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Le

violoncelle

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

Un dossier instrument de La Lettre du Musicien

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«LE VIOLONCELLE?

Le plus bel instrument

du monde. Et le plus

tendre, le plus persuasif, le plus

émouvant. Son rôle se confond avec

celui de la musique la plus inspirée.

C’est un poète qui nous découvre

les régions les plus hautes de la

pensée; un guide qui nous

introduit dans les sanctuaires les

plus intimes du cœur ; un magicien

qui crée en nous ces appels et ces

prolongements mystérieux qui,

d’un coup d’aile, nous emportent

vers le Beau.»

Cette citation de Paul Bazelaire,l’une des grandes figures de

l’école française du 20e siècle,

illustre bien les liens amoureux

qu’entretiennent les musiciens

avec leur instrument, qui leur

permet de s’exprimer, tout en

exprimant la beauté de lamusique.

C’est le violoncelle sous sa

forme moderne qui est l’objet

de ce dossier.

II La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

Ce dossier a été préparé par Michel Oriano,

professeur d’université, président de l’Association françaisedu violoncelle et directeur de la revue Le Violoncelle.

Photo de couverture: Mstislav Rostropovitch en 1968 © INGI

Reproduction interdite © La Lettre du Musicien

novembre 2005 – www.lettre-musicien.fr

sommaire

L’HISTOIRE

LES INTERPRÈTESLes violoncellistes de légendeIls ont marqué leur siècle…

Les “légendes vivantes” Violoncellistes français à l’affiche

L’INSTRUMENT

 Anatomie du violoncelle Anatomie du violoncellistePropos de luthiers

L’archet, une histoire de mondialisationQuelques accessoires

L’acoustique du violoncelle

L A FORMATION ET LES DÉBOUCHÉSPropos d’enseignants

Perspectives professionnelles

Le répertoire pour violoncellePetite bibliographieQuelques concours

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Commençons par dire quelques mots des origines du vio-loncelle. L’étymologie réserve des surprises. Pour re-trouver la racine du mot “viole”, on a évoqué, entre au-

tres, le mot latin  vitulare (“bondir comme un veau”), quiexprime la notion de joie, et que l’on retrouve dans  vidula, vitula, ou viale. Dans les langues médiévales, on trouve une plé-thore de termes comme figella, fitola, viguello, fithele, videle, quirelient violaau latin fidulaou fidicula (de fides: corde), par les-quels Cicéron traduisait le grec  kithara, la cithare, souventconfondue par les poètes avec la lyre, mais dont la caisse, ana-logue à celle de la guitare ou du violon, comportait une table etun fond parallèles, reliés par des éclisses. Mais il s’agissait làd’instruments à cordes pincées.

Nous reviendrons plus loin sur l’archet (voir page22). S’il nesemble pas avoir été utilisé dans la Grèce et la Rome antiques,on pense qu’il a été inventé en Inde plusieurs millénaires avantJésus-Christ et nous aurait été transmis par les Sarrasins aprèsavoir transité par le Moyen-Orient entre les mains de migrantsarabes, gitans, juifs, etc. Quoi qu’il en soit, les instruments àarchet fourmillent dans l’iconographie de la deuxième moitiédu Moyen Age. Il s’agissait là d’une innovation fondamentale,car les cordes frottées par un archet transforment en énergieacoustique l’énergie mécanique de friction qui se répercutedans la caisse de résonance par l’intermédiaire du chevalet. Onsait qu’il existait de nombreux modèles d’instruments à archet

à cette époque, parmi lesquels on peur citer, entre autres, la lira de gamba, le violine pomposo, la viola bastarda, la tromba mari- na, la viola di bordone, la violetta marina, la viole d’amour…

Deux grands types d’instrumentsOn peut classer ces instruments selon deux types.• La vièle (à ne pas confondre avec la vielle à roue et à cla-

 vier), pratiquée par les musiciens cultivés, existait sous plu-sieurs formats, dont les plus grands jouaient le rôle de l’alto etde la basse, comportant chacun six cordes accordées par quar-tes. Les cordes étaient plus fines et moins tendues que cellesdes instruments de la famille du violon moderne, les tablesmoins épaisses, les éclisses plus hautes, les ouïes en forme de

 c et non de  f . Le manche était garni de sillets marquant lesdemi-tons, comme c’est encore le cas de la guitare1.• Le rebec, en forme de poire arquée en bas: apparenté au rebabmauresque auquel il emprunta le chevillier renversé et lerecouvrement de la table d’harmonie par une fausse table en

bois ou en métal, il comportait une caisse ventrue se rétrécis-sant jusqu’aux chevilles sans l’intermédiaire d’un manche. Onen trouve également plusieurs formats.Si le rebec continua à être joué par les ménestrels, la vièle, quiprit le nom de viole, se modifia et donna naissance à une famillecalquée sur le quatuor vocal, avec des violes soprano, alto, ténoret basse. La grande innovation fut l’invention de l’âme, unepetite pièce de bois placée à l’intérieur de la caisse, perpendi-culairement à la table, au niveau des cordes aiguës, qui, enreliant la table et le fond, transmet à tout le corps de l’instru-ment les vibrations qui naissent au chevalet: tous ceux qui pra-tiquent le violon, l’alto ou le violoncelle savent combien est déli-cat le réglage de cette pièce, dont quelques millimètres de

déplacement suffisent à modifier radicalement la sonorité del’instrument. Autre point fondamental : auparavant, la tabled’harmonie (le dessus) n’était parfois formée que d’une peautendue sans aucune ouverture. Or, contrairement aux instru-ments à cordes pincées, les cordes frottées nécessitent une ten-sion beaucoup plus grande et il fallut les rattacher solidementau cordier. Afin de renforcer la résistance de la table, on dutfixer une tige de bois (la barre) sous la table d’harmonie auniveau des cordes graves.

L’Italie,mère des violons modernes

Cela constitua un progrès crucial qui allait engendrer la famille

du violon moderne: née à Brescia aux alentours de 1520, celle-ci coexista longtemps avec celle de la viole.

Jusqu’au 15e siècle, la voix humaine avait joué presque exclusi- vement le rôle qui sera ensuite dévolu aux instruments. Pendantlongtemps, on se limitait surtout aux voix aiguës produisant unson nasal. Pour les accompagner, on utilisait surtout des instru-ments au registre aigu, comme on le fit jusque très récemmenten Inde ou en Chine. A cette époque, la voix de basse ne faisaitpas partie de notre conception de la musique. Vers le milieu du15e siècle, des compositeurs flamands commencèrent à étendrele registre de la voix jusqu’au do grave, en déployant davantagela gorge. La naissance de la basse de viole à la même époque

n’est donc pas le fruit d’un hasard.

Celle-ci connut une grande faveur pendant la Renaissance,notamment en Angleterre, où se développa un répertoire solis-te pour cet instrument que l’on jouait aussi en ensembles

De la corde pincée à la corde frottée…

Petite histoire duvioloncelleL’arrivée de l’archet dans l’Europe médiévale suscita l’éclosion de nouveaux instruments à cordesqui se multiplièrent rapidement. De la lira di gamba à la viole d’amour, voici l’histoire de l’instrument,

 jusqu’au violoncelle moderne.

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le violoncelle

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(Jenkins, Byrd, Lock, Gibbons, Purcell…).De la même manière, en France, elleéclipsa les autres membres de la famille,et le mot viole, sans autre précision, ladésigna chez les compositeurs virtuoses

des 16e et 17e siècles, comme SainteColombe, Marin Marais, Forqueray,ou Caix d’Hervelois, dont la célé-brité n’avait rien à envier à celle desgrands violonistes ou clavecinistesde l’époque.

Ce rayonnement de la viole de gambe(ainsi nommée parce qu’on la tenait ver-ticalement entre les jambes et non surl’épaule) et la renommée des artistesqui la pratiquaient de chaque côté de laManche expliquent que, bien que la

famille des violons, altos et violoncellesmodernes ait vu le jour dès le début du16e siècle, ainsi que l’attestent de nom-breuses peintures italiennes de l’é-poque, le violoncelle ait mis plus detemps à s’imposer en France et en

 Angleterre. Dans ces deux pays, leprestige des gambistes et de leur réper-toire constitua en effet un frein et fut àl’origine d’une bataille, au cours de

laquelle les défenseurs de la violerésistèrent longtemps à ce qu’ils

dénommaient «les entrepri-

ses du violon et les pré-tentions du violon-celle», qui se vitattribuer des qualifi-catifs ironiques telsque «viole de selle»ou encore «miséra-ble cancre, hère, et

pauvre diable»…L’Italie avait pris de l’a-

 vance parce que la viole nes’y était pas répandue avecautant de succès. Dès le

début du 16e siècle, onconstata que cette der-

nière manquaitd’amplitude par

rapport au vio-lon que l’on

 venait d’inven-ter. Les luthiersde Brescia et deCrémone s’atta-

chèrent donc àconcevoir des ins-

truments suscepti-

bles de mieux marier

leur sonorité et leurs possibilités techniques avec celles, plusbrillantes, du violon. Si bien que, s’il conserva approximative-ment la taille de la viole, le violoncello (diminutif de violone)s’inspira surtout de la forme du violon: fond voûté, suppressiondes frettes sur la touche, limitation à quatre cordes au lieu de

six, courbure du sommet du chevalet afin de faciliter le jeu descordes individuelles sur lesquels l’archet allait pouvoir joueravec davantage d’énergie sans frôler les cordes voisines. Lerésultat fut si satisfaisant qu’à part quelques détails2, ces instru-ments n’ont pas subi de modifications fondamentales depuis letemps de Stradivarius.

 Après Monteverdi, l’orchestre remplaça les instruments à fai-ble puissance comme le luth, le théorbe ou la guitare par desinstruments à cordes frottées: avec Carissimi et Lully, il se com-posa essentiellement de violons, de violes, de doubles basses,de flûtes, de hautbois, de bassons et de trombes. Le violoncelledevint l’accompagnateur par excellence du violon dans les

sonates pour violon et basse, en improvisant parfois des rem-plissages harmoniques dont les textes gravés ne portent pastrace. Jusqu’à la Révolution, il fut admis qu’une sonate à deux (violon et clavecin) s’exécutait avec en plus un violoncelle, cequi donna naissance au trio pour piano, violon et violoncelle.Très vite, on intégra le violoncelle dans les orchestres italiens;parallèlement, celui-ci fut de plus en plus choisi pour accom-pagner les chants d’église. D’où l’éclosion d’une pléthore de vir-tuoses, dont les plus célèbres furent Cervetto, Caporale et, unpeu plus tard, Luigi Boccherini, auteur de concertos qui figu-rent toujours au cœur du répertoire, de même que ceux deLeonardo Leo ou de Vivaldi (qui a écrit plus de vingt concer-tos); sans oublier les nombreuses sonates écrites par ces der-

niers, ainsi que par Vandini, qui accompagnait Tartini dans sestournées, Gabrieli, Caldara, Lanzetti, Marcello, Casnavas,Spourni…

L’apparition du violoncelleen France et en Belgique

Pour les raisons indiquées plus haut, il fallut attendre le premierquart du 18e siècle pour voir apparaître le violoncelle dansnotre pays, après que le public aura eu l’occasion d’en appré-cier la beauté lors de tournées d’Italiens, à commencer parBoccherini, qui donna un mémorable concert en soliste à Parisen 1768. Le violoncelle figura en 1727 dans l’orchestre del’Opéra de Paris, et en 1733 parurent les premières sonates de

Barrière. Petit à petit, les sonates pour violoncelle évincèrentcelles pour viole et furent produites en abondance par Cupis,Janson, Olivier Aubert, Bréval…, ce qui correspondit à l’appa-rition de grands virtuoses, dont les plus célèbres furent Martin

Berteau et Jean-Louis Duport, et, un peu plus tard, le BelgeServais, qui alliait une virtuosité étourdissante à une grandeintensité d‘expression.

Comme beaucoup de ses confrères, Berteau avait commencépar jouer de la basse de viole, qu’il abandonna lorsque, enentendant l’Italien Franciscello, il fut séduit par la sonorité du

 violoncelle et les effets que l’on pouvait en tirer. Pour sa part,Duport enrichit les possibilités de l’instrument en lui appli-

quant la manière large et brillante du violoniste Viotti qu’iladmirait profondément. Pendant la révolution de 1789, Duportse réfugia en Prusse, où il écrivit son Essai sur le doigté de vio- loncelle et la conduite de l’archet. Les violoncellistes étudientaujourd’hui encore ses 21 études.

IV

le violoncelle

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

Basse de viole Henry Jaye (1619), © D. Kessler.

Extrait d’ A Viola da Gamba Miscellanea, PULIM, 2005.

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L’enseignement du violoncelle fut ensuite favorisé par la créationdu Conservatoire de Paris à la fin du 18e siècle; parallèlement, sila facture instrumentale s’était jusque-là surtout concentrée enItalie, c’est en France qu’à partir du milieu du 18e siècle et audébut du 19e l’on vit s’épanouir la plus importante concentration

de grands facteurs d’instruments, avec Tourte, qui mit au pointl’archet moderne, et l’école de lutherie de Mirecourt, dont lesgrands noms comme Vuillaume et les familles Gand et Bernardelse formèrent à Paris, au contact des Italiens.D’autres pays, comme l’Allemagne, la Belgique, la Hollande,l’Empire austro-hongrois ou l’Angleterre, produisirent égale-ment des instruments de très bonne qualité.

Naissancede l’école allemande

Ce fut vers les années 1770 qu’apparut avec Bernard Romberg

un remarquable violoncelliste allemand, dont les contempo-rains disaient cependant que, si la précision de son jeu était

inégalée, sa sonorité et la finesse de son interprétation n’attei-gnaient pas celles de ses collègues français et italiens. Grâce àleur persévérance, les Allemands établirent une méthode de

 violoncelle d’une supériorité incontestable, née du travail descontemporains de Romberg. Tous les élèves d’aujourd’hui tra-

 vaillent encore les dix concertos écrits par ce dernier ainsi queles exercices et les études élaborés par Dotzauer, Lee,Goltermann, Grützmacher, tandis que la musique de genre deDavid Popper est devenue aussi populaire que les  Danses deSarasate pour violon.

Dès le début du 18e siècle, le violoncelle avait acquis une gran-de popularité en Autriche et en Prusse, où les princes, tel

Frédéric-Guillaume II qui le pratiquait avec talent, en encou-ragèrent la pratique, ce qui donna naissance aux chefs-d’œuv-re du répertoire de l’époque.

Les Suites de Bachou l’évangile des violoncellistes

 Avant d’en énumérer quelques-uns, arrêtons-nous un instant sur Jean-Sébastien Bach. LeCantor exploita le mariage de la sonorité du

 violoncelle avec celle de la voix humaine dansses messes et ses oratorios (la Passion selon saint Jean en donne un exemple sublime).Surtout, comme il le fit pour le violon avec ses

sonates et partitas, il joua un rôle de précur-seur en explorant le premier toutes les riches-ses de notre instrument dans ses Suites pour  violoncelle seul, qui font partie de la vie quotidien-ne de tous les violoncellistes. L’on sait qu’après unlong oubli Pablo Casals les redécouvrit parhasard dans une bibliothèque de Barcelone.Il en fut tellement ébloui qu’il les travaillaméthodiquement pendant douze annéesavant de les jouer en public. Casals avaitcoutume de dire que, durant toute sa vie,il travailla chaque jour l’une de ces Suites,et que le dimanche, il les jouait toutes les

six. L’enregistrement qu’il en fit pour lapremière fois dans les années 30 eut un telretentissement qu’il fallut attendre pas malde temps avant que d’autres aient l’audace desuivre son exemple. Mais, à ce jour, près de deux 

cents violoncellistesl’ont fait au moinsune fois. Comme l’adéclaré Marc Cop-

pey, «bien sûr, il n’est

pas nécessaire d’en-registrer ces Suitesaprès tant d’autres.Quand on va chez undisquaire, on n’a quel’embarras du choix,à commencer par les

 versions de Casals,Fournier, Tortelier,Starker, dont onpourrait se conten-ter. Mais si je les aimoi-même enregis-

trées, c’est parce que je ressentais le besoinde le faire à montour. C’est unemusique que j’ai jouée dès l’âge de 8 ou 9 ans, avant même d’a-

 voir la partition ; comme tous les violoncellistes, elle est aucœur de mon travail de tous les jours. Bach est un univers, etses Suites constituent en soi un univers inépuisable qui figure ausein de mon propre univers… Cette musique est si riche, si fon-damentale pour nous, que tous les interprètes peuvent faire

 valoir une vision différente».

Je citerai encore deux ou trois extraits d’entretiens que j’ai eu

avec de jeunes violoncellistes qui les ont enregistrées récemment.Henri Demarquette note qu’«on n’a pas conservé le manuscritoriginal des Suites. Les copies ne sont pas toujours fiables, ellesregorgent d’indications d’articulation très fantaisistes, qui

reflètent un grand désir de variété à l’époque de Bach3.Cela ouvre donc à l’interprète un champ de liberté

infinie… Avec le violoncelle, qui est essentielle-ment un instrument monodique, il crée unepolyphonie virtuelle par le jeu des différentes voix». Pour Jérôme Pernoo, « l’étude des sour-ces permet d’aller au centre de l’œuvre et dese mettre dans la peau d’un violoncelliste du18e siècle qui passe ses journées à lire des bas-

ses continues et qui soudain découvre ces pages.En exécutant simplement les notes qui s’y trou-

 vent, il est alors émerveillé par l’illusion d’unepolyphonie jamais rencontrée auparavant, où unsimple archet et une simple corde suffisent à créer

un orchestre imaginaire».

Ces partitions contiennent une telle riches-se que certains violoncellistes ont éprouvé lebesoin de les enregistrer plusieurs fois, àmesure de l’évolution de leur interpréta-tion aux différentes étapes de leur car-rière (Janos Starker l’a fait pas moins de

cinq fois !). Ce phénomène s’est encore

VLa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

“La Belle au bois dormant” de Domenico Montagnana(Venise, 1739).

Luigi Boccherini

DR

         D         R

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accru depuis que les musicologues ont démontré que le violon-celle baroque de l’époque de Bach n’avait pas les mêmes spéci-ficités que l’instrument joué aujourd’hui (moins de volume,archet moins mordant et plus léger, plus grande importanceattachée à l’agilité des doigts de la main gauche). Les versions

récentes de Christophe Coin,  Anner Bylsma ou OphélieGaillard diffèrent profondément de celles de leurs prédéces-seurs. Nous n’entrerons pas ici dans une nouvelle querelle desanciens et des modernes, mais nous nous contenterons de citerXavier Gagnepain, qui s’efforce d’enseigner les idiomesbaroques à ses élèves, mais déclare par ailleurs: «Quand je vaisau concert, je suis plus tolérant avec mes collègues qu’avec mesélèves. Du moment qu’une interprétation est riche de contenu,

 je peux la trouver très belle, même si je n’y adhère pas person-nellement. Je ne suis pas de ceux qui rejettent l’interprétation deMisha Maïsky parce qu’elle correspond à une autre esthétiqueque la mienne. J’ai surtout tendance à me dire: “Que ça peutêtre beau, Bach!”.»

L’avènement du quatuor à cordesOn peut se demander pourquoi, après le monument que consti-tuent les Suites de Bach, à l’exception de celles de Max Regerécrites en 1815, il a fallu attendre Kodaly et le 20e siècle pourretrouver des pièces écrites pour le violoncelle sans accompa-gnement. La réponse semble être donnée par le développementspectaculaire du quatuor à cordes à partir de Haydn. Comme leprouvent les suites pour violoncelle et les sonates et partitas pour

 violon de Bach, chacun des quatre instruments comportant qua-tre cordes frottées séparées par les mêmes quartes offre dans uncocon toutes les possibilités harmoniques. Mais la superpositionde leurs tessitures fournit un enrichissement qui sera exploité par

le génie de Mozart et de Beethoven. Par la suite, Mendelssohn,Schubert, Schumann, Brahms… enrichiront ce répertoire sansque, contrairement au piano ou à l’orchestre, l’on éprouve lanécessité de recourir à une modification radicale de la factureinstrumentale. En conférant leurs lettres de noblesse à ces instru-ments, les œuvres de Bach pour violoncelle seul et pour violon

seul constituent donc bien la dernière étape avant les quatuorsde Haydn, un genre qui, pour citer Pierre Boulez, «magnifie l’in-

 vention, en même temps qu’il l’épure».

On a pu qualifier cette formation d’instrument à seize cordes,

chacun d’entre eux se déployant dans son propre registre etfusionnant grâce, notamment, à la superposition de notes quiproduisent un accord, mais aussi à l’archet, qui, en permettantde regrouper plusieurs notes liées, rend possible la continuitéde longues lignes mélodiques qui passent sans interruption d’uninstrument à l’autre. Mais les quatre instruments du quatuor àcordes possèdent chacun leur propre individualité: en permet-tant le passage subtil d’une voix à une autre, le quatuor affirmela différenciation de chacun, et donc leur totale indépendance,

 voire leur antagonisme. Comme l’écrit Bernard Fournier, « lequatuor n’induit pas, comme le piano, un genre “fusionné” – iln’est pas vraiment un instrument à seize cordes – mais un genre“fusionnel”, c’est-à-dire portant en lui des possibilités de fusion,

mais aussi de dissociation4 ».

 Avec le quatuor à cordes, le violoncelle s’émancipa donc rapi-dement du rôle de basse continue qu’il avait connu à ses débuts.Et comme l’immense majorité des compositeurs du 19e et du20e siècle ont éprouvé le besoin d’écrire pour cette formation,cela a permis à beaucoup d’entre eux de découvrir le potentielde cet instrument, pour lequel ils écrivirent parallèlement dessonates et des concertos.

Le 19e siècle en Allemagne…En Allemagne, à l’époque préromantique du Sturm und Drang ,puis du romantisme, la chaleur de la sonorité du violoncelle

correspondait au besoin d’exprimer la passion et les sentimentsdans les symphonies, les opéras et les ballets, qui regorgent demagnifiques solos pour cet instrument dont le timbre s’avèreparticulièrement proche de celui de la voix humaine. A noteren passant que des compositeurs ou des chefs d’orchestrecomme Offenbach, Toscanini, Barbirolli ou Harnoncourtétaient violoncellistes au départ. Inversement, beaucoup degrands violoncellistes, à commencer par Casals et Mstislav

Rostropovitch, ont dirigé des orchestres de façon magistrale.

Depuis le 19e siècle, pratiquement tous les grands compositeursont écrit des pièces pour piano et violoncelle5. La juxtapositionde ces instruments offre en effet une incomparable palette de

couleurs et une source inépuisable de possibilités contrapun-tiques6. Beethoven écrivit cinq sonates, réparties sur différentespériodes de sa vie, entre 1796 et1815. La première de l’opus5 futexécutée par Jean-Louis Duport et Beethoven lui-même aupiano; plus tard, celles des opus 69 et 102 furent créées parJoseph Lincke, un violoncelliste d’origine silésienne qui fut trèspoche de Beethoven, et le célèbre pianiste Carl Czerny.

Parmi les autres grandes sonates de l’époque romantique, ilconvient, à côté de Brahms ou de Mendelssohn, par exemple,de mentionner celle, inattendue, de Chopin, inspirée par lagrande amitié qui le liait au violoncelliste français  Auguste

Franchomme. Sans oublier le chef-d’œuvre de Franz Schubert,

écrit pour l’ arpeggione, surnommé guitare d’amour, un instru-ment cousin du violoncelle, qui disparut par la suite.

VI La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Gravure du 18e siècle.         D         R

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Curieusement, malgré l’exemple de leurs aînés, comme parexemple Jean-Chrétien Bach ou Haydn, parmi les romantiquesallemands, seul Schumann écrivit un grand concerto pour vio-loncelle. Walter Grimmer a récemment étudié les raisons pourlesquelles Beethoven se contenta d’écrire le Triple Concerto

 pour piano, violon et violoncelle. Quant à Brahms, on sedemande aujourd’hui s’il ne conçut pas à l’origine pour le vio-loncelle ce qui devint son Double Concerto pour violon et vio- loncelle, après que le violoncelliste pour lequel il voulait l’écri-re lui eut fait faux bond. On sait par ailleurs que celui deDvorak l’émerveilla tout particulièrement, lorsqu’il l’entenditpour la première fois.

… et ailleurs en Europe Après les chefs-d’œuvre de Mozart et de Beethoven, les Allemands demeurèrent fidèles à l’école de Vienne, et il fallutattendre l’avènement des compositeurs tchèques, poussés parun désir d’affirmer leur identité vis-à-vis de l’Autriche et de

l’Allemagne, pour que l’on commence à s’émanciper de cemodèle. Ceci apparaît dans la musique de chambre et contri-bue peut-être à expliquer pourquoi, après Dvorak, l’enrichis-sement du répertoire du violoncelle, avec ou sans orchestre,tient une place fondamentale chez Janacek, Smetana, Martinu,ainsi que chez les Russes, tels Tchaïkovski, avec ses Variations rococo, et plus tard Davidov, Chostakovitch, Prokofiev,Khatchatourian, Sofia Goubaïdoulina…

Tout comme “l’âme slave”, le violoncelle peut particulièrementbien exprimer la tradition hébraïque, ainsi que l’illustrent parexemple les œuvres de Max Bruch et d’Ernest Bloch, ou enco-re les chants juifs transcrits par la violoncelliste Sonia Wieder-

 Atherton dans un disque devenu célèbre. Ainsi que l’écrivitPierre Fournier, «Schelomo et Kol Nidrei ont en commun depermettre à la voix du violoncelle de déployer son chant dansun registre particulièrement émouvant. Le violoncelle sert lamusique juive, et réciproquement».

 Après la guerre de 1870, les Français cherchèrent à retrouverleurs racines préromantiques. Si, à l’exemple de Saint-Saëns oude Lalo, nos compatriotes ont écrit beaucoup de concertos,Fauré, Debussy et Ravel se concentrèrent surtout sur lamusique de chambre et nous ont laissé des sonates exception-nelles, ainsi que de nombreuses pièces comme l’ Elégie ou la Pièce en forme de habanera. Par la suite, rares sont les compo-

siteurs français qui n’auront pas écrit pour les nombreux grands violoncellistes issus de nos conservatoires7. Après Honegger,Poulenc, Milhaud, citons aujourd’hui Henri Dutilleux, PascalDusapin, parmi beaucoup d’autres…

20e siècle. Tessiture plus large,technique plus complexe

Pour expliquer l’importance attachée par les compositeurscontemporains au violoncelle, revenons un instant sur le qua-tuor à cordes à propos duquel Bernard Fournier écrit que,contrairement à « la voix humaine, qui possède un registred’environ deux octaves avec des limites en principe bien défi-nies aussi bien vers le grave que vers l’aigu, les instruments à

cordes ont des possibilités d’accéder au domaine privilégié desinstruments plus aigus. Il en résulte que les domaines respec-tifs des différents instruments se recouvrent partiellement, cequi, par rapport au piano, donne au compositeur des marges demanœuvre supplémentaires (personnalisation des voix, effets

de timbres), en lui permettant de procéder, dans le mêmeregistre, à des échanges ou des inversions de rôle, le vio-loncelle pouvant ainsi empiéter sur le domaine suraigudu violon – comme commence à le faire Beethoven dansses derniers quatuors (Adagio de l’opus127, finale de l’p-

pus132) – et transgresser ainsi les limites de la tessituregrave que lui assigne naturellement son rôle de pilier duquatuor».

Ceci est dû au fait que, dès le 18e siècle, la technique du violoncelle avait été révolutionnée par l’emploi du poucecomme sillet. Au début, ce “démanché” fut plutôt res-treint ; il se développa au point de faire aujourd’hui partieintégrante de la technique du violoncelle, ce qui lui permetde monter très haut dans l’aigu8.

Si cette possibilité de monter dans l’aigu apparaît demanière plus ou moins occasionnelle dans les partitions

faisant appel au violon (dans la Sonate pour violon et vio- loncelle de Ravel, il arrive que ce dernier monte plus hautque son partenaire!), elle va être de plus en plus exploitéedans le répertoire du violoncelle seul ou avec piano. DèsHaydn ou Schumann, on commence à trouver des traitsqui nécessitent de descendre de plus en plus loin le long dumanche, pour atteindre aujourd’hui des positions qui nelaissent plus qu’un espace réduit entre l’archet et le cheva-let. Une telle performance ne fut d’abord accessible qu’àdes virtuoses exceptionnels, mais elle fait aujourd’hui par-tie de la technique de base de tous les violoncellistes, pourla bonne raison que l’on ne peut aborder le répertoirecontemporain sans y être rompu.

Tout en conservant ses graves dans lesquels la scordaturapermet de descendre encore plus bas que le do naturel, sil’on modifie l’accord habituel de l’instrument, le violon-celle offre aujourd’hui la possibilité de monter dans lesregistres les plus élevés du violon. On peut donc se passerde l’accompagnement d’instruments plus aigus pour cer-taines partitions, ce qui n’était guère possible autrefois.Ceci implique des réglages spécifiques, que les luthiersont su réaliser sans changer la nomenclature du violon-celle traditionnel9.

 Violoncelle seul

et ensembles de violoncelles Ainsi s’explique le développement spectaculaire de lamusique pour violoncelle seul depuis la célèbre sonatede Kodaly, dans laquelle un unique violoncelle parvientà s’accompagner lui-même d’un point de vue à la foismélodique, harmonique et contrapuntique. La tech-nique de l’instrument se complexifia sous les doigts denombreux grands virtuoses, qui, à commencer parPablo Casals et surtout Mstislav Rostropovitch, passè-rent des commandes à des compositeurs fascinés parles ressources de l’instrument. Pour n’en citer quequelques-uns, mentionnons par exemple Britten,Dutilleux, Henze, Tchérépnine, Toshimo Mayuzumi,

Bacri, Xenakis, Berio, Ligeti, Bloch, Crumb,

VIILa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Archet de violoncelle “col de cygne” de Pierre Simon (1808 -1881)en montage rarissime écaille-or. (coll. part.)

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Dallapiccola, Jolivet, Klengel, Nin. A ce

répertoire, il convient d’ajouter des trans-criptions que Paul Bazelaire, Roland

Pidoux et bien d’autres violoncellistesont réalisées.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une innova-tion, on voit aussi s’épanouir aujourd’huile répertoire pour ensembles de violon-celles, longtemps limité aux célèbres Bachianas Brasileiras de Villa-Lobos. Denombreux ensembles de violoncelles voient le

 jour partout dans le monde, jusqu’au Japon.Ces formations, parmi lesquelles on peut citer

Les Douze Violoncelles du Philharmoniquede Berlin ou l’Octuor de violoncelles deBeauvais, exécutent un répertoire quicontient certes des adaptations, maisqui s’enrichit de plus en plus de piè-ces écrites spécifiquement à leurintention. Un répertoire au dévelop-pement duquel se consacrent aussiles Rencontres d’ensembles de vio-loncelles de Beauvais qui passentchaque année plusieurs comman-des à des compositeurs.

Marie-Paule Milone, professeur de violoncelle au Conservatoire du cent-re de Paris, qui pratique également lechant, explique ce phénomène de la façonsuivante: «Le violoncelle est certainement le seulinstrument à cordes qui, de par les voix et les couleurs qu’ilcontient, peut se démultiplier en un orchestre tout à fait crédible,

 voire captivant, par ses capacités expressives et dramatiques. Jedirai que l’extraordinaire ambitus du violoncelle lui donne lacapacité de contenir non pas seulement une voix humaine, maistoutes les voix humaines, un peu comme l’orgue et le piano. Il estcependant le seul à pouvoir se conjuguer avec lui-même!« L’épanouissement de la technique du violoncelle offre la pos-

sibilité d’un registre très convaincant, la voix ambrée de cetinstrument décliné comme un soprano ou un violon est désor-mais dans 90% des cas crédible, harmonieuse, et pas ressentiecomme un exploit maladroit. D’autre part, la commande et lacréation d’œuvres contemporaines pour ensembles de violon-celles et l’exigence de leur polyphonie a fait éclater la notiond’instrument monovalent et simplement dévolu aux graves dela musique d’ensemble.»

Les grands virtuoses du 20e siècleLe 20e siècle vit naître des violoncellistes dont la stature estcomparable à celle de Rubinstein pour le piano, d’Oistrakhpour le violon… Au cours de la première moitié du siècle, le

rôle joué par Pablo Casals (voir page 10) ne doit pas faireoublier d’autres très grands artistes. Beaucoup d’entre eux durent émigrer, comme l’Espagnol Gaspar Cassado, l’Italien

 Antonio Janigro, ou l’Israélien Mischa Maisky en France, leRusse Piatigorski, l’Allemand Feuermann et le Hongrois Janos

Starker aux Etats-Unis, le Russe MstislavRostropovitch en France et aux Etats-Unis, ainsique beaucoup de ses compatriotes un peu par-

tout dans le monde10.On voit aujourd’hui éclore de grands vio-

loncellistes en Extrême-Orient, notam-ment en Corée, depuis que Han Na

Chang a remporté le ConcoursRostropovitch à l’âge de 12 ans, auJapon (Tsuyoshi Tsutsumi) et, toutrécemment en Chine, dont les musi-ciens remportent de plus en plus sou-

 vent les grands prix des conservatoiresoccidentaux.

Mais peut-on encore parler d’écoles natio-nales? Selon Rostropovitch, «jusqu’à unepériode récente, les écoles de violoncelle diffé-

raient selon les nationalités et l’on pouvait dis-cerner l’origine des candidats à un concours

à la seule écoute. Ce n’est plus le casaujourd’hui, chaque école ayant prisce qu’il y avait de meilleur dans lesautres, et c’est peut-être salutaire».Xavier Gagnepain va plus loin enco-re lorsqu’il déclare: «Autrefois, dèsles premières notes, on reconnais-sait Fournier, Tortelier, Lodéon,Gendron, Piatigorski… Alorsqu’aujourd’hui, les sons se ressem-

blent de plus en plus: peut-être est-

ce tout simplement parce qu’ils sontde plus en plus irréprochables…»

Mais il n’empêche que les étudiants quiles ont fréquentés sont unanimes à noter

les spécificités pédagogiques de tel ou tel pays.C’est ce qu’exprime de manière volontairement schéma-

tique Dominique de Williencourt : «Les Français et les Russesattachent la même importance primordiale à la discipline. Maisles Français sont sans doute un peu plus cartésiens: il s’agit avanttout de mettre les choses en place, de jouer comme il faut. LesRusses ont une approche plus métaphorique: chez eux, l’imagi-nation tient plus de place que l’analyse, mais sans jamais sedépartir de la rigueur. A l’inverse, je dirais que l’école américai-

ne, incarnée par Starker ou Rose, a une approche plus intellec-tuelle où la tête joue un rôle plus central que l’instrument.»

Sans nous laisser aller à un quelconque chauvinisme, une men-tion spéciale doit objectivement être réservée à la France, qui,dans le sillage de Maurice Maréchal, vit, aux côtés d’autresgrands talents, se côtoyer ceux que l’on surnomma “les quatremousquetaires du violoncelle”, à savoir Pierre Fournier, PaulTortelier, André Navarra et Maurice Gendron (voir page 11).Grâce à eux, l’on peut dire que “l’école française” joua, aveccelle de la Russie, et, plus récemment celle des Etats-Unis, unrôle fondamental reconnu dans le monde entier. Le prestige deces interprètes était tel qu’on les invita régulièrement pour

dispenser un enseignement considéré comme exemplaire. Onpeut se réjouir qu’aujourd’hui, ce flambeau ait été si bien reprispar les professeurs de nos conservatoires d’où il n’était jamaissorti autant d’exceptionnels jeunes talents français et étrangersque depuis une quinzaine d’années.

VIII La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Violoncelle (1697) de Goffredo Cappa,luthier à Saluces, Italie (coll. part.).

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La popularité actuelle du violoncelle Alors que, jadis, le violon et le piano tenaient le devant dela scène, les récitals de violoncelle n’ont jamais attiré unpublic aussi nombreux que depuis une cinquantaine d’an-nées. Que cette affection du public en constitue l’explication ou

le résultat, l’on constate qu’elle correspond à une floraison d’in-terprètes de renommée internationale et au fait que pratique-ment tous les compositeurs écrivent pour cet instrument, ensolo, en musique de chambre ou accompagné par des for-mations de toutes sortes.

Bien évidemment, cette esquisse panoramique de l’his-toire du violoncelle demeure loin d’être exhaustive.Nous ne pouvons cependant pas la terminer sans men-tionner l’entrée du violoncelle dans les “musiquesnouvelles”. Pour ce qui concerne l’improvisation, lepop, le rock, la techno, le rap, les musiques du mondeou le jazz, où notre instrument a fait son entrée à côté

de la contrebasse (voir encadré), nous renvoyons leslecteurs à l’interview de Vincent Courtois par AgnèsVesterman, dans le numéro 13 de la revue  LeVioloncelle (novembre 2004). Mentionnons également lesconsidérations de Benjamin Carat, violoncelliste en résidenceau Centre national de création musicale de Lyon: «Etre vio-loncelliste d’aujourd’hui, c’est peut-être recevoir, entretenir ettransmettre la tradition orale de notre grande école française(pour ne citer qu’elle). Mais être un violoncelliste d’aujourd’-hui, c’est aussi ne pas oublier de toujours renouveler notre art,pour qu’il ne meure pas dans l’esprit des générations nouvelles.Mon action au Grame se situe dans cette perspective: j’y déve-loppe un répertoire nouveau pour violoncelle électronique

par la commande régulière d’œuvres auprès

des compositeurs, et en collaborant avec desingénieurs du son et d’informaticiens. Car l’élec-

tronique, c’est-à-dire l’ordinateur, offre une passe-relle culturelle formidable pour les jeunes généra-

tions… Cela ne signifie pas pour autant fairel’économie de l’exigence technique et musicale de l’ins-

trument, au contraire… L’ordinateur n’est certes qu’unemachine, mais le violoncelle n’est également qu’un instru-ment, et tout cela est prétexte pour le jeu et l’expression: entémoignent par exemple le très poétique Chant d’aube de

Robert Pascal pour violoncelle et dispositif interactif, ouencore les pièces extraordinaires de Jonathan Harvey

pour violoncelle seul et violoncelle avec électronique.»

Le développement des ressources techniques du violoncelle etsa présence dans tous les domaines de la musique sont donc net-tement porteurs d’espoir pour l’avenir. En séduisant les jeunesgénérations, cet instrument participe à leur sensibilisation à lamusique en général, ainsi que l’ont constaté les quatre membresdu groupe Apolyptica, qui, sortis des classes de violoncelle del’académie Sibelius d’Helsinki où ils avaient acquis un niveautechnique de haute voltige, ont pu remarquer, en jouant du rock,que leur approche ludique a fait découvrir le violoncelle a beau-coup de jeunes auditeurs, qui se sont ensuite penchés sur d’aut-res aspects du répertoire de cet instrument.

 Michel Oriano

Notes

1. Lorsqu’on joue un instrument muni de ces sillets, ou frettes, on place ledoigt légèrement derrière ces derniers, si bien que ce n’est pas le doigt, mais lafrette qui bloque la corde et produit un son frais, clair, raffiné et impersonnel. Inver-sement, dans la famille des violons où le manche est nu, c’est le contact directdu doigt qui produit un son plus chaleureux, personnel et nuancé, qui se rappro-che davantage de la voix humaine.

2. On réduisit notamment un peu la taille des tout premiers modèles. Jusqu’à laseconde moitié du 17e siècle, le violoncello da chiesa (d’église) avait une table mesurant entre 77 et 85 centimètres : on l’utilisait pour la musiqued’église ou dans des processions où on le portait à l’aide de courroies.Beaucoup de ces instruments jouissaient d’une sonorité excep- tionnelle, et on les recoupa ensuite pour en faire des modèles pluspetits ne dépassant pas 76 centimètres, calqués sur le violon-cello da camera (de chambre). Voir à ce sujet William Pleeth : TheCello.

3. Pour la même raison, il existe aujourd’hui une pléthore d’éditionsde ces suites : de nombreux professeurs ont eu d’autant plus deliberté pour en proposer des doigtés et des coups d’archet que lemanuscrit original ne nous est pas parvenu.

4. Bernard Fournier, Histoire du quatuor à cordes. De Haydn à Brahms,volume1, Fayard, 2000.

5. Sans compter les innombrables trios, quatuors, quintettes,avec ou sans piano, dont le répertoire n’a cessé de s’enrichir depuis Haydn et Mozart.

6. A noter que, parmi beaucoup d’autres instruments, le tim-bre du violoncelle se marie par ticulièrement bien avec celui dela clarinette, ce qu’illustrent par exemple un trio et un quin-

 tette de Brahms, ou encore, à une époque plus récente, leQuatuor pour la fin du temps de Messiaen, ainsi que des œuv-res de Zemlinsky, Wilhelm Berger ou Nicolas Bacri.

7. Nous ne pouvons pas ici citer tous les pays qui ont contribué à enrichir le réper- toire du violoncel le. Impossible cependant de passer totalement sous silencel’Espagne et l’Amérique du Sud, où Albéniz, Granados, Ginastera et Villa-Lobos,ont marié le violoncelle avec la musique traditionnelle. Notons également descompositeurs américains comme Barber, Carter ou Crumb, et, plus récemment,japonais et chinois, venus s’ajouter aux Européens.

8. Lyse Vézina explique comment cette technique s’inspira de celle de la trom-pette marine, un instrument primitif très peu connu, qui n’a rien à voir avec

la trompette ( Le Violoncelle, Les Editions Varia, Québec, 2003).

9. Nous ne nous étendrons pas ici sur d’autres innovations qui ontdiversifié le jeu du violoncelle, comme l’utilisation du bois de l’ar-

chet (con legno), de nouvelles manières de frotter les crins de l’ar-chet sur les cordes ou le chevalet, l’emploi systématique des har-moniques et des glissandos… Notons cependant qu’alors que,depuis Frédéric II de Prusse jusqu’au 20e siècle, la musique dechambre était destinée prioritairement aux amateurs, la complexi- té de nombreuses par titions contemporaines ne les rend aujour-d’hui accessibles qu’à des professionnels confirmés.

10. Cet exode a contribué à fortifier les grandes écoles des pays d’ac-cueil. Le cas le plus connu est celui des Etats-Unis, où vont se per fec-

 tionner des élèves du monde entier, notamment auprès de JanosStarker, installé depuis plusieurs décennies dans la prestigieuseuniversité d’Indiana de Bloomington. Mais c’est aussi le cas del’Allemagne, où Philippe Muller note que des émigrés d’URSScomme Natalia Gutman, David Geringas ou Boris Pergamens-chikov ont joué un rôle fondamental pour développer à la findu 20e siècle une école un peu éteinte auparavant.

Les citations contenues dans cet article sont, pour la

plupart, parues dans différents numéros de la revue

 Le Violoncelle (références sur demande).

le violoncelle

Volute d’un violoncelle (1857)de Jean-Baptiste Vuillaume, luthier àParis. (coll. part.).

Violoncelle réalisé en 2004 par Philippe Bodart (coll. part.).

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319 IX

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Né à Barcelone, Pablo Casals était unenfant prodige, capable de transposer au

clavier dans tous les tons et qui, avant de semettre au violoncelle, avait acquis une tech-nique du violon qui lui permit de se produi-re en public à l’âge de 6 ans. Après desdébuts laborieux, sa carrière de violoncellis-te ne cessa d’être triomphale, lorsque, aprèsl’avoir rencontré à Paris, CharlesLamoureux l’engagea en 1899 pour jouer leConcerto de Lalo. Avec Alfred Cortot etJacques Thibaut, il interpréta de manièreinoubliable le grand répertoire du trio,fonda son propre orchestre, et nous a laissédes enregistrements impérissables des

sonates et des concertos pour violoncelle.On a pu dire de lui que, s’il n’a pas inventéle violoncelle, il l’a réinventé en en révolu-tionnant la technique. Après lui et son ami,le violoniste Fritz Kreisler, l’attitude parrapport au vibrato ne fut plus jamais la

même qu’auparavant. Il élimina égalementles portamenti en introduisant des exten-

sions des doigts de la main gauche, intro-duisit le respect de “l’intonation expressive”et apporta au violoncelle une vigueur ryth-mique inconnue jusqu’alors. Sa principaleinnovation consista à libérer le bras droitque l’on tenait jusqu’alors collé contre lecorps, ce qui conféra une grande souplesseà l’archet.Lorsque Franco prit le pouvoir en Espagne,Casals s’installa à Prades dans les Pyrénées-Orientales et jura de ne plus remettre lespieds dans son pays natal tant qu’y régneraitune dictature. Dans cette petite ville située

du côté français de la Catalogne, il dirigeaun festival annuel auquel participèrent lesplus grands musiciens. Lorsqu’il mourut àPorto Rico, on décréta un deuil national detrois jours. Chaque année, le Festival dePrades continue de célébrer sa mémoire.

 A une époque où Casalsétait à son apogée, et oùd’autres violoncellistesfrançais, comme AndréHekking, avaient acquisune renommée internatio-

nale, M AURICE  M ARÉCHAL(1892-1964) s’imposa sansdifficulté après avoir inter-prété la sonate de Debussyavec le compositeur. Plustard, il fut amené à créerd’autres œuvres majeures,comme la Sonate pour vio-

 lon et violoncelle de Mau-rice Ravel, les concertosd’Honegger, d’Ibert et deMilhaud, la  Fantaisie deJean Françaix, ou l’ Epiphanie d’André Caplet.

 Antifasciste, il milita dans la Résistance pendant l’occupation. Sa sonorité excep-tionnelle et la chaleur de son approche de la musique séduisirent les mélomanesdu monde entier et beaucoup de ses enregistrements mériteraient d’être republiés.De nombreux élèves, tels Alain Meunier, Maud Tortelier ou Christine Walevska,suivirent son enseignement au Conservatoire de Paris.

Violoncellistes de légendeLe 20e siècle a vu triompher des violoncellistes de grand talent. Au grand Pablo Casals qui révolutionnala technique du violoncelle et à Maurice Maréchal, succéda une génération exceptionnelle, celle des

“quatre mousquetaires”. D’autres violoncellistes, aujourd’hui disparus, ont marqué le siècle dernier.

Nous en citons quelques-uns.

Pablo Casals (1876-1973)

P AUL B AZELAIRE (1886-1958)Né à Sedan, il apprend le violoncelle (dès l’âgede 7 ans) et le piano. A 10 ans, il entre auConservatoire de Paris, donne son premierconcert l’année suivante. Le succès lui vient très

 vite et les tournées: à 13 ans, il joue devantGuillaume II à Berlin; deux ans plus tarddevant le tsar, devant le pape en 1905…Nommé professeur au Conservatoire de Parisen 1918, il s’affirme très vite comme un péda-gogue réputé formant en près de quarante ansde nombreux élèves parmi lesquels PierreFournier, Reine Flachot(1922-1998)… Il fondeun ensemble qui porte son nom, composé decinquante violoncelles, qui se produira de lon-gues années durant. Compositeur, il laisse desœuvres pour son instrument seul, avec piano,

 violon ou orchestre, ou pour trois violoncelles.

Il écrit aussi pour le piano, pour l’orgue, pour la voix… et transcrit pour violoncelle et piano denombreuses partitions, surtout du 18e siècle,mais aussi de Debussy, Schmitt, Dupont…

Pablo Casals en 1956 - © Ingi

X La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Maurice Maréchal en 1958 - © Ingi

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le violoncelle

M AURICE GENDRON (1920-1990) fut l’élè- ve de Jean Mangeot à Nice, puis deGérard Hekking à Paris. Ses enregistre-ments témoignent de son agilité, de ladiversité des nuances de son vibrato, desa sonorité noble et expressive. Toutcomme ses confrères du Conservatoire

de Paris, il fut appelé à enseigner à l’é-tranger, notamment en Allemagne et en

 Angleterre. Très cultivé, il se passionnapour la peinture, la sculpture et le théât-re, et s’initia à la direction d’orchestre. Ilcollabora avec plusieurs compositeurs etparticipa à l’écriture de toutes les œuvresde Jean Françaix. Il reste dans la mémoi-re de ses élèves, parmi lesquels figurentHenri Demarquette, Xavier Gagnepainet Sonia Wieder-Atherton, comme unepersonnalité riche et contrastée, dont l’o-

riginalité est illustrée par la remarque deCasals, qui, après l’avoir entendu jouerles Suites de Bach, lui déclara: «Enfinquelqu’un qui ne m’imite pas. J’ai ouvertdes portes. Vous en ouvrez d’autres.»

P AUL TORTELIER (1914-1990) étudia dans la classede Louis Feuillard, l’un des grands maîtres de l’é-cole française, auteur de recueils d’exercices jour-naliers et de méthodes que les violoncellistescontinuent à étudier pour se mettre en doigts. Samusicalité et sa virtuosité lui valurent d’être sur-

nommé le Paganini du violoncelle. Pendant uncertain temps, il forma un trio avec ArthurRubinstein et Isaac Stern, et mena parallèlementune brillante carrière de soliste international. Enmême temps, il ne cessa jamais de composer: onlui doit notamment plusieurs œuvres pour vio-loncelle seul ou avec piano, un Concerto pour 

 deux violoncelles qu’il joua avec son épouse MaudTortelier, ainsi que de superbes cadences pour lesconcertos de Boccherini, Carl Philip EmanuelBach et Haydn. Au cours de l’un de ses nombreux séjours en Angleterre, où il jouissait d’unebrillante renommée, il publia un ouvrage intitulé How I Play, How I Teach, une métho-

de universellement appréciée. Il forma également de nombreux élèves parmi lesquelson peut citer Renaud Fontanarosa, Michel Strauss, qui lui succéda au Conservatoire,l’Israélien Raphaël Sommer, la Britannique Jacqueline Du Pré et le Finlandais ArtoNoras. Son œuvre pour violoncelle et orchestre intitulée  Puisse la musique sauver la

 paix témoigne de son militantisme en faveur des droits de l’homme.

Elève de Paul Bazelaire, PIERRE FOURNIER (1906-1986) obtint son prix à l’âge de 17 ans. Après avoir

été membre du prestigieux quatuor Kretly, il entama une brillante carrière internationale de solis-te. En même temps, l’on se pressait pour suivre les cours d’interprétation qu’il dispensa non seu-lement à Paris, mais aussi en Suisse, en Allemagne et en Amérique. Reine Flachot et leBritannique Lloyd Weber figurent parmi ses plus illustres émules. Aucun violoncelliste n’a sur-passé l’élégance du jeu de Fournier. Comme l’écrit Lyse Vézina, «il possédait une techniqueexceptionnelle, une sonorité exquise et veloutée, une musicalité empreinte d’un ineffable raffi-nement». Honegger, Martinu, Frank Martin, Poulenc, Roussel et Jean Martinon lui ont dédié desœuvres majeures. Les nombreux enregistrements qu’il a effectués n’ont pas pris une ride et plu-sieurs ont été réédités récemment, parmi lesquels figurent ceux des Suites de Bach, des sonatesde Beethoven et du Double Concerto de Brahms, avec Oistrakh. A l’occasion d’une étude com-parative des enregistrements du concerto de Dvorak par plus de 70 violoncellistes, celui de PierreFournier avec Kubelik a été sélectionné par les critiques comme le plus accompli.

En sortant de la classe de Loeb,  A NDRÉ  N AVARRA (1911-1988) commença sa carrière dans des forma-tions de musique de chambre, comme le trio qu’ilfonda avec le pianiste Benvenuti et le violonisteBenedetti, puis en tant que violoncelle solo àl’Orchestre de l’Opéra de Paris. Très influencé parla maturité musicale de Casals et par la virtuosité deFournier, il entreprit une carrière internationale oùil se distingua par une sonorité large et expressive,une maîtrise d’archet inégalable et un phraséempreint d’un lyrisme romantique. Parmi ses élèvesdu Conservatoire de Paris, beaucoup furent appe-lés à une brillante carrière, comme Philippe Muller,

Roland Pidoux, Etienne Peclar, Frédéric Lodéon,Ivan Chiffoleau, Heinrich Schiff… A Vienne, en

 Allemagne, à Londres, et singulièrement à Sienne,il fut invité à donner de multiples master-classesdont les auditeurs ont gardé des souvenirs impéris-sables.

Pierre Fournier en 1955 - © Ingi

André Navarra en 1963 - © Ingi

Paul Tortelier en 1966 - © Ingi

Maurice Gendron en 1964 - © Ingi

Les “mousquetaires”français

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

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 J ACQUELINE DU PRÉ

(Oxford, 1945-Londres, 1987)Jacqueline Du Pré fit ses débuts auWigmore Hall. A l’issue de ce concert,tous les critiques louèrent le talent etla musicalité de cette jeune fille quin’avait encore que 16 ans. Par la suite,elle travailla à Paris avec PaulTortelier, et à Moscou avec Rostro-povitch. Alors qu’elle avait entaméune brillante carrière internationale,

elle se convertit au judaïsme et épou-sa Daniel Barenboïm à la fin desannées 60. Atteinte de sclérose enplaques en 1972, la jeune femme per-dit l’usage de ses membres et enduracourageusement cette maladie jus-qu’à sa mort. Elle aimait jouer un vio-loncelle moderne fabriqué par leluthier américain Sergio Perisson.

Ils ont marqué leur siècle…

XII La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

©G. Macdomnic - EMI Classics

EMMANUEL FEUERMANN(Galice, 1902-New York, 1942)Il étudia à Leipzig dans la classe de Julius Klengel, avant d’enseigner à laHochschule de Cologne, puis à l’Académie de musique de Berlin. Grand admira-teur de Casals, il éprouva le désir d’aller lui-même plus loin, notamment dans l’ex-ploration du registre aigu. Il s’associa avec le pianiste Artur Schnabel avec qui il futl’un des premiers musiciens occidentaux à effectuer des tournées en URSS. La mon-tée du nazisme l’incita à émigrer en Suisse, puis aux Etats-Unis, sur le conseil deBruno Walter, où il poursuivit sa carrière en s’associant notamment avec JashaHeifetz et William Primrose. Lorsqu’il mourut, à l’âge de 39 ans, disparaissait l’undes violoncellistes doué d’une des plus belles sonorités que le monde ait jamaisconnu. Il joua successivement un Montagnana, puis le “De Münck” de Stradivarius,qu’il trouvait facile à jouer et dont il appréciait la puissance des aigus.

 A NTONIO J ANIGRO

(Milan, 1918-1989)Sur le conseil de Casals, Janigro vint étu-dier à Paris, où il se lia d’amitié avec la vio-loniste Ginette Neveu et le pianiste Dinu

Lipati. En 1939, il quitta la France pours’installer à Zagreb, où il enseigna auconservatoire, dirigea l’Orchestre sym-phonique, et fonda l’ensemble demusique de chambre Les Solistes deZagreb, qui acquit une célébrité interna-tionale. Ses enregistrements nous conser-

 vent la trace d’un jeu sensible et raffiné.

GREGOR PIATIGORSKI

(Russie, 1903-Los Angeles, 1976)Il étudia au Conservatoire de Moscou avec

 Alfred Glee, ancien élève de Davidov. A l’âge de 16 ans, il fut nommé violoncellesolo à l’Orchestre du Bolchoï et se joignitau quatuor Lenine, dont le premier violonétait le célèbre violoniste Zetlin. WilhelmFurtwängler l’engagea comme violoncellesolo à la Philharmonie de Berlin, qu’il nequitta que lorsqu’il décida d’entamer sabrillante carrière de soliste international. Il

 joua notamment avec les grands orchestresaméricains, et, comme chambriste, avecRubinstein, Heifetz, Jacques Thibaud etSzigeti. Parmi les nombreuses œuvres qu’il

fut amené à créer, on peut citer lesVariations sur un thème de Rossini deMartinu, les concertos de Hindemith,Walton, Milhaud, Prokofiev… Il est égale-ment l’auteur de nombreuses transcrip-tions, parmi lesquelles figure notammentcelle pour violon ou violoncelle de la Suiteitalienne de Stravinsky, qu’il effectua enaccord avec le compositeur.

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le violoncelle

 J ANOS STARKER (né à Budapest en 1924) Après ses études à Budapest avec Adolf Schiffer, le successeur dePopper à l’Académie de musique, Starker devint violoncelliste solode l’Orchestre de l’Opéra de cette ville. Puis il émigra en France, oùil réalisa notamment le premier enregistrement de la Sonate pour 

 violoncelle seulde Kodaly, ce qui le propulsa sur le devant de la scèneinternationale, avant d’être naturalisé américain en 1954. Avant dese consacrer exclusivement à sa carrière de soliste, il fut violoncellesolo des orchestres de Dallas, de Chicago et du Metropolitan Operade New York. Il inventa un chevalet percé de trous coniques qui,selon lui, améliore la qualité des sons harmoniques. Outre l’univer-sité d’Indiana, où viennent étudier des violoncellistes du mondeentier, Starker a donné des cours de perfectionnement dans de nom-

breux festivals, notamment à Lucerne, en Suisse. Il joue unGuarnerius de 1707 dénommé “Nova” et un Goffriller de 1705.

 Y O Y O M A (né à Paris en 1955)Né de parents d’origine chinoise, Yo Yo Ma débuta le violoncelleà l’âge de 2 ans sur un alto que le luthier Etienne Vatelot avait munid’une pique. Sa famille s’installa ensuite aux Etats-Unis et le jeunehomme fit ses études à la Juilliard School avec Leonard Rose,avant de suivre les cours de Janos Starker. Il fit ses débuts commesoliste, sous la direction de Leonard Bernstein, puis entama unebrillante carrière internationale. Outre le répertoire classique, Yo

Yo Ma explore d’autres pistes, notamment dans le domaine de l’a-daptation au violoncelle des folklores du monde. Ainsi, dansSilkroad Project, il met en parallèle des compositeurs occidentaux et des musiques traditionnelles iraniennes, mongoles, chinoises et

 japonaises. Il joue le “Davidov” de Stradivarius.

MSTISLAV  ROSTROPOVITCH

(né à Bakou, Azerbaïdjan, en 1927)Outre le violoncelle, Rostropovitch étudie le piano,la direction et la composition au Conservatoire deMoscou. Au milieu des années 50, sa carrière desoliste connaît une ascension fulgurante: il joue avecles plus grands orchestres du monde et enregistreune pléthore d’œuvres anciennes et contemporai-nes, dont un nombre impressionnant lui ont été

dédiées. Alors qu’il occupait le poste de chef d’or-chestre du théâtre du Bolchoï, il défendit Prokofievet l’écrivain Soljenitsyne, mis en accusation par lerégime soviétique, ce qui lui valut de perdre sa natio-nalité, qu’il ne récupéra qu’en 1990, après le chan-gement de régime. En 1974, il émigra à Londres,puis se vit confier la direction de l’Orchestre natio-nal de Washington, poste qu’il occupa jusqu’en 1994.Il passa beaucoup de temps en France, où il futnommé membre associé de l’Académie des beaux-arts, et où il créa le Festival de musique de chambred’Evian et le Concours international de violoncellede Paris, qui porte son nom.

Sa prodigieuse technique et son lyrisme passionnéont fait de lui l’un des plus grands artistes de sa géné-ration. Il joue un violoncelle de Stradivarius, le“Duport”, daté de 1711.

        D        R

“Légendes vivantes” 

Trois violoncellistes bien vivants et pratiquant leur art sont déjà entrés dans la légende. Ils sont très diffé-rents, mais ont en commun, outre leur génie d’interprète, une profonde humanité.

Mstislav Rostropovitch en 1962 - © Ingi

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EMMANUELLE BERTRAND

L’éclectisme heureux. Bardée de prix en tout genre, révélée augrand public par les Victoires de la musique 2002, la jeuneFrançaise offre une sonorité généreuse qui semble participer desa personnalité rayonnante. Des compositeurs ne s’y sont pastrompés et lui ont dédicacé plusieurs œuvres, d’Edith Canat deChizy à Nicolas Bacri ou Pascal Amoyel.

G AUTIER C APUÇONOn serait tenté, à son égard, de parler du “petit jeune quimonte”. Gautier Capuçon a 23 ans. Mais une ascension fulgu-rante et la moindre de ses notes balaient toute considération dece type, de par sa profondeur musicale et une maturité éviden-te. Gautier Capuçon aime à affirmer qu’il a encore beaucoup àapprendre et à expérimenter. On attend avec impatience – etsans trop d’inquiétude – le fruit de ce labeur…

M ARC COPPEY 

Un élève du grand Philippe Muller. Marc Coppey est, pourrait-on dire, le pendant masculin d’Anne Gastinel. Détenteurcomme elle d’un art totalement épanoui, Marc Coppey poursuit

une carrière sans fioriture inutile: beauté sonore et rigueurintellectuelle constituent les seules armes dont il a besoin.Même s’il aime à toucher à tout, il s’impose particulièrementdans le répertoire français, créateur notamment des Krawczyk,Lénot, Monnet, Tanguy ou Reverdy.

HENRI DEMARQUETTE

S’il a tâté du boyau dans Bach, s’il est le partenaire de Brigitte

Engerer dans Chopin ou de Michel Dalberto dans Beethoven,Henri Demarquette éprouve une passion immodérée pour lacréation: n’a-t-il pas joué un rôle central dans la naissance dufestival Musikalia dédié à la musique contemporaine? Il faitaussi partie des rares Français à avoir été invités à Marlboro:une distinction qui, en soi, suffit à décrire une certaine – noble –conception de la musique.

ROMAIN G ARIOUD

Tout juste auréolé de distinctions comme un prix au dernierConcours Rostropovitch, Révélation Adami en 2002, RomainGarioud est déjà engagé dans une carrière des plus brillantes, sol-licité par des partenaires tels que Paul Meyer, Eric Le Sage ou le

grand Rostropovitch lui-même. Engagement, plénitude sonore, versatilité stylistique (ce romantique est allé voir du côté d’AnnerBylsma), Romain Garioud peut tout jouer et avec tout le monde.

OPHÉLIE G AILLARD

Ophélie Gaillard illustre mieux que quiconque cette doublepratique moderne/baroque de plus en plus répandue. Elève dePhilippe Muller, mais formée en grande partie à l’école de larévolution baroque – elle est une interprète de référence desSuites de Bach –, Ophélie Gaillard aborde avec autant de bon-heur Fauré ou Britten. Un refus de toute catégorisation quireflète une soif inextinguible d’explorer toute la musique.

 A NNE G ASTINELLa carrière de cette enfant prodige a littéralement explosé aulendemain du Concours Eurovision 1989. Depuis, AnneGastinel est un peu considérée comme l’ambassadrice du vio-loncelle français de par le monde. Actuellement dans sa gran-de maturité artistique, Anne Gastinel aborde tous les répertoi-res, notamment le répertoire romantique où s’expriment uneaisance souveraine et une expressivité sans effet de manche.

 JÉROME PERNOO

 Avec une maîtrise instrumentale qui lui permet tout, JérômePernoo est lui aussi allé voir du côté des baroqueux – son enre-gistrement des Suites de Bach est essentiel et il joue fréquem-

ment avec le Concerto Köln –, créant également Les Sauvages,formation sur boyau. Mais il est aussi membre fondateur duFestival de Deauville et vient de créer le Festival Haydn de LaRoche-Posay. En quelque sorte, un aventurier des tempsmodernes.

XIV La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

Violoncellistes français à l’affiche

Ils ont remporté des prix internationaux, ils ont reçu une Victoire de la musique, ils suivent un parcoursoriginal, bref, ils ont acquis, pour une raison ou une autre, une notoriété médiatique… Voici, classés parordre alphabétique, quelques portraits de violoncellistes reconnus. La liste ne se veut pas exhaustive.

LES ATYPIQUES

CHRISTOPHE COIN

Il n’est pas exagéré de dire que Christophe Coin fait depuislongtemps partie de la légende baroque. Ce pionnier a partici-pé à la quasi-totalité des grandes aventures de l’interprétationà l’ancienne, créant par la suite son Ensemble Baroque deLimoges puis le Quatuor Mosaïques qui explore les répertoi-res classique et romantique sur instruments d’époque. Il conti-nue d’explorer chaque année des terres souvent en friche.

SONIA  W IEDER-A THERTONPeut-être la personnalité la plus originale de la troupe. C’estun euphémisme que d’affirmer le peu de goût de SoniaWieder-Atherton pour les sentiers battus. Il est difficile dedécrire la carrière de celle qui, aux yeux de beaucoup, jouit dustatut de véritable égérie. Dusapin, Aperghis, Dutilleux,Fedele ou Jolas ne s’y sont pas trompés. La voir monter surscène est en soi une sensation forte, tant sa présence est impé-rieuse.

DOMINIQUE DE W ILLIENCOURT

Sans hâte déplacée, avec une humilité et une honnêteté devantla partition admirables, Dominique de Williencourt sert la

musique avec un attachement tout particulier pour la notionde famille musicale. Il aime à réunir ses amis, souvent fameux,pour “faire de la musique”. Cet infatigable organisateur a crééles Rencontres de La Prée ou encore le label EA Records.

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 JEAN-GUIHEN QUEYRAS

 Avec Jean-Guihen Queyras, c’est l’intégrité musicale incarnée.Souverain de sonorité et de technique, Queyras ne joue riensans une préparation minutieuse, de Bach à Gilbert Amy ouIvan Fedele. Longtemps associé à la musique contemporaine(on lui doit un nombre impressionnant de créations), il abordedepuis peu – et avec quel bonheur – les grands concertosromantiques. Tout en se produisant avec le Concerto Köln…

 X  AVIER PHILLIPSIl le clame lui-même, son mentor et maître, c’est MstislavRostropovitch en personne. Avec tout ce que cela implique entermes de sonorité et surtout d’engagement expressif. XavierPhillips est peut-être le violoncelliste français qui “parle” le plusnaturellement le grand répertoire romantique, avec lequel il estacclamé dans les salles internationales. Dommage que laFrance ne lui donne pas tout à fait la place qu’il mérite.

FRANÇOIS S ALQUE

On n’est pas membre du quatuor Ysaÿe pendant cinq ans pourrien. François Salque respire de manière naturelle la musiquede chambre. On peut y voir, avec justice, une volonté de servir

la musique plutôt que de se servir d’elle. Pourtant, FrançoisSalque le pourrait, avec des capacités tant instrumentales qu’ar-tistiques qui font de lui, dit-on, le violoncelliste français le plusprimé de tous les temps dans les concours…

Yutha Tep

XVLa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

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D E R N I È R E P A R U T I O NLES MODERNES

BENJAMIN C ARAT

Violoncelliste du Grame de Lyon, Benjamin Carat a un

talent essentiel pour tout acteur de la création musicale:réussir à faire de ses expériences musicales, souvent auda-cieuses et fortement marquées par l’électronique, des spec-tacles vivants. Il s’investit avec passion dans le violoncellecontemporain.

CHRISTOPHE ROY 

La musique contemporaine est, pour beaucoup, un mondeaux richesses inépuisables. C’est le cas de Christophe Roy,membre fondateur du talentueux ensemble Aleph, entière-ment voué à la création. L’activité infatigable et aux intérêtsinnombrables de Christophe Roy lui a valu des reconnaissan-ces illustres: Mauricio Kagel, maître ès libertés, a ainsi fait de

lui un complice régulier, l’invitant en maintes occasions.

PIERRE STRAUCH

Lorsqu’en 1978, Pierre Strauch entre à l’EnsembleIntercontemporain, commence une collaboration qui sepoursuit encore à l’heure actuelle. Xenakis ou Berio onttrouvé en lui un interprète exceptionnel, d’autant que le vio-loncelliste est aussi un compositeur reconnu, ses œuvresdépassant largement le cadre strict des sonorités de soninstrument. Dépassant aussi les frontières géographiquespuisqu’il est cofondateur du Festival de musique contempo-raine A Tempo de Caracas!

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Gravure de Picart, 1701.

On mesure le changement survenu

au début du 18e siècle sur ce modèle

 joué avec tant d’élégante désinvolture.

Ses proportions pourraient en fairesoit un grand ténor, soit une très petite

basse de violon et obligent

ici le musicien à le poser sur un siège.

Le violoncelle jouit auprès du public d’une très grandefaveur, due au charme de sa sonorité comme au charis-me de certains solistes. Parmi les définitions qu’il susci-

te, il en est deux qui reviennent fréquemment: “un grand vio-lon”, “la voix humaine”. Subjectives, voire simplistes à première

 vue, elles peuvent pourtant prêter à de nombreux développe-ments. En effet, elles sont exactes et complémentaires. Ellesévoquent deux périodes différentes de la vie de l’instrument:ses débuts aux 16e et 17e siècles, lorsque, encore ignoré, il secoule dans le sillage du violon; puis son épanouissement dechanteur romantique à partir du 19e siècle.

Faisons d’abord connaissance de manière plus poussée avecl’instrument. Le croquis de la page suivante nous donne ledétail des principaux éléments qui le constituent.

 A l’origine, c’est-à-dire à la fin du 16e siècle, le royaume desinstruments à cordes frottées par un archet comprend essen-tiellement deux familles : les violes de bras et les violes de

gambe. Leur nom provient de la manière dont on en jouait.Les violes de gambe étaient posées sur les genoux pour les pluspetites, ou tenues entre les jambes pour la basse; les violes debras étaient appuyées contre l’épaule, sauf les plus grandes, dela taille du violoncelle, pour lesquelles cette tenue était impos-sible. Ces familles ont un emploi différent que leur constructionexplique en partie. Dès le premier examen, les différencesapparaissent. Le contour général n’est pas le même; à la carru-re épaulée, au dos bombé, aux coins relevés du violoncelle s’op-posent la courbe tombante et allongée de la viole et son dosplat, incliné vers le manche à la partie supérieure.

La tête, à volute assez sobre chez le premier, contient les qua-tre chevilles correspondant aux quatre cordes. Elle contrasteavec la décoration abondante qui orne la seconde : tête defemme ou d’animal, feuillages. L’artiste laisse libre cours à sonimagination et à son habileté pour orner le chevillier aux cinq,

six, ou sept chevilles. Pareille richesse se retrouve sur la caissede résonance. Nombreuses sont les violes dont une rose sculp-tée orne la table au-dessus du chevalet, à l’endroit où s’arrête latouche. Des alliances de bois clairs et foncés, des incrustationsde nacre ou d’ivoire, forment des motifs décoratifs sur le fondou la touche. Le violoncelle fait preuve, en comparaison, debeaucoup plus de simplicité. Sa table d’harmonie se contente,comme celle de la viole, du bois de sapin, mais seul l’érable estemployé pour le fond et il n’a jamais connu d’autres décorationsque les ondes de ce bois. A l’intérieur, enfin, la table du dessusest soutenue par une barre d’harmonie longue et cambrée,alors que celle de la viole est courte et fine. Quant au dos, celuidu violoncelle est sans barrage, alors que la viole voit son fond

renforcé par une à trois barres de bois ou lanières de toileposées en travers ( voir page suivante).

Ces constructions produisent deux sonorités différentes: cellede la viole est fine, mais un peu frêle; son timbre, légèrementnasal et distingué, convient bien à la musique d’intérieur et aux œuvres savantes exécutées dans les salons de l’aristocratie ou dela grande bourgeoisie. L’instrument est fait pour «réjouir à lafois les yeux et le cœur». Plus éclatante, la sonorité des violonset des violoncelles convient à la musique de plein air des pro-cessions religieuses, défilés militaires et danceries populaires.

XVI La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

 Anatomiedu violoncelleUn grand violon? Une voix humaine? Ces deux définitions, à première vue simplistes,

sont complémentaires et évoquent les deux grandes périodes de la vie de l’instrument.

Planche du Traité de Bonanni :

en dépit de la mention “Viola”

figurant sur la planche, il s’agit

bien d’une basse de violon.

         D         R

DR

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Les proportions importantes du violoncelle expliquent son pre-mier nom de basse de violon. Sa caisse de résonance fait facile-ment 10 centimètres de plus que celle du violoncelle actuel.Pour le jouer, il faut le poser par terre sur un coussin ou sur untabouret, à moins que, dans les processions, on ne le pende au

cou par une courroie passée dans un orifice percé au bas dumanche. Ce grand modèle, à quatre ou cinq cordes, resteraemployé jusqu’à la fin du 18e siècle où on le désigne du termede basse d’orquestre.Cependant, parallèlement, se développe un modèle plus petit,plus maniable, celui qu’a représenté Ferrari dans la coupole del’église de Saronno en Italie du Nord. L’iconographie du tempsreflète ces incertitudes entre la basse à cinq cordes, celle à qua-tre cordes du Traité de Bonanni ou le petit modèle de Picard,au début du 18e siècle. On le désigne du terme de violoncino àpartir de 1641, puis de violoncello dans les premières sonatesitaliennes à partir de 1665. Le voici donc introduit dans ledomaine de la musique savante où son rôle consiste à doubler

la ligne grave des parties de clavecin, en l’ornant parfois dequelques broderies, et à réaliser l’accompagnement des œuvresdédiées, entre autres, à la basse de viole.Le succès des deux familles varie avec les pays. La basse de violeest très prisée en Angleterre, puis en France dans le courant du17e siècle, alors que les Italiens préfèrent les violons et violon-celles. Ils possèdent une remarquable école de lutherie qui, avecl’aide des interprètes, perfectionne les premiers modèles frustes

Description d’un violoncelle

Insoupçonnées au début, les conséquences musicales furentimportantes. L’ampleur des lieux et l'assistance nombreuse inci-taient non plus à la musique de chambre, trop confidentielle,mais à l'emploi d'orchestres avec l'exécution de symphonies, deconcertos et l'invitation de solistes. Or, les grands virtuoses en

ce début du 18e siècle étaient des violonistes italiens. Ils furentrapidement engagés à se produire. Les violoncellistes les suivi-rent un peu plus tard. En outre, on s'aperçut très vite que, dansce grand espace, l’ample sonorité de leurs instruments étaitmise en valeur, alors que celle des violes s'avérait trop faible. Ladécouverte de cette puissance sonore cadrait bien avec une évo-lution esthétique: le goût de la réserve, de la distinction, incar-né par les violes et les clavecins, s'estompait progressivement;

 violons et violoncelles correspondaient mieux au courant nou- veau de sensibilité, de liberté d'expression.

Dès lors, le violoncelle suscite un vif intérêt, des vocations, des voyages d’études outre-monts, la réflexion de pédagogues. Plus

tardive que les autres naît une école française du violoncellelancée par Jean Barrière, continuée par Martin Berteau,encouragée par Michel Corrette dans sa Méthode (1741), unedes premières dédiée à l’instrument. Elle produit à la fin du siè-cle une pléiade d’artistes: les deux frères Janson, Cupis, Bréval,enfin, les plus célèbres de tous, les deux frères Jean-Baptiste etJean-Louis Duport. Ce dernier, en particulier, est fêté sur tou-tes les scènes d’Europe, accueilli à la cour de Frédéric II à

XVIILa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

volute

cheville

sillet de la touche

manche

table d’harmonie

C

ouïe ou f 

dos

cordier

bouton

coin

touche

éclisse

chevalet

filet

   D   R         D         R

et rend leur jeu plus aisé jusqu’à ce que, au débutdu 18e siècle, Stradivarius, après avoir construitquelques grands modèles à cinq cordes, harmoni-se définitivement leurs proportions.

C’est alors qu’apparaissent en Italie les premiersinterprètes compositeurs : Giovanni-BattistaDegli Antoni, qui publie des Ricercate vers 1677,Gabrielli qui, à sa mort en 1690, laisse des

 Ricercari pour violoncelle seul et des sonatesavec clavecin, Ariosti qui écrit aussi des sonatesen 1695, enfin Alborea, dit Franciscello, qui faitœuvre de pédagogue. Ces textes, très embryon-naires, nous permettent pourtant d’apprécier lesprogrès incroyables qui vont s’opérer au 18e siè-cle.

En effet, avec quarante ans de retard sur le violon,

le violoncelle va connaître le même essor un peupartout en Europe: en Italie, avec Vivaldi, puisBoccherini; en Allemagne, de Bach à Haydn.Cependant, en France, la création du Concert spi-rituel au début du 18e siècle rend la situation unpeu plus complexe. En 1725, en effet, AnneDanican Philidor fonde la première associationde concerts publics. L'initiative est sans précédentpour plusieurs raisons. Tout d'abord, à uneépoque où la musique était réservée à une élite,ces concerts étaient ouverts à un public d'unecatégorie sociale plus modeste. Ensuite, ils sedonnaient dans un lieu beaucoup plus vaste que

les salons des demeures aristocratiques. En effet,pour la circonstance, le roi avait prêté la grandesalle des Suisses, située à côté de ses apparte-ments, au premier étage du pavillon central desTuileries.

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Potsdam, et à Ferney par Voltaire qui lui décoche cette bouta-de: «Monsieur Duport, vous me faites croire aux miracles, voussavez faire d’un bœuf un rossignol!» En fait, ce mot d’espritrecouvre une réalité insoupçonnée du philosophe: au 18e siè-cle, les violoncellistes ne rêvent que d’imiter le violon dont la

tessiture élevée et la virtuosité exercent sur eux une véritablefascination. A l’aube du 19e siècle, le violon n’a plus rien àapprendre à son élève.

Or, c’est à ce moment qu’apparaît en Europe un courant nou- veau, le romantisme. Il n’est plus question alors d’exprimer sessentiments dans les limites d’une réserve de bon ton, mais biende les proclamer haut et fort, sans contrainte. Le romantisme

 va trouver dans le violon et le violoncelle des interprètes dechoix. Mieux! Il va découvrir un aspect de l’instrument grave

 jusque-là négligé : la puissance expressive de sa basse, cefameux timbre de “voix humaine”. Des compositeurs de renoms’adressent à lui : Mendelssohn, Beethoven et, plus encore,

Schumann, Brahms et Dvorak. Tour à tour tendre ou véhé-mente, la voix chaude du violoncelle se révèle un moyen privi-légié pour exprimer le lyrisme de cette époque.

Libérés du souci de se constituer un répertoire, les interprètes sebornent désormais à composer des pièces de genre ou des métho-des propres à montrer leur technique. C’est le travail de l’ItalienPiatti, des Français Franchomme et Batta, des Belges Servais etde Swert, et surtout de la brillante école allemande: Romberg,Goltermann, Grutzmacher, Dotzauer et Popper. Tous laissent

cahiers d’études et concertos encore en usage dans l’enseigne-ment. Malheureusement, au terme de cette période, le double

 visage de virtuose et de chanteur de charme du violoncelle est sou- vent banalisé par une littérature élégiaque et insipide.

Le 20e siècle a-t-il encore quelque chose à apporter? Certes ! Ilopère d’abord la synthèse entre le grave et l’aigu, les poussant

 jusqu’à l’extrême puisque, de nos jours, on n’hésite pas à dépas-ser les limites de la touche ni à baisser les cordes graves d’undemi-ton comme l’a fait Kodaly. Puis les compositeurs conti-nuent à enrichir sa personnalité, lui demandant d’autres effets:l’humour, la drôlerie avec Debussy, la violence, les rythmes per-cutants avec Chostakovitch, ou encore l’éthéré, l’insolite deWebern ou de Penderecki. Des formes nouvelles apparaissent:les grandes rapsodies, lyriques d’inspiration, modernes d’écri-ture, comme Don Quichotte de Strauss ou Shelomo de Bloch,cependant que les œuvres pour violoncelle seul connaissent unregain de faveur, de Kodaly à Xenakis.

Et maintenant, au début du 21e siècle? Certains compositeursd’avant-garde ont considéré que le violoncelle avait terminé sacarrière, qu’il ne lui restait plus rien à dire. Une opinion qu’unenouvelle floraison d’œuvres peut démentir. En fait, grâce à cer-taines transformations, l’instrument peut encore se prêter à d’au-tres recherches, à d’autres expériences. Ne serait-il pas prêt arelever de nouveaux défis?

 Sylvette Milliot,

 violoncelliste, chargée de recherche au CNRS

le violoncelle

Roger Lanne cherche

à s’émanciper des formes de la

lutherie traditionnelle avec un

instrument baptisé

“Art 2000”. Il n’a pas la prétention

de remplacer l’instrument

classique, mais voudrait proposer

aux instrumentistes un

élargissement de leur palette

sonore et susciter l’inspiration

des compositeurs.

En 1922, le luthier

Clément imagina

un violoncelle pliable

et démontable,

mais “muet” parce

que dénué de caisse

de résonance.

Recherche et innovationsQue ce soit pour pallier des problèmes d’encombrement,

de transport, de voisinage, ou purement dans un but de rechercheet de création, certains luthiers étudient

de nouvelles formes de violoncelle.

Philippe Bodart a conçu un violoncelle

pliable “oiseau” de taille réduite

(une fois plié, il peut entrer dans la

housse d'un violoncelle 1/4).

Cet instrument peut être

 joué en concert grâce

au préampli incorporé

réglable ou être écouté

au casque, pour ne pas

gêner les voisins.

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319XVIII

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le violoncelle

Anatomie du violoncelliste

Tout comme le sport, la pratique instrumentale est avant

tout un exercice corporel. Il paraît qu’en examinant un

squelette de musicien, un médecin peut reconnaître

l’instrument qu’il pratiquait. L’exhumation en Toscanede celui du violoncelliste Boccherini a révélé de nom-

breuses lésions ostéo-articulaires. Il souffrait de rhizar-

throse au niveau du pouce droit, d’une épicondylite de

l’épaule droite due à la répétition des mouvements d’ar-

chet. La position assise, genoux et hanches à 90°, angle

de 90° entre le tronc et les cuisses, provoque une lor-

dosecervicale et lombaire; la position du corps penché

sur l’instrument conduit à une scoliose. Sans compter

le déséquilibre des zones d’insertions tendineuses attri-

buables à la conformation naturelle du violoncelle, les

doigts bleus, le risque de torticolis, les hémorroïdes, les

pustules, les crampes et autres petites misères! Voici de

quoi inspirer tous les caricaturistes ! Au moins les vio-loncellistes sont-ils épargnés par la gingivite, la stoma-

tite, l’aérophagie ou la laryngite, qui guettent les musi-

ciens pratiquant les instruments à vent ou le chant…

Rassurons-nous, tout ceci peut être évité, à condition

d’y prendre garde. En premier lieu, la généralisation de

l’utilisation de la pique et le recours à des sièges ergo-

nomiques rendent la tenue du violoncelle moins acro-

batique qu’à l’époque de Boccherini. La souplesse des

mouvements et un peu de gymnastique protègent des

crampes et autres désagréments, et, si l’on travaille

régulièrement, la peau des doigts s’endurcit et le corps

s’adapte. Mais la menace de déformations demeure etil convient d’en tenir compte. La kinésithérapie et certains

médicaments peuvent remédier à ces inconvénients,

mais avant de les connaître, mieux vaut les prévenir.

 Aussi a-t-on affecté des médecins spécialistes dans cer-

tains conservatoires, et les professeurs sont aujourd’hui

censés acquérir une connaissance de l’anatomie sus-

ceptible de permettre à leurs élèves de parer ce type

de risques, en évitant certains gestes ou positions du

corps et en recherchant un équilibre. Et toutes les bon-

nes méthodes d’apprentissage contemporaines tien-

nent compte de ce facteur.

Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ce sujet, parmi

lesquels nous pouvons mentionner, par exemple, ceuxdu Dr Franck Choffrut, intitulé Santé des musiciens et 

des chanteurs (éd. CEDH, 2004), et de Coralie Cousin,

Le Musicien, un sportif de haut niveau (édition Ad Hoc,

2005).

La revue trimestrielle Médecine des arts consacre régu-

lièrement des articles aux pathologies des musiciens

(éditions Alexitère, 82000 Montauban).

 Michel Oriano

les précédentsdossiers “instrument”

de La Lettre du Musicien

encore disponibles

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La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

pour recevoir un dossier,

adresser un chèque du montant correspondant

(par numéro commandé - frais de port inclus)

à l’ordre de La Lettre du Musicien,

14 rue Violet, F-75015 Paris

XIX

Archet de violoncelle octogonal ébène-or de Mitsuaki Sasano,maître archetier japonais, travaillant à Paris

–grand prix du Concours Etienne-Vatelot Paris 2004– (coll. part.).Photo d’Andy Lim qui a conçu un système de caméra, basé

sur le principe du “linear scan”, permettant de prendre un archeten entier, sans en déformer la perspective.

L’auteur prépare pour 2007 un livre de très grand formatqui présentera le travail des 20 meilleurs maîtres archetiers du monde.

Page 20: 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

8/13/2019 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

http://slidepdf.com/reader/full/319-lettre-du-musicien-cello-2005 20/39

De retour en France, il s’ins-talle rapidement à son compte,à Lyon en 1965. Lorsqu’on lui

demande pourquoi il s’estorienté vers la restaura-tion d’instruments, Jean-Frédéric Schmitt répond

sans ambages: «EnFrance, au début desannées 60, se consac-rer à la lutherieneuve, c’était secondamner à devenir

un crève-la-faim! AuConservatoire de Lyon,

il y avait alors quatre élè- ves dans la classe supérieure

de violon, deux dans celle de vio-loncelle! Cette détérioration de la vie musicale avait touché lalutherie. Il restait 30 luthiers dans toute la France, d’une moyen-

ne d’âge de 60 ans. Et à Mirecourt, 800 familles étaient touchéespar la fermeture de trois usines de lutherie.»

 Aujourd’hui, il vient d’achever – au terme de trois années detravail – la restauration d’un violoncelle Stradivarius de 1725:«A la fin de sa vie, Antonio Stradivari, qui avait toujours privi-légié des sonorités brillantes et lumineuses, explorait de nou-

 velles voies, cherchant davantage d’intériorité, des sonoritésplus dramatiques. Il demanda à ses fils de réaliser trois violon-celles sonnant comme les instruments vénitiens, lesMontagnana ou les Goffriller. C’est l’un de ces trois instru-ments qui a été retrouvé à Londres, il y a quelques années, dans

un état pitoyable. Il avait été rendu méconnaissable par une res-tauration maladroite opérée au 19e siècle. Tout le travail aconsisté à retrouver la spécificité de la sonorité que pouvaitrechercher Stradivarius à cette époque, en déduire l’architec-ture de l’instrument et aider la table à reprendre sa forme.» Ilest à présent joué par Ko Iwasaki, professeur à Bloomington.En quarante ans de métier, Jean-Frédéric Schmitt aura formé

93 luthiers et restauré plus de 300 instruments: de nombreux Stradivarius dont celui de Maurice Gendron, joué aujourd’huipar Maria Kliegel, le Montagnana de Boris Pergamenshikov, la

 viole de gambe de Jordi Savall… Il a aussi entre les mains le vio-loncelle de Charles IX, un instrument réalisé par Amati en1560, d’autant plus rare que la notion de restauration neremonte guère qu’aux années 1830. «Auparavant, les instru-ments étaient modifiés pour répondre aux besoins des compo-siteurs ou détruits s’ils ne pouvaient s’y adapter. C’est avecViotti que l’on commence à découvrir les instruments italiens,et notamment les Stradivarius. Puis Vuillaume définira destechniques de restauration qui permettront de sauvegarder cepatrimoine.» S’agissant de ce précieux instrument de 1560, lui

aussi très abîmé par une modification intempestive (jugé troplarge, l’instrument fut recoupé), la question se pose de choisirentre le remettre en état ou lui rendre son état d’origine, entre

 valeur muséale et valeur de sonorité.

«Il faut distinguer réparer et restaurer, conclut Jean-FrédéricSchmitt. Un jour, on m’apporte dans une enveloppe trois vio-lons en miettes: ils avaient été écrasés par une voiture. Lesremettre en état, ce n’est jamais que de la réparation, même sic’est un travail de bénédictin. Restaurer, c’est tout autre chose;c’est retrouver la pensée créatrice de celui qui a fabriqué l’ins-trument.»  Propos recueillis par Philippe Thanh

 Jean-Frédéric Schmitt, luthier Maître luthier reconnu dans le monde entier pour son travail de restauration

et pour la qualité de ses réglages de sonorité, Jean-Frédéric Schmitt, forméà l’école de lutherie de Mittenwald, s’est ensuite perfectionné à Copenhague,à Paris auprès d’Etienne Vatelot pour étudier l’expertise, et au Japon

où il se rend grâce à une bourse de la Fondation de la vocation.

XX La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

L’ECOLE NATIONALE DE LUTHERIE DE MIRECOURT

La lutherie a pris son véritable essor dans cette petite ville de

l’est de la France au 18e siècle. Les artisans de Mirecourt ont

su combiner les influences de fabrications allemandes et ita-

liennes pour, dans un premier temps, copier un peu, parfois

beaucoup, puis inventer la lutherie lorraine. Mirecourt s’hono-

re d’avoir formé les plus grands luthiers et archetiers français.

C’est en 1970 que, grâce à Etienne Vatelot, fut créé le lycée

polyvalent Jean-Baptiste-Vuillaume, comportant une sec-

tion lutherie, qui devint l’Ecole nationale de lutherie et quiaccueille chaque année une dizaine d’élèves, recrutés sur

dossier au niveau bac. Parmi eux figurent souvent des

étrangers. La pratique d’un instrument à cordes frottées est

une obligation, mais, pour le recrutement, seule une expé-

rience musicale au sens large est requise. L’enseignement

est gratuit. Après une première année de mise à niveau, les

étudiants préparent pendant deux ans le diplôme des

métiers d’art (DMA) en lutherie: ils apprennent à fabriquer

un instrument ainsi que les méthodes de restauration les

plus courantes. La réalisation d’un dossier assez complet

accompagne la présentation d’un instrument. Beaucoup

d’étudiants choisissent de fabriquer un violoncelle; lesautres doivent présenter deux violons, ou un violon et un

alto. Chaque élève pratique un instrument du quatuor au

sein de l’école de musique locale.

Page 21: 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

8/13/2019 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

http://slidepdf.com/reader/full/319-lettre-du-musicien-cello-2005 21/39XXILa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

 Vous avez d’abord été connu pour vos contrebasses.Pourtant, vous êtes un des rares luthiers français àréaliser tous les instruments du quatuor à cordes…Je n’ai fait en cela que suivre la tradition des luthiers des 18e et19e siècles, dont bien peu étaient spécialisés comme aujour-d’hui. Cela dit, la lutherie de la contrebasse est une excellenteécole, car on a l’impression de travailler un violon sous un

microscope! Il est ainsi plus facile de passer ensuite aux autresinstruments, alors que le parcours inverse est plus délicat.

 Vous partagez votre activité entre réalisation de copieet création…

 Avec la copie d’un instrument prestigieux comme le violoncellede Montagnana d’Heinrich Schiff, j’ai voulu rendre hommageaux anciens. Il ne s’agit pas de reproduire servilement, en allant

 jusqu’à intégrer, par exemple, les traces d’accidents que portel’instrument, mais d’essayer de retrouver et de restituer la pen-sée et la technique du créateur. Ce travail de redécouverte estfondamental pour faire de la lutherie moderne.

Pourquoi ce choix, comme modèle,d’un instrument vénitien?J’aime les violoncelles de l’école italienne car ils ont pour carac-téristique de n’être pas tonitruants, mais de porter jusqu’aufond des salles. Les vénitiens ont en plus une voix large et pro-fonde, un timbre chaud et riche, et, en même temps, un son quiprojette. C’est typiquement le cas de la “Belle au bois dormant”.

Comment passez-vous de ce travail de copieà la création d’instruments contemporains?Mon confrère lyonnais Jean Schmitt a coutume de dire: «Onest condamné à faire des copies stériles du 18e siècle.» Même

si je réfute le terme de “stérile”, il faut admettre qu’on est effec-tivement toujours sous l’influence des modèles de Stradivariusou Guarnerius. Il est étrange de penser que, à notre époque,nous travaillons toujours et exclusivement sur une esthétiquebaroque! Tout en fabriquant des instruments selon cette esthé-tique d’un grand raffinement et aux nuances infinies, je travaille

parallèlement sur une esthétique moderne: il s’agit de créer un violoncelle contemporain (à l’instar de ma contrebasse “B21”)en enlevant ou en épurant les courbes qui ne servent pas à lasonorité. Dans tous les cas la difficulté réside surtout dans l’ar-chitecture de la voûte qui doit être un compromis entre solidi-té et mobilité (qui donne la vibration).

Combien d’instruments avez-vous produits dans votre atelier?Depuis que je me suis installé à mon compte, en 1982, cela faitquelque 200 instruments dont 120 contrebasses (mais j’ai desassistants pour ces instruments), et le reste se répartit égale-ment entre violons, altos et violoncelles.  PhT 

le violoncelle

Patrick Charton, luthier Installé à son compte depuis plus de vingt ans,

Patrick Charton a obtenu de nombreuses récompensesinternationales, notamment pour sa copie du fameuxMontagnana “Belle au bois dormant”, aujourd’huijoué par Heinrich Schiff.

Parmi les perspectives d’avenir, il est fortement question

de créer une section d’archeterie, qui constitue la spécifi-

cité mondiale de Mirecourt.

Considérant par ailleurs que, notamment du fait de l’arri-

vée sur le marché d’un très grand nombre d’instruments à

bon marché fabriqués en Chine, un luthier occidental ne

peut plus gagner sa vie en se cantonnant à la fabrication,

l’on s’apprête à renforcer les études sur la restauration

dans les cours actuellement dispensés.On envisage ainsi la prolongation d’un an du DMA actuel

par une licence à vocation européenne.

 Fabienne Ringenbach, violoncelliste

Page 22: 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

8/13/2019 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

http://slidepdf.com/reader/full/319-lettre-du-musicien-cello-2005 22/39XXII La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Le pernambouc, d’abord

Les musiciens classiques, et plus particulièrement les musiciensà cordes, ne sont pas toujours conscients du tribut qu’ils doiventaux richesses importées du Nouveau Monde. Les bois tropicaux ont joué un rôle majeur dans le développement de la musiquedepuis le 16e siècle.Ce fut le cas du pernambouc, utilisé dans la fabrication desbaguettes d’archets. Employé comme ballast par les naviresexerçant le commerce triangulaire, il arriva en quantités énor-mes dans les ports de Bristol, Bordeaux ou Rouen. Au milieudu 18e siècle, les archetiers l’adoptent pour ses qualités uniques.Le pernambouc s’imposera comme le bois irremplaçable del’archet moderne au 19e siècle. Plus léger, plus nerveux que lesbois d’amourette et de fer utilisés dans les archets baroques et

classiques, il correspond parfaitement aux critères de l’époque. Avec la Révolution française, la musique est sortie des cours,touchant des publics plus nombreux. Les exigences de projec-tion de la sonorité prennent le dessus. L’utilisation progressivedu pernambouc est liée aux changements effectués sur lesinstruments au tournant des 18e et 19e siècles (inclinaison dumanche, modification de la barre d’harmonie, changement dediapason).

Des matériaux en danger

 Avec son archet, le violoncelliste peut faire un véritable tour dumonde. Outre le pernambouc, l’ébène pousse dans le bassin del’océan Indien (Madagascar, Sri Lanka), la nacre est tirée desmers chaudes, les crins sont sélectionnés en Mongolie et enChine et l’ivoire provient d’Afrique. Quant à l’argent et à l’or, ilsétaient originellement extraits des mines des Amériques centra-le et latine. Aujourd’hui, la majorité de ces ressources est mena-cée par la déforestation, la pêche intensive ou le braconnage. Or,sans bois tropicaux, que deviendrait le répertoire de la musique?Otez le pernambouc, l’ébène et le palissandre, et essayez de jouerle “Playful Pizzicato” de la Simple Symphony de Britten!

Le métier d’archetier

Le métier d’archetier s’est émancipé des ateliers de lutherie aumoment de l’introduction du pernambouc. En France, l’abolitiondes privilèges des corporations a permis aux archetiers de tra-

 vailler les métaux précieux après 1789. Les voyages de virtuosesitaliens, tel Viotti, ont disséminé à travers l’Europe les connais-sances de l’évolution de la baguette. L’archet concave deCorelli, puis celui plus long et moins cintré de Locatelli, l’archetclassique de Kramer et, enfin, l’archet moderne, mis au pointau tournant du 19e siècle, accompagnent l’évolution de lamusique dans ses différents aspects: phrasé, articulation, dia-pason, timbre et puissance de sonorité.On trouve dans la facture contemporaine les trois grandes éco-les: française, anglaise et allemande. L’école française est très

riche et peut se diviser en plusieurs périodes: celle des Tourte,Eury, Persois au début du 19e siècle, puis celle des Peccate,Henry, Simon, Maire et, au tournant du 20e, celle de Lamy etSartory.L’internationalisation de l’apprentissage et des connaissancesau-delà de leurs limites géographiques a atténué les différencesde style, mais les méthodes de fabrication restent spécifiques.On peut toutefois s’étonner que les archets allemands ouanglais restent un peu méconnus dans l’Hexagone.Quel est l’avenir de l’archeterie traditionnelle? La profession n’apeut-être jamais été aussi riche depuis la Seconde Guerre mon-diale, mais les menaces qui pèsent sur ses approvisionnementsprovoquent une certaine inquiétude. Ecoles et conservatoires se

sont multipliés, ouvrant la musique à toutes les couches socia-les. Espérons que l’archet de bonne facture en pernambouc nedeviendra pas un objet rare, réservé à une élite fortunée.

 Edwin Clément,

 archetier

L’archet une histoire de mondialisation… Avec la raréfaction des bois tropicaux et des matériaux précieux qui composent l’archet traditionnel,

c’est peut-être la survie du répertoire qui sera remise un jour en question…

Un archet contemporainGILLES NEHR a conçu en 1999

un archet baptisé “tête-bêche”qui offre une mèche plus longue

et une meilleure attaque,

avec une plaque de tête

verticale, sans taquet ni cale.

Un système de passant

remplace la cale. La plaque

de tête et la hausse sont en alu.

La hausse est fixe, seul le tiers

arrière coulisse.

Tête et hausse d’archet de violoncellede Dominique Peccatte, Paris (1810-1874)

Page 23: 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

8/13/2019 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

http://slidepdf.com/reader/full/319-lettre-du-musicien-cello-2005 23/39XXIV La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

La piqueMême si, pendant longtemps, le violoncelle, tenu entre lesgenoux, ne reposait sur aucun support, des gravures du 18e sièclemontrent que la pique existait dès cette époque. Mais la généra-lisation de son utilisation verticale (qui contribua à faciliter latenue de l’instrument) ne date que de la seconde moitié du 19e siè-cle, période à laquelle elle fut introduite en France par  Jules

Delsart.Paul Tortelier inventa une pique plus longue, recourbée à l’ex-

trémité, ce qui, en créant une tenue presque horizontale de l’ins-trument, permettait, comme le violon, de projeter le son vers lehaut pour qu’il se répande mieux dans les salles. Mais, inverse-ment, la pique Tortelier rend plus difficile le jeu dans les positionssituées en haut du manche, si bien que peu de violoncellistes l’u-tilisent aujourd’hui. Cela dit, les piques ne cessent d’évoluer:piques à angles variables, à pointe en carbure de tungstène ouinterchangeables, piques ultra-légères en fibre de carbone, etc.

Les cordesLe matériau utilisé pour fabriquer les cordes a évolué. Lesboyaux de mouton (et non ceux du chat comme on a coutumede le penser) furent utilisés dès les premiers violons au début

du 16e siècle. De nos jours, on utilise surtout des cordes filées(une âme en boyau, en synthétique ou en métal, recouverted’un filetage métallique).Il s’avère très délicat de choisir les cordes qui correspondent lemieux à tel ou tel instrument. Le matériau mais aussi la gros-seur peuvent modifier ce que l’on dénomme le tirant, le calibreou la tension. Presque toutes les cordes existent en trois tirants,c'est-à-dire en trois diamètres.

Le chevalet Après avoir longé le manche à partir du chevillier installé dansla tête de l’instrument, les cordes s’appuient sur le chevalet,avant de terminer leur trajet vers le bas. Au passage, le cheva-

let transmet ses vibrations à la caisse de résonance par le biais

de la table d’harmonie et de l’âme, située à l’intérieur. Desluthiers et des violoncellistes, parmi lesquels figurent Janos

Starker et Gaspar Cassado, n’ont jamais cessé d’en affiner cer-tains détails dans le but d’améliorer la sonorité de l’instrument.

La sourdinePetite pièce que l’on fixe sur le chevalet afin d’en resserrer les

 vibrations, ce qui, dans certains passages de pièces du répertoi-re, permet d’obtenir une sonorité plus assourdie. Lully l’em-ployait déjà dès la seconde moitié du 17e siècle. Il en existe troistypes: en plomb, en ébène, à trois dents, et en plastique (quel’on utilise notamment dans les orchestres).

Le tendeurOn accorde le violoncelle en tournant les chevilles autour des-quelles on enroule les cordes à l’intérieur de la tête. Depuisquelques décennies, on a placé des tendeurs sous le cordier.Ceci facilite un accordage plus fin, mais ne permet pas de faire

 vibrer les cordes tout en modifiant l’accord.

Les tire-cordes Autrefois, les cordiers étaient simples et construits uniquementen bois: aujourd’hui, ils sont devenus sophistiqués, intégrantdes tendeurs et proposés dans des formes et des matériaux dif-férents, plus ou moins longs, plus ou moins lourds. Même leurscordes d’attache évoluent. Comme le dit Philippe Muller, pro-fesseur au Conservatoire de Paris, «tout cela pour notre bien,car tous ces paramètres ont une influence sur la sonorité denotre instrument. Nous disposons maintenant d’un choix trèslarge pour le montage des violoncelles».

Les antirouleursSelon les instruments, certaines cordes, notamment celle de sol,produisent un roulement de la sonorité dans certaines posi-tions, qu’on appelle “loup”. Pour remédier à cet inconvénient,on les pince à un endroit précis entre le chevalet et le cordieravec un “antirouleur”, petit cylindre de caoutchouc entouré demétal qui, en les resserrant, supprime cet inconvénient.  

Quelques accessoiresDe la pique aux antirouleurs,

les accessoires du violoncelle ne cessent d’évoluerpour plus d’efficacité et de confort.

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8/13/2019 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

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COMMENT EST CRÉÉ LE SON DU VIOLONCELLE ?Le mouvement rectiligne de l’archet met en vibration la corde.Celle-ci étant un émetteur sonore peu efficace, il est nécessai-re de lui adjoindre une structure résonante, appelée corps ou

caisse, dont la surface est beaucoup plus grande. Pour cela, unepartie de l’énergie vibratoire de la corde est transmise à cecorps par l’intermédiaire du chevalet. La vibration de ce dernierengendre des ondes sonores, celles que l’on entend.

COMMENT VIBRE LA CORDE FROTTÉE PAR UN ARCHET ?Le frottement rectiligne de l’archet sur la corde engendre unealternance de phases d’adhérence et de glissement. Lorsque lacorde adhère, elle va, à la vitesse de l’archet, dans la mêmedirection transverse. Lorsqu’elle glisse, elle se déplace dans ladirection opposée à l’archet, ralentissant avant d’être à nouveausaisie. Le processus de va-et-vient de la corde sous l’archetdonne naissance à un mouvement en forme de dent de scie1 qui

se répète à l’inverse de la fréquence de résonance de la corde(220 fois par seconde pour la corde de La, par exemple).Si l’on regarde à l’œil nu la corde vibrer, sa forme globale estcelle d’un fuseau qui représente l’enveloppe des différents étatssuccessifs de la corde que l’œil n’arrive pas à distinguer. En cha-cun des points de la corde, nous observons l’alternance adhé-rence/glissé, ce qui donne naissance à chaque instant à deux portions de droites séparées par un coin. En se déplaçant sur lacorde, ce coin forme l’enveloppe de la vibration. On peut visua-liser le coin en photographiant avec un flash ou en “ralentis-sant” le mouvement au moyen d’un éclairage stroboscopique.

C’est le passage du coin au niveau de l’ar-chet qui va déclencher le glissement ou

l’adhérence comme on peut le voir surla figure ci-dessous2.

Ce type de mouvement génère éga-lement une force en forme de

dent de scie au niveau du cheva-

let qui sera transmise à la structure sonore. Le spectre de cetteforme, superposition de plusieurs sinusoïdes, est très riche enharmoniques.

PEUT-ON OBTENIR UN MOUVEMENT ADHÉRENCE/GLISSÉ AVEC N’IMPORTE QUELLE PRESSION D’ ARCHET ?Bien entendu, cette alternance adhérence/glissé nécessite uneforce minimale afin de faire naître ce mouvement. Les instru-mentistes utilisent l’expression “rentrer dans la corde” et leterme “pression” à la place de force. Lorsque cette dernière esttrop grande, la note devient fausse et peut donner lieu à unesonorité éraillée. Entre ces deux limites, le violoncelliste dispo-se d’une plage utile musicalement qui variera selon la positionde l’archet. A proximité du chevalet ( sul ponticello), cette plageest assez limitée et les niveaux des deux forces extrêmes sontimportants; au niveau de la touche ( sul tasto), c’est le contraire.QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ ARCHET

QUI SONT À L’ORIGINE DE CE MOUVEMENT ?On peut engendrer le mouvement alternatif adhérence/glisséen frottant simplement la corde avec une baguette de bois dontune des faces a été enduite de colophane pour favoriser la fric-tion. L’archet offre assurément plus de possibilités musicales àl’instrumentiste. Dans sa forme actuelle, il minimise les varia-tions de pression utiles pour le jeu, ce qui rend les articulationset les attaques puissantes plus faciles à réaliser. De plus, de parsa structure microscopique, le crin de cheval retient la colo-phane et permet d’accroître la force de friction, bien mieux qu’une simple baguette. La qualité des archets est liée à la foisà la faculté de contrôler le jeu et à la marge de variation du sonémis offertes au violoncelliste.

Les propriétés de jeu dépendent essentiellement des caracté-ristiques statiques de l’archet comme sa masse, son centre degravité, sa rigidité en flexion le long de la baguette, sa rigiditéen torsion, etc., alors que les propriétés sonores sont rattachéesaux caractéristiques dynamiques de l’ensemble mèche-baguette. Ces deux propriétés varient sensiblement selon latension de la mèche.

L A TRANSMISSION DE LA VIBRATION À LA STRUCTURE SONORE :LE RÔLE DU CHEVALET

Les quatre cordes sont tendues sur le corps et passent sur le che- valet. Ce dernier repose sur la table supérieure, dénomméetable, qui, associée à la table inférieure ou fond, forme le corps.

Ces deux tables sont reliées par une petite barre, l’âme, et parles éclisses latérales, dont le rôle acoustique est moins impor-tant. Si l’apparence du corps est symétrique, les deux élémentscachés que sont l’âme et la barre3, rendent son comportement

 vibratoire asymétrique, ce qui est indispensable pour un bon

XXVLa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

L’acoustiquedu violoncelleSi l’on est en mesure d’expliquer leur fonctionnement, on est encore loin de pouvoir caractériser et com-

parer en termes scientifiques la différence de qualité entre deux violoncelles.

le violoncelle

Page 25: 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

8/13/2019 319 Lettre Du Musicien Cello 2005

http://slidepdf.com/reader/full/319-lettre-du-musicien-cello-2005 25/39

fonctionnement, principalement dans les basses fréquences.La cavité aérienne créée par le volume intérieur du corps estmise en communication avec l’air extérieur par les deux ouïesen forme de f. Ces ouïes ont deux fonctions principales: l’une,sur le plan mécanique, est de séparer la partie centrale de la

table de ses côtés, lui donnant ainsi la possibilité de pivoter enréponse aux forces exercées par les pieds du chevalet; l’autre,sur le plan acoustique, fixe la résonance de la cavité par la sur-face totale de l’ouverture. Avec l’aide du chevalet, de la barreet de l’âme, l’ensemble table, fond et cavité forme une structu-re sonore complexe, mais qui, avec une taille raisonnable, cou-ple efficacement les cordes à l’air environnant.

CORDES HARMONIQUES OU PAS ?Une corde idéale et donc parfaitement harmonique est unecorde fine, flexible, homogène, sans pertes internes lorsqu’elleest montée sur des supports rigides. Ceci est loin d’être le caspour les cordes du violoncelle et les fréquences ne sont donc

pas tout à fait en relation harmonique. Le mode cinq, par exem-ple, aura une fréquence légèrement différente à cinq fois la fré-quence du premier mode. Cependant, cet écart reste faiblepour le violoncelle, comparé à celui que l’on trouve pour lepiano.Pour la corde frottée, l’inharmonicité a deux effets: une légèremodification de la fréquence de jeu par rapport à celle que l’onobtiendrait en pinçant la corde; et, plus important, l’allonge-ment du transitoire d’attaque, c’est-à-dire du temps de démar-rage de la vibration.Le taux des pertes dans la corde diffère selon les fréquences. Sil’on pince la corde, on s’apercevra, en visualisant l’évolution duson au cours du temps, que certaines composantes s’éteignent

plus vite que d’autres. La difficulté pour le violoncelliste seradonc de choisir des cordes qui, une fois montées, présenterontun compromis entre une qualité sonore (les composantes duson ne s’éteignent pas immédiatement) et une bonne articula-tion (le son ne se prolongeant pas trop).Si le mouvement principal de la corde se fait dans la directiontransversale, le frottement de la mèche déclenche également larotation de la surface de la corde. La fréquence de ce mouve-ment est bien plus élevée que celle du mouvement principalauquel il se superpose. Le diamètre et la facture de la cordeaffectent beaucoup ce mouvement particulier et, indirecte-ment, le mouvement global. Ces différences sont bien perçuespar les violoncellistes.

L A STRUCTURE SONORE :COMMENT AGIT-ELLE SUR LA SONORITÉ DE L’INSTRUMENT?C’est la vibration de l’ensemble de la structure sonore et duchevalet qui détermine la sonorité de l’instrument. En effet,transformé par les résonances de la structure sonore et du che-

 valet, le signal qui arrive à nos oreilles n’a plus la forme d’unedent de scie. Ces résonances ne sont pas uniformément distri-buées sur l’ensemble des fréquences du violoncelle; de plus,elles ne sont pas en relation harmonique, du fait de la formecomplexe de l’instrument.Si l’on compare plusieurs instruments, on remarque que si laforme globale des résonances de la structure est identique d’uninstrument à un autre, la position et l’amplitude de ces réso-nances ne le sont pas. Outre que les dimensions de ces instru-ments peuvent être légèrement inégales, les variations imprévi-sibles des propriétés des bois utilisés sont souvent à l’origine deces différences. En effet, deux pièces adjacentes, découpéesdans le même morceau de bois, présentent des propriétés qui

ne sont pas constantes et doivent être travaillées, rabotées etgrattées par le luthier de manière spécifique. On devine la dif-ficulté pour le luthier de dupliquer un violoncelle.Cependant, en manipulant la distribution de masse et de rai-deur, le luthier peut agir considérablement sur les modes. Dessimulations sur des plaques de formes plus simples que cellesdu violoncelle montrent nettement qu’une faible variation loca-le d’épaisseur peut transformer de manière importante la fré-quence, l’amortissement et la forme des modes. Tout au long decette phase, le luthier évalue avec ses mains la rigidité des tableset, en frappant sur ces tables, compare les sons obtenus.

 A UTRES POINTS

Dans la dernière partie de cet article, nous allons aborder briè- vement plusieurs points dont certains seraient à inclure dans unemodélisation plus complète du fonctionnement du violoncelle:– Modes longitudinaux de la cordeSi la corde n’est pas frottée perpendiculairement, une vibrationlongitudinale peut se superposer à la vibration transversale et àcelle de rotation. Sa fréquence, très aiguë, se traduit par un sondéplaisant et perçant. Les débutants sont coutumiers de ce sonque l’on peut faire surgir également en frottant la corde avec unchiffon pour la nettoyer.– Influence de la largeur de la mèche: la possibilité d’incliner l’ar-chet est utilisée dans le jeu pour réaliser plus facilement desattaques ou pour faire varier la force appliquée.

le violoncelle

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

Violoncelle de guerre de Maurice Maréchal. Paru in Alain Lambert, Maurice Maréchal , Editions Papillon, Drize-Genève, 2003.

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– Propriétés de la colophane: elle présente une propriété inté-ressante de variation de la friction liée à l’accroissement de tem-pérature lors de la phase de glissement.– Bruit engendré par le frottement de l’archet : ce bruit ne se pro-page pas bien et sa perception est plus forte pour l’instrumen-

tiste que pour l’auditeur. Cependant, une prise de son prochepeut le mettre en relief.– Existe-t-il d’autres types de régime d’oscillation de la corde frot-tée que le mouvement d’Helmholtz?Il peut coexister plusieurs coins sur la corde qui vont engendrerd’autres types de régimes d’oscillation. Le violoncelliste en uti-lise au total quatre ou cinq dans un but musical bien précis.– Les notes défectueuses ou notes qui roulent: le violoncelle estplus sujet à ces notes défectueuses que le violon, car son che-

 valet est plus haut et modifie le couplage par son rôle de levier.– Influence des paramètres de jeu sur la sonorité.La particularité du mécanisme adhérence/glissé fait que la formedes vibrations de la corde sous l’archet est toujours la même à

quelques exceptions près (voir paragraphes précédents). Tous les violoncellistes savent qu’il existe un ensemble utile de sonoritésobtenues en faisant varier la position de l’archet sur la corde.Si, contrairement à la vitesse, la pression joue très peu sur l’am-plitude de la vibration et donc sur l’intensité du son émis, ellepermet cependant de modifier la sonorité. Ainsi, en exerçantune force plus faible lorsque l’archet est proche de la touche( sul tasto), on arrondit la forme du signal en dent de scie, ce quiappauvrit son contenu en fréquences aiguës. A l’inverse, enaugmentant la force, ce qui peut se faire également en se rap-prochant du chevalet, on rend le coin plus aiguisé, ce qui enri-chit cette fois le signal en composantes aiguës. Cet appauvris-sement ou cet enrichissement du spectre correspondent à une

façon indirecte de changer l’intensité du son émis.– Rayonnement du violoncelle.L’efficacité du rayonnement peut se définir comme la quantitéde vibrations de l’air environnant créée par un mouvementdonné de la structure sonore. Les parties vibrantes de la struc-ture sonore du violoncelle ne sont pas les mêmes d’une note àune autre. Il en résulte pour le rayonnement une variationangulaire rapide avec la fréquence; typiquement, des change-ments très importants d’un demi-ton à un autre. Cette variationa des conséquences sur la perception de l’instrument donnantl’illusion que chaque note vient d’une direction différente.La tenue particulière de l’instrument par le violoncelliste pertur-be le rayonnement. Nous sommes alors en présence d’une sorte

d’ombre acoustique, similaire à l’effet produit par le guitariste.– Les effets du vibrato : le mouvement du doigt sur la touche pro-duit une modulation de fréquence de l’ordre de 5 à 10 Hz quidéplace les composantes du son émis sur les résonances de lastructure sonore. Il en résulte une modulation de l’amplitudede ces composantes.– L’influence de la pique: elle peut perturber le fonctionnementsi elle repose sur une cavité mal adaptée, ce qui arrive parfoissur certaines estrades ou scènes de concert.– La qualité des instruments.Pour l’instrumentiste, la qualité du violoncelle est, comme celledes archets, liée à la fois à la sonorité et au jeu. Cependant,aucune analyse ne permet de définir le lien entre ce que l’on

peut mesurer sur les violoncelles et leurs qualités musicales. Onse contentera donc d’énumérer un ensemble de facteurs quisont pris en compte dans les critères de jugement sur la quali-té. Ainsi, le transitoire d’attaque joue un rôle dans le processusd’identification d’un instrument. La facilité de l’instrument à

parler est donc un critère essentiel de qualité. Autres critères: le niveau sonore, lié à l’efficacité de rayonne-ment, ou son équivalent subjectif, la force sonore ( loudnesspour les Anglo-Saxons). Le niveau sonore et sa variation angu-laire selon la fréquence sont probablement liés à cette notion

subjective de projection, mal définie et jusqu’ici peu étudiée parles scientifiques.La sensibilité au vibrato conditionne la qualité, tout comme lasensibilité aux notes défectueuses, sans parler de la sensibilité àl’humidité… Enfin, il ne faut pas oublier les possibilités dedynamique et de variation de sonorité.Signalons, enfin, que les instrumentistes s’accordent sur les fac-teurs qui déterminent la qualité et font bien souvent le mêmeconstat sur un instrument: «Cet instrument est peu puissantdans le médium», «Il parle difficilement dans les graves» ou«Ces notes ont tendance à rouler facilement».Par contre, dans le jugement qu’ils portent sur la qualité ou lors-qu’ils sont amenés à choisir un instrument, ils n’accordent pas

tous la même importance à ces critères. Des goûts et des cou-leurs on ne dispute point, dit le vieil adage.

 René Caussé – Ircam/CNRS, Paris

1. Ce mouvement ou régime d’oscillation de la corde est dit d’Helmholtz, du nomdu scientifique allemand qui l’a visualisé pour la première fois au 19e siècle

2. On trouvera dans l’ar ticle de John Schelleng (“La physique de la corde frottée”,publié dans Les Instruments de l’orchestre, Ed. Belin, 1985) une description appro-fondie de ce mécanisme. Une animation issue d’une simulation du mouvement dela corde se trouve à l’adresse suivante : <www.phys.unsw.edu.au/~jw/Bows.html>On pourra s’aider des définitions, des notions et des références données sur le sitede la Société française d’acoustique : <www.sfa.asso.fr/fr/gsam/gsam.htm>

3. La barre est un long raidisseur, collé sous la table. Elle joue le même rôle que lesraidisseurs de la table d’harmonie du piano et permet de distribuer l’énergie vibra- toire transmise par le chevalet sur une surface plus étendue.

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Ingi (à droite) en juin 1978 aux 3 Pignons dans la forêt de Fontainebleau, en com-pagnie de Paul Boufil, cofondateur du Festival international de violoncelle de Nemours.

         D         R

La plupart des photos d’interprètes que nous publions dans ce dossier nous ont été fournies par Ingi. Celui-ci, violoncelliste et photographe pro-fessionnel, a fait partie de grandes formations symphoniques et de cham-bre; en outre, il a créé en 1982, avec Paul Boufil, le Festival internationalde violoncelle de Nemours, festival hélas défunt aujourd’hui.Ingi a fixé, en tant que photographe, l’image des grands artistes qu’il aconnus et fréquentés au cours de sa carrière. Les photos de violon-cellistes que nous publions constituent un témoignage particulière-ment émouvant et pour lui et pour nous.

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Philippe Muller professeur au Conservatoire de Paris

Les professeurs du CNSMD de Paris font partiede la génération qui fut formée par les grandsmaîtres pédagogues. Entretien avec Philippe Muller.

Comment jugez-vous le niveau des jeunes violoncellistesd’aujourd’hui?Je vois une cinquantaine d’élèves chaque année: douze dansma classe au Conservatoire, les autres dans des cycles de per-fectionnement ou des master-classes. J’assiste aussi à de nom-

breux concours internationaux dans lesquels je constate que leniveau technique est de plus en plus élevé. Je ne pense pas qu’il

 y ait plus (ou moins) de personnalités d’exception qu’autrefois,mais ces jeunes musiciens ont acquis une maîtrise techniqueque nous n’avions pas il y a trente ou quarante ans.Cette élévation générale du niveau technique est une bonnechose, en particulier pour les orchestres, qui peuvent ainsirecruter d’excellents instrumentistes, d’autant plus facilementque, dans un orchestre, c’est la personnalité de l’ensemble quicompte et non l’individualité.

 A l’heure de la mondialisation, peut-on encoreparler d’école nationale?

Il ne fait pas de doute que les différences entre les écoles ten-dent à s’estomper. Toutefois, les spécificités linguistiques etculturelles demeurent et font qu’on peut encore entendre desdifférences de conception musicale entre des musiciens alle-mand, français ou russe. Par exemple, un violoncelliste russeaura souvent un archet qui “pénètre” la corde, un grand sens dulegato, alors qu’un Français aura un travail d’archet plus ciselé,plus en finesse, avec moins de profondeur. Enfin, ce ne sont quedes impressions générales qui souffrent des exceptions.Je constate aussi la présence de plus en plus importante de

 violoncellistes coréens, animés d’un grand sens musical, pré-sents en nombre croissant – et avec succès – dans les concoursinternationaux.

Tous ces jeunes musiciens trouvent-ils des débouchés?Quand j’ai commencé à enseigner, j’avais coutume de dire aux parents de mes élèves: « Ne vous inquiétez pas pour l’avenir de

 votre enfant. S’il travaille et évolue bien, il trouvera certaine-

ment, en sortant du Conservatoire, un orchestre pour l’ac-

cueillir.» Aujourd’hui, je me garderai bien d’être aussi catégo-rique. Il y a des postes à pourvoir, peut-être autant qu’autrefois,mais la concurrence est beaucoup plus rude. Dans un concoursde recrutement pour un orchestre en région, il y avait naguèreune quinzaine de candidats (et tous n’étaient pas excellents)pour un poste. A présent, le même poste attire entre 50 et 100candidats, la plupart d’un excellent niveau!L’enseignement reste la solution de rechange. Encore faut-ilavoir la passion de transmettre et savoir le faire.

 Vous avez été l’élève d’André Navarra et de Paul Tortelier.Quels pédagogues étaient-ils?Mon premier professeur a été, à Mulhouse, Dominique Prete,

soliste de l’Orchestre philharmonique régional. C’était un musi-cien remarquable, et un enseignant captivant. Il m’a conseillé,lorsque j’ai eu 17 ans, de rencontrer André Navarra.L’enseignement de celui-ci était très clair, méthodique, facile àcomprendre, et d’une grande efficacité. Celui de Paul Tortelier,avec qui j’ai travaillé ensuite, était plus compliqué et difficile àsuivre. Mais Tortelier avait une imagination très stimulante etn’hésitait jamais à se remettre en question. Son enthousiasme lerendait capable de changer un doigté une heure avant un concert!Mes professeurs m’ont apporté chacun des idées que je conti-nue à mettre en pratique.

 Propos recueillis par Philippe Thanh

Enseigner le violoncelleL’enseignement du violoncelle a toujours été, en France, d’une particulière excellence, comme en témoigneaujourd’hui toute une génération de musiciens de grand talent. Mais en dehors d’une carrière de soliste,

quels sont les débouchés? Nous donnons ici la parole aux professeurs, du Conservatoire de Paris à l’école

municipale, en passant par les conservatoires nationaux de région.

LES PROFESSEURS DE VIOLONCELLEdans les conservatoires supérieurs

CNSMD de ParisJean-Marie Gamard (assistants : Raphaël Perraud

et Thierry Amadi)

Philippe Muller (assistants: Philippe Bary

et Véronique Marin-Queyras)

Roland Pidoux (assistant: Xavier Phillips)

Michel Strauss (assistant : Guillaume Paoletti)

CNSMD de Lyon Yvan Chiffoleau (assistant : Patrick Gabard)

 Anne Gastinel (assistant : Edouard Sapey-Triomphe)

XXVIII La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

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le violoncelle

Elève de Maurice Gendron auConservatoire de Paris, elle mèneà l’issue de ses études une carrière

d’interprète en tant que soliste de l’or-

chestre de chambre Jean-FrançoisPaillard, violoncelliste du Geister Trio, etne passe que tardivement le CA: « Je n’a-

 vais pas encore de motivation tenace,mais l’enseignement m’a vite passionnéepar la qualité des rencontres qu’il induit,la richesse des échanges sur le plan musi-cal et humain… J’apprends beaucoup demes élèves.»

Lorsqu’on lui demande comment sepasse une journée d’enseignement,Hélène Dautry parle d’abord

de son propre travail d’instru-mentiste par lequel elle com-mence sa journée. « J’aidavantage de plaisir à travaillerque lorsque j’étais au Conser-

 vatoire parce qu’aujourd’hui je tra- vaille mieux, le plaisir efficace sesubstitue donc au questionne-ment maladroit. Si je ne soignepas la qualité de ma relation avecmon instrument, comment pré-tendre ensuite partager une exi-gence, fonder une réflexion,

engager mon objectivité et parta-ger ma passion? Travailler, c’estaussi rester proche des élèves,entretenir l’appétit de larecherche: cela protège dudanger des certitudes, des liv-res de recettes. Une journée d’en-seignement? Comme toutes lesautres, surprenante.»

 Alors que dans les conservatoi-res, le terme de pratique collecti-

 ve non dirigée désigne désormaisla musique de chambre et que l’ensei-

gnement est parfois de réconfort, quel est vraiment le rôle d’un professeur de vio-

loncelle? « Le rôle de toute rencontre :déclencher un éveil fondateur d’évolu-tion. Les missions culturelles se succè-dent avec des transformations qui modi-

fient davantage les décrets que la justessedes gammes ou le Concerto deSchumann… En dépit des aspects positifsde ces mutations, on continuera de ren-contrer la liberté du jeu musical par larigueur. Ce n’est pas toujours en rassu-rant un élève qu’on lui rendra l’appren-tissage du violoncelle et le métier demusicien plus accessibles: la confianceest le cadeau du travail patient et intelli-gent. » Par ailleurs, Hélène Dautry neborne pas son enseignement au seul vio-loncelle, elle aborde volontiers avec ses

étudiants les questions générales, «le vocabulaire intime qui nourrit l’imaginai-re indispensable».

 Avec 16 heures d’enseignement à Lille,8 heures à Fresnes, des stages, master-classes et concerts, l’enseignement estdevenu une passion envahissante. « Enva-hissante, mais gratifiante. J’ai la charged’enseigner majoritairement à des élèvesdes niveaux DEM et Perfectionnement. Ils’agit souvent de les préparer aux concours d’entrée des conservatoires

supérieurs de Paris et de Lyon, maisaussi de Londres, Stuttgart, Bruxelles,

Genève, et également de les orienter vers les Cefedem, DE ou autresfilières. J’attache beaucoup d’impor-tance aux rencontres que mes élèves

peuvent faire avec d’autres musi-ciens pour atteindre leurs objec-tifs. La route n’est jamais assezéclairée pour les diriger; ainsi,nous accueillons avec grand bon-

heur au CNR de Lille les phares quesont Philippe Muller, Roland Pidoux,

Jérôme Pernoo et prochainement la pia-niste Hortense Cartier-Bresson, afin depréciser encore que le violoncelle n’estqu’un véhicule de ce voyage sans finqu’est la musique.»  PhT 

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Hélène Dautry une enseignante atypique

Professeur au CNR de Lille depuis dix ans ainsi qu’à l’ENM de Fresnes(94), concertiste et soliste de l’orchestre de Besançon, Hélène Dautrys’attache à concilier ses activités de musicienne avec un enseignementsoutenu. Exercice parfois difficile pour qui veut instiller un peud’humanisme dans le partage de l’exigence artistique.

Le “violoncelle de rue” à pique rétractablede Roger Lanne (2000).

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319 XXIX

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 Vocation: enseignanteMon père ayant été violoncelliste profes-sionnel, j’ai commencé très tôt et très natu-rellement à apprendre le violoncelle. C’estl’un de mes professeurs, Germaine Fleury-Quellier, qui m’a communiqué la passion

de l’enseignement. D’emblée, j’ai su quec’était ma vocation! J’ai suivi normalementmes études au CNR de Rueil-Malmaison,où j’ai eu Jean-Marie Gamard pour profes-seur, puis j’ai passé l’examen d’entrée dansun Cefedem, et j’ai obtenu mon diplômed’Etat en 2000. Parallèlement, j’ai suivi descours d’histoire de l’art à l’université. LesCefedemapportent beaucoup. La forma-tion y est enrichissante, on y fait des ren-contres très intéressantes. La formule de“stagiaire enseignant” m’a permis d’avoirpour tuteurs Isabelle Veyrier et Christophe

Roy qui m'ont fait découvrir l’utilisation durépertoire contemporain dans l’enseigne-ment des premiers cycles. Enfin, j’ai passéle concours du CNFPT et je suis, depuismars dernier, sur la liste d’aptitude.

Les premiers pasJ’ai commencé à chercher un emploi. Unechance! J’ai trouvé rapidement un postedans une école municipale agréée. Uninconvénient: elle se trouvait à 300 kilo-mètres de chez moi (j’habite la région pari-sienne). Quel changement de vie, lors-

qu’on est issue d’un environnementurbain, et que l’on a été formée par lesmeilleurs professeurs, de se retrouver dansune ville de province dont les 15000 habi-tants ne considèrent pas tous que l’accès àla culture est une priorité! Beaucoup

 vivent en milieu rural; ils considèrent lamusique comme un loisir et n’imaginentpas toujours qu’ils doivent suivre les étu-des musicales de leur enfant. Si celui-ci estdoué, mais paresseux ou sans méthode detravail, cela peut être un véritable gâchis.

 Actuellement, j’ai une jeune élève très

motivée, mais qui souffre de difficultéspsychomotrices. Grâce au soutien de sesparents, elle travaille régulièrement etelle s’aperçoit qu’elle progresse. Elle estheureuse.

J’ai donc surtout affaire à des jeunes que je dois suffisamment intéresser pour qu’ilsdeviennent des praticiens amateurs oumême de simples mélomanes.Cela dit, la vie dans une petite ville de pro-

 vince est plus facile qu’à Paris, par exem-

ple. Il existe une réelle demande de la partdes municipalités, et les centres culturelsautres que le conservatoire sont toujoursà proximité. En général, ils sont trèsréceptifs à la réalisation de projets collec-tifs ou interdisciplinaires. Comme on n’apas à passer par de multiples intermédiai-res, les projets peuvent être montés rapi-dement et avec efficacité.

Quatre ans après…Les temps de déplacement étant vraimentexcessifs, j’ai dû chercher un autre emploi.

 Aujourd’hui, je suis employée en Ile-de-France par un syndicat intercommunalqui regroupe 38 communes. J’enseignedans trois des six lieux d’enseignement

installés par ce syndicat. Seule à enseignerle violoncelle, je donne trois heures decours dans chacun de ces lieux, soit neuf heures de cours au total.Comme vous le savez, des séances d’o-

rientation sont organisées à l’entrée auconservatoire pour permettre aux enfantsde découvrir que le piano ou la guitare nesont pas les seuls instruments de musiqueau monde! Il appartient aux professeursde se “vendre” et c’est ainsi que se créent

des classes de violoncelle, de harpe ou declarinette.

Mon enseignementEn cinq ans, j’ai surtout tenu à mener desprojets interdisciplinaires – musique et poé-sie, musique et images… – en utilisant tou-

 jours le répertoire classique. Aujourd’hui, j’aimerais conduire des recherches pluscontemporaines, sur l’invention musicale,l’improvisation, l’écriture…

Mon bilan

Je ne suis pas titularisée et mes neuf heu-res de cours par semaine ne me permet-tent pas de vivre. J’ai actuellement un tra-

 vail complémentaire dans un service dedocumentation musicale, mais moncontrat se termine bientôt. Je cherchedonc à présent du travail. Tout cela faitbeaucoup et me préoccupe.Il faut savoir qu’en comparaison avec lepiano, le chant ou la formation musicale,très peu de postes d’enseignement du vio-loncelle sont proposés dans les établisse-ments spécialisés. Certains professeurs ne

s’en sortent que si, parallèlement, ilsappartiennent à des orchestres, des for-mations de chambre, des ensemblesbaroques ou contemporains. Mais pourqui ne désire qu’enseigner, c’est difficile.Je me demande même si je ne vais pasessayer de changer d’orientation, en cher-chant dans les écoles des postes de coor-dination de projets, de gestion, voire dedirection.

En définitive…Mes collègues me rassurent en m’affirmant

qu’il faut “dix ans”. Dix ans pour se faire saplace, trouver un emploi stable, une titula-risation, un salaire convenable. J’en suis à lamoitié du parcours. Je garde donc espoir!

 Propos recueillis par Michèle Worms

La vie quotidienne

d’un professeur de baseCe jeune professeur enseigne le violoncelle depuis cinq ans. Nantie de tous les diplômes voulus,elle est inscrite sur la liste d’aptitude du CNFPT. Actuellement, elle travaille neuf heures par semainedans trois écoles appartenant à un syndicat intercommunal. Non titularisée, elle s’inquiète de son avenir.

XXX La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

“La leçon de musique”, gravure du 19e siècle. On voitque le violoncelle se jouait encore entre les jambes.

        D        R

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http://slidepdf.com/reader/full/319-lettre-du-musicien-cello-2005 30/39XXXILa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

“L’explosion” des violoncellistes françaisJe pense que nous avons eu la chance d’avoir eu pour modèlesles violoncellistes de légende qui ont succédé à Pablo Casals(“les quatre mousquetaires” que vous citez dans votre dossier),mais aussi une tradition pédagogique avec Maurice Maréchal,

Louis Feuillard, Paul Bazelaire, Gérard Hekking ou JeanBrizard. Ce dernier fut d’ailleurs mon professeur et c’est lui quia créé la classe de violoncelle au CNR de Boulogne-Billancourt.Tous ces grands maîtres et solistes ont apporté un enseignementexceptionnel à la génération suivante, celle des Philippe Muller,Roland Pidoux, Alain Meunier, Michel Strauss, Jean-MarieGamard… La plupart de ces violoncellistes se sont aussi consa-crés à l’enseignement… ce qui explique que nous avons mainte-nant une génération de jeunes violoncellistes pratiquementunique au monde, qui remporte de nombreux prix dans lesconcours internationaux.

Un instrument qui sait évoluer

Comme on le comprend, il ne s’agit pas seulement de techniqueet de virtuosité. La pensée pédagogique et musicale a évolué.Un exemple : l’évolution des critères esthétiques pour jouerBach. Contrairement aux violonistes, les violoncellistes ont trèstôt adopté le style baroque, ce qui a libéré et enrichi l’interpré-tation. C’est la marque d’une curiosité d’esprit, amorcée parMaurice Gendron, mon maître, et portée à maturité parPhilippe Muller ou Christophe Coin. Aujourd’hui, ce sont les

 violoncellistes n’interprétant pas Bach dans un style baroquequi ne sont plus très à l’aise.

La musique doit rester le but, pas l’instrumentJe suis personnellement contre l’hyper-spécialisation trop pré-

coce. Le violoncelle ne doit être qu’un élément du bagage musi-cal. Attention à ne penser qu’à son instrument! J’alerte mes élè-

 ves sur le danger de “l’amour de l’instrument” qui finit par êtreplus fort que celui de la musique elle-même! On finit par faireun choix musical en fonction des possibilités d’interprétationoffertes par l’instrument, et non en fonction de ce que l’on sou-haite exprimer. C’est prendre le monde à l’envers…, quand onn’aurait sûrement pas fait ce choix musical avec un autre instru-ment. J’utilise souvent la formule «Bienvenue au club des vic-times du violoncelle!» et mes élèves savent bien ce que cela

 veut dire. Le violoncelle doit rester un moyen, non un but.

Exprimer son potentiel artistique

L’objet de mon livre Du musicien en général… au violoncelliste en particulier * est de faire mieux connaître les processus d’ap-prentissage de la musique… et non du seul violoncelle. Je cher-che à identifier les causes d’échec dans cet apprentissage. C’estsans doute pourquoi il remporte un tel succès auprès des musi-

ciens, car, quel que soit l’instrument qu’ils pratiquent, les pro-blèmes sont similaires. J’enseigne depuis près de trente ans,essentiellement à de futurs professionnels. Je m’intéresse biensûr aux jeunes talents, mais j’aime aussi particulièrement don-ner une seconde chance à ceux qui ont subi des échecs répétés

et dont le désir est, malgré tout, resté intact. Ils ont souvent étéles victimes du système français qui considère la précocitécomme un critère d’excellence. Je les aide à réparer des dys-fonctionnements et à combler des lacunes pour rendre possibleleur épanouissement professionnel. L’objectif fondamental estbien clair: pouvoir exprimer son potentiel artistique, libéré detoute entrave.  MW 

* Cité de la musique, 2003, 166 pages – 10,06 €

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un violoncelliste “multicordes” Xavier Gagnepain, soliste, membre du quatuor Rosamonde, enseigne actuellement au CNR de Boulogne-Billancourt. Il fait aussi en France et à l’étranger de la formation à la pédagogie et donne des concerts-conférences sur l’art de l’écoute. Il se consacre aussi de manière croissante la direction d’orchestre.Et il a écrit un livre qui est devenu la bible des violoncellistes, mais aussi de beaucoup de musiciens.

 V IOLONCELLE ET JAZZ

Loin d’en être à ses premiers pas, le violoncelle a trouvédepuis longtemps sa place dans le jazz. Pour s’en tenir à

un seul exemple, mentionnons Claude Bolling, l’un des

musiciens les plus réputés dans le monde, dans les

domaines allant du jazz à la musique de film (Borsalino,

Les Brigades du tigre). Il invente une nouvelle forme d’ex-

pression qui fait, sans les déformer, cohabiter les syntaxes

du jazz et du classique. La Suite pour violoncelle et piano

 jazz, écrite pour  Yo Yo Ma, connaît un grand succès aux

Etats-Unis.

De son côté, le contrebassiste et guitariste Paolo Domiani,

directeur de l’Orchestre national de jazz, pratique aujourd’-

hui le violoncelle, à propos duquel il écrit: « Le passage dela contrebasse au violoncelle m’a aidé à imaginer de nou-

velles musiques et des sons différents, même si cela m’a

créé des problèmes techniques (les cordes sont moins

grosses, les intervalles plus réduits…). Dans le jazz, la

contrebasse fait partie des fondements de l’orchestre: elle

est davantage en relation avec la batterie, et s’intègre à la

trame rythmique générale. Mais, en même temps, le vio-

loncelle m’a aidé à sortir de mes habitudes: un archet plus

léger procure plus de dynamisme, il y a davantage de pos-

sibilités digitales ; il est plus facile de produire des accords

de trois sons… Et puis, ayant travaillé la contrebasse six

heures par jour pendant des années, j’étais un peu prison-

nier de certains modèles. Avec le violoncelle, je sortais decertains stéréotypes et je retrouvais la spontanéité que

 j’avais connue avec la guitare» (Le Violoncelle, juin 2002).

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L’Octuor de violoncelles de Beauvais,et les violoncelles “Art 2000” de Roger Lanne.Photo: Jérémie Bernaert

Al’heure où le chômage frappe toutes les professions, lesinstrumentistes, et singulièrement les violoncellistes,ne se trouvent pas réduits à jouer dans le métro et se

 voient offrir des débouchés sous diverses formes d’activités.

Le rêve du solisteIl est naturel qu’à un moment ou à un autre, les élèves envisa-gent une carrière de soliste. L’enrichissement spectaculaire durépertoire du violoncelle et la faveur du public jouent en leurfaveur, mais, naturellement, cette perspective n’est réservéequ’à une minorité, d’autant qu’aujourd’hui, les organisateurs deconcerts ont tendance à pousser les “jeunes prodiges” et à lesabandonner ensuite en faveur de leurs cadets. La nouveautéprend le pas sur la maturité du talent pour des raisons stricte-ment commerciales, les artistes étant considérés aux yeux decertains comme des produits offerts à la mode de la consom-

mation. Ainsi que nous l’ont fait remarquer des violoncellistesaussi réputés que Roland Pidoux ou Alain Meunier, «de nos

 jours, la difficulté, c’est de durer ». Certains y parviennent àforce de talent, de ténacité et d’imagination.

D’abord, l’orchestreDieu merci, les jeunes ont aujourd’hui la possibilité de s’initierà l’orchestre dès leurs débuts dans les conservatoires. EnFrance, depuis une vingtaine d’années, on a vu se développernombre d’orchestres dans les régions, mais ceux-ci n’offrent pasd’emploi à tout le monde, et les candidats sont nombreux. En

attendant de trouver leur place dans des formations françaises,ils auraient cependant intérêt à examiner les appels d’offre pro-

 venant d’orchestres étrangers, et singulièrement européens, où

nos compatriotes sont d’autant plus appréciés que l’école fran-çaise de violoncelle continue à jouir d’une grande estime: unnombre non négligeable d’entre eux se déclarent heureux des’expatrier momentanément, par exemple en Allemagne, aux Etats-Unis, voire en Asie, où la demande reste forte (voir le siteInternet www.musicalchairs.info).

 Ajoutons que des violoncellistes peuvent devenir chefs d’or-chestre, comme Mstislav Rostropovitch! Par ailleurs, c’est un

 jeune violoncelliste de talent, Lionel Bringuier, qui a remportéle Concours de chefs d'orchestre de Besançon en 2005.

 Autre piste: la musique de chambreDepuis que ProQuartet a ressuscité le quatuor à cordes en

France, on a vu s’épanouir un nombre important de formationsde ce type, qui avaient pratiquement disparu de notre paysagedepuis la Seconde Guerre mondiale, et, dans les conserva-toires, les classes de musique de chambre offrent un enseigne-ment particulièrement apprécié de beaucoup d’élèves, qui ydécouvrent une vocation. Le magnifique répertoire de triosouvre également des perspectives passionnantes, illustrées,entre autres exemples, par le succès du Trio Wanderer, qui

 joue et enregistre partout dans le monde. Et si le piano demeu-re l’instrument le plus répandu, d’autres, comme la guitare, lebandonéon, la harpe, la clarinette, l’orgue, la voix… se marient

avec un bonheur particulier avec le violoncelle. Une quantité de violon-

cellistes ont ainsi contribué à déve-lopper ou à créer des œuvres magni-fiques, même si, en musique dechambre, le travail quotidien en vaseclos avec un nombre réduit de parte-naires nécessite des qualités de convi-

 vialité particulières.

Du baroque à la lutherieSignalons aussi que la pratique du vio-loncelle baroque constitue un domainemoins encombré, où les perspectivesde carrière demeurent très ouvertes.

le violoncelle

Perspectives professionnellesLes classes de violoncelle françaises et étrangères n’ont probablement jamais accueilli autant d’élèvesqu’aujourd’hui. Si la majorité d’entre eux se cantonne à la pratique amateur, un nombre non négligeable,

cependant, envisage de devenir professionnel. Quelles sont leurs perspectives d’avenir?

XXXII La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

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 Violoncelle seulBach : 6 Suites

Nicolas Bacri : 4 SuitesLuciano Berio : Les mots s’en

sont allés (1978). Sequenza XIV

Bloch : 3 Suites for solo cello

(1956–57)

Britten : 3 Suites (1964, 1968,

1974) ; Tema Sacher (1976)

Cage : One (1991)

Régis Campo : Epiphanie (1996)

Elliott Carter : Fragment I (1994) ;

Fragment II Remembering

Mr. Ives (2001)

George Crumb : Cello Sonata

(1955)Dallapiccola : Chacone,

Intermezzo, Adagio

Henri Dutilleux : Trois Strophes

sur le nom de Sacher (1982)

Pascal Dusapin : Item (1985) ;

Invece (1991)

Florentz : L’Ange du tamaris

Alexandre Gasparov :

Nocturne (1994); Impressions

d’Yver (2002).Ginastera : Punena n°2 op. 45

Sophia Goubaïdoulina : Dix 

Préludes (1974)

Paul-Ben Haim : Moderato ;

Rather fast, lively; Slow

Jonathan Harvey : Curve with

Plateaux for Helen Verney (1983) ;

Three Sketches (1989)

Hans Werner Henze : Sérénade

(1955)

Hindemith : plusieurs sonates,

dont compris l’op.25

Ibert : Etude-caprice pour un tombeau de Chopin (1949);

Ghizlarzana (1950)

Jevgenij Irsai : Seguidilla

Jolivet : Suite en concert (1966)

Mauricio Kagel : Unguis

incarnatus est

Khatchatourian : Sonate-fantaisie

Kodály : Sonate op.8 (1915)

Jozef Kolkovic : Time and

distanceMirko Krajci : … And to dust you

shall return (1991)

Krenek : Suite op.84

Thomas Lacher : Seiten (4)

(1998)

György Ligeti : Sonate

(1948-1953)

Mainardi : Sept Préludes (1966)

Marcel Mihalovici : Sonate

(1951)

Tristan Murail : Attracteurs

étranges

Krzysztof Penderecki : Capriccioper Siegfried Palm; Per Slava

(1986); Divertimento (1994)

George Perle : Sonate (1947)

Laurent Petitgirard : Hamelin

avec récitant (1984)

Prokofiev : Sonate op.133

(achevée par Blok)

Reger : 3 Suites (1915)

Esa-Pekka Salonen : Yta III

(1986)Sauguet : Sonate (1957)

Scelsi : Voyages (1985)

Schnittke : Klingende Buchstaben

(1988); Improvisation (1993)

Bright Sheng : Seven Tunes

Heard in China

John Tavener : Chant

B. Tchaïkovski : Suite

A. Tcherepnine : Suite op.76

Tortelier : Suite en ré mineur 

(1944)

Walton : Passacaglia (1980)

Xenakis : Nomos alphaYsaÿe : Sonate op.28 (1924)

Zimmermann: Quatre études

brèves (1971)

 Violoncelle et pianoEugénie Alecian : Sonate

Charles-Valentin Alkan : Sonate

de concert op. 47

Nicolas Bacri : Sonate op.32

Barber : Sonate op.6 (1932)

Beethoven: 5 Sonates

(1796-1815)

Boccherini : nombreuses sonatesBoëllmann : Sonate op. 40

Borodine : Sonate

Brahms : Sonates op 38 (1862-5)

et op 99 (1886)

Bridge : Sonate (1913-17)

Britten : Sonate (1960-61)

Caplet : Elégie; Six 

improvisations sur le pain

quotidien

Elliott Carter : Sonate (1948)

Robert Casadesus : Sonate

op.22 (1935)

Jacques Castérède : SonateChaporine : Elégie; Cinq pièces

op.25

XXXIV La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Hommage à Anton Webern - © Ingi

Le répertoire pour violoncelleSans prétendre être exhaustifs, nous énumérons ci-dessous quelques œuvres, renommées ou moins

connues, écrites pour violoncelle seul, avec piano et avec orchestre. Nous n’oublions pas non plus la

littérature pour ensembles de violoncelles, qui connaît aujourd’hui un regain d’intérêt avec de nombreu-

ses commandes passées à des compositeurs de toutes esthétiques.

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Chausson : Pièces op.39

Rodion Chedrine : Sonate

Chopin : Sonate (1845-46);

Introduction et Polonaise brillante

op.3

Chostakovitch: Moderatoen la mineur (1934);

Sonate op.40 (1934)

Debussy : Sonate (1915)

Delius : Sonate (1916) [3]

Jörg Demus : Amour op.21;

Nuit d’étoiles op.14; Sonate en

do mineur op.35 “Il Tramonto”;

Sonate poétique op.8

Denisov : Sonate (1971)

Dohnányi : Sonate; Ruralia

Hungarica op.32d

Antoine Duhamel : Sonate

Duparc : Sonate (1867)Jean-Louis Duport : Nocturne n°3

Enesco : Sonates op.26 n°1, n°2

Thierry Escaich : Nocturne (1997)

Fauré : 2 Sonates

(1917 et 1921); Elégie,

Après un rêve et autres pièces.

Armando José Fernandes :

Sonate (1943)

Alexandre Gasparov : Sonate

brève

Ginastera : Pampeana n°2

op.21 ; Sonate (1979)

Gretchaninov : Sonate op.113

Grieg : Sonate op. 36

Sophia Goubaïdoulina : In Croce

Georges Gurdjieff : Pièces pour violoncelle et piano

Heinrich von Herzogenberg :

Duo op. 12; Légendes op.62

Hindemith : 3 Sonates

(1919, 1942, 1948);

Capriccio op.8 n°1

Huber : 4 Sonates

Hummel : Variations en ré mineur 

op.54 (1810-14); Sonate en la

majeur op.104 (1824-27)

D’Indy : Sonate (1924); Lied

Ireland : Sonate (1923)

Janacek : Presto en mi mineur ;Pohadka (le conte)

Kabalevsky : Sonate (1962)

Kapralova : Ritournelle op.25

Tikhon Khrennikov : Sonate

(1989)

Kodály : Sonatine (1904/1922);

Adagio (1905); Sonate (1909)

Koechlin : Sonate (1917)

Ladislav Kuprovic : Huit Danses

de Pannonia; Sonates (3)

Lekeu : Sonate

(achevée par d’Indy)

Liszt : Elégies (2); Romance

oubliée (1880); Schlumerlied im

Grabe (1874)

Magnard : SonateMarcello : 12 Sonates

(années 1730)

Martinu : Ariette H.188b (1930);

4 Nocturnes H.189 (1930) ;

Pastorals (1930) ; Suite miniature

H.192; 3 Sonates (1939, 1941,

1952); Arabesque

Mendelssohn : 2 sonates (1828

et 1842); Assai tranquillo

Myaskovsky: 2 sonates

(1911 et 1948)

Onslow : Sonates op.16

Paray : Sonate (1921)Arvo Pärt : Spiegel im Spiegel

(1978)

Pfitzner : Sonate op.1

Pierné : Sonate (1919)

Pizzetti : Sonate (1921)

Poulenc : Sonate (1948)

Prokofiev : Ballade op. 15;

Mélodies op.35 ; Sonate (1949)

Rachmaninov : Sonate (1901)

Reger : Sonates op.5, 28, 78, 116

Ridky : Sonate n°1 op.2 (1923)

Ries : 3 sonates

Röntgen : Sonate op.3

Ropartz : 2 sonates

Roslavets : Méditation ;

Sonates n°1 et n°2Rubbra : Sonate (1946)

Rubinstein : 2 sonates (1855 et

1857); Trois Pièces op.11/3

Saint-Saëns: 2 sonates

(1872 et 1905); nombreuses

pièces, dont Le Cygne

Schnittke : 2 sonates (1978 et

1993); Musica nostalgica

Schubert : Sonate Arpeggione

Schumann : Fantasiestücke

op.73; Cinq Pièces dans le style

populaire op.102

Valentin Silvestrov : SonateSkalkottas: Largo (1939-43);

Boléro (1948-49); Sérénata

(1948-49) ; Tender Melody

(1948-49); Sonatine

Sluka : Sonate (1956);

DSCH à la mémoire de

Chostakovitch (1976);

Une cage pour le rossignol

(1986) ; Compositions (2)

(1986-89)

XXXVLa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

Catalogues gratuits sur simpledemande.

Breitkopf Härtel

Pour le Violoncelle :

Les Editions « Urtext »avec Jaap ter Linden et Heinrich Schiff 

et la « Cello-Philharmonie »

Johann Sebastian Bach

Six Suites BWV 1007–1012pour violoncelle seul

éditées par Kirsten Beißwenger

avec une introductionpar Jaap ter Linden

et avec le fac-similé du manuscritd’Anna Magdalena Bach

Réf. EB 8714

Carl Philipp Emanuel Bach

Concerto en la mineur Wq 170edité par Ulrich Leisinger

Partition et matériel d’orchestreRéf. PB/OB 5502

Réduction pour violoncelle et pianoRéf. EB 8776

Robert Schumann

Concerto en la mineur op. 129edité par Joachim Draheim

Partie solo avec annotationsde Heinrich Schiff

Partition et matériel d’orchestreRéf. PB/OB 5282

Réduction pour violoncelle et pianoRéf. EB 8597

Cello (Phil-)Vielharmonie

12 pièces faciles et moyennespar M. Praetorius, Phalèse, Purcell,Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert,Flotow, Sibelius et d’autres

pour 4 et 5 violoncelles (et plus)

arrangées par Roswitha Bruggaier

Réf. KM 2288

Antonín Dvor `ák

Concerto en si mineur op. 104edité par Joachim Draheim

Partie solo avec annotationsde Heinrich Schiff

Partition et matériel d’orchestreRéf. PB/OB 5290

Réduction pour violoncelle et pianoRéf. EB 8696

22, rue Chauchat / 75009 ParisTél. 01.48.01.01.33 / Fax [email protected]

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Chostakovitch: Concertos n°1

op.107 (1959), n°2 op.126(1966)

Davidov : 4 Concertos

Delius : Concerto (1921)

David Diamond : Kaddish (1987)Henri Dutilleux : Concerto Tout

un monde lointain (1970)

Dohnányi : Konzertstück op.12 in

ré mineur 

Pascal Dusapin : Concerto

(1996)

Dvorák : Concerto op.104, B.191

(1894-95); Polonaise, B.94;

Rondo, op.94, B.181 (1893) ;

Silent Woods op.68/V, B.182

Elgar : Concerto op.85 (1918-19)

Enesco : Symphonie concertante

op.8 en si mineur (1901)Jindrich Feld : Concerto; Partita

concertante (1990)

Feldman : Concerto (1972)

Florentz : Le Songe de Lluc Alcari

op.10

de Frumerie : Concerto op. 81

(1984)

Renaud Gagneux : Triptyque

(1990-93)

Ginastera : Concertos n°1 op. 36

(1968) et 2 op.50 (1980)

Glazounov : Concerto-ballata

op.108 (1931)Glière : Concerto op. 87

Goltermann: Concerti

Sofia Goubaïdoulina : Concerto

n°2

Alexander Gretchaninoff :

Concerto op.8

Heinz-Karl Gruber : Concerto

Pelle Gudmundsen-Holmgreen :

Pour violoncelle (1994-96)

Cristobal Halffter : Concerto n°2

“No queda mas que el silencio”

Haydn : Concertos n°1 en do

maj. (1765) et en ré maj (1783)Herbert : Concerto n°2 op. 30

Philippe Hersant : Concerto

(1989)

Hindemith : 3 concertos

Holst : Invocation

Honegger : Concerto (1934)

Hovhaness : Concerto op. 17

(1936)

Ibert : Concerto (1925)

Yun I-sang : Concerto

Jolivet : 2 concertos (1962,

1967)

Jongen : Concerto op. 18Giya Kancheli : Simi

Kabalevsky : 2 concertos

(1948 et 1964)

Kelemen : Changeant

Aaron Jay Kernis : Air; Colored

fields; Musica celestis

Khatchatourian : Concerto op. 65

(1946); Concerto-rhapsodie

op.99 (1963)

Klengel : 4 Concerti(1880 à 1903)

Knipper : Concerto-monologue

pour violoncelle, sept cuivres etdeux caisses claires (1962)

Kokkonen : Concerto (1969)

Korngold : Concerto op.37

(1946)

A. Kraft : Concerto op.4 ;

Concerto en ut “Seydel”

N. Kraft : Polonaise op.4

Krenek : Capriccio op. 145;

Concertos n°1 op.133,

n°2 op.236Lalo : Concerto (1876)

Lekeu : Larghetto

Levitin : Suite pour violoncelle et

orchestre de chambre

György Ligeti : Concerto

Lutoslawski: Concerto

(1969-70); Grave,

métamorphose pour violoncelle

et orchestre de chambre

Martinu : Concerto n°1 (1930),

n°2 H.304 (1944, 1945);

Sonata di camera

MacDowell : Romance op.35Malipiero : Concerto (1937)

Martin : Concerto (1965, 1966) ;

Ballade

Gian Carlo Menotti : Fantaisie

Milhaud: 2 concertos (1935,

1945); Suite cisalpine sur des airs

populaires piémontais op.332

Monn : Concerto en sol mineur 

Myaskovsky: Concerto op. 66

(1944)

Nabokov : Prélude, 4 variations

et finale sur un thème

de TchaïkovskiNosyrev : Concerto (1973)

Offenbach : Concerto militaire

Ohana : Concerto (1990)

Arvo Pärt : Concerto

Krzysztof Penderecki : 2 concertos

(1967/1972 et 1982)

Laurent Petitgirard : Concerto

(1994)

Tobias Picker : Concerto (1999)

Popper : 2 concertos

(1861, 1880); Rhapsodie

hongroise op.68

Prokofiev : Concertos op.58,op.132 ; Symphonie concertante

(1950-52)

Reicha : Concerto op.4 n° 1

en ré majeur 

XXXVIILa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

La Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

Boosey & Hawkesprésente les nouveautésde l’automne 2005

pour violoncelle

Offenbach Edition Keck

Jacques Offenbach

Cours méthodiquepour deux violoncelles, op. 49

Edité par J.-Chr. Keck et C. Tricoire

Dans le cadre de la OEK, voici le premierd’une édition en six volumes des duos

progressifs pour deux violoncellesop. 49-54 de Jacques Offenbach.Offenbach, lui-même un virtuose de cetinstrument, créa ces compositions quisont à la fois une méthode de la technique du violoncelleet du jeu en duo. Pour les amateurs et les concertistes.Les deux parties sont sur le CD d’accompagnement.Elles peuvent être entendues ensemble ou séparément.

Edition avec CDDifficulté: 2ISMN M-2025-2238-7 · BB 2238€ 24,95

Ignace Pleyel

Concertospour violoncelleet orchestrePremière édition du texte original

Edité par P. Szabó

Les cinq concertos pour violoncelle dePleyel sont restés injustement dansl’ombre de ceux de son contemporainJoseph Haydn. Dans son apport person-nel au genre, qui appartient à son travail de plus haut niveau,Pleyel séduit une fois de plus par son originalité et l’aimablenoblesse de sa musique.Partitions et matériels en location.Les concertos n° 3, 4 et 5 paraîtront en 2006.

Concerto n° 1 en do majeur Violoncelle et piano

Difficulté : 4ISMN M-2211-2091-5 · EE 5301€ 14,95

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est distribué exclusivement par

Schott Musik International

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QUELQUES CONCOURS INTERNATIONAUX 

 A LLEMAGNE Pablo-Casals, Kronberg (2008)

J.-S.-Bach, Leipzig (juillet 2006)

CHILI Dr.-Luis-Sigall, Viña del Mar (novembre 2006)CROATIE  Antonio-Janigro, Porec (janvier/février 2006)

ETATS-UNIS Barletta (avril/mai 2006)

Concert Artists Guild (février/mars 2006)

Stulberg, Kalamazoo (mars 2006)

Washington (mai 2006)

FINLANDE Paolo, Helsinki

FRANCE Rostropovitch, Paris

Ville-d’Avray (mars 2006)

Ensembles de violoncelles, Beauvais (mai

2006)

ITALIE Lorenzo-Perosi, Biella

Barletta (avril-mai 2006)

NOUVELLE-ZÉLANDE Adam, Christchurch (juillet 2006)

POLOGNE Lutoslawski, Varsovie

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Prague Spring, Prague (mai 2006)

Janacek, Brno (mai 2006)

ROUMANIE George-Enescu, Bucarest

RUSSIE Tchaïkovski, Moscou

Concours de lutherie et archeterieConcours Vatelot-Rampal, Paris, Cannes, Aix-les-Bains

XXXIXLa Lettre du Musicien - 1re quinzaine de novembre 2005 - n°319

le violoncelle

La liste ci-dessous, loin d’être exhaustive, se limite– arbitrairement – aux ouvrages en langue françaiseparus après 1970.

Blum, David: Casals ou l’Art de l’interprétation,

Paris, Buchet Chastel, 1980.

Corredor, J.M., Conversations avec Pablo Casals,

Paris, Albin Michel, 1982.

Coscet, Bruno: Dix ans avec le violoncelle, P. Gabart, 2003.

Daups, Michel: Le Violoncelle en France de 1804 à 1915,

Diss, Aix-Marseille, 1975.Gagnepain, Xavier: De la musique en général au violoncelle

en particulier , Cité de la musique, 2001.

Godeluck, Armelle: Le Violoncelle, Livres Jeunesse, 1998.

Grimmer, Walter : Maurice Gendron, l’art du violoncelle,

Schott, 2002.

Lambert, Alain: Maurice Maréchal, la voix du violoncelle,

éditions Papillon, Suisse, 2003.

Maréchal, Maurice, Durosoir, Lucien : Deux Musiciens

dans la Grande Guerre, Tallandier, 2005.

Milliot, Sylvette: Le Violoncelle en France au 18e siècle,

Lille, 1981.

Milliot, Sylvette: Entretien avec André Navarra, Béziers, 1991.

Penesco, Anne: Les Instruments du quatuor ,Paris, La Flûte de Pan, 1986.

Tortelier, Paul: Autoportrait , Buchet Chastel, Paris, 1982.

Vézina, Lyse: Le Violoncelle, ses origines, son histoire, ses

 interprètes, Editions Varia, Montréal, 2003.

Wiederker, Jacques : Le Violoncelle contemporain,

Paris, L’Oiseau d’or, 2004.

Indications

bibliographiques

LE VIOLONCELLE SUR INTERNET

Quelques sites…Cello Heaven<www.celloheaven.com>

Internet Cello Society <www.cello.org>

 Association française du violoncelle<www.levioloncelle.com>

 Violons et violoncelles baroques<http://perso.wanadoo.fr/festesdethalie/violoncelle.html>

Le violoncelle<http://perso.wanadoo.fr/uci/sommaire/ 

00sommaire%20violoncelle.htm>

Le Violoncelle & le Loup

<http://violoncelle.isuisse.com/IV/DossierAcoustique.pdf>Ecole nationale de lutherie de Mirecourt<www.ac-nancy-metz.fr/pres-etab/ 

vuillaume/poirot/1slorraine/lutherie>

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L’Association française du violoncelle(AFV)

Présidents d’honneur:

Janos Starker, Maud Tortelier, Etienne Vatelot

De 1924 à 1933, une association a publié en France un bul-

letin où l’on peut lire de passionnants articles consacrés au

violoncelle et aux violoncellistes de l’époque.

Mais, depuis les années 1930, rien de tel n’existait plus dans

notre pays, contrairement aux Etats-Unis, où beaucoup de

 jeunes violoncellistes sont allés se perfectionner dans la clas-

se de Janos Starker, prestigieux professeur installé à Bloo-

mington, dans l’Indiana. C’est sous l’impulsion du maître que,

encouragés par des professeurs comme Philippe Muller, plu-

sieurs de ces anciens stagiaires français ont décidé en 2001

de créer l’Association française du violoncelle (AFV).

 A ce jour, plus de 800 violoncellistes professionnels ou ama-

teurs, professeurs, étudiants, luthiers, archetiers, composi-

teurs et mélomanes ont adhéré à l’AFV et contribuent à ali-

menter la revue trimestrielle Le Violoncelle ainsi qu’un site

internet (www.levioloncelle.com) où ils ont la possibilité d’é-

changer des idées et des informations, de lire des articles,

de passer des annonces, de trouver des bulletins d’adhésion

et d’accéder à une cinquantaine de liens avec d’autres sites

français ou étrangers.

Depuis sa création, l’AFV, qui tient régulièrement un stand

à Musicora, a également participé à l’organisation de col-

loques, de master-classes, de concours, de concerts, etc.En novembre 2005, en collaboration avec l’Association pour

la création artistique (ACDA), elle a pris l’initiative de réunir

des jeunes élèves des conservatoires municipaux de Paris

qui joueront devant les membres prestigieux du jury du

Concours Rostropovitch. Quelques jours plus tard, l’AFV

participera à l’organisation d’un colloque consacré à l’a-

coustique du violoncelle au cours duquel interviendront des

chercheurs du CNRS, un luthier, un archetier et des violon-

cellistes: cet événement se déroulera au conservatoire de

Bourg-la-Reine (92) et sera clôturé par une série de concerts

dans des écoles de la banlieue parisienne.

Parmi ses projets, l’AFV a l’intention de célébrer en 2006 à

Lyon le centenaire de Pierre Fournier, puis d’organiser enFrance une rencontre internationale de violoncellistes, comme

il en existe aux Etats-Unis (The World Cello Congress), en

 Allemagne (à Kronberg), au Japon ou à Manchester.

ODILE BOURINMéthode de Violoncelle

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VIENT DE PARAITRE

Vol. 2

114 pagesreliure spirale

Réf. 26825  - 25  

Jean-Marc ALLERME

Quelques pièces jazzy,classiques ou de variété.

Le CD permet de jouer en

play-back.

15 pièces dans chaque volume

3 volumes progressifs

chaque

livre + CD inclus - 24  

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