importante de

leur progrès. C’est par les interactions langagières avec l’environnement social et sous

des formes variées que les filles ont été en mesure de structurer leurs pensées. Aussi, le

langage va donner du sens au jeu et créer des liens dans une construction-transmission

des savoirs en les invitant à expliciter les situations d’apprentissage ainsi que toutes les

stratégies utilisées ou utilisables. Au cours du cycle d’apprentissage, les joueuses qui

ont bénéficié d’un débat d’idées ont su pointer leurs réussites et leurs faiblesses,

échangé avec leurs pairs sur des actions en projet qui se sont révélées efficientes ou

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non. Elles ont pu également développer des compétences langagières non seulement

dans le domaine de la communication, mais aussi du point de vue de l’évocation en plus

des compétences purement didactiques et méthodologiques (cf. programme EPS

tunisien).

Notre étude confirme les résultats de la littérature concernant la double fonction

pragmatique de la communication : une fonction de communication externe utilisée

pour faciliter la compréhension des tâches à travers les échanges verbaux entre les

membres du groupe et une fonction de communication « interne à l’individu » lui

permettant d’intérioriser les caractéristiques de la tâche. Cette communication

langagière est un agir pratique, relationnel, réflexif. Il existe donc plusieurs opérations

dans le même acte de langage : évaluer, réconforter, orienter, formuler une question

nouvelle, étayer et ponctuer, s’adresser à un partenaire et à l’ensemble du groupe tout

en tentant d’y prendre sa place. Dans la même unité didactique de quelques minutes,

les joueuses doivent gérer les tâches, (ré) évaluer l’avancée du travail (par exemple,

l’utilité de la stratégie déjà planifiée) et les relations entre elles. Il s'agit donc de mettre

les compétences d'analyse et d'intervention acquises au service des apprentissages en

relation avec les tâches à réaliser afin que celles-ci interviennent dans le cadre général

du jeu (prise collective de décisions, recherche collective de solutions, interactions dans

les projets de l’équipe).

Ce modèle didactique est celui qui propose une approximation suffisante pour être

opératoire par rapport aux problèmes donnés et aux procédures de résolution des

élèves. Son appropriation suppose que le modèle puisse être discuté, qu'il puisse

fonctionner dans différents champs d'application. Il peut être rectifié ou complexifié

par interaction en y intégrant les conséquences des expériences nouvellement

réalisées. L’utilisation de sources d’informations multiples et croisées a permis

d’obtenir des données sur les facettes externes et internes de l’activité d’apprentissage

en sport collectif. En préservant une certaine rigueur dans la démarche et en ayant

pour souci de clarifier les différentes étapes de notre travail, nous pensons, au niveau

tunisien, avoir contribué au développement d’une didactique scolaire des jeux

collectifs.

Pour l’avenir et en partant de cette étude, nous envisageons d’approfondir les

perspectives suivantes : perfectionner et valider plus avant l’utilisation de données

qualitatives et quantitatives dans des démarches d’apprentissage. Nous projetons

également de nous intéresser aux modalités d’intervention pour améliorer les

compétences motrices et des connaissances tactiques des élèves débutantes. En

construisant son savoir, l’élève passe d’un système interprétatif sommaire à un autre, à

la fois plus complexe et plus simple. Si l’on considère qu’un élève en situation

didactique interagit dans un univers particulier avec l’enseignant et ses pairs, on peut

dire qu’il expérimente une véritable activité réflexive qui mobilise sa pensée critique et

ses facultés interprétatives.

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croisée du langage, de la pratique et des savoirs (pp. 177-199). Berne : Peter Lang.

ANNEXES

Nom : ………… Numéro de maillot N° ….. Couleur de ton équipe

L’an passé j’étais en classe : ………………

Après avoir vécu un cycle de hand nous aimerions que tu répondes aussi

précisément que possible aux questions suivantes :

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Qu’as-tu appris sur l’activité hand-ball ? Est-ce nouveau pour toi ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Etais-tu motivée avant le cycle ? …………………………………………

Dis ce que tu as bien aimé et moins bien aimé dans les séances ? Est-ce nouveau pour

toi ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Qu’est-ce qui est important en hand-ball pour gagner ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Qu’est-ce que tu crois avoir bien fait dans ce cycle de hand-ball ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Qu’est-ce que tu as moins bien fait ?

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Les périodes de concertation avant ou entre les matchs :

T’ont-elles aidée ? Dis pourquoi ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Que t’ont-elles apprises ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Les observations :

Qu’ont–elles apporté sur le plan collectif ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Qu’ont–elles apporté sur le plan individuel ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

La vidéo (entourer une réponse) : - t'a encouragée ? - t’a gênée ? - tu l’as ignorée -

(autre)

Bilan général de 1 à 5

1 2 3 4 5

Pas du tout satisfait Peu satisfait Moyennement satisfait Assez satisfait Très satisfait

Une seule croix par ligne 1 2 3 4 5

Ton impression sur ta performance dans l’équipe

Ton impression générale par rapport au temps de jeu ?

Par rapport à ce que tu attendais avant le cycle

Ton impression sur ta place au sein de l’équipe

Ton impression sur l’organisation en jeu de ton équipe

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RÉSUMÉS

En sport collectif, le débat d’idées entre élèves aide le joueur à traiter plus vite les configurations

perçues en dévoilant certains éléments du jeu. Utilisant les résultats d’un questionnaire auquel

ont répondu 20 filles de niveau lycée, nous allons démontrer que l’intégration d’un débat d’idées

au cours d’apprentissages produit une ingénierie didactique complexe et remet en question

l’ensemble de la construction d’informations. Pour l’interprétation, nous avons procédé par un

repérage des idées significatives que nous avons classées suivant des catégories pour obtenir un

modèle pratique en vue du traitement des données. Les principaux résultats montrent que chez

les filles, la compréhension, l’analyse et l’interprétation des phénomènes qui surviennent lors du

jeu sont primordiales pour la planification des actions en projet pour la rencontre à venir. En

effet, bien qu’il soit largement admis que les interactions langagières participent favorablement

aux apprentissages, à partir des données recueillies, nous faisons l’hypothèse que leur prise en

compte n’est pas immédiate en EPS. Dans ce contexte, le débat permet aux élèves de prendre

conscience de leurs conceptions et de les mettre à l’épreuve en les soumettant à leurs pairs, qui

sont susceptibles de les critiquer et donc de contribuer à leur évolution.

In team sports, the debate between students helps players process more quickly perceived

configurations of play by revealing elements of game-play. Using results of a questionnaire

completed by 20 high school girls, we will show that the integration of a debate of ideas during

learning produces a complex didactical engineering and challenges the entire information

building process. For interpreting results, we identified all significant ideas and classified them

into categories that would offer a practical model for data processing. Main results show that for

girls, understanding, analyzing and interpreting phenomena that occur during game-play are

essential for the planning of actions considered for the upcoming match. Indeed, it is widely

accepted that language interactions contribute positively to learning. We hypothesize that taking

them into account might not be immediate in physical education and sport. The debate allows

students to become aware of their conceptions and to put them to the test by subjecting them to

their peers, who are likely to criticize them and thus contribute to their development.

INDEX

Mots-clés : apprentissage, sport collectif, débat d’idées, filles

AUTEUR

ZEINEB ZERAI

ISSEP Ksar Saïd, Tunis, Tunisie et GRIAPS, Université de Franche-Comté, France

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L’enseignement et l’apprentissagede la tactique en sports collectifs :des précurseurs oubliés auxperspectives actuellesJean-Francis Gréhaigne

1 Un décalage important entre les différents courants de recherche sur l’enseignement et

l’apprentissage des sports collectifs semble souvent séparer les conceptions des

spécialistes et chercheurs du monde anglophone avec ceux des autres langues. C’est le

cas particulièrement dans un certain nombre de pays d’Europe comme la France, le

Portugal, l’Espagne ou l’Italie. C’est grâce à des discussions fréquentes avec des

collègues de par le monde et à l’occasion des congrès de l’Association Internationales

des Ecoles Supérieures d’Education Physique (AIESEP) que nous avons pris conscience

de ce décalage dans les perceptions des experts sur les fondements de la recherche dans

ce domaine. Bien qu’en utilisant souvent les mêmes mots, les chercheurs de par le

monde n’y rattachent ni les mêmes faits, ni les mêmes concepts. Ce constat nous a

amenés à reprendre quelques données historiques et contemporaines sur l'évolution de

l'apprentissage et des conceptions sur l’enseignement / apprentissage des jeux et

sports collectifs (JSC) afin de tenter de mieux comprendre les enjeux actuels de la

recherche à propos de ces thèmes. Cet exercice devrait permettre de mieux interpréter

l’évolution des courants de recherche concernant l’enseignement des JSC et mieux

aider les professeurs d’EPS à comprendre les enjeux des nouvelles méthodes

d’enseignement / apprentissage qu’ils peuvent utiliser auprès de leurs élèves. Enfin,

nous proposerons une analyse didactique de l’approche tactique en sport collectif que

nous caractérisons comme une approche socio-sémio-constructiviste visant à

renouveler les fondements de l’apprentissage des élèves

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1. A propos des débats théoriques sur les modèlesd’enseignement des sports collectifs

2 Pour nous d’abord, un modèle d’enseignement est une représentation fonctionnelle et

simplifiée d’un agencement spécifique d’activités et d’interventions. Ce modèle est basé

sur une conception particulière des caractéristiques de l’élève et de l’apprentissage

dans un but d’éducation. Il constitue un guide pour l’élaboration des contenus du cours,

pour le choix des activités ainsi que pour l’animation des interactions entre les élèves

et l’enseignant. Ainsi, les fondements de l’enseignement des JSC sont basés

habituellement sur des modèles ayant des visées bien différentes. D’une part, certains

professeurs d’EPS utilisent un modèle d’enseignement dit traditionnel qui vise à

développer les habiletés motrices de base (habiletés techniques) à travers la répétition

de gestes. Or, comme nous le verrons, ces modèles ont démontré leur efficacité pour

l’apprentissage des habiletés motrices isolées, mais ne permettent pas aux joueurs de

mieux comprendre le jeu et de choisir le moment approprié pour exécuter l’action en

question. Cet aspect est essentiel dans les JSC où la proximité des coéquipiers et

adversaires amènent les joueurs à choisir les meilleures actions possibles leur

permettant de marquer des buts et empêcher l’adversaire d’en marquer. À l’opposé,

plusieurs modèles basés sur la compréhension du jeu sont maintenant utilisés dans les

écoles et nous semblent beaucoup plus appropriés pour faire apprendre les fondements

tactiques à la base des JSC. Ces modèles fondés sur la compréhension ont été

développés par plusieurs chercheurs de nombreux pays au cours des dernières

décennies. Le texte qui suit présente quelques données chronologiques qui permettent

de développer une revue de questions élargie sur les études portant sur l’enseignement

et l’apprentissage des JCS pour montrer leurs origines (trop souvent oubliées) et

pointer les perspectives. Une revue de la littérature comme celle-ci comporte toujours

une part de subjectivité et pour ce travail, nous avons choisi de présenter les travaux

des auteurs emblématiques concernant ce thème de l'approche tactique. Ce texte

s’inspire principalement des travaux de Godbout et Gréhaigne ainsi que des références

du TGFU sub interest group en relation avec différentes présentations aux congrès de

l'Association pour la Recherche sur l’Intervention en Sport (ARIS) et de l'Association

Internationale des Ecoles supérieures d’Education Physique (AIESEP).

2. Quelques moments de la réflexion tactique en JSC

3 La première remise en cause de l’omnipotence du modèle technique et individualiste

qui a longtemps été à la base de l’enseignement des jeux et des JSC date principalement

du début des années 60 (Dyotte & Ruel, 1976). À cette époque, la suprématie de l’équipe

de hockey sur glace d’Union Soviétique était notable dans les grandes compétitions

internationales. Grâce à un jeu d’attaque collectif, basé sur la rapidité et fait de passes

avec une remarquable circulation des joueurs qui inter changeaient de positions avec

une très grande cohésion, les joueurs de l’ex URSS surpassaient leurs adversaires dans

toutes les phases du jeu, même les joueurs professionnels nord américains. La doctrine

mise en place alors affirmait que l’on ne peut pas gagner un match en ne jouant que

défensivement, à moins d’avoir de la chance. Aussi, l'équipe d’Union Soviétique

développa un jeu où les joueurs permutaient continuellement pour mieux confondre

les défenses adverses, par opposition au hockey pratiqué à l’époque au Canada, où

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chacun restait davantage figé dans sa position et ne se déplaçait que d'avant en arrière,

avec peu de liberté (Dyotte & Ruel, 1976). L’entraîneur soviétique, Anatoli Tarasov,

prônait un jeu de possession collectif. Au lieu d'envoyer le palet en zone adverse et de

partir à sa poursuite ou encore qu’un joueur tente de déjouer, seul, l’opposition, les

joueurs soviétiques cherchaient à toujours en garder le contrôle et à progresser par des

passes, toujours destinées à un joueur libre et en mouvement. Lorsqu’ils étaient en

possession du palet, cette équipe était la première à ne pas prioriser à tout prix une

direction de jeu unique vers l’avant à la faveur d’un meilleur contrôle du jeu (Dyotte &

Ruel, 1976).

Par ailleurs, les entraîneurs soviétiques à l’époque ont également introduit

l’observation systématique de certaines phases de jeu. Par exemple, à partir

d’observations chiffrées avec le pourcentage d'entrées de zone réussies, le pourcentage

de palets perdus, les contre-attaques menées par les défenseurs, etc., les entraîneurs et

joueurs étaient en mesure de mieux comprendre le jeu des adversaires afin de profiter

de leurs faiblesses. Ces observations systématiques étaient beaucoup plus détaillées que

les principales statistiques de jeu prises à l’époque par les autres entraîneurs ou

spécialistes du hockey sur glace.

3. Le travail d’avant garde de Frédérich Mahlo et dequelques autres

4 Ensuite, le travail de Frédérich Mahlo (1965 et 1966 pour sa publication en allemand)

constitue un référent pour les JSC. Il établit des relations entre des connaissances

fondamentales et une méthodologie propre aux JSC. « Le fait de résoudre par l'action des

problèmes en situation de jeu oblige le plus souvent à ordonner avec discernement la situation

problématique et la solution et cela apporte au joueur des connaissances subjectivement

nouvelles. Comme l’activité en jeu représente dans son essence même, la solution de nombreux

problèmes, apparaissant dans telle ou telle situation, la pensée tactique, en tant que processus

intellectuel de cette solution, est une composante indissociable de cette activité » (Mahlo, 1969,

p. 29). Au plan des présupposés théoriques, il nous semble justement que Mahlo a été

influencé par la théorie de l’activité au sens psychologique telle que développée par

Léontiev (1957 ; 1972 pour un ouvrage en langue française) à la suite de Vygotsky

(1933).

Figure 1. Les phases de l’action de jeu selon Mahlo (1969)

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5 L'analyse de l'action tactique dans les jeux sportifs (figure 1) est donc, en définitive,

l'analyse de l'activité en jeu elle-même. Cette attitude vis-à-vis de l'analyse de l'action

de jeu fait qu’il existe une interaction entre les fonctions psychiques et la forme réelle

ou le type d'activité pour les joueurs. Lorsqu'on analyse l'action tactique, il faut donc

partir de ses formes concrètes spécifiques et des signes qu’elle génère.

La solution motrice est en rapport avec le choix des réponses et le moment de leur

exécution. Ayant reçu et filtré les informations recueillies sur les configurations du jeu,

le joueur doit maintenant décider de l'action appropriée. L'expérience, le répertoire de

réponses disponibles, la mémoire, le savoir tactique, les sensations, le jugement et

l'activité mentale ont un impact direct sur la détermination du « quoi faire » et du

« quand le faire ». De plus, certains facteurs psychologiques tels que l’expérience, la

motivation, la place et le statut dans l'équipe ou la confiance influencent aussi cette

décision. Le mouvement ou l'action motrice qui en résulte est par conséquent le fruit

d'une décision réfléchie, complexe et volontaire.

Ainsi pour Mahlo, toute activité de jeu est un acte forcément tactique, quel que soit le

niveau où se situe le joueur. Il consiste à résoudre pratiquement, et dans le respect des

règles primaires de l’activité, un grand nombre de problèmes posés par les diverses

situations de jeu. Dans cette complexité, nous pouvons, néanmoins, distinguer

différents niveaux d’abstraction qui consistent à :

réfléchir collectivement sur les données concrètes de la situation en liaison étroite avec la

perception et le jeu ;

utiliser la pensée tactique liée au jeu, mais dépassant la situation concrète. Cela opère un

rapprochement entre la situation telle qu'elle a été reconnue et des règles, des principes, des

réponses. En bref, ce sont la culture et l’expérience au sens de Vygotsky (1933) qui sont

constituée par les traces des savoirs techniques sédimentés au fil du développement de

l’activité des joueurs pratiquant des sports collectifs ;

recourir à une pensée tactique abstraite qui n'est pas directement liée à l'acte de jeu, mais

qui opère à l'aide de représentations figurées ou de généralisations abstraites pour apporter

des réponses aux problèmes posés.

6 Ce type de travail sera poursuivi en Allemagne par Barth (1978, p. 288) qui, dans un

article concernant la stratégie dans les sports d'opposition, parle « d'intelligence de

jeu, qui doit permettre une pensée logique, flexible, originale et critique, garantissant

l'engagement optimal des habiletés tactiques et permettant des modifications

autonomes de l'action selon les circonstances ». Dans l’article de Barth (1980), les

termes stratégie et tactique sont déjà bien différenciés et modélisés.

Au Québec, Caron et Pelchat (1974, 1975) développeront la notion de « langue de jeu ».

Cet objet d’étude est indispensable en vue d’apprendre à jouer en équipe avec la

production d’actions en projet. A cet effet, les auteurs proposaient des modèles

empiriques et théoriques pour le développement de la tactique en basket-ball et hockey

sur glace. Ainsi, la mise en évidence de la « structure du jeu » est un préalable

indispensable pour construire la logique du jeu autour de laquelle les actions des

joueurs peuvent s'élaborer et s'organiser. L'alternative fondamentale dans les JSC est

constituée par la double relation entre continuité du jeu avec les partenaires et

opposition avec les adversaires.

Pour les joueurs, le développement de la pensée tactique, qui fonctionne par

imprégnation et par apprentissage, est nécessaire en vue de résoudre les problèmes

posés par les configurations momentanées du jeu. Dans le cas contraire, les joueurs

sont amenés à apprendre schématiquement voire mécaniquement et donc à jouer de

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même. La réflexion sur la nécessité de combiner les données du jeu et l'exigence de

l’auto-information devient primordiale dans les situations d’apprentissage où

l’information provient de l’extérieur (les pairs, l’enseignant ou l’entraîneur).

4. L’évolution des théorisations et des conceptions enFrance

7 En France, les années 1965-1969 marquent un tournant dans la réflexion sur

l'enseignement des formes de jeux à l’école.

4.1. Les pionniers de l’innovation pédagogique

8 Tout d'abord, le colloque de Vichy sur l'enseignement des JSC (1964-65) est organisé

autour de 3 thèmes : les principes communs à tous les Jeux Sportifs ; la formation du

joueur depuis l'initiation jusqu'à la compétition ; la place du maître dans

l’apprentissage de telle ou telle spécialité. Une liaison théorie / pratique est proposée

avec une organisation de la classe (équipes premières et réserves), structurée en club A

et B avec un calendrier (progression en vue de compétition).

La détermination des thèmes de jeu va du simple au complexe (systématique des JSC) et

du général au particulier. La méthode préconisée définit le rôle de l'entraînement avec

une pédagogie adaptée pour tous les élèves. Puis, les écrits relatifs au stage de l’AEEPS

(Amicale des Anciens Élèves de l'ENSEPS, 1966) nous paraissent constituer un autre

support pour analyser les conceptions dominantes du moment. A cette époque, trois

problèmes majeurs étaient abordés sous un angle nouveau : l'acte moteur, le rapport de

forces entre les équipes et les modifications à envisager dans le comportement des

joueurs.

L'acte moteur ne doit pas être pris isolément, mais compris dans un ensemble dans

lequel les données perceptives jouent un rôle majeur. Le match, conçu comme un

rapport de forces, doit être analysé dans une perspective dynamique afin d'identifier la

structure sur laquelle repose l'organisation de l'équipe. Le joueur devient donc

l’élément d'un ensemble structuré permettant la réalisation d'un objectif.

L'apprentissage consiste ainsi à modifier l'organisation sensori-motrice du pratiquant à

partir d'une intériorisation par celui-ci de la structure de la situation en relation avec

l’expérience qui se construit. L'entraînement perd son aspect cumulatif et surtout

s'appuie sur des processus cognitifs : perception et reconnaissance de signaux,

intériorisation de structures, etc. La progression dans l'apprentissage devient

« organique », c'est-à-dire qu'elle prend en compte l'histoire originale vécue par le

joueur intégré dans une équipe donnée. Cette équipe est elle-même confrontée à

d'autres équipes dans le cadre d'une sorte de championnat. Les contenus ne sont plus

définis a priori, mais sont élaborés à partir d'une analyse par le professeur des

différents matchs.

A la même époque, les travaux de Robert Mérand (1989) et de la Fédération Sportive et

Gymnique du Travail au sein de son Conseil Pédagogique et Scientifique s’inscrivent

dans une perspective originale et ambitieuse : construire des savoirs de la pratique

enrichis par un apport de connaissances scientifiques intégrées à la motricité

(Vandevelde, 2006). La publication de 1974 à 1978 de mémentos à propos des JSC (par

exemple Marsenach & Druenne, 1974) où les jeux à effectif réduit en situation

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d’affrontement sont systématiquement utilisés, constitue une évolution importante de

la théorisation sur les jeux. Mérand (1977) conceptualise l’idée fondamentale qui

organise l’essentiel du renouvellement de l’épistémologie scolaire des JSC en écrivant «

l’approche empirique des caractéristiques de l’activité adaptative en situation de jeu, c’est-à-dire

lorsque le joueur est confronté aux contraintes et aux possibles du règlement du jeu et du

rapport de forces » (p.11). La mise au point d’outils d’observation pertinents tel « l’espace

de jeu effectif » constitue un autre point fort de ce travail.

4.2. Les pionniers de la recherche

9 Par ailleurs, Teodorescu (1965) vise à mettre en évidence des principes pour l'étude de

la tactique commune aux jeux sportifs collectifs. L’auteur se consacre au

fonctionnement interne de l'équipe à l’aide d’analyses (techniques, tactiques....) très

précises. Les organisations offensives et défensives sont caractérisées par « des bases,

des principes, des facteurs » qui constituent un inventaire très complet de l'ensemble

des éléments à prendre en compte pour le bon fonctionnement d'une équipe. Même si

ce type d'inventaire reste parfois formel, il concourt à une meilleure compréhension de

la structure d'une équipe et des modalités de l’affrontement en soulignant la nécessaire

coordination réciproque des actions individuelles et collectives. L’autre contribution de

cette approche, par rapport aux méthodes d’enseignement traditionnelles basées sur le

découpage en morceaux élémentaires des aspects gestuels chers au technicisme, a

consisté à changer la conception d’une équipe. Le groupe de joueurs n’est plus la

somme des individus qui la composent, mais un ensemble structuré et dynamique en

vue de la réalisation d'un projet commun. Il doit exister une coordination réciproque

des actions individuelles et collectives à partir de principes généraux pour mieux

comprendre et organiser le jeu. Enfin, Teodorescu (1977) montre aussi l'importance de

la notion de plan de jeu (préparation directe de la compétition) et présente une

pédagogie instructive où l'assimilation des données repose sur la répétition.

Pour Deleplace (1966, 1979) et Villepreux (1987) au rugby, techniques et tactiques

collectives de base doivent être approfondies en même temps dans leur rapport de

réciprocité. Un sport collectif ne s'enseigne pas par chapitres successifs, qu'il suffirait

d'accumuler les uns après les autres dans le temps, pour aboutir au jeu complet. Il faut

tout au long de la formation conserver le jeu réel, source de l'intérêt en même temps

que champ d'expérience… Pour l'enseignement, la solution, préconisée par ces

pionniers, réside dans l'utilisation de jeux à effectif réduit… Enfin, la clef de voûte des

problèmes dans les JSC réside toujours dans une vue claire des liens vivants du jeu, qui

sont le produit des éléments objectifs suivants : les courses des attaquants et des

défenseurs avec leurs directions et leurs changements de direction, leurs vitesses et

leurs changements de vitesse (changement de rythme) ; la vitesse, la direction et le sens

du déplacement de la balle. Pour chercher à saisir la vie du mouvement dans sa totalité,

il faut donc appréhender ensemble le mouvement du ballon et le mouvement des

joueurs dans une réciprocité nécessaire des deux équipes antagonistes. Nous

présentons (Figure 2) les éléments permettant de caractériser ces liens inhérents à

l’opposition en rugby.

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Figure 2. Les liens d’opposition en rugby selon Deleplace (1979)

10 La gestion par les joueurs de ces liens d’opposition repose sur une prise d’information

pertinente des signaux fournis par le jeu. Cela nécessite aussi une compréhension

commune et des comportements variés et adaptables permettant la suppléance dans les

rôles provisoires en fonction du contexte situationnel. Dans cette optique, les prises

d’information constituent le fondement de la disponibilité motrice et tactique du

joueur. Cette nécessaire « conscientisation » permet au joueur d’orienter le jeu en

possédant un schéma abstrait qui rend compte, de façon opératoire au niveau mental,

de la logique d'action correspondant à la situation évolutive particulière à laquelle se

rapporte la configuration du jeu en cours. Cela se réalise de façon opératoire, c'est-à-

dire d'une façon qui permet au joueur d'agencer les éléments du jeu. Il le fait

particulièrement grâce à la possibilité d'anticipation mentale dans l'élaboration d'une

suite de décisions au fil de l'action.

A la suite du travail de Deleplace, la pédagogie des modèles de décision tactique

(Bouthier, 1986, 1988 ; David, 1984 ; Diaz, 1983 ; Reitchess, 1983 ; Stein, 1981…) « postule

que l'intervention des processus cognitifs est décisive dans l'orientation et le contrôle

moteur des actions. Elle suppose que la présentation des repères perceptifs significatifs

et des principes rationnels de choix tactiques organise de façon majorante les effets du

passage à l'acte, y compris en termes de qualité de l'exécution » (Bouthier, 1986, p. 85).

Ces résultats d’études montrent néanmoins un réel intérêt pour l’étude de ces

problèmes que représentent les processus cognitifs mis en œuvre par les joueurs

pendant le jeu. Pour illustrer les travaux effectués autour de la pédagogie des modèles

de décisions tactiques (PMDT), nous nous appuierons sur les recherches effectuées par

Bouthier (1984). L'idée centrale de ce modèle didactique repose sur l'hypothèse que la

présentation des informations essentielles et relatives à l'orientation tactique des

actions se produit en situation de deux contre deux. Elles sont ensuite mises en oeuvre

dans des unités tactiques relativement isolables du jeu. Cette méthode donne de

meilleurs résultats sur l’apprentissage et les performances des joueurs que les deux

autres méthodes pédagogiques à la base de l’étude de Bouthier (pédagogie des modèles

d'exécution qui repose sur l’apprentissage par le joueur de solutions efficaces produites

par les experts, et pédagogie des modèles auto-adaptatifs, s’appuyant sur des variations

judicieuses d’aménagement du milieu pour faire découvrir les solutions et développer

les habiletés (Lenzen, Poussin, Deriaz, Dénervaud, & Cordoba, 2010). Sans pouvoir

apporter de preuve définitive de ce constat, cette étude suggère que la PMDT comporte

une légère supériorité.

De leur côté, Méot et Plumereau (1979, p. 59) signalent que « l’enseignement d’un jeu

sportif collectif ne peut être réduit à un apprentissage (par imitation et répétition)

d’une gamme de gestes techniques, comme une « série de réponses » correspondant à

une série de « situations problèmes ». La perspective d’acquérir une attitude de

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décision permet au joueur d’opérer un choix pour agir dans une situation déterminée,

entre autres, par les paramètres suivants :

la situation topographique du ballon dans l’espace proche ;

les éléments corporels intervenant sur le ballon ;

les distances avec les autres joueurs (partenaires, adversaires).

11 Ici, l’activité perceptive et décisionnelle devient première. On constate que l’intérêt est

déjà sur des aspects de tactique individuelle. Méot (1982) ajoute que la formation doit

consacrer du temps au développement de l’aptitude à observer fidèlement et

méthodiquement, car l’absence de données fiables sur la réalité du jeu entraîne une

connaissance empirique éphémère. Ainsi, l'ouvrage de l'Amicale des Enseignants

d'Éducation Physique (1984) propose un bilan de dix ans des stages de sports collectifs à

Montpellier et en conclut que chacun est maintenant persuadé que la rénovation de

l’enseignement des JSC passe par :

une place privilégiée faite à la réflexion sur les contenus d’enseignement ;

la mise en œuvre d’une évaluation en cohérence avec l’évolution des pratiques

pédagogiques.

12 Il est souligné que la pédagogie ne doit plus viser exclusivement le développement

d'habiletés spécifiques, mais viser le développement des capacités et compétences

porteuses de potentialité de transfert. Dans le jeu, l'élaboration de réponses nouvelles

dépend de la pression temporelle à l'intérieur d'un match (vitesse d'élaboration des

réponses). Il faut donc jouer « avec » et « sur » le temps dont on dispose pour

apprendre.

4.3. Des aspects institutionnels

13 Enfin, au plan plus général et de façon concomitante aux travaux des précurseurs en

France, la rénovation des programmes en 67 mettait en perspective un changement de

paradigme dans l’enseignement des sports collectifs. En effet, les Instructions

Officielles françaises d’éducation physique (IO) qui, en 1967, introduisaient, de fait, les

activités physiques et sportives à l’école. Ces instructions débutaient par ces mots :

« l'organisation des activités physiques et sportives, en milieu scolaire et universitaire,

et l'insertion du sport, phénomène social et culturel, dans les programmes

d'enseignement, soulèvent un certain nombre de problèmes pédagogiques ».

Aussi me paraît-il indispensable de préciser la notion d'éducation physique et desituer cette discipline parmi les autres et de définir son domaine et d'introduire,entre les activités physiques et sportives qui en constituent la matière, unecohérence qui est le préalable indispensable à l'élaboration d'un programme »(Ministère de la Jeunesse et des Sports : Ministère de l'Éducation Nationale, 1967,p. 1).

14 Dans cet ensemble, la place des activités sportives est prépondérante. Dans la majorité

des cas, la compétition constitue une excellente motivation et le meilleur moyen de

contrôler les résultats obtenus. Avec le programme détaillé des activités concernant les

JSC, il est précisé que la connaissance des niveaux de jeu par le professeur, pouvant

s’appuyer sur l’observation mutuelle entre équipes, doit permettre de constater les

insuffisances et de choisir les exercices techniques ou tactiques adaptés aux possibilités

des élèves, aux progrès qu’ils sont susceptibles d’accomplir et au niveau de jeu qu’ils

peuvent atteindre. On est bien dans la même perspective de ce que l’on a appelé ensuite

dans le monde anglophone » à la suite de Siedentop (1983) « Sport Education » et qui a

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fourni un cadre curriculaire pour un enseignement adapté des activités physiques et

sportives, sans leur faire perdre leur sens, en vue d’atteindre les objectifs fixés par le

programme de l’école. Pour plus de précision sur ce thème, on peut consulter « Sport

Education : Une orientation curriculaire nord-américaine » de Amade-Escot (1997).

Par ailleurs, concernant plus spécifiquement le football, Worthington (1974) présente

une modélisation basée sur celle initialement développée par Wade (1967). La force

concrète de ce modèle réside dans l'idée simple de diminuer le nombre de joueurs sur

le jeu et de n'utiliser que six rôles ou positions de jeu, à savoir trois en attaque

(attaquant premier, deuxième et troisième attaquant) et trois en défense (le défenseur

premier, deuxième et troisième défenseur), pour fournir une compréhension pratique

des principes de jeu. Dans ce modèle, les rôles de premier attaquant, deuxième

attaquant et troisième sont liés aux principes respectifs de pénétration, de profondeur

offensive et de mobilité. D'autre part, les rôles de premier, deuxième et troisième

défenseur sont liés aux principes respectifs d’empêcher la pénétration, de construire la

profondeur défensive et de maintenir l'équilibre défensif.

Dans sa thèse, avec le dessein de rendre compte plus objectivement des stratégies

utilisées dans une rencontre de football, Wilkinson (1978) remarque que la plupart des

publications reposent souvent sur l'intuition des entraîneurs à succès. Elles sont

teintées de subjectivité et très fréquemment d'une valeur scientifique modeste. Cela le

conduit à définir une nouvelle discipline d'enseignement de la stratégie sportive en «

faisant appel à la théorie générale des systèmes, à l'utilisation de modèles cybernétiques, à la

théorie de l'information, à la théorie mathématique des jeux, à des modèles statistiques et à la

connaissance individuelle de la discipline sportive considérée » (p. 27). Cette nouvelle

discipline permet d'obtenir des données fiables sur le jeu des joueurs à partir de

modèles connus. Dans un deuxième temps, Wilkinson s'attache à définir les

composantes de la stratégie sportive. Il identifie un grand nombre d'observables

concernant le football (Gréhaigne, 1989) et montre que, même avec des moyens

modestes, une analyse peut être réalisée et fournir des informations sensiblement plus

précises que celles données dans la plupart des cas. Celles-ci ont une signification dans

deux directions : d'une part, on peut développer des stratégies à long terme à partir de

régularités individuelles pour son équipe ; et d'autre part, on peut obtenir des

informations précises grâce à l'analyse de l'adversaire. Malheureusement, faute d’un

modèle intégrateur de ces observables, ce travail n’aboutit pas à des propositions

didactiques.

5. Les années 80 et le « big bang » de l’enseignementpour la compréhension1 chez les anglophones

15 Les années 1982 / 84 apportent un certain nombre de développements au niveau de

l'évolution de la recherche et de la didactique des JSC. Tout d'abord, en France, un

nouveau texte concernant l'évaluation et la notation de l'éducation physique au

baccalauréat remplace les barèmes nationaux en athlétisme, gymnastique, natation par

une évaluation dans trois activités physiques et sportives enseignées 12 semaines dans

l'établissement. Ceci entraîne une profonde réflexion et amène un colloque sur

l'évaluation en EPS (SNEP, 1984) qui fera date. A la même époque, l'Université de

Loughborough publie un premier document sur l'approche par des jeux visant la

compréhension (Bunker et Thorpe, 1982). Avec très peu de références théoriques,

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excepté une vague référence à Wade (1967), une réflexion sur la didactique et la

pédagogie des JSC est proposée. Les différents thèmes abordés concernent les

classifications des jeux, les règles, l'approche par le jeu et la compréhension. Ils

proposent un modèle que nous présentons à la figure 3.

Figure 3. Modèle de Bunker et Thorpe (1982) pour l'enseignement des JSC

16 Bien que restant peu testée en termes d’études scientifiques au moment de sa parution,

la force de « l'approche l’enseignement du jeu pour la compréhension » de Bunker et

Thorpe (1982) est de mettre l'accent sur la tactique consciente et les procédures de

prise de décision avant la sélection des habiletés motrices et leur exécution. Souvent, ce

qui discrimine les experts des débutants est leur capacité à prendre les décisions

appropriées au regard du jeu (Thomas, French, & Humphries 1986). Ainsi, « Game

sense » (Den Duyn, 1997) est une approche qui développe un sens plus large de l'activité

physique, car cette approche se concentre sur le développement de la pensée des

joueurs par la résolution de problèmes en utilisant des JSC. L'approche « Game Sense »

est une variante du modèle de Bunker et Thorpe, et cette approche s’est développée en

Australie à la suite d’une visite effectuée par Rod Thorpe en 1996. L'objectif de

l’approche est de placer le participant dans des situations où la prise de décision et la

résolution de problèmes sont au cœur de la réussite. La stratégie centrale pour

l'enseignement ou l’entraînement en utilisant l'approche « game sense » est

l'utilisation de questions destinées aux participants pour stimuler la réflexion sur le

jeu. Les jeux sont arrêtés à intervalles réguliers et les participants sont mis au défi de

réfléchir sur leur participation afin de faire évoluer le jeu.

Le problème récurrent à ces dernières approches fondées sur la réflexion sur le jeu

reste cependant la façon de questionner les élèves : où, quand et comment ? En outre,

ces questions sont-elles ouvertes ou fermées ? Sont-elles utilisées en permettant des

débats uniquement entre élèves ou encore avec le professeur qui pose les questions et

apporte les réponses ? L’approche sera ainsi centrée sur les l’élèves, sur la matière

enseignée ou encore sur le maître, en fonction des choix effectués.

Dans leur affirmation, Kirk et MacPhail (2002) semblent méconnaître les avancées de la

théorisation sur la tactique dans l’enseignement des jeux sportifs collectifs telle

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qu’initiée par l’école soviétique, poursuivie par Malho et reprise en France dans le

domaine de la réflexion didactique en EPS.

Bunker and Thorpe (1982) first proposed Teaching Games for Understanding (TGfU)in 1982 as an alternative to traditional, technique-led approaches to games teachingand learning. Since then, TGfU has attracted widespread attention from teachers,coaches, and researchers (Rink, French, & Tjeerdsma, 1996). While there have beendevelopments of the Bunker-Thorpe approach in the work of researchers such asGriffin, Oslin, and Mitchell (1997), and Gréhaigne and Godbout (1995), there havebeen no attempts to revise the Bunker-Thorpe model itself (p. 177).

17 Parfois, on a l’impression que ce qui n’est pas connu dans le monde anglophone n’existe

pas…

6. L’évolution de part le monde

18 A partir de 1985, les Américains s'intéressent de nouveau à ce type de problème avec

une série de publications qui tentent de montrer la validité d'un enseignement par le

jeu avec les prises de décision comme élément central (voir Tableau I).

French et Thomas (1987) ont ainsi trouvé que les jeunes joueurs de basket apprenaient

à prendre des décisions justes plus rapidement dans le contexte du jeu que par

l'apprentissage d'habiletés techniques. Dans leur recherche, un léger progrès dans les

habiletés motrices était observé tout au long de la saison mais au moment du test, rien

de significatif ne fut trouvé pour l'effectuation en jeu. French et Thomas (1987)

soutiennent que ceci était dû à la quantité de pratique consacrée aux stratégies (au sens

américain du terme c’est-à-dire sans différenciation entre stratégie et tactique) plutôt

qu'au développement des habiletés motrices du basket-ball.

Lawton (1989) a de son côté travaillé avec des joueurs de badminton de 12 à 13 ans

ayant eu une approche combinant la technique et la compréhension. La durée de

l’étude de Lawton fut de six semaines. Elle révéla qu'il n'y avait pas de différences

significatives pour les connaissances des élèves en badminton dans le temps ou en

fonction des approches. Lawton a émis l'hypothèse que l'échec à trouver des progrès

significatifs sur les connaissances au post-test pouvait provenir du fait que le pré-test

surestimait le niveau initial des sujets sur l'appréciation tactique, bien que les élèves

n'aient aucune expérience préalable du badminton.

Turner et Martinek (1992) quant à eux ont préconisé une période expérimentale plus

longue que les six semaines de l’étude de Lawton ce qui, d'après eux, aurait peut-être

produit des éléments plus stricts pour différencier l'approche jouée de l'approche

technique ainsi que leurs effets sur les connaissances des élèves. Gréhaigne (1994)

montrera qu’après 6 à 7 leçons, des différences significatives apparaissent en faveur de

l’approche tactique.

Tableau I. Quelques travaux américains sur l'apprentissage par le jeu

AuteursFrench & Thomas,

1987Lawton, 1989

Turner &

Martinek, 1992Turner, 1993

Activités

supportsBasket-ball Badminton Hockey / gazon Hockey / gazon

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Population Élémentaire Secondaire Secondaire Élémentaire

Durée Un an 6 semaines (1h) 6 semaines Un semestre

DispositifExpt / Novice

Test

3 groupes : Jeu /

Tech. / Contrôle

4 x 4

Fiche / Parcours4 x 4

Éléments

analysés

Connaissances,

Compétences

motrices

Prise de décision

Connaissances

déclaratives et

procédurales

Testent deux

approches des

sports collectifs

Connaissances

déclaratives et

procédurales

RésultatsEffet sur les

connaissances

Pas de résultats

significatifs

Pas de résultats

significatifs

Effets sur les

connaissances

déclaratives

19 Comme pour la pédagogie des « modèles de décision tactique », Riley et Roberton (1981)

ont montré que plus les joueurs pratiquent les JSC, plus ils sont capables de s'adapter

au jeu. Ils postulent que si une trop grande place est faite au développement des

habiletés motrices, ceci construira par la suite des individus qui seront forts au plan

technique, mais incapables d'utiliser correctement les stratégies (toujours au sens

américain de l’époque) de jeu. L'intégration et l'utilisation des instructions stratégiques

et techniques au temps juste doivent avoir un impact sur la performance.

Une autre étude menée par French et Thomas (1987), et qui s'étalait cette fois sur une

saison entière, a trouvé un effet principal significatif relatif au temps nécessaire en vue

d’un apprentissage, pour l'ensemble des élèves, aussi bien experts que novices. En

parallèle, les résultats du groupe contrôle restaient constants du pré-test au post-test.

Ils en ont déduit qu'une base de connaissances déclaratives est nécessaire pour le

développement des connaissances procédurales et que les enfants qui sont tous

débutants manquent souvent d'une somme suffisante de ces deux sortes de

connaissances. A la fin de leur expérience, les élèves étaient encore novices en termes

de connaissances de base. En outre, Thomas, French, Thomas et Gallagher (1988)

soutiennent que « le développement des connaissances procédurales, nécessaires pour

prendre des décisions correctes dans le jeu, prend un temps considérable et de longues

heures de pratique » (p. 186).

Mac Pherson et French (1991) indiquent que de débuter l'apprentissage par la

technique ou par le jeu doit avoir un impact sur les connaissances et sur le jeu. Ils

indiquent aussi que les connaissances (déclaratives) des élèves et les prises de décisions

dans le jeu augmentent de façon spectaculaire quand l'approche fondée sur le jeu est

utilisée quasi exclusivement en premier.

Concernant le problème général des connaissances mises en jeu, les résultats des études

restent contradictoires et devraient faire l'objet dans l'avenir de travaux plus

approfondis. Les différences constatées entre les résultats dans la littérature peuvent

être expliquées par l'âge des sujets et les variations dans les modes d'enseignement

(Turner & Martinek, 1992). Les études de Mac Pherson et French ont porté sur des

joueurs de tennis adultes et débutants et non pas sur des élèves de sixième. Les

étudiants participant aux études de Mac Pherson et French avaient aussi à faire des

lectures obligatoires sur le jeu pendant leurs activités à l'université en supplément à

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l'apprentissage. Cette pratique pédagogique ne faisait pas partie de notre étude à

l’époque.

Dans une étude similaire relative au badminton, Rink, French et Werner (1991)

examinèrent les effets de trois traitements différents (approche tactique,

développement des habiletés techniques et une combinaison entre les deux) sur la

capacité de jeu de joueurs débutants (étudiants de 9ième, soit environ 14-15 ans). Ils

n’ont trouvé aucune différence significative. Par contre, la relation entre les habiletés

motrices et la tactique individuelle en jeu au post-test confirme les recherches de

French et Thomas (1987). Leur étude sur le basket-ball indique que le tir et la conduite

de balle sont reliés aux composantes du jeu et à l'effectuation. La relation entre une

habileté technique comme le tir et les actions tactiques individuelles en jeu indique que

les élèves sont plus performants dans les situations de jeu à cette étape. A ce propos,

Anderson (1982) et Chi et Rees (1983) suggèrent que l'acquisition des connaissances

déclaratives constitue les fondements pour un bon développement de connaissances

procédurales et permettent aux élèves de savoir quoi faire dans les situations

spécifiques de jeu. Toutefois, Mac Pherson et French (1991) pensent que les sujets

peuvent sélectionner une certaine réponse dans un contexte de jeu donné et ainsi

montrer des procédures d'exécution correctes, sans nécessairement en connaître la

raison.

Enfin dans ce genre d’études, les résultats sont rarement statistiquement significatifs

car la mesure des apprentissages et de la performance des joueurs est assez complexe.

Le petit nombre de sujets et la dispersion des réponses expliquent aussi ce fait. On peut

identifier seulement des tendances d'évolution comme bien souvent dans ce genre de

recherche de terrain. Néanmoins, cette catégorie d'expérimentation devrait permettre

aux enseignants de se faire une idée sur la méthode d'enseignement qu'ils peuvent

choisir dans les JSC ainsi que de leurs effets sur les performances des élèves. Cela peut

les aider à répondre aux questions du type : « Vaut-il mieux enseigner l'aspect

technique ou tactique du sport collectif ; Quelle place accorder à la technique ? » etc.

Figure 4. Modélisation des différentes approches d’enseignement des jeux et sports collectifs(adapté de Gréhaigne, 1989)

20 Une tentative de synthèse pour résumer l’ensemble des approches d’enseignement des

JSC pourrait se ramener à ce schéma de principes (Figure 4) permettant une approche

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macroscopique de la conception dominante employée par un formateur dans

l'enseignement des JSC. Cette analyse factorielle n'a pas de valeur normative. Par

contre, elle vise simplement à caractériser ce qui est proposé aux élèves, permettant

peut-être de mieux comprendre comment se sont développées les études sur ces

thèmes.

En développant cette idée d’approche tactique, Gréhaigne (1988, 1989) constate dans sa

thèse que, dans l'apprentissage classique des sports collectifs, on cherche avant tout à

enseigner aux élèves des gestes techniques et à imposer de l'ordre sur le terrain, sous

forme de répartition formelle. Pourtant, l'opposition de l’adversaire dans un match

engendre de l'imprévu et la nécessité constante de s'adapter aux contraintes issues de

l'affrontement. Un match n'est que très rarement la simple application de

combinaisons tactiques apprises à l'entraînement. Ainsi, dans le jeu, on ne peut bien

souvent envisager que des probabilités d'évolution des configurations de l'attaque et de

la défense. De là l'importance d'activités heuristiques permettant de traiter plus vite les

problèmes posés par l'interaction spécifique des deux équipes. Il convient de

distinguer, dans l'utilisation des savoirs, quelle est l'activité du joueur en match et

quelle est celle du joueur dans les jeux réduits. En situation de jeu complet, l'élève

mobilise toutes ses ressources disponibles (perceptives, attentionnelles, décisionnelles,

émotionnelles, énergétiques, motrices…) dans des conditions de pression temporelle

qui le conduisent, dans la plupart des cas, à gérer ou à anticiper les actions des

adversaires. C’est à lui de prévoir les déplacements et actions que l'évolution probable

du jeu appelle de sa part.

En situation de jeux à effectif réduit, l'activité du joueur relève toutefois d'une autre

logique. D'une part, la contrainte temporelle peut être réduite, voire supprimée.

D'autre part, il s'agit pour lui de construire des savoirs, compétences perceptives,

décisionnelles et motrices, par une succession d'essais, en vue de transformer et

d'optimiser ses réponses motrices. L'élève peut ainsi fixer son attention sur un point

précis du jeu et explorer l'ensemble des connaissances et leurs variables que la

situation a permis d'identifier. La notion centrale d'opposition dans le jeu amène donc

à considérer les deux équipes comme des systèmes organisés en interaction. Les

caractéristiques structurelles de ces systèmes consistent en un programme modifiable

en fonction de l'expérience acquise et leur principale propriété fonctionnelle est

l'apprentissage. Les conditions de fonctionnement de ces systèmes en sport collectif

font qu'ils ont à gérer avant tout du désordre tout en préservant un certain ordre

permettant de décider dans un environnement non complètement prévisible a priori.

En poursuivant les propositions de la pédagogie des modèles de décision tactique,

Gréhaigne (1997) ainsi que Gréhaigne, Godbout et Mahut, (1999) proposent un modèle

d’apprentissage basé d’abord sur le jeu et la tactique mise en œuvre. La figure 5 propose

un schéma construit sous forme spiralaire qui souligne à la fois la continuité des

apprentissages et le caractère évolutif et non cyclique des opérations qui permettent

ces apprentissages. Les formes et les règles adoptées dans les différents jeux réduits

jalonnent et ponctuent le processus permettant l'évolution des élèves.

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Figure 5. Modèle de décision tactique ou en anglais Tactical Decision Learning Model (TDLM)(Gréhaigne & Godbout, 1998)

21 Ainsi, dans ce modèle, les élèves sont mis, dès l’initiation, en activité dans des jeux

réduits. Après une observation appropriée, des retours d’informations de natures

différentes peuvent compléter les évaluations intrinsèques de chaque joueur. En

fonction de ces données et en créant des périodes de discussions entre les joueurs après

les séquences de jeu (débats d’idées), chaque équipe met au point un premier projet

d'action, qui sera ensuite essayé dans le jeu. Après la séquence de jeu, de nouvelles

observations permettront d’apprécier l’efficacité des actions en projet, entraînant

d’autres propositions pour une évolution constante du plan de jeu. Après une nouvelle

séquence de jeu, les élèves peuvent percevoir l'émergence des constantes de divers

aspects de la rencontre. Cela peut conduire à l'élaboration d’une nouvelle action en

projet avec la mise en place de liens entre les règles d'action, les règles d'organisation

du jeu et les compétences motrices. Après avoir testé son nouveau projet d'action,

l'équipe peut utiliser les résultats des observations pour apprécier les aspects positifs et

négatifs de leur plan de jeu. Donc, tous les joueurs construisent progressivement des

connaissances tactiques. Une fois stabilisés, ces éléments d'apprentissage peuvent être

complexifiés ou réutilisés dans un autre sport collectif afin d’engager un processus de

généralisation. Aussi, dans ce modèle, on peut repérer trois types de situations

d'enseignement / apprentissage :

les situations d'action où les élèves sont en activité motrice ;

les situations d'observation ;

les situations de »débat d'idées« qui sont des situations dans lesquelles les élèves

s'expriment et échangent à propos du jeu.

22 Le débat d'idées est une pièce centrale d'une conception sémio-constructiviste (Wallian

& Gréhaigne, 2004) voire socio-sémio-constructiviste de l'apprentissage des sports

collectifs. Il consiste en une discussion entre les joueurs après une séquence jouée.

Cette discussion est basée sur un retour d’informations chiffrées à propos de la

performance des joueurs et est destinée à faire évoluer ou non les actions en projet de

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l'équipe en revenant sur le score, sur la stratégie prévue et en analysant la tactique

appliquée lors de la séquence.

7. D’autres recherches et controverses sur l’approchetactique

23 Plusieurs chercheurs et professeurs d’EPS ont soumis des craintes plus ou moins

fondées par rapport à l’utilisation d’une approche dite tactique sur les différents

aspects de l’enseignement de l’éducation physique chez les élèves.

7.1. D’autres recherches sur l’efficacité comparée de l’enseignement

des JSC

24 Ainsi, Chen, Martin, Sun et Ennis (2007) ont tenté de comparer les deux approches

(techniques et tactiques) en regard de leurs effets sur la condition physique (fitness)

des élèves. L’objet était de vérifier si l’approche constructiviste en EPS, qui semble

moins axée sur l’implication motrice des élèves, peut induire une quelconque

diminution de la condition physique ou une détérioration des ressources des

participants. En effet, certains spécialistes pouvaient prétendre que le temps

d’engagement moteur et le temps de pratique des participants peuvent être diminués

en raison de la durée des débats d’idées ou de l’efficacité des méthodes ou activités

d’apprentissage utilisées dans une approche constructiviste comparativement aux

approches traditionnelles. Les résultats de cette étude ont démontré initialement que le

niveau de dépense énergétique des élèves était considéré de modéré à faible, peu

importe les approches utilisées en EPS. Par ailleurs, les mesures des connaissances

acquises par les participants dans une approche constructiviste ont été

significativement supérieures aux autres approches pour des élèves de 4ième à la 6ième

année (entre 9 et 11 ans). Au final, bien que quelques différences semblent exister entre

les deux approches selon le type d’activité enseignée dans les cours, il ne semble pas y

avoir une différence significative au niveau de l’effet d’une approche ou d’une autre sur

la condition physique des élèves. Par ailleurs, les auteurs soulignent qu’au niveau

motivationnel, des différences importantes favorisant une approche constructiviste ont

été constatées. Deux explications ressortent de ces travaux : les élèves se sentent

davantage impliqués dans l’organisation des activités et ils considèrent que ce à quoi ils

jouent ressemble davantage au jeu réel.

Dans le deuxième type d’études qui compare l’efficacité de l’approche technique à celle

fondée sur le jeu, deux enjeux sont pris en compte :

il importe de savoir comment préparer la séance pour améliorer le sens de l’apprentissage

en EPS et déterminer comment se construisent les savoirs (Azzarito & Ennis, 2003 ; Azzarito,

Solmon, & Afeman, 2003 ; Brooker, Kirk, Braiuka, & Bransgrove, 2000 ; Pissanos & Allison,

1993 ; Rovegno, 1998) ;

il importe de comprendre comment l’apprenant développe et construit la tactique en cours

d’EPS (Rovegno, Nevett, & Barbiarz, 2001).

25 Les populations étudiées s’échelonnent généralement des enfants de CM1 (9-10 ans)

jusqu’à l’étudiant en formation et à l’expert enseignant d’EPS. Les études comparant

l’efficacité qui ont été répertoriées dans la présente étude utilisent pour la plupart des

protocoles quasi-expérimentaux avec des tests cognitifs liés à un sport, y compris des

1.

2.

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questions sur les connaissances tactiques. Ces études utilisent également des tests

standardisés qui mesurent les niveaux d’habiletés motrices. Des grilles d’observation

sont aussi utilisées pour mesurer la pertinence des prises de décision. La question au

centre de ces mesures est de savoir si les connaissances et les compétences motrices en

jeu sont modifiées par la participation à l’une ou l’autre des approches. Un

questionnaire mesurant le niveau d’appréciation des participants vient généralement

compléter les mesures effectuées pendant l’étude afin de déterminer dans quelle

mesure les apprenants ont apprécié leur expérience avec cette approche. Par ailleurs,

pour les études ayant pour objectif la description heuristique des faits, le protocole de

recherche utilisé est principalement de type qualitatif, comme l’observation

participante et l’observation clinique, l’entretien et le journal réflexif de l’enseignant,

ainsi que l’analyse des fiches de préparation des leçons.

Au final, les résultats concernant les études qui ont tenté de comparer les niveaux

d’efficacité des deux approches sont contrastés. Pour Griffin, Oslin et Mitchell (1995),

Mitchell, Griffin et Oslin (1995) et Turner et Martinek (1992), il n’y a pas de différence

significative en termes d’efficacité entre les deux approches avec des cycles courts (5 à

6 leçons). Cependant, l’étude de Turner et Martinek (1999) démontre que les élèves

ayant suivi l’approche tactique présentent une meilleure performance du jeu que dans

l’approche technique. Dans l’étude de Rink et al. (1996), les résultats démontrent que

les élèves ayant suivi une approche tactique obtiennent un meilleur score dans le test

de connaissances tactiques que ceux ayant suivi une autre approche. Par ailleurs,

Wright, Mc Neill, Fry et Wang (2005) établissent que le niveau d’exécution des

compétences motrices est meilleur chez les élèves ayant suivi un enseignement

tactique que celui des autres élèves.

La variété de ces résultats pourrait s’expliquer par des causes différentes : la durée du

cycle d’enseignement est variée d’une étude à l’autre ; l’âge de la population diffère

également entre les études ; les contenus d’enseignement des sports sont différents ;

l’efficacité de l’intervention du professeur d’EPS n’a pas été mesurée et comparée aux

résultats obtenus, etc. De plus, plusieurs mesures ont été faites de manière isolée et

n’ont pas considéré de manière systématique les différentes interactions pouvant

exister entre les variables comme le professeur d’EPS, ses compétences, sa

compréhension de l’approche, les activités d’apprentissage, les conditions dans

lesquelles ont été implantées ces approches, les expériences passées des élèves, etc. Peu

importe l’approche utilisée, la question de la préparation du milieu aboutit

nécessairement à la qualité et la pertinence de l’intervention de l’enseignant. Cet

enseignant doit avoir une connaissance pédagogique suffisante de l’approche en elle-

même, des contenus d’enseignement et des compétences d’enseignement associées à

l’approche utilisée (PCK ; pedagogical content knowledge) (Amade-Escot, 2000 ;

Rovegno, 1994 ; Siedentop, 2002) en plus de la clarté des attentes et apprentissages

visés. Sa compréhension du rapport entre les structures des contenus d’activités doit

être profonde et élargie. Il semble donc évident qu’il faut partir du point de vue de

l’élève pour améliorer le développement des connaissances de l’enseignant. De même, il

est nécessaire de préparer adéquatement le milieu afin qu‘il favorise l’apprentissage de

la coopération sociale chez l’enfant.

Pour ce qui concerne le développement et la construction des habiletés tactiques, les

résultats de Rovegno et al. (2001) montrent que l’habileté motrice de la passe et la

tactique de l’appel de balle sont hautement situées dans un contexte dynamique. Quand

les enfants jouent de cette façon, les défenseurs ont des tâches contraintes, c’est à dire

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qu’ils prennent davantage conscience des tentatives de l’adversaire de faire progresser

le jeu. Cela permet ainsi d’augmenter l’authenticité du jeu. Les élèves s’impliquent ainsi

dans un contexte social qui autorise un apprentissage signifiant au regard des contenus

enseignés.

7.2. L’interactionnisme discursif

26 Chang (2006) a exploré de son côté comment des élèves taïwanais de CM2 apprennent

en basket-ball avec une approche sémio-constructiviste, soit une approche « mettant

l’élève au cœur des processus d’appropriation/construction des savoirs dans et par

l’action » Makram (2012). Les trois aspects de l’étude se sont focalisés sur 1) l’analyse

des matchs, 2) les échanges verbaux dans le débat d’idées et 3) un test vidéo de

l’interprétation du jeu. Deux classes comparables ont été divisées en un groupe

expérimental suivant une approche constructiviste (17 filles ; 15 garçons), et en un

groupe témoin suivant un enseignement techno-centré (16 filles ; 16 garçons). Autant le

jeu de basket-ball que les échanges verbaux entre les participants ont été enregistrés

durant un cycle complet d’apprentissage (12h de pratique effective). La dynamique du

jeu a été, elle, analysée par une observation systématique, alors que les débats entre

élèves et les interprétations du test vidéo étaient transcrits, traduits et traités par une

analyse du discours.

Trois types de résultats sont ressortis de cette étude :

l’approche sémio-constructiviste implique la mobilisation d’un système complexe de

ressources (techniques, interprétatives, décisionnelles, sémiotiques et sociales) ;

l’évolution du rapport de forces pendant le jeu semble faire progresser l’organisation du jeu

et suscite la prise de décision tactique ;

la relation entre le langage et l’action s’améliore sous certaines conditions pendant

l’apprentissage en basket-ball.

27 En somme, si l’efficacité à court terme du modèle technique a été confirmée dans de

nombreuses recherches (French et al., 1991 ; Sweeting & Rink, 1999), les études qui ont

mesuré les effets à long terme prouvent que le modèle tactique démontre une plus

grande efficacité pour la performance en jeu que le modèle technique après 6 à 8

leçons. Différentes études, comme celles de Chang (2006), Zerai (2006), Berchebru

(2007), et Gréhaigne, Richard et Griffin (2005), permettent de constater que la période

de 6 à 8 leçons est la période nécessaire pour que les apprentissages en jeu commencent

à évoluer de façon significative. Avant cette période, des réponses nouvelles ne font

juste qu’émerger des élèves confrontés aux problèmes vécus en situation de jeu. Du

temps, de la pratique et de la réflexion sont essentiels pour que ces réponses

deviennent des réponses stabilisées et de qualité et qui seront disponibles comme

ressources pour l’élève dans les cycles à venir.

7.3. Le concept de « Team Cognition »

28 Dernier point, nous n’avons pas traité des analyses fondées sur l’approche par la

« Team cognition » (Cooke, Gorman, & Winner, 2007 ; Bourbousson & Seve, 2010), car

cette approche, importée de la psychologie (cognition appliquée), a malheureusement

tendance à oublier les adversaires… au profit d’une centration exclusive sur le groupe.

De plus, l’approche semble parfois confondre la notion d’équipe avec celle de couple.

1.

2.

3.

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105

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Pourtant, dans sa thèse, Gréhaigne (1989) écrivait déjà que dans les JSC, la possession

ou non du ballon détermine des statuts différenciés : porteur de balle, partenaire du

porteur de balle, défenseur sur le porteur de balle, défenseur sur le partenaire du

porteur de balle. Aussi, il apparaît difficile de considérer la situation de 2 x 2 en jeu réel

comme une véritable situation de JSC car cela remettrait en cause la définition,

généralement admise, des JSC où un groupe affronte un autre groupe, « une modalité

originale d’exploitation de la dynamique des groupes restreints poursuivant un objectif commun

» (Mérand, 1977, p. 12). Or, Anzieu et Martin (1968, p 30) définissent « un groupe restreint

comme étant la réunion de trois à quinze personnes ». Gréhaigne (1989) proposait alors, que

le 3 x 3, c'est-à-dire un jeu qui réunit porteur de balle, réceptionneur éventuel 1,

réceptionneur éventuel 2, défenseur 1, défenseur 2, défenseur 3, soit la structure

minimale pour qu'il y ait réellement sport collectif. Ce 3 x 3 permet de passer de choix

binaires (je passe ou je conserve la balle) à des choix multiples : je garde ou je passe à J2

ou je passe à J3, conservant ainsi la complexité minimale pour que nous puissions

parler de sports collectifs. En dessous de cette structure, nous sommes dans des

situations de jeu pré-sport collectif qui ne rendent pas compte de cette complexité

minimale du jeu. Alors, le 2 x 2 représente une tâche partielle de jeu à résoudre dans

des cas bien précis et non pas « la plus petite micro-société des J.S.C. qui réalise un

affrontement équitable, structure originelle, réelle et profonde de l'ensemble des J.S.C » (Menaut

(1982), p 40).

Enfin, il est patent que la notion d’articulation du cours d’action entre joueurs

partenaires, si elle éclaire certaines dimensions de l’action située, ne permet pas de

rendre compte de la logique tactique collective au sein des relations d’opposition.

8. De l’enseignement des jeux pour la compréhensionà l’apprentissage du jeu à travers la compréhension :perspectives ouvertes par les recherches actuelles

29 Kirk et MacPhail (2002) notent que la notion de performance, située dans l’approche

TGFU, fournit une façon de comprendre la relation entre la forme de jeu d’une part, et

la conception préalable et alternative du joueur au jeu d’autre part (voir aussi

Gréhaigne & Godbout, 1998). Il est ainsi important pour les élèves de saisir le sens réel

du jeu selon l’activité pratiquée (Houdé, 1992). La signification pour l’élève se réfère à

sa capacité à formaliser de manière explicite ou implicite ses observations en fonction

des instructions et de la tâche, avant d’être en mesure de les traiter.

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Figure 6. Processus impliqués dans Teaching Games for Understanding – TGfU (Bunker & Thorpe,1982 ; Butler, Griffin, Lombardo, & Nastasi, (2003) ; Hopper, Butler & Storey. (2009) et LearningGames through Understanding - LGtU (Gréhaigne, Caty, & Godbout, 2010)

30 En ce qui concerne le rapport entre l'enseignement et l’apprentissage des jeux à l'école,

la figure 6 illustre en parallèle les caractéristiques d’un enseignement des jeux pour la

compréhension (TGfU) organisé par l'enseignant et de l’autre celles d’un apprentissage

des jeux au travers de la compréhension (LGtU) basé sur l’activité de l’élève.

L’enseignement des jeux pourla compréhension ne peut pas garantir à lui seul une

véritable approche centrée sur l'élève. Le fait de proposer l'apprentissage des jeux à

travers la compréhension (Gréhaigne, Zerai, & Caty, 2009) nous semble bien plus

susceptible de créer un environnement d'apprentissage plus authentique, prometteur

et de garantir une approche centrée sur les apprenants. En effet, dans TGfU,

l’enseignant peut poser des questions parfaitement ou en partie fermées et donner « la

piqûre de savoir » ou la solution au moment choisi par lui et non par les élèves. Dans ce

type de situation, on peut en revenir très vite à un enseignement centré sur le maître.

Le fait d’insister sur l'apprentissage dans le système enseignement / apprentissage,

avec le strict respect du débat entre les élèves, nous semble susceptible de mieux

garantir un environnement d'apprentissage authentique et prometteur et de garantir

une approche centrée sur les élèves. Une telle approche pédagogique n'est pas destinée

à amuser les élèves mais à leur faire appréhender le jeu différemment. Le but sous-

jacent essentiel, en droite ligne avec une perspective cognitiviste et constructiviste

(Gréhaigne & Godbout, 1995), est bien de demander aux élèves de découvrir les

problèmes à résoudre puis de faire une prévision de jeu afin d’apporter des réponses

aux problèmes posés.

Dans une approche socio-sémio-constructiviste de l’enseignement, les apprenants

s'engagent activement dans le processus d'apprentissage en EPS. Pour les JSC, les élèves

sont amenés à construire leurs compétences tactiques en les adaptant individuellement

selon la situation spécifique vécue. Une telle option soutient que les connaissances

construites par l'élève sont le résultat de l'interaction entre son activité cognitive et la

réalité (Cobb, 1986 ; Gréhaigne & Godbout, 1998 ; Piaget, 1974).

Dans une approche d'enseignement considérée comme indirecte, « Apprendre le jeu au

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travers de la compréhension » devrait être la principale philosophie à développer.

L’apprentissage des élèves dans une approche constructiviste les amène donc à tenter

de donner un sens à l'entrée de nouvelles réponses en les rapportant à leurs

connaissances antérieures et en collaborant à une discussion avec d'autres élèves pour

construire une compréhension partagée de la réponse envisagée. Comme il a été déjà

mentionné, tout processus de résolution de problèmes d'apprentissage, de même que la

construction de connaissances personnelles, nécessite une réflexion de la part des

élèves. Cette réflexion se déroule parfois pendant une période qui peut être très

variable selon les capacités intellectuelles des élèves et leur vécu sportif. La

verbalisation pendant les discussions peut, pour beaucoup d’entre eux, faciliter la

réflexion et l'observation, de même que fournir les données de base sur lesquelles

réfléchir. Ainsi, les élèves collaborent en agissant comme une communauté

d'apprentissage qui construit graduellement sa compréhension partagée du jeu à

travers un dialogue et l’expérimentation réelle en situation de jeu.

Enfin, la « transformation » implique non seulement l'apparition de nouvelles réponses

à un problème donné, mais aussi une stabilisation de ces réponses. En effet, l'apparition

d'une nouvelle réponse chez l'élève ne veut en aucun cas dire qu'elle sera utilisée

ultérieurement. Sous la pression temporelle, l’élève peut en revenir à un modèle ancien

de lecture du jeu. Des réponses nouvelles seront considérées comme stabilisées si elles

répondent à trois critères : la systématicité, la durabilité, la généralisation. Pour ce type

d’approche et particulièrement lors des périodes de discussion, l’enseignant devient

une personne ressource pour les élèves. Sa principale tâche est de faciliter d’une part

un dialogue respectueux entre les participants, et d’autre part, la réflexion des élèves

par certaines relances lorsque les discussions ne mènent à rien. Ce rôle d’enseignant -

personne ressource - diffère totalement des approches traditionnelles d’enseignement

des sports où il est davantage considéré comme un transmetteur de savoir.

Cette culture différente de « l’enseignement » peut, au départ, insécuriser les jeunes

collègues en formation. Mais rapidement ce changement dans le rôle de l’enseignant

motive au contraire les élèves en les rendant plus impliqués dans le déroulement de la

séance. Enfin, permettre aux élèves de profiter des expériences menées et de construire

des connaissances nouvelles suppose de laisser une place à du tâtonnement, à de la

découverte guidée et de faire toute sa place à une conception inductive de la

transmission des connaissances.

9. Conclusion

31 Pour Good (1996), la perspective de l'enseignement / apprentissage au travers de la

compréhension est à l’heure actuelle la plus puissante tradition intégratrice susceptible

d'influencer les pratiques des enseignants dans une classe. Si TGfU et les débats de la

recherche anglo-saxonne ont permis de populariser à l’échelle mondiale la question de

l’enseignement de la tactique en sport collectif, il reste que leur oubli ou leur

méconnaissance des travaux des aires non anglophones limite la portée pratique de

ceux-ci.

Certes, le débat d’idées donne la possibilité aux élèves de partager des expériences

collectives dans le cadre d’un rapport de forces en regard des configurations

momentanées du jeu apparues. Mais, offrir aux élèves la meilleure éducation physique

possible implique bien évidemment de nombreux autres facteurs. L'un des plus

importants est de savoir comment les enseignants enseignent et surtout comment les

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élèves apprennent. Les chercheurs ont besoin d’approfondir les voies d'apprentissage

et de décrire, chez les élèves, les processus cognitifs et la construction de l’expérience

collective qui se produisent pendant le jeu. En faisant cela, on pourra mieux

comprendre les mécanismes qui influencent les relations entre l'acquisition des

connaissances et les performances motrices. Un environnement d'apprentissage

efficace crée nécessairement des conditions d’enseignement efficientes. Pour atteindre

ce but, il est essentiel que les enseignants deviennent des praticiens réflexifs,

suffisamment informés des avancées de la recherche et, peut-être, plus attentifs aux

besoins des élèves qu’à la matière à enseigner.

Enfin, Didier Caty, un de nos collègues du lycée de Gray, témoignait (Caty, Zerai, &

Gréhaigne, 2009) :

au-delà des résultats chiffrés et des tests, parfois peu significatifs pour le lecteur, cedescriptif ne peut communiquer tous les évènements, toutes les joies et tous lesdébats qui ont ponctué ce cycle de travail. Comment retranscrire les raresabsences ? Comment dire au lecteur que certains élèves n’avaient pas cours depuisle matin et restaient pour participer ? Comment expliquer que certaines ont jouéalors qu’elles étaient physiquement diminuées ? La dynamique créée autour d’uncycle essentiellement basé sur le jeu n’a sans doute pas permis aux plus faibles de setransformer radicalement. Toutefois, l’originalité de ce type de travail a suscitébeaucoup de plaisir chez les élèves et donné du sens aux leçons. (p. 227)

32 Tout est dit !

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Paul Godbout pour leur relecture attentive d’une version préliminaire de ce texte.

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NOTES

1. Traduction littérale en français de Teaching Games for Understanding.

RÉSUMÉS

L'objet de cet article est de proposer quelques données historiques et contemporaines sur

l'évolution des conceptions de l’enseignement / apprentissage de la tactique en sports collectifs.

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Il tente de mieux décrire et comprendre les enjeux actuels de la recherche sur l’enseignement et

l’apprentissage en sports collectifs. A cet effet, un large tour d’horizon de la littérature

internationale est effectué pour bien analyser les apports des chercheurs et spécialistes à cette

construction.

The purpose of this article is to offer an historical and contemporary perspective on the

evolution of the conceptions of the teaching / learning of tactic actions in team sports. This

reflection is needed to better understand the current stakes in the research about these themes.

A wide overview of the international literature is made to analyze the contributions of each

author and specialist in this construction.

INDEX

Mots-clés : sport collectif, enseignement, apprentissage, tactique, compréhension

Keywords : team sport, teaching, learning, tactics, understanding

AUTEUR

JEAN-FRANCIS GRÉHAIGNE

Professeur retraité de l’Université de Franche-Comté, Besançon, France

Luc Nadeau

Professeur de l’Université Laval, Québec, Canada

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Actualités des thèses et des livres :Thèses et HDR

Sinda Ayachi. Les femmes dans les sports à connotation masculine : stratégies identitaires des

athlètes tunisiennes de haut niveau.

Thèse de Doctorat ès Sciences du Sport. Université de Franche-Comté. Ecole Doctorale

« Langages, Espaces, Temps, Sociétés » (ED 098)

Jury :

Chantal Amade-Escot, PR Sc. Education, Université de Toulouse (Rapporteur)

Mohamed Embarki, PR Linguistique, Université de Franche Comté

Marie-Paule Poggi, MCF HDR STAPS, Université des Antilles et de la Guyane

(Rapporteur)

Nathalie Wallian, PU STAPS, Université de Franche Comté (Directeur)

Soutenue publiquement le 19 janvier 2015 à l’Université de Franche Comté.

Résumé :

La manière dont les femmes investissent les sports de haut niveau est hautement

contextualisée en fonction de la culture nationale et des institutions qui régissent le

sport. En Tunisie, le sport de haut niveau est différentiellement investi par les femmes

parmi lesquelles certaines s’investissent et réussissent dans des sports à connotation

masculine. Cette étude porte sur le rapport identitaire des athlètes tunisiennes de haut

niveau dans leur pratique d’un sport à connotation masculine.

La méthodologie se déroule en trois phases : 1) une approche quantitative s’appuie sur

l’échelle de masculinité/féminité du test-questionnaire MMPI (T de Student et ANOVA)

et permet de positionner le profil psychologique des athlètes tunisiennes de haut

niveau impliquées dans un sport masculin (N = 56 X 3 + 100) ; 2) une étude qualitative

portant sur les récits de vie (N = 8 : 4 présentant un Tscore masculinisé et 4 présentant

un Tscore féminisé ; T = 5h ; 25000 mots) porte sur la lexicométrie et l’analyse de

contenu thématisée ; 3) un test de lecture d’image apporte de éléments d’interprétation

de la féminité telle que médiatisée et ressentie par les pratiquantes.

Les résultats montrent que malgré l’absence de différence significative entre les 4

groupes soumis au test MMPI, les athlètes étudiées mobilisent des manières singulières

et contextualisées pour s’approprier différentes identités en contexte. Ces résultats

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questionnent la place des Tunisiennes dans le sport de haut niveau masculin ainsi que

de façon plus large les mutations de la société tunisienne.

Clement Jourand. Dynamique des interactions lors de leçons d'Education Physique et Sportive

en Course d'Orientation : une étude de l'activité d'élèves dans différents dispositifs

d'apprentissage.

Thèse de Doctorat. Université de Rouen.

Jury :

Fabienne d'Arripe-Longueville (rapporteur)

Nathalie Gal-Petitfaux (rapporteur)

Denis Hauw

Jacques Saury

Carole Sève

Régis Thouvarecq (directeur)

David Adé (co-directeur)

Soutenue publiquement le 1er avril 2015 à l’Université de Rouen.

Résumé :

Cette thèse visait à caractériser les formes d’interaction émergentes entre des élèves

engagés dans différents dispositifs d’apprentissage en course d’orientation et

ambitionnait de caractériser la dynamique de ces formes d’interaction. Cette recherche

a été conduite dans le cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action (Theureau,

2006). 12 élèves de 6ème, volontaires, ont été répartis en 6 dyades affinitaires. Les

enseignants ont proposé aux élèves des parcours d’orientation similaires du point de

vue du niveau de difficulté et de la durée. Toutefois, les leçons étudiées étaient

contrastées par le dispositif d’apprentissage choisi par les enseignants. Deux catégories

de données ont été recueillies : (a) des données d’enregistrements audiovisuels pendant

l’activité de recherche des balises par les élèves, et (b) des données de verbalisation lors

d’autoconfrontations avec les élèves, rendant compte d’un recueil fondée sur les

données d’expérience. Le traitement des données a été réalisé en deux étapes. La

première étape qualitative a caractérisé les formes d’interaction émergentes entre les

élèves. Sur cette base, la deuxième étape, en faisant appel à des outils hétérodoxes du

Cours d’Action a représenté graphiquement la dynamique de ces formes d’interaction

pour chaque dyade. Les résultats issus de la première étape ont permis de montrer la

présence, quel que soit le dispositif d’apprentissage, de trois formes typiques

d’interaction entre les élèves (co-construction, confrontation, délégation) et de trois

modes d’utilisation dyadique de la carte (partagé, univoque, détaché). Les résultats

issus de la deuxième étape ont permis d’une part de caractériser les dynamiques des

formes d’interaction en pointant leurs singularités et similarités selon les dispositifs

d’apprentissage, et d’autre part les éléments participant à cette dynamique comme les

propriétés physiques et fonctionnelles de la carte d’orientation. Ces résultats sont

discutés en trois points : un apport épistémique sur les interactions entre élèves

lorsqu’ils s’engagent en course d’orientation ; un apport transformatif pour la

conception de dispositifs d’apprentissage en course d’orientation ; et un apport réflexif

au sujet du choix de la méthode de traitement des données.

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