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  • ISSN:1630-5930EANEpub:978-2-84713-394-3Dépôtlégal:janvier2014Couverture:Juanitaà18ans,avantsonentréeauCarmel.©ÉditionsduCarmel33,avenueJeanRieux–31500Toulouse.siteinternet:www.editionsducarmel.fr

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  • pourrait, un jour, ne pas m’aimer avec le même enthousiasme ou qu’ilpourrait mourir en me laissant seule dans les luttes de la vie m’a faitrejeterl’idéedememarierpourêtreheureuse.Non.Celanemesatisfaitpas. Pour moi, le bonheur n’est pas là. Alors, me demandai-je, où letrouver?J’aicomprisque jen’étaispasnéepour leschosesde la terremais pour celles de l’éternité. Pourquoi le nier plus longtemps ? Moncœur ne s’est reposé qu’en Dieu. Avec lui, mon âme s’est sentiepleinementsatisfaite,detellesortequejenedésirepasd’autrechoseencemondequedeluiappartenircomplètement5.

    Juanita n’a pas fait beaucoup de confidences sur la manièredont elle a comprisqueDieu seulpouvait satisfaire sa soif debonheur.Apparemment,onnevoitpasdanssavieunepériodede recherche éperdue des « nourritures terrestres » qui seraitsuivie d’une conversion radicale à la manière d’un saintAugustin.EllereconnaîtqueleChristacommencéàl’attirerdèssonenfance6.Deux événements de sa vie, cependant, semblentavoir eu un rôle particulièrement important, sinon décisif : sapremièrecommunionetunemaladieen1914.Sa première communion, tout d’abord, qui eut lieu le11 septembre 1910, fut pour elle une expérience spirituellemarquantepourlavie:«lesouvenirlepluspurquejegarderaitoutema vie7 ». Elle ressentit après la communion « une paixdélicieuse».Àpartirdecejour,écrit-elle,«laterre,pourmoi,n’eutplusd’attrait8».IlsemblequeJuanitaaitreçucejour-làlagrâce d’expérimenter une joie très profonde venant de l’amourduChrist pour elle. Elle demande alors à Jésus de la prendreavecluileplusvitepossible.Quatre années plus tard, Juanita est sérieusementmalade auxalentoursdu8décembre,commecelaluiarrivaitpériodiquement:J’eusuncapriceetdelapeineetjememisàpleurer.MesyeuxpleinsdelarmessefixèrentsuruntableaureprésentantleSacré-Cœuretj’entendisunevoixtrèsdoucequimedisait:«Comment!Moi,Juanita,jesuisseul

  • sur l’autelparceque je t’aimeet toi, tune lesupportespasunmoment? » Depuis lors, mon Jésus me parle […]. Il m’enseigna peu à peucommentjedevaissouffriretnepasmeplaindre…etaussil’unionintimeaveclui.Alorsjemedisquejemevoulaispourlui.Carilvoulaitquejesoiscarmélite[…].NotreSeigneurmemontralasaintetécommebut9.

    Plusieursannéesplustard,dansunelettreàsonpère,elleferaallusion à cet événement qui semble avoirmarqué un tournantdanssavie:«Jenecroispasquecefutuneillusionparcequej’ai été transformée en cet instantmême.Celle qui recherchaitl’amourdescréaturesnedésiraitplusqueceluideDieu10».

    •LessainesjoiesdelaviehumaineSi,trèstôt,elleacommencéàchercherenDieulajoieparfaite,Juanita n’en a pas moins été capable de jouir des joiesauthentiques qu’offre la vie humaine : joie éprouvée devant labeautéde lameretdesmontagnes, joiedepratiquersessportsfavoris (le tennis, lanatationetpar-dessus tout l’équitationoùelle excelle), joie de la vie de famille et de l’amitié véritable.Elle aimait aussi rire et plaisanter : la lettre 43 à sa sœurRebeca,par exemple, est pleined’histoires comiques11. Juanitan’avait donc rien d’une sainte compassée, bien au contraire.Cependant, tous les témoins s’accordent pour affirmer sonéquanimitéetsamaîtrisedesoi.Sajoie,voiresagaieté,n’étaitdonc pas superficielle. Juanita s’est efforcée d’être toujoursjoyeuse:Aujourd’hui,ilm’afallu,plusieursfois,toutemavolontépournepasmelaisser aller à la tristesse. Et hier, de ma méditation, j’ai tiré cetterésolution:memontrerjoyeusetoutelajournée.J’aitenumapromesse12.

    Lestémoinsdesavieontsouventétéfrappésparsajoie:«Cequimeplaisaitleplusenelleétaitsajoiepaisible.Avecelle,onn’éprouvaitpasdepeine13».

    •Souffriravecjoie

  • Il est frappant de voir Juanita associer souvent la joie à lasouffrance.Dèslagrâcededécembre1914,leChristcommençaà enseigner à Juanita comment souffrir avec joie. À partir decettedate,cethèmerevientsouventdanssesécrits:Jésusm’aditqu’ilvoulaitquejesouffreavecjoie.Celacoûtetant,maisilsuffitquejeluiledemandepourquejem’efforcedelefaire[…].Ilmedit qu’il étaitmontéauCalvaire et s’était couché sur la croix avec joiepour le salut des hommes. «N’es-tu pas celle quime cherche et qui seveut semblable à moi ? Alors viens avec moi et prends la croix avecamouretjoie.»14

    Il est rarequ’onpense à la joieduChrist auCalvaire ; il estencoreplusrarequ’onlareprésentedansl’art15.Peut-êtreest-cedûau fait que, lorsquenous souffrons intensément, nosvertusthéologales ont beaucoup de peine à émerger au-dessus de ladouleur.Cependant, l’intensité des souffrances de la croix n’apassupprimélajoiedanslecœurduChrist,queriennepouvaitséparer de l’amour du Père. Il devrait en être de même pournous,danslamesureoùrien,sauflepéché,nepeutnousséparerdel’amourduSeigneur.PourceluiquiaimebeaucoupleChrist,lasouffrancen’estpassuppriméemaispeutêtredépasséedansune offrande qui s’unit au sacrifice de la croix16. C’estl’intensité de la charité qui permet de comprendre desaffirmationsparadoxalesdeJuanitatellesquecelles-ci:«Jésusenvoieauxâmesqu’ilaimelepluscecadeau[delasouffrance]quiluiplaîttant17».Àl’écoleduChrist,Juanitas’efforced’êtretoujoursjoyeuse18.C’est par amour pour lui, par exemple, qu’elle se vainc elle-mêmepournepasverserdeslarmeslorsqu’ellequittelecollègeduSacré-Cœurà lafindesesétudessecondaires,aurisquedeparaître ingrate à l’égard des religieuses du collège19. Parailleurs,ellenousaideàcomprendrecommentelleapuparvenir,malgré ses souffrances, àune joie continuelle,quandelle écrit

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  • puissionsêtrehostiesdelouangeàlatrèsSainteTrinité30.

    Nous avons vu plus haut que Teresa voit le Christ comme laparfaitelouangedegloiredesonPère.Maislalouangedegloires’étendaussiaudomainedelacharitéfraternelle:J’ai beaucoup parlé hier avec Herminita, lui demandant d’être pluspieuse. Je me propose de la changer entièrement. Que Jésus soit notreunion,etquenotreamitiésoitunactecontinueldelouangedegloire31.Merci,monRévérendPère,pour tout lebienquevousm’avez fait.QueDieu et sa divineMère vous payent pourmoi. Je ne cesserai jamais deprier pour Votre Révérence afin que vous soyez un saint apôtre de lagloiredeDieuetdesâmes,afinquevotrevieentièresoitunelouangedegloire32.

    Lalectured’ÉlisabethdelaTrinitéadûsusciterd’autantplusd’échoschezJuanitaquecelle-civivaituneviespirituelleassezsemblable.Eneffet, leSeigneuraaccordéàJuanitadesgrâcestrès élisabéthaines, si l’on peut dire, avec en plus des grâcesparticulières(leslocutionsintérieures):Notre Seigneur m’avait dit qu’il voulait que je vive avec lui dans unecommunionperpétuelleparcequ’ilm’aimaitbeaucoup.Jeluiairéponduquesiluim’aimait,illepourraitcarilesttout-puissant.Ensuite,ilm’aditquelatrèsSainteTrinitéétaitdansmonâmeetquejedevaisl’adorer.Immédiatement,jesuisrestéetrèsrecueillieenlacontemplantetellemeparaissaitêtrepleinedelumière33.

    Une lettre écrite quelques jours plus tard auPèreCea revientsurcetteexpériencemystique:L’autrejour,pendantquej’étaisenoraison,il[Dieu]m’aditdel’adorerconstamment à l’intérieur de mon âme, en lui offrant les louanges detouteslescréaturesetenm’unissantàcellesqueluiadressentlesangesdans le ciel…Jecontemple la trèsSainteTrinitédansmonâmecommeunimmensefoyerdefeuetdelumièredanslequel,àcausedesagrandeintensité,jenepeuxpénétreretquejenepeuxpasmêmeregarder…Etjeme vois, créature misérable, confondue et anéantie devant la divineMajestéet jem’unisaux louangesque tous luiadressentdans leciel. Ilm’ademandéquecetteadorationsoitconstanteetquecette louangenesoitpasinterrompue34.

  • •L’amitiéavecElisaValdésOssaIlfautencorereleverl’amitiétrèsétroitequiauniJuanitaàsacousine Elisa Valdés Ossa. Il semble qu’on doive distinguerdeux périodes dans cette amitié. Dans une première période,Juanita a eu pour Elisa une affection analogue à celle qu’elleportait à Herminia, la sœur d’Elisa, à savoir une affectiond’ordrefamilial.Untournantapparaîtenaoût1918,aumomentoùJuanitaquittelecollègeduSacré-Cœurpourretournerdanssa famille : Elisa est regardée par Juanita d’une manièrenouvelle, pas seulement comme une cousine,mais comme unevéritableamiespirituelle:QueNotreSeigneurestbon!Commentnepas l’aimer?Le jourmêmede mon entrée dans le monde il m’a donné une amie qui est un ange.Nouspensons en tout lamêmechose, nosâmes sont toutes semblables,bienqu’ellesoitunepetitesainteetmoiunemisérable35.

    C’est surtout à partir de son entrée au Carmel que Teresa vacorrespondre avec Elisa, en l’appelant familièrement Isabel aulieud’Elisa,probablementenréférenceàÉlisabethdelaTrinité(IsabeldelaTrinidadenespagnol)qu’Elisaadmiraitbeaucoup,elleaussi36.QueJésussoitleconfidentdemapetitesœurIsabel…Vivonstotalementplongées enDieu. Je vais te dire ce que je fais pour cela : je considèremon âme comme un ciel où réside la très Sainte Trinité… Je vis là encontemplant et en adorant cetÊtre très parfait…L’important est de nepasinterrompreintérieurementcettelouangedegloire.N’ayonspasd’autredésirqueceluideglorifierDieuenaccomplissant,àchaque instant, sa divine volonté. Pensons avec joie que nousl’accomplissonsàchaque instantetadoronscettedivinevolonté…Vivretoujourstrèsjoyeuses.Dieuestjoieinfinie…MachèreIsabelita,c’estcequeDieum’ainspiréet,commenosâmessonttrèsunies,jetelepartage.Tupeuxfairetoutcelaparfaitementdanslemonde.Ressens-tuentonâmecetamourpourlavolontédivine?Efforce-toidele sentir, puisque par ton nom, — Isabel de la Trinidad, c’est-à-dire,

  • «PetitemaisondeDieu»—tudoisenêtresirempliequedanstoutesonatmosphère, c’est-à-dire dans tes facultés et ton agir résonne toujoursl’échodelaParoleéternelle,dudivinvouloir37.

    •Élisabeth,unecompagnespirituelleAu terme de cette brève étude, nous pouvons soulever laquestionsuivante:dansquellemesurepeut-ondirequeTeresaaétéunevéritablediscipled’Élisabethde laTrinité,ausensoù,parexemple(etpourresteràl’intérieurdel’OrdreduCarmel),laBienheureuseThérèsedel’EnfantJésus(deGuadalajara)etleVénérableBenignoCalviontétédisciplesdelaPetiteThérèseàla même époque, au début du XXe siècle ? Notre questionchercheàpréciserl’impactdelalectured’ÉlisabethparTeresa.Relevons d’abord que, s’il est incontestable que Teresa aexpriméplusieursfoissondésird’imiterÉlisabeth,ellenes’esttoutefoisjamaisprésentéeexplicitementcommeunediscipledecelle-ci.Enoutre,nousdemeuronsdansl’ignorancedel’époqueprécise à laquelle Teresa a découvert Élisabeth. Ce futentre 1913 et 1916, nous l’avons vu ; mais justement unedifférencedetroisansestconsidérabledanslecheminementsirapidedeTeresavers lasainteté.Àsupposerque ladécouverteaiteulieudès1913,onpeutpenserqu’Élisabethajouéunrôleimportantdans lacroissancede lavied’oraisondeJuanita.Si,aucontraire,ladécouverten’aeulieuqu’en1916(cequenousserionsportés à croire), ce rôle a étémoins important puisqueJuanita avait déjà à l’époque une vie spirituelle très intense.Nousparlonsde«croissancedanslavied’oraison»deJuanitacarcen’estsansdoutepasÉlisabethquiaorientéJuanitaversl’oraison;celle-ci,eneffetyaétéattiréetrèsjeunesousl’effetdesgrâcesqu’ellerecevaitduChrist38.De toute manière, et quoi qu’il en soit de la questionchronologique, il est certain que la présence d’Élisabeth de la

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  • montéeduMontCarmelestdeloinl’œuvrelapluscitée,suiviedeLanuitobscure.Entoutcas,laSumaespiritualnecontientpas le texte complet de laVive flamme d’amour, ni même lepassagedelatroisièmestrophequenousavonscitéplushaut;dureste,lescitationsdelaViveflammed’amoursontraresdanscette compilation. Il est donc hautement probable qu’enjanvier1919Juanitan’avaitpasencore lu la totalitéde laViveflamme d’amour. Ceci étant dit, continuons notre lecture duJournalpource27janvier1919:J’airessentiunegrandeimpulsionpouralleràl’oraison.J’aicommencépar ma communion spirituelle, mais en rendant grâces, mon âme étaitdominéeparl’amour.LesperfectionsdeDieuseprésentèrentàmoiuneàune : la Bonté, la Sagesse, l’Immensité, laMiséricorde, la Sainteté, laJustice. Il y eut unmoment où je ne savais plus rien. Jeme sentais enDieu.Quandj’aicontemplélajusticedeDieu,j’aifrémi.J’auraisvoulufuiroumelivreràsajustice.J’aivul’enferoùlacolèredeDieuallumelefeu et, m’anéantissant, j’ai demandé miséricorde et j’ai senti qu’ellem’inondait.J’aivucombien lepéchéesthorrible.Jeveuxmourirplutôtquedelecommettre.J’aipromisàDieudelevoirdanssescréaturesetdevivretrèsrecueillie.Ilm’ademandédem’efforcerd’êtretrèsparfaiteetilm’a expliqué pratiquement chacune de ses perfections. Que toutes mesactionssoientfaitesavecperfectionafinqu’ilyaitunitéentreluietmoi,cequine saurait exister si je faisaisquelque imperfection. Je suis restéeensuitecar jenesavaispasquelle figure je faisaiset jecraignaisdemeprésenterdevantlesautresdepeurqu’onneremarquequelquechose.Jecrois avoir passé plus d’une heure. Dans l’après-midi, je n’ai pas eubeaucoupdeferveur,maisjel’aipassétrèsrecueillie15.

    Ilnoussemblequel’expériencemystiqueintensequerelateiciJuanitas’éclairesingulièrementsionlarapprochedutextedelaViveflammed’amourquenousavonsregardéauparavant.Sansdoute sans le savoir, Juanita a vécu ce que Jean de la Croixexpose dans le commentaire de son poème ; elle a eul’expériencedes«lampesdefeu»quesontlesattributsdivins.Enoutre, leSeigneur luiaexpliqué lesensdesesperfections,

  • touten l’invitantà tendreversuneviedeplusenplusparfaitepourluiêtreplusintimementunie.Trouve-t-on dans la Correspondance des allusions àl’expérience mystique du 27 janvier 1919 ? La réponse estpositive.VoicicequeJuanitaécritquelquesjoursplustardauP.Colom:J’ai récitémesprières et j’ai lu laSumaEspiritual de saint Jean de laCroixdans laquelle il expose lesdegrésde l’amourdeDieuetparledel’oraisondecontemplation.J’aisentialorsquel’amourcroissaitenmoidesorteque jenepensaisqu’àDieu,mêmeen faisantautrechose,et jemesentaissansforces,commedéfaillanteetcommesi jen’avaispasétémoi-même. J’ai ressenti une grande impulsion pour aller à l’oraison etj’ai fait ma communion spirituelle ; mais dans l’action de grâces,l’amour dominait complètement. J’ai commencé à voir les perfectionsinfiniesdeDieu,uneàune,etilyeutunmomentoùjen’aiplusriensu:j’étaiscommeenDieu[...]Ilm’adit dem’efforcerd’êtreparfaite et ilm’a expliquépratiquementchacunedesesperfections:jedoisagiravecperfectioncarainsiilyauraunionentreluietmoi,carluiatoujoursagiavecperfection.Jesuisrestéeplus d’une heure sans rien savoir, mais pas tout le temps en grandrecueillement.Ensuite je suis restéecommenesachantpasoù j’avais latête. J’étais comme autre part, et je craignais qu’on le voie et qu’onremarqueenmoiquelquechosedespécial.C’estpourquoijedemandaiàNotreSeigneurdereveniràmoicomplètement16.

    Ontrouveuneautreallusion,pluscourte,quelques joursplustarddansunelettreauP.Blanch:J’ai senti une grande impulsion pour aller à l’oraison. J’ai commencépar fairemacommunion spirituelle et, en rendantgrâce, lesperfectionsdivinesmesontvenuesàl’esprit,uneàune.Ilyeutunmomentoùjen’aiplusriensu.JemesentaisenDieu[...]J’aipromisd’avoirtoujoursDieuprésentdanssescréatureset lesautreschoses.Ensuite, jesuisrestéenesachant comment j’étais. Je crois que cela a duré environ une heure etdemie,maispastoutletempsabsorbée17.

    Cesdeux lettres, toutefois, n’ajoutent guèredeprécisionsparrapport à ce que Juanita écrit dans son Journal. Il en va

  • différemmentd’untémoignagelaisséparsasœurRebeca.

    •LetémoignagedeRebecaRebeca, en effet, séjournait elle aussi à San Pablo deLoncomilla,carc’était l’époquedesgrandesvacancesscolairesd’été. Elle a laissé un témoignage important au sujet de ceséjour,quiétaitpourellelesdernièresvacancespasséesavecsasœur:Chaque après-midi, après avoir fait une heure d’oraison, je l’appelaisou j’allais la chercher, et alors elle passait son bras sur mon dos,s’appuyait légèrement sur mon épaule et, étant toutes les deux ainsientrelacées, elle déversait son âme dans lamienne. Elle n’avait pas desecretspourmoi.EntoutesimplicitéellemeracontaitcommentDieuluiparlaitet,avec l’espéranceque je fissemoiaussicequeNotreSeigneurluidemandait,ellemedisaitcequ’Il luicommuniquaitdans l’oraison:bien qu’elle ne présentât pas toujours ces choses comment venantexpressément de Dieu. Nous nous disions mutuellement ce que noustrouvionsdemalenl’autreetellemeconseillaitenmedisantcommentjedevais me comporter dorénavant. Jamais je ne l’interrogeais ni ne luimanifestaismon admiration pour ce qu’elleme disait, et cette attitude,queDieum’inspirait,mevalaitprécisémentdeméritersaconfiance.

    Admirons l’intimité exceptionnelle des deux sœurs. Juanitaaime tellement sa sœur cadette et lui fait tellement confiancequ’ellenegardeaucunsecretpourelleetluitransmetcequeleSeigneurluirévèledansl’oraison.Souvenons-nousqueRebecaétait l’unique personne de la famille, avec doña Lucía, àconnaîtrelongtempsàl’avancelesecretdelavocationreligieusedesasœur.LasuitedutémoignagedeRebecasemblefaireéchodirectàlagrâcedu27janvier1919:Jen’ai jamais rien remarquéd’extraordinaireenelle, saufune foisoù,après l’oraison, elle a commencé à parler des perfections divines. Elleavaitlevisagetrèsenflamméet,àmesurequ’elleparlait,elles’animaitets’enflammait davantage. Elle regardait le ciel tout en me parlant ; ilarrivaunmomentoù, sedétachantdemoi, ellepressa lepas sans s’enrendre compte, comme quelqu’un qui part à la recherche de quelque

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  • Dèscejour,Juanitaaressentiunvifbesoindecommuniertouslesjours.GrâceàDieu,lacommunionquotidienneétaitdevenueaccessible peu de temps auparavant 13. Elle s’est fidèlementefforcéed’allertouslesjoursàlamesseetdecommunier.Pourque Juanita n’allât pas à la messe chaque jour, il fallait uneraison impérative.Engénéral,c’étaitparcequesasanté fragilene le lui permettait pas. Il lui coûtait alors beaucoup d’êtreprivéedel’Eucharistie.Citonsicidesextraitsduparagraphe32duJournalquisonttrèssignificatifsàcetégard:Ce matin sans communion. L’obéissance me l’impose. Que faire, monJésus,sanstoi?Qu’ensera-t-ildecettemisérablesansJésus?Mais,parbonheur,jel’aidansmonâme.LàhabitemonJésusetjenelelaissepassortir.Aujourd’hui,30août,jen’aipascommunié.Sansm’uniràDieu.Ettoutcelaàcausedececorpsd’argile[…]MonJésus,tuesmavie.Sanstoi,jemeurs;sanstoijedéfaille.Aujourd’hui,jemesuissentiemal.Lespeinesnecessentpas.Quefairesic’est lavolontédeDieu?Aujourd’huisanscommunion, jemesuismiseenfrais[…].La communion m’est refusée ; mais je remporte la victoire parce queJésusestToutetqu’ilestdansmonâme[…].Quandjecommunie,jemesensducourage.Jésusmedonnelavie,nonseulementcelledel’âme,maisaussicelleducorps.Etonm’enprive;onmepriveduciel.Jésuschéri,quetavolontésefasseetnonpaslamienne.Demain je communierai. J’ai obtenu la permission. Oh ! quel bonheurdemain,j’aurailecielenmoncœur!Oh!jet’aime,Jésus,jet’adore!Jete remercie, toi etmaMère, pour cette faveur. Toute tienne…Toi seul…aucunecréature![…]Je n’ai pas communié. J’en suis arrivée, hier soir, à rêver que j’avaisfaimdeJésus ;maisdepuis,dansunétatde tiédeur toute la journée, jen’ai ni fait oraison, ni communié spirituellement. Oh ! que je suismauvaise ! Mais grâce à Dieu, aujourd’hui j’ai réparé et fait unecommunionspirituelle.J’allaisméditerquandjemesuisendormie,maismaintenant je vais voir si je peux méditer. Demain je vais communier.Combien je le désire,mon Jésus. Je suis simauvaise. J’ai besoin de toipourêtrebonne.Viens,amour.Viensviteetjetedonneraimoncœur,mon

  • âmeettoutcequejepossède.MaMère,préparemoncœurpourrecevoirmonJésus14.

    IlpouvaitaussiarriveràJuanitadese trouverdansunlieuoùelle ne pouvait pas participer à la messe, faute d’avoir unecélébration eucharistique à proximité, comme c’était parexemplelecasàSanPablodeLoncomilla:Ici, jen’aipasdemesse. Ilyaquinze joursque jen’aipascommunié.Imaginez, ma chère Mère, quelle faim j’ai. Mais je m’abandonne à lavolontédeDieuC’est,pour lemoment, l’alimentdemonâme.Vousmel’avez déjà dit dans une de vos lettres, et aussi de communierspirituellement. Peut-être que Notre Seigneur ne me procure pas lacommunion parce que je suis trop mauvaise et que je me prépare avectropdenégligence15.

    NepensonspasqueJuanitaétaitcombléededouceursensibleàchacunedesescommunions, loinde là ;elle le reconnaîtelle-même:Dans mon oraison, je ne trouve aucun plaisir, pas plus dans lacommunion.Parfois je pense qu’il seraitmeilleur de ne pas communierquedelefairesimal;maisjenepeuxpas.Jen’aipasàm’enéloignercar Notre Seigneur, bien que j’aie un cœur de pierre, me communiqueforces,lumière,enunmot,lavie16.

    Autrement dit, la ferveur eucharistique de Juanita n’était pastoujours ressentie, c’était une ferveur volontaire en ce sensqu’elle voulait être fervente, au-delà de ce qu’elle pouvaitressentir.Il est impressionnant de voir la faim eucharistique intense deJuanita. Pour elle, l’Eucharistie est vraiment le pain quotidiendont son âme a besoin pour ne pas défaillir, voire même soncorps.CelafaitpenserauprophèteÉlie,traversantledésertpourallerrencontrerDieuausommetdel’Horeb,quientenditl’Angedu Seigneur lui dire, en lui montrant une galette cuite et unegourde d’eau : « Lève-toi et mange, autrement le chemin seratroplongpourtoi17».Sansl’Eucharistie,Juanitasentsagrande

  • faiblesse spirituelle et a plus de mal à résister au péché. Parailleurs, elle fait une fois référence à l’effet bénéfique del’Eucharistie sur son corps. Certes, ce n’est pas la finalitépremière, mais il arrive parfois, selon la sagesse divine, quel’Eucharistie redonne des forces au corps. Cet effet estexceptionnel,maissevoitdanslaviedecertainssaintscommesainte Catherine de Sienne et sainte Mariana de Jésus 18 ; àl’époque contemporaine, on le voit à un degré éminent chezMartheRobinquinemangeaitriend’autrequel’Eucharistieunefoisparsemaine.DanslecasdeJuanita,l’effetdel’Eucharistiesur son corps semble avoir été plus discret ; peut-être a-t-ilconsisté à lui donner des forces à l’occasion de ses fréquentsproblèmesdesanté.Entoutcas,lafaimdel’Eucharistieesttellechez Juanita que, fidèle à l’enseignement qu’elle a reçu du P.Aránguizdanssonenfance,quandellenepeutpas la recevoir,ellefaittoujoursunecommunionspirituelle.JuanitadésiraitvivreavecleChristunecommunionperpétuellede vie et d’amour. Pour elle, l’Eucharistie était un moyenprivilégiépouryparvenir:J’aicommuniéspirituellementetNotreSeigneurmeditqu’ilvoulaitqueje vive avec lui dans une communion perpétuelle parce qu’il m’aimaitbeaucoup. Je lui ai répondu que s’il le voulait, il le pourrait car il esttout-puissant19.

    •LakénoseeucharistiqueduChristL’un des traits particuliers de la dévotion eucharistique deJuanita est sa fascination pour lemystère de l’abaissement duChristdans l’Eucharistie.Dans l’hymnebienconnude l’épîtreaux Philippiens, saint Paul évoque un double abaissement duChrist:AyezentrevouslesmêmessentimentsquisontdansleChristJésus:Lui,de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait àDieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et

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  • ellen’enapasmoinsétéconsacréeauSacré-Cœuravectoutelafamille:La veille de sa première communion, leP.MatteoCrawley des Sacrés-CœursconsacralamaisonauSacré-Cœur.Ayantdemandés’ilmanquaitun membre de la famille, on lui répondit que Juanita était au collègepourseprépareràsapremièrecommunion,et jesuisquasimentsûredeluiavoirdemandédelaconsacrerauSacré-Cœur4.

    Juanitanoteaussidanssonjournalqu’ellesepréparapendantunanàfairesapremièrecommunion.Ellen’hésitepasàécrire:« Pendant le mois du Sacré-Cœur, je modifiai complètementmon caractère. Si bien que maman était heureuse de me voirpréparer ainsima première communion » (Journal § 5). C’estdoncpendantlemoisdédiéauSacré-Cœur(juin1910)quelesprogrèsqu’ellefitpourvaincresesdéfautsdevinrentdécisifs.Enfin,le6mai1919,veilledel’entréedeJuanitaauCarmel,lafamille Fernández Solar se réunit au salon pour renouveler laconsécrationauSacré-Cœurfaitehuitansetdemiplustôt.

    •ÉlèveauCollègeduSacré-CœurEnsuite, Juanita a fait pratiquement toutes ses études auCollège du Sacré-Cœur de Santiago, d’abord comme externe(1907-1915),puiscommeinterne(1915-1918).Cecollègeétaittenu par les Sœurs du Sacré-Cœur, congrégation religieusefondéeen1800parsainteMadeleine-SophieBarat(1779-1865).Selonsesconstitutions«cettepetitesociétéestconsacréeà lagloireduCœurdeJésusetàlapropagationdesonculte…Lessœursdoivent imiter lesvertusqu’elles trouventdansceDivinCœurcommeenleurCentreetleurModèle 5.»Iln’yapasdedoutequelesreligieuses,vivantelles-mêmesdelaspiritualitéduCœur du Christ, répandaient largement auprès des élèves ladévotion au Sacré-Cœur 6. Si Juanita a d’abord beaucoupsouffertd’entreràl’internatducollège,parcequecelaluifaisait

  • quittersafamille,aumomentd’ensortirellecomprendmieuxlagrâce qui lui a été faite de passer ces années dans cette«demeureduCœurdeJésus»(Journal§43).De fait, le Collège du Sacré-Cœur lui offrait une ambiancechrétiennefavorableàsacroissancespirituelle.Voiciune liste,sans doute non exhaustive, des activités spirituelles qui s’ydéroulaientrégulièrement7:• La messe quotidienne, laquelle incluait pour Juanita lacommunion;•LesvisitesauSaint-SacrementdanslachapelleduCollège;•L’heuresaintedevantleSaint-Sacrementcertainsjeudis;•LemoisduSacré-Cœur(juin);•LacongrégationdesFillesdeMarie,àlaquelleappartenaientles élèves se distinguant par leur piété, leurs vertus et leursdésirs d’être apôtres dans leur milieu. Juanita considéreracommeunegrandegrâced’êtreadmisedanscettecongrégation,laquelle offrait chaque semaine à ses membres un tempsd’instruction et lui donnait la possibilité d’enseigner lecatéchismeàdesenfants.•Lesretraitesannuelles.LeJournaldeJuanitaenfaitmentionàplusieursreprises,gardantlatracedesinstructionsquil’ontleplus marquée. À cet égard, il serait intéressant de connaîtrel’identitédesprédicateurs.JuanitaaluunebiographiedesainteMadeleine-SophieBarat.ElleindiquemêmeavoirreçuunegrandegrâcedeDieuparsonintercessionle jourde lafêtedecelle-ci(Journal§40).Ayantune grande estime de la vie des Sœurs du Sacré-Cœur, elleenvisagera même sérieusement pendant plusieurs moisl’éventualitéd’entrerdansleurcongrégation,avantquesavisiteàLosAndesenjanvier1919lèvedéfinitivementsesdoutessursavocationcarmélitaine.

  • •LeSacré-CœurserévèleàJuanitaJuanitaavaitdanssachambreuntableaureprésentantleSacré-Cœur8.Orellereçutl’unedesgrâceslesplusimportantesdesavie,celled’une«conversion»,àtraverscetableau,puisqu’enleregardantelleentenditlavoixduChrist:Un jour j’étais seule dans ma chambre. À cause de la maladie, onm’avait tant gâtée que je ne supportais plus d’être seule. Ce jour-là,Lucita était malade et Elisea— une servante qui prenait soin de mongrand-père—l’accompagnait.Alorsj’eusdelajalousieetdelapeineetjememis à pleurer.Mes yeux pleins de larmes se fixèrent sur un cadrereprésentantleSacré-Cœuretj’entendisunevoixtrèsdoucequimedisait:«Comment!Moi,Juanita,jesuisseulsurl’autelparcequejet’aimeettoi,tunesupportespaslasolitudeunmoment?»DepuislorsmonJésusme parle. Et je passais des heures entières à converser avec lui. C’estainsiquej’aimaisêtreseule.Ilm’enseignapeuàpeucommentjedevaissouffrir et ne pasme plaindre… et aussi l’union intime avec lui. Car ilvoulaitque je sois carmélite. […]NotreSeigneurmemontra la saintetécommebut.Jedevaisl’atteindreenfaisanttoutlemieuxpossible9.

    Nous verrons plus loin l’interprétation qu’il convient de fairedecetévénementdécisifdans laviede Juanita 10. Contentons-nous pour l’instant de remarquer que c’est à travers le Sacré-CœurqueJuanitafuttouchéeettransformée.

    •LepremiercontactaveclecarmeldeLosAndesEn 1917, ChelaMontes, l’une des amies intimes de Juanita,alla voir la sœur carmélite qu’elle avait au couvent de LosAndes.Àl’époque,elleétaitl’unedestrèsrarespersonnesàquiJuanitaavaitconfié lesecretdesavocationcarmélitaine(cf. lalettre 12). Il se trouve queChela, après avoir reçu cette lettre,parladeJuanitaàsasœurcarmélite,sous-prieuredumonastèrede Los Andes, laquelle avait d’ailleurs tenu une fois la toutepetite Juanita dans ses bras. Du coup, Juanita reçut quelques

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  • naissance(prénomquiétaitaussiceluidesagrand-mèrematernelle),suividuprénomdesa grand-mère paternelle (Henriette) et de Joseph, à l’égard duquel sa mère avait unegrandedévotion.3LeP.Crawley avait créé en1908 l’œuvrede l’intronisationduSacré-Cœurdans lesfoyers,quis’étenditàdenombreuxpays.4TémoignagededoñaLucía,Positio,p.2.5 Extrait des constitutions de la Société du Sacré-Cœur, cité par Valentín CARRO,Micentroymimorada,p.20.6OnentrouvelaconfirmationdansletémoignagedesœurMariedelaTrinité,Positio,p.274.7Cf.ValentínCARRO,op.cit.,pp.24-25.8Cetableau,quisetrouvemaintenantdanslesarchivesducarmeld’Auco(etquifiguresur lapagedecouverturede l’ouvragedeValentínCarro),n’estenaucunemanièreuneœuvred’art,pournepasdireplus…MaisleSeigneurn’estpasarrêtéparlamédiocritédel’artreligieux!9Journal§7,p.38.10Cf.infra,p.118.11Lettre12àChelaMontes(p.55);lettre103àRebeca(p.328);lettre104àsamère(pp.321-322).12Lettres16et44àMèreAngélicaTeresa(pp.64-65et138).13Lettre72du25mars1919auP.Cea,p.232.14Lettre44àMèreAngélicaTeresa(p.136);lettre109àElisaValdésOssa(p.349);lettre130àChelaMontes(p.413).15Lettre37du18septembre1918àMèreAngélicaTeresa,p.114.16Lettre40(p.126);lettre51p.(166);lettre55(p.173);lettre65(p.211);lettre88(p.288);lettre103(p.326);lettre105(p.335).17TémoignagedeMaríaJosefinaSalasPereira,Positio,p.182.18Lettre66auP.Cea(p.216);Journal§52,p.145.19Lettre109àElisaValdésOssa(p.348;pp.352-353);lettre110àHerminiaValdésOssa(p.355);lettre111àsatanteJuanaSolardeDomínguez,(p.357).20Lettre104àsamère(p.330);lettre121àInésSalasPereira(p.390).21Journal§54,p.151.22Journal§20(p.75,aveccorrection);§24(p.76);§37(p.109).23Journal§35,p.104.24Journal§57,p.161.25Journal§54(p.151);lettre122auP.JuliánCea(p.393);lettre141àAmeliaMonttMartínez(p.450).26Lettre105àCarmendeCastroOrtúzar,p.334.

  • 27 Cf. Valentín CARRO, Mi centro y mi morada, pp. 114-116. En ce qui concernel’encycliquedePieXII,voirnotammentlesparagraphes11,46et60.28Lettre162du18février1920àsamère,p.506.29Lettre 101 àElisaValdésOssa (p. 319) ; lettre 105 àCarmendeCastro (p. 334) ;lettre116auP.ArtemioColom(pp.376-377);lettre121àInésSalasPereira(p.388);Journal§58(p.166).30Jn1,29-34.31Journal§42,pp.122-123.32 Prière de sœur Thérèse du Divin Cœur à Teresa (citée dans sa circulairenécrologique).33Journal§40(pp.116-117).34Lettre109,p.348.35Lettre107àLucho,p.340.

  • «LePèretrouvera-t-ilenmoilafigureduChrist?»

    LatransformationdansleChrist

    Le Christ Jésus est le modèle de la sainteté pour tous sesdisciples.Lasaintetéchrétiennen’estqu’uneparticipationà lasainteté de Dieu, le seul saint. S’il est vrai que les principesgénéraux de la sanctification chrétienne sont les mêmes pourtous(notammentmouriraupéchépourrenaîtredansleChrist),il n’en demeure pasmoins vrai, toutefois, que chaque discipleduChristaunitinérairedesaintetépersonnellequiestuniqueetpropre,carDieunefaitjamaisdescopiesconformesd’unsaint,si éminent soit-il.Nous voudrions dans cette étude relever lesétapes majeures de la sanctification de Teresa en recherchantcomment elle a étéprogressivement transforméedans leChristjusqu’àatteindrelasainteté.

    •UnevisiteduSacré-Cœur?Lapremièreconfidencede Juanita sur l’attractionduChrist àson égard se trouve dès le paragraphe 3 du Journal, faisantréférenceàuneépoqueoùelleavaitàpeine6ans:Quandeutlieuletremblementdeterrede1906,cefutenvironl’époqueoùJésuscommençaàprendremoncœurpourlui1.

    Juanita restediscrète sur lamanièredont Jésusacommencéàprendre son cœur. Nous ne disposons guère que d’une seule

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  • que jeme laisseguidercomplètementpar l’EspritSaint carmaviedoitêtreunecontinuellelouanged’amour.MeperdreenDieu.Lecontemplertoujourssansjamaisleperdredevue.Pourcela,vivredanslesilenceetl’oublidetoutlecréécarDieu,parnature,vittoujoursseul.Toutenluiestsilence,harmonie,unité.Pourvivreenlui,ilfautsesimplifier,n’avoirqu’unepensée,uneseuleactivité:louer33.

    Maintenant que Teresa vit retirée du monde, les grâces sedéversentàflotsdanssonâme:14mai1919.Cela fait huit joursque je suisauCarmel.Huit joursdeciel.Jeressensdetellemanièrel’amourdivinqu’ilyadesmomentsoùjecroisquejenevaispasrésister.Dieusecommuniqueàmonâmed’unemanièreineffableencesjoursoùje suis au Cénacle. L’amour que je ressens n’est plus sensible, il estbeaucoup plus intérieur. Pendant l’oraison il m’arrive ce qui ne s’étaitjamaisproduit:jerestecomplètementpénétréeparDieu.Jenepeuxpasréfléchir,maisc’estcommesijem’endormaisenDieu.Alorsjecomprendssa grandeur et la jouissance que je ressens dans l’âme est telle qu’elleparaîtêtredeDieu.Ilmesemblequejesuistoutepénétréedeladivinité.Il y a trois ou quatre jours, étant en oraison, j’ai pressenti que Dieus’abaissait jusqu’àmoi,mais avecun éland’amour si grandqu’encoreunpeuplusetjen’auraispaspurésister34.

    À peine unmois après son entrée au postulat, elle écrit à samèreen faisantallusionà la retraitedePentecôtequ’ellevientdevivre:J’aipassécesderniersjoursenretraite.[…]Petitemaman,jevoudraispouvoirvousfairelireenmonâmepourquevousvoyieztoutcequeNotreSeigneur y a écrit en ces jours. Je voudrais que vous voyiez mon âmeilluminéepar l’éclat infinidudivinPrisonnier.Parcetteécriture,parcefeu, il me fait comprendre, il me fait voir des choses inconnues, desgrandeurs jamais entrevues. On ne peut se figurer, petite maman, lechangementquedéjà jeperçois enmoi. Ilm’a transformée. Il découvrepeuàpeu lesvoilesqui lecachaientetqu’ilest impossibledepercevoirenétantaumilieudes ténèbresdumonde. Ilmesembledeplusenplusbeau,plustendre,deplusenplusfou35…

    Teresa se voit donc transformée par la puissante action duSeigneursurelle.Enmêmetemps,etc’estbiencompréhensible,

  • l’exigenceduSeigneursefaitplusforteàsonégard:NotreSeigneurmereprochelespluspetitesimperfectionsetmedemandeles sacrifices les plus petits ;mais c’est inconcevable qu’ilsme coûtentautant.Ilm’ademandédevivredansunrecueillementcontinuel.Quejene regarde rien. Que je fasse tout par amour. Que j’obéisse à la pluspetiteindication.Quej’aieungrandespritdefoi36.

    Si Teresa est abreuvée de grâces divines, tout n’est pas rosedanssavie, loinde là :«Mais toutn’apasété jouissance.Lacroixaétébienpesante»(Journal§56).Toutd’abord,l’unionplus étroite avec le Christ implique, une nouvelle fois, uneassociationplusforteàsaPassion:22mai [1919].Dans l’oraison,Notre Seigneurmemontra comment ilavaitétébroyépournousetcommentilétaitdevenuhostie.Ilmeditquepourêtrehostieilfallaitmouriràsoi-même.Unehostie—unecarmélite— doit crucifier sa pensée, rejetant tout ce qui n’est pas Dieu. Avoirtoujourslapenséefixéesurlui,lesdésirsdirigésverslagloiredeDieuetla sanctification de l’âme.Une hostie n’a pas de volonté propre, on latransporte où l’on veut. Une hostie ne voit pas, n’entend pas, necommuniquepasavecl’extérieur,maisàl’intérieur.[…]26mai1919.Cela fait trois joursque jesuisplongéedans l’agoniedeNotre Seigneur. À chaque instant il se présente à moi comme unmoribond,levisageàterre,lescheveuxrougisdesang,lesyeuxviolacés,les traits tirés,pâle,émacié.Sa tuniqueestbaissée jusqu’à lamoitiéducorps.Sondosestcouvertd’unemultitudedepointesd’aiguillons—j’aicompris que ce sont les péchés. Sur les omoplates, il a deux plaies quilaissent voir des os blancs et, clouées sur les trous de ces plaies, despointesquipénètrentjusqu’àl’os.Surl’épinedorsale,lespointeslefontsouffrirhorriblement.Dechaquecôté,lesangcouleàtorrentsetinondeentièrementlesol.LatrèsSainteViergeestdeboutàsoncôté,pleurantetdemandantmiséricordeauPère.Jevoiscetteimageavecunetelleacuitéqu’elle me cause une espèce d’agonie. Je ne peux pleurer, mais je suisentièrementcouvertedesueur,mesmainsseglacent,lecœurmefaitmaletma respiration est haletante.Cette vision remplit d’amertume tout cequeje faiset jenetrouvedeplaisirenriensicen’estenaccompagnantNotreSeigneur37.

  • Ensuite,commeilarrivehabituellementlorsqueleSeigneursefaitplusproche,Teresaasentiavecplusdeforcelepoidsdesespéchésquiluiaparuécrasant:J’ai senti tout le poids de mes péchés et les nombreuses faveurs etl’amourdeDieu.Jenecomprenaispluscequim’arrivaitenvoyantquejenepayaispasNotreSeigneurderetour.Mapeineaugmentaauréfectoireenécoutantcequefaisaientlesmonialesdel’époqueprimitive.Jerevinspleurerdansmacellule,prostrée, latêtetouchantlesol[…].Ensuitejerestaiavectantdepeinequecefuthorrible38.

    Enfin, Teresa a dû affronter plusieurs vagues de tentationsdémoniaques.Lediablel’aattaquéecontrelafoi,enparticuliercontrelafoienlaprésenceréelleduChristdansl’Eucharistie.Ilest allé jusqu’à se faire passer pour le Christ dans une visionimaginative pour essayer de faire croire àTeresa que leChristétaitfâchécontreelleàcausedesespéchésetnevoulaitplusluiparler:Le joursuivant,NotreSeigneurseprésentaàmoi,nonplusenagonie,maisavecunvisagetrèstriste.Jeluidemandaiscequ’ilavait,maisilnemeréponditpas,mefaisantcomprendrequ’ilétaitcourroucécontremoi.Maisensuite,commej’insistais,ilmeditqu’ilnevoulaitpasparleravecmoi,que j’étaisunepécheresse, et, enun instant, ilm’énuméra tous lespéchés de ma vie et il continua d’être triste. Je restai avec une peineimmense,touteconfusedemespéchés.Maisjenepouvaiscroirequ’ilaitétésicourroucécarilm’aditqu’ilm’apardonné.Enoutre, ilest touteBontéetMiséricorde39.

    AdmironsaupassagelebonréflexedefoideTeresaquinepeutpasoublierqueleChristesttoutebontéetmiséricorde,etdoncqu’ilnepeutpasrejeterquelqu’unquivientverslui.Mapetitemaman,j’aicomprismavocationici,auCarmel.J’aicompriscommejamais,qu’ilyavaitunCœurquejeneconnaissaispasetquejen’honoraispas.Maisilm’aéclairéemaintenant.DanscedivinCœur,j’aitrouvémoncentreetmademeure40.

    TeresareçoitauCarmeldenouvellesetprofondeslumièresquilui fontdécouvrirdenouveauxabîmesdans lecœurduChrist.

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  • retraitedePentecôte.Certes,onnerelèvequ’uneseulementionexplicitede l’EspritSaintdans sesnotes,maiscommeelleestéloquente:Notre Seigneur m’a dit d’aller à son Père par lui, que la seule chosequ’il voulait pendant cette retraite était que je me cache et m’immergedans laDivinité pour connaîtreDieu davantage et l’aimer […]. Il veutquejemelaisseguidercomplètementparl’EspritSaint.

    Selaisserentièrementguiderparl’EspritSaint,afind’allerauPèreparleChrist,c’estbienlàlenoyaucentraltrinitairedelavie chrétienne. Les trois Personnes de la Trinité sont encoreimplicitementmentionnéesplusloin,verslafindesnotes:«Jem’abandonneàlavolontédeDieu.IlestmonPère,monÉpoux,monSanctificateur.Luim’aimeetveutmonbien.»

    •LesdonsduSaint-EspritchezTeresaAu-delàdesmentionsdel’EspritSaint, trèsrareschezJuanitaavant janvier 1919, nous pouvons essayer d’approfondir lethèmedenotre rechercheen regardantcomment, concrètement,Juanita s’est laissée conduire par l’Esprit Saint. Sur le planthéologique, c’est par les sept dons du Saint-Esprit que leParaclet conduit les disciples du Christ. Il faut donc regardercommentJuanitaavécudechacundesdons.Commel’expliquesaintThomasd’Aquin,lesdonsduSaint-Espritsontconnexes,c’est-à-direqu’ilssontdonnésensembleetcroissentensemble,«liésensemble»parlacharité20.Autrementdit,celuiquiaundona aussi tous les autres.Toutefois, ceci n’empêchepasquetelouteldonpuisseêtreplusmanifestequ’unautredanslavied’un chrétien. En outre, l’exercice des dons est toujourspersonnel parce que chaque saint est unique. Par conséquent,l’étude de lamanière dont un saint a vécu des dons duSaint-Esprit révèlequelque chosede sapersonnalité commediscipleduChrist.

  • DondecrainteLedonde crainte, enraciné dans la charité (comme les autresdons),nousdonneune«saintecrainte»,nonpasd’êtrepunispar Dieu (ce serait la peur du « Dieu gendarme »), maisd’offenser Dieu et de nous éloigner de lui en commettant lepéché;c’estlàsadimensionnégative,sil’onpeutdire:musparle don de crainte, nous nous efforçons d’éviter le péché parceque nous ne voulons pas offenser Dieu, ni même prendre lamoindre distance à son égard. Dans sa dimension positive, ledon de crainte nous donne une crainte révérencielle qui nouspousseàavoirunimmenserespectdevantlamajestédivinequinous transcende totalement. Ces deux dimensions sont bienvisibleschezJuanita.Elleavaiteneffetunsenstrèsvifdupéchéetvoulaitàtoutprixévitercelui-ci:Ôpéché,éloigne-toidemoi.Jetehaisd’unehaineterrible.JeveuxêtredeDieu.Jeveuxmourirplutôtquedetecommettre.[…]Jepréfèreplutôtmourir quede t’offenser [monDieu],mêmepar laplus légère faute. Jet’aimeetlepéchémeséparedetoi21.

    Autermedesavie,lesoinextrêmeapportéparTeresaàévitertoutpéchéetsadélicatessed’âmeapparaissentbiendanslepetitincident suivant, rapporté par sœur Élisabeth de la Trinité,compagnedeTeresaaunoviciat:Sa fidélité envers le Seigneur et sa crainte de lui déplaire s’étendaientjusqu’aux détails les plus petits et insignifiants. Elles étaient tellementgrandes qu’une fois, alors que nousmarchions toutes les deux dans lejardin,passantdevantlavigne,ellepritunetigepourlamettredanssabouche.Jeluidisalorspourplaisanter:«Nesavez-vouspas,masœur,queceladéplaîtauSeigneur?» Immédiatement, elle la jetaà terre. Jem’exclamai:«Maisenfin,masœur,necomprenez-vouspasquec’estuneplaisanterie ? » Elle me répondit immédiatement : « Je ne veux pasdéplaireauSeigneur,pasmêmeparplaisanterie22».

    L’attitudedeprofonderévérencedeTeresaenversDieuafrappélessœursquiontvécuavecelleàLosAndes:

  • Le seul fait de la regarder quand elle était en oraison au chœur medonnait l’impression de voir un ange en adoration. Son attitude sirecueillie etpleinede révérencepénétraitmonâmeet la rapprochaitdeDieu, surtoutpendant l’OfficeDivin.Jen’aipasdemotspourexprimercequemonâmeressentaiten laregardant. […]On lavoyaitperdueenDieu, récitant les louanges divines avec une ferveur et un recueillementquidénotaienttrèsbienquesonâmeétaittoutàcequ’elleétaitentraindefaire.Jamaisjenepourraioublierl’expressiondesonvisagependantl’OfficeDivin23.

    DondepiétéSilafamilledeJuanitaétaitgénéralementpieuse,Juanitas’estdistinguéedèssonenfanceparunepiétéprofondeetprécoce.LefoyerdesFernándezSolarétaitpieuxetdemœurssévères.LapiétédeJuanitasortaitdulotcommunparsonattitudeédifiantependantqu’ellepriait. […] Juanita se distinguait par la dévotion dans la prière, bienqu’ellefûtàpeinesortiedel’enfance24.

    Les compagnes de Juanita au collège du Sacré-Cœur, lesreligieusesducollègeetlesamiesaveclesquellesJuanitapassaitses vacances s’accordent unanimement pour dire qu’elle étaitunejeunefilletrèspieuse:Lapiétéde laServantedeDieuétaitmanifestedans lagrandepiétéetdévotion avec laquelle elle assistait à la sainte messe et communiaitquotidiennement, quand il y avait un prêtre dans la chapelle. […]Uneautremanifestationde sapiété fut sapréoccupationpour la décorationde la chapelle [d’Algarrobo, pendant l’été 1918] et pour former unechoraleavecd’autres jeunes filles,cequi fut l’occasiondebeaucoupdesacrificespourJuanita25.

    Cettepiétés’intensifiaencoreplusaprèssonentréeauCarmel:« Durant la psalmodie, son recueillement et sa ferveur étaientnotablesetrayonnaientàl’extérieur;ellesemblaitêtreunange,touteabsorbéeenDieu26».Ledondepiététransformel’exercicedenotreamourdecharitépourDieuet leprochainen luidonnantunenotede tendresse

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  • OnpenseiciàcequesaintThomasditdelaprésencedeMarieaux noces de Cana, en commentant le verset de l’évangile deJean«lamèredeJésusyétait»:Ausensmystique,[ilfautcomprendre]qu’auxnocesspirituelleslaMèredeJésus,laViergebienheureuse,estprésenteenqualitédeconseillèredesnoces,carc’estparsonintercessionquenoussommesunisauChristparlagrâce.–Enmoiesttouteespérancedevieetdeforce.LeChrist,lui,yest présent en tant que véritable Époux de l’âme, comme le dit JeanBaptiste:Celuiquial’épouseestl’époux9.

    Defait, lesnocesdeCananesont-ellespasdéjàuneannoncepréfigurativedel’Eucharistie10?Marie était donc particulièrement présente à Juanita àl’occasiondesescommunionseucharistiques.Or,àpartirdesapremière communion, Juanita commença à communier tous lesjours,autantqu’ellelepouvait(sasanténeleluipermettaitpastoujours). On ne sera donc pas étonné de lire qu’elle parlaitchaquejouràlaVierge:JecommuniaistouslesjoursetparlaisunlongmomentavecJésus.MaismadévotionspécialeétaitlaVierge.Jeluiracontaistout11.

    •EndialogueintimeaveclaViergeMarieCe fut à partir de sa première communion que Juanita futgratifiéepourlapremièrefoisdelocutionsintérieuresdelapartduChrist.Audébut,ellecroyaitcelanormaletpensaitquecelaarrivaitàtoutlemonde12.EllereçutégalementdeslocutionsdelaVierge:Madévotionà laViergeétait trèsgrande.Un jour,alorsqu’unechosemefaisaitbeaucoupdepeine,jelaracontaiàlaViergeetjelapriaipourlaconversiond’unpécheur.Alors,ellemerépondit.Depuislors,quandjel’appelle, laViergemeparle.Une fois, je la questionnais au sujet d’undoute.Unevoixmerépondit.Jedis:«Cen’estpaslavoixdemaMère,carellenepeutmedirececi.»Je l’appelai et ellemeditquec’était ledémon quim’avait répondu. J’eus peur. Alors elleme dit de demander,lorsquej’entendraislavoix:«Est-cetoi,maMère?»etj’aitoujoursfait

  • ainsi.Chaquefoisquejedésiraissavoirunechose,jelaluidemandaisetcequ’ellemedisaitsevérifiait13.

    En ce qui concerne les locutions intérieures du Christ, noussavonsqu’ellescommencèrentlejourdelapremièrecommunionde Juanita (1910). Par contre, Juanita ne précise pas quandexactementellecommençaàentendrelaViergeluiparleretl’ontrouve dans ses écrits des indications apparemmentcontradictoires à ce sujet. À lire la lettre 87 au P. Falgueras,écriteenavril1919etquiestcommeunerécapitulationdesonparcoursspirituelavantsonentréeauCarmel,onal’impressionqu’elleeuttrèstôtdeslocutionsdelaVierge:«Depuisl’âgedeseptansenvironestnéedansmonâmeunedévotiontrèsgrandeà maMère, la très Sainte Vierge. Je lui racontais tout ce quim’arrivait et ellemeparlait. J’ai entendu sa voix clairement etdistinctementenmoi.»D’aprèsleparagraphe7duJournal,parcontre,ilsemblequeleslocutionsdelaViergecommencèrenten1913, donc environ trois ans après sa première communion.Quoi qu’il en soit exactement, il est clair que les locutionsintérieuressontunegrâceextraordinaireetellesnesontpassansdanger14.On levoitbiendans leJournal,puisque ledémonaessayédesefairepasserpourMariepourégarerJuanita.Celle-ciaeulebonréflexedecomparerlecontenudumessageavecsafoi pour constater qu’il y avait incohérence avec celle-ci 15.D’unemanière générale, Juanita s’appuiera beaucoup plus surles orientations des prêtres auxquels elle ouvrait son âme quesur les locutions qu’elle recevait, commeon le voit clairementdanssonJournal16.Ceci étant, cette prudence avisée ne l’empêcha nullementd’entretenirundialogueconfiantavecMarie:24 juin [1917, saint Jean-Baptiste, donc jour de la fête patronale deJuanita]. Aujourd’hui j’ai beaucoup souffert parce que maman ne m’apas embrassée avant 10 heures et demie, après beaucoup d’autres.

  • Cependant, j’ai eu un grand plaisir. Ce matin, au réveil, la Vierge maMèrem’asouhaitémafête.Ellefutlapremière17.

    BelledélicatessedeMariequiestlapremièreàsouhaiterbonnefêteàsonenfant,alorsquesamèreselonlachairtardeàlefaire18!Ledialoguenesefaitpasseulementparoral.IlarriveàJuanitade s’adresser directement à laViergeMarie dans son Journal.Lepassagesuivantestdatédu24octobre1915.ElleyépanchesoncœurauprèsdeMarie,dansunepériodedevivesouffrancecausée probablement par son entrée le mois précédant àl’internatduCollègeduSacré-Cœur19:J’ai trouvé aussi une lettre que j’ai écrite une nuit où je ne pouvaissouffrirdavantage:«Mèrechérie,Mèrepresqueidolâtrée,jet’écrispourépanchermoncœurmisenpiècespar ladouleur.Jeneveuxpasque turassembleslesmorceaux,Mèredemonâme,maisquetuyverses,quetuydistilles un peu de sang. La douleur me suffoque, maMère. Je souffre,maisjesuisheureusedesouffrir.[…]MaMère,montrequetuesmaMère.Entendslecridemonâmepécheresserepentiequisouffreetvidelecalicededouleurjusqu’àlalie;maispeuimporte.Celamecoûtedelapeine,mais j’aimeJésusseul.Jeveuxqu’il soit lemaîtredemoncœur.Dis-luique je l’aime et que je l’adore.Dis-lui que je veux souffrir, que je veuxmourir d’amour et de souffrance. […] Console-moi, encourage-moi,conseille-moi,accompagne-moietbénis-moi[…].Faisquejesachemesleçons,mesrévisions,mesexamens.Quej’aiedesprixpourtevoirheureuse,etmonJésus,etmesparents.Marie,maMère,entends-moi.Tafille20.»

    Ilfautfairementionparticulièredecequ’écritJuanitaaprèsunpèlerinageausanctuairedeNotreDamedeLourdesàSantiago(répliquelocaledelagrottedeMassabielle):22 février [1917]. Avant-hier et hier nous sommes allées à Lourdes.Lourdes!Ceseulmotfaitvibrerlescordeslesplussensiblesduchrétien,ducatholique.Lourdes!Quinesesentémuenleprononçant!ilsignifieuncieldansl’exil.Ilporteenveloppédanssonmanteaudemystèretoutelagrandeurqu’uncœurcatholiqueestcapablederessentir[…]Oui,tues,Mère,lacélesteMadonequinousguide.Tulaissestomberde

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  • à Juanita : « Il m’a fait aussi comprendre que l’union divine n’était pas dans cerecueillement sensible,maisdans laperfectiondemonâme, en l’imitant et en souffrantaveclui.Qu’ellen’étaitpasnonplusdanslesparolesentenduesintérieurement,carjenedevais pas en faire cas, mais en étant véritablement sainte, en ayant ses perfections »(§ 52, p. 147). Juanita indique à plusieurs reprises dans ses lettres qu’elle a suivi ceconseil(cf.lettres116et139).17Journal,§25,p.77.18OnliraavecunsourirecequeJuanitaécritjusteaprès:«Jésusm’aditqu’ilnemelasouhaitait pas parce qu’entre époux, ce n’est pas l’usage. Ilm’a seulement présenté lescadeaux.QuelJésusidéal!»19Selonl’hypothèsetrèsplausibleémiseparFélixMÁLAX,SantaTeresadeLosAndes.Vivenciaypensamiento,p.626.Eneffet,ilencoûtaénormémentàJuanitad’êtreséparéedesafamille.20Journal, § 15, pp. 55-56. «Dis-lui [à Jésus] que je l’aime et que je l’adore» : onremarquera avec intérêt que ce sont précisément les paroles que Juanita ne cessait derépéter à Jésus dans l’action de grâces de sa première communion (cf. Journal, § 6).Demande-t-elle à Marie de l’aider à vivre dans une action de grâces eucharistiqueperpétuelle ? Quant aux prix, elle ne les demande à Marie que pour faire plaisir sesparents ; de fait, elle en obtint plusieurs, résultat qu’elle attribua à l’aide de laVierge(voirparexempleJournal,§25).21Journal,§19,pp.68-69.Ilestintéressantderemarquerlaplaceparticulièrequ’eutlaViergeMariedanslaviedeJuanitasouslevocabledeNotreDamedeLourdes:ledondela statuettepar sa tantependant sonenfance, lepèlerinageau sanctuairedeSantiago, etenfinlapetitegrottedeLourdesprésentedansl’enceinteducarmeldeLosAndes.Encequi concerne le Collège du Sacré-Cœur, toutefois, celui-ci avait une grande statue deMariesouslevocabledeMaterAdmirabilis.Danslalettre24,JuanitadéclareàsonamieCarmendeCastroqu’ellevacommenceruneneuvaineàMaterAdmirabilisetl’inviteàsejoindreàelle.22Journal,§26,p.80.23Journal,§22,p.73.24Formuled’engagementdesEnfantsdeMarie.Letexteespagnolcompletsetrouveauxpages 116-118 de l’article «Mi todo después de Jesús »mentionné au début de cetteétude.25FormuledeconsécrationdesEnfantsdeMarie(cf.art.cit.,pp.118-120).26 L’attribution de cette médaille était une reconnaissance publique de la part desreligieuses du Sacré-Cœur du comportement exemplaire et de la piété de l’élèverécipiendaire.27Cf.Journal,§15.Cevœuétaittemporaireetellelerenouvelaplusieursfois.28 Le prêtre lui déclara : « Par la grâce de Dieu vous n’avez pas eu le malheur decommettre un seul péché mortel. Vous vous êtes exposée et Dieu, avec amour, vous apréservée»(Journal,§30,p.90).

  • 29Lettre29du18juin1918auP.Blanch,p.95.30 Journal, § 45, p. 129. La lettre 37 du 18 septembre 1918, écrite àMère AngélicaTeresa,estunpeuplusprécise:«Noussommesalléesavecmamanàl’opéra.C’étaitlapremièrefoisquej’yallais.Aprèsavoirfaitoraisonpourêtrerecueillie,jedemandailabénédictiondelatrèsSainteViergeenlapriantdegardermonâmedetoutpéché.L’opéracomportaitunballetqui,commeilslesonttoujours,étaitimmodeste.Jesuisrestéetoutletempslesyeuxbaissés,enpriantetjeregrettaisenmoi-mêmeden’avoirpasapportémonchapelet.Combien futgrandmonétonnementquand, sortant faire les centpasavecmonfrèreetuneamie,celui-cimeditqu’onvenaitdetrouverunpetitchapelet.Ilmelefitvoiretjeleprisenfaisantl’innocente.C’estainsi,maRévérendeMère,quecetteMèrechérieme protège. Comment ne pas l’aimer de toute mon âme ! Étant protégée par elle, quepourrais-jecraindre?»(Correspondance,pp.113-114).31 D’autres passages du Journal évoquent la protection de Marie sur Juanita : voirnotammentlesparagraphes38et39.32Journal,§51,pp.144-145.33Lettre66du27février1919,p.213.34Rm8,5-9a.12-13.35Ga5,19,21a.22-23a.36Ilnoussembleplusjusted’interprétercetextedeJuanitadecettemanièreplutôtqued’envisagerunepossibleinfluencejansénistevenantdel’époque,commelesuggèreFélixMÁLAX(SantaTeresadeLosAndes,pp.662-663).Voiraussicepassageduparagraphe30du Journal : « 15 août [1917].Aujourd’hui, jour de l’Assomption, j’ai demandé àmaMèredemedonnersoncœur.Aveccetrésor,j’auraitoutpuisqu’enluisetrouventJésusettouteslesvertus.»37Post-scriptumdelalettre16àMèreAngélicaTeresa.JuanitafaitsansdouteallusionàsastatuettedeNotreDamedeLourdes.38Journal,§15,p.54.39Lettre99,p.317.40Lettre81du14avril1919,pp.261-262.41Lettre150du26novembre1919,pp.479-480.Teresaa-t-ellelepressentimentdelamortprochainedesonpère?Celui-cidécéderaquatreansplustard.Danslalettre161,elleinvitesonpèreàprierlechapelettouslesjours.42Lettre27du2avril1918(p.92);lettre45du13décembre1918(p.147).43Lettre86du20avril1919àMèreAngélicaTeresa,pp.276-277.44Lettre162,pp.505-504.45On litdans leJournal (§36,2novembre1917)que sonconfesseur l’invitaitdéjàà«toutdonneràMariepourqu’elleleprésenteàJésus.»46Lettre154du29novembre1919àsamère,àl’occasiondesafête(Correspondance,p.488).

  • 47RappelonsqueledémonavaitdéjàessayéauparavantdesefairepasserpourJésusetdelapersuaderquecelui-cilarejetaitàcausedesespéchés(voirsupra,p.135).48EduardoGILDEMURO,SainteThérèsedesAndes,lasainteaucœurdefeu,pp.267-268.DonEulogio,grand-pèrematerneldeTeresa,étaitmortluiaussiaprèsavoirsubiuneviolenteattaquedudémon(cf.Journal,§4).49SAINTETHÉRÈSEDEL’ENFANTJÉSUS,Derniersentretiens,Carnetjaune,8juillet1897,Œuvrescomplètes,p.1030.50Danssadernièrepartie,consacréeauxonzemoisqueTeresavécutaucarmeldeLosAndes,lefilmTeresadeLosAndesdeVicenteSabatinisuggèrequecefutdevantlagrottedeLourdes,danslejardindumonastère,queTeresaauraitapprissamortprochaine.Cettehypothèse, exprimée dans le film d’une manière dramatique par les tremblements deTeresa,nereposesuraucunedonnéehistorique.Enréalité,onnesaitpasexactementdansquellescirconstancesTeresaaapprislaproximitédesamort.51Lettre138,p.442.52Cf.letémoignagedesœurÉlisabethdelaTrinité(Summarium,Positio,p.153).53Journal,§31,p.94;§33,p.98.54Cf.letémoignagedesacousineAnaRückerSolar:«Nousl’appelions[Juanita]MaterAdmirabilisàcausedelaperfectionaveclaquelleelleaccomplissaittoutessesactions»(Summarium,Positio,p.91).

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  • etc. ; 2) quand me viennent des pensées d’orgueil, m’humilier devantNotreSeigneur,encomparantsonintelligenceinfinieàlamiennequiestsi petite et dire des absurdités pour être humiliée comme le Christ quipassapourunfou;3)mortifiermavolonté,enneprenantmonplaisirenrienetenaimantleshumiliations;4)envivantunieàlui,dansmonâme,etenl’yaimant26.

    – La méditation sur les raisons que nous avons de noushumilier, mais plus encore la contemplation de la Passion duChrist, apparaissent à Juanita comme d’excellents moyens deprogresserdansl’humilité:Croyezque,dumoinspourmoi,laPassiondeJésus-Christestcequiestle meilleur pour mon âme : quand je vois tout ce qu’a souffert monRédempteur, elle augmente en moi l’amour, l’amour du sacrifice et del’oublidesoi-même.Ellemesertàêtremoinsorgueilleuse27.

    –Pourluttercontresonorgueiletdevenirplushumble,Juanitaessaye de profiter des occasions d’humiliation, voiremême delesdemander,nonseulementpourelle-mêmemaisaussipourlaconversiondespécheurs(toutenlaissantleSeigneurendéciderlui-même):Moi qui suis un néant criminel…Je suis disposée à être humiliée pourchâtier mon orgueil… Je pratiquerai le troisième degré d’humilité quiconsisteàrecherchermépris,hontes,humiliationsavecjoieetparamourdeJésus-Christ…Aujourd’hui, j’ai fait deux grands actes d’humilité. Ils m’ont coûtébeaucoup, mais la Vierge m’a aidée… Je vais le dire àMère Izquierdopour qu’elle m’accuse et m’humilie le plus possible devant laCongrégation.JeveuxêtrehumbleavecleChristcrucifié.GrâceàDieu,j’ai fait ce que mon Jésus m’a demandé. Je me suis humiliée pour lui.Quoiqu’onnepuissepasdirequecesontdeshumiliationscarjesuisunnéant,mêmeplus,jesuisunnéantcriminel.Je lui demande aussi des humiliations : toutes celles que sa divinevolontévoudram’envoyer.Avecl’espritdefoi,unehumiliationestreçueavecjoiecarparellel’âmeressembledavantageàJésushumilié.MonJésus,Tuconnaisl’offrandequejet’ai faitedemoi-mêmepourla

  • conversion des personnes que je t’ai nommées. Désormais, je ne t’offrepas seulementmavie,maisaussimamort, comme il teplairademe ladonner […] De plus, si tu veux, donne-moi souffrances, croix,humiliations.Quejesoisfouléeauxpiedspourchâtiermonorgueiletleleur.Commetuvoudras,monJésus28.

    AuCarmel,elledemanderaàlasœurPédagogue(assistantedela prieure pour le noviciat) de la corriger « parce qu’elle étaittrès orgueilleuse 29 ». Elle fut bien servie par cette sœur, quil’avaitmalheureusementpriseengrippe.–Unautremoyendeprogresserdansl’humilitéestlademandedepardonàsonprochain:Je suis plus humble et je m’humilie davantage… l’autre jour j’aidemandépardonauxfillettespourm’humilier30.

    –C’estaussipours’humilierqu’elleracontel’épisodecélèbredelacolèrequ’elleaeueàl’âgede14ansàChacabuco:Pourmaplusgrandehumiliation, je raconteraiunecolèreque je fisetquifutsigrandequ’ilsemblaitquej’étaisfolle.Lacausefutcelle-ci:masœuretmacousinequiétaitavecnousnevoulurentpassebaigneravecnousparcequenousétionstroppetites.Celamedéplutqu’ellesmedisent« gamine », et je ne voulus pas allermebaigner,mais onm’y obligea.Alors que nous étions à nous vêtir, les filles arrivèrent pour nous fairepresser,maisjeleurrépondisquejenem’habilleraispastantqu’ellesneseraientpasparties.Maisellesnevoulurentpaspartiretmamanmeditdem’habiller.Moi,maligne, je ne voulus pas.Mamanme frappa,maistout fut inutile. Je pleurais et la colère qui me tenait était telle que jevoulaismejeterdansl’eau.Mapetitemèrecommençaàm’habiller,maisje continuais ma colère. Quand je fus prête, je me repentis de ce quej’avaisfaitetjem’enfusdemanderpardonàmamanquiavaitbeaucoupdepeineàmevoirainsi;elledisaitqu’elleretourneraitàSantiagopourneplusêtreavecunefillesicoléreuse.Ellenevoulutpasmepardonneraussi jepleurais et restais inconsolable.Elleme fit sortir de lapièce etj’allaimecacherpourpleurerlibrement.L’heuredugoûterarrivaetjenevoulaispasyallerjusqu’àcequ’onm’yobligeât;maisj’étaishonteuseet ne voulais regarder personne, car j’avais donné un très mauvaisexemple.Jenesaiscombiendefoisj’aidemandépardon,jusqu’àcequele soir maman me dise qu’elle verrait comment serait ma conduite

  • désormais31.

    OnnoteralasimilitudeaveclafautedelaPetiteThérèse:danslesdeuxcas,ils’agitaupointdedépartd’unefauted’orgueil:Thérèse n’aimait pas être appelée « mioche » par Victoire etJuanitan’apasaiméquesasœurLucitaetsacousineluidisentqu’elleétait«trèspetite»,c’est-à-diretroppetitepourécouterleurconversation.– C’est aussi pour s’humilier qu’elle raconte ses faiblesses àsondirecteurspirituel.Elleécritàuneamie:JeteprieparlatrèsSainteViergequetudisestoutcarcelasertànoushumilieretDieuveutquenoussoyonsguidésparleconfesseurpouralleràlui32.

    – Une autre manière de coopérer à l’action de Dieu pourdevenirplushumbleestlapratiquedelacorrectionfraternelle:Jetesupplie,degrâce,demediremesdéfauts,ceuxquetuvois,carj’aipitiédemoietjenemelesreprochepasassez.Jesuistrèsorgueilleuseetjeveuxêtrehumble.Toi,aide-moi.Jesuiscoléreuse.Jem’impatientepourtout.Aussi,quandtuvoislemoindresigne,avertis-moi,jet’enprie33.

    Le combat contre l’orgueil est rude et Juanita expérimente safaiblesse:16[août1917].MonJésus,pardonne-moi.Jesuissiorgueilleusequejenesaispasaccepteravechumilitélapluslégèrehumiliation.Jésuschéri,enseigne-moil’humilitéetenvoie-moideshumiliations,bienquej’ensoisindigne.Jésuschéri,jeveuxêtrepauvre,humble,obéissante,pure,commel’étaitmaMèreetcommetoi,Jésus34.

    Toutefois,ellementionneauP.Blanchdesprogrèsnotables:Je souffris beaucoup,mais dans le fonddemonâme j’ai senti la paix,carc’étaitlavolontédeDieu.Deplusjemesuishumiliéelepluspossibleetceladonnelebonheuràl’âmequiaimeJésuscrucifié.C’estpourquoicela me laisse insensible ; si auparavant je souffrais beaucoup plus,maintenant je vois tout sous cettemain divine et toutme paraît peu dechose35.

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  • satisfaire.Commetuvois,jenepeuxpasêtreplusfranche.Toiaussi,sois-leavecmoi.As-tuétéaubaldesCorrea?Qued’ennui,n’est-cepas?[La lettre] où tu me parles des fêtes m’a fait beaucoup de peine. MapauvrePetiteGrosse!Parquellescomédiesonmelafaitpasser!Quelsrôlessiridiculesilfauttenirdanscessalonsdelasociété!Jeteprometsdeprierbeaucouppourque,siceladoitêtreprofitablepourtonâme,cesfêtes cessent. Je vais importunermon Jésus toute la journée, jusqu’à cequ’il me dise que c’est assez. Je ne cesse de le remercier chaque jourdavantagedem’avoirattiréeàcepetitcouvent11.

    Illuiarrivamêmededonnerdesconseilsàl’unedesesamies,IsabelEspinoza,ausujetdumariage:Elle savait donner de bons conseils aux enfants, à ses amies et àmoi-même.Ellemedisait:«Chabela,viensàSantiagodansmafamille,pourque tu rencontres un bon jeune homme qui puisse plus tard être tonmari » ; et elle me conseillait pour me dire comment je devais mecomporterdanscetteamitié12.

    •Détachementàl’égarddelapertedeChacabucoÀ la finde février 1917, au termedesvacancesd’été, Juanitaquitta Chacabuco pour retourner à Santiago. Elle ne devaitjamaisreveniràChacabuco,puisquesafamilledutserésigneràvendre la propriété à cause des problèmes financiers que sonpère,peudouépourlagestion,n’étaitpasarrivéàrésoudre.Laperte de Chacabuco fut ressentie par la famille comme unecatastropheetlesfrèresetsœursdeJuanitaselamentèrentàcesujet.Juanita,aucontraire,accueillitlamauvaisenouvelledansun esprit de foi, comme un événement que Dieu, dans saprovidenceetsasagesse,permettaitpourlebiendesafamilleetpour sonbien personnel, la préparant ainsi à tout quitter pourlui:Jeme souviens que lorsqu’on vendit la propriété de Chacabuco, nousavonstousbeaucoupsouffert.Juanitaallaverspapaetluidit:«Nevous

  • affligezpas.Dieuéprouveceuxqu’ilaime.Qu’importequecelaarrivesic’est Sa Volonté ! » Juanita le consola en lui faisant espérer des joursmeilleurs13.

    •Détachementàl’égarddesbijouxJuanita savait trèsbienqu’elleétait jolie, très joliemême.Onn’avaitpasmanquédeleluidiresouventdanssonenfance,bienquecelaneplûtguèreàsamère:Depuismonenfance,onmedisaitquej’étaislaplusjoliedemesfrèresetsœursetjenem’enrendaispascompte.Maisonm’arépétécesmêmesparoles quand je fus plus grande, en cachette demaman à qui cela neplaisaitpas.Dieu seul sait cequ’ilm’encoûtadedéracinercetorgueilvaniteuxquis’emparademoncœurquandjefusplusgrande14.

    Pour lutter contre la vanité,mais aussi pour se préparer à safuturevie religieuse, Juanita nevoulut jamais porter debijouxouutiliserdescosmétiques:LafamilleFernándezet,ducôtématernel, la familleSolar,étaient trèsfortunées. Dieu a accordé à Juanita l’esprit de pauvreté au milieu desrichesses.Ellen’aimaitpaslesbijoux,jamaisjenel’aivuenmettre.Ellen’utilisaitnidufardnidurougeàlèvres.Elleétaittrèsmodestedanssamanière de s’habiller, de sorte que sa mère devait s’occuper de sesvêtements.Juanita a eu un véritable esprit de pauvreté. À l’époque où sa familleétait riche, on lui donnait de beaux cadeaux, mais elle demeuraitindifférenteàcesparures,parexempleuncollierdeperlesvéritables,desbraceletsenor,unanneauavecundiamant,etc.Elledisait:«Donnez-lesplutôtàLucíaetàRebeca,carjen’enaipasbesoin15».

    Ne pensons pas trop vite que ce détachement était naturel etfacileàJuanita.Elle-mêmeavouedansplusieurs lettresqu’elleétait très attachée auxcréatures (cf. lettre 40).C’est justementpour elle un signe clair de l’authenticité de sa vocationreligieuse que de s’être tournée des créatures vers Dieu àl’occasiondel’appelduChristen1914:«Cellequirecherchaitl’amourdescréaturesnedésiraitplusqueceluideDieu»(lettre

  • 73). Au moment de sa sortie du collège, le Christ lui faitremarquerqu’elleestencoreattachéeauxcréatures:11 juillet [1918].Fiat voluntas tua, voilàmon oraison. Je ne demandepasautrechose.Cematin,Jésusm’ademandédenepaspleureràcausedema sortiedu collège, car c’est sa volonté. Je lui ai alorsdit que lesreligieusesmecroiraient ingrate ;mais luim’a fait voir combien j’étaisattachéeàcequelescréaturesdisaientetqu’enpriantpourellesjeseraisreconnaissante.Jevaisoffrircesacrificepourpapaetmesfrères16.

    Même après son entrée auCarmel, Teresa devra encore lutterpournes’attacherqu’àDieu:«Fréquemmentjevoisquejenesuispastotalementdéprisedescréatures»(lettre122).

    •Lanoblessed’uneâmeimmortelleappeléeàvoirDieuDansl’étudesurl’humilitéchezTeresa,nousavonsconstatélecontraste suivant : d’un côté Teresa se considère comme « unnéant criminel », d’un autre côté elle comprend et affirmeexplicitementlagrandeurdesonâmespirituelleimmortelle:Jesuisunpeud’argilemaisilyaenmoiquelquechosedeplusgrand:monâmequeDieu fitàson imageetàsaressemblance.Alors, laseulechose de valeur que je possède c’estmon âme, car elle est immortelle.Elle est donc plus grande que le monde puisque celui-ci aura une fin.Mon âme n’est pas du monde. Par conséquent, elle est de Dieu, seulcapabledelarassasiercarilestinfini17.

    Elleaégalementunehauteidéedelafinalitésurnaturelledelapersonnehumaineetdubonheurduciel:Posséder Dieu, le voir face à face, l’aimer pour une éternité.Comprendretouslesmystères,leconnaîtrelui.Quelbonheur18!

    •Lanature,refletdeDieuIlestimportantdenepasseméprendreausujetdece«méprisdescréatures»quel’onrencontresisouventdans lesécritsdeJuanita.Ilnes’agitpasd’unregardsuperficielsurlaréalitéjeté

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  • lamalchance a aussi été de la partie avec quelquesmauvaisesrécoltes dues à une météorologie défavorable. La situationéconomique de la famille Fernández, qui était très aisée àl’époque de la naissance de Juanita (1900), s’est doncprogressivement dégradée. Il a fallu réduire les coûts enréduisant le train de vie, en déménageant dans un appartementplus modeste à Santiago, en diminuant le nombre élevé deserviteursdomestiques,etc.Maissurtout, ila falluse résoudreen1917àvendrelabellepropriétédeChacabuco.Ilsemblequedoña Lucía ait éprouvé quelque ressentiment à l’égard de sonmari pour n’avoir pas été capable, par samauvaise gestion, deconserver le train de vie de la famille et surtout la propriétéfamilialedesonpère7.Juanita, quant à elle, a beaucoup aimé la propriété deChacabuco, lieu privilégié où elle passa ses vacances jusqu’en1917. C’était notamment pour elle un lieu rêvé pour faire del’équitation. En outre, la maison avait à proximité immédiateune chapelle 8. Cependant, à la différence des membres de safamille, Juanita ne s’est pas plainte de la perte deChacabuco.Elle était déjà trop attachée auChrist et désireuse d’entrer auCarmelpourentretenirdesregrets,mêmes’ilsemblequ’ellesesoit renducomptede lamauvaisegestiondesonpère,selon letémoignage suivant deMaría Josefa Salas Pereira : «Un jour,Juanitameditenpleurant:“Monpapavanousruiner” 9».Lemêmetémoinajoutecesprécisionsquisontimportantes:IlyeutdesproblèmesentrelesparentsdeJuanita,certainementausujetde questions économiques. Juanita me dit un jour : « J’ai dit à papad’alleràlapropriétéetderevenirunefoisparmois,afind’éviterdeplusgrandesdifficultés».[…]«PapaesttrèsdifférentdeMamanetjeprieleSeigneurtouslesjourspourqu’ilss’entendent10».

    Ainsi, il y avait dès le début une grande différence detempéramententrelesparentsdeJuanita.Quandcommencèrent

  • les difficultés économiques du foyer Fernández Solar, donMiguel a dû sentir peser sur lui le regard réprobateur de sonépouseetapréféréprendreprogressivementsesdistances.Aprèsla perte de Chacabuco, il a pris la gestion d’autres terresagricoles situéesàplusieurs centainesdekilomètresau suddeSantiago. La distance ne favorisait pas les contacts fréquentsavecsafamille,maisilsembleaussiquedonMiguelaitpréférééviteraumaximumlesrencontresavecsonépouse,sansquoionnecomprendpasqu’ilsoitrevenusirarementenfamille,carlaquantitédetravailàfairen’expliquepastout.Faut-il aller plus loin et penser à une infidélité conjugale dedonMiguel?LeP.MarinoPurroy,vice-postulateurdelacausede béatification de Teresa, est d’avis que non. Selon lui, donMiguelauraitpeut-êtrenégligéquelquetempsleplanreligieux,maisn’auraitpasmenéuneviedéréglée;enparticulier,ilseraittoujoursrestéfidèleàsonépouseetJuanita,quivivaitenDieuet le désirait meilleur, l’aurait même un peu noirci dans leJournal 11. Toutefois, des témoignages recueillis au Chili nelaissentguèredeplaceaudoute ; ilsattestentquedonMiguelavait une relation extraconjugale, ce qui explique son désird’éviteraumaximumlesrencontresavecdoñaLucíaquidevaitprobablementlesavoir.Cegenredesituation,dit-on,étaitassezfréquent à l’époqueetbeaucoupd’hommesavaientune liaisonextraconjugaleavecunefemmeàlaquelleondonnaitlenomdequerida (chérie). Les lettres de donMiguel des années 1919-1921 à Juanita et à Rebeca, sans rien révéler d’explicite à cesujet, donnent parfois l’impression de faire allusion discrète àcela.Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler sur le planthéologiquequelasaintetén’estpashéréditaire.Unsaintmarién’apasnécessairementdesenfantsquisontdessaints(ex:saint

  • Louis, et déjà, d’une certaine manière, Samuel dans l’AncienTestament);ensensinverse,ilyadessaintsquionteuunpèregravementpécheur:ilsuffiticiderappelerlescasdespèresfortpeu recommandables de saint Albert Hurtado (saint chiliencontemporain de Juanita12) et du bienheureux Charlesd’Autriche.IlestclairquelasituationdouloureusedesonpèrenediminueenrienlasaintetédeJuanita.OnnesaitpasaveccertitudesiJuanitaconnaissaitlasituationréelledesonpère,maisilsembleprobablequeoui,bienqu’ellene l’ait jamais dit explicitement. En tout cas, elle comprenaitquelarelationentresesparentssedégradaitetelleensouffraitbeaucoup. Son Journal reste assez discret sur cette épreuve.Juanitaestpudiqueetnedonne jamaisdedétailsprécissurcepoint, mais plusieurs passages reflètent sa souffrance. Parexemple,àplusieursreprises,Juanitaditàsonpèreàquelpointsaprésenceluimanque:Vous ne pouvez vous imaginer combien vous nous manquez car nousaurionsétédoublementheureuses si vous,petitpapa, vousaviezété ici.[…]Nousespéronsvousavoirbientôtparminous.Venezvite,petitpapa,pour que nous passions au moins deux jours avec vous, car nousprofitonssipeudevousquandvousvenezpuisquenoussommesinternes13.

    DenombreuxautrespassagesexprimentlevifdésirdeJuanitadevoirsonpèreetsagrandesollicitudeàsonégard:Vousnepouvezvousimaginercommejemesouviensdecettepropriétésiravissante et les envies que j’ai de m’en aller vous chercher pour quevousvousreposiezdevotrepénibletravail,aumoinsunesemaine14.

    Àsa sortie définitiveduCollège (août 1918), elle écrit à sonpèrepourluidiresondésirdeluiêtreagréableentoutetdeleréconforter:Désormais,petitpapa,commencepourmoiunenouvellevie.C’estainsiquejeveuxquevouscomptiezsurmoipourtout.Jen’aipasd’autredésirquedevousplaireentout,vousaccompagneretvousconsolercarjesais

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  • soittoujoursletabernacledeJésus,maintenantpartesprières,plustardpartonenseignement,tavigilanceettonexemple.Apprends-luiàl’aimerdès son plus jeune âge. Dis-lui toujours qu’il y a un Dieu qui l’aimeinfinimentetquivitsurl’autelpours’unirànosâmes.QuesapremièreparolesoitJésus.Moi,demoncouvent,jesuisprèsd’elle.Jemesentaistoujourssiheureusequandjelaprenaisdansmesbras…JevoyaislatrèsSainte Trinité dans son âme.Quelmystère et quel contraste : dans sonpetitcœur,uncielentier!Donne-luibeaucoupdebaisersdelapartdesatante.Jel’aimetant…TudirasàChiroquejeluiconservetoujoursuneaffectiondefrère,quejen’oubliepasquecelafaitunanquevousvousêtesmariésetquejepriebeaucouppourquevous soyez toujours trèsheureux.Cherchez toujoursDieu,enLuiestlasourcedubonheur40.

    Lucita rapporteraplus tardavoirété impressionnéeparcequeluiavaitdit Juanitaquelquesmoisauparavant,alorsqu’elleneconnaissaitpasencorelavocationcarmélitainedesajeunesœur:Me trouvant avec mon enfant alors que celle-ci n’avait que quelquesjours, elle commença à me parler de la grandeur de la mission de lamère, de ses sacrifices et de l’amour pour ses enfants.Elle le faisait endestermestelsquejepensaiquesiJuanitasemariaitunjour,elleseraitunemèreparfaite,carilétaitimpossibledeconnaîtreplusclairementlesdevoirs maternels. À aucun moment il ne m’est venu à l’esprit qu’elleentreraitauCarmel.Enraisondemonétatdesanté,tousavaientgardéun secret absolu.Quand, dix jours avant son entrée, je sus la nouvelleparuneindiscrétiondemonmari,jecrusdevenirfollecarjel’aimaisdetoutemonâme41.

    D’autreslettresdeTeresamentionnent la joiequ’elleaeueenrecevant aucarmeldeLosAndes lavisitedeChiro, sonbeau-frère,le27septembre1919:Hier Chiro est venu me voir. Vous ne pouvez savoir combien je l’airemerciépoursonvoyage.Laseulechosequej’airegrettéefutdenepasvoirLucitaet sapetiteque j’aurais tantdésirévoir.QueDieu les rendetrèsheureuxetqu’ilsformentunfoyerchrétien.JemesuisréjouiedelavisitedeChiroetjel’enremercie.SaluezLucitaetbeaucoupdebaiserspourLucecita.Quandpensent-ilsm’envoyerson

  • portraitavecsamaman42?

    Teresan’amalheureusementpaseulajoied’avoirauCarmellavisitede sa sœur aînée et de sapetitenièce ; elle a cependantreçuleurphotodesamère.SansdouteLucitapensait-elleallervoirsasœurunpeuplustardàLosAndes;ellenepouvaitpassavoirquesesjourssurlaterreétaientcomptés…

    •Miguel,lefrèrebohèmeLecasdeMiguel estparticulier.Plus âgédecinqannéesqueJuanita,ilavaituntempéramentbohème.Étantlepremiergarçonde la famille, il avait probablement suscité en doña Lucíal’espoirqu’ilpourraitaider sonpèredans lagestiondes terresde Chacabuco puis de San Pablo de Loncomilla, mais cetteperspectiven’enchantaitguèreMiguel,lequelpréféraitlavilleàlacampagne.Enrevanche,ilétaitdouéd’unréeltalentpoétiqueetgagneramêmeplustard(en1942)unprixdepoésie.Ilaimaitsortir avec ses amis à Santiago, et sans doute se laissait-ilentraîner assez souvent àboireplusqu’iln’aurait fallu.Luchoindiquequesonfrèreavaitparfoisdes«distractionsmalsaines»(nonsanctas), sans plus de précision 43.Miguel avait coutumede rentrer bien tardivement à lamaison familiale.Vu de notretemps,Miguelnedonnepasl’impressiond’avoirétéuncastrèsdifficile, d’autant plus qu’il avait conservé sa pratiquereligieuse.À l’époque, cependant, le comportement deMiguelparaissait inacceptable àdoñaLucía,qui se chargeait de le luifairesavoiravecdesreproches,lesquelsn’avaientapparemmentaucuneffetsursonfils.Juanita,quantàelle,abeaucoupaimécefrèrebohème:NousavonsvuMiguelquimontaitlagarde;celafaisaitplusd’unmoisque je ne l’avais vu. Je l’aime tant… Il est passé caporal. Je suis trèscontente44.

  • Elle s’est égalementmontréeplus compréhensiveà sonégard.Elle comprenait que son frère portait des blessures intérieureset, au lieu de lui reprocher ses écarts, elle ne cessait de luimanifester de l’amour et de la compassion.À titre d’exemple,alorsquedoñaLucía,lasséedevoirMiguelrentreràlamaisonàuneheureimpossible,avaitinterditauxcuisinièresdeluidonneràmanger en dehors de l’heure des repas, Juanita se chargeaitelle-mêmedegarderdelanourriturepoursonfrère.Ce que vousme dites deMiguelm’a fait beaucoup de peine et je priebeaucouppourlui.VoussavezdéjàquejesuisvenueauCarmelpourleconvertir.NotrepetiteMère,danssagrandebonté,offre toutpour luiettoutesmes petites Sœurs prient aussi.Ayons confiance et le Sacré-Cœurarrangera tout pour sa gloire. Dieu écoute toujours les supplicationsd’une mère. Ainsi donc, souffrons, prions et aimons. Ce doit être notreconsignepourl’obtenir45.

    DoñaLucíaétait tellement affectéepar la conduitedeMiguelqu’elleenvintàsouhaiter lamortdesonfilspourqu’ilcessâtd’offenser Dieu ; elle le signifia à sa fille carmélite dans unelettredu20mai1919oùnonseulementelledéclaraprierpourcelamaisdemandamêmeàsafilledeprieràcetteintention:Tunepeuximaginer,mafille,toutcequej’aisouffertetsouffreencoreàcause de ton frèreMiguel. Je crois que ce qu’il faut demander àNotreSeigneur, c’est qu’il le prenne bien préparé. Aussi, dis à la Mèresupérieure que, par charité, elle fasse prier la communauté à cetteintention.Qu’elles fassent violenceauDivinCœurpourqu’il leprenne.Eneffet,siterriblequecesoit,c’estencoremoindrequedelevoirloindeDieu.NotreSeigneurnousdonnedesenfantspourlesconduireauciel,etvoirqu’ellen’atteintpascettefinestunechosequ’unemèrenepeutninedoitaccepter.

    TeresafaitéchoàcettelettredanssonJournal:Pour augmentermon tourment, il m’est arrivé une lettre dema petitemaman : elle me demande de prier pour que Notre Seigneur prenneMiguel car il va très mal. Cela me met hors de moi car il est de monpropresangceluiquioffenseDieu46.

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  • L’affection de Teresa pour sa sœur ne l’empêche nullement,bien au contraire, de la corriger quand elle le juge nécessaire.QuandRebecamanifestesondésirdepouvoiràsontoursortirducollège,Teresaluifaitsavoirsonnetdésaccord:Maintenant, je vais répondre à ta seconde lettre qui me fut trèsdésagréable.Jeneveuxpasquetuquitteslecollège,etjenecomprendspascommenttupeuxledésirer.Là-bastuvistranquilleavecJésusdansleSaint-Sacrement, sanspérilspour lapuretéde tonâme ; en forgeanttoncaractère,cartunepeuxpasfairetoutcequiteplaît.Deplus,tun’espasEnfantdeMarie.Jesuissûrequesitutecomportesparfaitement,tuserasaspirante le jourde la fêtedeMère Izquierdo, et tuobtiendras lamédaille pour le 8 décembre. Propose-le aux religieuses. N’agis pasd’après tes impressions.Ce n’est pas parce qu’Elena quitte que tu doisquitteraussi.Chacunedoitmarcherseuledanslavie72.

    Pendant la courte période de Teresa au Carmel, Rebecacontinuade souffrir beaucoupdudépart de sa sœur.Enmêmetemps, celle-ci se rendit compte que la grâce de Dieu était àl’œuvreenRebeca.De fait, le travailde lagrâceestnettementvisible dans la lettre que Rebeca envoya à sa sœur quelquesjoursaprèsavoirassistéàsaprised’habit:Necroispasque lesévénementsdece jour[laprised’habitdeTeresa]m’ontlaisséeindifférenteoucommeauparavant,non,pasdutout.Jesensdes désirs d’être meilleure, une aspiration à quelque chose de plusparfait,deplussublime,quime fait regarderavecmépriset indifférencecequim’entoure.JeveuxaimerDieu,l’aimerplus,beaucoupplusquejene l’aime, je voudraism’unirétroitementàLui,m’identifieràLui, vivreseulement pour Lui, que ma seule pensée soit sa personne. J’ai soifd’amour;cecœur,bienqu’ilsoitd’argile,negoûtepascequiestcharnelou matériel, il désire quelque chose de plus pur, de plus beau, debeaucoupplusélevé73.

    TeresapartageraavecsamèresonsentimentsurRebeca:J’aireçulalettredeRebecaetjen’aipuquem’émouvoirenvoyanttoutce qu’elle souffre. Croyez, petite maman, que peut-être, à sa place, jen’auraispas étéaussigénéreusequ’elle. Il fautqueJésusm’ait revêtuede sa grâce pour le suivre, car jamais je ne vous aurais laissés, vous

  • aimantcommejevousaiaimés.Pourlemoment,ilmesemblequ’ilfautl’entourer d’affection et ne pas la contrarier car je crains que son étatd’âmen’empire.JevoisaussiqueDieuagitensonâmeparlemoyendel’isolement, afin de l’attirer à lui, et je suis de plus en plus convaincuequ’illaferaentièrementsienne74.

    TeresaétaittellementconvaincuequeRebecaseconsacreraitunjour au Seigneur que, lors d’une visite d’Ofelia à LosAndes,elle chargea celle-ci de dire à Rebeca qu’elle devait entrer aucouventpourprendresaplace.LaréactiondeRebecafutassezvive:«MaisJuanitaestfolle?Pourquoidonclaissera-t-ellesaplacevacante?Va-t-ellesortiroumourir75?»LadernièrelettredeTeresaàRebecaestcommesontestamentspirituelpourcelle-ci.Ellecorriged’abordsasœurausujetdesasusceptibilitéquil’empoisonne:Avant tout, je t’accuserai bien vite, comme je l’ai toujours fait, car tumanquesdeconfiancedansl’affectiondesautres.Surtoutquetusaisdéjààquoijepense…Donc,jeterépètecequejet’aiditsisouvent:celanaîtde lasusceptibilitéqui, si tune la faispasdisparaître,empoisonnera tavie entière. Tu ne dois pas, petite sœur, abriter dans ton cœur cessentimentsdeméfiance.Efforce-toidelesétoufferàlaracineenrejetantlessombrespensées.Crois-tuque,parcequ’ontecontrarieouqu’onnetedonnepascequiestàtongoût,onnet’aimepas?Alors,jediraislamêmechose car, lorsque j’étaisà lamaison, ilme fallait contrariermavolonté jusquedans lespluspetitsdétails[…].Ainsidonc,courage,mapetite sœur.Tu te formeraspour ta vie entière en te sacrifiant, sansquepersonneneleremarque,uniquementpourDieuetpourlesâmes.Unis-toiaussiàtacarmélitequinepeutjamaisfairesaproprevolontéenrien,etc’estprécisémentcequicoûteleplusàtouthomme;maisl’enchaînerpourDieu,c’estvivrelibre,c’estvivred’amour.

    Teresaterminesalettreenluipartageantànouveausonbonheurd’être toute au Seigneur et en lui rappelant que le véritablebonheurnesetrouvequ’enDieuseul:Je voudrais te faire partagermon bonheur d’être toute àDieu et je tediraientouteconfiancequejetrouvequeDieuagitmerveilleusemententonâmepourt’attireràluienteséparantdesêtresquetuaimestantet

  • ent’isolantdetoutafinquetunetrouvesqu’enluitonuniqueappui.Soisconvaincue,petite sœur,quenousappartenonsàDieu seul car il fait etdéfaitsescréatures.Toiquicroyaisquejamaisnousnenousséparerionscar nous ne formions plus qu’une seule personne, tu as vu que je t’ailaissée pour Dieu. Un jour viendra dans la vie où tu lutteras sanspersonne.Qui sera alors ton appui ?Dieu. Lamort t’ouvrira aussi unabîmedemystèresettuserasseuleavecDieu.Pourquoidonc,petitesœur,s’attacheràdescréaturesquipassent,quisontinconstantes,quimeurent? Pourquoi ne pas aimer ceDieu qui, sans avoir besoin de nous, nousaime,nousregardeetnousprodiguetoujourssesbiens?Vivred’amour,vivre dans le ciel, en Dieu. C’est l’unique bonheur de l’âme de tacarmélite.Croisbienquejenecachepasqu’ilyaitdessouffrances,maissurlacroixestl’amouretenaimantonestheureux76.

    Il est beau de voir que l’un des premiersmiracles opérés parTeresa après sa mort fut justement la guérison de sa sœur.Rebeca se sentit soudainement changée intérieurement, lesforcesluirevinrentetellecommençaàsentirdanssoncœurundésirirrésistibledeprendrelaplacedeTeresaaucarmeldeLosAndes77.LaprophétiedeTeresasursasœurcadettes’accomplit:quelquesmoisàpeineaprèsledécèsdeTeresa,Rebecafitpartdesonintentionàsafamille,laquelleréponditd’abordquecelaluiparaissaitunefolie.MaisRebecaétaitbeletbienguérieetsarésolution était prise. Elle entra au carmel de LosAndes septmoisenvironaprèsledépartdeTeresapourleciel,reçutlenomdereligiondesœurThérèseduDivinCœuretoccupalacelluledevenue vacante de sa sœur aînée. Elle persévéra dans savocationetdevintplus tardmaîtressedesnovices.Elledécéda,encore jeune mais déjà bien sanctifiée, en 1942, donc avantl’ouvertureduprocèsdebéatificationdeTeresa (1947), cequifaitqu’ellen’apasputémoignerauprocès;nuldoutequesontémoignageauraiteuunevaleurexceptionnelle.Le lienentreTeresaetRebecaavaitune intensitéparticulière.Pendant longtemps, les deux sœurs avaient tout vécu, toutpartagéensemble.CefutsansdouteRebecaquisouffritleplus

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  • Elle lia amitié avec quelques jeunes gens, qui étaient aussi amis de lafamille. Elle les abordait de façon naturelle et aimable,mais elle n’eutpasd’affectionparticulièreavec l’und’entreeux,carson intentionétaitd’êtrereligieuse12.

    Àpremièrevue,cesdeux témoignagessemblent secontredire,danslamesureoùlepremieraffirmequeJuanitanevoulaitpasavoird’amitiéavecungarçon,etqueledeuxièmeaffirmequ’elleen a eu avec certains. Toutefois, la contradiction n’estqu’apparente. En effet, ce que le deuxième témoignage entendpar amitié semble essentiellement avoir été le fait d’avoir desrapportsnaturels,courtoisetaimablesavecdesjeunesgens,cequi n’est guère plus que de l’aimable politesse et de lacourtoisie.Parcontre,lesdeuxtémoignagesserejoignentsurunpoint précis : Juanita ne désirait pas développer une amitiéparticulière avec un garçon et, si nécessaire, le faisaitcomprendre.RemarquonsàcesujetqueJuanitaaparticipéàdesréunionsmondaines avec des jeunes gens,mais qu’elle n’en apastiréunebonneimpression,