31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

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. D'HISTOIRE DES R-ELIGIONS . ) . BIBLIOTHEQUE DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE , ! TRA VAUX DE L'ANNEE SOCIOLOGIQUE PUBLIES LA DIRECTION DE M. E. DURKHEIM ----, MELANGES PAR H. HUBERT ET M.MAUSS Directeurs adjoints a rEcole pratique deli Bantes Etudes. DE QUELQUES nEBULTATS DE LA SOCIOLOGIE RELIGIEUSE LE SACRIFICE L'ORIG,INE DES POUYOUIS MAGIQUEB 'LA' BE.PRESENTATION,DU TEMPS -PARIS FELIX ALCAN, EDITEUR LIBRAIlUES FE[IX ALCAN ET GUlJiLAUMIN RlJUNIES 108, BOULEV-!,1\D, SAINT-GER.MAIN, '{'OS 1909

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.D'HISTOIRE DES R-ELIGIONS

. )

. BIBLIOTHEQUE

DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE,

!TRA VAUX DE L'ANNEE SOCIOLOGIQUE

PUBLIES ~OUS LA DIRECTION DE M. E. DURKHEIM

----,

MELANGES

PAR

H. HUBERT ET M.MAUSSDirecteurs adjoints a rEcole pratique deli Bantes Etudes.

DE QUELQUES nEBULTATS

DE LA SOCIOLOGIE RELIGIEUSE

LE SACRIFICE

L'ORIG,INE DES POUYOUIS MAGIQUEB

'LA' BE.PRESENTATION,DU TEMPS

-PARISFELIX ALCAN, EDITEUR

LIBRAIlUES FE[IX ALCAN ET GUlJiLAUMIN RlJUNIES

108, BOULEV-!,1\D, SAINT-GER.MAIN, '{'OS

1909

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PUBLIES SOU8 LA DIRECTION DE

E. IlURKHEIM

. FELIX ALCAN, EDITEUR

II

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M·MAUSS

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1909

lVIELANGES

TollS droils de LraducLion el de reproduction rcservCs.

DE'QUELQUES RESULTATS

DE ,LA SOC-IOLOGIE RELIG1EUSE

-,I.E SACRIFICE

'L'ORIGINE DBS POUVOIRS l\'[AGIQUES

LA REPRESENT~TTON DU TEMPS

H. HUBERT' ET

TIlAVAUX DE L'A.NNEE SOCWLOGIQUE

PUBLlJ~'S .soas LA DIRECTION DE JlI. E. DURl1HEI1l1

Direcleurs-~djoints a. I'Ecole pratique d~s Uaut~s Etudes

PARISFELIX ALCAN, EDITEUR

LIBRAIRIES FELIX ALCAN ET GUILLAUMIN RI~UNIES

fOB, BOULEVARD SAINT-GEBMAIN, lOB'

D'HISTOIRE DES RELIGIONS

"

par C.llOUGLE, proIcsseur deToulouse, charge d'un COllrs it•..•.....• -. 5 (1'. »

Essais sur Ie regime des castes,philosophie soclale iJ. I'Universite de.16. Sorboone. 1 voL in-8o . . . . .".

L'ANNEE SOCIOLOGIQUETOME I (L896-18:17)_ - DURKHEUI : La prohibilioo: de I'inceste et ses

origines. ---..,. G. SIM~IEL : Comment les formes sociales se maintienneriL- Analy~es des trll.vaux:de sociologie,'publies du18~ Juille,t 1896 au30 luin 1897 " _ : 10 fl'. »

-TOllE II (1891-1893). - DURKIIELU : De Ia definition des phenomflOesl'eLigieux. - HmlRR'r et MAuss: La nature et Ill. Iauction du sacrince.- Analyses " " .. " . 10 fl'. »

TOME'III (189S-fS9!.!). - n.-\.TZEL : Le, sol, Ill. societe, .l'Etat. - Rr~HA.RD:Les crises sociales et In criwinalite. '- STF.INlIETZ : Classificationdes tYl)eS sociaux. .:..... Analyses ',' . .'. . . . . . . .. 10 fr.

TOME. IV (1899-1900),- BOUG-LE :·Remarques sur Ie regime d~.s castes .....,... DURKHEUI ; Deux lois de l'evoLution penll.le._ - CHAmIONl': Notessur Ies causes d'extindioh de 10, proprietecorporative _ Ana~

l-yse6:" . . ~ . " ' ' to fl'. l)

TOME V (1900-HI01), .....:.. F. 'SUIIANIl : nemarques, Bur les variatIons duprix du charbon au J!,:IXO siecl!?: - DURKHRIU Sur Ie Totemisme. _Analyses . .. .................'... 10 fl'. »

TOllE VI (1901-1902). - DURKIIEIM et J.lf1A.uss·: De quelque's formes pri­mitives de classification. Contribution a l'ettIde des representations

,collectives. - BOUGLE : Les theories recentes sur Ia division dutravail. -Analyses. . . . . . . . . . . .. 12 Ir. 50

TOllE VII (1902~1903). - HUBERT et MAU$S : Theorie generalede lamagie. - Analyses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . ,f2 fl'. 50

TOME VUI (i90J-i90i). - H. BOllRtlIN : ILa boucherie Ii. Paris au XIXo _si~cle.----'E. DURKElEIM : L'ol'ganisation matrllDoniale australienne.Analyses . . , . . . 12 Ir. 50

TOllE IX (1904·1905). - A. MEILLET·: Comrnent les noms changen~ desens. - l\boss et BEUCIIAT : Les variations 'saisonnicres des societeseskimos. - Analyses. . . . . '. 12 Ir. 50

TOME X (1905-1906). - P. HtJVELIN : Magie at droit individueL '---.­R. HEn'rz: Contribution Ii. uneJitude sur 10, representation collectivedolo. mort. - C. BOUGLE : Note sur Ie droit et 10, caste en lode. _Analyses. . '. 12 fr. 50

TOME XI" (juillet 1906 a. juillet i909)., _ 1 fort voL in-So, puhlie somIa direction de M. E. DURKHEIM, (Pm'aUI'a en janviel' 1910.),'

TRAVAUX .DEL'ANNEE SOCIOLOGIQUE

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. t·

Melanges d'Hisloire des Religions, par MM. H.HUBEJlT et M. MAUSS, directeurs-adjoints a l'Ecoledes Hanles Eludes. I vol. in-8" de la Bibliotheqllede Philosophie Contemporai!!e, 5 fro (Felix Alcan,edilenr.)

Dans ce deuxieme volume des travaux de l'An­nee Sociologique dirige par M. Durkheim, lesauteurs ont relini trois Memoires, fragments derecherches systematiques sur l'ensemble des phe­nomenes religienx.

Le: premier consiste dans une theorie generaledu Sacrifice. ·Par nne analyse rigoureuse des prin­cipanx pro cedes suivis en particuLier a, Jerusalemjet dans Ie ritnel vedique, on arrive a donner ladefinition du sacrifice et amontrer comment il apu donner naissance a toutes sortes de rites et aumythe du sacrifice du Dieu. Entin, on montre.comment, grace it son caractere social, l'intuitiondes sacrifices a pu exister et fonctionner.

Le second travail traite un point particulier desphenomenes de la Magie, l'Origine des PouvoirsMagiques. L'individu ne se les arroge que parceqll"il croif les recevoir d'autres que de lui-meme,sous l'effet de suggestions collectives.

Letroisieme memoire porte sur l'ldie de Tempsdans la Religion ~t dans la Magie. 11 a pour butd'appliquer les procedes d'analyse sociologique itl'une des categories de l'Entendement Humain.On y etablit que certaines formes que prend cetteidee dans Ie calendrier, la mythologie, Ie systemedes fetes ne sont rendue.s possibles que par lapresence de la societe.

L~introduction it ces trois memoires, intitulee- :De quelques Ris}lltats d.J la Sociologic Religiellse,montre I'unite de ces travaux; Ie plan qui les ainspires repond aux' principales . objections quiont ete faites aux theories soutenues, et donnedes precisions sur]a portee et les pri-ncipes de lascience comparee des religions .

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·- .~

PREFACE-

Nons reimprimons dans ce volume troIS de nos- travaux.Le premier seul a para sous' nos deux noms rlmnis 1. Enraison de circonstances parLiculieres, les deux autres neportent quiune seule signature l , Tous ,Ies trois sont nean­moins-Ie fruit d'une m~me collaboration.

Bien que ces trois memoires traHent de sujets forts difte­rents, ils ont leur unite. Un certain nombred'idees direc-,trices les dominent. Des maintenant nous devons montrercorn-ment s'enchainent les travaux que nous avons publieset dans quelle mesure Hs cuntl'ibuent a l'execution de notreplan, En meme temps. nous repondrons a quelques-unesdes objections qlli nous ont Meadressees.

I

LE SACRIFICE

La premiere question que nous eumes a nous poser encommun concernait Ie sacrifice,,

L H. Hubert et M. Mauss, Essai SUl' la nature et La (onetion socialedu sac1'ijiee, Annie sociologique, t. II, :1899, p. 20·138.

2. M, Mauss, L'origine des pouvoirs ma,qigues dans les societis austra­liennes, etude analyl-ique et crilifJue de documents ethnographiques,Ecole pratique des Hau~es Etudes, Section des Sciences religieuses,'Paris, HIOl. p. 1-55, - H. Hubert,-Elude 8ommai1"e de la 1'epresentationdu temps dan,~ la 1'el,igion et dans la magie, Ecole pratique'des HautesEtudes, Section des Sciences religieuses, Paris, t905, p. 1-39.

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......

1. Robedson Smith, Religion o{Semites, Burnett Lectures, 1.8 edition4.890, 2· -edition 1894. - .

2. G. I)'ra:ter, Golden Bough, ,it. edition~ 1890 (seule cUee (Ians Ie me­moire sur Ie Sac~'ifice, publie plus loin); 20 edilion, 1900J seule cUeedans le.s autres memoires et daDS acHe pr8face.

3. Nous donnoils plus loin (Sacrifice, -p.- 46','n. i) quelques refe­rences quirenseignent sur Ie rattachement des psaumcs rituels au cultedu templ-e: '

4. Sur les Vedas, consideres comme recueils (Jes hymnes et formulesdu' sacrifice, 'voy.plus loin p. 8, n. L cr. Weber Vorlesungen ilbe1"lndische Lilemturgeschickte, p. 9 : c'est il. la_suite de ce savant qui n'aprogressivement cesse .de considerer les Vedafl, Ie lJ.-g Veda en parti­culier, comme des reclieils de mythes mis on verso

1IlPREFACE

taient tont particuli~rementala recherche du mecanismeet de l'efficacited'un rite.

L'etnde des mythes nous amenait aussi it celie du sacri­fice. Nous repugnions a voir dans ceox-ci des maladies duIangage ou des falltaisies dereglees-de I'imagination indivi­duelle. Nous nous mefiions egalement des naturistes, quivoient partout des syinboles, et des animistes, qui voientpartout des reves. Les mytbes nous paraissaient avoir une\faleur pratique-; ils sont empreints de veracite, ~de certi~

tude, de constance. Nous pressentions Ia IQgique de leuragencement etla necessite de leurs tbemes. Or, en r~gle

generale, ils sont commemores dramatiquement dans desfetes, oil la presence de leurs actenrs divins est une pre­sence reeUe; dans no~brede mythes, OU les dieux meurentpour renaitre~ se suicid~nt, se combattent, son t lues parleurs proches pareuts, qui se distinguent it peine d'eux­Iil~mes, sont alterna~ivement victimes et sacrificateufS,l'histoire divine correspond, qneIqnefois expressement, ades sacrifices rituels dout elle justifie tMologiqnement Iacelebration. II fallait done illudier Ie sacrifice pour trouverles raisons qui out impose ces tMmes sacrificieis a I'ima­gination religieuse. Prenant sur Ie fait Ia formation d'untbeme mythiqne nous faisions un pas vers I'explicationgeuerale des mytbes.

Enfiu 1'illude simultanee des themes mytbiques et desth~mes rituels du sacfifice~ DOUS revelant Ie monvementpanillele du mytbe et du rite, nous eciairait en meme tempssnr Ia croyance qui s'attache .au mytbe et snr I'elficaciteattendue du rite. En ellet, Ie mytbe n'est pas Iait seulementd'images et d'idees, Ie rite de gestes volontaires, depen­dants des iMes, mais, de part et d'autre, figurent des ele­

_ments identiques; ,ce-sont les sentiments nombreux et fortsqui se jouent dans Ies sacrifices. L'analyse d'exemplesbienchoisis pouvait, esperions··nous, monti'er ala fois les causes,Ie developpement et les ellets de ces sentiments.

PREFXCEII

. Le probleme de ses origines illait magistralement traitedans Ia Religion of Semites de Robertson Smith '. D'autre­part, M. Fraier 2 avait attire I'attention sur ces in teressantspersonnages, a Ia fois rois, prMres at dieux, qui figurentdans tant de religions et dont la mort ou Ie meurtre perio"dique est un veritable sacrifice, de I'espece que nous appe­lous sacrifice du dieu. Le Golden BOllgh nous ·expliquait la ­na ture et Ia fonction de ces personnages dont il decriWit.une imposante collection. Mais Ies theories de ces auteursnous paraissaient soulever de graves objections et, d'ail­lenrs, les recherches que nous avions entrepr-ises, sur lapriereet 8ll,r les' mythes"nous amenaient anous poser direc-

. tement la question .. Les recueils de prieresles plus considerables dout nous

disposions, Psaumes' et Vedas' tout particulierement, sontformes de prieres normalement attacMes a des sacrifices.

. II y·a plus: Ie principe de toute priere est I'efficacite recon­nue au mot. Or, I'efficacite du mot nons paraissait alors sietroiferoent dependante de celie du rite manuel que, a tortil est vrai, -nous avions peine aconcevoir des prieres qui nefUssent point sacrificielles.En tous pas, pour isoler la partd'efficacite qui revient au rite oral dausun rite complexe,iI nous fallait aualyser celle du rite mauuel. Des sacrifices,comine ceux de !'Inde et d'Israiil, longueinent decritsetcommentes par ceux-Ia meme qui Ies pratiquaient, se pre-

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Nous avons indique dans -l'iIilroduction de notre Essai

Sur Ie sacrifice de quelle fa~on notre theorie se rat tache Iicelle deHohertson Smith. Tont ce qn'il a dit du sa~re, dutabol!, du: pur et de l'impnr, flOns l'avons mis.a profit. Maisnous avaHS repousse SOll explication glmealogique des saeri"fiees. n les faisait, comme onsait, deriver fous de la com­munion lotemique, c'est-a.-dire d'llDe sorte de sacrement aules membres d'un clan totemique communient entre enx etavec leur totem en mangeant ce dernier: tels les Arabes deSaint Nil meltanten pieces et devora~t Ie chameau '. A pre­miere vue, no~s observions que Ie ,sacrifice ue se pratiquaitqne lit au Ie totemisme n'existait pas on n'existait pIns,Nons estimions donc hasardeux d'etablir nn lien de canseIi eHet entre des phennmenes qne nous ne tronvions jamaisaSBacies.

Nons devons anjonrd'hni apporter quelques rectificationsa ce que nous aVOllS ecrU alors du tolemisme et du sacre..,ment totemiqne. Les reserves que nons avons formnlees Iieel egaI'd n'ont rien de commun avec l'horr:eur que ce mot aeveillee chez certains esprits 2 , Nousne connaissions en '1898,de totemisme veritable qn'en Anstralie et dans l'Ameriquedu Nord. Depuis lars, les ethnographes ant mnltiplie lespreuves de son existence' et les raisons de croire asa gene.ralite.

I

1. Rob. Smith, Religion of Semites, p:' 281 sq. 338 sq..2. J ..TouLain, L'Histoi1'e des 1'eligions et Ie Totirri1sme, it propos d'unh.vr~ recent, Revue de l' /liS/oire des Religions, U.108, t. LVII, p. a31. LelWl'e recent est celui de M." Renel, Ct~ltes miUtai1'es de Rome : lesEn.seigT/,es., f90~. ~__ Toutai~ Ie rajeunit en l'appariant au.'l: volumes demel.af,lRes; publies par M. S. Reinach, sous Ie tiLre de Gultes, Mylhes elR~llgwns, a partir de 19U5. l\'l. Tuutain Ip. 350) fait son prolit, sinon desre~erve~ donl nous parlons ici, du mains de celles que l'un de nousafaLte~aIlleurs dans rAnnee .~ociologique (t. IV, p.164). Nous les avonsplusleurs fuis. repetees (Annie'sociologique, t. VIII, p; 234; t. IX, 'p, 2.itl, Note SU1' la nmnenclatul'e des phenomenes1'eligieux). H semblecependant vouloir nous opposer a. nous-meme, au plus exaetemcnt a.notre maUre, M. Durkheim.

,.

L Nous conservons ce mot, bien que sa signification ne soH encorerioo moins que certaine. Cf. Strehlow, Die Aranda-. uucl Loritia ~tii1nme.

I, Mythen und Legenden. Ve1,offtl. Volke1'mHseum, Francfort,:t. Jl, p. 4, n. 5.

2. Spenc'er et Gillen, Native T1'ibes of Centml Australia, 1898. 1 ld., N01'~thern Tribes of Gentml AU3tralia, 1904. cr. Anniesociologiq'llC, t. II,p. 208.215; l. Vlll, p. 2".

3. A mains qu'on ne coIisidere comme en tenant lieu In presentationde I'animal tue, de Ia gl'ailll:l eoneaOiseo, elc., faile par Ies autreOi clans auclan dunt ,c'est 10 totem et qui-,-donoe expressement 180 permissiun d'cnconsommer. Les premiers juueraient Ie, rOle de sacriliants, les aUll'l'S ccluide dieux. Mais, dans celle sorte de culLe rendu par l'humme a. I homruea. quelie distance summes-nous du sacrifice I '

4. J.-G. Frazer, Gold BOllgh, IT, 2& edition, p. 374. 1\L Frazer en don­nail quatre dans 180 premiere edition.

5..: ..M. Frazer avail reproduit un recit lie Cushin-g, My Adventw'es inZUnI, The CentU1'Y Illustmtel( Magazine, 1883, p . .45 sq. Celui~ci n'avl1it

vpnEFACE

De pIns, depnis 1898, on a signale des exemples de cessacrements totemiques reconstitues par Robertson Smith,et doritil avait suppose la praliqne reguliere, par nne hypo­these aussi geniale que faihlemeut londee. A vrai dire, ils serencontrent seulement dans les ceremoniestotemiqu~es, l'esintichiuma i. de quelques tribus de l'Australie cenll;ale;canstates chez les Arnnta', ils mariqnent deja ~hez la plu­part de leurs voisins. Nous somrries donc loin d'avoir Iapreuve de l"universalite de ces rites dans Ie totinnisme.NOllS ne sOmmes p~s" stirs qu'ils soient essentiels au tote-:­misrue in~me et non pas des produits locanx de son evoln­tion_ Remarquons en 'outre que sacrement totemique neveut pas dire sacrifice. Dans la communion totemique il ya bien cousommation d'unaliment saCl'e, mais il y manquedes caraderistiques essentielles du sacrifice: l'oblation,l'attribulion' Ii des etres sacres. Dans Ie sacrement tote­mique Ie pIns camplet qni ait ete ohserve chez les Arnnta .on ne voit pa~ Ie mecanisme entier du sacrifice, '

On no~s parle, il est vrai, de sac:dfices totemiques, maissans en citeI' d'exemples topiqnes. M. Frazer ne nous enpropose plus qn'nn' : Ie sacrifice des tortnes dans Ie pueblode Zuni. Nous pouvons en donner \IDe description pinsexacte qne celle qn'il reproduisait '. C'est un des episodes

••

PREFACEIV

~' ,','

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VIIPREFACE

1. Quoi qu'on ail ccrU Bourke o.l\L Frazer, Golden Bough, 20 edition,t. II, p.375, D. 2.

2. 'Sur l'histoire des clansZuiii, deux clans primaires (devoDus deuxphratries, puis quatI'e clans, puis six, puis dis:-huit (dix-neuf avec Ie clandu milieu}, voy. Durkheim et- Mauss, Essai sm' quelques (OJ'mes primi­Uves de classification, p. 40, sq. Les documents recents de Mrs. Steven..60n confirment, 1lU- del;\ de DOS esperances, tou~e8 nos hypotheses.

. doubles delous les vivants. Or les aucMres habitantles eauxsoutenaines sont egalement les dieux de la pluie; les tor­tues, qui les iDeal'nenL_ sont des animaux de hi pluie. Ce nesont pas des tolems '. Elles ne sont pas Ie totem de la con­frerie des Korlwkshi, qui n'en a p~s; cetteconfrerie serecrute dans tous les clans iudifIeremment if l'oppose descODfreries totemiques qui se recrutent dans des clans deter­mines._Les tortues ne sont pas davantage l'un des dix-neuftotems de Zuiii. L'histoire des totems de Zuni qui nous estme~veilleusementconnue,dans chac~nede leurs s~gmenta- _tions', ne permet m~me pas de supposer que la tortue soitnntotem prehistorique ouJtranger. A moins de soutenirque Ia tortue soit nn-totem exclusivement tribal et -funeraire,ce qui, dans "Ie cas present, n'aurait ni sens, ni raison, IesacrJfice de la.tortne n'est. ~utre chose qu'un sacrifice du

. cultedes aucMres, et un sacrifice du culte dela pluie.Cet exemple, pris ehez Ie peuple oil Ie totemisme a reQu

son plus parfait developpement, moutre qu'i! ne faut pas.parler du totemisllle it la legere. N'est pas totemisme toutee qui paralt I'Mre. Les fortues, daus lesquelles s'incamentdes ancMres et des doubles, ressemblent sans doute a desanimanx totemiques ;, la consommalion de ]a chair de Iiatortue est tout Ii fait comparable Ii une commuuion tote­mique, les formes rituelles et Ie fonds des idees sont ceuxdu totemisme. Et pourtant tout ce culte.appartieDt a deuxautres types de religion, et plus specialement au culle des·dieux de la nature auxquels il est normal qu'on offre dessacrifices. -

Mais chez ces memes Indiens'de Zufii,·nous avons trouveuD.sacrilice dont on pouna dire qu'i! est totemique. C'est

p-nEFACEVI

de la fMe des Korkokshi, c'est-a-dire de l'uue des coufreriesde masques qui personnifient les dieuxpendant lesgrandesfMes gimerales du solsticed'ete i. Les Korkokshi visitentIe « lac des dienx »; au fond de ce lac, les tortues habitentavec les dieux. Elles sont les « autres llous-m~mes )} desKorkokshi; ce sont les propres J?aroles prononcees pat Iemaitre dela eonfrerie a l'ouverture de la chasse que leurfont les Korkokshi '. Quand les tortues sont prises onles frappe lout doucement jusqn'a ce qu'e]]es veuillent bienSOl' til' la tete. AlaI'S on les pend par Ie cou. Onles porte ainsipendues lea premiers jonrs. Les jours suivants, la fMe secontinue dans un des temples squterr~ins du pueblo ll

, ou'chaque Korkokshi doit venir danser a son tour. On a pre­pare des. pqts, un par tOrtue; chaque prMre a son poCetsa tortue; les pots sont r.anges aux plaees 00. doivents'asseoir les prMres apres leur danse. Tant que Ie pretreu'esl pas arrive les tortues sont ehacune dehors, devaut sonpot. Des qu'un pretre entre pour danser, on fait rentrer satortue. Ce rite montre que I'animal est Ie remplaQant deI'homme. La fMe finie, les Korkokshi emportent leurs tor­tues chez enx, et les pendent pendant nne nnit aux poutresdn plafond '. Le lendemain, on les fait enire. La ehair a desvedus curative.s.' On en ollre toujours une parLie. au « Conseild~sDieux ),. en la portant it. la riviere B. C'estdonc bien unsacrifiee.

Senlement ce n'est pas u.n sacrifice tolemique. Noussavons que les Korkoksbi sont les dieux qui represententles ancMres de tout Zuni et qu'ils sont en meme temps les

assist.e qu'al,1x ceremonies pratiquees envers IlL tortuc lorsque, it la-finde Ill. fete. on Ill. rB.menoa. 180 maison: -

L La description qui suit est-resumee de Mrs. Stevenson, The Zuni In­dians, 23d Annal Report of the Bw'etiu -of American Elhnology,rp. 156 sq.

- 2,-Stevenson, loco cit., p'. Hi7.3. Ibid., p. Hi9.4. C'est it ce moment que S6 place Ie reciL si vivant de Cushif\g, cite

par M. Frazer, p. 1!iO.o. StovensoD, loco cit., p. l60, l61,_1l. 6..

. ,

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L Stevenson, z. 1., p. 439, sq.2. Cushing, Zuni C"ealion Myths, '15Lh Ann. Rep. Bm'. Amel'. Ethno,

p: 387, 388, p. 370 : Stevenson. Z. 1., p. 40!!, 409.

3. Cushing, z.e. M., p. 371. Le r61e qu'y joue Ie clan du coyole, lequelsemble d'ailleul's y faire bande a. parl (Slevenson, Z. l., p. 440, p. 409),n'al'iend'etonnant, car ('.e clan qui ne hut plus pal't~e du groupe dl;"ll'Ouest,It d-a. changer de place, voy. -Durkheim et Mil.uss, Cla8sifications, p. 38.

4. 'Cushing, o. t., p. 3S7.

5. Slevenson, o. t., p. 440, 441.

6. Mrs. Slevenson. o. l., p. 441. Nous ne savons pas si, en lempsordinaire. il est defendu aux membres du clan de manger de leurtotem.

7. La confrerie accomplit une autre chasse sactillcielle, celIe deslapins j rnais celle~cine se !'aLtache pas 'aUK culles totemiques,' Mrs. Ste­venson, '0. l., p. 92, 442.

celui des daims 1 pratique par la confrede des chasseurs; IIlaquelle Ie clan du daim fournit uu ceitaiu nombrede sesprMres'. Celleci est une des quatre confreries primaire~

qui remplacent les qu'alre clans de la deuxieme divisiondu plieblo de Zuni '. Cette confrOrie correspond done aun,clan et son. culte II uu cultede clau. Les pretres qui lacomposent soilt les gardiens des _« 8emenc~s du gibier.,'),comme ceux des cuHes agraires sont « gardiens dessemences du mals "" ». Les clans ont donc aZuni; au moinspar Tintermediaire des confreries qui se recrutent chez­eux, des pouYoirs analogues a ceux des clans australiens,maltres et responsables, lIl'egard de la tribu, des especescomestibles '. D'autre part, Ie daim est generalement traitecomme un totem. Chaqne fois qu'on rapporte un daimdans Zuni, anne peut en manger que lorsque la confreriedes chasseurs lui ·a rendu Ie culte qui lui revient. Endehors dece culte regulier", il y a lieu, lorsqu'ou veutfalJriquer des « masques et idoles » en peau de daim, deproceder II nne cbasse, qui abontit II des sacrifices'.. . .....

Voici commeut on procede. On plante une palissade, aUlideux extremites de laquelle on ere use des pieges. Deux chas'seurs accoutres de fa~on afigur~r des daims~ affubles d'unetete de daim, representent par leur mimique la demarche del'animal. La battue commence. Quand nn daim est debJicM, .

IXPREFACE

L Awonawilona est une sorte d'llme universeUe, identifiee a. l'espaceet au vent, Mrs. Stevenson, o. l., p. .22 sq.

2. Nons disons cnlte ol'dinaire, parce que les expressions de Mrs. Sle­venson dans cette partie de sa description font allusion aussi. bien' it lachasse ae lous les'jours (p. 440, forluoate, huntsman) qu'iJ, ceLtechaSliiesacrificielJe.

3. Slevenson, toe. cit., p. 441. Le rite auquel il est fait allusion est pro­.bablement celui de lEI. danse des Kianakwe, au solstice d'hivel', au it y a,_en elreL, une oll'rande des diLims aux Ashiwanni repL'esenLants desdieux de la pluie, ibid., p. 224.

4. Cushing,ZU11i Fetishes, lId Ann. Rep.BU1'. Amer. Elhno. cr. Durkheimat Mauss, De quelques formes primitives de classification, Annee Sociolo~

gique, t. --VI, B103, p~ 4t., sq.5. La bonte du coour, la purele religieuse, celie memo des intentions,

est un trait important du rituel Zuni, cf. pour· Ill. merne confl'erie, Ste­venson, Z. 1., p. 439, engenel'al, p. i5..

ces acteurs vont rejoindre les traqueurs: Lorsque la belen'est pas tuee dans Ie piege, on l'acheve en l'etoufiant.Ou prononce en m~me temps lapriere suivanleJ adressee.a Awon-awilona 1, sorte de priucipe androgyne, d'all1edu monde. « En ce jour, tes pluies, tes semences, ta.medecine de mystOre, j"aspire Ie so~!fle sacre de la vie».Les betes sout rapportees chacune a la maison d'un chas­oeur. Elles y re~oivent Ie cult'; ordinaire " avec quelquesmodifications cepeudant. Ce sont des olleandes de farine,

. j

des prieres dites par les gens de la maison, un office dela confreriej puis on ecorche les c.orps avec des prieres,des oflrandes; puis vient un culte des feUches animaux, quisont trempes dans Ie sanp;, « si Ie sang n'a pas encore

. coule». On pr~pare soigneusement la peau de la tete pouren faire les masques. QUilllt II la chair, Ie chasseur a Ieqroil de la manger, II mains qu'elle ne soit alteibuee auxgrands peelres de la pluie, les Ashi'l'anni '. Mais une par­tie en est toujours offerte auxdieux animaux, qui presi­dent aux six regions de J'espace .\'. La ceremonie lermiuee,la vie spirituelle du daim retourne au sejourdes espritsd'oli elle vient et all. lui attribue ces paroles : « J'ai etechez mes gens, je leur ai donne rna chair a manger; ilsont ete heureux, et leurs ernul'S etaient hons 5; Hs ebante:..

,~\?1.0 .

.....................;......M,~i~-}

PREFACE:YIII

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1. Stevenson, z. 1., p. 441, n. a.

2. IL ne nous est -pas dU que ces deux: chasseurs deguises soient ohli­gatoirement'du clan du daim.

3. Les membrea de cette confrerie n'ont pas d' ;( ordreda medecine », c'est-a"d,ire ne formElDt pas, comme la plupart des aulres confreries, un~

societe d? shamanes (Ste~enson, z. 1,,· p. 417). n est possible que cettecommUnIon avec Ie daim suffise pour dOller de mMedne, de mana,d'onayanakia, comme dit lit priere·, lea objets magiques et les membresdu clan. -

rent Ie chant, mon chant~ sur. moi j je retonrnerai vel'S, eux·1• »·Ces paroles mythiques, l'accoutremenl des deux'chasseurs mentionnes plus haut', la presence des gens dutotem montrenta l'evldence que nOllS sammas en pleintotemisID-6. II ya sacrament, probablement communion s-;mais·iJ y·a aussi sacrifice":puisque Ie daim faitfonctiOll devictime; qu'il est envoye au genie de sonespece ; que desparts sont attribuees a des dieux, animaux totemiques il est.vrai, mais qui soot ici des i~tercesseurs aupres -du solei! atdu « consail des dieux·;); puisqu'enfin une gran,rle diviniteest invoqu~e. Mais deja, de ce cMe, n'avons-nuus pasdepasse Ie totemisme?

Sachant meme avec quel haut etat de civilisation Ie tote-.misme si developpe de ~ufti coincide, nous sammas en dr~it ­de penserqiJ'un pareH sacrifice, qui est unique, est unfruit recent de lellr histoire religieuse. Le fait aHegueprouve donc seulement que Ie toteuiisme n'est pas absoJu­ment incompatible avec Ie sacrilice et .non pas que Iesacrifice soit une de ses institutions normales et primi~

lives. Subsistaut a cOte d'une autre religion, Ie tot€mismea p~ lui fQurnir; en s'unissant aelle, les victimes de sacri~­

fiees qni ne lui appartienuent pas en propre. En un~ mot, ily a des chauces pour qn·e Ie sacrifice ait existe avant Iesacrifice totemique.

Ainsi, si l'on 8~gnale de nouveaux cas de sacrifices tote­niiques, il faudra toujours demontrer: qu'ils sont anciens,qu'Hs sont essentiels au totemisme observe, et -qu'ils nesont pas, dans ce totem~srne, Ie reflet d'an systeme sacrifi~-c

XiPREFACE

L M. Tontain, daJ;ls l'article signaIe plus haut (p. II), se plait ajoindre.Ie nom de M. -- Durkheim a. celui de M.. S.Rcinach et tL les confondredans ra meme reprobation. Ces deux: l'Iavants, dont nous .connllissonsfort bien la'pensee, n'ont rien de commun I'un avec l'auLl'j3. En matierede LoMmisme, M. Durkheim, coinme nous, est en desaccord compleLavec M. Reinach Nous n'/Lvons pas d'o.illeurs tlllendu pour contredire,tres amicalcment il. vr/ti dire,- .les explications toLemistiques des mythesgrecs, dont M. Reinach a Ie secret.

- _ 2. S. Rcinach, Culles, Mylhes et Religio1is, 3 vol., Paris, i905, {908 j

t. I, p. 30. Les survivances duo tbtemisme chez his anciens CelLes; L. II,p. 58. Zo.greus ; p. 85, Lo. mort d'Orphee; t. IU, p. 2i, Actcon; p. 54,Hippolyte. .

C'etait an sacrifice dn dieu qne Robertson Smith songeaitquand il cherchait Ie sacrifice dans Ie totemisme ;il pensait .avant tout a la communion cbretienne. Le totem sacrifiec'etait, et cela des l'origine, Ie dieu sacl'ifie, pui'sque -Ietotem, ponr les bommes d'un clau, fait fonction de dieu .Nous avons dit, au contraire, que Ie sacrifice du dieu n'etaitni au debnt des religions ui au debut meme du sacrilice,mais qu'il s'etait developpe apres Ie saCrifice an dieu et, apartir d'on certain momenl, parallelementa lui. Nous pen­sons encore de merne.

Recherchant les traces du tolemisme dans I'antiquitegreco-romaine, M. S. Reinach 1 a fixe son attention sur Iesacrifice du dieu. II a ajoute plusieurs bons exempies de.mythes sacriliciels a la Iiste lort incomplete que nonsavions produites. Mais il dillere de nous en ce qn'il veutvoir des totems danstons les dieux sacrifies du monde gre­co-romain : OrpMe, Hippolyte, Acteon, Phaeton " etc ...Mais tout animal sacriften'est pas un totem. Ponr ~qu'il yait totem il faut qu'il y ait un clan, M. Reinach Ie sait bien.

ciel independant. Nous attendrons qu'une pareille demons­tration aitete faite pour nous croire obliges de faireremonter jusqu'au totemisme I'origine ~du sacrifice. Nousne sommes done pas amenes. a modifier notre theorie dusacrilice en general, ni meme cene dn sacrilice dn dien.

,, ,

PREli'.AGEx

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1. M. s. Reinli.ch nous signala bien lui-merne l'existence it Rome d'unvel'it~ble clan, lagens Fabia, clan de_Ia feve_ (0. l" t. ~,p.47). MniaIe ralL~uc, ~ans ce cas, Ie cilln totemique ait pu subsister jusqu'auxtemps hlstorlques no us donneraitle droit d'Mre fort exigeants en ce quic?ncerne les autres exemples allegues. A vrai dire, Ie clan des Fabii,n est pas pourvu dun culle de Ia feve.

2. A. Moret, Du Sacl'ifice en Egypte, Revue de l'Ristoiredes Religions,1908, t. LVII, p. 81 sqq. Cf. -A. Moret, l~eRitueldu Culte divinjourna-

Pourtant nous attendons encore qu'il nous demontrel'existence des clans anxquelsauraienl appartenulesditstotems 1. Mais, m~me s'iJ nous Ia prouvait a l'aide de survi­vances certaines, heritage surJe sol grec et sur Ie sol latinde prMecesseurs depnis longtemps onblies, nons ne serionspas encore satisfaits en raison de ce que nons avons dit ­pins haut. II faudrait encore qne, dans les cnltes en ques­tion, la tradition sacrificielle remontia Jusqn'aux ori­gines totemiques, en d'antres termes que Ie cheval­Hippolyte, - Ie faon - PentMe, Ie bouc au Ie taureau _Dionysos eussent ete de taus temps Mehires (sparagmos)et manges lout crus (omophagia) dans des fetes orgiastiqueset qu'ils l'eussent ete a litre de totems. A cette conditionseulement les faits allegnes par M. Reinach ponrraient pron­ver qne Ie sacrifice dn dieu est un sacrifice totemique ausort d'un pareil sacrifice. A notre avis, dans les cultesdont traite M. Reinach, s'il y a d'anciens totems ils u'ontservi qu'a habiller les dieux, baptiser leurs pretres, fournirles victimes toutes sacrees ;i1s ne soot que des parapher­nalia totemiquesde religions non totemiques. Dans Ie cultede la vigne, par exemple, ee qui est primitif, ce n'est pas,comme. Ie pretend M. Reinach; Ie sacrificed'un animaldieu, c'est la consecration des premices de la vendange ;pnis est venu Ie sacrifice d'un animat totem au DOD, offertau dieu de la vigue dans l'interet de la vigne ; et c'est endernier lieu que Ie dieu est desce;'dn dans la victime. Danstoutes ces pretendues suites dn totemisme il n'y a qu'amal­game et syncretisme.

Meme en Egypte " au l'on serait tente de chercher dans

"~

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XIIIPlU~FACE

lier en Eg1Jpte, d'apres les papyrus de Berlin elles Lextes du temple deSell lor a. Abydos. Paris, Leroux, 1902.

Je sacrifice· des restes de totemisme, les- travaux recentsn'en n'ont point montre. Les sacrifices y paraissent pres­que uniformement repeter Ie theme du depeoage et de laresu.'rrection d'.Osiris. Les victlmes, taureaux, porcs, ga..,zelles, etc., )sont donnees comme des animaux typhoniens,ennemis d'Osiriset representantsdudieu-Set.Cene-snnt·pourtant point des totems, formes premieres de ce dieu;' cene sont pas non plus des totems correspondants it Osiris.On dit qu'ils sont mis a mart en punition d'avoir mange Iedieu, parce ~ue une fois sacrifies,. ilsexhalent Ie dieu,·cequi revient a dire que leur esprit, attribue au dieu est iden­tique alui ; de quelque faoon que la mythologie representece qui se passe alors, ils portent Ie dieu et ils sont divinsparce que Ie sacrifice, en Egypte, est esseutiellement un~aprifice du dieu. Mais c'est un sacrifice du dieu· qui n'arien de totemique et dont nous savans avec certitude qu'ila sou origine daus Ie culte du ble.

Pour montrer que Ie scheme general dn sacrifice con~

t1ent en puissance Ie sacrifice du dien, nous avons choisinos exempIes dans la serie des sacrifices agraire~. Nousnous SOUlmes defendus de dire que seulle sacrifice agraireft1t de nature a donner naissance au sacrifice du dieu; ileut pourtant mieux valu etablir notre demonstration surdes bases plus larges et ne pas paraltre la fonder enappareuce exclusivement sur les faits du culte des animauxdomestiques et des plantes comestibles. Nous aurinnsdll parler en m8me temps des cultes qui concernent lavegetation en general et tout l'ensemble de la nature.Ainsi Ie sacrifice du soma, que nous avons considere

_comme un sacrifi~e agraire et qui est un parfait sa crificedu dieu, n'est pas Ie sacrifice d'un vegetal cultive, maiscelui' d'nne plante choisie entre toutes, qui symbolise toutesles plantes. Nous n'avons pas pu alors I'exposer compl<ite-.

PREFACE..XII

~-

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•••

xvPREFACE

,Une autr~ conclusion de nos re~herches, est que Ie sacri­fic.e est une institution, un phenomtme social. La rite n'es!pas un_e -form~, un velement des sacrifices personnels, durenoncement moral, autonome et spontane.

II ne peut y avoir sacrifice sans societe. Dans les sacri­fices que nous aVOilS decrits; la societe est presente d'unbout a l'autre. II est peu de rites qui soientplus fouciere­ment publics que Ie sacrifice. Quand ce· n'est pas la societe

MAuss-HUDEIl,T. b

de s~s formes.Elle doit etre de toute necessite completeepar une histoire, uue phylogeuese des sacrifices.

Mais nous pouvoils des a present sigualer l'uu des Mn,,"fices que nous avoos trouve. La- place du sacrifice dansl'ensemble des rites nous est apparue.- Son mecanisme com·pliqile-u'est pas celui d'uu rile prim~!re. II n'a pu se PI'O­duire qu'assez tard daus l'evolution religieuse apres et Surd'autres syste.mes plhs anciens. D'uue part, son institutionsuppose, dans Ies religions O_ll il s'est etabli,. 1a pratiquedudon rituel comme l'avait bieuvu·M. Tylor, et surtout,Ie systeme. entier des rites consecratoires, lustrations,purificatious, etc. D'autre part il fallait que les chosessacrees se fusseot deliDitivemeut separees des p~ofaues etfussent representees deja sous la forme d'esprits divius­presque purs, plus ou moins personnels... C'est d'ailleurs pour cette raisou que Ie sacrifice pleine­ment constitue ne nous paratt pas compatible avec tous lesdegres du totemisme : chez uu peuple a religion totemique,ce qui est sacre pour un clan ne l'.est pas pour les autres;et]e clan, dans Ie sacre, n'a nul besoin de l'intermediairesacrificiel qu'est la victime, pour 'communiquer avec un

. totem ideutique a lui-meme; il se coDsacre par rapporta celui-ci, direetement, par les voies immediatesde l'eJlu­sion du _sang et de 1a communion alimentaire. Ce sont,comme .Ie. voulait Robertson Smith, des Iacteurs indispen­sables dusacrificeJ ffiJ.is ce ne S~)fit pas ses raisons neres­saires et-suffisaIites.

,..~, • ":""_,,"C "'~;,~;_~,--

PREFACEXIV

1. W. Caland et V. Henry, L'Agni§toma. 1906 {ee livre.n'expose queIe rituel operatoil'e et omI).

2. LilmhoUz, Unknown Mexiko, II, p:126 sqq.; I, .p. 299. Le cnlte dede cetle derniere 'plante s'eat clendn tres loin, et du cole des Prairies,ou -ilest pratique pEU' les Clleyennes, et ver? Ie Sud. cr. K. Th. Preuss,Die reli,qiosen Geslinge and Myllwn eini,gel' Stamme del' Me.1:ikanisc/~en

Sierra Mad1'C A1'chiv {il1' Religions wi.~senschart, XI, 1908, II. 383 sqq.

3. Le cuIte du haka, Ie gl'andfeliche tribal de l'nne.des sections desPawnee, est un excellent exemple -du cnIte d'un dien qu'nne consecrll.~

lioD, sacrificielle seulcII.!cnt par partie, fait descendre da.ns un objet.A. FJ,.eteber, The BaTeo, a Pawnee Ceremony; XXII". Ann. Repol't of. theBureau of Amel'~ Ethnol. Le mecanisme de la consecration pent deja,par lui-merne, incarnel' regulil~remontIe (lieu.

Sauf en ce qui concerne Ie sacrifice du dieu, ceque nousavons voulu faire, c'est une etude scMmatique, une analysegimMale du sacrifice, nullement un exposegenealogique

menl mais, aujonrd'hui, les textes rituels sont ai8emBntaccessibles, grace au beau travail de Vietor Henry et deM. Caland 1, ilne resle pIns qu'a y ajuste:r les commentail'estMologiques donnes par les B"dhmana. Ce que nous disonsdu sacrifice du soma est anBsi vrai d_':l: sacrifice 9u hikun,

. oli peyote cbez les Huicbol, lesTarahumare du hautMexique et les anciens Azteques '. Nous pensons done queIe sacrifice du Dien 3remonte, dans l'histoire de la civilisa­tion, un peu plus haut, que Ie point d'ou. nous semhlions Iefaire partir. Mais il estprecisement tres remarquable que

, ees sacrifices de dieux, assez barbares, -que DOUS venonsde menlionner n'aient rien du sacrifice totemiq'.!~l puisqueni Ie peyote, ni Ie soma ne sont des totems. II no·us faut

,done elargir les dounees sur lesquelles nous avons "diMnotre theorie .mais nOllS mainLenoris notre explicationgenetique du sacrilice du dieu. Le point de depart esttoujours, selon nOllS, l'oblationet la .destruction d~une

chose susceptible, en raison des repr~sentations qui s'yatlachent, de deveuir divine enlre toutes les victimes sanc­lifiees.

.,;.-,

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qui saet'ilie eile>m~me et pour elle·m~me, elle est repre>sentee a ]'offic~ par ses prMres, sauvent aussi par une­as6i~tance nombreuse et qui n'est p!Jint passive. M~me

quand Ie sacrifice est fait par uu individu et pour lui­m~me, la societe y est toujours presente, au. moins enesprit, puisque c'est d'elle qu'il se separe pour y rentrer;c'est eUe aUBsi ,qui a determine la victims, dODP.B lesmoyeDs de Ia consacrer, nomme, choisi et convoque lesdieux. Sur Ie terrain du s.crifice' 1'- societe entoure IefidMe de son assistance morale, c'est elle (iui lui donne safoi, Ia contiauee quil'an,ime dans lavaleur de ses actes. 8iOIl crail au sacrific~, s'U est effieac8, c'est qu'i! est unaetesocial.

Entin, derniere conclusion : tout ce qui conconrt ausacrifice est investi d'une m~me qualite, celie d'etre s.cre;de]a notion de sacre, procedellt, sansexceptioll, touies lesrepresentations et tOlltes les pratiqu8s du sacrifice, avec lessentiments qui les fondent. Le sacrifice est tin moyen po",' Ieprofane de communiquer avec le sacre par l'intermAdiaired'une victime.

Qu'est-ce donc que Ie sacre? Avec Robertson Smith,nous l'avons conou SOUg la forme du sep.re, de l'interdit.II nous paraissait evident. que I. prohibition d'une cbosepour un groupe n'est pas simplement l'etlet des scrnpulesaccumuIes d'individus. Aussi bien disions-no_us que leschoses sacrees sont chases sociales. M~me nous allonsmaintenant pl~s loin. A notre avis est COIlliU comme sacretout ce qui, pour Ie groupe et ses membre., qualifie lasociete. S;"les dieux chacun a leur heure sortent du templeet deviennent profanes nous voyons par contra des chaseshumaines, mais sociales, Ia patrie, IapropriMe, Ietravail,la personne humaine y entrer l'une spr~s l'sutre.

La description, donnee pSI' Robertson Smith, du sacre,qui nous suffisait pour analyser Ie sacrifice, nOllS parntdonc, notre travail acheve, non p,as inexacte, mais iusum­sante. Derri~re les idees de separation, de purete, d'impu_

XVIIPREFAcE"

L H. HubertJntroduction a la traduction fmnpaise du Manuel d'His­toil'e des Religions, de Chantepie de Ia Saussaye, 1904, p. XLV.

Mais il existe un groupe considerable de pMnomimesreligieuxon Ie donble caractere sacre et social des rites etdes croyanc~s,n'apparaltpas au premier .bord. cr'est lamagie. Pour generaliser les resuHats de notre travail SOl'

"1e sacrifice, et aussi pour les verifier, H fallait s'assurerqu'elle ne constitlle pas nne exception. Or, Ia magie nouspresente Un ensemble de rites aussi efficaces que Ie sacri·fice. Mais il leur manque l'adhesion lormelle de la societe.lis Be pratiquenJ: en dehors d'elle et elle s'en ecarle. Deplus, sacrileges, 1mpies, ou sirnJ!lement laics et teChniques,ils"n'ont pas au premier abord Ie caractere sacre du sacri­fice. Dans la magie il y a aussi des representatious, depuiscelles des dieux et des esprits jusqu'a celie des proprieles,et 4es causes, qui sont investi~s d'ulle certitude egale

II

LA MAGIE

rete, il Y a du respect, de l'amour, de Is repulsion, de lacrainte, des sentiments divers et forts; evocateurs

Jde

nature a se traduire en gestes et en pensee, Cette notionest plus complexe, plus riche, plus geuerale et plus prati­que, qu'elle n'svait parn d'abord. Elle est bien sans dOIJLel'idee-force autonr de laquelle DOt pu s'agencer les riles­et les mythes. Elle se'presentait d~s lors.a nos yeux com me~tant Ie phenomime .central parmi tous les pMuomimes

. religieux '. Nous nous ,sommes propose pour tache .de la·t:omprendre et de verifier ce que ~OllS avions dit sur l'iden­tite du sacre_ et du social. Nous avons peuse que le butuHime de nos recherches associees, devaif Mre l'etude dela notion de sacre. C'eLait m~me pour nous Ie gain Ie plussur de nob'e travaiL~llr, Ie sacrHlce.

PREFACEXVI

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XIXPREFACE

1. cr. B.' Berr;' Les p,.ogres de la Sociolo,qie 1'eli,gieuse, Revue de synthesehi&torique, t. XII, 1906. p. 3i.

'2. Codrington, The Mf:lanesians, 1890.

tionnaire de Ia societe, souvent institue par elle, et quine trouve jamais" eo" lui-m~me la source de son proprepouvoir. On nous a reproche d'avoir ~tendu indument cegue'nous avions d-i~ des corporations de magiciens i. Maisen realite Ies. magiciens isoles SOllt relie~l'.arlestraditions

magiques et forme'nt d'e~- a~sociations. ',.En ce qui concerne.les rites 'et les representations~ Ie

magicien n'invente pas it chaque coup. La traditionqu'i1observe" est garante de l'eflicace desgestes ,et de l'autoritedes idees. Or qui dit tradition dit societe. Ell second lieu,si Iii magie n'est pas publique comme les 'sacrifices, laso~iete n'y est pas'moins presente. 8i Ie magicien_ se retire,~e cache, c'est de la societe; et si ~elll3-ci Ie repousse, c'estqu'ilne lui est pas indiJIerent. Elle n'a peur des magiciensqu'en ,raison des pouvoirs qu'elle lui prete et iI n'agilcontre elle qu'ar,me par elle.

Enfi-n,ces pouvoirs, ces qualites ant tous,un m~me carac·tere, procMent tous d'une meme idee genera Ie. Cette notion,i;louslui a-vons donne Ie nom ~l~ mana emprun.te allxlanguesmalayo-polyuesienues, mais par lequel elle est designeedans la mag:ie melanesienne, ou M. Codrington' a reveleson-existence. Elle est it la lois celie d'lln pouvoir, ceUed'une .cause, _d'une force, celIe d'une cjualite et d'unesubstanc..e,celle d'uu- milieu. Le mot n"Wna est a In foissubstantif, adjectif, verbe, designe des attributs, desactions: des. natures, des chases. II s'appliqne aux rites, auxaetenrs, .aux matiiri'es, au·x. esprits de la ma!Si,e, aussi bienqu'it ceux de la religion.

11 en resulte que les rites et les represent alion magiquesont Ie meme caraclere social que le sacritice et qu'ils(lependent d'une notion identique ou analogue a la notionde sacre. De plus no us avons commence it montrer qu'il ya des ceremouies magiques OU se produisent des pheno-

PREFACEXVIII

f. cr. Hube~t_ et Mauss, Esgujss'e d'Lme thi01'ie 'yeT/el"ale de..la MlJ-gie,A1Inee socwlogique, ~. VlI, iIJOi, p .. 56.

Z. J.-ft Frazer, Golden Bon,qh, 2°. ediL t. IIi, p. 46,0; II, p. 370, eLe.

3. Je.vons, Inl1'oduclio.n to the HislO1;y of Religion, p. 35, '297, 4~1.

4. Voir chap. III. Nous nc reimprimons pas iei ce ~ravail que nous,no-us proposons d'aehever e~ de reediler.

it la certitude des represelLtations de la religion. II y entre,des mythes dontla simple recitation agit comme charme!etdes notions> comme calles' de 'substance, de natur~, delorce, <pua~~ etouvalJ.~~, dont Ie bien fonde fut si .peu 'contestequieHes ont ete admises par lessciences et les techniques.Cependant, ni ces mythes, oi ces representations abstraitesdout la valeur pratique est si haute,ne sont explicitementl'objet de l'accord unanimeet necessaire d'une societe. ­'Eofin, pas plus que les rites, ces -notions et ceS· mythes ne.semblent avoir pour principe la notiou du sacre, L'ellica­cite des pratiques etait-elle douc du meine genre que celIedes techniques; la certitude des noti~ns et des mythes dumeme genre que celIe des sciences?

Au moment au nou~ nou_s pOSiODS ces questions, Iesoperation's mentales d'ou derive la magie etaient dounees 'comme des'sophismes naturelsde l'esprit humaiu. Associa- 'tions d'idees, raisonoe~ents analogiques, iausses apIJ]ica- .tions du principe de causalite, pour M.M. Frazer 2 et Jevolls S

en constituaieut tout Ie mecanisme: L'eeole anthropolo­g-ique anglaise· arrivaft aiosi, a des resuitats tou_t ~ faitopposes a ceux vel'S le~queIs nou...s conduisaientnos inves-:­tigations sur la religion, Nouselions doncconduits it·reviser ses travaux. _

Notre enquHe' a etablit que tous les elements de lamagie: magiciens,' rites representations magiques sootqualifies par la societe pourentrer dans la magie,

Le memoire que nous publions plus loin sur I'Origine-des pou'I)oirs 1nagiq'ttef, dans les soc'irftes au.s~raliennes en faitprecisement Ia preuve avec details 'en ce qui concerne laconscience m~me du magicien : lemagicien est tin fonc-

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XXIPREFAcE

L Strauss, Bmhmanaspati, Kial, 1906.

2.Van Gennep, Rev_ue des Tmdilions populqires, 1904, 118-11.9;1d.,Mylhes et Legendes u'Austmlie, p. LXXXIV sq. Nous n'admeltons pascomme Ie fait M. Van Gennep que 10. Baj'aka. marocaine et al'abe, c'est­a~dire Ie mana de la benediction, soit tout Ie mana; Ie churinga desArunta., n'est que Ie mana de certaines chases et riles sacres. Ce sontdes mana specialises.

_3. Follc-Lm'e, t. XV, 1904, p, 355. Compte rendu de Annie Sociolo­gique,LVII,i90i, cf. Pres. addr. Bl'istishAss. of Sc., 1906, York.

4. Leclures on the Early 1Iisl01'Y of Kingship, 1906, p. 7 sq. M. Frazerne pa.raH pas avail' apprecie !'importance de Ill. notion de mana avantIll. lecture de notre tl'ava~1.

5. From Spell to P-rayel'. Folk~~ore;~. XV, 19~4, p. 132 sq~: M. Marr?ttava;it, u.vant nous, indique que ll).Il.imlsmc avalt des conilillOns {( prea­nimis~es )). Pre-animistic Religion, Follc-Lol'e, t. XI, 1900, p. 108 sq.

M, StranBs '. Qnant an nombre des langues ou la memenotion estfragmentee en plnsieurs expressions, iI est inde­fini 2.

Mais nous avions une autre reponse afaire a la critiquede M. Jevons, II n'est pas indispensable qu'un phlinomenesocial arriv'e a son expression verbal~ pour qujil solt. Cequ'une langue dit en un mot, d'autres Ie disent en plu­sieurs. II n'est meme pas duo tout necessaire qu'elles I'ex­'primont : la notion de cause n'est pas transitif explicitedaus Ie verbe elle y 'est pourtan t. '

Pour que I'existence d'nn certain principe d'operationsmentales soit silre, il faut et il snffit 'que ces operationsne puissent s'expliquer que par lui. On ne s'est pas avisede contester I'universalite de la notion de sacre et pour­tant, il serait bien difficile de citer en sanskrit ou en grecun mot qui correspoudlt (sace,.) des Latins, On dira : ici,pur ~1l1edhya), sacriOciel (yajniya) , divin (devya), terrible(ghom) ; lit, saini (l'p6,.ou &y'o,), venerable (0'1'-,6,), juste(61'1'-0'), respectable (o'oio'l'-o,). Et pourtant les Grecs et lesHindoux n'ont·ils pas eu une conscience tr,es juste et tresforte du sacre 1

On n'a pas attendu ce supplement de preuves pour fairec~'edit a ce que DOllS avons dit sUr la noti"on de mana.MM, Sidney Hartland', ,Frazer', Marrett', M. Jevons, lui-

~~'=:'~~~~.r~'0t";~:::_',':3'e:~"_-:;MiO._~"~k:;:,.:_"~c;:,~~",~~,"~_",__~",.::;:,~'i1~T>-.~",~c-;:"'·~~c)._:"':f"'~f'''~")~"!"";"'~~:;::"\"'-~':""'__"~..'''h'Q''l__1iW'''':c.<:~G'''.,.,.",~:--:,'l';''C:SC----r

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1. F.-B. Jevons, The Definition' of Magic,' ~trll-it de Sociological Re­view, avril 1908~, p. 6 sqq. Cf. Rev. -de Met. et de Morale, 1.908,; C.. R,d'Annee Soc. VIII.

2. Cf.Annie sociologique, t. X. p; 308 sqq.3. Spieth, Die Ewhe Slamme, p, 69\ Westermann Ewhe-deulscltes W01'­

terbuch,s. ·v. et derives, _po '83,p. 86, sq.4. Cf.Boas, _The social 01'ganipu_tiiYf/_ and the sec1'et SocietieS of the

Kwa-kiutl Indiens, Rep. U. S. Nat. Mus. 189!) (1~97), p. '695,1. 4 et 0,69-t-, 1. .9, 1. II, etc. ; cf. ICwalciutl 7'exls (Boas et Huut) Jes,up Pac. Exped,Mem.Amer.Mus. Nat. Hist. vo1.lII, p.100, 1. 0, 1 26; p. 03, 1. 39 ;p. 64,1. 7;p. 215, 1. 35,1. 39,1. 15, etc. IlexisLe encore chez ies KwakiuU, ~me

autre notion, plus prochaine de celle de talisman et de surno.turel a 10.fols, celle_ de: Lokoa, dans Ill. 'secunde transcription, de Ldgwa. Cf. lesl1'ois vers Kw. Texts, p. 355, 1. 19:-18, Soc. Orga., p.373.,

Comme ~ous ne dissimulic~ms pas que nous ne connais­siops que pen d'exemplaires authelltiques de celte notion)M. JevQlls 'nous a reprocM de fonder ainsi toute la magiesur un p.rinci-pe: dOllt, de notre aveu, l'existence expliciten'etait pas absolument universelle. No~ recherches ulte-.rieures nous pel'mette~td'affirmer que cette notion est tresrepandue: ,

Le nombre des societes ou on ne la constate pas expresse­ment se restreint de plus en plus.

Eu Alriqne, les E'antus, c'est-it-dire la plus graude et laplus dense des fa~illes africaines, possMeut lanotion toutit rait identique de'Nkissi, de Moqltissie, comme d'saient lesvieux auteurs 2 • Les Ewhe, c'est-a-dire une bonne partie desNigritiens, ont lao-notion de I)zo S. De ce fait, nous con?luoDsdejit qu'i! est necessairede remplacer, pour tonte I'Afrique,la notion de fetiche par celle de mana. Eu Amerique, nousavionsdeja signale l'orenda Iroquois, la manitou algonquin,Ie wakan Sioux, Ie xltbe Pueblo, Ie nallal duMexique central.II iaut y joindre Ie nauala des Kwakiuti '. Notre hypothese,sur la parente qQ,i relie la notion de brahma", dans l'IndevMique, it' cene de 1l1(l,na, a ete admise recemment par

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mime. de psychologie collective d'Oli Be degage cette,notion de mana,

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XXIIIpnEFACE

L P. Huvelin, Magie et droit individuel, Anniuie sociologique, t. X,1907, p. 1-47.

P. [d. Les tablettes magiques et le dl'oit l'omain, extrait des Annale$internalionales d'histoil'e dll d1'oil. Macon, 1901. - Id., La notion del'injuria dans le b'Cs ancien d1'oit 1'o1nain, Annales de l'Universite deLyon;-1!J03.

3. NallS connaissons certainement fort bien l'existence de 10. magiejudi.ciaire. Nons pouvons meme signaler a M. Hm"elin que 180 magicdes Ewe clu 'rogo so divise en magie de l'envo-utement, magie de la.divination et magie du droit. Spieth, f1whe Stdmme, p. 69*, p. tiM, sq.Cf. Wcstcrmann, Ewe-D.ellt, l¥orlel'b. s. v, Dzodudu, p. 89.

•sociale. Nous ne niions nullemeul qu'il y eul des labousreligieux, et qu'i!s lussenl d'un aulre ordre.

Faute encore d'avoir delimit" les rapporls de la magi"el de la religiou nons nOus sommes attire de la parI de­M.-Huvelin une au1re querelle ' .

~l. Huve1in attribue llueoi'igiu-emagique aUx-liens dedroit _primitifs 2; !3t, pour,lui,la magie-a servl puissaJ!lmentala constitulion de ce qu'il appelJe Ie droit individuel. Ceque ]a magie met a la disposition des individus. ce sontdes lorces sociales el religieuses. II l'admel. Toutelois ils'iuquiele d'une contradiction qu'il aperl,'oil dans lestermes dont nous nous servons, Comment ]a magie etantsociale, c'esl-a-dire, selon M. Huvelirl, obligaloire, peul­elle elre illicite? Commenl litaut religieuse, puisqu'elleirouve sa place dans Ie droil, phBnomene de la vie publique,peut-elle elre anlireligieuse en m~me temps? Voila c~

-qu'il nous demande d'expliquer'..Mais une bonne parti.e des rites et surtout des sanctions,

qui, selon M. Huvelin vieunent de la magie, se rattachenlp.our nous a Ia religion-. Pas plus que les dieux infernaux,les imprecalions, les ap.( neso,ul par defiuition magiqueset hor~ de la religion. D'aiHerirs, dans un bon Dombrades cas ci~es i ]a sanction magique n'est que faculta-­tivl3. La religion noue done, aussi bien que Ia magie, Iesliens d.u droil individuel et avec un lormalisme de m~me

, nature,Le malentendu vient en somme uniquemenl de I'emploi

PR.ElFACEXXII

m~me. M. Preuss' s'y sont rallies; M. Vierkandl', quiprobablemenl s'est con tenIe de lire M. Preuss, eu arrive anollS reproduire presque in.tegralemenl.

L Ursp1'un,q der Religion und der Kunst. Globus, 1904-:1905.

2. JJie_ An{tinge der Religio'n und del' Zaubm'ei, Globus, 1907. vol. 92,p: 62. cr. Beck,- in Zeilschl·ift (tlr Philmmphie u; phil.-K1'jt:;-vol. 123,p. 1S0.

3.-.J .-G. Frazer, Lectlwes on the Early H.ist01'Y' 0{ Kingship, p. 26.

4. N.-W. Thomas,_,Man, 1906, no 37. Cr.. lettre de M. Frazer, ib.5. MarreU,JsTaboo a negative Magie" Anth1'opological' Essays... , E. 11.

Tylor, 1907,_p. 22D, sq.

Nous n'avons -publie qu'upe partie de notre travail sur]u magie, celle qu'il DOUS importail de termi·ner alors 'pourpoursuivreno's recherches. C'etait assez pour nous en 'efield'avoir m~nlre queles pMIiomlmes de la magic s'expliC

quent comme ceux de ]a religion, Comme'nous n'avons pasencore expose ]a partie -de notre theorie, qui concerne lesrapports de la magie el de la religion, il en esl resultequelques malEmtendus.

Nous~av.ons et~ les premiers a formuler dans cemeIDoireune distinction des rites en positils et negatlls que nousteuions de M. Durkbeim. Deux ans apres noIre publica­tion', ,M. FrazAr-8 arrivait, de son -c.6te, a la m~me distinc~

tion,mais. en consideranltollS les tabous comme des ritesnegalils de cequ'.iI appelle la magie s.ympathique. Nousne pouvons accepler I'honneur que M. Thomas' el asa suileM. Marrell' nous ont lail de cette generalisation. Nous lacr~yons errooee. Nous avons divise Ia magie en positive etnegalive; cette derniereembrassanlles tabous el en parli­cnlier les labous sympathiqulls. Maia nous n'avons pas dilque lous les tabous lussent de la magi~ negalive .. Nous_

.insistions sans _doute 8u,r ]es interdictions de Ia magie,parce que, par Ie lail m~\Dede la prohibition, elles portenl,mieux que les regles posilives. lamarque de !'inlervention

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L P. HuvelinJ o. l" p. 22.

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L ld., o. I., IJ. 4.6. .2, Howitt, -NaliveT1'ibes of South East Austmlia, :1904, chap, IX, P4$~

sim.3. J.~G. :Fro:zer, Kingship.4. H~ Hubert et -I\'I. Mauss, .La 'Magie, I. I., p. 143._5.H. Berr, Les P1'og1"es de lasociologie religieuse, I. l., p. 35.

M. Huvelin du sacrifiant qui fait un sacrifice pour tuer sonennemP. Au surplus la magie n'~st pas necessairementillicite et, dans le droit, en fait, elle sert aussi bien au droitpublic qu'au droit individueL Ainsi, dans les tribus austra­liennes'les menaces d'envotHement sont pour les vieillardsun moyen de faire respecter la diJlcipline ' Ce n'est passans raison que M. Fraz.er rattache aux pouvoirs des magi­ciens les pOllvoirs du roi 3.

Certes M-. Huvelin a rais~n de montrer q~e la magie aaide it Ia formation de la technique du droit, comme noussupposions qu'elle a fait po'ur les au tees techniques'. Noussommes d'accord avec lui, quand il allegue que, dans ledroit, elle a facilitel'action individuelle. La magie a en efietfourni A l'i.udividu les moyens dese faire valoir A ses~

.propres yeux et aux yeux des autres, ou bieu d'eviler lafonle, d'echapper a la pression sociale et a la routine. Al'abri de la magie non seulement les audaces joridiquesorrt ete possibles, mais aussi les initiatives experimentales.Les savants sont fils des magiciens.

Nous avons fail de frequentes allusions au rOle que I'in­dividu joue dans la magie et a la place qu'elle ludait. Onlesa c~Dsidereescom~e des concession,s pruden-tes, desti-

. nees a compl;mser l'excessive rigueur d'une lheorie sociolo­gique qui semblait nier dans la magie l'aut-onomie desmagiciens li • n n'y avail lA ni 'concession ni contradic~

tions. Notre travail avait precisement pour objet de detel'cminer la placedel'individu dans la magie'par rapport alasociete.

NOllS nous proposioDs au debut de DOS etudes, surtout

•PREFACEXXIV

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abusif que M, Huvelin fait encore du mot magique. IIn'yapas,entre les faits du systeme magiqueet les faits du sys­teme religieux, I'antinomie qu'il se repl'esente et au sujetde laquelle il uous prehd it partie, II y a, nous I'avons dit,dans tout rite de la magie aussi bien que de la .religion,une meme force mystique, qu'on avait autrefois Ie tortd'appele'r magique. M, Huvelin n'a pas repudie ce vice de lanomenclature et c'est pourquoi il fait de la magie la sourceunique des contrats.

,II ne faut pas opposer les phenomenes magiques auxphenomenes religieux : dans les pMnomimes religieux, ify a plusieurs systemes, celui de la religiou, celui de lamagie, d'autres encore; par exemple Ia -divinalion et cequ'on appelle Iefolkclore forment des systemes (ie faitsreligieux comparables aux precedeuts. Cette classificationcorrespond mieux a Ia complexite des faits, at a la variabi­lite des rapports historiques dela magie et de la religiou,Mais notre definition du systeme de Ia magie reste lam~me-etnOus·cqntinuons aue cODsiderer comme luiap-par­tenant que ce qui, Ie folk-lore mis it part, ne fait pas partiedes cult~s m'ganises. En vertu de cette definition, parexemple, Ie dhdma " Ie suicide juridique a I'ellet d'arriverIi l'execution d'Ull creancier, dont parle M. Huvelin,.-ressor­tissant aux diflerents codes, a celui de Manou en particu­lie"f, ue figurant dans aucuo manuel magique, dependantdn culte funeraire, releve de la, religion et non de lamagie.

Enfiu, sans· ~tre obHgatoires, les rites de Ia magie Bontneanmoins sociaux. L'obligaLion proprementdite n'est paspour nous Ie caractere distinctif des chases: des actes et

. ~es se~timents sociaux. L'acte magique illicite reste pourDOUS ~ocial, sans qu'il y ait la contradiction. L'acte- estsocial parce qu'illieut sa forme de la societe et qu'il n'a deraison d'/)tre que par rapport a elle. Tel est Ie cas que cite

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de comprendre des institutions, c'est-a-dire des reglesimbliques d'action et de pensee_ Dans Ie sacrifice, Ie carac­tere public de I'institntion,collectif de I'acte et des repre­sentations est bien clair_Lamagiedontles actessont aussi

.peu' publics que' possible, nous fournit une occasionde ponsserplus loin notre analyse sociologique. II impor­tait avant lou t dcsavoir dans quelle mesure. et commentces faits etaient socianx. Aulrement dit : quelle est l'atti­tnde de l'individu dans Ie phenomerie social? Quelle estlapart de Ja societe dans la conscience de l'individu? Lorsqnedes individus se rassemblent, lorsqu'ils conformeut leursgestes a un ritIiel, leurs idees ann dogme, .sont-ils mus pardes mobiles purement individuels ou par des mobiles dontIa presence'dane leur conscience ne s'explique que parlapresence de ·Ia societe? Puisqne la societe se composed'individus o-rganiquemiHJt rassembIes, no.us avions. achercher cequ'ils apportent d'eux-memes et ce qn'ilsrecoivent d'elle et comment ils Ie recoivimt. Nons croyonsavoir degage ce processus et montre comment, dans litmagie, l'iodividu' n,e pense, n'agit que didge par la tradi­tiOD, ,ou pousse par une suggestion collective, ou tout aumoins par"'une, suggestion qu'H se donne lui-m~me souslapression de la collectivite.

Notre tlH30rie se trouvantainsi ver.ifiee, m~me pour Ie casdimcile de la: magie, OU les acles de l'individu sont aussilalcs et personnels que pO'ss'iblt3, nous sammes bien sdrs dellosprincipes en'ce qui concerne Ie, sacrifice, lapriereJ.lesmythes. On ne doit donc pas nons opposer it nous-memessi,parfois, nous parlons·de magi.cfens en renom qui met.,.tent des pratiques en vogue,.oudefortes personnalites reli­gieuses qui fondeut des secteset des religious. Car, d'abord,c'est toujours la societe qui parle par leur bouche et, s'ilsont quelque interet hislorique,c'est parce'qu'ils agissentsur des societes.

XXVI PREFACE

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III

LE PRO BLEME nE LA RAISON

En procedant ainsi, nOos deplacons Ie foyer de nos inves­tigations sociologiques. Passa~t. de, -la cons'rderation desphenomenes religieux, en tant qu'i'ls se d"veloppent hoI'Sde l'analyse des formes qu'ils prennent dans la conscience,nous avons eu l'occasion de poursuivre des eludes quenous avions deja commencees avec et 'apres M. D'urkheimsurles origines..de l'entendemenL

Les operations mentales de la magie ne se rMuisent pasau raisonnement analogique ni it des applications confusesdu principe de causalite.f;lles coniportenl des jugemenlsveritables et des'raisonnements conscients 1•

Ces jugements sont de ceux qu'on appelle jugements devaleur, c'est-a.-dire qu'ils sont affectifs. Us sont dominespar d,es desirs, des craintes, des esperances, etc.. des_senti~

ments, en un mot. De m~me, les rai'sonnements se develop­pent-sur une trame de sen timents transteres,contrastes, etc.

- et non pas comme Ie veulent les anthropologues anglais,imbus d'associalionisme, sriivant les lois de la contiguite etde la ressemblance.

Maisles psychologues isolent habitn ellementIes jngemen tsde valeur, qu'ils rattacherit it la sensibilite, des jugemenlsproprement ,lits, qu'ils rattacbent it l'intelligence, ou ils ne

"signalent entre eux que des liens .accidentels '. La logiquerationnelle Se trouve ainsi radicalement opposee it celledes senliments. Au contraire quandon eludie .ces deux

L La critique que nous avons faite 8. cet egard de Ia lheorie couranLeIl. Me, croyons-nolls, d-ecisive. C'est ainsi que M. Wundt I'a repro­duHe, stins Ie savoir. Volkel'psychologie, II, .l1.ytlms und Religion, 1[,p. 1.77 sq. .

2. Nous sommas naturellement loin de penseI' que ceux qu'ils ontapercus, ceux que M. Ribot 0. signaIes dans sa Logique des Sentim~nt!l,n',existent pas.

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III

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logiques dans la conscience des individus vivant engroupes, on les tronve naturellement, intimement liees. Euetiet, les jugements et les raisonnements de la magie etde Ia religion soot de ceux sur Iesquels s'accordent dessocietes eutieres. Cet accord doit avoir d'antres raisonsque Jes rencoutres fortuites des seutiments capricienx. IIs'explique par Ie fait qne, des Ie debut, il faut qne ces ju­gements et ces ,raisonnements de valeur soient it la foisempitiques et rationnels.

Le sentiment individuel peut s'attacher it des chimeres.Le sentit~ent collectif ne peut s'attacher qu'. du sensible,du visible, du tangihle. La magie et la religion concernentdes etres, des cm'M ; elles nalsseut de besoins vitanx et ,vivent d'efiets certains; elIes s'exposent au conlr6le del'experience. L'a'ction locale du mana dans Ies chases est,ponr Ie croyant, susceptible de verifications. On s'inquieteSallS cesse de sa presence fugace. Certeslescanclusians desdevots sont toujours affirmatives car Ie desir est toutpuissant. Mais il y a eprenve, confirmation.

Ces jugements et ces raisouriements de valeur doiventd'autre part avoir nn caractere rationnel. II ya des limitesII lenrs absurdites. M. Ribot a dit que la logique des sen­timents admettait la contradiction; cela est vrai, meme dessentiments collectifs. Mais la logique qui regne daus lapensee collective est plus exigeante que celIe qui gouvernela pensee de l'homme ioole. II est pins facile de se mentirasoi-meme que de se inentir les nns aux Butres.Les besoinsreels, moyens, cammuns et constants qui viennent se satis­faire dans la magie et dans la religion ne penvent pas etre,aussi facilement trompes que la sensibilite instable d'unindividu. Celui-ci n'a pa's l:!esoin de coordonner ses sen­timents et ses notions aussi fortement que les groupes doi­vent Ie faire. II s'accommode d'slternances. Au contraireles individns associeset vonlant rester unanimes degagentd'eux·memes des moyennes, des constantes. Cerles cesdecisions et ces idees des groupes sont faites d'elements

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XXIXPREFACE

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contradictoires. Mais elles les concilient. C'est ce qu'onvoit chez tons les partis et dans toutcsles Eglises. Ces con­tradictions sont aussi inevitables qU'ntiles. Par exemple,pour que Ie charme puisse Mrs COnell comme agissant a]afois II distance et par contact, il a, fallu constituer l'ideed'nn mana. la fois eteudu et ineten~u. Le mort est, II laJois. dans un autre monde et dans sa tombe au on lui rendun culte. De' pareilles notions, vici~uses pour nous, sontdes syntlieses indispeusables OU s'equilibrent .des senti­ments et des sensatious egalemeut uaturels mais pourt.ntcontradicloires. Les contradictions viennenlde la ricbessedu conteuu de ces uotions et ue les empechent poiut deporter pour les croyants les caracteres de l'empirique etdu rationneI.

C'est pourqnoi les religious et les magies ont resiste et sesout coutiuuellement et partont developpees eu scieuces,philosophies ettechniques d'uue part, en lois et mythes,de l'autre.- Elles ont aiusi pnissammeut aide II la forma­tiou, it la matlll'atiou de l'esprit humain.

Mais pour que les jugements et les raisonnements de famagie soient valables , il faut qu'ils ai~nt un principe sons­trait II l'exameu. On discute sur la presence ici ou lil, etnon pas sur l'existence du mana. Or, cas principes desjugements et des raisonnements, sans lesquel-s on De lescroit pas possibles, c'est ce qu'on appelle cu philosophicdes categories~ -

Coustamment presentes dans Ie langage, saus qu'elles y'soient de toute llecessite explicites, elles existent d'ordi­uaire plutM sous la forme. d'habitudes directrices de laconscience, elles-mtlmes inconscientes. La notion de manaest un de ces priucipes : clle est douuee dans Ie lan­gage; clle est impliquee daus toute uue serie de jngemcntset de raiSounemeuts, portaut sur des attributs qui sout

PRlCFAOE

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XXVIII

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XXXI

c

PREFACE

dans les mythes; car cenx-ci, par !'intermediaire des ritesqui en soilt 'des descriptions, des commemorations, vien­nent se poser dans I'espace et se' prodnire dans Ie temps,Mais les temps et les espaces sacres dans lesqnels se reali­sent les rites et' les mythes sont qnalifies pour les recevoir ..Les espaces sont tonjours de veritables temples. Les tempssont des fetes.

L'etude q'1e nous publions plus loin sur La Reprisenta­tim, dn Temps dans la religion et la magie a pour objetd'analyser quelques formes primitives, etranges,contra­dictoires que presente la notion de temps quand elleesten rapport avec celie de sacre. Elle a ete amenee par desrecherches sur lesfetes. Elle permet de comprendre com­ment les fetes se snccMent, s'opposent, se reproduisentdans Ie temps, qnoiqne tous lesmytbes qu'elles represen­tent sepassent' necessairement' dans l'eternite, commentles mythesqni sont, par nature, hors du temps, peuventainsi periodiqnement se realiser dans Ie temps. .

Enfin, comme ,1a regIe des fetes est Ie calendrier, et qne,Ie calendrier"a" servi,a former ~inon la notion concrete de'dn.ree, dumoins la notion ahstraite de temps, on 'pent yVOLr comment Ie syst~me des fetes et la nution de tempSse sont Habores simultanement grace au travail collectifdes generations et des societes.~a notion de.temps, qui preside a la formation des pre­

mIers calendners magiques et religieux, n'est pas celled'une quantite, mais celie de ql)alites. Elle comprendessentiellement'la representation de parties, qni ne sontpoint a.liquotes, qui s'opposent les nnes aux antres, quisont pnses les nnes pour les autres, et,chacune pour tontesles antres, en raison de leurs qualites .specifiqnes. Les har­monies et les discordances qnalitatives des parties du tempssont de la m~menatnre que 'celie des fetes. Tont fragmentde c~lendrier, toute partie du temps, qnelle qn'elle soit,~st uneventable fete, chaqne jour est une Feria, chaqnelour a son salDt, chaque heure sa pri~re. Brei les qualites

MAuss-HuBERT.

PREFACExxx

L M. R. Meye~ qui s'est moque de nos expressions, MyllwlogisclieFragenjA,·chiv fil1' Religionswissenschafl, 1907, p. 4~3, a,umH bien dli nousdire si Ie's categories existent auLrcment que Ill. noLion de mana.

2. E. Durkheim et -M~ Mauss, Essai s'ur qUf}lques formes p1>imilives declassification. Annee 8ociologique, t. VI, p. 1-78. Cf. Amu!e sociolo·gique, t. X, p. 306 sqq..

Pour qni s'occupe de la magie et de la religion, cellesdes categories. qui s'imposent Ie plus a l'attention, sontcelles de tempset d'espace. Les rites s'accomplissent dansI'espace et dans ·Ie. temps suivant des r~gles : droi'te etgauche, nord et sud, avant et apres, 'Ja!3te et nefaste, etc.,sont des considerations essentielles dans les actes de lareligion et de la magie. Ellesne sont pas moins'essentielles

- .",-

ceux- du mana, ~ous BVODS dit que Ie mana est une cate--­'g'orie t • Mais Ie rnana n'est pas seulement une categoriespeciale a la pensee primitive, et aujourd'hui, -en vole dereduction c'eat encore 'Ia forme premiere qU'ont revMue,d'aiitr~s cate.gories qui fOllctionnent tonjoufs, dans nosesprits: csllesd.e substance' et de cause. Ce que nous eusavons permet done 'de concevoir comment se presenlelJtles categories d'~ns l'esprit des primitifs. .

UOEl autre _categorie, celle de genre,ayait ele soumise aI'analyse sociologiqne par I'un denous, avec M, Dnrkbeim,dans un'travail snr les Classifications primitives '. L'etudede la classificatjon de~ notions chez ljuelqnes societes, IDon­trait qne Ie genre a pour modele la famille humaine. C'esta la faQon dont les homme"; se rangent dans leDl's societesqU'Hs ordonnent et classent les choses en especes et genres·plus on moins generanx. Les classes dans lesqnelles serepartissent les images et les concepts sont les memes que.les classes sociales. C'estun exemple topiquede la faQou

. dont Ia vie en societe a servl a la formation de-la pensee"rationnelle ~n lui fOufoissant des cadres tout laits, qui sootses clans, phrat~ie~,' tribus, c~mps, temple's, regionsj etc.

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E~les viennenl de Kierkegaard. Cf. ll. HOffding, Philosophie de la 1'eli-gwn,.tJ'ad., fr., 1908, p. Ill. -

1.. 'R', Hi)(fding,o, l;. p., 99.; ~es valeuts primaires sont ceUes c[uiserapportent auit _hesoms mdividuels, les valeurs sociales sont SCCOll­

dnires. Plus loin, ,po 100, M. lJ(Hl'ding admet que les valeurs socialespeuvent etre cimtempol'airies des premieres. ,- " ,

2. Le ~. Schmidt nous reproche notre « InB.gicisme irripersclDilel »,R. P. Schmidt, L'Origine de l'Idee de Dieu, Anlhrop'os, 1908,p. '604, D. i.

3. Wundt, Volkerpsychologie, n, Religion und MytJws, II, p. 1-140.~f: M. Ma.uss, L~A1'l et feMythe ~'~p1·esM.' W~~dt, Re~ui! philosoph.ique,JUlllet 1908. Jevons, 1 he Defimtwn. of ·Magw, -cxtrmlt de SoCiologicalRev"ieJ-V, avril 1908.

daus ces jugements' que les produits de la rais'on pratique,de la libertt\ noomenale o~ dn sens religieux et esthetiquede l'individu,pour nous ces jugements se foudent sur de~

valeuTs primaires i qui ne sont ni,illdividuelles, ni exclu;.sivement volontaires, ni purement sentimentales, qui sontdes valenrs sociales, derriere lesquelles il y a des sensa­tions, des besoins collectifs, des IllOU'Vements .des:groupeshumains.

Ainsi, l'etllde des idees generales dqit elre jointe II cenedes. representations dans l'histoire des religions. , .

Mais on s'inquiete~ de ce que noug, fassions debuter lapensee religieuse par des idees impersonnelies '. On meten general au commencement la notion d;ame et d'esprit,si l'on est animiste, les· myLhes, si 1'00 est naturiste.La premiere est coosid~ree comme dl?nnee immedhUemeutdans l'experience et Ie reve de l'individu. C'est ainsique,:tout dernierement, l'expliquait encore M. Wundt ',. PamMax Muller et ses disciples, Ie mythe naissait iIIlm'ediate­ment du besoin d'animer les chases representees .dans Ie,langage par des symboles. Comme aucune objection nenous ,est venue dn c6te de l'ecole naturiste, :nous. ne dis-

IV

LE MYTHE ET L'JDEE GENERALE

PREFACEXXXII

i. Ce que l'uri de nous a fait explicitement pour l'idee de temps avait .ete in~]jque pour l'idee d'espace, il. propos de 10. clB.ssifi'cB.tion des chosessuivant les regions. - Voir Durkheim et Mauss, Classifications p1'imi-tives, p. 63. . , .

2. On trouvera sm' ce sujet.une asse7 bonne bibliographie dans Ribot,Logique des sentiments, 'P. 34, n. 1.. Sur Ie developpemoo.t et la por- 'iCe genel'l11e du systen;te de Ritschl, voir lJoutl'oux.:, Scie"nce et Religion,p. 2:10 sq. L'origine pietiste de ces theories est, pour nous, certaine.

du temps ne sont ,pas autre chose que des degrt\s au desmodalites du sacre : religiosite gauche au droitD, forte aufaible, geuerale au speciale. Nousapercevons done desrelations fort etroites entre ces deux notions de sacre etde t'emps, si intimement uDies et mMees et qui se' cOfrobo­rent fune l'a,utre. Nous avons ainsi .pu concevoir, "com;.ment cette uotion de sacre doH etre celle ,en fouction delaqllelle les autres se classent, roais, aussi se produisent·par· segmentations et oPRositions successives, c'est-a.-dire·en sam me la mere et la generatrice des representationsreligiEmses ~ .

Nous, pouvons, maintenant·revenir sur les caracteres decesjug~mentsdevaleur, quisonta l'origine de l'entenderiLent

'humain. Avec les empirist'es'nous avons reconnu,que cesjugements n'etaient possibles qu"apres un miuimum d'ex­periences su'~ d"e's chases, des objets materiels o~ con~~s

comme materiels; Avec les nominalistes nous teconriais­son~ la toute-puissance du mot, d'origine sociale lui aussi,Avec les rationalistes entill, nous reconnaissons' qUE} cesjugements de valeur sont coordonnes, suivant des reglesconstantes et constamment' perfectionnees. Mais, tandisque, pour eux, c'est une entite, la raison, qu~ dicte cesregles,pour nous sont des puissances sociales, hi tradition,Ie langage, qui les imposent IIl'individu.

Nousadmettons done la tMorie du jugement de valeurqu'ont inventee les tMologienS pietistes. Mais tandisqueles philosophes', disciples de ces theologiens ne voient

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,I,

II

I

II

PREFACE

i, H, Hubert, Introduction il la traduction r"anraise de l'Histoi1'edes Religions, de Chantepie de.la. Saussaye, p. XXXIIi-XXXV:.

2. cr. Jevons, The definition of Magic, l, l., p. 15.

3. H; Hoffding, o. l." p. 172 sqq..Leconcept de Dieu, 10. categorie dereligion, SOI~t soumis ida ffitm::iel'egle quo les aulras c:oncepLs,e~ cll.tego­rie':!; ils,doivent servir dopredica.t .avant, de figure~ comme sUJel.

multiples de l'iudividu avec ses sembIables, passes, pre­sents, futurs, et avec les choses i.ee sont des mana spe­cialises que la societe attribue'.a l'individu en raison de sesparentes, de ses initiations, de ses associations avec desmOl;ts, avec des meteores. des caillonx, des arbres, des

Iastres, des animaux, etc~Mais admeUons que, par une miraculeuse ape,.ceptioT! pri­

miiive, la 'notion d'ame soit immediatementdonnee dans'lac!lnscience et immediatement Q'bjectivee au dehors; il reslea expliquer que les :imes puissent et doivent.etre les seulsagents des rites 2,et que leur 'representation soH la ,raison

.d'8tre des rites. 'Les 'animistes nous font faire un i:lOuvea~

'saut au.·passage de la notiou d':ime a la notion d'ame puis­'sante. AdmeUons 'a la rigueur que l'experience donne lanotion d':ime, quelle experieuce donnera la notion de puis­sance? Si l'on nous dH que l'ame est naturellement conenecomme active, nous repondrons qu'elle est tout aussi' biencon~ue comme passive. Dans la notion d'ome ne sont pasdonnees a la fois les qualites de spirituelet de }luissant ;au contraiie, elles sont donnees ensemble, par nne syn­these naturelle, dans la notion de mana. Or, il fallait avoirla ,notion du puissant joint au spirituel pour avoir lanotion d'une :ime active. II faut avoir l'idee d'une qualit~

r pour.enfaire un attribut 3• Nous avons' done de bonnes rai­

sons pourmeUre la 'notion de mana avaut celie d'espdt:

Mais, nous dira-F·on, mettanl ainsile predicat avant Iesuje-t, Ie mana avant l'arne, vous renversez l'ordre psycho­logique des faits. Vous meUez I'impersonncl avant Ie per­sonnel. Sans con trediL

L: Wundt,'o.l., II, p. 1S~ sq,

.2. L. l. pIns haut,p. xu, n.1.

PREFACE

, cutons pas h sienue, a laquelle uous faisons sa large part.Mais les auimistes nous out deja combaUu en defendantcontre nous Ie caractere elementaire et primitif 'd~, lanotion d'fLme. Pour eu'X, Ie m,ana n'est qu'un extrait deceIle-ci. L'animisme renouvele par M. Wundt expliquel'ac"tion a distance du rite magique, par I'exbalalion del':l"me du magicien i.

II y ala; selon nOllS., une grave erreur. Entre ces deuxrepresentations, arne et man~, n'ous tenons celIe de manapour primitive, parce qu'elle est Ia plus commune. En fait,tandis que tout rite magique, toute chose magique a sonmana, Ie Dombre est petit des rites ou l'on voit sortir raffiedu magicien, meme l'uue de ses :imes corporelles. M. Wundtappelle a la rescousse M. Preuss. Celui-ci, dans d'interes­santes recherches, 'qu'H 'raUache aux n6tres.2~a trouve que,tres sQuvent} ce sont'les squffies ~mis par les ouverturesdu corps qui portent la force magique. Les souffles, nousdit M. Wundt, ce sont des :imes. Non, ce sont des souIDes.La voix, un trait de- feu, ~n ,caillou, une-pointe peuventaussi bien servir de vehicule. Celui-ci ne sera m8me pastoujours nettement figure. Parmi les im~ges qui se pretent8.:,·la -representation -de la force magique, celle d'une arne,aussi mal detiuie qu'ou voudra, n'est pas des plus fre­qnentes. En tous cas elle n'est jamais qu'une ima'ge parmi,les autr«s.

11 y a plus: bien loin que la notion d':ime soit plus ele­mentaire que la notion de mana, elle est une des pluscompliquees a laquelle soient arrivees les religions. Uneanalyse facile distingue ses antecedents plus. simples, seselements disjoints.et inforriIes : ombres, flmes organiques,ames exterieures, totems, revenants,; genies. Des qn'Hs'agit d'en cOllcevoir Ie contenu, nous n'y apercevons plusautre chose que les multiples ~gurations des rapports

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~I,, I

XXXVII

, .

PREFACE

L H.' Berr, o.l. "l. l.'l p. -1.6,29 'sqq, 36, sqq.

,,2. H. Berr. o. l.,p. '42.

PSYCHOLOGIE RI!:LIGIEUSE ET SENTIMENT

RELIGIEUX

v

Eu nous appli([uant ·a retude des categQries, nousavons, paratt-il~ outrepasse nos droits 1 et rOil nous' accusep.ecompromeltre Ie bon renom. de la sociologie, ·en l'eteu­dant indument jusqu'aux limites de la dialectique, Notre'domai'lle ne ;a, nons oit-ou, que jusqu'ou l'on trollve'desinst,itutions. On nous abandonne Ie sacrifice, une.partie del~ magie j all nous conteste l'autre et non moins categod­quement toute une moitie de la mythologie. On a reservetout ce qui est mental il la psychologie, Lessociologuesn'auraient pour eux que les groupes et leurs pratiques tra­ditiounelles'. Mais on oublie qu'il y a '(1es fa90nsde peuseren cornmun aussi bien que des raeons d'a~ir en commun.

necessite logique et psycbologique la conclusion que sontl'ame et Ie mythe.

Entre ces trois etats de la represeutation l'equilibre esttoujours instable.Elle oscille sans cesse de la uotion d'unpMnomene au d'une chose a celie de l'agent impersollnelau personnel qu'elle met derriere. Zeus est a la foisunh.omme et Ie ciel, sans compier divers animaux. La juxta­position est contradictoire, mais la raison d'8tre d'unenotion com~e celIe de dieu est precisement de rl3concilierdaus I'esprit du croyant des idees et des sentimebts quis'entrechoquent et dont ilne ve~t rien abandonner. Ainsi,pour nous, des Ie .debut, les representations collectives sedeveloppent eu mythes, tout comme I'idee generale, dausl'esprit individuel, ne peut etre pensee sans images con-

. cretes,

'I'., "

•.•• O.O·f··· ._'.

PHJ:£Jo'ACE

D'abord iI ne laut pas creuser entre l'idee generale etridee d"une .personne une espece d'abime. Le personnel nese con~oii que par rapport il I'impersonnel. L'individune se distingue que dans un clan. II est represente commeune parcelle du sang qui coule. dans tout son e1ari, lesanimaux de son totem compris. II n'y a pas de langage nide- pensee sans nne 'certaine part de generalisation etd'abstraction. Supposer que I'esprit bumain ri'ait ete peuplea,ses tlebuts que de notions purement individuelles est unell,ypotMse gratuite, invraisemblableet illverifiable.

Les notions primitivesdont celie de mana est Ie typene sont d'ailleurs pas si abstraites qu'on, Ie dit. Leurooutenu concrel estau contraire tres abondant. Elles coor­donnenlrine foulede representatioris : ,des qualites, desobjets, des sensations, des emotions., desdesirs, des'besoins, des volitions. Leur elaboration ne demandait pasIHi grand travail intellectuel. Ce sont des syntMses opereespresque spontanement par des esprits brumeux,

Ma:is', entendons-nous' bien. II n'y a' pas eu un momenteu la magie et la religion ri'auraient com porte que l'ideei>mpersonnellede. ma11Ja, et, plus tard, un autre momentau seraient nees les idees personnelles de dieu, d'esprit,

-de reveuant, de double. Noris peusoDssimplemeut quelIidee geuera'!e, est la condition logique et chronologiquedes idees mythiques, de meme que les temps marques d'unpythme sont les conditions du rythme, lequel comportedes temps faibles, Daus certains cas la notiou generale demana se presente SOllS salo~me impersonnelle integr~le;

. daus d'autres iI se specialise, maisreste quelque chose degeneral: puissance du vouloir, danger du mauvais mil,

,'e:fficace de la vuix j dans d'autres cas enfin, ponr entrerdansla pratique, il revet immMiatement des formes concreteset individuelles : il devient totem, astre, souffie, herbe,homme, ,magicien, chose, esprit. Lefond reste identique,mais la metamorphose n'en est pas mains naturelle etfatale. De la majeure etu'estle mana, se dMuit par un~

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1. On reconnaltra Iii, un nouvel expose des principes poses parM. Durkheim et son ecole. Cf. ~t. Sociologie, Gf'ande Encyclopedie.Mo.is 10. confusion est lente b.- dissiper.

2. Cf. Mauss, L'A1't 'et le Mylhe, etc. ReVile philosophique, 1908,p. 33 sqfJ. . .

produit d'une certaiue masse sociale donee d'un certainetat d'esprit et animee de certains mouvements. Reconnais­sant des relations etroites eutre les faits que l'on renvoied'ordinaire a la demographie au a i'antbropogeograpbie etceux qui reHwent de la science des religions; voulant noustenir aussi pres que possible de la realite, nous sommeset nous restons des s~ciologu;es1. I

II ne nous parait donc pas necessaire d'aider a la renais­sance de la V6lkerpsychologie, de la psychologie populaire,collective, sociale, Quand nous 'parloos d',;'tats psychiquestolIectif~J nous pensons a de~ socieles definies; et non pas-a 1a societe en general, au peuple, aux masses indecisesd'u'ne humanite vague, alL les idees et les sentiments setransmettl'aient d'individus a individus, nous ne savonscoulment'. Le peuple dont parlent les V6lkerpsychologen estune chose abstraitequi est a ebaque peuple comme l'arbredes scholastiques etait au poirier du recteur. Le social n'estpour nous, ni Ie populaire, ni Ie commun. Meme quandil s'agit, de magie et de Folklore, nous ne perdons jamaisde vue que pratiques et eroyances sont spemales a cer~

tains peuples, acertaines civilisations. Elles ont toujoursla couleur .particuliere que prend chaquephenomene dansehaque societe. Si indefinies que soient les limites de leurextension, elles correspondent ;l' des faits de structure quisont tout au moins des courants de civilisation. C'est pour­quoi la sociologie ne peut se constituer en dehors de l'etb­nographie et de l'histoire.

Ce qui existe, ce qui oUre un terrain Bolide a la science,ce sont .des pheDOm{meS particuliers : des sacrifices,. desmagies. des formes de classification, etc. Mais les pheno­menes'particuliers ant des raisons generales. C'est a tra-

PREFACE

Les calendriers sont chases sociales comme les fMes, less.ignes et intersignes, aussi bien que les e~piations des mau­vaispresages. Les uns et les autres sont des institutions.Les ,notions de sacre, d'~me, de temps, etc., sont egalementdes institutio;ns,puisqu'~lles n'existent, en fait, dans l'espritdel'individu, que revetues de formes qu'ellesont prisesdans'des societes determinees. L'indiv-idu les I.'ecoit, parl'education, dans des formules traditionuelles. Elies soutdonc objet do sociologie.

La-dessus on nous dit : vous laites de la psychologie,sociale; et non de la sociologie. Pen import". l'etiquette.,Nous prelerons celle de sociolognes et voici pourquoi.•C'est que nous ne considerons jamais les idees des peuples,abstraction faite des peuples. Eu sociologie, les laits de la'psycbologie sociale et les fails de la morphologie .socialesont lies par des liens intimes et indissolubles. M. Marett'nails a meme prete I)dee que les laits de structure sout desfaits primaires par rapport" aux autres qui sera~el1t toutentiersmentaux 'et il en a prig prMexte pour opposer sapsychologie sociale anotre sociologie. L'un de nous ~\ sansdoute, a etabli que, chez les Eskimos, et nombre de peuplesde I'Amerique du Nord, les variations de la masse socialecommandent celles de Ia religion: a leur rassemb1ementd'hiver et a leUr dispersion d'ete correspond uue doublelorme'de religi6n. Mais cela ne veut pas dire que tauslesphenomenes religietix D'aient que' des causes morpho":logiques, que les etats mentaux des groupes humaiusn'aientd'autre origine-'gue les mouvements materiels dela masse sociale. Il se passe danstoute societe des pheno­mimes qui ant pour conditions essentielles des laits men­taux. Ains~, si des castes se sont canlonnees dans desquartiers speciaux, c'etait aunorn de principes'religieiJx.

,Ce qui est vrai,c'est que tout pMnomime religieux est Ie

1." Social Psychology, Sociological,neview, I, n° i.

2. Essai SlW les Vm'ialioil.s'saisonniel'es·des SocieUs Esl&imos, etude demorphologie socill.le, Annee sociologique, t. IX.

PREFACE XXXIX

i,iil'!',

I

ii

I!

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II

XLIPREFAOE

:1,. Ribot. Psychologie des sentiments. _

,2. Rib~t, Essai s~1'les Pass~on~, 1908. L'analys~ deMo Ribot a. preci­sement, ~ n~Lre aVIS, pour p.rmcIpal resuUat de demontrer que 18. causedes passIOns est_ dans une relation entre Ie CRrll.ctere do l'individu etcertains huts que la'societe lUi'propose. .

3. Nous faisons allusion fLUX meilleurs travRuxde co genre, ceux de1\1~..Coe, Starhuck, Leuha en Amerique, Delacroix en France. Leaprm~lpa~x resultats acquis eclairent les phenomtmes de la conversion.des emotions et de leur elfet, du wysticisme, .

des religions. - Ce que nOnS uions, c'est qu'i! y ait dansces sentiments quoi qne ce soit de sui generis.Il n'y entrepas antre chose que ce que la jlsychologie ot'dinaire appellesimp1ement,I amour et haine, peul' etcorifiance, joie .et tris­tesse, inqnietude, audace,.etc. II n'y a pas de sentimentsreligieux, mais des sentiments normaux dont Ia religion, ~

choses, tite8, representations compl'is.es, est produit etobjet'. On n'a pas pins a parler de sentiments religieux,que de sentiments ecollomiques', ou de sentiments techni-

. 'lues. A chaque activite sociale. correspondent des passiouset des sentiments normaux '. II est donc inutile d'adapter achaqne chapitre de sociologie un chapitre de psychologie.qui' consisterait en 'variations snp -Ie mflme theme.'

Ces !ignes ne s'adressent point auxpsychologues qni fontce qne I'on appelle conrammeut de la psychologie reli­gieuse. lis ont commence avec sncces ce travail de classe­ment des idees, des sentiments, des faits de formation et detransformation du caractere, des etats psychologiques nor-

, manx et anormanx qui se presentent dans la religion. L'in­. terM de ces travaux est reel, mais. ils eclairent plnt6t les

faQons dont agissent, dans I'individu, et par rapport a soncaractere, Ies -traditionsreligieuses. Ces auteul,'s ontapport~ plus ala psychologie qu'a nos etudes. Aussi nousnous demandons pourquoi ils choisissent quelquelois cetterubriqne de psychologie religieuse '.

Pour ce qui est des lheologiens on de philosophes. impregnes de theologie comme M. W. James, nous nenous etonnons pas qu'ils nons par~ent des sen-timents reli-

PREI<'ACEXL

*..D'autres nons ont fait Ie reproche de n'avoir pas fait sa .

part a Ii psychologie religieuse', tant a la mode a1l10nr­d'hui. lis pensent aux sentiments plut6t qu'aux idees OUaux pratiques volontaires, et, parmi les sentiments, HsBongent surtout a un sentiment d'ordre special, surhu­main, sacrosaint, Ie sentiment. religieux dont Ies religionspositives ne ~eraientque des manif~stationslIlaladroites:­Bien loin de refuser un 1'61e an sentiment dans Ia 1'eligi.on,nous pensons tronver dans les notions de valenrs, c'est-a­dire dans des notions sen~imentales, l'origine des repre­sentations religieuses et des rites, La connaissance dessentiments complexes qui f{llldentla notIon de saCre et celledes sentiments qu'elle provoqne, scrupll.}es, craintes,espoirs, etc., est, pour nous, Ie bnt dernier de 1a science

i. G. Michelet, POW" la Psychologie 1"eligieuse. 'Revue dou Clerge (ran­r-ais,. 1905, LXLI, p. 359 sqq; XLII, p. 22 sqq. - Ill. Une 1'ecenle tMo­rie (mncaise sur la :,.eligion. Revue pmtiqlie d'apo[ogetique, 1908, t. VI,p. 268 sqq, 515 sqq. cr. o. Habert, La methode sociologique et ['his­loire des religions, Ann: de philos. ch1'et., 1908.

vel'S les particnlarites des institutions que nous'cherchonsatrouver les phimoll1tmes generauxde la vie sociale. C'est'seulementpar l'etudedes variations que' presentent lesinstitutions ou les notions de m8me especs, 'suivant lesBocie-les, que nous ·ctefinissons, soit les residusconstants

"que ces variations Iaissent, soit les 'foDctionseqtiivale~tes

que les unes et les autres remplisseut. Par la nous diJIe­rons des anthropologues auglaisl et des psychologues anec

mands. lis vont droit aux -similitudes et ne .cherchentpartuut que de l'humain, dd commun, en un mot dubaual.·~ous DOUS, arr~to]]s, au con~raire, par methode, aux dif-,ferences cara·cteristiques des milieux speciaux; c'est atravers ces caractetlstiques que nqus esverolls en~revoir'

des lois.

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-~..,j.-- .-.-

ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONUTION

DU SACRIFICE

MELANGES

D'HISTQIRE DES RELIGIONS

Nous nous sommes, propose dans ce travail de definir lan.ture et la fonction sDciale du sacrifice. L'entreprise serait

.ambitieuse si elle n'avait ete preparee par les recherchesde~ Tylor,des Robertson Smitl1 et des Frazer. Nous savonstout c.e que. nous Oleur devons. Mais d'autres etudes nouspermettent de proposer une tMorie diflilrente de la leur etqui nous paralt plus comprehensive. Nous ne songeonspas d'ailletirsa -la presenter autrement que comme unehypothese provisoire : sur un sujet aussi vaste et aussicomplexe~ des informations nouvelles ne peuvent manquerae nous aniener, dans l'avenir, a modifier nos idees~tuelles. Mais, sous. ces reserves expresses, DOllS avonspense qu'i! pourrait Mre utile de coordonner les faits dontnous disposons et d'en donner un expose d:ensemble.

L'histoire des conceptions anciennes et populaires dusacrifice don, du sacrifice nourriture, du sacrifice contratet l'etude des contre-coups qu'elles doivent avoir eu sur Ierituel, ne nous 'arrMera pas, qnelqu'eupnisse Mre l'inte­I'M. Lestheoriesdu sacrifice sont vieilles comme les reli­gions; mais, pour en trouver qui ~ient un car-actere- scienti-

. fique, il faut descendre jusqu'it Ces dernieres annees. C'esta l'Ecole anthropologique et surtout it ses representants

.anglais" que revient Ie merite de les avoir elaborees.Sous I'inspiration paraliMe de Bastiau, de Spencer et de

}'fAUSS-HUBEfiT. 1

,

PREFACEXLII-

:l. W. James, Les va,-1lLes de Z'experience 1'eligieuse, traduction fran~

t;aise. Nons nOllS I1a.ttons d'o.voir exprime. de severes critiques sur Iecompte de ce livre. Annee sociologique, t. VII, p. 204sqq. M. Coe, TheSOU1~ce8 of mystical Revelation.. Hibbe1't Journal, IV, 1907, p. 359-372,vient de donner uneexcellenle refutation psychologique des theoriesde M. James. Ses conclusions sout merne tout it Jail sociologiques.

gieQx Comme d'une chose specifique. Le sentiment relicgiemx, disent-ils, c'esf l'experience religieuse~ r'~xperience

de Dieu. Et celle-cicorrespond it un sens special, unsixieme sens,celui de' la presence divine 1

• Nons ne discu­!erons pas. Ici iI· ne s'agit plus de fait, mais 'de foi.

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'III

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II,

iI

1. ](inship and Marriage in Ea1'ly .A,'abia, 188·~, CambriJge,

ESSAl SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE J

semitique', dem8me il voulut voir dan. Ie. ,Pratiquea duculte lotemique la aouche du sacrifice. Dans Ie totemisme,Ie totem L ou Ie'dieu, est parent de 131'88 adorateurs j ilB ontmeme' chair el meme sang; Ie rite a pour objet d'enteeteniret de gllrantir cette vieeommun'e qui les aniIIie et l'associa~

lion qui les lie. Au hesoiu, iI relablit l!.unite. L' « alliaucepar Ie sang )) 'at Ie « repas en comm'un' )) Bont les moyensleo. plua aimpies d'alleindre ce resultal. Or, Ie sacrifice nese distingue pas de ces pratiques aux yeux de R. Smith.C'Mait pour lui un repas oit les fidilles, en mangeant Ietotem, 8e l'assimilaieJit, s'assimilaienla lui, 'e'alliaiententre' eux ou avec lui. La meurtre sacrificiel n'avaH d'autre

, objel que de permetlre la consommation d'un animal sacpeet, par cons.equent, interdit. Du sacrifice com~uniel

R. Slilithdtlduilies aacrifices expiatoire. au propitialoires,c'88t~a-dire les piacu,la et les sacrifices dons 011 honoraires.L'ex-piation n'est, suivant lui, que Ie retablissement del'alliance. rompue ; or; Ie· sacrifice totemiqu'e avaH tous les·eflets d'un rile Bx-piatoire. II retrouve, d'ailleurs, ceHe vertndans toua Ie. sacrifices, meme april. I'ellacement tolal dutolemisme.

Restail a expliquer pourquoi la victime, primilivemenlpartagee et mangee par 'Ies fidilles, Mail generalementdetruile tout entiere dans Ie. piacltla.C'esl que, apartir dumomenlou les anciens totems furent supplanles,par lesanimaux domestiques dans Ie culte deB peuples pasteur.,i1sne figurerent plus dans les sacrificea que rarement eldans des circonstances particulierement graves. Par suite,ila apparurent comme trap aacrea pour que lea prolanegpusaent y toucher,: les prtltres seuls en mangeaien I, oU bienon faisail tout diaparallre. Dans ce cas, I'extreme aaintetede la viclime finit par se tourner en impurete ; Ie caractereambigu des chases sacrees, que R. Smith avait si admira­blemenl mia en lumiilre, lui permettait d'expliquer facile-

ME.LANGES n'rrISTOIRE DES RELIGIONS2

:t,- Civilisation p1'imUive, U. chap, ~VIU.

2. VOir\ln8 b.rochure unpeu i1JP~rJicieUede M.l"Ht.zsch, Idi.t! und 8tlL~

fen des 0pffJ1"kultus, Kiel, 1889, - A cette.tMori-e se S?~t, au fon~"suc­cesslvement l'attache,B les deux auteurs qUI ont adresse a Rob. SmIth losplus fQrt.es crW,ques: Wilken, Over eine Nieuwe ,Theori6 des Offe1's, DeGids, '1891, p. 535, sq.; M. Mll.rillier, La_place du totemis/ne dans l'evo",lution reli!Jieuse, Rev. d'Rist. (les Relig., 1897-i898 (voy. Compte rendu,Annie sociologique, tome II, p. 202, sq.).

3. Art. Sacrifice, Encyclopredia Britannica. - Religion of Semites(Burnett Lectures, 1re edit. 1890,.20 ed. 1894). .

4. Article dc'Mac Lennan, Plant and Animal Worship, FcwtnightlyReview, 1869, i870.

---'_.__._.......-.-'-~ -'-"--'- .

Darwin, M. Tylor" comparant des faits empruntes a des. rae'es et ades civilisations difUm3utes, im-agina une- gen~se

des formes du sacrifiee. Le sacrifice, selon eet auteur, estoriginairement un dOll, que Ie sauvage fait ades IHres snrna­turels qu'i1lui faut s'attacher. Puis, quaud lesdieux I';rau-

, direntet s'eJoigu"rentde I'homme, la uecessite de conti­nuera ieur transmettre ce don fit naltre les rites sacrificiels,destines a faire parvenir jusqu'" ces Mres spirituels leschases spiritualisees. Au don succeda I'hommage, au Iefidele n'exprima plus aucun espoir de retour. De la, pourque Ie sacrifice devint abnegation et l'enoncement, il n'yavait qu'un-pas; I'evolution fit ainsi passer Ie rite des pre­sents du sanvage au sacrifice de soi. ~ Mais, si cette theo­rie decrivait bien lea phases du developpement moral duphenom,me, elle n'en expliquait pas Ie mecanisme. Elle ne .faisait en samme que reproduire ,"n un langage defini leo.vieilles conceptiona populairea. Sana doitte, par elle-Ineme,elleavait une part de verite hiatorique. II' est certain queles aacrifices furent generalement, a qnelque degre, desdons' conferant au fidele des droits sur son dieu.. IIsser­virent auss! anourrir les divinites. Mais. il ne suffisait pasde constater Ie fait; iI fallait en rendre compte.

En realite, R. Smith' fut Ie premier qui tenta une expli­cation raisonnee du aacrifice. II,etait inapire par la deCOlt­verte recenle du lol.misme '. De meme que I'organi.ationdu clan tolemique lui avait explique la famille <lrabe et

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1: l\iannhardt. lVald-lind Feldkulle, 2 vol., Bedin, 1875; (d" Mytho­logzsche F01'schunge11, Strasbourg, .1884.

- ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACR~FICE ;)

pour justifier les sacrifices-annuels : ils commempraientel rMditaienl nn drame doni Ie dieu etail la victime.M. Frazer reconnut la similitude qui existe entre ces dieuxsacriMs elles demons agraires de Mamillardl!. II rappro­cha du sacdfice totemique Ie meurlL'E; rituel des genies dela vegetation; il monlracomment duo sacrifice etdu r~pas

communiel, oil I'on etait cense s'assimiler les dieux, sortHIe sacrifice agraire au, poill' s'allier au dieu des champs itla fin de sa vie anunelle, on Ie tuait, puis Ie mangeaiL IIconstata en mArne temps que, sonvent, levienxdieu ainsi.sacrifie paraissait, peut-etre it cause des tabous doni iletait charge, emporter avec lui la maladie, la mort, Iepeche el jouait Ie rMe de victime expiatoire, de bOllC emis­saire. Mais, bien que l'idee d'expulsion ful remarquee dansces sacrifices, l'expiation paraissait encore sarliI' de la com­munion. M. Frazer· s'esl plulOI propose de completer latMorie de Smith que de la disauter.

·Legrand defaul de ce systeme esl de vouloir rameuer lesformes si multiples du sacrifice it I'nnile d'un priucipearbitrairemenl choisi. D'abord, l'universalile du totemisme,poinl de deparl de louie la theorie, eslun postulaL Le lote­misme u'apparail it I'elat pur que dans des uatious peuuom­breuse. de I'Australie el de l'Amerique. Le mettre it l'odginede taus les cultes theriomorphiques, c'est faire uue hypo­these, peut-Mre inutile, et qn'il est,.en tpus cas, impossiblede verifier. Surtoul, il est malaise de Irouver des sacrificesptopremeul lotemiques. M. Frazer a lui-meme reconuu·que, sonvent, la vic lime etait celIe" d'nn sacrificeagrail'e .Dans d'autres cas, les pretendus totems sont les represen­tanls d'une espece auimale dout depend la vie de la tribu,que cette especesoil domestiquee, qu'elle soil Ie gibier pre­{ere au"qu'eHe soit, au contraire, particuli~rement redoutee.A tout lem.oins, une description ininutieuse d'un certain

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MELANGES D'HISTOIRE' DES RELIGIONS4

1. Introduction to the History of Religion, 1896. Pom; les -restrictionsvoir p. Hi, 1Hi, 1.60. - M.·Sidney'Hartland s'est ro.ltachc (Legend ofPerseus, t. II, ch. xv) 8. la. theorie de Rob. Smith. '

2. Frazer, Golden Bough, chap. lIT.

I

menl commenl une telle trausfarmation avait pn se pro-dUire. D'uu autre cote, quand la parenle des hammes etdes bBles eul cesse·d'Mre intelligible aux Semites, Ie sacri­fice humain remplaca Ie sacrifice animal; car il etait desor­m.is Ie seul moyen d'elablir un echange direcl du sangen Ire Ie clan elledieu. Mais alors, les idees elles coutumesqui protegeaient daus la sociele la vie des iIlqividus, enproscrivanll'anlhropophagie, firent lomber en desueludeIe repas sacrificiel.

D'aulre parl,peu it peu, Ie caracleresacre des animauxdomestiques, profanes quolfdiennemenl pour lanourrilurede ],homme,a-]]alui-m~me en s'effacant. La divinite sedetacha de ses formes animales. La viclime, en s'61oignantdil dieu, se rapprocha de l'homme, proprielaire du Iron­peau. C'es! alors que, pour s'expliquer l'ofirande qui enelait faile, onse la representa comme un don de l'hommeaux dieux. Ainsi pril naissance Ie sacrifice don. En m~me

lemps, la simililude des rites de la peine et du rite sacri­ficiel, l'effusion de sang, qui se relrouvait de part eld'autre, donna un carac~ere penal aux communions pia­cuIaires. de Forigine et les transforma en sacrifi~es e:xpia~

toires. . r

A ces recherches se raUachent, d'nne part, les travauxde M. Frazer el, de I'aulre, les theories de M. Jevons. Avecplus_ de circon~pection sur certains points~ ces dernieressout, en general, l'exageration theologique de la doclrinede Smith'. Quanl ~ M.Frazer', sans se rallier it l'hypothesetolemistique, il y ajoule un developpemeul imporlant.

. L'explication du sacrifice du dieu etait res lee rudimenlairechez Smith. Sans en meconhaitre Ie caractere naturalisle,il en laisait un piaettlltm d'ordre superieur. L'idee anciennede la parenle de la victime lotemique el des dieux survivait

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nombre de cas ceremonies serait·ellenecessaire; or c'estprecisement Ce qui manque.

Mais, acceptonsun instant cette premiere hypotMse,quelque contestable qu'elle soil. La marche m~me de lad~monstratiol1est sujet-tea critique. Le point delicat de la '

'doctrine eslla succession his torique et la derivation logique'que Smith pretend etablir entre Ie sacrifiee communiel etles aut"es types de sacrifice. Or, rieu n'est plus douteux.Tout essai de cbrouologie comparee des sacrifices arabes,ht\breux ou autres, qu'il etudiait, est fatalement ruinellx.Les formes qui paraissent les plus simples ne sont connuesque par des textes recents. Encore leur simplicite peut·elleresulter de l'iusufflsance des documents. En tout cas, ellen'implique aucune priorite. SI l'on s'eu tient aux donneesde I'histoire et de l'ethnographie, on trouve partout Ie pia­

culum acote de Ia communion. D'ailleurs, C!3 terme vaguede piao1!lurn permet a smith de decrire, sous la m~me

rubrique et dans les m8mes termes,des purification"s, despropitiations, des expiations, et c'est ceUe 'confusion quil'ernp~ched'analyser Ie sacrifice expiatoire. Assnrement,CBS sacrifices sont generalement suivis d'une reconcilia­tion avec Ie dien; un repas sacrifi~iel, une aspersion desang, une onction retablissent l'alliance. SeulelI)ent. pourSmith, c'est dans CBS rites communiels eux-m8mes quereside fa vertupnrificatrice de ces sortes de sacrifices·;I'idee d'expiatiou est donc absorbt\e' dans I'idee de commu­nion j sans donle, il cons tate I dans quelq_ues formesextremes ou simplifiees, quelque chosequ'il n'ose pas rat­tacher ala communion, une sorte d'exorcismc, l'expulsiond'un caractere mauvais. Mais, suivant lui, ce Bont des pro­cedes magiques, qui n'ont rien de sacrificiel, et il expliqueavec beaucoup d'erudition et d'iugeniosite leur iutroduc­tion -tardive dans Ie mecanisme du sacrifice. C'~t precise­ment cela que uous ne pouvons accorder. Vun des objetsde ce travail est de montrer que l'elimination d'un carac-"t~l'e sacre, pur ou impur, est uil rOllage primitif du sacri-

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7ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION.DU SACRIFICE

/fice, aussi primitif et aussi irreductible que la communion.Si Ie systeme sacrificiel a son principe d'unite, il doit MrechercM ailleurs.

Verreur deR. Smith a ete surtout une erreur de methode.Au lieu d'analyser dans sa complexite originaire Ie systemedu rituel semitique, il s'est plutat allache a grouper genea-

, logiquement les faits d'apres les rapports d'analogie qu'ilcroyait apercevoir entre eux. C'est, d'ail~enrSI un trait .commun aux anthropologues anglais qui sont, preoccupesavant tout d'accumuler et de classer des documents. Pournons, nous ne voulons pas faire anotre tour une encyclo­pedie qu'ilnous serait impossible de rendre complete etqui, venant apres les leurs, ne serait pas utile. Nous tache­rOns de bien etudier des faits typiques, Ces faits, nous lesemprunterons partieulierement aux textes sanscrits et alaBible. Nous sommes loin d'avoir sur les sacrifices grecs etromains des documents dela m~me valeur. En rapprochantles renseignements epars, fournis paries inscriptions etles auteurs, on ne constitue qu'un rituel disparate. Au con­traire, nous avons dans la Bible et dans les textes hindousdes corps de doctrines qui appartiennent a une epoquedeterminee. Le document estdireet, redige par les acteurseu"·m~mes, dans leur langue; dans l'esprit m~me oil ilsaccomplissaiEmt les rites, sinon avec une conscience tOll­

jours bien nelle de l'origine et du motif de leurs actes,Sans dante, a]Ol:'s qu1j} s'agit d'arriver a distinguer' les

formes simples et elementai-res d'une institution, il -estfacheux de prendre pour point de depart de la recherchedes rituels compliques, receuts, commeuteset probable­ment dt\formes par uue tMologie savante. Mais, dans, cetordre de faits, toute recherche purement historique estvaine. L'antiquite des textes ou des faits rapportes, hi bar­barie relative des peuples, la simplicite apparente desrites sont des indices chronologiques trompeurs. II estexeessif de chercher dans un chapelet de vers de l'Iliadeune image approximative du sacrifice grec primitif ; ils ue

ME~ANln?$ D'U1STOIRE DES RELIGIONS6

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'II'1',1" ,

Mals il importe, avant d'aller plua loin, de donner ulledefinitionexterieure des faits que nous designons sous Ienom de sacrifice.

Le mot de sacrifice suggere immediatementl'idee de con­secration et I'on pourrait Mre induit acroire que les·deuxnotions se confondent; II est bien certain, en eflet, que Iesacrifice implique toujonrs une consecration; dans tout

DEFINITION ET. UNITE DU SYS1'f;l\1E SACRIFICIEL

I

. ESSAI ~un LA NA'l'UHE ET LA FONCTION DU ~Acnn'ICE 9

pleLant l'un l'aulre. Sans leur attribuer ,de dales pl'ccises, memeapprochees, on peut diroqu'ils sout incomprehensibles les uns sans lesautres, Le seDS des pricrcs, les opinions des brahmanes, leurs aetes.sonl absoluri1ent soliduires. et la signification des faiLsne peut. Nredonnee que par une comparaison, incessante de tous ces texLes.· Cesderniers se repartissent suivant les COllctions des pretrcs qui lesemploient, et los divets clans brahmaniques. Nous nous' sommesservis des suivanLs : I. Ecoles du. recitant : Ie IJ-g Veda (= R. V.).recueil'des hymnes emp10yes par Ie holM (nous ne voulons pas direqu'ilne contienne que des hymnes rituels, ni qu'il soit do date receirte),edit. Max Muller, 20 ; traduction Ludwig,; puis entre autres textes de cettr,eC(lle,-l'Ailal'eya B,'ilhma!l,a (= Ail. B.), edH., AuCl'echt (citee par Adh­yaya cl Khaft~la), traduc,t.ion Haug; comme Slilra. de l'unecles bran­ches de' ceUe- ecole, l'AtVd1dycwa prauta, sulra, edit. Bib!. Ind.(=Af'v. p'. s11.). -II. Reoles de l'officiai:J.t. a) Ecole d,u Yajur-Veda blanc(Vajasaneyins) donL textes sont Miles paI' Weber: l'djasaneyi-Sarp,hitd(= V. S.), Veda dOl? formules;, Calapalha Brlihma~!a (= Cat. B1'.), trad.Eggeling, in Sacred Booles of lhe Easl (= S. B. E.), XII, XlII, XLI, XLVI:lCdlydyanaprauilL-sutra (= Kill. C1'. su.); - oj ecole du Yajur Vedanoir ('l'aitl.iriyas): Taitliriya Sarp,hild (= T. S.)", Cd. Weber, IndisclteSludien, Xlet Xli, contient les formuleset Ie Bl'a.hmaJ;llt; 'l'aiUirtyaB,'dhina~a (= T. B.) contien~ de rnemedes formu)es et Ie Brtlhma,:I;l8.;A'Pastamba-craula-sut1'a (edil. Garbe), dont nOllS avons· tout particuIie­rement suivi Ie rituel. -, Aces textes so superposent ce-dx clu riLueldomestique, les grhya sull'as des diverses ecole" (trad. Olden berg inS. B. E.XXIX, XXX). - A c6te d'e.ux, se trouve In. sel'ie des textesatharvaniques (du brahman) : Atha1'va-Veda,(= A. V.), Veda d~s incan~

lalions, Mit. Whitney e~ Roth; traductions: choix, Bloomfield in S.B. E. XLYIII; livres VIII-XIlI, V.- Henry. ]Caupika sulra (= Kallp. su.).edit. Bloomfield. - Notre etude du rUuel hindou eut eleimpossiblesans lesiivres de M. Schwab et de M, Hillehrandt, et sans l'assislanccpersonneUede MM. Caland, Winterni~z at Sylvain LeYi, maitres de rund'entrenous.

Pour _notre elude du sacrifice biblique, nous prench'ons pour base Ie

MELANGE~ O'HISTOIRE DE~ RELIGIONS

L Nous devons; avant tont, i-ndiquer quels soilt les lexLes donl nousnous s-ervons et queUe-est notre attitude crHique a leur egarcl. - Lesdocuments du 1'iluel vedique se ,reparlissent en Vedas ou SarrahiLas,BrahmaJ:las et Su~ras. LesSaJ:!lhitils sO,nt les recueils d'hymnes et deformul~ recites dans les rites. Les Brlthmanas sout les ,com'mentaireflmythologiques et theologiques sur les riles. L'es Slilras sont les ,manuels'rituels. Quoique chucun de cos ordres de teiles repose sur l'autre,comme nne 'serie de strates successifs, dont Ie. plus ancien, somilles Vedas (voiy Max Muller. Sanskr. Lit., p. 572, sflq.), on peut,avec latradition hindoue, que les sanscritistes temlent de plus enplus a adopter, les eonsiderer comille (o,rmant lous un bloc ~t' se com-

sutlisent m~me pas a donner uue idee exacte du sacrificeaux tempshomeriques. Nous n'apercevons les plus anciensrites -qu'a travers des documents litteraires, Y-agues etincomplets, des survivances partielles et menteuses, destraditions inlidMes, - Hest egalement impossible dedemander a la seule ethnographie Ie scheme des institu-'lions primitives. Generalement tronques par une observa­lion Mtive ou fausses par la precision de rlOs langues, lesfaits enregistres par les ethnographes ne prennent leurvaleur-que s'ils sont rapproches de documents plus preciset plus complets.

Nous ne songeons done pas a faire ici I'histoire et lag~nese du sacrifice et, s'il nous arrive de parler -d'anterio,­rite, il s'agira ,d'ante-riorite logique et non d'anterioritehistorique. Ce n'est pas que nous nous reflisions Ie droitde'faire appel soit aux textes classiques,soit a l'ethnographie,pour eclairer nos analyses et cont-r61er la generalite de, nosconclusions. Mais, au lieu de faire porter 110tre etude surdesgronpes de faits artiticiellement formes, nous aurons,dans les rituels dennis et complets que nous etudierous,des ensembles dounes, des systemes naturels de rites qui

. s'impose~t a l'observation. Ainsi contraints par les textes~

nous serons moins exposes ,aux omissions et aux classifica-.tions arbitraires. Entin, comme les deux religions qui vontconslituer Ie centre de notre investigalion sont tres difle­rentes, puisque i'une abouti t aumonotbeisme et l'autre aupanlheisme, on peut esperer, en les comparanC arriver-ades conclusions suffisamment generales·.

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sacrifice, un objet passe du domaine commun dans Iedomaine religieux; il est cansaere. Mais tontes les conse~

crations ne sout pas de m~me nature. II en est qui epuisentleurs etIets sur I'objet consacre, qneI qn'i! soit, homlne QU

chose. C'est, par exemple, Ie cas de l'onction. Sacre-t-onun roi? SeuIe, la personnalite religiense du roi est modi­fiee; en dehors d'elle, rien n'~st change. Dans Ie sacrifice,au coptraire, Ia consecration rayonne au dela de la choseconsacree; eUe atteint entre antres la personne morale quifait Ies frais de Ia ceremonie. Le fideIe qui a fonrni Ia vic­time, objet de Ia consecraVon,n'est pas, a la fin de l'ope­ration, ce qu'j] etait au commencement. II a acquis uncaractere religieux qu'i! n'avait pas, on il s'est debarrasse

Pentateuqlie. Nons n'essayerons pas d'emprunter it III. critique bibliqueles elements d'nne hiatoire des rites B8.crificiels hebreux. D'a.bol'd, lesmateriaux Bont, it notre sens, insuffi'sants,Ensnite. si DOUB croyonsque 10. critique biblique peut constituer l'hilltoire des textes, nous refu­sons de confondre colte histoire avec celle del'l faiLs. En parLiculier,queUe -que soH 10. date de III redaction du Levitique etdu Priestercodexen general,1'a.ge du te~Le n'est pas, selon nous, necessairemenL l'ft.ge (lurite; los traits du ritueln'ont, peut-lltre,ete fixes que tardivement Iliaisils existaient a.vant d'ctre enregistreB. Ainsi nous avons pu eviter de poser;a propos de chaque rite, 10. question de savoir s'il appartenait ou non iLunrituel ancien. Surlafragilite d'un cerlainnombre des conclusions de1'ecole critique, Voy. HaIevy, Rev, Semitique, 1898; p.i sqq., 97 sqq.,193 sqq., 2_89 sqq., 1899, p. t sqq, - Sur Ie sacrifice·hebreu, camilleouvrages gen,eraux : Munlr, Palestine, Paris, 1845 ;~ Nowack, Lelwbuchder I!.ebraischen An:hueologie, 1894, II, p. U8 sqq.; ~ Benzinger,

"Hebrii:tsche Al'chaeologie, :1894, p. 43:1 sqq.; comme ollvrages speciaux:Hupfeld, De prima et vem festorum apud Hebraeos ratione, Progr.Halle, 1851; - Riehm, Ueber das Schuldopfer. Theol. Studien und K1'i~tileen, 18M.; - RiIicIr, Ueber das Schuldopfe,', ibid., 1855; - J. Bach­mann, Die Festgesetze des Pentateuchs, BerI., 1808; -Kurtz, Der Altte8~

tamentliche 0p..ferkultlls, Mitll;ll, 1862; - Riehm, Der Begriff der Silhne,Theol. St. Krtt., 1877; - Orelli, Einige Alttestamentl. P1'ltmissen zurNeutest. VersQhnltngslehre, Zeilsch. f. Christl Wissen. u. Ch1·istl.Leben, 1884; - Muller, Kritischm' Versltch ilbe1' den Ursprung und dieG~schichtliche Entwic'i,lung des Pessach und Ma;.:r.othfestes. lnaug.DISil., Bonn, '1.884. - Schmoller, Dus Wesen dm' SiJ,hne in der Altteslam.Opfel'tora: Theol. St. u. krit., 1891; - Folck, De Nonnullis Vele1'isTestament.i Prophetarum locis, etc" Progr. Dorpat, 1803; -, Br.Baentsch, Das Heiligkitsgesetz, etc., Erfurt, 1893; - Kamphausen, DasVel:hdltnis8 des Menschenopfers ZU1' 181'aelitsi5hen Religion j Hl96. progr.U~lV. Bonn. -'·Sur les textes evangeliques concernant Ie sacrifice,VOir Derdmore Compton, Sac1'ifice, Londl'es. 1896.

11ES8AI SUR LA NATURE ET LA FONc'rIO~ DU SACRIFICE

d'un caractere deiavorabIe dont iI etait amige;iI s'esteleve a .un etat de grace, ou il est sorti d'un etat de pecM.Dans un cas comme dana l'antre, il est religiensementtransforme. '

Nous appelons sacrifiant Ie sujet qui reeueille ainsi les bene·fiees du saerifiee au en subit les e/Tets '. Ce snjet est tantM unindividu' et tantot une collectivite'" famille, clan, tribu,nation, societe secrete. Quand c'est une collectivite, ilarrive que Ie groupe remplit collectivement l'ollice de aacri­fiant, c'~st-A-dire assiste en corps au sacrifice ~ ; mais, par­lois aussi, il deIegue un de ses membres qUi agit en sonlien et place, C'est ainsi que la famille est generalementrepresentee par son chef', la societe par ses magistrats '.C'est un premier degre dans cette serie de' representa-·lions que nous rencontrerons a chacone des elapes dusacrifice.

Toutelois, iI y a des cas on Ie rayonnement de la conse-

L Le yajamdna des ledes sanscrits. Remarquo-ns l'emploi de ce mot,participe present moyen du verbe yaj (sacrifiel'). Le sacrifiant est,pour les auteurs hindous, celui qui attend un retoUl:' sill !loi de" l'elIetde ses a.ctes. (Rapprochor 10.· formule vedique " nous qui sacrifionspour nous », ye yajdmahe;de la,.formule avestique yazamaide.Voir HilIe~

bmndt, Ritual Littel'alw', p. 11,) ...,.... Ces benefices du· sacrifice sont,sui vant nous..>. des contre-coups necessaires du rite. Us ne sont pas dusB, une volonte divine libre, que la theologie a, peu a pOll, inteI'caleentre l'acte roligicllx et ·ses Buites.. On com·prendra., des lors, que miusnegligions un certain nombre de questions qui impliquent l'hypothCsedu sacrifice don at l'intel'vention de dieu.x rigoureusernen~ personnels.

2. C'est Ie cas 'normal dans Ie sacriOce bindou, qui est, ausSil-lgou­reusement que possible, en th60rie du moins, individual.

3. Par example, ll. A, 3'1.3 sqq.4. C'est Ie"cils, en parliculier, des sacrifices vrairnent totemiques, et

de ceux oil Ie groupe remplit lui·meme Ie rille de sacrificaleut, hie,dechil'c et devore 111 vicUme; enfin d'un bon nombre de sacrificeshumains, 'surtout ceux· de l'imdocannihalisme. Mais, souvent, Ie seulfait d'assister sulIH.

5. Dans nnde antique. Ie maitre de maison (grhapati) sacrille quel­quefois paul' toute sa familIe. Quand U n'est que participant aux cer~

monies, sa familIe et sa femine (cette derniel'e assistll.nt aux grandssacrifices), en reyoiventcertains eITete.

6. Selon Ezechiel, Ie prinqe (nati = exill1l'lIUt\) devait faire Ies fmisdu sacrlOce des fetes, fournil' les libations et Ill. victime. Ezech. XLV,17 ; 11 Chron. XXXI, 3.

-MELANGES D'H-ISTOIRE DES RELIGIONS!O

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,

III

I

13E5SAI SUR LA NATURE E'r LA FONCTION 'DU SACRIJrICE

L Sur lil consec~o.tion:deIa. cheYeliI~e, 'voir G. A. Wilken, Ram'opfer,Rev. col. Intel'. 1884 ; Rob. Smilh, Rel. of Sem., p. 324 sqq. cr.'S. Hart­land. The Legend OfPe1"Seus. vol. II, p. ~15,

de cerlains cas d'ofIrande de ]a chevelure; ici encore, Iesujel qui sacrifie est, par la partie de sa personnne qui eslofferle, en communication direcle avec Ie dieu 1. SansdonIe, il y a en Ire ces riles el Ie sacrifice des rapporls deconn~xite ; ils doivent"pourlanten Mre distingues.

Mais- celle premiere caracteristiqu~ n',est pas suffisanfe;car elle ne permet pas de distinguer Ie sacrifice de ces fails

,mal definis auxquels convient Ie nom d'offrandes. En effet,il n'y a pas d'ollrande oill'objet cousacre ne s'interposeegalemenl entre Ie dieu el l'offranl et oil ce dernier ne soitafiecte'par Ia consecration. Mais, si tout sacrifice' est, eneffel, nne obl'alion, ilya des oblations d'especes diffe­reules.' Tanl61, robjel consacre est simplement presentecomrn~ un ex-voto; Ia consecration peut l'afiecter au ser­vice dn dieu, rna-is elle n'aHere pas sa nature par cela seniqu'elle Ie fail passer dans.le domaine religieux : celles des

, premices, 'lui etaientseulemenlapportees au lemple, yres­taient intactes et appartenaient auX pr~tres" Dans d'autrescas, au contraire, Ia 'consecration detruit l'objet presente ;dans Ie cas at' un animal est presenle a l'autel, lebul que

. l'on poursnil n'esl atteint que quand il a ele egorge, aumis en pieces, on cpnsurne par "Ie feu, en un mot, sacrifie.L'objel ainsi detmit est la. victime. C'esl evidemmenl auxoblations de ce genre que doil eIre reservee la denomina­tion de sacrifice. On pressenl que la difference entre cesdeux sarles d'operations tient a leur inegale gravite el aleur inj\gaie eflicacite. Dans Ie cas du sacrifice, les energiesreligieuses mises en jeu sorrt plus forles; de la, lenrsravages.

Dans ces conditions, on doH appeler sacrifice toule obla­tion m~me v~~etale, toutes les fois que l'offrande, ou qu'uneparlie de l'offrande,esl detrui Ie, bien que l'usage paraissereserver Ie mot de sacrifice a la designation des seuls sacri-

MELANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONS

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i2

1-. Voir plus loin, p. 89-90.2. Voir plus loin, p. 90, n. 1. Nous. citerons pa.rticuliel'ement les

sacrifices celebres pour I'entre.e d'un hllte dans la matson: H. C. Trum­bull, TJu'eshold Covenant, p. 1.. sqq.

3. Sur l'alliance parle sang el In. fa\ion donl clIe a .ele rattachee ausacrifice, yoy. R. Smith, Rel. ofSem., Ie~t. IX; H. C. Trumbull, The Bloodcovenant.

cralion sacrificielle ne se fait pas directemenl sentiI' sur Iesacrifiani lui-merne, mais SUf certaines choses qui HennentpIns ou; moins directement a sa personne .. Dans Ie sacri­fice qui a lieu lars de la construction d'u~e maison t, c'estla maison qui est afleclee et la qualite qu'elle a acquise

.ain8i pent survivre ason proprietaire acluel. Dans d'autrescas, c'estle champ du sacrifiant, la riviere qu'il doit pas,ser, Ie sermenl qu'il prMe, l'alliance qu'i!' conclul, elc.Nous 'appellerons objcts d" sacrificeces sortes de chases ,mvue desquelles Ie sacrifice a lieu. II imporle, d'ai!1eurs, deremarquer que Ie sacrifiant est atteint, lui aussi, en raiso,n,meme de sa presence au sacrifice el de la part OU de l'inte­I'M qu'il y prend. L'action rayonnanle du sacrifice esl ieiparticulierem~nt sensible; car il produit un double effel,['un sur l'objel pour lequel il esl oller! el sur lequel onvent agir, l'autre sur la personne morale qui desir~ et pro-.voque cet effet. Quelquefois meme, il n'esl utile qu'a con­dition d'avoi!' ce double resultaL Quand un pere de famille

- sacrifie pour l'inau'guration de sa maisoD) il faut non sen­lement que la maison pUlsse recevoir sa famille, maisencore que celle-ci soit en etal d'y eutrer '.

On voit quel est Ie Irait dislinctil de la consecratiou dans]e sacrifice; c'est q!le la chose consacree sert d'interme­diaire enlre.le sacrifiant, au I'objet qui doil recevoir leseffetsnliles du sacrifice, et la divinite a qui Ie sacrifice estgeneralement adiesse. L'homme elle dieu ne sont pas enconlact immedial. Par la, Ie sacrifice se distingue de la plu­part des faits designes sous Ie nom d'alliance par Ie sang,oil se produil, par l'echange du sang, une fusion directe dela vie bumaine el de la vie divine 3. Nous en dirons autant

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'.-J.l.'

L Voir les textes cites (Jar Hillebral)dt, Nelf.~und Vollmonds-OpfeJ',p.•2, .3. -

2. CesoITrandes vegetales se sonl-eUes subslituees aUK sacrifices san­giants, .comme Ie voulait la formuJe romaine in sacl'is simulata pro verisaccipi (Serv., Ad Aen, n, 1:16; Fest., p. 360 b) 'l U etait ~ommode BanSdoute d'imaginer un passage progressif du sacrifice huma-in au sacrificeapimaI, puis' du sacrifice animal au sacrifico de figurineB representantdes animaux et de la., entiA, e,ux oITrandes' de gi\.teaux. nest possiblpque, dans certains cas, d'ailleUl's mal connus, !'intrOduction de nouveauxrituals aH produit de COB ~ubstitutions. Mats rien n'auwrise a generaliserces faits.M~me I'histoire de certains sacrifices presente plutot unp suc­cession inverse. Les animaux de piUe sacrifies dans certaines feLesagraires Bont des images des demons agralres et non des sim~lacrell devic times animale... L'ang.].yse de CeS carQmoniQS dOD1)l3ra plus loin learaisons de tout ceci. '

3. II resuUe de cette definition qu'il y a entre In. peine religieuse ellesacrlfice (du moi:Q.~ Ie sacrifice -expio,tQi-ra) des 3.llu,logies et des differences.La peine roligieuse, elle aussi, implique une consecraLiQn (consec1'atio bo~

lW1'um el capitis); elle consiste en une destruction qui effectue cetteconsecration. Les riles sont assez sembillbies aceux du, sacrifice pour queR. SmUh y ait vu l'un des mod.Hes du sacl'ilice expiatoire. Seulement,

- dans Ie eas de lapeine, Ia ma.nifestation violente do la consecrationporte direetement sur Ie Bujet qui a commis Ie crime et qui l'expie lui­m~me ; dans Ie cas du sacrifice, expiatoire, au conlraire, il y a substitu­tion eL c'est. sur la victime, non sur Ie coupo.ble que tombe l'expia~

15ESSAI SUR LA NATURE ET. LA FONCTION DU SACRIFICE

rentes operations a ete si bisn ssntie par los Hindous queles objets olIertsdans ces differents cas ont lite eux-memesidentifies. lis sont tous egal~ment considere. comme vivants­et traites'comme tels. Ainsi, au'moment QUI.dans un sacri.:.fice suffisamment solennel, on COllcasse ies grains, on les·supplie de ne passe venger sur le sacrifiant du mal qu~on

leur fait. Lorsqu'on depose Ie. gateaux sur Ie. tesson. pourles ~mire, on les prie de ne pas se briser l ; lorsqu'on lescoupe, on les implore ponr qu'ils ne blessent pas Ie sacri­liant at les pretl'es. Qlland on lait une libation ge lait (ettonteBleB libations bindoues .e font avec du lait ou run dese. prodnite), ce n'est pas quelque cbose d'iuanime qu'onofIre, c'est la vache ene-m~me dans son sue, dans sa. seve,dans Ba lecondite'.

Nous arrivons done finalemenl il la formule suivante :Le sacrifice est un acte riJligieux qui:., par la eonseemtion d'unevictime, modi(ie l'elat de la personne momle qui l'accomplitau de certains objets auxquels eUe s'inte,'esse'.

,.;.

MJi:LANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONS

L Lev. II, 1. sqq.; VI, 7 sq(I'; IX, 4 sqq.; X, 1:2 sqq. ; Ex. XXUI, i8;XXXIV,.2~; Amos, IV, 5. - La minlld remplit tellement l'office de toutaQtl'o sacrifice que (Lev. v, HI uno minlJd sa-ns huile ni encensremplaceun !JaNdt e~ porte Je. mel1lo' nOIll. U Bst.souvent parle de minh-t/. dans Ies,~ns ~en~ral de sacTI~ce (Cf. I Rois XVIII, 29, etc,). Invcrsement, dansI l~scnptlOn, de MarseIlle ie mot de zebalJ est applique comme celnl demm[uj it des oblaLions vegeLales : C. I. S. 165, 1. 12'; 1. f4 j Cf. id. 167,l. 9 et10. .

2. Lev. II.

- 3. ·Arisloph. Pluto 659 sq(I. ----' Stengel, Die Gl'iechischen Kultusaltel'-thilmel', 2· edil' l p. 8.9 sqq. ,

. 4. Porpl}. de4bst., II, 29. __ Diog. Laert" VHI, 13 (Delos). -;00 8Lengf,\ll,tb., p. 92. - Plme, N. H,. XVIII, 7. - Schol. Pel's., 11, 48. -

" 5. Rob. Smith, ReI. of Sem., p. 230 et SULV. voit m~me dans les liba­Lions .de. Yin et ~'huile des rituels semiIJques des equivalents du sangdes vlCtImes aD1males. .

6. K. Bernhard.i, Trankopfel' bei Hornet'. Progr.- d~ -l~gl. Gymn. Z.

~:~~~jg, 1885; FrIlze, De libalione vete1"ll'1J1" G1'aeco1'un, BerI., Dissert.,

7. 'IIl'j'lu.l),tct st lJ.€Alxpa'to'J. cr. Stengel, p. 93' et Hi. - Frazer: Pa~.­sanias, [ IU, p. 583.

8. ~tengel, ib.,. p. 99. - Uno libation d'eau-de-vie a remplace quel.quefOls, dans les usages actuels, d'anciens sacrifices. Ex. dans P. Hahl­ma.nn, Mansle1'l. Mii1'~hen' (vo~r Compte rendu, Annee' sociologique,t.ll), p. S·U.. Cf. Sartori, BauopleJ' (voir Compte rendu. Annee sodolo­.qtque, t. II), p. 25.

fices sanglants. II est arbitraire de r6streindre ainsi Ie sensdu mot. Toutes proportions gardees, Ie· mecanIsme de laconsecration est Ie meme dans tous les cas; il n'y a donepas de raisou objsctive pourles distiuguer, Ainsi la minMhlibraique est uns oblation de farine et de gateaux' ; eUeitccorupague certains sacrifices. Or, eUe est si bien au memetitre qu'euxun sacrifice, que Ie Levitiqne ue ren distingnepa. '. Les memes rites y sont observes. Une portion en e.t

. detrnite sur Ie feu de rantel; Ie reste est mauge totalementon. en partie par les pret.es. Ell Grece', certains dieuxn'lldmettaiellt sur lellr alltel qne des oblatious vegetale. ' ;il Ya done sn des rituels sacrificiel. qui ne coJi!portaient pasde victimes animales. On peut sn dire autant de. libationsds lait,. de vin ou .d'autrll liquide'. Elles sout sujettesenGrece ll aux m~mas distinctions que les lliacrificee 7; il arriveparlois qu'eUe. sn tiennent iieu B. L'identite de ces diffe-

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, i

, ESSAJ SUR LA NATURE ET- Lk FONCTION DU SACRIFICE i 7_

L. pins instructive peut-Mre .est celie qui, classique,repartit les sacrifices en constants et en occasionnels '. Lessacrifices occasionnels sont d'abord les sacrinces sacramen­taires (sa'!UJki1ra), c'est-it-dire cenx qui accompagnent lesmoments solennels de la vie. Un certain nombre de cessacrifices lont partie du rituel domestigue (expose dans lesIirhYIHi1tras) : ce sontceux qui ant lieu lars de Is n.issance,de la tonsure rituelle, du depart du pupille, du mariage, etc.D'autres font partie dn rituel solelinel; c'est l'onction duroi et Ie sacrifice qlii conlere la qualite religieuse et civilequi est consideree comme su.perieure a tontes les autres 2 •

En second lien, il y a les sacrifices votils dont Ie caract~re

oecasio-nnel-est encore plus marque a~ entin, les sacrificescutatils et expiatoires. - Qnant aux sacrifices constants(nityi!.ni) au mieux periodiques, ils sont attaches it certainSmements fixes, independants de la volante des bommeS etduhasard des circonstances. Tels sont Ie sacrifice jonrnalier

1, Voir :Max 1\fiiller, Zeitsch1'. d. D. Morg. Gesell., IX, p. LXIII. '-- Kilt.!Jr. 8iI:.-1; 2,10, U e~ comm. de Mahidhltto. all locum,. srlrtbut a 1.1; cf;Kulluka B..d Manu, 2, 20.~. Vedilnta Sara, 7 et suiv. (Ed. BOhtlingk,Sansl£1'it~Chrestomathi_e, p.. 204, 200). Cetteclassification n'est, !le~hle-t.i1,

attestee que par des autoriws assez recentes. tandis que les autres clas­sifications rem~nteraient <Jfux plus anCiens textes. Mais, en fait,elle setrouve bien d'o.bord da.ns les collections litUrgiques qui distinguent desformules reguliei'es -(yaju?ll lei; fotmtiles des rites fac'dJlittifs {Kdmye~.

!iyajyds}, et les formules .des rites expiatoires Jpraya~citttlni). Elle sefrouve dans les BrahmaI).as qui (par exemple_Ie Taitt hr.) consacrent det.His longues seetioilS sdit a.UK: expiations, soit aux vrnuxpilrtic-uliers, ataux sacrifices necessaires. Enfin les sutras distinguent eonstamment lesrites en constants (nitydni), obligatoires et pe:riodiques, en facultatifs{lclhnydni);occB.sionnels (1ldimiUikani) et expiatoites (praYa(Jeittd1li). Cesdivisions sont connues aussi bien du ritual solennel que du rilueLdomes·tique (voy. Old~nberg, Sw'vey of the contents of the ,Grhyas-atms in S.B. E. XXX, p. 306·7). Ces ledes contiennent Russi des passages Mncer­nant les rites curatifs (bhai~ajyilni), paraUeles a ceux quenous fait con~nattre Ie KauQikasutra. (Mh. III, edit.,Hloomf: 1.890).De telle sorte queles sacrifices obt hUm ~te, des Ie principe; tepartis suivant cette division,qui n'est devenue consciente que plus tard.

2. Le-Vdjapeya.Websr, Sitz. be". d.1t .. Alc. d. Wiss. z.Del'l. Phil.Rist.Cl. 1892, p. 765 ~t sui"., et I1iIlebtitiitlt,. Vedische Mytholl!gie, I; 21.1 (Bres­lau, 1890).

3. Par.exemplepour obtenir un fils, une longue vie (Hillebrandt, Rit.Litt~ § 58 at § 66)~ Ces_ sl!crifides sont extremementnombreux. Plus nom­breux m~me, que les textlls pubWis ne ndus les presentent-.

l\VLUi,S·HuBERT 2

MELANGES D'HISTOIRE DES RELIGIQNS

,- --- --"~--~---"~"~ - - -,

16

Pour la brievete de l'exposition, nous appellerons sacri­ficespersonnels ceux oli la personnalite du sacrifiantestdirectementaflectee par Ie sacrifice, et sacrifices objecti{sceux oil des objets? reels on ideaux, recoivent immediate­ment raction sacrificielle._ -

Celte definitionne delimite pas seillemeut l'objet de notrerechercbe, elle nous lixe sur un point lort important: ellesuppose, en effet, l'nnite generique des sacrifices. Ainsi,comme nous Ie faisions pr~voir, qnand nOlls reprochions aSmith de redliire Ie sacrifice exphitoire au sacrifice commu­niel, ce n'Mail pas pour etablir la diversite originelle etirrednctible des systemes sacriliciels. C'est que leur uniten'est pas,telle qu'il se la representait.

Mais ce premier resnita t 'patait en contradiction avec !'in­finie variete que semblent presenter, an premier abord, lesformes du .sacrifice. Les occasions de sacrifier sont innom­brables, les eflets desires lort differents, et la multiplicite1es fins implique celie des moyens. Aussi a-t-on pris I'ha­bitude, surtout en Allemagne, de rauger les sa6!'ifices euun ~ertain nombFe de categories distinctes : on parle, parexemple, de sacrifices expiatoires (Siihnopfer) , de sacri­fices d'actions de graces (Dankop{e;-), de sacrifices demandes(Bittopfer), etc. Mais en realite, les limites de ces categoriessont floUantes, enchevMrees, souvent indiscernables; .lesmemes pratiquesse retrouvent it quelque deg!'e dans toutes.Nons ne prendrons a notre compte aucune des classifica­tions conramment employees; elles ne resnltentpas, it notreavis, d'une recberche mMhodiqne. Sans essayer d'en tenterune nouvelle qui ser~ait~xposeeaux m~mesobjections, nonsnous contenterons d'emprunter ici,--pour nous faireidee de-la diversite des sacrifices, l'une de_(classifications donneespar les textes hindous. . . ,

Lion. Toutefois, comme la societe est contaminee par le-criIJ.le, 10. peine esten m~metempspourelle un moyen, de laver 10. tache dont elle est souil---'fee. Le coupable remplit donc a !:lOll egard Ie r61e d'unevicLime expia-

, toire. On peut dire qu'iL y a en me me temps peine et sacl'Hice.

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19ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE

que Ie soma n'est apteau sacrifice qu'au printemps, ce nepent etrequ'une fete periodiqne (rite, ceremonie) " et pOUl'­tant on sacrifie Ie soma pour nue mnltitnde de fiJis qui tantOtdependent et tanlOt sont independau tes des vreux et des occa­sions : a· chaque printemps, lors de la consecration du roi, .pour atteindre un plus haut rang social, pour devenirinvul­uerable et victorieux, pour echapper a des malheurs quipourraient devenir chroniques. Enfin_ des rites de sew~ con­traire peuvent 2.voir la m~meforme:des raisons internes aurituel ont dli etre cause que la vachesterile, sacrifiee aRudra,dieu mauvais, par les brahmanes, l'est de la me-me maniereque Ie bouc offert aux dieux celestes et bous, Agni et Soma'.

Le rituel hebreu fournit des exempies non moins frap­pants de la complexite des rites et de l'identite de 'leurseJements. Le Levitique rMuit tous les sacrifices a quatreformes fondamentales ; '0111, lJattat, shelal1/.im, minoa '. Lesnoms de deux d'entre elles sont siguificatifs. Le lJattat etaitle,sacrifice qni servait particulierement a expier Ie pecMnomme lJattdt ou lJataa, dont Ie Levitique n9us donne

Mlsigne it Ja fois Ia plante victime, Ie dien que degage le- sacrifice etle dieu sacrifie. Celte'reserve faite, nous optOl1s. '

1. Le soma en effct ne peut etre sacrifie qu'au moment oil it est ennours, au printemps (voy. .I:1pvaldyanasomapmyoga, in Mss. Wilson 45tJ,:Bodley. Oxf. fo 137). '

.2. II Y a en e1f'et 180 plus grande analogie possible entl'e Ie rituel dusacrifice de l'animal it. Agni-Soma (np. !-1·. stl. VII) et Ie rituel atharva­nique de l'etoulfement de Ia va~d (vache sterile) (Kaupika stll1'a, 44 et 45).De me.me dans Ie rHuel domeslique les divers sacrifices animaux. ycomprls celui du taureauexpiatoire (vay. plus loin, p. 76), sont tellementanalogues que les UDS ou les ll.utJ,"es ant pu, suivanL les ecoles, servir detheme fondo.mental il. lEL description (voir HiIlehr. 'Rit. Lilte. § 44). ,

3. Deuteronome, XII. 6, 11, .27; Lev., XVII, 8; !ugcs, XX, .26, 'IISamuel, VI, 17, etc., ne mentionnent que l''old et Ie zebah ou Ie shela­m'im. LII. question de savou' si ces passlLges se rapporten( il. des rituelsanterieurs ou a. des rituels paralUlles, n'impol'te pas il. l'ohjet special denotre travail. - Pour 180 theorie suivll.nt l~quelle les sacrilices expiaLoiresn'ont eLe introduits que tardivement dans Ie rituel hehl'alque, nous 1'en­·voyons simplement au resume de Benzinger, Heb1'iiische Archaeologiep. 441 at p.447 sqq. Le passage I Sam. III,'14 est trap vague pour qu~l'on en puissa rien conclure contre I'existence du balldt. En tout cas ilest impossible d'admettre que los sacrifices expiatoir~~ soient des tra.ns­formations de l'amende pecuniaire.

MELANGES n'mSTOIRE DES RELIGtONS

1. (.e principe est ffieme tellement rigoureux ,qu'nnexpose.Ie/ituel ~usacrifice avant Ie rituel de l'etablissernent de 1aute! (voy. Hlllebr., § 59,Rit. Lilt. Vorbein.).

2. Hillebr., Ril. Lilt., §.66.3. Nons traduisons ainsi Ie mot soma., dans Ie compose somayajna,

comme un· nom COIIlIiUll. Le wrme est intr~duisible, cnr Ie mot soma

18

Ie sacrifice de la nouvelle et de la pleine lune, les sacrificesdesfMes saisonnieres et pastorales, des premices de find'annee. Les uns et les autres se retrouvent generalementdans Ie rituel solenne! et. dans Ie ritnel domestiqne, avecles differences que comp·ortent la solennile de l' nn et Iecaractere familial de I'autre,

On voita combien d'occasions diverses lesbrahmanes ontfait servir les sacrifices. Mais,: en m~me~emps, Us ,en ont~i bien senti l'unite qn'ils ont fait de ceci Ie principe de leursliturgies. Presqne tous les textes liu rituel solennel ont Iememe plan: expose d'un rite, fondamental, que l'on diver·sifie progressivement pour Ie faire repondre aux differentsbesoins '. Ainsi les ~ra"ta s-atras et les brdhmanas qui lescommentent partent de la description generale de l'ensembledes rites qui constituent Ie sacrifice des, gateaux a la nou­velle et a la pleine lune, et c'est ce schemequ'ils adaptentsuccessivement3 en Ie modifiant suivant les circonstances,a tautes les ceremonies qui conipo~tent un sacrific~ degateaux. C'est ainsi qu'un sacrifice de gateau constitue laceremonie essentielle et des fMes saisonnieres, _dont lesaspects sont deja si nombreux et vari~es (sacrifices a la~atureJ sacrifice~ de purification, de consommation despremiersgrains l etc.), et, HUBSt, de loute une serie de sacri­fices votifs.'. Et il n'y a pas la seulement un artifice d'ex­position, mais un senS reel de la souplesse du systemesacrificiel. En effet, soit Ie sacrifice animal solennel. NousIe trouvons i801e ou combine avec d'autres,dans les cas lesplus divers: dans les fetes periodiqnes de la nature et dela vegetation, et dans des rites occasiounels, lors de laconstruction de rautel, dans des rites destines a racheterla personne. Valei maintenant]e sacrifice du. soma :I. Puis-

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Ii

ESSAJ SUR ."LA: WATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE '2i

occasion de 8acrifier eu une plnralitede sacrifices simplesou qu'on con8iderait comma tels. Par exemple, Ie sacrificede l'ordination du g~aud.pret~e'se comp08e d'nn aaUdt,sllcrifice expiatoire, d'nne hld, sacr-ifice oiL la victime etaitbrulee tout entiere et d'un sacrifice du belie~ des consecra­tion8 qui est un zebaa shelamim, sacrifice cOlj1muniel. Lesacrifice pour la purification des accoueMes, coinp;end unaa!tdt et uue 'ota 2. Le sacrifice' pour la purificatiou dulepreux comporte des rites analogues a ceux de la conse­crationdu prMre', Voila d01l-c deux sacrifices dout l'uuparait etre expiatoire et l'autre plut6t communiel, quiabouti8sent ades rite8 selj1blables. Ainsi, meme ces deuxidee8 irreductibles d'expiation et de communion, de com"Inunication d"un caractere sacre au d'expulsion d'ull carac­tare contraire, ne peuvent pas fournir la ba~e d'une classi-:jication generaIe et. rigoureuse des 8acrifices, Peut-Mre-chercherions-nous en vain des exemples, de sacrifice expia­toire au ne se glisse aucun element communiel au de sacri­fice8 communiels qui ue ressemblent par ilucun cMe ;\ dessacrifices e~piatoires It,

Car 1 non se!llement dans les sacrifices complexes, maismema daus les 8acrifices eIemeutaires du Peutateuque, nousretrouvon8 la·meme ambignite. Le zebaashelamirn' est unsacrifice -commun-iel ; .et pourtant, certaines parties_de "lavictime (Ie saug,la grai8se', quelques visceres) sout tou­jours reservees,detruites ou interdite8. Un membre esttoujours mange par les prMres. La victime du aaUM pentMre attribuee tOllt entiere aux prMres'; ;\ defant du sacri-

!. 1l<, XXIX. c.. L~v. VI\!.2. Lev'-xn; 6. -3. L-ev,·xrv, -,A rapprocher·Lev. XIV, 7 d~ Ex. XXIV, 20.

4. Les sacrifices grecs se peuvent div-iser assez facileOlent en sacrificesc9rn!D-qnie,l~ eJ ~~' s~:rifices ~~B~l\otoirE~~ sq.~rillces au~ dif!u~ lnf~l'Qaux etsacrifices aUK dteux du ciel; ils-sont classes do celle fac;on da.llsJ'excellentmanuel de Stengel, Die g7'iechischen Kullusaltm'hiimer. Cetta classifica­tion i'J.'est juste qu'en apparCllce.

5, Lev. IV; VIr, 14; IX,.2:l, ehi.~. Lev. x. 16,

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MELANGESn'HISTOIRE DES' 'RELIGIONS

' ..'_..~-'. _. _. -'''-~'------''-'.-. ~

1.. Lev. IV, 2.2. Shelamim = zebah shelamim. slir l'equivalence des zebalJ-im et de

zebalJ shelamirn, voir Benzinger, lof.:. ciL p. 135.3. Nous nons rattachons dans Ill, traduction dn mot ,vid iL- l'interpreta.·

IJ.on tradHionnel1e fondee d~aiUeurssur rexpression bibliqne (( ilfit moiJ.t~rl' 'old lla montee). » _ Cf, Clermont-Ganneau, Compte,<: rendus de l'Acade- ..mie des lnscr~ptions! t898, p. 599, - Sur Ie <avon et son exp~ation" ~oirHalevy, Revue sijmitiljue' 1808 p. 4JL~ Une autre sorOO ,'d'e_pech~ do_nt Ierituel a pi'~'vu J'expiatioll! leasham (Lev. V), ne paraH pas aV~I'r donnelieu aune forro-especiale de .sacrifice. 11 ayii've 'que Ie sa.crifice qui l'expi'-esoit designe par Ie nom deasham, IDais d'apres Lev..v, Ill, ~er~mohi~ e_xpia­toire 'se compose de lJalta't ,Ht de 'ola;, Lev., VJI, 2-7 ldentlile I'elJ-atfdtet Ieasham,. cr. N'ombres, V, 9 sqq, pourtant Ezech. XL, 39; XLII, i3; XLVI, 20disUngu:e formellement l'es deux saci'ific'es.

4. t.'in'Scriptton de Marseille (C. 1. S., I, 165j"presente une re'ductionan:aIogne, des -di vers sacrifices}l. trois sac'rifi"ces, types'; ,i 0 Ie kaW quiequive.lit 0.1' 'old I}.ehra'ique; 20 Ie saual, .sacri/icium,.laudis o'um·ati'~ni~ quie'quivaut au 'shelantim; 30 Ie shelem-kalil. La ligne 11 II1entionne seule'd~ux-sac'rifi'eesplttti'culiers, Ie shasaf et Ie !razut (voy. C.l, S., t. -I, p ..230),~ Le' ~ihel:em~kalil doit;;.il ette OODsidere, 'comma une -juxlaRosition de ­sacrifi'ee-s YVOiL' A, Baden, On the sa-c1'ifi'Ce& Kalil and Sheletn-kalil inthlr Ma,~eillll,['Mcripti'oni P~oc. Am. 01'. 'Soc, l894, p. LXvIT-LXlX. =- L'ins~

'cription 167.(Carlhage) nedistingue qU"e Keli'lim et Sauat. -Cf., Glermont­Ganneau, Insc7'iption NabaUenne 'de KtLniathtL, C, R. de Z'Ac. d-es lnsc1"11898, p. 597-599.

une defiuition, malh'eUreusement hieu vague'. Le shelamiin'(LXX eu.'. ,~~","i) est uu sacrifice communiel. sacrificed'actions de grAces, d'alliauce, de vreu. Quant anx termes'o.li! et minM, ils sont purement descriptifs. Chacun d'eux'rappelle l'uue des operatiims particulieres du sacrifice: Ies'econd, Iii presentatiou de la victime, dan. Ie cas OU elle estde nature vegetale, Ie premier, 'l'envoi de l'oflrande a la

divinite".Cette simplification du systeme des sa"rifices' est sanS

doute Ie resliltat d'uue classification trop particuliere,et' trap arbitraire d'ailleurs, PQur servir d~ baBe a uneetudegeuerale dll sacrifice. Maisl a vrai dite, ces CJ:,!atreformes typiques ne sont pas, aU tout au moillS ne sontplu. des types reels de sa"rifi"es, mais des sertes d'ele­ments abstraits ou I'un des organes du sacrifice setrouve particu1ieretnent dtlVeloppe et qui peuveut toujourseutter dans des formules plus complexes. Le rituel adeeompose les ceremonies auxquelles dounait lieu chaque

20

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LE SCHEMIJ: DU SACRIFICE

II

23F:SSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION' nl1 SACRIFICE

ex'plique. Tous les personnages sout tres nettemen t pre­sentes, au moment de leur introduction et de leur sortieanssi bien que dans Ie cours de l'action. De plus, c'est unrite pour ainsi direamorphe j il n'est pas oriente-dans unsens determiue; il peut servir aux fins les plus diverses. IIu'en est pas qui se prMe' mieux a Ia te~herche que nous vou­Ions entreprendre. C'est pourquoi nons en ferons Ie fondsde notre etude, sauf il grouper autour de cette analysed'autres faits, empruntes soit il l'Inde elle-meme soit ild'autres religions.

Le ~;acrifice est un acte religieux qui ne peut s'accomplirque dans nn milieu religieux et par l'intermMiaire d'agentsessentiellerpent religieux. Or~ en g{meraI, avant la cere­monie, ni I~ sacrifiant, ni Ie sacrificateur, ni Ie lieu, n,i lesinstruments, ni Ia- victime, n'ont ce caract~re au degre quiconvient. La premiere phase du sacrifice a pour objet de Ieleur donner, lis sont profanes; il faut qu'ils changent d'etat.~our ceIa, des rites sont necessaires~ qui les introduisentdans Ie monde sacre <it les yengagent plus ou moins pro­fondement, suivant l'irnportance dn r6le qn'ils aurontensnitea joner. C'est ce qui constitne, suivant I'expressionm~me des textes sanscrits i l l'entree dans le sacrifice.

'1 0 Le sac1'ifiant. - Pour etudierla maniere dont ce chan­gement d'etat se produit chez Ie sacrifiant, prenons tout desuite un cas extreme, presque anormal, qui n'appartientpas au ritueldn sacrifice animal ordinaire, mais au les ritescornmuns sont comme grossis et, pour cette raison, plus

1. Le.principe de l'entree dans Ie sacrifiee est constant dans Ie rituel.II est remarq11ablement exprime, dans Ie sacrifice dn soma oil nous ll.vonsIll. prdya'(l-'lye~ti. Ie sacriOce d'entree, repondant exactement iL l'uday.a­n'lye${i, sacrifice de sortie. Qat. B1'., 3, 2, 3, 1.; 4, 5, i, 1. - Cf. Ail. Br. 4,rJ, 1. et 2.- Cf. Taitt. S. 6, 1, 5, 3, 4. - GeneralemenL de simples rites, deconsecration directe, suffisent il. prepareI' les sacrifices. Mais nous voyonsqu'il y a des cas Ollie sacrifice principal cst precede de sacrifices pl'eli­minail'es. Ainsi les pmecidiwem romaine\'! (Gell. 4, 6, 7). Les 1tpo6up.,l't(tnesont pas du meme genre (Eur. fph. A., 1310-1318. Cr. Paton, Cos, 38,17),mnis d'autres sacrifices y corre5ponda~cnt: Paton, Cos, 38, 12.

~~~~~~~~-i!.~:.-~,_--~,:,_4i~~!::-~:::"'t''::~,:::i~--:-'-:')~T'T;~_·-,,-,·-~s:t_,v,\~?~t.-.."'i,

, MELANG,ES n'HISTOIRE DES REL1GIONS22

L Ezech. ~LIII, f!l sqq.; XLV,,19. cr. purification du lepreux, Lev.XIV, 7.

2. Ex. XXIX, 20.

L'entree.

NOllS ne pouvons evidemment songer a dessiner ici unscheme abstrait dn sacrifice qui soit assez complet pourc;:onvenir atous les cas connus j la variete des faits est trap ­grande. Tout ce qu'il est possible de faire, c'est d'etudier desformes determinees de sacrifice, assez complexes pour quetaus les moments irnportantsdu drame y 'soient rennis, etassez bien connnes pour qu'une analyse precise en puiss.~

l\tre faite. Le sacrifice qui nons paralt Ie mieux repondre ilcette condition est Ie sacrifice animal hindou vedique. Nousu'en -conriaissons pas, en effet, dont Ie dHaii soU"mieux

fiant, les sacrificateurs communient. Dans Ie /}altat celebrepour la consecration ou la purification du temple' ou del'autel, Ie sang de la victime sert il oindre les portes et lesmurs. Ce rite leur communique la consecration i. Or unrite du meme genre se r.etrouve dans Ie zebab shelamim deTordiuation; une onction de sang toute semblable est faitesur Aaron-et ses fils '.

Ces exemples montre'nt quelle affinite presenteut despratiques qui, par la nature de leur objet et de leurs. resul- ,tats, semblent etreles plus opposees. II y a continnite entreles formes du sacrifice. Elles sont ilIa fois trop diverses et"trop semblables ponr qu'il soit possible de les diviser engroupes trop neltenient caracterises. Elles ont toutes Iememe noyau; et c'est lil ce qui fait leur unite. Ce sont lesenveloppes d'un m~mc me~anisme q~e nous allons main­tenant demonteret decrire.

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D,oir~ le ~.4qrion ~, etc. Les eeples var~ent d'~lIeurs Iege~e"!:rte¥~ ~ur les ­div~rses~lgniflc<l-~~ons 4e~ tliff~rents rites, eL sur leu~' ordre ..

1. Ap. ~1·. sd'. X, 6, 6. 'Le m,antra est T. B. 3,.7, 7, 1: qf. V; S. 4,,2, c.et Oat. Bj', 3, 1, 2, 20.

2. Ap. P1': sl1. X, 61 11 sqq. T. S. 6, 1, 1., 4. 5, eLc.3. .AP, .pI'. su. X, 8, 11, ~2. CeLLe pea~ d'auLjlope esL selon ce'rlaips Le~~s

(Ait. Br. loco cit. e~ Qat. 3, 2, 1, ~) l'uQ~ ~les ~emlJranes 4e l'embryonqf1311, qu'es~ Ie di4ik$q.m41.la, celui qui s'initio. p'autres tex~-es, 'd'egalevft.1e'qr <f. 8. 6, 1, 3,'2) dLBent qu'it s'ag~t simplemenL de rev~til' Ie :s'acri~

~£Lfl"t de l\Lpc?-l.} 4~ -l'animal br~lImanique, afrn de l~i Caire acqueri~ 10.!lu~lite de brahmane.

~. AI'. ,:r. sol. x, ii, 2. .D. AI'. X, 9, 10. T. S. 6, i, 3, 8. - Gf. Web. Ind. St. x, p. 3,S, n. i.6. Ap . X, 11, 5 sqq. -=. T. S. 6, f, 4, 3.

7. 41'. :1(, I!, 7 ~qq.; x, 12,. I, IHS.8. Son dlman, son ·individu. II est devenu une (( offrande Q,.ui dieux ll.

4it.l,1r. 6, 3. 9; fl, g~ 6 i Oat.- 3, ?, ,~, 2L - .,p. C1'. ·stL X, 14, 1~~ « C'esLce qui est explique ~~ lJJ,"~~IflBJ;t!!-. g1.J.an~ee dtlc~ita dovient ma~gre, ildevient pur (inedhya, sa'Ctificie1), Quand il n'y a plus rien il devient pur.Quimd Ie. peau touche les os, il deviant-pur. C'est gras qu'il est initie.

-neui!; indiquanl paRla qu'une nouvelle existence va com­mencer pour lui. Puis, a la suite de diflerentes onc-'Hons ~, o:p. Ie recouvre d'une ~ntilope noire 3. C'esl Iemoment solennel mi Ie nouvel Mre s'eveille en lui. II estdevenu fmtus. II 8e voile la tete et on lui fait fe..mer Iepoing', car l'embryon dans ses en>:eloppes a Ie poingferme; on Ie fait aller et venir alltour du foye.. COmme Iefmtus s'agite dans la matricB. II reste dans cet etat jusqu'.la grande ceremonie de l'introduction du sOma '. Alors, i)ouvre les poings, il se devoile, il est ne a-Fexistence divine,il est dieu.

Mais sa nature divine une fois proclamee' lui confereles droits et lui impose les devoirs d'un dieu, ou tout aumains d'un saint. II ne doit pas avoir de rapports avec leshommes'des castes impures,:o.i avec les femmes j il nerepond pas. qui l'interroge; on ne Ie touche pas'. Etantun dieu, il est dispen8e de tout sacrifice. II ne prend que dulait, nounitu.re de jeune. Et cette existence dure de longsmois jusqu'. ce que son corps spit devenu diaphane. Alors,ay~·nt commesacrifie. son ancien corps8, pqrvenu au del'';'

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25.ESSAI SUR LA NA.TURE ET :r.A FONCTION DU SACRIFICEMELANGES .D'HISTOIRE DES RELIGIO-NS

faci)ement observables. C'est celui de la dik~a,c'est-.-dire

de la preparatiou du sacriliaut au sacrilice du soma'. ­Des que les prMres sont choisis, toute une serie de cere­monies symboliques commencent pour le sacrilian!, qui

·"ont progressivement Ie depouiller de I'Mrelemporelqu'i!etait, pour Ie faire renaltre sous des especes entierementnouvelles. Tout ce qui touche aux diem, doiti\tre diviu ; Iesacriliant est oblige de devepir dieu lui-meme poqr etreen etat d'agir sur eux '. A cet eflet on lui batit une huttespeciale, etroitement fermee ; cat Ie dik!ita est un dieuet le monde des dieux est separe de celui des hommes '.On l~ rase, on lui coupe les ong-les 4, mais a la fac;ondBsdieux, c'~st"a-dlre dans un ordre inverse de celui -quesuivBnt habituelleIIlent IBS hommes '. Apres avoir prisup bain purilicatoire', i1 revet un vMement de lin tOllt

L Sur Ie. (tik$d, voir :PrunD Lindner, Vie m(cs(l ode1' Weihe -fUl' 4asSQ11!aopl'el', Leipz., 1878 (6Ludie: seulement les textes theqlogiques eL lescompare). Cr-s texLes du Oat. Br., de TAil. Br., de 1a Taitt. sa1!l. sonLd'ailleurs 1~~~lletlleuLcomplfl~s sur 10. qU!3S11on. - Oldenberg, ,fiel. d. vet/..p. ~~8, sqq. lI'l· 01~. v()it d~lls ~'" dik~~ U,U rile d'~sceLismecPDlra~abl~4ceux du shamanisme. II n'aLLache pas .ae valeu.r au symbohsmedesce~6wonies e~ Ie croiL de da.tl} recente, ~. O. se.mble aVQf1' rcellemep.lmIS en IUDli~re un c6te4~s fQ,iLs; mais son explication se .1I11sse lortbien concifier avec 10. n6tre. Pour rem~eq'lble des Lext.es' brahmaniq'uesvoir S. Levi, Doctrine du,sac1'i{ice dans les Brdhmu'(,ta8,p. 103-106. PoUrla ~ll.duclion du ~ot (iik$~, nous ~OU8 rMtacb,ons it. l'opinion de M. We­bel',· Vdiapeya (loc. cit., p.778). La dtk~a. n'est que vagitemenL indiqueeau IJ.g veda,_ et n'ayaH pa-s'8.l'etFe. EI1eij.'u:pe place prepPll-¢lerante fl!louStouLle resto de la 1ilteraL~re vedique. Le succils de'ce lite, ~'aiUeurs

fort bien conserve, a ete ires grand daus 1esriLueis pUl'aniqucs et t.im­~t:iquas.

2, Voir S. Levi, ib., p. 10~.

3. '1'. S. 6,'1, 1, 1.

4~ De ce rite, repandu dans 1<1- plupal'L desl'eligioDS., les LaxLes hindQus~onnent une excellente interpretation j 1es chevEmx~ les spurclls, '10. barbe,l~s ~ngles des mainset des pieds sont 18,'«' p~rtie morte' ll, ~mpl.l~~·ducpr~~. Q:n IllS: c:oupe pour se'rendre pur, T-. S. 6, 1, 1, 2, -

5. S. Levi, lb., p. 87, 88. 1'. $.8, 1,1,5. ,-- 9at. Br., 8, I, 2, " 5.

6. C'astIe rite de'l'apsudik$d (Ap. pl'. Sir x, 6, Hi sqq.), qUisy~bolis~ala fats ~a purification (voir Ie :mantra T. S. 1,2, 1, 1 :::::! V. S: 4,2,8, =R. V.1.0, 17, 10 et A. V: 6, 5~, 2) et sa nouvelle conception. Voici la serie dessymboles,. suivanL l'Ait. B1·.1" 3, 1 sqq. «Le bain sia'nifie sa conception,la hutte est sa maLrice: 'le v~tement l'amnio:o, la peau de, l'antilope

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27

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ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONC'fION' DU SACRIFICE

L Nomb. IX, 1.4: XV, f3·t5. 29. - cr. PanS'. IT, 27, 1.; Eur. El. 795:C. I. A., II, 582. 583 ;

2. Les incirconcis no peuvimt paraltrc aux eCl'emonies du culte: Ezech.XLIV,7; Cf. Ex. XII, 43, 45,48; Lev. XXII, iO, f2, 13. - Herod. VI. 6;Dittenb. Syllog. 308, cr. 373. 26. -Dans I'Inde clo.ssique et meme vectiquo,"souls les membres.des troiscasles superieures ont Ie droit-de sacril1er.

3. Athenee, IV, P.- 149 C. ; VI, p. 262 C.i. Dittenb. 373, 9. Fest. p. 82. Lamprid. Etagab. 6; Cal. R.R. LXXXIlI

dans 10 sacrifice it Mars Silvanus. - Les cas d'expulsion, des femmes101's des 'ceremonies sont fod'nombreux,

5~ Lev. VB, 19-21; 11 Chron. XJLX, f7, a. pl'OpOS du sacrifice do 10.·paque. - Cr. C. 1. G. 3562. - Cependl1nt certu.ines impuretes n'ecartaientpas de certains sacrifices; cf. ~omb. IX, 10. ~ Cf. Od. 0'- 2~2 sqq.

6. Ex,. XIX, 22,

7. lb. XIX, 10 sqq. Nomb. XI, 18-20. Les interdictions de rapportssexuels Et. l'occasiond'une ceremonie quelconque sont d'ailleurs unprincipe relig-ieux presque constant.

8. cr. Pans. X, 32. 9 : Panegyrique de 'l'ithorea.

9. Gen. XXXV. 2; Ex. XIX. 4 ; XL, 12; Lev. VIII, 6; Nomb, VIII,7. - Stengel, Gl'iech. Rull. All. p. 97. - Marquardt, fldb. d. Rom. All.VI. p. 248. n. 7. - fl. A. 313 sqq.

10. Lev. XXIII, 27, 32,·jeune du Kippour. Nomb.XXIX, 7, '-, cr. Iejeftne du communiant ot du pretl'O avant la messe catholique.

H ..Voir certains exemples dans Frazer. Gold. B. II. 76.

12. Gen. XXXV. 2; Ex. XXIX. 8; XL,·1.4; Lev. VIII, 13 (consecrationd'Aaron). cr. Paus. II, 30, 4: Procession des Chthonia d'Hel'mione. __Plut., Cons. ad Apol. 33. p. H9. - L'nsage de vetemcnts speciaux, IebarbouillfLge du corps ou ,de -IlL figure, font partie du rituel de presquetoutcs les Ietes connues.

13. Porph. V. P'!fth. 17 .

ment des exemples. Un certain degre de parente avec Iedieu est d'abord exige de cenx qui veulent Mre admis ausacrifice 1. Anssi l'etranger en est-il generalement exclu 2 ;

a plus forte raison, les courtisaues, lesesclaves 3, souventles femmes';. De plus, la purele momentanee est requise li •

L'approche de la divinite est redoutable it qni n'est paspur' : lorsque Iahwe va paraitre sur Ie Sinai, Ie peupledoH laver ses vHements eJ rester chaste'. De m~me, Iesacrifice est precede d'une purification plus on moinslongue '. Elle consiste principalement en aspersions d'eaulustraIe et en ablutions'; quelquelois, Ie sacrifiant doHjellner lO et se purger". II doH revHir des vetements pro­presE! ou m~me des vMements speciaux 13 qui lui donnent

MELANGES n'HISTOIRE DES RELIGIONS26

nier degre de ]a surexcitation nerveuse, il est apte asaeri­fier' et les ceremonies commencen!.

Cette initiation compliquee, it long terme, ·requise pourdes ceremonies d'une' gravite exceptioDoelle, n'est, il estvl'ai, qu'un grossissement. Mais on ]a relrouve

Jquoique

avec unemoindre exageration, dans les rites preparatoiresdu sacrifice animal ordinair'e. Dans ce cas, il n'e!?t pInsnecessaire que ]e -sac'rifiant soit divinise j mais il faut ton­jours q:u'il devienne sacre. C'est ponrquoi, alars anss;i, il se 'rase, se baigne, s'abstient de tont rapport sexuel, jmine,veille, etc. 1. Et m8me de ces rites plus, simples, les inter­pretations qu'en donnent les prieres qui les accompagnentet leg. commentaires brahmaniques, disent clairementIe sens. Nous Iisons des Ie commencement d" CatapathaBrithmarya: « (Le sacrifiant) se rince la bouche ... Car; avantcela, il est impropre au sacrifice ... Car les eaux sont pores.II devient pur a rinterieur ... Il pq.sse dn monde des hommwsdans le nwnde des dietltX 2. ))

Ces rites ne sont pas particuliers aux Hindous: Iemonde semitique, la Gl'ece et Rome en fournissent egale-

c'esl maigre qu'ilsacrilie. Ce qui de ses l11cmbl'esest absent, ill'a sacrifi6. ))La sacdfianta, parlejeune, depouille o.utaut que possible son corps mortel,pour revetir nne forme immodello. - On vaiL commontIes pratiques asce­tiques out pris place dans ie syslcme du sacrifice Hindou (vay. S. Levi, ib.p. 8:l, n. 1. Cf. p. 54). Developpees des ce moment, ell.es ont pudevenir,dans Ie Brahmanisllle 'classique, -dans Ie ja'inisme, 'dans Ie bouddhistne,10 tout du sacrifice. L'individu qui sacrifie se sacrifie. Par exemple, Iejeline boudllhiquo upo~a¢hacorrespond exo.ctement au jeilne upavasalhade III. nuit upavasatha du sacrifice ordinail'e, lequel correspon~ au jelinedu dtk~ila (voy. Cal. B1·. 1, '1, 1,7. Le rapprochement est de M. Eggclingad. loe.; S. B. E, XU, cf. ib. 2, 1', 4, 2, etc.. sur Ie jeime de 10. dfkzd, ib.'3,2,2,10.19). Des le'fal. Bl'. les vertus de l'ascetisme sont considereescomme o.ussi grandes que celles dusacrifice (ib. 9, 5, f, 1.-7, etc.). - Nousn'avons pas besoinjde t'ail'e remarquer l'o.no.logie qu'it y 0. ici avec lespratiques s~mitiques, grecques_et chretiennes. Le jeune sacrificiel du

. Kippou.r est devenu Ie modele des autres jeimes juda·iques. Ces actionspreparatoires sont devenues, souvent, Ie type du sacrifice de soL ­L'ascetisme preo.lable du sacrifice_ est, dans bien des cas, devenu Iesacrifice en tier.

1. Hillchr., Neu-'lpui Vollmondsopfel', p. 3,4. CCCal. Br. 1, f, f, 7 sqq.et passages cites, note prec. cr. Schwab, Thiel·Qpfp.l', p., XXII, 39.

.2. Cal. Br.- 1, 1, f, 1 sqq.

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29ESgAI SUR LA NATURE ET LA FONCTlON'DU SACRIFICE

peut l'abord"r de plus pres el avec moins decrainte queIe iaiq\le, Lache peul-elI'e des6uillures inc1lnnues, Eum~me temps, il evite au sacl'ifianl des "rreurs funesles .Quelquefois meme Ie 'profaue esl exclu formellement dusancluaire et du sacrifice'. Le pretre est donc; d'une pari,Ie mandaLaire du sacrifiaut 'dont il parlage l'etat et dont ilpOl' Ie les faules', Mais, d'un aulre c6t~, il est marque d'unsceau divin '. If porte Ie nom', Ie lilre' ou lecoslume' deson dieu; il est son Iilinistre; son incarnationml\m'e8~ outoulau moins Ie deposilaire de sa puissance: II esl l'agenlvisible de la consecration daus Ie sacrifice; en s1lulme, ilest sur Ie seuil du monde sacre et du moude profane et illes represenle simullanemeb!. lis Se rejoigneul en lui.

Par suite de ce caractere religil:~ux, on ponrrait croirequ'il peut, luidu fioins; entre-r dans Ie sa~rifice san~,initia­

lion pr~al.ble, C'esl en etIet ce qui se passail dans !'Inde.

L Ezech. XLIV, 9, H.2. II Chron.XXx, 17. Les Levites sacriJlent la PAque pour les imlmrs.

"-- Eh I'absehce dl1 sacrifiant hiridou, on pouvait o.ccomiUir pour. luicertains ntes essentiels (Hillebrandt, Nett-und Vollmondsopfe1", p. 146,n.7).

3. Kx. XXVIII, 48. -'- Nomb. XViII, '1, 2, 3.4. Ges deux caro,clel'es sont bien marques en ce qui concerne Ie braIt·

malle. D'une part il est sitien Ie dJelegtte dll sa-crifiant qu'il devient IeIIlIUtre'de Stl "ie (:voy. Sylv. Levi; DO'cl1'ine du sacrifice dans les m·'dh­ma~as, p. 12). D'autr'"e pB.l't, il cst si bien Ie delegti.e des dieux -qu'onIe traite souv:ent camille Lel, lorsqu'on !'invite au sacrific.e, lorsqu'ilrel;oH sa part sacerdotale (voy. plus bas, p.lS3, n. 6). Sur Ie .car8.ct~reau b:ro,hmRhe dans Ie ritrtel, voir Weber, Ind. Stud. X, p. U15. Dr. (Jat.Br. 1, 7) f, 5 ou les hrahmanes sont appelcs dieux hlirilains .

5. Cult'e 'd~AUisetde eyMls, voy. Frazer, Gold. B.I I, p.'300. Parts.VIII, '13, i; cr. Frazer; Pausanias, t. IV, p. 223, t. Vi p.26L Back, DeGr:EC01'Um creremoniis in quibus hOYfl,ines deol'um vice fa'Jtgebanhtl';Berlin, '1883.

6. Paus. VI. 20. 1.7. Paus. VIII, '15, 'l : CUlte dti Demeler lL Phernie en Arcadie. ­

Polyaen. VII: 59': Culte -d'Athene it Pallene. Voir Snmter, Romische Silhn­7.iten, die. Trab~a,. Philologus, 1,896, LVI,p.' 393, pour Ie ve~ement ~upretre romain. POUl'tant, selon Ma.crobe, III, 6, 17, on sacrifie la~etevoilee 11 l'Am Ma.zima; « ,ne quis }n rede dei habit-urn ejus imite­tur D.

8. cr. Frazer.. Gold. B., I, p. 286, 388, 343, 368, 370; II, p. 2, 27. ­Hofler, em'r. Bl. d. deut. Gesell. f. Anthr. 1896, 5.

20 Le sacrifioateur. ~ II Ya des sacrifices oil iI u'y a pasd'autres acleurs que Ie sacrifiant ellaviclime, Mais, gene­rale-:nent,on ~'ose pas approcher des choses s~crees direc­tement et seui; eUes sOllt tmp grqves et trop hautes. Uuintermediaire ou,- ~o~t &U 'Qloi~s, un guide est neces.saire 5,

C'est ie pretre.l'lus familier avec Ie mOllde des dieux, oilil esl it demi engage par une consecration prealable', il

un commenoemenl de saintete. Le rituel mmain prescri­vaitgeneralement rusage du voile, signe de separation et,parlanl, de consecration '. La couronneque, Ie sacrifianlpm'lail sur la tele, en meme temps qu'eUe ecartail lesniauv~ises influences, Ie marqu~it d'uu ca.ractere sacre 2.

Le sacrifiant completail quelquefois sa loilette eu se rasantla tete el les sourcils '. Toules ces purificaliolls" IusIra­tions,consecrations, preparaient Ie profane a l'acte sacre,en eliminanl de son corps les vices de sa laicile, en Ierelrancmnt de la vie commune el eu I'introduisant pas itpas dans Ie monde sacre des dieux.

:M~LANGES D'HISTOIRE. DES RELIGIONS-

1. s. Reinacb., Le voile de l'obl~tion.1897~ :po ~ sqq.

2. ~.n~ngel, loc., ~it: p. 98. - Menandre, Le LabOlt,;eur, v. 8, Uev ..de~Et. fJ1'ecqu~s! 1898, :po 123. -:- f,. S<\olllter, 'R'6mische Silltn'i·iten, Philolo­gus, f8q1, p. 3~3, sqq.- Fes~. p. H7.

. 3. Ex. : Nomb. VIII, 7..- Lucien, De Dea Syria, 55.

. 4. S,~l~ IJe:psemh~e 4~s pererp.onie~ pr~par{l.~p~res (ibrdm = sanctifica·tiOn) aux &.fici(ms sa~r~.(ip'os, cprr~s,po:jlI1i\p.t ~-q~ p-eIer~p'a.ges apt-q.flls(le10, Mecqu? voir Wellhausen, Reate des 4ra~l8ch~fLHf;i¢enth~~s,p. ni Ilqq..Los p~ll:lrmages a. Hierapolis pre~en~aient les m~mes pratiqq.~g: Lupien,loc: cll. De ~e~e pour les :peterins 4e l~anci~n.T~mple: Jer. XLI, 5.VOIr Ro~. Sml~h. R,el. of.Sem. p. 333,p~ -481 (note addilionnelle). _

. 5.,Lesrites qui ne font pas. partie !iu rituel dome~tique et Qu]e~<lcq.~anL o~cie Itli-~eme sont asse~ rares qtl.lls les religions que ~ouse_t£udlOns., ?~ ~l:ldee,il ~'y o,vai~ cr:e ~~ ~~crHi~e 4e 111 'Paque" ou l'onpu~, en I absence de ~out Levite ou Cohen et en dehors de 'Jerusalemtuer une victime. - En--Grece, par'exemple, Ie sacrifice.a. Amphiarao~(OrOpPll) ~e'Q.t etr\'} pr.esente .par Ie sltcrifj~t. en I'absence du pretre (C.I. G. G:. is. 2~1i) . .",..,. Dans Ie l~ituel hindou, peraonne, s'il n'es~ brahmEJ"lle,II,\) peqt sar,dfier sur les trois feux du grand sacrifice. La presence dub~allll!u.ne:o'e'Jt pa.1i exigible, au contrq.irs, dans Ie culte-fa.Dl,jli~1 (HiUeb~' ..Rtt.L1tt., p. 20). -

6. Ex. XXIX. - Lev. VIII. - Nomb. VTlI.

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1. Au cas au Ie bl'ahmane elait lui-m~mesacfifiant~t au cas· d'unsattrri, session rituelle, grand sacrifice oil les pretros etaient soumis itI_a dilc~d en meme temps que Ie sacrifianl, roi ou grand homme. - Danstous les auties cas, il n'y a de prescriLes pour Ie brahmane que depetites lustrations : se rincer 10. bouche, se laver lesulO.ins, etc. Ceritli\ etait toujours obligatoire quaml on avait fELit mention de puissancesmauvaises (9dliJchdyana-grhya-sdlm, I, iO, 9; Kdty. ~r. silo I, 10, 14).

2. Ex. XXX, 20, 21. cr. Rawlinson, W. A. I. 23, 1, 15, POUl' les mains.Le lavage des mains du pretre et des fideles est en usago dans la syna­gogue comme dans Ie rituel catholique.

3. Lev. X. 9. - llzech. XLIV, 21. - Jos. Ant. 3, '2, 2; Belt. Jud, 55, 7. - Pbil. De Eh1'. p. 377, sqq. ]\f.

4. Lev. VI, 3; XVI, 4, 32. - cr. Ex. XXVIII, 40, i2.5. L~v. VI, 4: XVI, 23. - Ezech. XLIV, '19.

6. Ex. XXVIII, 35. - Ezech. XLII, H-14 (Ie texte des LXX est prer~-

rable). .7. Ex. XXVIII, 43 ; XXX, 20, 21.8. Lev. X,1 sqq.9. Sam. IV, H.

3,ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE

1. Voy. Ie recitIegendaire de Gem. ad 7'alm. J. 1'l'aiLe ]Toma, 1,1, 5,(fUi dit qu'un grand-prelro'qui ferait une lleresie ril~el.le au jour du Kip­pour,mouriait .sur"le-ehamp, fJUe des vel'S sorLJl:a~en: ~ors .d~. sonnez, un sabot de pied de veau de son front, comme II etalt arrIve auxpretres de la famille de Baitbos.

2. 'cr. Tossi/ta Soukka, IU, 16.

3': Nous .nou~ servons de Ill. Mischmi. et du Talmud de Jerusalem (nousrenvoyons pour plus de eommodite B. Ill. tmd: Schwab), Traite Yoma,ch. II, III, Schwab, V. p. 15n. Voir it ce sujet J. Derenbourg, Essai deRestitution de l'ancienne redaction de Massechet ]Cippoul'im, Rev. EtudesJuives, VI, 41. - Houtswa. Ove1° de lsraelitische Vastendagen, Ve1'sl..-j'~Ied. d. 1•. Ak. v. Wet. Afdeel. Lette1°k. 1~97. Amsterdam.

4. Lev. XVI.

5. lb. 2.6. Talm. J. Yoma (Schwab, p. 161).- A l'O:Ccasion du Rippour, on l'en­

forQoit 111. purete sacerdolale eton en arrivait it. l'isolement absolu.

7. Pendant ces sept jams Ie grand-pretre fait Ie service en grand ("08-

de la lamille de Baithos'. En augmentant sa saint"te per­sonnelle " il se lacilitait i'ahord diflicile du sanctuaire, ilse donnait des sauvegardes.

Mais il De se sanctifiait pas seulement pour Iui-m'~me;

il se sanctifiail aussi POUI: Ia perSODne ou pour Ia societeau nom de laquelle it agissait. II dev,ait meme prendred'autant plus de precautions qu'il exposait, en memetemps que lui-meme, ceux dont il etait Ie suhstitut. C'estco qui elait particulierement marque a la fMe du GrandPardon '. En ce jour, en ellet, Ie graud-pretre representeIe peuple d'Isl'aet. II pardonne a la lois pour lui et pourIsrael, pour Ini et sa lamille avec Ie taureau, pour Israelave.c les deux boucs '. C'est a la suite de cette expiationqu'il per;tetre, faisant fumer l'encens, derriere Ie voile duSaint des Saints' oli il trouve Dieu daus Ie nuage. D'aussigraves lonctions necessitaient des preparations toutesspeciales, en rapport avec Ie r61e quasi divin que Ie pretreremplissai!. Les rites ressemhlent, toutes proportions gar,dees, a ceux de la dik~a dont nous pariions toul a i'heure.Sept jours avant la IMe, Ie grand,pretre s'isole de salamille', il se lient dans la cellule des pal'edri (des asses­seurs)', Comme Ie sacriftant hindon, il est I'ohjet de toutes

,,~~......-_'_.a~_.,.". ",-, ..•-,--.,---~.,."

MELANGES D'rUSTOIRE DES RELIGIONS30

Le bra'hmane arrivait avee sa nature presque divine; iln'avait done pas besoin d'~ne consecration nouvelle; sauf'dans des cireonstances extraordinaires 1 j car il "y a des .ritesqui exigent du sacrificateur, comme du sacrifiant, une pre'­paration speciale, Elle dillere seulement de celie quenous avons decrite a propos du laique en ce qu'elle estgeueralement moins complexe, Comme Ie pretre est uatu­rellemeut plus proche du monde SaCl'e, des operations plussimples stdlisent pour i'y laire entrer tout entier."

Chez les Hehreux, bien que"le prMre flit ordonne, ilavait hesoin, pour pouvoir sacrifter, de prendre quelquesprecautions supplementaires. II devait selaver avant d'en­trer dans Ie sanctuaire 2 ; il devait, avant la ceremonie,s'abstenir de vin et de boissonslermentees '. II revMait desvMements de Jin' qu'il quiltait aussitMapres Ie sacriftce '.II· les deposait dans un endroit consacre; car Hs· .etaientdeja par eux-memes une chose sainte et redoutahle dont Iecontact etaH dangereux aux profanes 6; Le pretre lui-m8me,dans son commerce, pourt.ant habituel, avec Ie divin, elaitsans. cesse menace de la mort surnalurelle 7 qui availIrappe les deux fils d'Aaron " ceux d'Heli" ou les prMres

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33

3'

ESsAI SUR LA. NATURE ,ET LA FONCTION DU SACRlF\ICE

lieu ni en tout temps ni partouL Car tous les momeuts dujour ou de I'anuee ne sont pas egalemeut propices auxsacrifices j il en est m~me qui l'excluent. Ep Assyrie, parexemple, il etait interdit Ie i, Ie 14 et Ie 2'1 du mois '. Sui­vant la nature et I'objet de iii ceremonie, I'beure de lacelebration difleraiL TantM il devait illre oflert Ie jour 2;tant6t, au contraire, Ie soir et la nuit '. o.

Le lieu de la scene lui-meme doH etre sacre; en deborsd'un lieu saint, l'immolation n'est qu'un meurtre·~. Quand,Ie sacrifice se lait dans un temple' ou dans un endroH dejasacre par lui-meme, les consecrations prealables sont inu­tiles 'ou, d'u moins, tres reduites.C'Bst Ie cas dllsacrificehebreu tel qu'il est regie pat Ie rituel du Pentateuque. II secelebrait dan~ un sanctuaire unique, consacre a l'avance ll ,

choisi par Ia .divinittP et divinise par sa presence 8. Aussiles textes qui nous sont parvenu~ ne contiennent-ilsaucuIie disposition relative a la. sanctification repelee du

\i

1. Hemerologie du mois de Elul : Rawlinson W. A. I, IV, pI. 32. 3.Voir Jastrow, The, original chamcter Of, the Heb1'cw Sabbath. (Voircompte r~ndu. Annie sociologique, 11, p. 265). .

~. Stengel, lac. cit., p. i3 (sacrifice anx dienx celestes).

3. Stengel, lac. cit. (sacrifices !l:ux dienx('l!-Lhoniens). Paus. II, .24, i(Argos, sacri:fi('e it. ApoHon A6~PGtO~W'tTj':;). Voir plus bas p. 177 pour Iesacrifice~dn taureau a Rudra. -La fixl1lion de l'henre. du jour, auqueldoH se faire Ie sacrifiqe est nn des points les mieux precises, par lesrituels hindous et autres. La consl;ellation sous laquelle on sllcrifie n'estpas non plus indHIere:ilte:

4. Lev. XVII. 3-5.

!S. Jl est bien entendu que nons ne voulons atLtibueraucune anterio­rite an sacrifice fait dans un lieu it consecration constante, sur Ie rituelsacrificiel qui requied un lieu variable co:ilsacre pour nne occasiondeterminee:

6., Ex. XXIX, ,37, 44.- Nombres, Vnf", 15 sqq~ - H. Sam. VI. 17.­I Rois, VIII, 63, -etc. ~ En ce qui. conceme la defense de ~acrifier l1illeurs,qu'D, Jerusa.lem, vay. Lev. XVII, 3-4. Dellt. XiI, 5 sqq. ; XIV, !3 ; XV,20 ; XVI, 2 sqq. II est certain que cette defense est de date recente,voir II Rbis, XXIII. II semble m~me, qu'il ait toujours subsisLe enPa.lestine de « petits autels D. Misch. in 'Megilla, I, 1'1, 12. (Talm. J'.Schwo.b, p . .220; 222; 223). Cr., Talm. Rabli, ZebalJim, iii> n.

7. Ex. XX, .24;- Deut.XII, 5, etc.

8. Ex. XXI~.42-46, etc.

MAuss~HuBERT.

MlllLANGES D'HlSTOIRE DES REbIGJONS32

3' he lieu, les instruments. ~ II ne suffit pas que Ie sacd­fiant et Ie piMre soient santrtifies pour que Ie sacrifice pro­prementdlt puisse commencer. Celui-ci ne peut avoir

.tum~- pontifical, Joquel avait, on Ie sait; des vertus particulieres. Ex.XXVIII.

1. La eeHule de Beth-Abdinos.

~. lb. I, 0. Mischnd. La (]emd.1Yi (ad lac.) dOIine plusieui'S explicalibiisde co rite ineompris. L'une d'elles semble indiquer ce qui a pu en lltreIe vrai sons: les 'vieillards pleurent parco qu'ils sont force.s d'abELn~

dOliner,_ ainsi isoIe, Ie pontifo dont Ill. vic est a 10, fois 81 precieuse ct sifragile.

3. POUl' ccla, ou -bien il ta.it lui-ril~in,e de, I'e±~giise biblique, oli ilecouLe des.- docteUl's, ou on-lui lit des passages bihlique's: ,La, ptesctip"'"tion de s'occnp6r, pendant 10, veille, du sacrifice de cl::ios,es satrees, d'enparler et de ne parler que d'eIles .est aussi une prescription du sacl'illcehindou; c'est' encore uneprescription sabhatiqhe et, en: geiiel'ii.l; lineregIe des fetes dans Ia p~upart des rituels connns. Les vi~iles chre­tiennes, d'abor<!- specialement pascales, puis multipliees, sont peut-Mrel'imitation des doctes enlreliens du soil' d~ 111 Pique jUive.

4. ties pertes Seriliria.les, telHi est l'expUcatiOil,- juste mais pa.~Helle;'que donne riotte texte. En' 'eifet; it faut' Se rappeler que Ie'sothmeil-estkes glmero.lement cbilsidere coIdri:le iln ~tlit dangereu:! ; car l'Ame estalors'mobile, hal'S du corps, et pout il'y pas rentrer. Or la mort dugrand-pretre serait une calamite. On la previent on l'obligeant it veiller.- .Le sommeil est de meme un etat dangereux paUl' la drk~ita. hindbu.qui dart iL l'ab"ri d'Agni; pres du feti, dans une position specia.le (cf.T. S. 6, ~, 4,5,6):

5.YOJnil; 1,,2 et Gem; Talmd'~",Scliwabj v, p. 168; at Misch. ib, HI; 3.

sortes de soins. La veille,on l'entonre de vieillards qniIni lisent la section de la Bible oil est expose Ie rituel duKippour. On ne lui donne quepeu a manger; apres quoi,ou Ie 0 conduit dans uIie cbambre speciale' oil on Ie laisseapres lui avoir fait jurerde ne rien changer ~ux rites.« Puis, en. pleurant lui et eux, ils se sepataienP. » Toute_la tlllit, il 40it veiller Il, car Ie sommeilest un momentpendant lequel des souillures involontaires peuvent etre .contractees '. Ainsi tout Ie dtuel poutifical tend vers Iememe but: cbnlerer au grand-prMre une sanctificationextraordinaire', qui luipermette d'aborder Ie dieu der"riere Ie propitiatoire et de supporter Ie lardeau des pechesqui seront accumules sur sa tMe.

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~. C'est mem~ l'une des epiphetes les plus anciennes d'Agni. Voy. Ber­gl1lgne, Rel. Ved., II, p.117.

2. Voir avant derniere note.

3. Lev: x, 2; Jug~s, VI, 1.1, sqq., sacrifice dc Gedeon; XIII, 19 sqq.,Manoah, .1 R. XVIJI, 38, /Ehe.; I Chron. XXI, 26, -etc. La preparationdes feux tlCnt une grande place dans les autre:=; rituels. SUI' la neeessited'uJ?- feu pur, cr. Lev. X, 1. ----: Sur Ie renouveHement desfeux auMexique : Sa~a~n, His.toria de las cosas de Nova Espana, II. p. 18 ;Chavero, ~exwo a b'aves de los Siglos, I, p. 77; - a Lemnos : Philos­trate, He1'owa! If-IX, 14; - B .. C01'1'. Hell .. xvnf, 87 et 92 ;._ en Irlande,Bertrand, RelzfJwn des Gaulols, p. 106. - Cf. Frazer, Gold. B., II" p. 76,p. 194. - F:a~er, Pausanias, t. II, p. 392,: t. V, p. 521. _ Sur ce ritedans les relIgIOns Indo-Europecnnes, V. Knauer, in Fesfgr. Roth, p. 64.

4. Ell.c devient Ie « devaya}ana )), ··111. place, du sacrifice aux. dieux. IIfaut VOIr da~s les BrahmaJ;l-as les speculations mystiques surce point.Le (( devayaJana », est Ie seul terrain ferme de 10. terre. Celle-ci n'estm~me Ill. qU? PO~l' ser.vir de .lieu de sl1C~ifice aux dieux. Cette place esteneor? Ie pOlD~d appUl d~s dlOUX, leur CltadelIe, c'est de la. que, prenantleur ~Ian (devayatana), lIs sont montes aU. ciel. C'est encore Ie centredu ,clel et de la terre, Ie nombril de In. terre. - Quelques' folies queparaissent de telles expressions, rappelons-nous que pour les Juifs Ietemple etait Ie centre de la terre; de m~me pour les Romains, Rome.et'sul' les cartes du moyen Age Jerusalem etait Ie U'ombril du monde:Ces ideesne sont pas si loin de nous. Le centre religieux de La viecoincide avec Ie centre du monde.

. 5. Le nom e~t m~n:e de~n.u ce~u~ des cl?:ttres bouddhiques. _ Nous'ne pouvons SUlvre m Ie detaIl, llli ordre rlgoureux des rites du sacri~

fice ~nimal hindou. Ainsi la. cere~onie de l'alluillage du feu est pro­~lamee, par une ecole au mOlDS {Kat. {;T. sl1., VI! 3, 26),.inseparal:lfe desceremonies d'introduction·qe I~ Vicqllle, ,..'

ESSAI SUR LA ,NATURE &1' LA FONCTION DU. SACRIFICE 3~

Le feu est un tueur de demons '. Ce n'est m~me pas assezdire: il est dieu, il est Agni sous sa forme complete '. Dem8me, d'apl'BS certaines legendesbibliques anciennes, Iefeu du sacrifice n'est autre que la divinite elle-m~me quidevore la victime ou, pour patler plus exactement il estIe signe de la consecratiou qui l'~mbr,!se'.Ce qu'a e~ lui dedivin Ie feu du sacrifice hiudou se commuuique donc a laplace sacrificielle et la consacre'. Cet emplacemeut consis­tait en un espace rectangulaire assez vaste, appele Vihdra',

A .l'iuterieur de cet espace s'en trouve un autre, appeIevedi" dont Ie caractere sacre est encore plus marque; c'estce qui correspond a l'auteL La vedi occupe donc uue situa­

.tiou encore plus centrale que les feux. Ceux-ci, en etlet,contrairement a ce qui se passe dans la plupart des autres

.;r,

1. Ex. XXXIX, 38. _ 'cr. Porph.· de Abst. I, 25 etc. SUI' la perpetuHcdu feu de l'autel , ena falJon dont la destinee d'Isracli:lst liee a cell.e duTemple, voir surtout Daniel, IX, 27, VIII, ~1~15, XI, 31, etc. CecI estdevcnu un ,theme legendairc de Ie. litterature JUlve.

2. 'Ex. XXX, 10. - Ezech. XLV, -14.

'3. Pourvu qu'il flit propice et rleclar'e (( sacrificiel )) (yajniya) par lesbrahmanes.'

4. Sur l'etablissement, des feux, -Voir Hillebr. Bit. Litte·., § 59. - Kouli­kovski, Les trois feux sac1'es du Rig-Veda, Rev. de l'Hist ..des Rel., XX,p. 151 sqq.; ne trBite que de la repartition des feux. - Weber,.Jnd. St.IX. p, 216. - Eggeling,'.d 9at. R,', (S. B. E., Xli, 247 ,qq.).

5. Les'matieres aVec lesquelles et sur lesquelfes it est. allume, prepare,(lcs sambharas) correspondent toutesa un mytbe fort Important, (T. B.;1,1, 3 ·elo. ef. (I. B. 2, 1,4). Ce sont d~s e~lOses dans.lesquelles paraitresider quelquc chose d'igne, de. pal'ticuherement VIvant. Tellementvivanlesmcooc, f(Uc la legendevoiL en cert~nes d'ent:e elles l~s ~ormC8 .primitives du monde. Cette creation du feu symbolIse la creatIOn dumonde. '

6. Le feu est toujOUl'S a.llume pa.r friction: lors de la position ~e~ feux,]ors du sa.crifice a.nima.l, lorsdu saerifico du soma..Voy. Schwab, 1 hzerop"§ 41; p. 77 sqq; Weber, lnd.8l., 1, 197, n. 3 j A. Kuhn, He1:ab~u"!r.t desFelte1'S und des GlJlte1'lmnks, p. 70 sqq. Autour de cette cre.atlOn dufeu-dieu, les brahmanes ont, des Ie Rig~VedaJ mele des conc~ptlOns, pan~

thtHstiques. Carseulle feu du sacrifice es~ exccllent, seul 11- cst I Agmcomplet, contient' «' les trois cQrps d'Agn~», son e~sen?e terr.estre (lpfeu domestique), atmospMriquc (~clair), celeste (salmI); 11 conbent t?'?-tce qu'il y a d'anime, de chaud, d'igne dans lc monde (T. B., 1, 2,1,3,4).

MELANGES D'HISTOIRE· DES RELIGIONS

lieu du sacrifice. Eucore falla.it~il entretenir la purete etla saintete du temple et du sanctuaire : des sacrifices jour­nalier~1 et une ceremonie expiatoire annuelle,repondaientace besoio. 2,

Chez les findous, il n'y avait pas de temple. Chacun'pouvait se choisir Ie 'liim 'qu'il voulait pour sacri:tler,8 ; mais,ce lieu devait Mre au prealahle consacre au moyen d'uncertain nombre de rites dont I,e plus important est,cel,ui quiconsistait a Mablir les feux'. Nous ne Ie decrirons pasdans Ie d~tail. Les ceremonies complexes qui Ie consti­tuent ont'pour objet de creer un feu dans lequel il n'entreque des elements purs, deja consacres a Agni '. M8me l'unde ces feuxest 'allume par friction, afin qu'il, soit entiere­ment neuf s . Dans ces conditions, il a une v~rtu magiqueIqui ~carte les mauvais genies, les malefices et les demons.

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'I

II'I

37'rESSAI SUR LA. N';\TUl\E li;T LA FONCTION DO SACRIFICE

attentivement purifies. Mais it en est un qui doH retenirnotre attention; .car it fait, it vraidire, partie de I'antel' ;o'est Ie y"pa, Ie poteau auquel va ~tre liae la bMe. Ce n'estpas une maliere brute; mais l'arbre av·eo lequel ila etafail avail deja par lui"m~me une nature divine', qqe de.onotions et des libations ont encore J"enforoae'. II oooup.,lui aussi, un,e situation eminent6, car c'ast Ia que sa tien~

, .

dra Ie plus important de tous les personnages visibles quiprendront part a .Ia e<\ramonie ", la viotime. Anssi lesBrabmanas Ie reprasentent·ils oomme un des points oll.vieD.nent couverger et se concentrer toutes Ies forces! reli­gieuses qui sont en jeu dans Ie saorifice. Par sa tige Iilan­oae, il rappelle la maniere donI les dieux sont montes auciel r.; par sa partie superieure, il donne pouvoir sur las

L .tip. !iI'. 8fL, 'VII, 9, 6. 11 est plante de -lelle fal}on qu'une moitie ensoit dans la limite de Ja vedi, une autre moUle en dehors.

2. On recherche un arbre d'es8ence determinE'c (7'. 8.,-6, 3, 3,4. Ap. f1'.cl., VII, f, 16.17. Voir S~hwab, p. 28qq). On l'adore e~ Ie propiLie (Ap.fir ..8u., VII, 2, 1); on I'omt; on Ie coupe avec precautions; on oint eton incante la. Bouche, 'foutes ceremonieB.qui, comme 1'0. vu M. Oiden­herg, marquent bien 1.10 cas d'ancien c1llte de 10. vegetalicin. (Rel. d.Yed., p. 2,~6). M. Old. compare encore (p. 90) ce poteau, d'nne partaux .poteaux sacrificiels en general et en particulier it. l'ashem semi­tique, plantae, elle aussi. sur l'autel (Voy. Rob, Smith, Rel. o( &171..,p,187, n, f).Les deux rapprochements sopt en partie fondes,

3. .4p. pro a'l1, VII, 10.1.' sqq. Pour Ie sens du rite (T. S., 6. 3, 4, it 3).Le rile tout cntier a,vec to!1t son symbolisme est' certoinement l).ncien.Pendant qu'on oint Ie yupa, qu'on l'enfonce etle dresse . ce sont desmantras du lJ,g veda. (cue recite Ie hota"r (...tv. I:r. sll., 'a, { 8-H). - Lesmantras sont dans l'ordre slivaht :, I, 36, 1.3. 14; III, 8, 13. 2. 5. 4,,(Hymne a.prt); au cas ou il y a plusieurs betes sacrifiees et plu.sleurspoteaux, III,.8, 6,11. Le meme rituel est present, Ait. B1'., 6,2,17.23,qui c?mrnente les vel'S .du Rig-veda. Cet hymne exprime deja les' diversesfonchons du yl1pa, qUI tue les -demons, protege Ies homme'S, symhoHse10. vill,porte l'ofhande !Lux dleux, etaie,le 'ciel et la. terre. Ct. T. S., 6, 3~<,L 3. ..

4~ Le sacrifiant reste lui aussi, un certain te~ps, tenant ley'dpa, (.Ap.,Ct. 8~., 7,11, .5. Seloneertains sUtrn.s, ~a femme et l'officiant y restentaU$Sl. La tradition des Apastambinl> paritit meilleure). En taus cas c'estIe sacrHiant qUi fait une partie des onc:U-ons, et passe sa' ma.in tout Ielong dll poteau. Tous eel? rites ont pour but d'idenUfier Ie sacrifi;tnt aupoteau ·ct a 10. victlmc dont on lUi fait prendrc pendant un certaintemps la' place.

5. Ail. Br., 6, :1.', f; cr, Qat; Br,. 1, 6, 2, L etc.

:\;

MELANGES n'RlS,TOIRE ·DES RELIGIONS36

oultes, fie ~ontpas sur I'autellul-m~me,mais I'eutourent '.Les contours de la vedi sont soigneusemeut desslm\s sur Iesol': a oet effet, on prend une pelle (ou, daus d'autres oas,Ie sabre de bois magi que) et on eflleurelegerement la terreen disant: « Le mecbaot est tue'. » Toute impureteesta/nsi detroite; Ie cercie magique est traoe, la plaoe estollUsacree. Dans le~ limites alnsl marquees, on oreu~e Ieterraiu et on Ie IlI"elle ; o'est ee tron qui va constituertout I'aute!. Apr~s une lustralion, 11 la tuis explatolre etpurifioatolre, on reoouvre Ie fond du trou de dlfferentessortesde gazons. C'est sur ce gazon que vlennent s'asseolr

. les dleux auxqueI88'adr~..e Ie sacrifice; c'est la que, invlsi-bles et presents, 118 assistent iI fa e"remonie '. Nous n'insis­tetons pas surles divers instruments' qui sont depos~s

sur l'autel6 apres avoirete oufabri,ques seance tenante ou

L Voir' des pl~s .du terrain dans Hillebrandt, N. 'V. 0., p. t9t, etEggeling, S. B. E., XXIII fin.

2. ·Elle est exaclement mesuree;et'prend.les formes les plus diversesselon les sacrifices {Voir HilIeb, N, V. 0., p. 47 sqq., p, 176,sqq.; Schwab,Thiel'.! p. 13 sqq. ~ Thibaut, Bauflhayana 9ulbapo:ribhd~a 8lltr.a (inpandit. Bena.res, IX, 1875). Dans Ie cas de notre ~o.crIfic.e animal, 11 y adeux vedl, une qUi sst a peu pres 10. vedi ord-inaire, que nous deerivonsdans hi texte, et l'aul;re qui est surelevee (vay. Sc.hwab. p.1.4, 21), BUrIaqtielle eat un feu; qUi 'est l'Un des feux du sac~ific(j tAp., VB, 7, 3, V.S~hwab,p. 37). Mutatis mutandi8, £lUes se constrU18ent au ge creusen~ dela m~me fagon. .

3. T. S. 1, 1, 9, if; sqq. Les mantras expriinent que les rrial1vais sorLssont eCl1rb~ilj que les dieux protegent ,de tOUi cOtes la vedi. Ceut: quiaccompagnBnt l'e16yation de l'uttartJ.' vedi expriment plllltlt IlL secondeidee {T.S" i, 2, 12,2). siJrtoutceux qui 8.ccompo.gnent La lustratioo del'autel construit.

4. Des Ie lJ-g' veda, les' diettx portent l'epitMte « harhi$adas », CoUXqui s'o.ssoient sur la joncMe du SRGrifice: Voir. GraBmalln, Wlh,t. z. R V.ad verbum: cr. R. Y. II, 3, 4.;V, 3i j :i2jVI, 1, to, etc..

5,. Voy. Schwab, op. cit., p. ii, 41. D'ordlnaire Ies uslensiles sacresd'un temple tie doivent pas sorlir de cetemple. Ai~si, a Jel'Usalem,les coutea1u eta.ient enfermes dans une cellule speciale, celie deBhalifolh: Voir Talm. J. Soucca, V, 8, Gem., Schwab, VI, p. St.; Middolh,IV, 7. Gem.; 'Yoma, III, 8. - CerliLins SlLcri~c.es exigent une valssellespeciale et )~~uve, afnsi Ie sacrifice domestiq.ue de Iii Pllque; de memeen Grece, yoir Paton! COB, 38,25 i 39, 6. .0- Cf. Frazer. Gvld. B., t. II, .p.107.

6. Voir Schwab! p. 4."', pour l'enuiDera.tiO:l1 de CIlS instruments. Ap.[:,'. 8a. VlI, 8. - PoUr (a pUrificlLtlan, voir ~chwab,Il(j3b.

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'1. T. S.',6, 3.4,3,4. - Cf. T. S., ~,'3, 4:7: 9. B., 3,7, 1,2-n.2. II ala taille du sacrifhl.nt quand celui-ciest soH sur un char, soit

'dehout et .l,es bras leves (T. S., 6. '3, 4, :1. Ap. ~r. su., VII, 2,11, sqq.).3. '1'. S., 6,3, 4, 4.

4.- Nous supposons que ,cequi est vl'ai de, la vedi -et du ydpa l'est, engeneral, des autels, hetyles et pierres levees sur lesqnels on au pieddesquels on sacl'ifie. L'autel est Ie signe de l'alliance des hommes etdes dieux:. D'un bout it l'autre du sacrifice Ie profane s'unit au divino

5. De HI. la priere ditc au commencement ae tout sacrifice, par Iesacrifiant « puisse-je m'egaler a ce rite» 9. B., 1, 1, 1, 7. De 1ft surtout

. ]a meta-phare comante dans les textes sanscrits qui compare Ie, sacrifice·ft une toile que l'ori tisse et q-q.e l'on tend: R. V., X. 130; Bergaigne P.tHenry,Manuel pour eLudier le sansc'1'il vedique, p. 12n, n.; S. Levi.Doctr., p. 79; p. 80, n. 1. ' ,

6" S: Levi, ib., 23 sqq, Toute fa.ute rituelle 'est une coupure dlJns Ia toiledu sacrifice. Par cette coupure, les forces magiques s'echappent et fontmonrir, au. afIolent, au ruinent Ie sacrlfiant. - Nous n'avons pas besoinde rappeler les cas fo.menx ro.contes par la Bible, d'ht'iresies rituelles terl'i~

blement punies; les fils d'Heli, la lepre du roi Osias, etc. - C'est qu'engeneral, il est dangereux de manier les chases sacrees : par exemple, ilCaut avail' soin, dans l'Inde vMique, que Ie sacrifiantne touche pas Ie. vedi

choses ceIestes~ par sa partie mediane, SUf les chases del'at~osphere, par sa partie inferieure, sur celles "de Iaterre t • Mais en m~me. temps, il represente Ie sacrifiant j

c'est"Ia taille du·sacrifianl,· qui determine ses dimensions 2•

Quand on l'oint,on ointle sacrifiant; quand onl'aflermit,c'est lesa-erifiant qu'on a:IIermit ". En lui s'opere, d'nnemaniere plus forte que dans Ie pretre, cette communica­tiOD, ceUe fusion des "'dieux ~t dll sacrifiant, qui devien­dra plus complete encore dans la victime '.

La mise en scene est maintenant regIe.e. Les actenrssont prets. L'ent,,\e de la victime va commencer la piece ..Mais avant de l'introdllire, il DOUS faut Doter un caractareessentiel du sacrifice :. c'est la parfaite continuite qu'il estrequis d'avoi.r. A partir du moment ou iI.est commence 0,

il doH se poursuivre jusqu'au bout sails interruption etdans l'ordre rituel. II faut que toutes les operatious dont ilest compose se succedent sans lacune et soient a leur place.Les forces qui sont en action, ,si elles ne se dirigent pasexactement dans Ie sens prescrlt, echappent au sacrifiantet au pretre et se retournent contre eux, terribles '. Cette

'I

Nous disious tout it l'heure que la constructiou de I'au­tel, dans Ie rite hindou, consiste a decrire sur Ie sol uncercle magique. En realite, toutes les operations que nousvenons de passer eu revne out lememe objet. Elles aboutis­sent a tracer comme uneserie de cercles magiques concen­triques, interieurs a l'espace sacre. Sur Ie cercle<exterieur,se tient Ie sacrifiant ; puis, viennent successivement Ie

La victime.

ESSAI sun' LA NATURE E'f LA FONCTION DU SACRIl<~ICE

eontinuite exterie~re des rites n'est m~me pas suffisante 1.

II faut encore une ferme constance dans l'e!a! d'esprit oltse trouventle sacrifiant et Ie sacrificateur en 'ce qui concerneles dieux; la victime, Ie VffiU dont on.'·ciemande l'execu­tion '. lis doivent avoir daus Ie resultat automatique dusacrifice une confiance que rien ne demente. En: somme, ils'agit d'accomplir un actenHigieux dans nne pensee reli­gieuse ; il faut que l'attitude interne corresponde it l'atti­tude externe 3. On voit comment, des Ie principe, Ie saCl'i­fice a exige uu credo (~raddha equivaut it credo, meme pho­netiquement) ; comment l'acte a eutralne it sa suite la foi '.

(9· n., 1. 2, 5, 4) et de ne LoucheI' personne u.vecle sabre de bois ma­giqQ.e, etc.

f. Lcs expiations rituclles ant precisemeut pour blit d'isolel' les 'elTelsdes fautc'il qui sont cOlDmises au cours dn rite (voiI' plus haut). Cf. :Servo ad Aen., IV, 696. Elsciendum si quid clln'imoniis non fUe1'ilobse1'vatum, piaculllln admilli.- Amob. IV, 3t..- Cic. d. ha1'. 1·esp., XI,23. - De meme, Ie Crontal un grand-prt'ltrc ft Jernsaleru expiail toutesles fautes legeres cOffimises an cours du rile: E.x. XXVIII; 38. cr. Talm.J. Yoma II. 1 (Schwab, V, p. 175).

2, lei nous aVOhS un curienx paralleIe a. etablir a.vec les theories durituel juda'ique. Un agnean consacre au sacrifice pascal ne ponvait ~tre

chn.nge{Talm.Pesacllim, IX, 6, Mischnd); de meme nne bete designee pour.. un sacrifice doH eLre sacrifiee, m~me si lapersonne menrtpour qui leslLcri­

.fice devait etre fait (ib. Baggi,qha I, 1, Gem. fin, Schwab, VI, p. 261). PourIII meme l'u.ison on raisait passer devant Ie grand-preLi'e, 10. veHle du Kip­pour, touLes les betes qu'it devait egorger Ie lendemain, afin qu'il ne fitpas de confusion entre les diverses vicLimes.

3. On saH que l'attitude ordinairement !'tJcommandee est Ie silence.Voir plus loin, p. 48. Cf. Marquardl, op .. cit., vr, p. 178.

4. Voir S.Levi,Doctr., p. H2; sqq.

MJkANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONS38

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, ,ME;J,ANG-ES P'HISTOIRE D~S RELIGIONS

pr~tre, !'"utel et Ie poteau. A la PiJripMrie, che~ Ie lalquedan~ !'interet duquel Ie sacrifice " lieu, I" religiosite estfaible, minillla. Elle va croissant a mesure que I'espacedaus lequel eUe se developpe, va lui-meme se resserraut.'l'oute_ Ill, vie du. m~lieu ljiacrificieI _s'orgallise ainsi et secuncentre autouf 'd'un m~m6 fo.yer ; tout converge vers lavictime qui va maintenaut "ppara\tre. Tout est pret pourla recevoir. On !'''lUene.

Fadois, elle etait sacree du -fait m~me de sa :p.aisimnce;I'espece a I"qilelle elle "ppartenait etait· unie ala diviniteilllr des liens apeci"ux i . Ayant "iusi un c"roctiore divin con­genital, elle n'"v"it p"s besoin de !'acquerir specialemeut

1 '·pour" circonst"nce, Mais, Ie plus generalement, d~s ntesappropries et"ient necessaires pour I" mettre d"ns l'etatreligieu'!' qu'exigeait Ie r61e "uquel elle etait destinee. Danscert"ins cas, oil elle "vait ete desiguee longtemps al'avance, ces .ceremonies avaient eu lieu, avant qu'elle nefl\t alllen~e sur Ie lieu du sacrifice '. :Souvent aussi, ellen'ivait encore rien de sacre a ce moment. Elle Mait 8eule­ment tenue de remplir certaines condHions qui la reo­c.J"ient apte a recevoir la cousecr"tiun. Elle devait Hre

1. Ces cas cOlllprennent ceux_oilles victiml;ls sont des etres totemiquesou d'ailciens totems. Mais il n'est pas logiquement micessaire ql.lB des

. animaux saqes aier"t eU toujours· cecaraetere {voir Marillier, Rev. defHist. desRelig.,1898,1, p, 2iHi-231; Frazer, Gold. B., II,p. f35-i38)commele,soutient, par exemple, M. Jevons (Introd. to the Rist. of. Relig., p. 55).Cette theorie est en partie celle de Rob, Smith, Kinship, p. 308 sqq.et Rel. Sem., p. 357, sqq. - La verite est que, d'une fru.;:oQ- ou d'uneautre; it yo. une relation d~finle entre Ie dieu et so. victime et que celle-cil1r.ritesouvent au sacrifice deja consacree. Ex. Stengel, 0p. cit., p. i07 flqq._ Marquardt, op. cit., p.,1:72'. - Bull. Corr. Hell., i889, p. 169. Sakol.Apoll. Rhod., II, 549 (sacrifice de colombe81.~Ramlilay, Cities and Bi8hop~

,'ics of Phrygia, I, p. 1:38. _ Paus. 111,14, 9 et Frazer, ad loco - PlutoQu. Rom., 1'1."1. ~ Ath. VIII, p. 3,46 d. (sacrifice du poisson a Hierapo­lis), etc; _ Dans d'autres call, Je dieu refUl~alt certaines victimes: Ex.Paus. -X, 32, 'S. 0---;- Herod. IV, 63; Paus. II, 10·4: - Jahwe n'admitjamaisque les quatre eBpeces d'animaux purs : ovines, bovines. caprinel!. eUescolombes,

2. C'est encore un cas tres genemi : ainsi Ie cheval de I'a~vamedhaetaH Boigne, a.dl?re, pendaur de 'longs mois (vo)'. Hillebr., Nationalopfe1'in All-Indien in Fe8t(J1" Bohtlingk, p. 40 sqq.) ; de m~me III. meriah da~

Rhonda, l'ours des Alnos, etc., to~s cas bien connU6.

ESSAI SUI\. J.A !'iATUIlE liIl' LA FONCTJON I)[J SACIl,IFICE 4{

s"ns dt\faut, Sans maladie••ans infirmite '. Elle dev"it avoirtelle couleur '. tel age, tel sexe, snivant les effeta que l'ondev"it prodiJ.ire". Mai. pour i"ire paoser al'acte ses virtuac

lites, pour !'elever allc.Jegre requia de religiosite, il fallaitla ooumettre a tout un eusemble de ceremonies.

Dans certaius p"ys,on la parait " on I" peignait, Ou lablanchi.sait, Comme Ie bos cretatus <les sacrilices romains.On lui dorait les cornes li, on lui mettait une couronne,on la decorllit de b"ndelettes '. Ces ornementslui COmmu­niquaientuQ,\caractere religieux. Parfois m~me, le cos­tume qu'un lui'mettait I" rapproch"it du dieu qui presi­d"it au sa~rifice : tel etait l'ohjet des deguisementsemploye. c.J"DS les sacrifice. agraires dout nous n'"vonsplus que des survivancea 1. La demi..consecration qu'on luiconferait "illSi puuvait, d'ailleurs, Mre obteuue d'uueautre 1acon. Au 'Mexique 8.. a' Rhodes 9, on enf~rait 1a _vic­time. Cette ivresse et"it un signe de possession. L'espritdiviu euv"hissait deja la victime.

1. Ceci est'une prescription vedique, aussi bien que bibliqne, peut-eLregenerale. Voir, en ce quj 'concerne Ie sacrifice animal hindou, Schwab:op. cit.,p. XVIII,; Zimmer, Altindisches Leben,p. 1Si; Kdty. p". sil., 6, 3, 22etpaddh. aAp . r;r. s11., VII, 12.1 etcomm. T. S. 5, 1, L En ce qui con­cerne les 'vi~times du temple, voir Ex. XU, 5 Lev. XXiI, 1.9 sqq.; Deut.X, 2'1.; XVII. 1; l\ialachie, 1,'6-14; etc. - Cf. StengeI-, 0p. cit., p. 107.'

2. Aiusi Ie cheval de l'ac:vamedha deyait ~t.l'e rouge (il porta.it Ie nomde Rohitu, rouge, et etait un symbole dli solei1; voir Henry, Les RymnesRohila dB l'Alharva-V8d~, Ilaris.1889). Sur lea vic Limes rouges, voir Fest.p. 45: Diod. I, 88; Cr. Frazer, Gold. Bough, II, 59: - Sur les vachesnoires, pourproduire 10. pluie, voir plus ·t)o.s,p. i05. - En Grece (Steugel,op. cit., p. 13( n. 1), las yictimes destinees aux dieuxcelestes etaientgeneralemant claires; celles qu'on olTrait aux dieux chthoniens eLaienttoujours noires.

3 .. Voir plus bas, p. 90.

4. Paton, Co~. 37, 2;i:L -'- Stengel, pp. ail., 'P. 89 sqq. ,.,..". Mannhardl, W.U. F. KultfJ. II; p. 108.-'

5. Il. K,294; Od.L.304.- cr. Rawlinson, W.A:I., IV,p. 2.2,37 Sqq.-cr. plu~ b~, p. 196.

'6. Paus. X, 3~, 9.

7. cr. Frazer, Gold. B .. II, p. ~_'5, 19S, ,etc.8. Cllilvero, Me;L'ico, it traves de los Siglos, p. 644.9. Porph.D. Abst.,II, p. i54.

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MELANGES D'HISTOIRE DES. RELIGIONS

Mais Ie rituel hilldou va DOUS permettre de mieux sriivre­toute la suite d'operations au cours desquelles la victimeest progressivement divinisee. Apres qu'on I'a baignee',on.I'iutroduit tandis qu'ou fait diflerentes libations '. Onlui adresse alors la parole eu multipliant les epitheteslaudatives et en la priant de se tranquilliser '. En memetemps, on invoque Ie dien, maitre des bestiaux~ pour- luidemander de consentir a ce qu'on prehne sa propriete pouren faire une victime 4• Ces precautions, CBS propitiations,ces marques d'honueur ont nn double but. D'abord, ellesacousent Ie caractere sacre de la victime ; en la qualifiantde chose excelleute, de proprietedes dieux, ou la fait telle.Mais surtout, il s'agit de I'iuduire a se laisser sacrifier pai- .sible~ent pour Ie bien des hommes, ~ 'lli/ pas se vengerune fois morte. Cesusages~ qui sont infiniment frequents li ,

ne signifient pas, comme on l'a dit, que la bMe sacrUiee esttoujours un ancien animal totemique. L'explication estplus prochaine. II y a dans la victime un esprit que Iesacrifice a precisement pour objet de liberer. II faut donese concilier cet esprit qui, autrement, pourrait, une foislibre" devenir dangereux j de hi, CBS flatteries et ces excusesprealables.

Lip. cro Sd., VU, 12, 1.

2. Ap. f~l·. su., VII, 12, '10. L'esmanLl'll.s de cos libations sout T. S., 1., 4 2.Chose cUl'ieuse, cos mantras se retrouvent dans A. v.. 11,34; cf. Weber.Ind. Stud., Ill, p . .207; ils sont employes (Kaue.sd., '57,'20) lors de I'ini~tiation du jeune brahmane. C'est que, en fait, il s'agit bien d'une sortad'introduction dans ie' monde reIigieux. - Des libations. Tors de 10. pre­sentation de Iavictime se retrouvent Rssez souvenl: Palon, Cos., 40, 9.- En Assyrie, Rawlinson, W. A. 1., IV, 32, Inscript. de Sippara.

3. 'T. S., f, 3, 7, i; 6, 3, 6,1. 2; Ap . pi'. sa.,VII, 1.2, 6. - Cf. V. S., 6 5,= Maifl'. S., 5, 3, 9, 6; Qat. B,'., 3, 7, 3, 9 sqq.; Kdt .. Cl'. sU .• 6, 3, 19.

4. Ap. ib. Ie dieu est dan~ Ie cas present Prajd.pati-Rudra: T. S., 3, 1,4, i, couunente par T.S .. 3.1. 4;· 5. Cette invocation n'est pas pratiqueepar d'a:uLres ecoles.

5. Marq. Rom. Altel'lh:, VI, p. 175. - Ct'. F:razer, Gold. B., II, p. 110,sqq. - La chose etaH encore plus naturelle lorsqu'il s'agissait d'une vic­time humaine (voir Servo atlAen., III, 57. Cf. Eur. Hem!•. 550 sqq.; Phoen.,8fJO; Ath. XIII, p. 602. Chavero, Mexico, eLc., p. 610. Cf.Macpherson,MemorialS of service in India, 1865, p. 146) et encore plus 10rsqu'i! s'agil.d'une victimedieu. '

ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE 43

Puis, pn lie la victime au poteau. Ace, moment, Ie carac­tere sacre qu'elle est en train d'acquerir est deja tel que' Iebrahmane ue peut plus la toucber avec les maius, et queIe sacrificateur lui-meme hesHe a s'eu approcher. II abesoin d'y etre invite et encourage par nne foruiule spe­ciale que lui adresse un pretre '. Et c..pendant, pour por­ter aces dernieres limites cette religiosHe dejiJ. si baute,trois series de rites sont necessaires. On fait boire de l'eana la b~te 2, car l'eau est divinel

; on la lustre en dessus~ e'ndessous, partout 3. Ensuite, on l'oint de benrr.e fondu surla tete, sur Ie garrot etles deux epaules, sur la croupe etentre les deux cornes. Ces onctions correspondent a cellesqui se faisaientavec de l'huile dans Ie sacrifice hebreu, a]a ceremonie de la mola salsa aRome, aux o~).etl ou grains'd'orge que les assistants, en Grece, jetaient sur l'animal ~.

De meme, on retrouve un peu partont des libatious ana­logues a celles dont nous venons de parler. Elles avaientpour objet de produire une accumulation de saintete sur la

1.,Ap.,VII, 1.3-8. Le mantra est T. S., 1, 3,8,1 commente, 6,3,6,3, dhNaman~a « aITermis-toi, 0 homme I «- Une autre tradition V. S., VI, 8. 9.B1'.3, 7, 4,1, veut qu'on adresse alabete 180 formule dhJ'~amanu$dn, «( affer- .mis les llommes ». Nous crayons, contrairement it l'opinion de M. Schwab(op. cit., p. 81, n. 2), que Ie texte des Taitt. est plus fonde, dans la naturedu rite. Les Vlljasaneins rcpresentent, 18. commeailleurs, une tradition_plus Cl)lm'ie et xationalisee. Le rapprochement avec R. V., l; 63, 3, neprevaut pas.

2..Ap ., VII, 13, 9 et comm. On lui dit : « tu es un buveur d"eJiu » : v.~., VI, 10 a. T. S., 1, 3, 8, 1. M. Ludwig ad R. V. X, 36, 8, t. IV, p. 233pense (cf. Say. ad. Taitt. S.) que Ie 'sens est : « Tu as soH d'eau I). MaisIe sens que nous adoptons est celui qu'indiquent Ie 9. Br., 3, 7, 4, 6. Cf.T. K, 6, 3,6. 4 fin, ainsi qOP les comm. it V. :s., loe. cit. et it Kat., 6, 3.32. En faisant boire labete, on 10. rend interiourement pure. De m~meIe sacrifiant se rince 180 bouche avant Ie sacrifice.

3. Ap'. C", sil., VlI, 13 sqq.-i. A. v. Fritze, Oo).,ct:l, Hermes, 1897,p. 255 sqq. M. SLengel pense que

les ou).,al sont 1e pain du repas divino A l\fegare, dans Ie sacrifice it.Tereus, les oOAa( elaient remplacees par. des cailloux: Paus. I, 41. 9. Cf.Lefebure, Origines du Fetichisme, Mftlusine;1897, p. 151, et FolklO1'e,'1898, p. 15. En Sicile, les compagnons d'Ulysse en sacrifiant trois breufsdu solei! se serviront de feuilles en guise d'o6hl. Cf. Pans. II, 9, 4. Lojet d'oulcd peul elre un moyen d~ communication entre Ie sacrifiant etla victime, ou bien encore une lustration fecondante comparable auxjets de grains sur 10. mariee. . l

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t~te de Ia victime. Enfin, apres ces Iustrations at cesOJlctiODS, vient dans Ie rituel vedique, urie del'nHlfl3 ~eremo­

nie qui a pour elIet d'enlernier Ia victime ene-mArne dansun dernior cercle magique, plus etroit et plus divin queIes autres. DuprAtre pre",d, du feu de. dieux, un brandonet, ce brandon it Ia main, il fait trois fois Ie tour de Ia bAte.On tourhait ainsi dans I'Inde, autour de loutes Ies victimesavec ou sans Ie feu. C'etait Ie dieu, Agni, qui entourait labAte de toutes parts, Ia sacrait, Ia separait '.

Mais tout en avau~ant .ainsi danS Ie monde des di~Ux,

la victim. devait rester eu relations avec Ies hommes. Lemoyen employe pour assurer cette communication estfourili, dans 168 religions que noue e,tudions ici, par lesprincipes de Ia sYIllpathie niagique etreligieuse. Quelque­fois, il Ya representation direct., naturene: un pere est,represeute par son fils qu'il sacrifie, etc '. Eu general, Ie, '

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.5EssAI SUR LA NATU~E ET LA FONC'1'ION DU SACRIFICE

membra de la. familIa. Porphyre, De Abst., II, p.' 27, - Cf.. Legemlede. Q-.inal:u;epl1 (S.l.evi, Doctr" p. i35). l-es examples de. ceLte nOllvellerepresentatIon Hont particulierement, nombreux dans ]0 sacrifice deconstruction. "yoir Sartori, lJauopfer, Zeilschr. f. Ethn., 1898, p. 1,7.

1. Voir plus haUL, p, 11.., Ex. : I etuon. XXI, 23, sqq. hlstotre doDavid dans l'ail'e d'O.rnan.

2. Lev. I, 4; In, 2; IV, 2; XVI, 1. - Ex. XXIX, 15, i9 ,- Cf. Nomb.VIII, 10; XXVO, 18. 23. - Cc. DeuL XXIV. O. - Ps, LXXXIX, 26, ­Tylor, P1'i.m. Cult., II, p 3. - Cf. Rob. Smith, Rel. of 8em., p. 423.

3. Ap.,yn, 15,10,11. La mantra psalmodie, T. S., 3, 1, 4,3, exprimeque « Ie sourne I), Ia 'vio du sacrifiant e5t, comme son desir, liee it ladestinee de hi hMe, 3, i, n,1. L'ecole du Yajw' Veda Blanc ne prescritpas de ,mantra (Kdt., VI, 5, 5) et, de plus,ne tait pas celebrel" d'offl'andese~piatolres a ce moment, difference nota.ble. Mais le rile de communi­cation, ai,nsi que sa theorie restent les mOmes. Qal. Br., 3, 8, 1, iO.T. S., 6, 3, 8: 1. « Les brahmanes discutant. « II faut toucher l'animaL«disent les uns; O10.1s il est conduit ala mort" cet animal j s'ille toncha1t(( par ,derriere Ie yajamana mourra.it subitement. » D'autrBS disenL : (( II{( es.t conduit o.u ciet, cet animal, s'il (le 3acrifiant) ne Ie touchl1H pas par« del'riere, n serait s~pare,du clel. » C'est pourquoi it faut Ie toucher

aacrifiant elant tenu de falre personnellement Ies Irais dusacrifice est par ceia mArne, une representation '. Mali;,dans d'autres cas, cette association de Ia victime et dusacrifiant se realise p.ar- un contact materiel entre Ie sacri­fiant (partois Ie prAtre) et Ia victime. Ce contact est obtenu,dans Ie rituel semitiqne, par l'imposition des mains;ailleurs par de';, rites equivalents' _pir suite de ce rap­prochement, la victime, qui deja representait Ies dieux,se tronve representer aussi Ie sacrifiant. Ce n'est pasassez'de dire qu'ell~ Ie represente; elle se conlond aveclui. Les deux personnalites fnsionnent. Meme I'identifi­cation est te11e, 'au moins 'dans Ie sacrifice hindon, quedes maintenant, la destinee future de la victime, sa mortprochaine out nne sode d'effet en ret.our sur Ie sacrifiant.De Iii resulte ponr ce dernier nne situation ambigue. II abesoin de toncher I'animal pour rester uni aveC lui; etponrtant, it a peur de Ie toucber, caril s'expose ainsi apartager son sort. Le rituel resout Ia difficulte par unmoyen terme. Le sacrifiant ne touche Ia victime que par

, I'intermMiaire du prAtrequi ne Ia toucbe Iui-meme que. parl'intermediaire d'uD deB instruments du sacrifice 3.

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1.. C'est la ceremonie du pmoayagnikriya, de -]a circumambuJation avecIe feu. Ap. pro s'l1., VII, 15, L Le rite est certainementde la plus hauteantiquit~, car Ie pretI'e (Iemailmva1.'u!la, cr. Weber, Ind~ St., lX, p. 188)repete Acv. {;1'; sp., III, 2. 9 sqq.) l'hymne R. V., lV, 5, .1-3 (vay. Trad.Old. et notes in S. B. E., XLVI ad loc.). ~ Le sens du rite fist triple.C'est d'abol'd ul). lolU' du feu, d'Agni, dien prlltra des dient, depositairedes tre80fS, qui sacra la vlctip16, 18. conduit vers les dieux on lui mon­Lrant Ie chemin (tel Olilt Ie sene des trois vers du R. V. employes encette occasion at compos~sBpecialementpoW'. eUe, ct. Ait. Br., 6, 5. 1 'et6" H, 3. La victime ost a.insi divinisce (cf. T. S" 6. 3. 8, .2; O. B., 3,8, 1,6). C'est ensuite un simple cercle magique. On ecarte les demons; quir6dent, comme Ie dien, g,utour de Ill. viotiwB. C'est eotin un tourrituel bon" fait de gauche il. droito. daps Ie sons des'diem:: (Baudh. cr.stl" n,2, cite pal' CaIand). qui a une vertn magjque par lUi-meme. Sur 10,question des ,oircumambulatlons autour deli victimeB, ~oir'Simpson, TheBuddhist praying-wheel et Ie compte rendu quo nous en avtllls fait, Ann.800.,1897, at surtoutl'exhaustivB monographic de M. Caland, Een Indo­ge1'maansch Luslratie-Gebruik, V!M'sl, en MfJdedflel. d. Konink. Ak, v.JY~ten8ch. Afd. Letlerkunde, 4" Ree~8, Deel II; 1898, p . .27-5 sqq. - Le

'rIte est, en premier' lieu, fondamen~al'dans Ie rituel rundoll, domes­tique (cf. Pdr. m'h. su., 1, 1, 2) et solennel (Hilleb.-N. V. 0" p. 42.Ci. y.

, B.) t,_!!. S. et B; voir Ualand; op. cit., n. 2 et S,p. 300); en second licu,• it. pe'Q. pres en general dans les, populq.t1ons indo-europeennes (voir.Caland) ;enfin, fort 'repandu un peu partout.

2. II Rois III, 27 i ,Ezech. XVI. 36; Cf. Genese. XXII; Deut. XII, 31; Pe.eVI, 37; Jei.. LVII, 5. - Luc. Dea SY1', 58. - Legenda d'Athamas.PreJle~" 61'. Myth, II, p. a12.- cr. Ba.sset, lfouv.Contes berbe1'es, 1897,no 91. - Hoefler, Cm',', Bl.¢. d. Ges. {. Anthr., 1896, 3. - Sacrifice d'1Ul

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C'est ainsi que ce rapprochement du sacre et du profane,que nous avons vu se poursuivre progressivement a tra­vers les divers el.ements du sacrifice, s'acheve dans la vic­time.

NOllS voici arrives au' point c-ulminant de la ceremonieTOllS les elements du sacrifice sont donnes ; ils vieUllent ­d'~tre mis une derniere fois en contact. Mais l'operationsupreme reste a accomplir i. La victime est deja eminem- .ment sacree. Mais I'esprit qui est en elle, Ie principe divinqu'elle contient maintenant,· est encore engage dans soncorps et rattache par ce dernier lien au monde des chosesprofanes. La mort va l'en degager, rendant ainsi la conse­cration definitive et irrevocable. [C'est Ie moment solenne!.

C'est un crime qui commence, uue ~orte de sacrilege.Aussi, pendant qu'on amenait la victime a la place dumeurtre, certains rituels prescrivaient-ils des libations etdes expiations 2,. On s'excusait de l'acte qU'OD alla~t accom-

IiIi

L

47ESSAI SUR LA- NATURE ET LA FO~C1'ION ~u sACRIFICE

1. St~ngel, op. cit., p. 101. - Herod.~ 1f,39, 40. - A Rome, Marg.,op. cit., VI, p. t92. - Rob. Smith, Rel. of Sem., p. -130, 431.,-- Frazer,Gold.· B., I, p. 364; II, :p. 102 sqq. - Peut-etre faut-il rapprochcr deces praliques Ie d8Uil' de Flaminica, lars de la rete des Argei : PI. Qu.Rom., 86.

2. Ce rite, fort gener~l. comme I'll. montre M. ~--'razer, est remarqua­hlement exprime dans Ie rituel hindou. Au' momellt d'fitouffer, parmi lesformules que Ie p.r;e.tre ordonnateul', Ie maitrava1'U1ta, recite, celles del'adh!'9unigada (Arv. 'pI', su., III, 3, t commente Ait. Br., 6,6, :I), quicomptent parmi les plus antiques du rituel vedique, se lrouv~ la sui:"vante: «lis nOllS l'ont abandonne cet etre, sa·rrH'lr~ at son pere, so.smur et son frere de mllme souche, et son compagnon de lnBme race»Ap . 'pr~ sil,VIl, 25, 7, avec T. S., 3, 6, 11,2. Voir Schwab, p.i41, n.

et Qat. Br., 3, 8, 3,11; Ap., VIl, 16,7. - Cf. T. S., 6, 3, 8,3 et 9. B.,3.8, 1;.15.)

3. Le r-amilaJ', l' (( apaiseur », nom euphemislique du sacrificateur,peutktre au n'etre pas un brahmane (Ap., VII, 17, i4). En lOU8 cas, c'estun brahmane de rang inferieur, car il parle 1e peche d'avoir tue untitre sacre, quelquefois inviolable. lIy a dans 10 rituel 'une sorte d'im~

precation contre lui: (( Que dans toule votre race, jamais un tel apai­seur ne Lasse de telles chases », c'est--:it-dire, puissiez-vous p'avoir pasde sacriIicateur parmi vas parents. (No us suivons Ie texte d'Arv, r.:r. su,III, 3,1, que 'suit M. Schwab, op. cit., p. 105, et non pas Ie texte d·Ait.B,·., 6, 7, H. .

-i . .iElien, N~t. an., XII, 34 (TenedQs). - Rob. Smith,Rel. of. Sern., p. 305.

5. P~rph. De Abst., II, '.29-30; Paus. 1,24, 4; 28, .20. - Mylhe de l'ins­titution des Karneia: Paus., III, 13, 4; U~ener, Rhein. Mus.) J 898, p. 359sqq. - Stengel, op. cit., p. 140. ~ cr. Platon, Leg., IX,p.. 865.

6. Voir Frazer, PallS., t. III, p. 54 sqq.

plir, ongemissait sur la mort de la bete', on la pleuraitcomme Ull parent On lui demandaH pardon avant de lafrapper. On s'adressait au reste de l'espece a laquelle elleappartenaH, comme a un vaste clan famhial quel'on sup­pliait de ne pas venger Ie dommage qui allait lui ~tre

cause dans la personne· d'uu de ses m'embres "'. So.~s l'in­fluence des m8mes idees '\ il arrivalt que l'auteur dumeurtre etaH puni ; on Ie frappait'> ou on I'exilait. AAthimes, Ie pretre du sac'rifice des Boltphonia s'enfuyait enjetant sa hache; tOllS ,ceux qui avaient pris part au sacri­fice etaieut cites au Prytaneion; ils rejetaient la faute lesnDS sur Ies autres ;. finalement, on condamnait Ie couteau,qui etait jete. a la mer', Les purifications que devait subirIe sacrificateuf apres Ie sacrifice ressembIaient d'aiIleursa I'expiation du ~rimineIII'.

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ME1.ANGES n'HISTOIRIl: DES RELIGIONS46

avec les deux broches de la. vapa., celles avec jesquelles on enleV9 la.graisse de fepiploon. Ainsi,'il estcomme Louche et non Louche» fef. 0,3,.5,.1). Le 9· B. explique que la' communication est myslerieuse, alaIOlS InOffenSIve et utile pour Ie sacrifiant dont Ie Yam et 1'I1.me vont auciel avec Ie. victime.

1. Nous n'eludions pas Ia question de Ie. « presentation» de 1a victimeau dien et de l'invocation qui l'accompagne Ie plus sauvent. Nousserions entralmls 'il. de, trop longs developpements~ car il s'agit lit. desr~pports du sacri.fice et de 180 priere; Disons. seulement qu'iI y a.;' 10 desrItes manuels : her IlL bMe au poteau (voir plush8out, p. 37), auxcornes de l'autel (ps. CXVIII, 27 ;cf. [Rob. Smith, p. 322; Lev. [, H) ;20 des rites Dram: : invitation des dieux, description des quaIiles de 180v:ictime;, definition des resultats qulon attend. On appelle la consecra­hon d'en hant par tous ces moyens reunis.

2. Nousfaisons allusion aux libations dites apavydni du s80crilice ani­mal hindou (voh' Schwab, Th., p. 98;n. L cr. comm. iI. T. B., 3, 8, 17,5 : ratte.che Ie mot Ii Ie. racine pll, purifier). ElIes ne se retrouvent que~ans les ecoles du Yajur veda Noir. Elles se font pendant Ie. consecra­tion de la bete a. l'aide du tour du feu, et au moment ou on la conduitIi la place d.u meliru'e (Ap., VII, 15; 4, les mantras sont :, T. S., 3, 1, 4,~.2 - explI<J1:1es T.. S., 3, 1,5,1. Its se retrouvent M. S., 1,2,1). Lesjormule~exprJmentque les dieux s'emparent de la. bete at que celle-civa au CJel; que cette bele represente les Il.utres, parmi les bestiaux dontRudra-Prajapati est Ie maitre, lequel 'recouvrant sa progeniture, la Hanlva « cesser de lier ) (Caire mourirtles vivants, betes et hommes, etc. '

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, .~,,-o:._.:

4

ESSAI SUR LA NATURE &1' LA EONCTION nIT SACRIFICE 49

victime avail la nuqne ou Ie cou trancM '. La lapidationelait un rite ancien qui n'apparalt plus, en Judee, que dan~

cerlains cas d'eXilcution penale, en Grece, qu'a l'elal detemoin, dans Ie riluel de quelques fetes '. Aillenrs, la vic­lime elait assommee 3 ou pendne'. On ne pouvait entoni'erde trop de precautions une operation auss,; grave. Le pIns

. souvent, on voulait que la morl flit prompte; onbrusqnailIe passage entre Iavie terrestre de Ia vic~ime et'sa viedivine, aftn de ne pas laisser auX. influences mauvaises Ietemps de v~cier I'acle sacrifleie!. Si les cris de l'animalpassaient pour de manvais presages, on essayait de lesetonfler ou de les conjurer". Sonvenl, en vue d'eviter lesdeviations possibles de la consecration dechalnee, on cher-­chait a fegler l'effusion du sang consacre6 j on veilI~it acequ'il ne tomMt qn'a l'endroit propice " ou bien encore on

1. 'Ce qui avait ·lieu dan'!; tous les cas du rituel hebraique (Lev. L5, etc.), sauf da.ns Ie sacriOce des pigeons, dont In. gorge etait entameeavcc l'ongle(L6v. ' l, 1.4, io). - En Grece, voir Od., Fy 4.<1.9. - Apoll.Rhod. A1·g., I, 429 sqq. - Soph. Aj., 296 sqq.

2. Lapidalion du Pharmakos dans les Tha1'gelies, Eurip. Androm. .­1128; Istros, F. H. G., 1, p. 422. - cr. la fe!;e des A~eo~6hx i'I. Trezene,Paus. II, 32. - cr. Mannh., W. F. K., 1. 41.9, 548, 552. - La lapidation'semble ayoir cu pour but de (( diviser la responsabilite »entre les assis-.tans: Jevons, Introd. Rist. Rel., p',292. Victime Irappee de loin, voirSuidas, ~ou't61to... Cr. Porph ... de Abst., II, 54sqq.

3. Dion. HaL, VII, 72, p. H59. - Apoll. Rhod., ,Al'g., I, 426. - Od., :g,.425.

4. Rob. Smith, op. cit., p. 370.5. Dans l'Inde vedique, une serie d'expie.tions etaient prescrites au

cas oil, depuis son entree dans Ie champ du, sacrifice, l'a.nimal faisait dessignes sinistres (T. B., 3, 7, 8, 1, 2; v. commentaire; voir Schwab,l'ftier., p. 71ii, no 46), a.u cas au, prepare pour l'asphyxie,l'animal pousseun cri, ou touche son ventre avec son pied, Ap. j::r. su., VII, i7, 2, 3;cf. T. S., 3. 1., 5,2. Voir, pour d'autres faits, Weber, Omina et Porlenta,p. 377 sqq.

6, On connatt Ie principe biblique qui exigeait que tout sang flit con­sacre a Dien, ni~me celui des bl'ltes tuees iLIa chasse: Lev. XVII, 10 ;XIX, 25; Dent. XII, 16,23, 20; XV, 23. - Cf. en Grece, Od, r,455;

" :s 427. - stengel. op. cit.,p. 401. - Hofler, em,,·. Blatt. d. D. Gesell. f.o Anthrop., 1896, p. 5. Merne precaution a l'egard du lait, Hofler, ib.

7. En Ju(lee, Ie sang recueilli dans des vases eta-it re.rnis a.u pretreofficiant (Lev. to; IX, 12) et celui-ci en faisait l'usage rituel. - EnGrece, dans· quelques sacrifices, Ie SIl.Dg etait l'ecueilli dans une coupe,aq:llxyw\I ou aepaY6tO\l : Poll. X, 60. -;- Xen. Anab. n, 2, 9.

. MELAJ'{Ggg n'HlSTOIRE DES RELIGIONS48

!. On dit : (( TOUl'nez ses pieds au Nord, faites aller au soleH son mil,repandez au vent son ,?oufne, a. l'atrnosphere sa vie; aux regions sonouie, a. 10. terre son corps. ) Ces "indications, .A~v. C/', sd, Ill, 3, 1,. cf.Ait. Br., 6, 6, f3, soot importantes. La LMe est toUrnee vel'S l'Ou~st, pareeque tel Ie chemin genaral des chases: celni pal' oit vo. Ie s?leiI. celnique suivenL les morts, 'par ou les dieux sont montes au clel, etc. --;­L'orientation des. victimes est un fait fort notable. Malheureusement lesrcnseignements semitiques, classiques, ethnographiques sont relll.tive­ment pauVres sur Ie. 'Question. En Judee, les vicLimes ,etaieilt attac.heesanI carnes de l'autel de differents cl'lLes suivant Ill. nature du sacrifice,et probablement av~ient 10. tMe tournec vel'S l'Est. - En Grece, lesvictimes aux dieux chthoniens etaient sacrifiees In. tete contre terre;cellesaux dieux celestes, Ia. tete V{lrs Ie ciel (voir Il. A, 409 et schol.).Cr. les bas-reliefs representantle sacrifice mithriaque du ta.ureau, dansCumont, Texteset, monuments relatifs au culte de Milhra.

2. lip. ~r. su, VIl, '17, 1 . .A~v. .c:1'.su, Ill, il, 6. De merne, da.ns Ie.messe catholique les fideles s'inclinent a. l'eIevation.

3. On dit a. la bete qu;elle va flU ciel, pour les 'siens, qu'elle nomeurt pas, qu'elle n'eslpas bless¢e, qu'elle va dans Ie chem~n des bOllS,[e chemin de Savitar (Ie soleil); Ie chemin des dieux, etc. Ap., VII, 16,7; T. B., 3, 7. 7, H.

4.· JCdty . .c:l'. stl, VI, itS, i9. n importe que Ie corps soil intact au mo­ment de Ia. mort.

5. Tel est l'ordre repeM trois fois, A{:v. .c:r, sd, 111,3, 1, i.

6. Ex. Maspero. Rev. Arch., 187~, p. 330, 336 (Stele de Na:pata).

Anssi nne fois qne la bMe esl placee dans la posilion, . . - ,

prescrite el orientee dans Ie sens determine par les rites"tonI Ie monde se tojt. Dans l'lnde, les prMres se retonrnent;Ie sacrifiant et l'officiant ~e retournent 2 en murmurant desmantras propitiatoires '. On n'entend plus que lesordresdonMs II voix simple parle pretre au sacrifieatenr. Celui­ci serre alofs ]e lien quientoure la gorge de ranimal4,« apaiseson souffle~», commedit Veuphemisme employe.La viclime esl morte. L'esprit est parti. .

Les riles du memlre etaient extrememenl variables.Mais ehaqne eulte exigeait qu'ils fnssent scrupnleusemenlobserves. Les modifler etait generalement une heresiefunesle" punie par l'exeommnnieation ella mort '. C'estque, par Ie meurlre, on degageait uue force ambigne, onpluWI aveugle, redoutable par eela seul qu'eUe etait nueforce. II fal\ait donc la limiter, la diriger et la dompler.

.C'esl aqnoi servaient les riles. Le plus geueralement, la

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1. Herod. III, 91: Voir les faits connus, dans Frazer, Gold. Bough, II.p. 112 'qq.

2. Lev. IV, 5, 7; 16-19; XVU, 11. On s'appuie solivent sur ee dernierpassage pour dire que lit vertu expiatoire du sacrifice. ~pparLient ausang. Mais ce- te:de signifie simplemeut que Ie sang mlS -sur I'autelrepresento 1a vie de Ia victime consacree. .

3. Ex. XXX. 19; Lev. XVI, 16. Voir s,udoul Tq.~m. J. YQmq.. Misch., V j

4, 6.

4. Lev. IV, 25, 30; VlII, 14/IX, 9: XVI, 16; Ezcch. XLIII, 20

o. Lev. 1,.5; IX, U~. ~ l.ev. Ill, 2.

ESSAI 8Ul\ LA. NATURE E,'l' LA FONCTJON DU ~ACRIFIGJo; M

En somme. la victime sac~tfiee ressemblait aux -!!lOrtadont I'ame resid~it, a Ia fois, dans l'aolre monde et dallsIe cadavre. AU8Si ses restes etaient~H8 entoureB d'un reli- .gieux respect! : on leur rendait des honneurs. Le meurttelaissait ainsi derriere IQi une matieresacree, et c'est ellequi. com-me nou8.allou8 Ie voir maintenanl}.servait t\ d.eve­lopper les eflets utiles dn sacrifice, On la '!;oumeltail pourceia a une double serie d'operalions. Ce qui survivait del'animal etait ou attribuetout entier au monde' sacre, onattribue tout entier au monde profane, on partage B,Qtrel'un et l'autre.

L'atlribution ~u monde sacre, divinites proleclrices OU

demons malfaisants, se realisait par ~ifl'erentsproce~es.

L'un d'eux consislail a mettre materiel\ement ell contactcertaines parlies dn corps .de l'animal el l'autel du dieuon qnelques objels qui lui elaiellt specialemellt con.acres.Dans Ie baHcU Mbtaiqne dn jour de Rippour, tel ~u'il estdecril dal1s' Ies premjers versets du chapilre IV du Levi­tique " Ie sacrificateJlr trempe son doigl dans Ie sang quiIni est pre.ente: il fait aspersioll sepl fois devant Iahwe,c'esl-a-dire sur Ie volle, et mel UII .pen de sang sur Ies-cornes de l'aute1; des part'ums, dans I'iute-rieur du sane­tuaire '. Le reste litait verse au pied de l'autel de l' pta qui,elail al'enlree. Dans, Ie oaHat ordlnaire Ie pretN meltaitIe sang sur les cornes de I'autel de l' pta', Le sang des vic­times de I'pla el des shelami", etait simplemenl verse aupied de l'aulel '. Aillenrs, 011 en barbonillall Ia pierre

I

MELANGES :P'HISTOIRE D.ES RELIGIONS

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s'arra.pgeait, de mauiere a ti'en pas repandre une ,seulegoutte 1. Cependant, ilarrivait aussi que cesprecautionsfllssent regardees' comme indiflerentes, A Methydrion, en4rcadie, Ie rite commandait de dechirer la' victi~e enmorceaux '. Ou pouvait meme' avoir interet a prolongersQn agonie .~. La mort lep.te, comme lao mort brusque, pou-'vaient diminuer la responsabilite du sacrificateur; p.ourles raisons que nous avons dites, les rituels 'etaient inge­nieux a lui trouver des circonstances attenuantes. Lesrites litaienl plus simples lorsqne, au lieu d'nn animal, onne sacrifiait· que de la farine ou des galeaux. L'oblationetait jeleetout entiere ou ell partie dans Ie feu.

1. Rob. Smith, R. 8em., p. 417. - Sacrifice scythe. Herod. IV, 60.Chez c~rtaines tribus de l'Anal on brise 1'6pine dorsale de Ia -victime.KOJ'!.dakoff-Reinach, Antiquites de la Russie Me1'idionale, p. 181.

~. P.a,~s .. VIII, 37, 5. - Rob. SmiLh, Rel. Sem.. p. 368.

3. Mannh., W. F. K .. I, p. 28 sqq.

4. PI. De 1side el Osiride, 15,17; Mannh., W. F. 1(., II, 52; Rohde.Psyche, p. 393; I;IieLerich, Nekyia, p. 197 sqq. elc. .

5. Wiedemann, .-Eg. Zeitsch., 1878, p. 8~. Cf. Morgan-Wiedemann.Rech. oi·ig. 1;g., p. 215. - cr. Frazer, Gold. lJo'ijgh, ~1. :p., 90.

Par cette destruclioll, I'acle essenliel du sacrifice elaitaccompli,· La victime elait separee definitiveinellt dumonde profane; elle elait consacree, elle etait sacrifiee,dans Ie sens etymologique d'u mol, e\ Ies diverses Ianguesappelaienl sanctification l'acte qui la meltail dans eeletat. _Ene changeait de nature, comme Demophon, commeAchille, comme Ie fils du roi de Byblos, quand Demeler, The­tis et Isis consumaient dans Ie feu leur humanite·~. Sa morlelait celle dn pMnix' : ~Ue renaissait sacree. - Mais Ie'phenomene qui se passait a ce moment avaH une autreface. Si, d'nne parI, l'esprit elail degage, s'il etait passecomplelement « derriere Ie voile », dans Ie monde desdieux, d'nn anlre cole, Ie corps, de Ia ~Ie restait visible .eltangible; ellui aussi, par Ie fail de la cOnsecration, elailrempli d'une force sacree qiIi rexcluait du mOllde profane

1,.;- •

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1. L'usage de peindl'e en rouge certaines idoleEJ provient sans doule,de ces anctions primitives. Voir Frazer, Paus" t. lU,p. 20 sqq.; Herod.IV, 62; Sprenger, Das Leben und die Lehl'e des Mohammad, t. III,p. 457; Miss Kingsley, Travels· in West At"rica, p. 451; Marillier, Rev.Iiist. des Relig., 1898, I, p. 222, etc.

2. Stengel, op. cit., p. 121..- Michel, Recueil ·d'inscl'iptions g1'etijues,7f.i, 37 (Mykonos). cr. Rev. :Mart. 'J. Hall, Th1'ough my spectacles inUganda. Lond. 1898"p, 96, .97 (Bagandas).

3. Athenee, VI, 261, D.

i.. Rob. Smith, Rel. Sem., 435 sqq. -·.cr. MUller-Wieseler, Denlcmdle1', .I, pl. LIX, images de Hera Alroep.iro~.

•5. Ex. A. Thybes, Herod. II, 42.n,. Varro, De R.B, 1,29, 3,

7. Lev. I, 6, 8, 9 ; .IX, 13. - Ex, XXIX, 17. - Les os ne devaient pasMre brises : Ex. XII, 46; Nomb. IX, i2. .

8. Lev. VII, 14; IX, 2i; X, 14, i5; XIV, i2, 21.

9.. Voir plus haut, p. 5t. On connatt les interdictions bibliques demanger Ie sang qui est la vie, et qui appartient aDieu: I Sam. XIV,32, 33; Dent. XIf, 23; Lev. XVII, H; Gen. IX, 2-5. cr. Virgo Georg., If,484. Servins ad LEn. III, 67; V, 78. Cf. Ellis, Ewe Speal&ingpeoples,p. 11.2. Cf. Marillier, La place du totemisme, etc" Rev. d'Risi. des 1'elig.,1S98. I, p. 351. .

10. Lev. lIT, 3, 4, i6 s'l'l.; VII, 23; IX, 19, 28; pour les shelamim, Lev.

sacree ou la figure du dien 1, En Grece. dans les sacrifices:aux divinites aquatiques, on faisait couler ]e sang dansl'eau 2; au bien apr~s avoir ele recueilli dans une coupe, il~taitverse aIa mer '. - Quand Ia victime avait ete depouil­lee, On pouvail revetir de sa peau I'idoIe '. Ce rite etaitparticulierement observe dans les ceremonies ou ]'onsacrifiait un animal sacre queUe que fut, d'ailIeurs, Iaforme donnee a l'idole a. -En tout cas, on ·presentait la vic­time tuee comme on l'avait presentee avant la consecra­tion '. Dans I"ola, Ies aides, apres avoir coupe Ia ·victimeen morceaux, Ies apportaient avec Ia tete au pretre officiantqni Ies mettail ~nr l'anteI'. Dans Ies shelamim, Ies partiespresentees recevaient des noms significatifs tero'ltmd,oflrande eIevee, tenOl!phd, oflrande tonrnee'.

L'incine.ralion elaH un autre moyen. DaJ?s taus les·sacrifices hebrenx, de meme qne Ie s'lng Mail entierementattribne par voie d'aspersion on d'eflusion', Ia graisse etIes visceres etaient bruIes au fen de I'anteI". Les portions

53ESSAi SUR LA NATURE E'f LA J~ONC'fION nu SACRIF1CE

IV, 8 sgq., 19, 31; rx, iO. - 'En Grece : E\tengel, op. cit., p.101; Faton,, Cos, 38; Hesych., fvoplX:t"o:; Herod. IV, 62.

1.. Lev. 1. 9, i3,. 17 ; II, 2, 9, etc. ; Ps. LXVI, Hi. cr. Es. I, 13. -:-- cr.Clermont·Ganneau,.InsC1'ipt. de Kanatha, C." R. de ·l'Ac. des Insc1'.,1898; p. 599. .,...- Il. A, 301·; e, 549 sqq.

2. Lev. XXI, 8, 17, 21. Ezech. XLIV, 7. Herod. IV, 61. A propos desHirpi S01'ani, et de la faQon dont les lonps· enlevaient la viande dessacrifices, voir Mallilhardt, W. F. K., II, p. 332.

3. Od. r, 51 sqq.; H, 201 sqq.

4. Dans leritnel hebra'ique la victime etait bouillie ou bien bru.lee.- Pour les victimes bouillies, voir r Sam. II, 13; Herod. IV, 61.

5. Voir plus haut, p. 35.

6. Ex. XXIX, 32sqq.; Lev. VII, 8, H; I Sam. II, i3 sqq.; Ezech. XLIV.29 sqq. - C. I. S. '165 passim, 167. .

7. Lev. X, 16 sqq. cr. IV,'l1 j VI, i8, sqq.

8. La differend fut tranche par une distinction: la. victima devait lltrebruJee « hoI'S dn camp ». lorsque Ie sang avait ete apporte dans Iesanctuaire, c~est-a·dire lars du sacrifice dn Grand Pardon. Dans'lesautres cas, la"chair apparlenait aux pr~Lres. Lev. VI, 23; X, i8. Cf. IV,21; VIII, 17; IV. H.,

ainsi consacrees au dieliqni personnifiait la consecrationlui parvenaient en fnmee d'odeur agreabIe '. Lorsque Ie dieuintervenait dans Ie sacrifice iI etail cense manger l'eelIe- .ment et snbstantieUement Ia cbair sacrifiee; c'etait {( saviandel! n. Les poemes homeriques nous rrlOotrent lesdienx s'asseyant anx banqnets saccificieIs 3. La cbaircnite', ,reservee an dieu, Ini etait presentee et etait pIaceedevant Ini. II devait Ia consumer. Dans Ia Bible, pIusienrsfois, Ie fen divin jailIit et fait disparaltre Ies cbairs dontl'autel est chargtP.

Snr Ia chair qni restail apres ces destrnctions preIimi­naires, d'autres preIevements, etaient faits. Le pretre pre­nait sa part '. Or Ia part du pretre etail encore nne partdivine, Les rMactenrs dn Pentateuqne ont ete preoccnpesde savoir si la victime du baltat devait Hra bruIee oumangee par Ies pretres. Moise et Ies fils d'Abaron furent,seIon Ie Levitique', en desaccord sur ce point. Les denxrites avaient done visiblement Ie m~me sens 8 • De meme,dans les sacrifices expiatoires romains, lespr~tres man-

M~LANGES n'HIS'rOlRE DES, RELIGiONS52

Page 52: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

ESSAI SUR LA N A.TURE ET LA FONCTION bu SACRIFICE 55'

L Pluto Qu. Symposiacre, VI; 8, 1. (Smyrne). - Virgo .!En., VI. 252.Serv: ad loco - Cf. Tautain, in Anthropologie, 1897, p. 670. -:- Les LXX

, ont traduit 'old par holocausle.2. Lev .. I, 9; IX, 20; I, 17. - Ezech. XL, 38.3. Dent. XXXIII, 10; 'Old kalil, I Sarri. VR, 9. _ Ps. LI, 21, Ie !ralil

est distingue de l' 'vld.4. Lue. de Dea Syria, 58. - Herodien, V, 5 ~qq.; Lam-prid.. Helag. 8.

_ Moyers, PMnizie1', I, 365.- Pluto d. Is. et Os., 30.- Aux Thargelies :Ammonios', p. f42 (Valek.): cr. Mannhardt, Myth. FOTsch., p. 136,in. 1.-Aux Thesmophories: .lUtein. Mus., XXV, 549 (Schol. it. Luc. Dial. mer.,II, 1). - A Marseille: Servo adAineil1 .. Ill, 57. - Le honc d'Azazel, a.ujour du grand Pardon, etait de meme preeipite du baut d'un 'rocher ;Talm. J., llf.ischnli de Yoma. VI, 3. 7.

5. n y a quelque analogie entre ees precipitations et certaines desnoyades de vietimes pru.tiquees dans les fetes agraires. Yoir stengel,0p. cit., p. 120 sqq. - Mannhurdt, W. F.' K.'-II, p. 278, 2&7. Cf. Rohde,Psyche; 1, J92.,

mination qni en resultalt portaient sur Ie corps tout entieret non pas. seulement sur certaines de ses parties. DansI"ola hObralque et dans I'holocauste grec', lavlcUme etaittout entiere brl1lee Sur I'autel ou dans Ie lieu sacre, sansque rien en fl1t distrait. Le prHte, apres avoit lave lesen trailles et les membres de la Mte, les placait su~ Ie feuOU ils se consumaient'. Le sacrilice etait appele quelque­fois Kalil, c'est-a-dire cumplet ' .

Parmi les cas de destruction complete, il en est Un cer­tain nombre qui presentent une physionomie' speciale.L'immolation de la victime et la destruction de son corpss'operai;mt d'un seul conp. On ne commencait pas par latner pour incinerer ensuite ses testes: tout se .passait ala fois. Tels etaient les sacrifices par precipitation. Qu'onjetat.I'animal dans un ahlme, qU'on Ie precipltat de la tourd'une ville ou du haut d'un temple', on r~alisait ipso {actola separation brutale qui etait Ie signe de la consecration'.Ces sortes de sacrllices adressaient leurs victimes aux divi­nites Infernales oU aux mauvais genies. Chargees d'in­fluences mauvaises, il s'agissait surtout de Ies eloigner, de

• les retrancher du reel. Sans doute, toute idee d'attributionn'etait pas absente de. I'operatlon.. On se representaitvaguement que rame de la victime, avec toutes les puis-

..~ '~:' ...,.-

MEL~G1!:S D'lus'tOlRR DES nE1LIGlONS

4. cr. Act. (J', Jrv. a. 2'18 (G. I L. VI, 2'104) : et pOJ'cilias piacli.lo,J'esepulalisunt et sanguinem postea. - Servo ad Aen. HI, lil3'1. '

. 2. Ex. XXIX, 27, sqq. - Lev. VII, 13,29 Bqq,fj X, 1.4. - Nomhres,V, 9; YI, 20; XVIII, 8 sqq. - Deut. XVIII, 3. .

3, Lev. yI, 19, 22 ; Les homInes seuls peuve~t manger du baUdt et ilfaut qu'ils soient purs. Pour les shelamim, (X:, 14), auxquels les femmesdes cohanim sont admises, il faut les manger en uil lieu pttr. Lesvialldes 80nt tonjourB cuites d!llis nhe ehRmbre saeree : EzMh. XLVI, 20.

4. Paton, Cos, 37, 21, 51 ; 38, 2, 5; 39, 10 settI. .....:; MiChel, dp. cit., 7'14(Mykonos), 726 (Milet). -:- R C. H., .'1889, p. 300 (Sinope). - Pausanias.V, 13-2. - S.tengel. Zunge de1' 0pfe1·thiere, Jahrb. f. Phil .• 1879,p. 687 .qq. .

5: Rohde, Psyche, II, p. 15.6. Hl!rod. IV. 16'1,- 0:7.7. Paton, Cos, 38, '17.

geaient la chair '. Dans Ie zeba~ shelamir", Ie. prMres gdr"daien! les parties specialement presentees a Iahwe,repaule et la poiUlne" la tenoupha et la terol/ma: Les partsnlservees aux ,prMres ne pouvalent Mre mangees que parellX et leurs families, et dans un lieu sacre'. Les textesgrecs contiennent' nombre de renseignements, non moinsprecis, sur les parties des victimes et des oblations reser·'vees aUlt sacrilicateurs '. Sans doute, les rites paralssent

. quelquefols asset peu exlgeants ; ainsi, les prMres empor­lent leur part chez eux; on fait argent de la peau des vic­times et les prt\levements linissent par ressembler a uncasuel. II y a, pourtant, lieu de croire qne les prMresetalent, meme alors, lee agents; les representants, leslieutenants .du diet!. Ainsl lee mystes de Bacchus dechi­ralent et devoraient les victimes quand lis Haient posse­des '. On dolt peut-etre considerer comme parts sacer­dotales divers prelevemeuts faits par les rois', ou par desfamilies sacrMs'.

L'incinera!ion,.la consommation par Ie prMre avait pourobjet d'eliminer completement du milieu temporel lesparties de I'animal qui etaientainsi d~trl:lites on consl?m~'

mees. Comme l'ame que I'immolation avait anterieure..ment degagee, elles ataient, par cela meme, dirigees veJ'!;Ie monde sacre. II yavait des cas ou la destruction et I'eli-

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cipe : (( 10 sacrifice appar~ienL aux dieux, 10. b~nMiction au sacrifiant »:Cat. lJ., 2, 3, 4, 5.

- 1. Lev. XIV, 7. - WeUhausen, Reste des Arabilj(;hen Ileidenthllms,p ..'174 (initiation). - En Grece: Xenophon, An~b., II, 2, 9 (scrmenL).Frazer, Pausan.ias, t. III, p. 271, p. 593 (purificalwn).

2. Luc., Dea Syria, 55. - Paus. I, 34, 3 (on se couche sur Ill. peau de10, victime). Cf. Frazer, Pausanias, t. II, p. 476.~- 6.100:; Xq'IOW'I: Stengel,op. cil., p. 146. cr. Leriormant, Gaz. Archiol .. 1884, p. 352 j R. Smith,Rel. Sern., p. 937, 438.

3. Hob. Smith, op. cit., 383~·i.

4. Cendres de Ia vachc T'ousse flui servant aux eaux de Ius~raLion : Nomb.XIX, 9. - Ovide, Fastes"IV, 639, 725, 73:;.

5. Voir pIns haut; Jer. XXXIV, 18 sqq. ; cf. Rois, XVII£, ilG. Le ritese,mble avail' fait partie d'un sacrifice sa~ramentitire, symbolique d'uncontrat.. Cf. Gen. XIII, 9 sqq. - Plut. Qu. Rom., 111.

6. On sait,que Ie nom techniqne des chairs du zeball shelamim, etc.qu'on pouvait consommer dans Jerusalem etait celni de.Qedashim.= sain~

teLes (Cr. LXX, xph &ytCl:); Jer, XI, 15. Cf. Rap. Smith. Rel. Sem. p. 238.

7.' Dans Ie zeba!J. shelamim, en .dehors des parties reservces, Ie sacri~

Hant a droit au tout.8. Vqir Rob. Smith; Rel.of Sem., p. 237 sqq.9. Lev., VII, 15-,18; XIX, 5-8; Ex. XXIX, 34. cr. lHannhardt, W. F. K.,

II, p. 250. -Frazer, Gold. B.,n,p. 70.

ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE 57

pluS' materiels; c'etaient, par exemple, I'aspersion du sang 1,

l'~pplication de la pe;m', des onctions de graisse', Ie con­tact des residus de la cremation '. Parfois, l'animal etaitcoupe en deux et Ie sacrifiant passait au travers 0, Mais Iemoyen de realiser la communication la plus parfaite <itaitd'ahandonner ,au sacrifiant une part de I.a victime, qu'ilconsommait 6 • II s'assimilait les caracteres du tout quandi! en mangeait une parcelle. D'ailleurs, de meme qu'i! yavait des cas oil tout litait hrUie par Ie dieu, il y en avaitd'antres oil Ie sacrifiant recevait la totalitede l'oblation '.

Toutefois, ses droits sur la partie de la victime qui luietait ahandonneeetaient limites par Ie rituel". II d~vait

tres sonvent la consommer dans uu temps donne.. Le Levi­tique permet de ~anger Ie lendemain de la ceremnnie lesrestes de la victime dn sacrifice dn VlBU (neder)et dusacri­fice designe par Ie nom de nedaM (offrande volontaire).Mais s'ily en avait encore Ie troisieme jour, ils devaient8tre brilles; celni qui en mangeait pechait gl'avement 9

MELANGES n'HISTOIRE DES RELIGIONS56 '

1. Lev. XVII, 26.

2. Strab_on, ·X, 2, 9.

3. Lev. XIV, 53.

4. Plu~., Qll<Est. Symp., VI, 8, 1. Voir pOUl' un cer~ain Dombre de fails.du m~me genre, dOD~ Ie Dombre pourrait Mra aisement augmenle, Frazer,Gold. B., II, p. 157 sqq. .

5. Lev. IX, 22. - Le Qat. Br. exprime merveilleusemen~Ie m~me prin~

sances malfaisantes quietaient en elle, s'en allait rejoindreIe monde des puissances malfaisantes; c'est ainsi ·que Jebouc du Grand Pardon litai't devoue a Azazel t, Mais l'es·sentiel etait de l'eliminer, de l'expulser. Aussi arrivait-ilque l'expulsion avaitlieu sans qu'i! y efit mise a mort. ALeucade,. on prevoyait que la victime echappat; mais eUeetait exilee'. L'oiseau lacM'aux champs dans Ie sacrificede Ja: purification du lepreux en Judee', Ie ~OUA'f'0'" chassedes maisons et de laville d'AtMnes; sont sacrifles de cettemaniere. Malgre la difierence desrites, i! se passe ici Iememe pMnomene que sur l'autel de I"ola a Jerusalemlorsque la victime monte tout entiere en fumee devant laface de Iahwe. Des deux parts, eUe est separee, eUe dispa­rait compllitement quoique ce ne soit pas vers les memesregions du monde religieux qu'eUe se dirige dans les de'uxcas.

Mais quand ·Ies restes de la victime n'etaient pas tontentiers attribues soit aux dieux, soit aux demons, on s'enservait. pour cornmuniquer soit aux sacrifiants, soit auxobjets du sacrifice, les verlus religieuses qu'y avait sus­CiteBS la consecration sacrificielle. Les operations que nousallons maintenant decrire correspondent a celles que nousavans rencontrees au debut. de la ceremonie. Nons avans..vu alors Ie sacrifiant, par'l'imposition des mains, passer ala victime quelque chose de sa personnalite. Maintenant,c'est la victime once qui en reste qui va passer an sacri­

. fiant les qualites nouvelles qu'eUe a acquises par la sacri-fication. Cette commnnication peut s'obtenirpar une simplebellediction 5. Mais, en general, on recourait a·des rites

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Page 54: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

\1. Lev. VII, 15; XXII, 29, 30. Voir Dillmo.nn-Knobel, t. XII, p. 448. :

2. Ex. XII; 10; XXIII, 18; XXIV; 25; Dent. XVI, 4.

3. Paus, X. 38-6; Voir Frazer, t. III, p. 240. - Rob. Smith, op. cit.,p. 282, 369. ~ Cr. Atheoee, VII, p .. :276.

4. Paus. ib.; II, 27,'1; VIII, 38~6. Hesych. s. v. '.Ea,[q: MOP.E\!. _ Pa-lOh"Cos, 38,24. .

5. ~aus. X, 3.2, 9· (Culle d'Isls a. Tithorea) : les restes de IS. vicUm~restent exposes daDS lesRIlctuaire d'une fMe it' l'auke; et, avantchaquefMe, on les enIeve e~ les enfonit. "

6. Lev. VI, 4 ; XIV, 4; CI IV, 1.1 ; on recouvfait de terre Ie sang desoiseaux tues dans Ie temple. - A Olympie ir y avaH un moncea:tl decendres devant t'aute!: Paus. X,13, 8., VoIr Frazer, Paus., t. III, 556;Stengel, p. i5. '

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59

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ESSAI SUB .LA NATURE ET LA FONC'flON DU SACRIFICE

Lila femme du sacrifiant assiste it Lous les sacrifices solennels hin­(10U8, a une pla.ce speciale, liee icgerement, et est i'objet de certains rites,qui lui commtiniquent en quelque sotte les eilluves du sacrifice et a8SU~

rent- so, fecondite. Kdly pl'. stl, VI; 6, 1 sqq. Ap. pro stl, III. 18, 1~12 com.

2. Elle fait hoire lous les (( soumes » sarvdn prdlJ.{ln, c'est~a-dire, lesyerrx, Ia houche, les deux narines, les deux oreilIes, l'organe sexuel (aajouter in T. S.), ranus (iip: VII, 18, 6) pendant que l'o~iciant aspergeil. grande: cau tous les memhres (T. S., 1, 3, 9, 1, cr. 6, 3, 9, 1; V. S ..VI, 14; C. B., 3, 8, 2,4-7: OIidoitreconstituer ndsike,etc. in T. S). La CCl'C­monie a plusieurssens. Les TaHtiriyas ont exagere Ie c6te propitiatoll'c :la mort est «une douleur », lllle flamme qui brille' avec les sournes,qu'il falit apuiser. Pour cela on fait hoire aux souIDes de l'eau, et 10, dou­leur et la fllimme partent avec l'eau dans 10, terre (CL C. B., 3, 8, 2, 8.16). Aussi les Taitt. ,ont-ils pour chacun des mantras adresses it chaqueoffice: «BUV6Z »et nOD pas« putifiez-vous» VA.jasaDyips expression quicorrespond au nom merne du rite. Le~ Vajasanyins insistent sur Ie c6teputificatoil'e oU rite; ils disent «( PUl'ifiez~vous )) : «IlL vietime est une vie,elle est meme l'a1iu·ta (notlrritUl'e immorlelle, l'immortalite) des dieux.Or on tue la Mte· quand on l'et6tiffe et l'apaise. Mais les eaux sont lessournes de vie (contlennent les pl'incipes vita"i1x); ainsi, ce faisant (cetteInstration)j on replace les sou:fI1es. La victime redevient yie et nourri­tore irntnol'te~le des iinmorLels » (9. B., loco cit,).

-3. Ap., VII, 18, 14, mantras: T. S., 1, 3, 9, 2; 10, mlitne ecole ib.,. 6,3,9,2; ,propose un rite })lus precis (Cr. '1{dty., VI, 6,'H). Mais les textesde l'ecole du :t;\.g Veda (l'lldhrgnnigllda, Atv. tr. stl, Ill, 3, 1; Ait. B1'.j

61 7,1,10) parlent simplerneilt de rep6Jldre Ie sang pour les dernoEl.s, afinqu'ils s'eloignent. La discussion instittLee i1 co stljet est interessante: ilest explique que les demons, eomme les dieux, assisLent alix sacrifices;qu'i1 leW' raut a eux aussi leurs part-So; parco que' sans celn, comme Usy ont droit, si on ne 10.- leur donnait pas pour les scarler (ni1'-ava-dd;cf. Oldenberg, Rel. d. Fed.,p . .218 etT. ~., 6, 3, 9,2). ils (I s'appesanti­mient » sur Ie sacrifiantet so. familIe. - Differe':Iites nutres parties de 10.victime sont aussi attribuees aux demons, ce sont les gouLtes de sangqui s'-echapperclnt 101's de la cuissoIi du crnUl' ([(dty., VI j 7,13). et, deplhs, l'estomac, lea excrements, les brins de gazon sur les.quels on repand

.._'

l'attribntion aux dieux, et de celies 'lui regardent la com­munication aux sacrifiants.lmmediatementapr~s l'etonfl'ement de la victime, on en

assure par un rile specialla purete sacriflcielle. Uu pretreconduit, anpres du corps etendn, la femme du sacrifiant quia assiste. a la ceremonie l , et, peudant dillerents lavages,elle « fait boire " it chacuu des orifices de la Mte les eauxde purification '. Cela fait, Ie depe~age commence. Des Iepremier coup de couteau, Ie saIig coule ; ou Ie laisse S'echap­

·per. C'est la part destiuee aux mauvais genies. « Tu es lapart des rak~as 11. »

:ME1ANGES O"U!S'fOIRE DES RELIGIO~S58

General.ment, la victime doH Mre mongeeIe JOur memedUsacrifice' ; lJnand il a lieu Ie soir, rien ne doit rester a~

matin; c'est Ie cas du sacrifice de la PAque '. On tronvail enGrece des restrictions analogues, par exemple, dans lessacrifices Seole;. 'toLr,; Me.~l~x(oLr,;, dieiIx chthoniens, Ii ·MyonJa en

.Phocide 9; en ontre, Ie repas sacrificiellie pouvalt avoir lieuque dans l'enceinte dn Salictuaire'. Ces precautions etaientdestinees a empecher qne les restes de la vlctime, e'tantsacres, n'entrassent en cOntact avec leS choses prolanes. Lareligion delendait la' silintete des objets sacres en memetemps qu'elle proteg~Uit Ie vulgalre contre leur malignile.Si, lJuoilJue prOfane, Ie sacrlfiaut etaH admls a 'y toncher etit en maliger., c'est qne la conSecration, en Ie simCtifiant,l'avait mls en etat de Ie faire SUns dali~er. Mais Ie. efl'ets desa conseeratiott us duraHnitqLl'un temps; He s'evanouis­saieut it la longue, et c'est ponrqnolla consommation devailse faire .dans nn delai determllit\. lnutilises, les restesdevaient etre tout au moilis, s'ils Ii'etalent pas detrults,serres et surveilles '. Meme les residus de la cremation quiue ponvaiellt etre ni detroits, ni utilises n'etaient pas jetesau hasard. lis etaient deposes. dans des endroits speciauxproteges par des iuterdictions religieuses".

L'etude du sacrifice auimal hindou, dont nous amnsin1errompu1a description, presente nn.ensemble, rarementrealise, de toutes ces pratiques, et de celles quicoucernent

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61ESSAI SUR LA NATURE ET ·LA FON-CTION DU 'SACRIFICE

pee, on la Jette au feu i, au milieu de benedictions, de reve­rences et apres que les invocations necessaires ont Mefaites. C'est une nouvelle part pour les dieux. Cette secondeattribution est elle-m~me traitee comine une sorte de sacri­fice complet 2 ; c'est,ainsi qu'on s'excuse anpres delavapd,comme on ·avait fait aupr~s,de la vic~ime au moment del'immolatiou. - Cela fait, on revienl a la MIe, on l'ecorcheet~ dans ses chairs, 011 decoupe dix-huit morceaux 3, queI'on fait cuire ensemblec La graisse, Ie bonillon, l'ecume'qui surnagenP dans Ie pot ou a lieu cette cuisson, eat pourIe dieu ou Ie couple de dieux auquel s'adresse Ie sacrifice:on sacrifie louI cela dans Ie fen. Ce qn'on detroit ainsirepresente formellement encore une fois la victime toutenti~re', c'estuue nouvelle elimination lotale de la Mtequi se trouve efIeetuee de cetle maui~re. - Enfin, sur les

Rig-Yeda, IV, p. 303. -,Bergaigne" Rist. de la Lilm'gie vedique, p. is,considere cet hymne comme l'ece~tparce qu'il es~ forme de vel'S de metresvaries, c'est-a-dire d'une serie de l'ormules entierement separees. (VolrOldenberg, Vedic Hymns. S. B. E., XLVI, p . .283.) Ce fait est incontes~

table; his formules sont de _diverses sources et ont ete _colligees tardi­vement. Mais les l'01'mules sont bien anterieures it. l'hymne. De te11e sorteque, si l'hymne n'apas d'unite de redaction, iI prest;lnte une unite d'objetat]o. fal;on naturelle dont illl. eleeompose demontre qn'il se l'attache aun des rites les plus anciens. - L'hymne decrit fort exactement tous lesdetails de l'operalion (Gr. 1'.8.,6,3,9,5 et 9. B., 3, 2, 211). Ace ritesacrificiel des plus importants les brahmanos ont trouve une significa­tion .naturaliste.

1. Ap., VII, 22, 2c

2. Tous se Iav~nt. Ap.; VII, 22, 6. = Kdly, 6, 6, 29. = .A~v, 3, 5, 1 et2. Les mantras sont T. S., 4, 1, 5, 1. = R. V., X, 9, 1 8. 3. La V. S. VI,16 donne Ie meme texte que A. V., VI, 89. Ce demier mantra cxprimela deliv.rance de la maladie du peche, de Ia mort, de la malediction,divine et humaine. - C'est d'ailleurs Ie sacrifice de In. vaptl, qui marque,dans Ie cas oil 1e sacrifice a pour but de racheter un homme, Ie momentprecis du rachat.

3. Vok Schwab, Thieropf., n. f18, p. 126 sqq,4. Voir Schwab, Thiel'opf., p. 141, n° 1; cf. Ludwig, Rig-veda, IV,

p. 36L - Voir Ap., VII, 25, 7 sqq.; Q. B.13, 8, 3, 10, Eggeling, ad lac.

5. Ap ., VII, 25, 8.6. T. S., 6, 3, H, .1. Pendantla sacrificalion on recite: R. V., Vr,60,

13; 1,109, 7 e~ 6. = T.B., 6, a. 11, 1 sqq., formules de glorification auxdiem::, deerivan~ la fal;on dont oils agreent l'offrande et la consomrnent .une :rois qu'eUe leur est parvenue.

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MET.JANGESD'HISTOIRE· DE~ RELIGIONS

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Vient alors la ceremonie -qui a pour objet d'atlribuer audieu I,. partie essenlielle de la victime: c'est la vapa, enlan­gage technique, Ie grand epiploon '. On l'enl~ve.rapidement

avec loutes sortes de precautions et de propitiations. Onl'amene processionnellement COIDme une victime,.le sacri­fiaut tenant toujours Ie prMre qui la porte '. On la faitcuire aupr~s du feu csacre el on dispose les choses demaniere 3: ce que -Ia graisse, en fondant, coule goutte agoutte sur Ie feuc On dil qu'elle lombe « sur la peau dufeu 'c n, c'esl-a-dire d'Agni el, comme Agni est charge detransmettre aux dieux les ofl'randes, c'est une premierepart atlribuee aux dieux'. - Une fois la vapa cuite, decou-

Ie sang recueilli (Ap. ne donne, pas ces details; voy. Schwab, p. 13i); onles enfouit tous dans 10. « fosse nux excrements », en dehors du lieu sacri­ficiel (Ap., VII, 16, 1; cf. Acv., III, 3, 1). L'Ait. Br., 6, 6, 16' do"nne uneune autre interpretation it cet enfouissemep.L - Les textes glissenL assezvolontiers . sur ces parts "taites au demon. II 0. pal'u irreligLeux: (cf.Ail., 6, 7, 2), de convier les ennemis des dieux au sacrilice. - Mais lesrites sont nets·: en general les debris inutilisables des sacrifices (parexemplo les sons des, grains conco.sses paUl' fabriquer 'un gateau) sonLainsi rejetes, expulses. - On peut compareI' it. ces Jaits 10. pratiquegl'ecque du sacrifice a 'HplX TlXfl:r;AIa:, oil l'on rejetait Ie fiel de la vic­time (Plul. Conj. pl'aJC, .27), et Ia prescription biblique d'cnfouir Ie sanO'des oiseaux de purifJcaLion. - Faisons obStJrver que Ie rituel. des sacr~fices de l'1nde prouve que, contrairement <I.-ax idees admises. un sacri­fice sanglant n'a pas nccessairemenl pour 'principe l'usage B. Iaire dusang. I.

i. ~a partie superieure dli peritoine, musculeuse et graisseuse, « 10.plus Juteuse, pour toi, du milieu, parmi les graisses, a etc enleyee, nous­to 10. donnons D, R. v., III, 21, tJ. Elle est Ia partie centrale de IlL bete. Ieprincipe de so. vie individuelle, son atman (1'. S., 6, 3, 9,5), comme Ie(( sang est Ia vie ) chez Ies Semites. Elle est Ie principe saClificiel do In.vietime (Ie medhas) 1'_ S., 3, 1", 5, 2; (;. 8., 3, 8, 2, 28; voir Ail. Br., 7.3,6, un Plythe rituel curieux:.

2. .tip, {:". su., VII, 19 sqq. En tllte marche un prMre, ayant un bran­don allnme it, 10, main, puis Ie pretre qUi porte"la portion it I'aide dedeux broches (car it ne doH pas 10. toucher directement), p:nis Ie sacrifiantqui tient Ie pretre comme plus haut (Ap., VII, 19, 6. 7, comm.). Les rai.sons du rite sont les memes que Ies motifs indiques plus haut (p. 67et n. 1. -T.,S., 6, 3, 9, 3 et 4). .

3. R. V., Ill, .21, 5. Oldenbergad lac. Hymns, contra SAyana ad R. Y'"et T. B. passnges cites 8. 10. note suivanto. .

4. Tout Ie rite est fort ancien car un des pretrcs recite l'hymne : R.!., II, 75, 1, puis Ip, 21 tout entier = T. B., III, 6. 7, ·L sqq. = ~. S.,3, 10, '1. - Cf. T. S., 6, 4, 3,5. cr. Ail. Br., 7, 2, 5 sqq. ; voir Ludwig.

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dix-huit morceap.x qui ont servi a faire ce bouillon, un cer­tain nombre sont preleves qui sont en~ore attribues a diffe­rentes divinites 011 personnalites mythiqll6Sl', ,

Mais sept de ces parts servent a un tout antre objet 2 ;

c'est par eUes qqe va Mre communiquee au sac.rifiant lavertu sacree de la victim!!,3. Ellas constituent ce qu'onnomme l'illit. Ce nom est egalementcelui de la deesse quipersonnifie les bestiaux et qui' dispense la'lortune et lafecondite'. Le meme mot designe done cette divinite et lapart sacrificieUe '. C'est que la deesse vient s'y iI\oarl'er aucours memede la ceremonie, et voici comment s'oPere cetteiI\carnation. Dans les' mains d'nn prMre. prealaillementointes '. on place l'iait; res autres prMres et Ie ~acrifiant

l'entonrant at la toncbenr. Pendant qu'ils sont dans cetteposit\on, on invoque la deesses, Il s'agit iei d~une invoca-

ESSAI SUR LA NATURE EI Li\ l~ONOTION nu SACRIFICE

Taitt. Br., 3, 5. 8:,1; 3, 5, 13 1 1 sqq. sop.L le~efem~nL' diff~rents. - Cette. invocation cen:,;isle essimtiellelllent en une serie d'appels de la divinite,qui est.censee amener avec elle toutes'les forcos mentionnees,· at d'autrepart convi~r,a. son tour, les prMr~s at Ie sacrillant a. prendre lfjur partdes forces ,ainsi amassees. Lo Iiacrifiant dit, pandantune pause (Ap.,IV, '10, o. ,- T: S.-, 1, 7, 1, 2) : « que cette oO'rande (de lait de melange)soil rna force ll'

L Taitt. Bl'., 3, 5, 8 i1 fin; 3,5,13 l\ fin.

2.' L'avdntaTefld. i¢d supplementaire qu'il tient dans l'autre main.(Voy. Weber, Ind. Sl., IX', p. 2'13). n diqAt'v. ~I'. 8d, 1, 7, 8; cf. T. S.,2, 6, ,8, i ct 2) : (( I('a, agree notre part, fais prosperer nQs vach~s, faispl'OSperer nosch.evaux. Tn disposes de 1l1fleur de richesse, nourris~

nous,en, donne~nous-en». .

~.Le sacri~a'!1t di~ : {(' Ida. agree, e:lc ... , puissipIJ,lI-nOU8 cpnsQwmer detoi, nom; en corps et en aQle (comm. a. Taitt. Bl'.), nous taus avec tousnos gensll (r. B., 3, 7, a, 6).

Lt••.• J, S, 2.

5. Certo.ine ecole prescrit un ,rite de pl'esen.Lal~on illJx: ;m~e~ (l{~ly.

3, 4, 16 et 17). Le rite quoiqll.e p.ncien (V. S., II, 31) n'est qu'un rited'ecole. -

6. Voir les mant.ras : Hillcl:!randt, N. V. 0., 126 sqq. C'est ainsi quela. bouche de l'agnldh1'a (pl'(~l.ro du reu) est censee etre 1£1, bou'che m~med'Agni. Les pa.rts sacerdotales sonl done hien des parts divines. - IIne s'agit pas ici; comme 1'£1, vu M. Old~nbel'g, ,d'un repas en commun.d'un rib:~ de communion socillle, q1J.olles qu'en soH los apparences. Dansl'i¢d, « 10. part dl1 sacriflo.nt l) Q. une sorte de vettu (( medecine II (Olden­berg) ; elle· donne de 1£1, force au 5acr~fiant, « elle place en lui les bes·tiaux )), comme disent les te~tes: pap1n yajamdne dadhdti (a. )"ema.r4

tion an sens propre et techniqnedn mot (vocare in, appelerdedans), La divinite n'est pas seu'lement invitee it assisteret il participer au sacrifice. m,ais it descendre dans l'offrande,C'est nne veritable tri\Ilssubstantiation qui s'opere, Surl'appel qni lui est adresse. la deesse vient et amene aveceUe toutes sortes de lorces mythiques, celles du soleil, duvent, de l'atmosphere, du ciel, de la terre~-des bestiaux, etc.,etc, C'est aiusi qne. cORnne dit' un texte, on epnise sur l'iait

. (part sacrificielle) tout ~e qu'il y a de pon dans Ie sacri~ce

et dans Ie mond. '. Alors. Ie prMre qui la tenait en sesmains Ifiange sa part' et,. ensnite, Ie sacrifi'ant en fait, .

antant '. Et tout Ie mond;' reste assis en silence jnsqu'ace qne Ie sacrifiant se soit rince la bouche', Alofs " ondistribne leurs parts aux prMres, qui representent cbacunun dieu 6.

MELANGES D'H[STOl~;Uil DES RDL.GiONS62

1. A A,g:ni« SVi#ak!:t », qui parJai~ les ril.eB (vay.,Weber Ind. Stud";IX, p. 2i8); cr. Hillch., N. V. 0., 'po 118'. - POlU' les autres etres auxquclsson~ atrnbuees des parts (du grQs iutClItin) daps UDe offrande supple~

mentlLire (A'p., vn, ~6. 8 sqq.), voir Schwab, no 104. Les mantras recltesoct les reponses correspondent assez mal.

2. OI;l peut leUr ep. ajouter d'aukes, sans as. Ap., VlI, 24, 11.

3. Sur l'I~tl., voir tout parLiculit'lrement Oldenberg, Rel. d. Ved.,p. 289 sqq. et les passages ciWs a l'Index.

4. Voir Bergaigne ReI. Ved., I, 323, 325; n, 92, 94. By!. Levi, Docl.,p, 103 'qq. I,

5. Cc moment du sacrifice est assez important paUl" que Ie Cat. B1'., yaiL rattacM 10. famense legende, devenue populaire, du deluge (Qaf. Br.,1, &, '12 entier; Eggeling ad. loc., S. RE., :x;n). Cf. Weber, Ind.. Stud.,I, p. 8 sqq. .,..... Muir, Old San81c1'it Texts, I, p. 182, p. 196 sqq. - MaisIes Rukes BrahmaJ;las n'ont, de cette Iegende, que 10. .fin, clui -est seuleUB arUcle de foi brahmanique. Selon' eui, c'est.en inventant Ie rite de

" l'I~a., en creant ainsi 10. deesse I~a. (sa femme, au so. fiUe selon les~xtes). <JU.e M8J.l,u, Ie premier hClm¢e et Ie premier sacrifia.nt a- acquisposterite et betail (voir T. S., 1, 7,1 et 2, tout entiers 6, 7; T. B., 3," 7,5, 6). En lout· cas, elle et son correspondant.rnateriel representant lesbestiaux, en sont toutela force: i¢d vu,i pavavo, ({ i¢d, c'est les bes~

tiaux ll.fi. Voir Hillehr., N. V. D., ,po 124; Schwab, Th., p. 148.7. Hillebr., p. 125.

8 'La ceremonie Be nOTOme i~ltihvayana, ou bien i~lopahvan'l, termequi cOl'respond exactement i1 l'epicle8e de 1(1. messe obreLienne. Le lexte

'est Apv, pl'. 8d., 1,7, 7, trad~td~ns lIillebra:Qdt, N. V 0., p.125 at B;Oldenberg, ./1el. d. Ved., p. 290 sqq. Les textes 9drikh. ~I'. au., I. 10, ·1 ;!

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65

",l... ',

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EssAI SUR LA NATURE IT ,LA FONCTION, DU SA'CDIFICE,

1. Voir plus hauL,

MAuss-HuDEIlT.

est !'Intermediaire par leqnelle conrant s'etablit. Grace itelle, tousles ~tres qui se rencontrent au sac'rifice s'y unis­sent. Toute. I~s forces qui y concourent se confondent.

II y a plus: il n'y a pas seulement ressembl'lnce, maissolidariM etroite entre ces deux sortes de pratiques d'altri­bulion. Les premieres sont la condilion d~s secondes. Pourque la vic time puisse illre ntilisee par les hommes, il fantqne les dieux aient reou leur part. Elle est, en effet, char­gee d'une telle saintete que Ie profane, malgre les conse­crations prealables qui l'ont, dans une certaine mesure,eleve au· dessus 4e sa nature ordinaire et normale, ne peuty toucher sans danger. II faut donc abaisser de qnelqnesdogr,;s cette religiosite qui est en elle et qni la rend inutili­sable pour les simples mortels. Dejit l'immolation avait,' enpartie, atteint .ce resultat. En effet, c'est dans l'esprit quecette religiosite etait Ie plus eminemment concentree. Unefois done que I'esprit est parti, la victime devient plus abor­dallle. On pouvait la manier avec mo}ns de precautions. IIy avait meme des sacrifices on tont peril avait des lors dis­

.paru: ce sont ceux on I'anirnal tout entier est ntilise par Ie~ ,sacrifiant, sans qn'il en soit rien attribue aux dieux. Mais,

dans d'autres cas, celte premiere operation ne snlIisait pasit decharger la victhne antant qu'il etait necessaire. II fal­lait done s'y reprendre it nouveau ponr "'liminer encore,vers les regions dn sacre, ce qni etait rest'" en elle de tropredoutable; il fallait, comme le.dit Ie rituel hindon, refaireune sorte de nouveau sacrifice'. C'est lit I'objet des ritesd'altribution aux dieux.

Ainsi les rites, si nombrenx, ·qui sont pratiques sur la~ictime, peuvent Mre,. dans leurs traits essentiels, resumesen un schema tres,simple, On commence par la consacrer;puis les energies que cette ,consecration a suscitees et con­centrees sUr elle, on les fait echapper, par la destruction,les uues vers les illres du monde sacre, les autrlll! vers les

MELANGES n'mS'l'OIRE DES RELIGIONS6.

quer l'emploi dulocatif). Voir T.-S., 2, 6,7, 3; Ait. B,'., 2, 30, :1; 6, 10,11; Qat. Br. l 1,8, 1, 12, etc. - L'lfj,d fait partie du rituel en taus lessacrifices salennols bindous. - Ajoutons que Ie reste lie la victime est,dans' une certaine mesnre, profane: les brahmanes et Ie sacrifiantpeuventles empo:der:chezeux. (Schwab, p. 1.49). Nous ne cOlll?-aissonspas de regIe p~escrivant des dela"is pour la consommation des restes desvictimes. Mais il en cxiste poriI' 10. consommation de toutos les nourri­lUres en general.

~, ,.' '<.,. •.2.....,

Apres avoir distingue dans les di"ers rituels qui vieunentd'illre compares les rites d'altribulion aux dienx et les ritesd'utilisation par les hommes, il importe de remarquer leuranalogie. Les uns et les autres sout faits des memes pra­tiques, impliquent les m~rries manreuvres. No'Qs aVOilS

retrouve des deux cOles l'aspersion du' saug ; I'applicatioude la peau, ici sur I'autel ou sur,l'idole, lit sur Ie sacrifiauton les objets -du sacrifice; la communion alimentaire, fic­tive ou mythique pour ce qui regarde les dieux, reellcpour ce qui concerne les Ilommes. Au fond meme, ces dif­ferentes operalions sont toutes substantiellement iden­tiques. II s'agit de meltre en contact la victime une foisimmolee soit 'avec'le maude sacre, soit avec les personnesOn les chases -qui doiventprofiter du sacrifice. L'aspe~sion,

I'attouchement, I'application de la depouille ne sontevi­demment que des manieres differente. d'etablir nn contactque la communion alimentaire porte it son plus haut degred'intimite; car elle produit non pas un simple rapproche­ment exterieur, mais: un melange des deux substances quis'absorbent l'une dans l'antre au po~nt de devenir "indiscer­llab~es. Et si ces deux rites sont ace·point semblables, c'estque I'objet poursnivi de part et d'antre n'est lui-meme passans analogie. Dans les deux cas, il s'agit de faire carom,u­niquer la force religieuse que les consecrations succe"ssivesont accumnlee dans I'objet sacrifie, d'nn cote avec Iedomaine du religieux, de l'autre avec Ie domaine profane'auq!1el apparlient Ie sacrifiant. Les deux systemes de ritescontribuent, chacun daus leur sens, a etablir cette conti­nnite qni nous paralt, apres cette analyse, etre I'un descaracteres les plus remarquables du sacrifice. La victime

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La sortie.

ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE 61

cree, ce sont des rites aussi qui, seuIs, peuvent remettre en,liberle les elemenls doni il est compose. Les liens qui unis­saient Ii la victi~e les prHres et Ie sacrifianl n'onl pas elerompus p~I' l'immolation; tous ceux qui ont pris part ausacrifice y ont acquis un caract~re sacre qui les isole dumonde prolane. II est necessairequ'ils y pnissenl renlrer. IIleur faut sortir du cercle magique OU ils sont encore enfer­me&. De plus, au cours des- ceremonies, .des fautes ont puetre commises qu'il faul eliacer avant de reprendre la viecommune.· Les rites par lesquels s'opere celte sorlie dnsacrifice font exactement pendant a cellX que nous avonsobserves lors de l'enlree '.

Dans Ie sacrifice animal hind~ti, com me, d'ailleurs, danstons les sacrifices du m~me rituel, celte derniere phase dusacrifice esl.tres neltement marquee. 'On sacrifie ce qui-reste de beurre et de graisse epars sur Ie gazon 2 ; puis, ondelI'uit dans Ie leu sacrificiel nn certain nombre d'instru­ments3

, Ie gazoll dn sacrifice~,Ie ·baton du re-cHant, les plan­cbeltes qui entouraienl la vedi '. On verse les eaux de lus-

logue it celledu sacrifice animal: 'ainsi dans Ie, cas du sacrifice 'de 10,pleine ct nouvelle lune,- nous trouvons des parts aux dieux, une idd, etc.- Rappelons imfin que ll~ plus' important de tous les sacrifices hindous,Ie plus extraordinairl;l peut-etre -de taus les ,sa~rifices, cclui au on a faitsubir it une victime tous les traHements }lOssibles, oil on en a fait undieu, Ie sacrifice du soma, est,' comme Ie sacrifice chretien, constitue parune oblation vegetale.

L Rien n'est plus explicable; car ce sontles memes gens et les memeschoses qui sont en jeu, ct. d'un autre cow, en vertu des lois qui reglentles choses religieu-ses, ce sont les meines procedes 'lustratoires qui con­ferent ou enlevent un caractel'e So,cre.

~. .tip., VII. 26, 12; Kat., 6, 9, 11; T. S., f,3, H. 1 et r;. B., 3, 8, 5, 5;pOllI'le mantra dont Kat. fait un meilleur emploL On a fait une seriede petits :Sacrifices (voir. Schwab, Th., no 1H) dont les forn:rules exp~i~

meut Ill. Lerminaison du rite. /

3. .tip.• VII, 27, 4. Kdt, VI, 9, 12 (Chose remarquable, Ap. emp;runteIe mantra Ii 1'. S., VI, 21),

4. Hiltebr., N. V. 0., p.145-147-; Schwab, Th." p.156-9. Pendant ce ritese fait toute nne. curieuse recapitulation des divers moments du sacri­fice (T. B., 3, 6, Hi en tier) et £les bienfaits qu'en attend Ie sacrifiant; ilgouwra ce·jont iI a fait gouLer les (Heux (Cf. Arv. [:1'. ,'fit, 1, 9,1).

5. Hillebr., N. T'. 0 .• p. 147-149.

. '

,MELANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONS

~Ires du monde prolane. La serie d'elals par lesquels enepasse pourrait donc Mre figuree par une courbe : ene s'elevea un .degre maximum de religiosite,"ou elle ne reste qu'uniuslanl, el d'o'" ene redescend ensuite progressivement.Nous verr~ns que ,Ie s.crifiant passe par des pbases bomo­logues '.

1. On a. pu s'6tonner que, dans ce scheme, nous n'ayans pas fait o.llu~sian aux·cas oil Ja victime est autre chose qU'Ull animal. Nous en avionsrelativement Ie droit. Nons avons VU, en erret, commenfles ritucls ontproclame l'equivalence des deux sortes de cboses (voir plus haut, p. 40).Pal' exemple, dans tout l'cnsemble des sacrifices agraires, leur identitefonciere rend possible la substitution des unes atfx antrcs (vay. p. 91)."Mais il y a plus, it esL possiblcd'etablir des symelries I'celles entre lesvictimes et les oblations sacl'ificie~les: - La preparation des gateaux,1a fai;on dont on les oignait d'huiJe, o'u de beune, etc., correspond a. lapreparation de la vicLime. Memela creation de la chose sacree, au coursde la ceremonie est bien plus 6vidente, dans Ie cas de l'oblation,quedans tout autre, puiscllt'on la confecLionnc souvent de LonLes pieces, surIe Lerrain nH~me dlL sac:ri,fice : Pour l'Inde, voir Hillebrandt, N. V..0"p. 28, 41, su.rtout au cas oU. ce sont des figu.rines (Hillebrandt, Rit.Lil., § 64, p. 116; § 48. Cf. Weber. Naksalm, 1I, 338, renseignementsassez fragmentaires.: (;dnkh. grh. sil, IV, 19). Pour·la Grece, voir plus'hauL,p. 14. Stengel, p. 90 sqq; Festus; 129; cf. Frazer, Golden Bough,n, p. 84, p. 130 sqq; Lobeck, Aglaophamus, p. H.O, 1080 sqq. '- Ensuitela- destruction a Ie memeca'racLBre de cons~cration ~efinitive que lamise a mod d'une vkUme animale. On met toujours iLu- moins l'espritde l'oblation hoI'S du 'monde reel. Seule, une difference 'sxists. venantde 18, nature me~e des chases : dans la'majorite des cas Ie moment del'attribution et celui de la consecration cOIncident. sans que la victimeporte pour auLant Ie caro,ctere d'une chose b. eliminer. En effet, la liba­tion estdetruite au moment oil elle decoule sur l'antel, se perd dans . tla teI1'~,'s'_e~aporeou brule dans Ie feu; Ie gateau, In poignee de'farinese consurnent et partent en furnee. La sacrificationet l'attribution a Ill.divinite ne font Cf\l'un seul et merne temps rituel. Mais il n'y a aucun doutesur Ill. nature de Ill. destruction :c'est aiDS! que Ie simple depett de boisa brl1ler ef'lt, dans Ie ritual hiudou, a. ,certains moments, 'un sacrifice parlui-meme (nous faisons allusion aux: sil.midllenl, voir Hillebr. N. V. 0.,p. 74 sqq.). - Enfin la repartition des parts est mutalis muta~dis,. aIia-

66

,Les eliels ulilesdu sacrificesont produils ; cependanl,

. tout n'est pas termine, Le groupe de gens el de chosesqui s'est forme pour la circonstance autonr,de la vi9time u'aplus de raison d'81re; encore faut-il qn'il se dissolve lente­in~nt e't sans henrts' et, camme 'ce sont des, rites qui l'ont

Page 59: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

tration qui n'ont pas ete employees, puis, apres avoirrevere le poteau " on lait sur lui une libation. Parlois, onl'emporte ala maison, il est cense purifier 'des l~ut~s

rituelles; ou bien ou Ie brule comme Ie gazon '. On detrmtpar Ie len tout ce qni peut rester, des oflrandes, ~n net~o~eles ustensiles et on les remporte apres les avon laves .Seule. la broche qui a servia faire rissoler Ie crnur estenlouie; "as particulier du rite. en vertu'duquel l'instru"ment du crime ou de la douleur doit etre cacM'.

Voici mainteriantce qui se passe pour les perSOnnes. Lespretres, Ie sacrifiant, sa fem~e se reunissent et ~e Instrenten se lavant les mains '. Le rite a lin doubleob]et : ,on sepurifie d'abord des fautes que J'on a p~ comme~tre daus Ie$acrifice et aussi de celles que Ie sacnfice avalt pour butd'effacer. En realite, on abandonne la religiosite sacrifi­cielle. C'est ce qu'exprime Ie rite de J'abandon du VO;lU ' :« 0 Agni, j'ai fait mon vrnu; je me suis egale a mOn V.O;lU,je redeviens bomme, .• Je redescends dumonde des dlOUXdans Ie PIonde des hummes '. »

Une forme exageree du meme rite en reudra le sens,plusapparent: c'est Ie « bain d'emportement'», qui termine Iesacrifice du soma, et qui estle contraire de la dik~d, Apresque les iustruments ont ete deposes, Ie sacdfiant prend un

L En Ie remel'ciant (l'avoir conduit a~xdieuxl'(\ffra~l(le :Ap., VII, 28,2.;- T.B., 2, 4, 7, 11·; cr. T. S., 3, 5, 5,4.

2. Ap., ib., 4. - Ait. B1'.,6, 3, 5.3: Schwi!-b. Thie1'., p. -107; Rillel;lr., N. V. 0., p. 14U-141.

4. .tip., VII, 26, 15. Q. B., 3, 8. 5, 8. T. S., 6, 4, t, 8. 't. S., 1, 3, 11; V.8

'lVI,22. J...p., VII, 27, 16.

O. ip.. VI!. $6, 16 sqq. r. s., i, 4, 40, 3.. - 6. Uillebr., N. V. 0 .• p. 1-7i. Cf. Sylv. Llivi, D'oetr., p. 66.

7. cr. Qat. B,'., 1, 1. "1, 4-7.8 Avabhrta Vail.' Weber Ind. Stud.,X, 393 sqq, cr. Oldenberg, Rel.

d. V~d., p. '4.07· sqq. -Peut~et;e les expressions de .« ~uide », etc., .do~t s~se t M· Old ne sont-eUes pas las meilleuros, millS 11 a po"":rtant mdIqueIersen~ du ~ite, tel qu'il o.pparatt, non pas dans Ie JJg._ V8a~ (ou il estdiailhmrs mentionne. Voy. Grassmann: W61'te1·b. advm·b.) mals danstou8 .les autres textea rituels at theologiques. Ap., f1'. 8d" VIII, 7, :12 sqq, atXIH, f9 'qq. - Kdt., VI. fO, f: X, Q, sqq.

II'j

!I

69E:5SAI SUR LA' NATURE. ET LA FONCTION DU SACRIFICE

baln dans une anSe \ranquille formee par une eau cou­rante'. On pionge dans i'eau tous les restes dn sacrifice,toutes les braucbes pressUree. du soma', Le saeriflant 'deliealors la ceinture sacrificielle qu'iJ avait revetue 10rs de lad'k~d; il en fait autant pour Ie lien qui serralt certainespieces du costome' de lafemme, pour Ie turban, lfi pefiu d6J'antiiope nOire, 'Ies deux viitements du sacrifice, et ii,immerge Ie tout. Alors lui et sa femme, dans l'eau jnsqu'aucou, prennent lenr bain, en priant et en se,lavant, d'abordIe dos, puis les membres, l'un a l'autre'.Cela fait, ils sortentdu bain et revetent des vetements neufs'. Tout a donc etepasse a l'eau de maniete a pordre tout caractere dangereuxon meme simplement rellgieux ;les fautes rituelles qui ont

,pu etre faites sont expiees, ainsi que Ie crime que I'on acommis au hiant Ie dieu Soma. Or, si le rite est pllis com­plexe que celui dont nous aVOnS parle tout d'abord, il estde mAme 'nature : les faits et la tMorie lui assignent lameme fonction.

Les textes bibliques sont malheureusement moins com.plets et moins clairs ; on ~ trouve pourtant quelques allu­sions aux memes pratiques. Dans la fete du Grand Pardon,le grand-pretre, apres avoir chasse le bouc d'Azazel, ren­tl'ai't-ausanctuaire et retirait soiL costumesacre. ((afin qu'ilne propageAt pas la consecration» ; il Se lavait, remettaitd'autres :vAtements, sortait et sacrifiait l"old '. L'bomme qui

1. Ces Heux:, les eLangs, les H1'lhas, qui sonl encore aujourd'lmi desendroils parLic'nlierement sacres de I'Inde, sont cen~es etre 10. propl'ietefavorite de Varm;a.a (Cat. Br., 4, 4,.5, 10).

$. Ap" XIII. 20,10, H. ,

3. 'Ap ., XIII,22, 2, comm.En memetemps,iIs rup~tent diverses for­mules exprimant : qu'ils expient' leurs peches, leurs rautes ritnelles,qu'ils acquierent fOl'ce, pl'osperite et gloire, eri s'assimilant aInsi 1l1.force mo.giqne des ea.lix, des rites et des plantes.

4. Us donnent leurs o.nciens vlltements aUK preLres; ahandonnantainsi leur ancienne personnaHte j en en reveLant de nenfs, ils font(( peau neuve comme un serpent ».« 1I n'y apas plus dOe pecIle en cux,maintenant, que dans un enfant sans dents»: O. B., 4, 4, 5, 23.

5. Lev. XVI, 22, 23. U changeait encore une fois de viHement al'issuedu jeune et rentrait chez lui en recevant les felicitntions de Msamis

MELA,NGES P'HISTOlRE DES RELIGIONS68

Page 60: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

i f -•

7.1. ESSAI "SUR LA NATUUE E'l' r,A }I'ONCTION'DU SACRIFfCE

III

cOlum" par un mouvement continu qui, de !'entree it lasortie, se poursuit sur deui pentes opposees. Mais si lescourbes ainsi decrites o'nt la meme configurationgenerale,enes n'ont pas toutes la meme bauteur; c'est uaturellementcelie que decrit ia victime qui parvient au point Ie pluseleve.

D'aiiIeurs, iI est clair .que !'importance respective de cespbases d'ascension et de descente peut varier infinimen tsuivant les circonstances. C'est ee que nous mont"reront;d

. \ .ans ce qUI va SUlvre.

COMM~NT LE sCHlJam VAHlE

SELON J.ES FONCTIONS GENERALES DU ~ACRIFICE

Nous n'avons fait, dans ce qui precede. que construireun scheme. Mais ce scheme est tout autre chose qu'unesimple abstraction. Nous avons VU, en eftet, qU'il etait rea­lise in concreto dans Ie cas du sacrifice animal hlndou; deplus, all tour dece rite, nous avons pu groupe~un ensemblede rites sacrificiels que prescriveut Ie rit.uel bebraique etles rituels grecs et latius. En realite, il constitue la matierecommune dont sout faites les formes plus speciales dusacrifice. Suivant 'hi fin poursllivie, suivant la fonclioU:qu'iI doit remplir, les parties qui Ie composent peuventavoir des proportions differentes et se disposer dans Un

,.ordre different; les unes peuvent prendre plus d'imporetance au detriment des antres, ·-certaines m8me pellventfaire totalemeut defant. De la, nalt la diversite des sacri­fices, mais sans qn'-il y ait entre le~ combinaisons diversesde differences specifiques. Ce sont toujours les m~mes ele,ments groupes autrement ou ineg"Jemeut developpes, C'estce que nous allons essayer de faire voir it propos de quelquestypes fondamentaux ..

MELAl"IGES n'HISTOIRE _DEg RELIGIONS70

avait cooduit Ie bouc se baiguait et lavait ses vMementsavant de revenir 1. Celui qui brfLlait les re.stes du~attat

faisait dem~me 2. NOllS ignorons si les ~utres sacrificesetaient accompagnes de pratiques analogues'. En Grece,apres les sacrifices expiatoires, lessacrificatenrs

1qui d'ail­

leurs s'abstenaient Ie plus possible de toucber la victime,lavaient leurs vMements dans une riviere 011 nne sourceavant de rentrer dans la ville ou chez ellX Ii. tes ustensilesquj avaient servi au sacrifice etaient laves sojg~eusement

quand ils n'etaient pas detruits '. Ces pratiques limitaient!'action de la consecratiou. Elles sont assez importantespour avoir subsiste dans iii. messe chretienne. L~ pr~tre,

apres Ia communion, lave Ie calice, 51;' lave les mains;apresquoi,la messe est fiuie, Ie cycle est clos, etl'officiant.prononce Ia formule finale et liberatrice : rte, 1}'"issa est. Cesceremonies correspondent a celles qui Oll,! marque l'entreedans Ie sacrifice. Le fidele et Ie pretre sont liMres, com meils avaient ete prepares au debut de la ceremonie. Ce sontdes cer~monies inverses, eIles font contrepoids a.u,xpre~

mieres.L'etat religieux du sacrifiant deerit donc, lui aussi, une

courbe symetrique de celie que parcourt la victime. IIcommence par s'elever progressivement dans la spMre dureligieux, il aUein!' ainsi un point eulminant d'ou. iJ rades­cend en'suite vers Ie prolane. Ainsi, chacun des Mres et desobjets qui jouent un rMe daus Ie sacrifice, est eutralne

d'o.voir snpporte Lonte les epreuves, accompli tons les rites, echappe ataus les dangers ~e C8 jour (Talm. J. Yoma, VIn, 8.5. .ilJischnii).

1. Lev. XVI, 26.

2. lb. 28. - De meme celui qui ramen niL les cendres de la vacherousse. . \ .

3. Nons savons (Ezech., XLIV, 19), que les veLements des pretreseLaient enfermes dans des« chambres saintes », OU les pretres allaient .se vetil' et se devetir llvanL.d'alJer vel's Ie peuple; Ie conl,act, de cesveLements elait dangcl'eux pour les la'iqu.es.

4. Porphyre, De Abst.; II, 4·t. - Paton, Cos., 28, 24. - cr. Frazer,Golden Bou.qh, II, p. 54 :;>qq_.

5. Lev. VI, 21 (lm{ftlt).

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1. Nons raisons allusion aux faits connus, depnis les Lravaux de :Mli.nn~

hardt, Frazer, Sidney Hartland, sous Ie nom de l'Ame exterieure,auxquels les deux derniers o.ulems ont rattache tonlo In. theori,e del'initio.lion. .! ,-' ,

~t'Paus:> V, 13, 4.. Meme intel'dicti~n' it Pergo.mo pour ceux quiRvRient sRcrifie a. TeIephe: ,

3. Voir plus hRut,p. 57, 62. C'est ,pr9premimt Rlors que s'eJIcctuel'identif.icRtion quelquefois rechercllee, entre Ie sacl,'ifiant, 10. victimee~ III dietl, on, l'ob~ient u.lprs Rbsolue (Sur co principe, voir Ep-, TUb?'.,2, 11). '

EtitiAI SUR LA 'NATlJIm ET LA Jl'ONCTION DU SACRIFICE 73

dire dans les rites qUi ont pour objet d'iulroduire uue arnedUns un corps'. Eu tous cas, fit s"9'lftuut se trouvait, a la fiu'de la ceremouie, marque d'un caractere sacre qUi, quelque­fois, eutraiuait des interdictions speciales. Ce caracterepouvait meme etre iucompatible avec d'autres du memegenre. Ainsi, a Olympie, l'homme qui, apres avoir sacrifte

. a PeJops, mangeait des chairs de la victime, n'avait pas Iedroit de sacrifier a Zeus'., Cette premiere caracteristique est solidaire d'une autre.

Lafiu de tout Ie rite est d'augmenter la religiosite du sacri­. 'fiant. Pour cela, il fallait l'associer a la victime Ie plusi etroitement possible; car c'est grace it la force que la con­secratiou a amassee en elle, qu'ilacqu,iert Ie caracteredesire. Nous pouvons dire que, daus ce cas, Ie caracteredonUa commuuication estle but meme du sacrifice, vade lavictime au sacrifiant'(ou al'objet). Aussi est.ce apres l'im­molation qu'ils sont mis en contact, OU, tout au fioins,c'est a ce moment qu'a lieu la mise en contact laplusimportante. Sans doute, il arrive ,qu'nne imposition desmaius etablisse un lien entre Ie sacriftaut et la victimeavant que celle-cl soit detroite; mais quelquefois (parexemple, dans Ie zeball she.larni",), elle mauque totalementet, en tout cas, elle est secoudaire. La plus essentielle estcelie qui se' produit une fois que l'esprit est parti. C'est alorsque se ,pratique la com~union alimentaire 3

• On ponrraitappeler sacrifices de sacmlisation les 'sacrifices de cette sorte.La mem", denomination convient egalement it ceUx qui outpour ellet, non pas de .creer de toutes pieces un caractere

,

MELANGES D'HJSTOIRB DE~ BlilLI!1IONS72

Puisque Ie sacrifice a pour but d'alfecter l'etat religieuxdu Sacrifiant ou de I'objet du' sacrifice, on peut preYoir aprio!'ique les ligues generales de notre dessin doivent variersuivant ce qu'est cet etat au debut de la ceremouie. Suppo­sous d'abord qu'il soit neutre. Le sacriftant (et ce que nuusdisons du sacrifiant pourrait se repeter de l'objet dans Ie casdu sacrifice obje~tif) n'est investi, avant Ie sacrifice, d'au­cuu caractere sacre : Ie sacrifice a alors pour fonction de Ielui faire acquerir. C'est ce qui arrive notammen.t dans lessacrifices d'initiation et d'ordination. Dans ces oas, commela distance eS,t grand'e eutre Ie point d'ou part Ie sacrifiantet celui ou il doit arriver, les ceremonies d'introductionsont necessairement dfweloppees; il entre pas Ii pas, avecprecaution,' dans ·Ie mande sacre. Illversement, commela .consecration est alors plus desiree que redoutee, oncraiudrait de l'amoindrir'en la limitant et en la circonscri­vant trap etroitement. II fant que Ie sacrifiant, meme reutredans la vie profane, garde quelque chose'de ce qu'il a acquisau cours du sacrifice. Les pratiques de sortie sont donerMuites it leur pius simple expressiou. Elles peuvent memedisparaltre tout it fait. Le Pentateuque ne les signale pasquand il decrit les rites de I'ordination des prMres, desLevites. Dans la messe chretienne, elles ne surviveut quesous la forme de purifications supplemen taires. Leschangements produits par ces' sacrlftces ont, d'ailleurs,une duree tres variable. lis sont parfois, constitutionnelset impliquent une veritable metamorphose. Ou preteu"dait que l'homme qui touchait aux chairs de' la victimehumaine. s';'crillee it Zeus Lycaios (Ie loup) sur Ie Lyceeetait change en loup, comme Lycaon l'avait lite apres avoirsacrifle un enfant ': C'est meme pour cette raison que cessacrifices Sf. retrou'Vent dans les rites d'initiatioD, c:~st-a-

1. Plat., Rep., VIII.- Paus., VIII, 2, '6 j VI, 2, 3. - Pline, N. H., VIII.22. ""- Voir Mannhardt, W. F. le, n, p. 340.-- Meme legendosur IesRnctuo.ire da Hyric: Gruppe, G~·i6Ch.'Mythohogie, p. 67 sqq.. - Cf. Well­hausen, Re!tte des A1'abischen lleiden(hwns, p. 162 etn., p~ 163. "'7"""" Voirplus bas, p.184.

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L Lev. XVI. cr. plus haul, p. 66 It. iJ.

2. Lev. XIV, 1, sqq.3. Sur les ·sacrifices expiatoil'es grecs, voir Lasaulx, Silhnopfer de}'

(l-1'iechen, Akad. Abhdlg., Wiirzbul'g, 1841. - Don;;tldson, On the Expia­l01'y and substitionary.,sac1'i(ices of the G1'eeks, Tr.ansactions of Edin­burgh,. .~876, p. 433 sqq.----' Pour les faits germllIliques, voir UllrichJa,.., Die abwehrenden und die Sii.hnopfer deT Deutschen, luang. DiSH..BrRlo.n 1884, reimprime dansDieDeulschen 0pfe1'gebrailche bei Acke1'bautmd Viehzucht (Germ. Abhd.. III de Weinhold/.

4. Voir Oldenb., ReI. d. Ved., p, 287 sqq., p. 522 sqq.

5. Kau~.su" 26,18. - cr. Ie bel article de Kuhn, POUl' une serie deriles analogues observes dans l'Europe entiere ([(uhn's Zeitschrift, XIII,p. 113 sqq.). Sur ce rite, voir Bloom-&eld, Hymns of the Alharva-,veda,s. B. E., XLII ad A. V.. r, 22, p. 244; cf. Jntrod. it. VI[. '116 (p. 565, 7).

6. A. 17., " 22, 4.

ESSAI SUR LA 1'IATDU}j: ET LA l~ONCTION DU SACRIFICE' 75

l'elimination pure et Isimple. De ce genre, est I'expulsiondu bouc d'Azazel, et cellede l'oiseau dansle sacrifice de lapurification du Jepreux. Le jour du Pardon, on choisissaitdeux boucs. Le grand-prMre, apres divers lJattat, mettaitJes deux maiJ.ls sur la' tMe de l'un d'e:ux, confessait sur luiles pecMs d'lsrael, puis I'envoyait au .desert. II emportaitavec lui les pecMs qui lui etaient communiques par l'impo­sition des mains 1. Dans Ie sacrifice de lapnrification dlllepreux', le'sacrificateur prenait deuxpassereaux (?). IIcoupaitla gorge de l'un d'eux au~dessus d'un vase de terrecontenant de l'eau vive. L'autre Hait trempe dans celie eausanglante, avec laquelle upe aspersion etait faite sur Ielepreux. Le passereau vivant etait alors hlcM et il em por­tait la lepre avec lui. Le malade u'avait plus qu'a faire uneablution; il etait puriM et gueri. Le /Ja!tat presente une ,elimination aussi claire dans les cas'ouJesrestes de la vic­time etaient portes hoI'S du camp et brUles complMement '.-:- Les sacrifices· IDedecine hindous comportent des cas ana· .logues~. Pour guerir de la jaunisse~, au-dessous du lit. on,lie des oiseaux jaunes; puis ou Ie lustre de telle lacou'que l'eau tombe sur las oiseaux qui se metteut a jacasser.Comma Ie dit I'hymn'; magique, c'est, a cemomentque ( ]a jaunisse » est «( dans les oiseallx jaunes 6 }). ­Depassons un peu ce stade trop materiel du rile. Uh

I ME£.ANGES ,D'HIBTOIRE DES RELI.GION~74

. L Pli. cvr, 39. « lIs se souillentllar leurs Leuvres et Us se pel'verUs.sent par leurs pl'atiques ».

2. Lev. XJ,sqq. - cr. Mal'quu.rdt, op. cit., VI, p. 277. - Cl. li'L'u.zel',EncycIopmdia Bf'ilannica, art. .Taboo. _.Ct'. Gold. Bough, passim. ~ Cf.Jevons,Introd. His~or. Reliy., p. 107 sqq.

, 3. cr. Rohde, Psyche, J, p. 179, 192; S~ R. Steinmetz, Sludiell. ziwerslen Enlwickelung der Slmre, II, p. 3t)O sqq.

4. C'est la sanction generale des fantesrituelles au Leviti([Ue, dans IeDeuteronome, dans l'Exode, comme dans Ezechiel et les liYres his to­riques . il raut observer les rUes, pour ne point mauriI', n'etre pasatteint de terre aigue comme Ie· roi Osias. - Cf.. Oldenberg, Rel. d ..Ved., p. 287,310. cr. Bcrgaigne, Rel. Ved., II~; p. 150 sqq.

saCre chez Ie sacrifiant, mais simplement d'augmeuler uncaractere preexistant.

Mais il n'est pas rare que l'homme qui va sacrifier setrouve deja marque d'un caractere sacre, d'o]1 resulteut desinterdictions rituellesqui peuvent etre contraires a sesdesseins. La souillure i qui se contracte en n'observant pasles lois religieuses ou par Ie' contact des choses impures, '. ,

est nne sorte de consecration? Le pechenr, c_omrne Ie cri­minel; est un ~tre sacre~. S'il sacrifie, Ie sacrifice a pour but,ou du moins I'un des buts du sacrifice est alors, de Ie del'ar­rasser de sa consecration. C'est J'expiation. Mais remal'quonsun fait important: maladie, mort et peche,sont, au pointde vue religieux, identiques; la plupart des fautes rituellessont sanctionnees par Ie malheur ou Ie mal physique'. Et,inversement, ceux·ci sont censes Mre dlUSeS' par des fautesconsciemmentoll incOllr;;ciemment commises. La consciencere]jgieuse, m~me -celle de nos contemporains, n'a jamaisbien separe l'infl'action aux regles diviues et sesconse­quences matei'ielles sur Ie corps, sur la situation du cou­pab]e, sur son avenir dans l'autre monde. Aussi J:l0uvons­:p.ous trailer a ]a fois des sacrifices curatHs et des sacrificespurement expiatoires. Les uns et les autres ont pour objetde laire passer, grace a ]a continuite sacrificielle, Sur Javictime l'impurete religieuse du 'sacrifiant et de l'elimineravec elle.

Aussi la forme la plus elementaire de l'expiation est-elle

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~omme estafflige d'un mauvais sort. On emploie uneserie derites dont les uus sont purement symboliques " mais dontles autres se rapprocbent du sacrifice: On lie it la pattegauche, « d'nn coq noir2 )j. un «( crochet )), au crochet onattacbe un giHeau et on dit en IAcbant l'oiseau 3: «Vole d'ici,,(}' manvais sort\ dettui's~toi d'ici; envola~t()i ailleurs; surcelni qui nous hait, avec ce crochet de 'fer, nous te Honss.. ))La tare 'du sacrifian~ s'est f1x~e Bur 'l'oiBe.a~ et a disparuavec lui, soit qu'eUe se detruise, soH qu'eUe retombe surl'ennemi 6.

Mai. II y a un oas en partioulier ou l'on voH olairementque Ie caractilre ainsi elimine elt essenliellement religieux :c'est oelni du. « taureaua la broche' ", victime explatoire

,f. Sur, ces rites, voir Bloomfield. Op. cit., iillrod. it. vn, 1.16, et Winter~ruLz, Altind. Hochzeitsl"iluell, Abhdl. d. k. !c. Ak. d. Wiss, z. WienXL, p. 6, 12, 23, 67. Ka:u.t. SU, i8, 17,16.

2. Nous traduisons. littei'alement., M.' Bloomfiehl et Ie commanl:airoexpliquent (ad loe.) par 1e mot cOl'beau.

3. A. V., VII, 115, i.

. 4. Lalc$1n.t, (( marque I) de malheur, empl'einte de la de,esse Nil'rti (de10. destruction): Cette marque conespond et it la couloUl' noire (iu cor-beau at au petIt gd.teau qu'o~ lui. lie it. In. patte. .

. ,5. Le rejet des. mauvais sorts sur l'ennemi est uri theme constant durIluel ve.dique, atharv:anique el autre.

IJ. ·cr. Ko,Uf. sa, 32, 1.7.

7. s~ ce rite voi: Ol~enberg,Rel. d. Ved.,p. 82, p. 446, n. :1, et sur­tout Hillebrandt, Rtt. Lltt., p. 83. L'il rite fait partie du I'Huel domestique.·L~s textes sont·: Aev. 9rh. sU., 4, 8; Pd1"., 3, 8; Ri1'a~I., 2, t), 9; Ap.9t h. su. 1.9, 13 sqq.; 201-f9. Le texte d'Ac:v. semble attribuer a co 'r~te Ie sen~ ,d 'un rite. de prosperite (4, 8, 35; pa1'., 3,8,2). Mll.is los co.rac­te~es du rltc sont J:l~en nets at Ie commentu.irc it l1il"a~., 2; 9, 7 (edit.K,IrB.l~, p. 15S) y. VOlt unepdnti a Rudra, dieu, des betes, une « rayOn(1 npalser.» Ie dleu a I'aide d'une victime qui serait «( Ill. b1'oche' des

~ vaches ». cr..Oldenberg, tro.d.. d'lli1'o.J;l, S. B. E., XXX, p. 220.M,,~I~enberg VOlt surtout dans ce rite un cas de 7'hierfelieh1smu3. C'est~~l II s 8.tta~e sl1rto~til. deerire Ie point remo.rquo.ble du rite qui estII~?OrporatlOn du dleu clans Is. Yictime. - Le rite ne nous est parvenuq~ a travers des textes ,assez recenLs, prcsentallt des divergences impor­LanLes. Nous ne pouyons exposer ici l'anaiyse historique des textcs. Lcres~lta); auquel. nons a,:,rivons est q'lJ.'i1 y a eu Iii. tr'ois rites; plus aumoms Mterl?genes, qUl ant fusionne plus au ,mains, deux it. deuxou taus ensembIes;uivant ,Ies ecoles et les claris brahmaniques. Nou~exp?sons surtout Ie rite des clans 'des Atreyas(....~pv., Pd1".). Eh tOllS casIe rlte est fort an,cienet les hymnesdu lJrrVed~ it RUdra, V. 43; I, 114;

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ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU 'SACRIFICE

n, 33; VII, 46, sont, .tant par los sub-as que par SAYEl.Qa, consacres ~ cerite auxquels ils,s'appliquent remarquablement." (

L Sur Rudm, yoir surtout Oldenberg. Rei. d. Ved., 2f6~224; 283 sqq. ;333 sqC{. cr. Bn.rth. M. Oldenbe1"g et laRelig. du' Veda, JOUJ'nal de8savanl$, 1896. Siecke,~ 'Golt Rudl'a, etc. Archiv. {. Religionswiss, I,i) et 4 (d'un no.turalisme mtemperant). Bergaigne, Rel. ythl., IU, 3'1 sqq.,152-154. Levi, D'octr.. p. 167 ( Ait..B1>., 13, 0, '1). II nous est impossibled'exposer lci Ies raisons de notre explication de la personnalite mythiquode Rudro..

2. C'est Jep'oint sur lequel toutes les ecoles s'accordenL: on lui faitnll.il'er des oITranrles lct'. Oltlenberg. Ret. fl. Ved., p. 82: 10. ra~~on donton, fait rcspirer les oJrrandes au clIfrval divinise de l'a.cvamed1ta; cr.encore Kdly. ,C1". 8U., 14, 3, 10); on l'appeUe de Loute 10. serie des nomsd~ Rudra : ( 6m (syllabe magique) a, Bhava. 6m'8, Carva; etc. » Cf, A. V.•IV, 28; on recite les textes a Rudra; T. S., 4;5; '1, sqq. Voir Mantra­peUha, Apastamba, edit. WiIiternib:, II, 18, 10 sqq.

3~ Suivant Pd.raskltra.4. On ne peut rien ramencr de la bMe 8.uvillage « parce que Ie dieu

cheL'che it tuer les hommes ». Les patents nc pOl1vaient s'app1'ocher dela pla.ce du sacri[icfl, ni mang:cr sans ordre ct invitaLion speciale lachair de la yictime : Jkv., 4, 8, 31 et 33 (voir Oldenbe1'g, S. B. E., XXIX,p.208).

a. Pour 1a simplicite de l'exposition nous sous-entendons parLout quelll. merne chose peut se repete1', dalls'les memes tcrmes, des objots.

au dieu Rudra. Rudra est Ie maitre desaniU)aux, celui quipeut les detruire, eux et les bommes, par la peste ·ou lafievre. II est done Ie dieu dangereux '. Or, dieu du betail, ilexiste daus Ie tmupeau, en meme temps qu'ill'elltoure et Iemenace. Pour l'en ecarter, on ]e concentre SUf Ie plus beaudes taureaux du tronpeau. Ce taul'eau devient Rodra lui­.m~me'; on l'eI~ve, on Ie sacre comme tel, on luir.end hom­mage 2• Puis, au moins d'~pres certaines ecoles, on Ie sacri­fie hoI'S du village; it miuuit, au milieu des bois 3; de cettemaniere, Rudra est elimine'. Le Rudl'a des betes est ailerejoiodre Ie Rudra des bois, des cbamps et des carrefours.C'est douc bieu it expulser nn elemeut divin que Ie sacrificea tendu et reussi.

Daus tou~ ces cas, Ie caractere sacre dont Ie sacrifice operela transmission va non pas de la victime au sacrifiant",maia, au contraireJ du sacrifiant sur lao victime. C'est surelle qu'il se debart'asse. Aussi est-ce avant I\mmolalion atuon apres qu'a lieu leur mise eu contact, celle du moins

-'-._--- .'.._._--

MELANGES n'IlJSTOIRE Dl!iS R~L1GItttiS76

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de purification " puis iI ollre un agneau en 'ata, une brebisen IwHdt et un be)ier ~n zebaIJ shelamim. II se rase les che­veux et les jelte sur 'Ie feu uti cuit la viande du shelamim'.Lorsqlle Ie sacrificaLeur fait Ie zebaIJ shelami"', iI met surles mains dn nazir la terournd, 1a tenoupha, c'est-a.-dire lesparties consacrees, et nn gateau de I'ollrandecorrespon­daut.e'. Apres qnoi ces oblations sont presentees a Jahwe.Ensuit.e, dit Ie texte, Ie nazir pourra boire du vin, c'est-a.­dire qu'il est delie de la consecration, Elle est passee d'unepar:t sur ses cheveux coupes et offerts sur raute1, de l'antresur la victime qui ,Ie representee L'une et I'autre cbose sonteliminees. Le processus est done, Ie m~me que dans I'expia­tion. Le caractere sacre, queUe qu'en soil, la baute valeurreligieuse, va du sacrifiant a1a vic time. Par consequent Iesacrifice d'expiation n'est lui-m~me'qu'llne variete particu­liMe d'un type plus general, qui est independant dn carac­tere favorahle au defavorable de I'etat religieux allecte parIe sacrifice On pourrait I'appeler sac,.ce de desdcmlisa­tio'n.

Le.s choses, comme les personnes, peuvent se'trouver enun etat de si grande saintete qu'eIIes en deviennent inutili­sableset dang~reuses.Des sacrifices de ce genredeviennentnecessaires-. C'est Ie cas, en particulier, des ,produits dusol. Chaque espece de fruits, cereales et autres, est touteotiere saeree, interdite, tant qu'un rite, sonvent bien sym­boJique, n'en a pas fait disparaitre'I'interdit qui la garde'.Dans ce hut, on concentre sur une partie des fruits toutela vertu, que contiennent les autres, Puis 'on sacrifie celte

ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE 7\l;

LIb., II, 10.3. Nazir, ib., VI, 7 et 8. - Nombres, VI, 18.2. Nomllres, VI. 19.4. Voir smtout Frazer, Golden Bough, note additionneUe au t. II,

pour un certlLinnombre de faitsethnograp'hiques: cr. ib., II, p. 62 sqq.Hserait aise d'etendl'e Ie nombre derails cites. M. F. 8. vn avec raisonque Ia plupat't d,es o(frandes de premiers fruits consistent en Ie. consecra­tion d'une pUf'lie do l'ospeco comestible, partie qui repr6sente Ie tout.Mais son fl.nalyse~ S1 consciencieuse, n'n. pas rendu compte do 1£1, fane.lion do riLe. I

MELANGES D'HlSTO'IRE DES RELIGIONS78

qui est vraiment essentielle, Une fois qu'i! s'est dechargesur elle, il tend, au 'contraire, a la fuirains~ que tout Ie'milieu ou s'est passea Ia clm3IDonie. Pour celte raison, lesrites de sortie sont developpes. Les rites de ce genre quenous avans signales dans Ie rituel hebreu ue nous ont etepresentes que pour des sacrifices' e'xpiatoires. Apre~ kpremier sacrifice qui l'a purifie, Ie lepreux doit completersa purification ,par une ablution supplem,mtaire et memepar un nouveau sacrifice~~. Au cont.raire~ ~es rites d'entreesont restreints all manquent. Le sacrifiant etant deja investid'UD caractere relig'ieux. n'a pas a liacquerir. La religiositedonf il est marque s'abaisse progressivement depuis Iecommencement de 1a ceremonie. Le mouvement ascen­sionnel que nOllsavons trollve dans Ie sacrifice campIet estrudimentaire ou fait defaut. NOllS nous trouvons done enpresenge d'un autre type, dans lequel entrent les m~mes

elements que dans Ie sacrifice de sacralisatioll_; mais ce~elements sont orientes·eu sens contraire et leur importancerespective est renversee.

Dans ce qui precede, nous aVODs suppose quele carac-'tere sacre dont etait marque Ie sacrifiant au debut du sa- 'crifice etait pour lui UDe tare, une cause d'inferiorite reli­gieuse,. peche, impurete, etc. Mais il y a des caso.u Iemecanisme est exactement Ie m~me et' uti pourtant I'etatinitial est pour Ie sacrili'ant une source de superiorite, cons­titue un etilt de purete. Le nazi"" a Jerusalem, etait unlitre parfaitement pur; il s'etait consacre a Jahwe 'par nnyom iL la suite duquel iI s'abstenait de yin et ne coupait plusses chevenx. II devait se garder de toute souiIIure.Mais,une fois arrive au terme de son vreu 3,il ne pouvait s'endegager que par un sacrifice. A cet ellet, iI prend un bain

L Lev. XIV, 10 sqq.

2. Nombres VI, 13 sqq. - Talmud' J. Traitr Nazi?' (Schwab, t. IX.p. 84, ,qq.) .

3. Talm. Naz., I, 2. Le nazi?' aITre]c meine'sacrifice quand il allege~a chovelure dcvenue trap lourde.

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81

.. '~~,'.

ESSAY SUR LA NATURE ET I,A.· FONC'l'ION DU SACRIFICE

d'ecarter lasaintete des premiers fruits : consecration autemple, sacrifice du bmnf et sacrifices des colombes, person­nifications des vertus qui etaient censees y resider.

Le rappruchem~nt, que nous- venons de faire, entre Ie caSdu nazir et l'expiation individnelle, entre Ie cas .des, pre­miers fruits et celui des autres choseJlqu'i! faut debar­

,rasser d'un caractere religieux plus reellement mauvais,nous ameoe a-faire une remarque importante. C'etait dejachose notable que, 'd'nne. maniere geoerale, Ie sacrificepIit servir it denx fins aussi contraires que d'acque~

un etat de saintete el de snpprimer un etatde peche. Pn~qn'i! esl fait, dans les deux cas, des mAmes elements, ilfaut qn'il n'y ait pas, entre ces deux etats, I'oppositiontranchee qn'on y apercoit d'ordinaire. Mais de plus, nonsvenons de voir qne denx etats, l'un de pnrete parfaite,]'aut1'e d'impurete, pOllvaient 8tre l'occasion d'un m8meprocMe sacrificiel, dans Jequel les elements etaient nonseulement identiques, mais agences dans ]e m~me ordreet orientes dans ]e m~me sens. Il arrive e.Q.core qu'an_ etatprofane soit trajte, SOllS de certaines conditions, comme unHat oppose de consecralion religiense, C'est qne nons n'avonsdegage jusqu'ici qne des mecanismes elementaires, des lypes 'pr~sque abslraits qni, en realite, sont Ie plils souvent soli­daires. II ne serait pas tout it fait exact de se representer,l'expiation comme une elimination pure et simple, OU 1avictime ne jouerait que'le role d'un intermediaire passi! oud'un receptacle. La victiine dn sacrifice expiatoire est pInssacree que Ie sacrifiant. Elle se charge d'une consecration.qni n'est pas toujours differente de celle qu'elle prenddans les sacrifices de sacralisation. Aussi bien, DOUS ver­ron"s~nous des rites de sacralisation et des rites expiatoiresrennis dans nn mAm'e sacrifice. La force que contient lavictime, est 'de natnre complexe; dans Ie rituel hebr~jque,les residus de la cremation de la vache ronsse, qni sontrassenibles dans nn lieu pur, rendent impnr par leur con­tact qn homme qni se tronve en ebit normal, et ponrtant ils

l\buss-HuDER'r. ti

"

,D'HISTOIRE DES· RELIGION~

partie el, par cela seul, les autres soul liMrees '. Ou bien'encore, passafit par deux elapes de desacralisation S)Icces­sives,on cO.Q-centre d'abord sur ·les premices l'ensemble dela consecration, puis_. ,on represente ces primiices elIes­m6mes par UDe victime que l'on·elimiIl8. C'est ce qui a1'1'i­vait, par exempie, dans Ie cas de l'apport des 'premiersfruits it Jerusalem '. Les habitants d'un district' apportaient~n corps leurs paniers. Eu tMe du corlege marchait unjoueur de flute. Des 'cDhanim veuaient au-devanl des arri­vanls; et, dans la,ville, tont Ie monde se levait it leur pas­sage, rendant alusi les honneurs dUB aux choses sacrees'qui etaient lit. Derriere Ie joueur de fllite, il y avait unbum!, a)Ix cornes dorees, CDUrOnne d'olivier .Ce bmuf, quipeut-Mre portait les fruits ou tratuait Ie char, etait plustard sac;rifie '". Arrive a la montagne sainte,chacull, ({ m~me]e roiAgrippa enpersonne », prenaiL sonpanier et montaHau parvis D. Les colombes qui elaient posees dessus servaientd'ho]ocaustes 6

, et -ce qu'on avait en mains etait remis aupretre. Ainsi, d~ns ce cas, deux moyens se superposent

L CeUe partie est d'ol'dinafre la premiere de toU:te chose. On saitqueUe est l'etendue des prescriptions bibliques qui concernent lespremiers-nes des hommes et dos animaux; les premiers fruits et les.

- premiers ,grains de l'annee, les premiers produits d'un arbre ('Mld)Ie premier bIe consomme (azymes), la pl'emiere piUe levee (LwUd). Detout ce qvi vit et fait vivre les premices appartiennent a Iahwe. Lesbenedictions tahnudiques et synagoguales ant encore accentue cetheme, puisqu'elles sont obligatoires' qul1i::Ld on goute pOUl; la premierefoistL'un fruit, quand on commence Ie repas, etc. '

2. Talm. J. Biccolt1'im, III, Mischnd, 2 et suiv. On ne pout evideillmentsulvre 1e -riLe dans les textes' bibl1ques' qui necontiennont' que' 108p~>escriptions sllcerdotales et non' pas les usages populairos. Lo carac­terc popuIaire de touL 'ne rite est evident; ce joueur de fllite, cc booutcouronne il'olivier, aUK carnes llorees (que pauvait rernplacer un .che­vreau aUXCOl'ues aL'genLees, 'cf. Gem. ad lac.), ces paniers, ces calombes,co sont Iii. des traits originaux,' d'une antiquite incontestable. D'ail­leurs ces textes rnischnaiques sont fort anciens eux-memes.

3. lIs s.e rdunissaientllL veille, et passaient 18. nuit sur la place publique(,10 peur-de contact impur selon la Gemara.

4. Gam, a. 2. Les rabbins discutent pour savoir si c'etait en shelamimou en. <Old. '

5. RHe de raobat personnel, cas assez remarquable.

6. Cf. Mf!nab-ot, d{\,ns Talm. RaMi, 58 a (renvoi de Schwab, ad loe,.).

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L Nomb. tIt.

2. Voir plus haut, p. 70.

a..Ritnel du Kippour.

~. Ta~m .. J. ~flas~r Sheni, VI, Gem. (Voir Schwab, p. 247). cr. Mischrid'de MiddQth, tltee ib ..

ESSAI SUR LA NkrURE ET' LA FON'CTION 1:Iu SACRfFICE 83

Smith, Ie pur et I'impur ne sonl pas d~s collttillres qUis'excluel1l; ce sOllt deux aspects de la realite religieuse.Les fotces religieusesse caraclerisenl par leUr intel1site,leur imporlance, leur digoite ; pal' SUite, elles soia sepa­rees. Voila ce qui les conslilue: mais Ie seos daus lequelelles s'exereonl n'est pas necessairemell{ predetermine parleur nature. Elles peuvent s'exercet pour Ie bien Cilll1mepour.le mal. Cela depend des clrcilnstances, lIesi'Hasemployes, etc. On s'explique ainsi coUlment Ie meme Ineca.nisme sacrificiel peul sallsfaire a des hesoins religleuxdont la dlfference,esl extreme, II porte la meme ambigtiitelJne les forces religietises elles-memes. n esl apte au bienel au mal; la victime represente aussi hien la morl que lavie, la maladie ql1e la sante, Ie pecM que Ie merite, lafaussete que la "erHe. Elle esl Ie moyen de COncentrationlin rellgleux; elle hJ<prIme, elle I'incarne, elIe Ie porte.C'est en aglssant SUr elle qu'on agH snr 111i, qu'on Ie dirIge,soit qU'on I'attire et l'ab.orbe, soit qu'on i'expo]se et l'eIl~rniM. On s'explique de la meme maniere que, par des pro­cMes.appropries, c~s deux fotmes <te la religlosite puissentse transformer l'une lIaus l'antre et que des rites qui, danscertains cas, paraissenl opposeS, soleht patiois presqueilidiscernables.

CO!IMENT LE scnBME VABIE SUIVAN'r LE8 FONC'i'tONS

SPEClALES DU SACItIFICE

VI

Nous venonS lie monttet COIlllnenl notre schlHne variepour S'adapter aux dIfferent. et.ls teligieux dans ·Iesquelsse trouve l'~tre, qu~1 qu'il soit, atlecle par Ie sacrifice.Mais nous ne hUus sumlnes pas encore preoccupes de cequ'etait cet etre en lui-memo, mais seuloment s'i1 avait aunon on caractere sacre avaut la cereilwnie.. Cependaht, il

82 MELANGES i>'Hi~TOtRi!: DES RELIGiONS

s~rvenl a la purificlition de ceux qUi ont cdhlracte certainessouninras', An meme otdre de falls appartiMlIeiit cedllih"Sdes communicatiOlls qui s'elablisSellt enlte Ie saorlfianl etla victime a la suite dti meurtr~ sacrificiel : il y a des sacri­fices expiatoires lnl, la viClime etall I depouilIee, Ie sacri­fiant, avant d'~lrecompletementpUrlfie, se tienl sur la peaudela viclime OIl la touche. Alllatirs, on Iralne la peati deI'animal daus Ie Wm ponr le([uel se fail l'expiation '. Dahsdes sacrifices. phis' complexes, dont nons aurons l'occasionde parler, l'ellmihat!on se eompliqti'e d'tihe absorptionEnsomme, a bieh considerer Ie sacrifice Mbren, la cOMe­cration de la victime s'accomplil dela meme fa~on dans Iehattdt el dans 1"lJld. Le rite de l'attribtilion du sang est~hhplement IJltis complet dans Ie premier sacrifice. Etllest remarqullble qtie, plus l'lIltributioli du sang est com­plele, pluS l'excfusion exlJiato!re est parlalte. Lorsqne Iesang etail pOrle dans Ie sanettiaire, la victime etait irai-

. tee comtlle impure, et dI1 la brutall bOrs dn camp '(Dalls Ie cas contralre, la victime etall mangee pat lespl'eltes comltie les portions cOhsacrees dti shelan,int. Quelledifference y avail-il daM 'entre l'imptirete de la victime dupremier lIathtt et Ie earaClerc saete de la vicllme. dusecond? AUCtiM : oll pll1t61 il Yavait une dilfercnce IheoWgique entte les sacrifiees expiatoires et les sacrifices desacralisallon. Dans Ie lIaltdt et dans les autres sacrifices,n yavait biell aUribution du .ang· a l'aute), mals i'aulelelan diviiie par nlie ligne rouge; Ie sang du baltd! elait

. verse au·dessOtis; Ie sang de I'holocanste, ati-dessus '. 11 yavaitdelil< religiosites, doni la distinction n'elait pall ttesprofonde.

C'ffst qll'en eftet, comme l'~ b·ien monue RUbertson

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85ESg-AI'SUR LA NATURE ET LA FONCTION nUl SACRIFICE

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L' Paus., 11,24, 1. - Sur Ie tra.nsport pal' lesoma, sur 180 lacon dontles t,risqui l'ontbu se sentent soit emportes dans I'autre monde, soit pos­sedes pal' Ie dieu Soma, voir Bergaigne, Rel. Ved., I, 151 sqq. ; lJ-g Veda,X, i19; X, 136, 3, 6, sqq.; VIII, 48 en entier. Cf. Oldenberg, Rel. d·.V!d., p. 530. 'Sur la possession, voir Wilken. ]Jet ...hamanisme bi;' denvoll,en van den Indischen Archipel, extr. de Biid1'. tot de Taal- Land· enVolkenkunde v. Ned. Ind" '1.878, p. 1. sqq. Frazer, Pausanias, t. V,p. 38-1; cf. Paus. 11 34, 3. Roscher, Rhein., 1Jfus., LIII, p. 172 sqq.

2. Ces expressions sonL empruntees I1UX speculations:bibliques et Lal­mudiques sur Ie jour du «( jugement)), dU,Kippour.

3. Voir nos comptes l'endus des livrC8 de A. NuLt, Rohde, Cheetham(Anntie Sociologi,que, ·11, p. 214 et sqq~). - En ce qui concerne les docttineshindoues, voir By-lv. Levi, Doctr" 102, 1pS" 161 : en ce qui concerne he

. I

Ie sacrifiant l'absorbe ; ilest possede de lui. x&:"(;0Xoo; Ex. 'tou6eou l'(VeTCH 1J comme la prMre.sse du temple d'Apollon surI'Acropole d'Argos, quaud eUe a bu Ie saug de I'agneausacrifie. I~ semblerait Uest vrai, que Ie sacrifice expiatoiren'ellt pas les m~mes effets. Mais, en-realite~ Ie jour «( duPardon) est aussi Ie (( jour de Dieu)L G.'esL Ie moment auceux qui ecbappent au pechil par Ie sacrifice, sont inscrils«( au livre de vie 2 ). Comme dans -Ie cas de la sacralisation,Ie courant qui s'etabliL, '3- travers la vi,ctime, entre Ie sacreet Ie sacrifia~tJ regenere celui-ci, lui donne une nouvelleforce. Par cela seu! que Ie peche, la mOl'l out ele elimines,les puissances favurables entreut eu scene pour Ie bien dusacrifianl.

Cette regeneresc.ence .par Ie sacrifice persoi:mel a donne,naissance aun certain nombre de croyances religieuses. OndoH d'abord y rattacher la Lhilorie de la renaissance par Ie

. ,sacrifice. Nous avons vu les symboles qui font du dU"!ita", un frolns, puis un brahmane el Ull dieu. On sail quelle fut

!'importance des doctrines de la reuaissance dans les mys-leres grecs, les mytbologies scaridinaves et celtiques, les-cultes'osiriells, les theologies hilldoues et avestiques, dansle dogme cbrelien lui-meme. Or, Ie plus souvent, ces doc­trines sont nettement rattachees a l'accomplissement de,certains rItes ,sacrificiels : la co~sommation du gateaud'Eleusis,. du soma hindoll, du haorna iranien, etc ... ".

'Mli:L~GES D'HISTOIRE DES RELIGIONS84

1. On sait que c'ast unLheme fondamentai des Proph6tes et des Psaumesque cetl;e «. mort)) ou est plonge Ie fidele avant Ie retour de lahve(Cr. Ezech. XXXVIII, 2; Job, XX;XIII, 28, etcommentaire in Talm.·}.Baba qamrlta, VH, 8,4, Gem.). - Voir Ps.. CXVI en. e'ntier et CXVlIa 'partir de 17 : (( Je ne mourrai point, mais' je vivrai, etc. » Nous nousdispensons de, rappeler les formules· catholiques· de la messe.

2. Dans 1'lnde, tout Ie monde, au sacrifice, est repute vivre dails ce mondenouveau. Quand on fait Jever Ie. sacrifiant assis, on lui dit : « Dehout.'dans Ill, vie »~ Pendant qu'on va, portant une chose. sll.cree, Ill, formule 'est: «Va Ie longdela vaste atmosphere Jl (T. S., 1,1 .. 2, f). Au debutde tous les rites, un des premiers mantras est « Toi pOUi' Ie sue, toipour 10. ,SeVe» (T. S., 1, 1, 1, i). - Et, a Ill, fin du sacrifice, 10. regene­rescence est tot,ale (cr. :plus IHlut, p.. 69, D. 4j.

est aise de prevoir que Ie sacrifice ne samait Mre Ie memequand iI est fait en vue du sacrifiant lui;meme ou d'unechose il laquelle ce dernier porte in terM. Les fouctions

"qu'i1 remplit ~oive!ltalors se specialiser.Voyo!lS quellesdiJIerenciations se produisent de ce chef.

NOlls avons appele personnels les sacrifices 'qui con­cement directement "Ia persoune meme du,sacrifiant. Decettedilfinition il resulte qu'ils presentenllous un premiercaracteFe commun : puisque Ie sacrifianl est rorigineet lafin du rile, racle commence et finit avec lui. C'est un cycleferme sur lesacrifiant. Sans doute, nOus savi:ms bien qu"ily a toujours au ~oins attribution de I'esprit de la cbosesacrifiee au dieuou a la puissance-religieuse qui ag~tdansIe sacrifice. 'II restepourtanl que racle accompli par Iesacrifianllui profite d'uue fal;o,! immildiate.

En second lieu, dans toutes ces .sortes de sacrifices, Iesacrifiant,a l'issue de 1a ceremonie, a ameliore son sort,soil qu'il ait supprime Ie mal"donI il BouJIrail, soit qu'j] sesoit remis en 'etat de grace, soit qu'il ait acquis nne forcedivine. n y a meme uu Ires grand nombre de rituels orinne formnle speciale, soit a la sortie, soH au moment solen­nel de la sacrification, expriIP-e ce changement, ce salutqui survient', la fal;on donI Ie sacrifiant esl trausportedans Ie monde de la vie'. II arrive meme que la commu­llion determine comme une alienatio:Q' de 1a personnalit~.

Eu mangeanlla chose sacree ori Ie dieu esl cense resider,, \

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1. Annee Sdciologique, II, p. 217.

2. D,octr., p. 93-95. NOlls admetlons absolument Ie rapprochement,propose par M. Levil entre la theorie brahmp.riique de l'echappement Ii Ill.mort par Ie sacrifice et Ill. theorie bouddhiste de Is. mok~d, de Ill. deli­vrance.Cr. Oldenberg, Le lJoudha, p. 40,

3. Voir B'ergaigne, Rel. lied., sur l'amTtd, ((essence immortelle », que con­Jere Ie soma (I, p. 25~ suiv. etc.), Mais la, comme dans Ie livre deM. Hillebra.ndt, Ved. Myth., II, p. 289, sqq. at passim, les interpretationsde mythologie pure ont un peu envahi I'explication du texte. Voir Kulm-,lJero,bkunft des Feuel's und des Gottertranlcs. cr. Roschor, Nektar unaAmbrosia.. .

4. Voir Darmesteter, Haurvetdt l'It Amretdt, p. t6, U.5. Tant dl1Ds Ie dogme (ex. Irenee, Ad. Haer.! IV, 4, 8, 5)_. que dan~

les' rites les plus cannus ; ainsi 10. oonsecration de I'hostie se fa.it pa.rnne ~ormule oil est meotionne l'elfet du ~acrifice sur Ie sahit, Voir Magli.ni,l'.Anlica Liturgi(L Romafta, II, p. $68, etc. - On pourrait encore rapprQ~

cher de ces faits I'haggada talmudique suivanl laquelle les tribu5 dis­pQ.rues aud~art at qui p.'ont pas $Mrifle n'auront pas part it. Ill. vie~terpE!lle \Getn, it. Sanhedrin, X, 4. 5 et 6, in Talm. J.), pas plus -que lesgens d'u:qe ville dlilVijn\l~ interdite pOUT s'~tre livree it. l'idoU.trie, ouque CW& I'impio. Ce pa.t.'sage hllmudique s'appnie sur Ie vers'et, Ps. L,D: « AsaewbJez-IIlQi mijl;l justllS qui ontcoqclu avec moi a.lIia.nce par Jesacrifice. lJ '

ESSAI SUR LA.. liATlJR:jj: ET LA. FONCTION nu SACRIfICE 8'1

modification proloude que 1'011 produita ce moment daDS10 persoune du sacrifian!.

Cette vertn vlviliaute du sacrifice ue Se limite pas a lavie d'ici"bas, eUe s'est eteudue II la vie luture. An cours deI'evolution religieuse, la notion du sacrifice a 'rejolnt lesnotioua qui coucerIleut I'immortalitede l'ame. Nous h'avousrien a ajouter .sur ce poiut aux theories de Rohde, deMM. J~vous et Nnll sur les mysteres greBs " dont il lautrapprocher les laits citlis par M. S. Lff\ii,. empruntes anx

. doctrines des I!rahmal)as' et ceux que Bergaigue et Dar"'mesteter avaieut deja dBgages des textes vediques' et aves"tiques 4, Mentionnons aussi la relation qui unit la commu­111011 chretieune an salut etemel '. Si cODsiderables qnesoient ces laits, il ne laut pas, d'aillenrs, eu exagerer la por"tee. Tant que la croyauce iJ, I'lmmortalite u'est pas de~agee

de la tMologle Iruste dn sacrifice" elle reste vague. C'est la« non"mort" (amrta) de l'ame que Ie sacrifice assure. IIgarautitcoutre I'aneautissement daIlS I'antre vie commedans celle"c/. Mals Ia uoliou'de I'immortalite personllClIe

SQUV~llt,un Qllang~J!l~lIt de 1l01ll Illarqne cette reorea"tioll do l'illdividn.On sait. que Ie nom. est, dans lesQroysllcos religienses, intimemellt lie a laperSoulIalite deQ~loi qlli le porte: it oontient qllelque chnse de ~on ame'.Or Ie saorilice s'socompagne assez sonvent d'un challge"mellt do nom. En certains cas, ce ohangelllent se red1.\it iJ, .

1.\lle a<\ditioll d'epitMte. Enoore anjo1.\rd'hlll, dans !'Inde,on Porta Ie tilr~ de diilsita'. Mais parlois Ie nOm est OOm"Ill~tement ohange. DaIlS I'anoieuue Egljse, C'etait Ie jonrde paqlle!\ qn'ou baptisait les ueopbytes aprlls les ayoirexorcl~es : aprlls Oe baptllme, QU 'Ies laisait COmm1.\nler~t olll~ur IlIIposait lellr nouyeau nom' ..Dalls Ies pratiqlle$jndaiques, enoorede.nos jours, Ie meme rite est employe!Inolld la .vle est eu dauger'. II est probabla qll'lI aocom"Pagllait al1trelols, nu saorllioe; Ou sait qn'llu saorllioetlxpiatQire, ]Qrs de l'agQDie, a existe chez les J uUs comme5,

d'aillenrs, dans d'antre. religions sur lesquelles nOllssOIIUlIes sllffisammeut renseignes". II est douo naturel depellser qne changement de nom et sacrifice explatolre lal"Saiellt partie d'nn meme complexlls ritnel, exprlmant la

hqpma, voir pQ.r(ne!lte~el·. Haurvetdt et ,4ml'etdl, p. 54; Ol'mq,z(l etAhriman, p. 9Q.

1. Voir Lefebure, Melu,'ine, 1897; Brinton, Relig. of P1'im... Peoples,p. 89 sqq. _

.2.Le peIerin de 111 Mecque, fanclen -SacrifiIlDt. du lJagg. prenai~ etproud encore Ie titre de hadj. Voir Welhausen, Reste d. Amb. Heid.,p. SO. .

3. Vpir OUchcsne, Origines dllqult~ chrflifn, p. -.282, sqq. Vojrplush{L\lt, p. n. Sur Ia. rel{LI;iQn <wtre Ie ~~crlflce et If\G ri~es de l'l:uitia.UOIJ,et 4fl n:ghod~ction cle, l{l,. nOlJvf\lle !\me, ~f.l?.rl\zef, G. .8.,"1, p. 3U sqq.- l;/~~c,e~s.:ioIJ,. it la' vil3 chrijt!~D..P-Q B. tC;)l~jquvs ~t~ cQns.id~r~ CQIIHpe up.v.r~ ctlaqK~lrHnlt dl'l :q~turfl.

4. N~us sRvons que~ dap,s bien des CRS ]In.ralleIes, e;t merne dans celu!.,ci, Un a.utre eU'et est vise, .depister les mauvnis esprits en changeant de .nOIll,d~router Ip. malcb,anoe. Voir Mid1'll.sch al'Ecolesiasle, 1,19, Talm.B. fol, 1ti p,; qetnam dQSchel)(~uoth. Talm,.J., VI, 1Q. Schwa.b, IV, p. 79.cr. Snouck Hurgronjt;l, .lJlekka. II, p. 12~L

5. Talm. J., trl;LiLe Guittin. Gem., p. 45 (Schwab).

t;i. VQir C&Jll,Ild. 4lti1f.4i$cht;! Todten B.B~t(l,ttuTj.gsgebf'qafhe,n° 2. - De.aroot, The E(~ligi~~ Sysl~m QfCMna, 1, p. 5;" .

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ESSAI SUR, LA.. NATURE ETLA FONCTION ~U SACRIFICE

qui la rendait inahordabIe, on transforme cette vertu enesprit pur, soit qu'on pon-rsuive Pun et l'autr,e .buta lafois.

Mais, de pIus,la nature particuIiere de I'objet interessepar ~e sacrific~ n~odifie ce dernier. Dans Ie sacrifice deconstruction 1, par .exemple, on se,propose de creer unesprit quisoi,t.Ie gardien de la maison, on de l'autel, ou dela ville que I'on construit ou que I'on veut constmire, etqui en fasse la force'.. Aus&i Ies rites d'attribution se deve­Ioppent-iIs. On emmore Ie crane de Ia victime humaine, lecoq, Ia tMe de chouette, etc, D'autre part, suivant la naturede la ~on6truction, seion qu'il s'agit d'un temple, ou dJuneville ou d'une simple maison, I'importance de la victimevarie; suivant que l'edifice est deja construit ou a cons­fmire, Ie sacrifice aura pour objet de creer I'esprit ou Iadivinite gardienne, ou bien iI sera une propitiation du

1. C'est un des rites donL l'etudc comparatlvo est Ie plus (Lvancee.H. Gaidoz, Lea t'iles de la construc(ion, Paris, 1882. R. Winternitz.,Einipe fleme'l'lw.ngen 'ilbe1' das Bauop!'e1' bei den Inde1'1l. Milthlg.d. Ana~1·.

Ge~ell. z, Wien,. 1888, XVII, Jntr., p. 37 sqq., at surtout l'exhauslive I

monographic de Snrlol'l, Das Bauop{el', Zeitsch. f. Etlm., 1898 (cf.compte rendu, Annie Soc.. II, p. 236), essai do- classemcnt des formes crilscille l'anillyse dU.I'ite lll.isse reellernent it desh'or. Sur la conse.rvationde!! corps ou de parties de corps des viclimes dans les constructions,voir W jlken, lets over de Schedelveree1'in,g bi;" d. volken v. d. Ind. At'ell.,Bijdl'.fol de Taal-Land-en Vollcenkltndev. Ned. Ind., 1889, p. 31. _Pinza, Consel'vazione delle teste umane, ,passim.

2. C'ost le cas Ie plus general. Ils'agitTeellement dela creation d'uneesper.b Ilediliu auqueI'on Tendro. plus tard un culle. II ya ]il. un casparam~le a-celui du sacrifice agraire. Cet esprit sera vague ou 'precis,

. S8 confondra avec la fpr'ce qui rend solido la construction" ou hiendcviendra'une sorte de dieu personnel,\ou sera les deux ala fois. Maistoujout's il sera ratta.che par certains liens il. ,Ia vicLirne dont il sort et iI.10. conslruction dont il est Ie gardien et Ie protecteur contre les sorts,les maladies. Ies malheurs, inspirant a tous Ie respect du seuiI, .auxvolell1's et aux, habitan~s. (H. C. 'frumb'ulJ, The T/weshold Covenanl,New-York, 1896.) - De meme qu'onfixe]a victime agrai-re, en semantses rest.es, oto., de meme on repand Ie· .SaDg sur les, fondations et plustard on emmure 18. tete. - Les sacri1ices de constrliction ant pu se re­peler daDS divers rituels; d'abord en des occasions graves, reparationd'une construction. siege d'une' ville, 'puis devenir periodiques. et seconfondre dans bien des cas avec les· sacrifices agro.ires, donner commeou,.\: nllissanceil. des personnalitea mythiques (voir DumrnIer, Silten,qe­schichlliclw flarallelen, Philotogu8, LVI, p. 19 sqq,j.

MELANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONS81>

L .Ce serail ici Ie lieu d'etudier Ie c~te pour ainsi dire polHique dusiLcrifice : dans un bon nombre de societes politico-religieuses (socieLessec~etes rneIanesiennes et guii::1l3ennes, hrahI;nanisme, etc.), Ia hierarchiesocIaIe est souvcnt determinee par les qualites acquises au cours desacrifices par chaque' individu. - Il conviendrait aussi de considererles cas oil c'est Ie groupe (familia, corporation, societe; etc.), qui estsacrifiant, et de voir queis sont.1es efIets produils sur nne'pel·sonne deceo genre par Ie sacrifice.. On verrait &\sement quo tous ces sacrifices desacralisalion ou de desacralisation ant sur ]8. societe, toutes chosesegales d'ailleurs, les memes eITets que sur l'individu. Mais 10. questionressort plutOt a.la sociologie en Reneral qu'il. l'etude precise du sacrifice.D'aillcurs eUe a ete fortemerit etu,diee par les onthl'opologues anglais;les elfets de la communion sacrific-ielle sur 18. societe sont un de leursthemes favoris (voir R. :::;mith, Rel. of 8em., p. 284 sqq. ~idney Har­tland, Leg. Pers., II, ch. XI, etc.).

.2. M. Grant Allen a, dans Io."deuxieme partie de son livre, The Evolu­twn of the Idea ofGod (compterendu, Ann., II,p.193), soutenu des ideesconcern~t cas sacrifices ~t les sacrillces du Dieu, qui par8J'tront peut­e,tre relo.hvement analogues aux n6tres (voir surtout p. 265, .266. 339,3iO sqq.). Nous esperons pourtimt qu'on s'apercovra des differencesfondamenlales. '

nes'est degagee de lit precedente qu'a Ia suite d'une eIabo­rationpbiIosophique et, de plus, Ia conception d'uneautrevie nJa pas pour origine I'institutioIi du sacrifice 1.

Le nombre, [a vadille et la complexit.e des saorificesobjectifs sont tels que nous ne pouvons en traitel,' qu'assezsommairement. S~nf pour Ie sacrifice agraire dont I'etitdeest des maintenant assez ~vancee, nous devrc;-ns nous Con­tenter d'indications 'generales; qui montrell t comment cessacrifices. se ratt~chent a notre scMme general. .L~ trait caractedsiique des sacrifices ohjectifs est tlue

['elM principal du rite porte, par ~efinition, sur un objetautre que Ie sacrifian!. En eflet., Ie sacrifice ne revient pas

.. a son point de depart; Ies choses qn'il a ponr but de ~odi­

fier sont en dehors du sacrifiant. L'effel prodnit sur ce der­nier ,est donc secondaire. Par s~ite, Iesrites d'entree et deso.rtie, qui ont particulierement en 'vue Ie sacrifiant,deviennent rudimeJ;l.taires. C'est la phase centrale, la sac'ri­fication, qui tend a prendre Ie plus de place, II s'a"it avanttout de creer de l'esprit 2, soit qu'on Ie cree pour l'attri­buer a I'etre reel ou mythique que Ie sacdfice concemB,soit que, pour liMrer une chose de quelque vertu sacree

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ESSAI SUR f,.A NATURE' ET 'LA- FONCTION nu SACRIFICE

aacritie <.Ies vaohes uoires', ou l'on faH interveuir daus Iesacrifice uo o!:leval uoir snr leqQel on verse de l'eau " etc,On pent donner de ce priucipe general une raisou tresplausible, La, comme daus l'acLe magiqueavec lequel cesfites se coufoudeut par certaius cOles, Ie rite agit, au foud,par lui-meme.' La force degagee est ejjicace. La victime semuule sQr la lormule votive, s'iucorpore a elIe, la rempli\,l'anime, la porte ~UX dieux , QIl devient l'espriL, «( Ie vehi­c,ule 3' »,

Nona n'avous fait qu'indiquer commeut Ie scMme dQsimrifice varie avec les dillereuts ellets qQ'il doit produire,VUyons comment les divers luecauismes que' nous avonsdistingQes pouveut se reQuir dans on sacrifice nuique, Lessacrillces agraires sout precisemeut d'excellents e'!'emplesaoe poiqt de VQe, Car, esseutiellemeut objectils, ils u'enont pas moius d'iI\lportauts ellets sur 10 sacrifiant. .

Ces sacrifices ont uu donble but. Us soot destines<.I'abord a permottre et de travaili.er la terre et d'ntiliserses produits, eu levant les iq\erdictions qui les protegenl.

_......:..._---'---~-

L Ga.llaway, oReligious System of the 411:~azulu, p. 59. n. 14, Cf. Frazer,Gold. Bough, II, 42, ele; - Cf. Marillier, Rev. Hist., Relig., 1898, I.p. 209. - cr. Sahagun,llisloriu de la~; cosasda No Espana, II, p. 20.

2. HillebraQdl, Ved. Ril. Lill., p. 15. - n Caut rapprocher de ce3 faitsIt::lS: .cas de noyades: d~ vietirnes dans l'eall. Dan.s l;l~autros C(l,S on repandsur une vietimc quelconque de l'eau: !'lX. II Rois, xVlJI.. ~9 sqq. etc. ­cr. Kramer, d'apres Srriirnov, Das Fest 'Sinsja und das Feldgebet, etc.l)ull. S(}c. Al'ch. Hisi. Ethn. de l'Univ, de Kazan, in Globus, 1898, p. 165.Smirnov et Boy:er, Populat. finnoises, 18,98, p. 175.

3. Dans Ie riluel vedique, lorsqu'on oint l'animal sur 111 croupe ondH: « Que le mg.itre du sacrifice (le s8ocl'illant) aille avec Ltoi e~] sa vo­1()ute au c.iel» (Ap. pl'. sU., VII, 'i4, L V. S., 6, 10, c. T. S., 1, 3, 8,1);commente (T. S.• 6, 3, 7, 4. 9. B., 3, 7,4. 8) ou il est explique que 180bete s'en va, au cie! et emmene en- cronpe Ie vceu du l:l8ocrWan,t. Ons'e-st tres so.uvent figure la victime comme· un messager des hommes,aimi les Mexicains, ainsi Ies Thraces d'Herodole (IV, 9), etc. _ NotreenuID~rat1o" 'des sacrifices objectifs ):l'~st nullemen~ complete : DQUS

n'6,vons tra.He ni du ~a.crtfiee divinatojre, :ni d-u sacrifice d'lmprecatiOD.ni du ~ac:rHicc nowrlture, ni du sacri&ce d,u 6erment, etc. Dne etude cicces d~versfls formes deII\QIl(.rera.it pe,"v-etre: qu'i! s·agit, HI. aussi, docreer et cl'-utiliser 'lUe 'chose sacree, 'Un esprit Cf'U'on. dirjge vel'S telle ettel1p phQ~e. OIl pQlJ,ITa peut-etm, de ce point de vue, a.rriv~r it u,neclassification.

geuil\ dll sol que les travau,!, de couatructiou vOnt liiaer'.La coUleur de la victime varie par cela meme : eUe estuoire. par' e'!'emple, a'il a'agit depropitie~ Ie genie de laterre, blauche ai rOU veutcreer uu eaprit favorallle '. Leariles de destructiou eu'!'-memes Ue sout pas identiques dausIes deux cas.

Daus Ie sacrifice-demande, onchercbe avaut tont a' pro­duire certaius efl'ets sp$ciau'!' qne Ie rite defiuil. Si Ie sacri­fice est I'accomplissemeut d'nne promesse deja faite, s'ilesttait POllf delier robligatsir~ du li~n mural et religieu'!'qui pese sur lui, Is victime a, a quelque <.Iegre, uu carac­tere e'!'piatoire'_ Si, au cootraire,'on veut engager la divi­oite par un coutral, Ie, sacrifice a plutOI la forme d'nueattrillutiun' : Ie do lit des est Ie priucipe et, Par suite, ilo'Y a 'pas de part reaervee au'!' sacrifiants. S'il sagit deremercier la diviuite d'llue grAce particQliere', I'holo­causte, c'est-a-dire I'attribution totale, ou bieu Ie shelami",c'est-a-dire Ie aacrifice duut une part reste au sacrIfiaut,peQveut etre de regIe. D'un antre cOte, l'importauce de lavictime est eu relatiou directe avec la gravite dn VffiQ,Enfiu, les caracteres speciau'!' de la victime depeudent dela natQre de la chose desiree : si I'ou veut ,de la plnie, ou

1. Leeas est fort gencra.l, lu{ Ooussi. II s'agitde se raoheter,par uuevictime, des co16res de l'esprit proprietaire soH du sol, soit, dans quelquescas, de 10. construction elle-m~me. Les deux: rites se trouvent reunis dansI'IQde (voir WintemHz, IQ(:. cit.), dans Ie sacrifice a. vQ.$io~ati «RudI'll.maitre. du Hell )); d'Qrdinaire ils son~ iaoles (Sartori, lo~. cit., p. 14, Hi,j9.~ p. 42 sqq.).

.2. Vail' Winternitz, loe. cit.

. 3. Le cas Ie plua connu est celui de In fille de Jephte. Mn.is il y a.toujours, apres l'accomplissemen(d'un sacrifice volontaire; Ie sentimentde s'Mre acquitte, d'avoi:r «rejete Ie vwu ». COlOme disent energiquement109 theologiens hindous. -

, 4.~a. f()~.q:lu~e genera,)e de l'attribution que disait Ie ~acrifia.nt, IorsqueI offic~llv.t l{l~alt au feu une part'quelconque, etait, dans l'Inde Vedique:« Ceci (l;q. Dleu. N. N. pas iL moi ».

5; Ce I>Qn~ ~e8' SII-critioes « de gdce », de louange de -111, Bible. _ Hssemb~ent a.vQIT ete. &.8Be~ pt!u nomhreu~ dan~ la p1upart des religions;voir po'Ur. J'lndl;l, Oldellbe:rg, llel. d. Ved'

lp. 305, 6; Wilken, Ove1',

eine ni8uwe Theone des Offers, De Gids., 1890. p. 365, sqq.

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ESSAI SUR LA NATU~E ET LA FONCTION DU SACRIFICE

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1. Paus., I, 24, 4.2. Voir pausaniB.s, I, 24, 4; 28, 10. - Porphyre, De A bstinenlia, IT, g,

28 ,sqq.- Schol. Arist.Nub., 985. - Schol. Hom.~ll.~, 83. - Suidns,.6.'~Q,= ~·~90'=' - I-Iesych. .6.~o,= fliixot.

3. Porph:, De Abst., 11, 28.

4, Porph.; ib., II, g. - lb., II, 28, 30; -Schol. Hom., 'l. C., ct Arist..l. c. "

Cette fMe j avaitlieu au mois de juin, it la fin de la mois­sonet au commencement du battage des bles. La principaleceremonie se passait sur l'acropole, a l'atitel de ZeusPolieus. Des gateaux etaient disposes sur une table debronze. IIs n'etaient pas gardes'. Alors,on lachait desbruuls; l'un d'eux s'approchaHde l'autel, mangeaH une'partie des oJlrandes et foulail aux pieds Ie reste'. Aussit6tun des sacrificateurs Ie frappail de sab'acbe. Quarrel il etailabaUu, un secoud l'achevail en lui trauchaut la gorge avecun coutean j d'autres Ie. depouillaient,pendant que celuiqui l'avait frappe Ie premier prenait la IllHe. Apres Ie juge­ment au Prytaneiou dout nous avous parle, la cbair dubruuf etail partagee entre les assistants, la peau etail recou­sue, remplie de paille, et l'auimal ainsi empaille etailattele a ulle charrue .

Ces pratiques siugulieres prMaient 'a la legende. Troisversions en attribuaient l'origine a trois personnages dille·rents; l'une a Diomos, prelre de Zeus Polieus, l'autre aSopatros, la troisieme aThaulon ", qui paraissent bien etreles ancMres mythiques des prMres de ce sacrifice, Dans les,

L trois versions, Ie prelre a depose l'oHrande sur l'autel ; un, .' I

breui survient, les enleve; Ie prMreiurieux frappe Ie sacri­lege et, sacrilege lui-meme, il s'exile. La prus lougue de cesversions est celle dout Ie heros est Sopatros. ITue secheresse

"et une famine sont la consequence de son crime. LaPytbieconsultee .repond'aux Atb'eniens que l'exile ,pourrait les·saqver; qu'il iaudrah punir Ie meurtrier, ressusciter layictime dans un sacrifice sembIable a celu·i OU elle eslmorte et manger de sa chair. On fait revenir Sopatros, on

MELANGES n'HISTOIRE DES RELIGIONS92

En second lieu, ils sont un, moyen rt'e fertiliser les champsque l'on eultive et de conserver ·leur vie quand, apres la,",lcolte, ils a,Pparaissent depouilles et comme morts. Leschamps, en eJl'et1 et .leurs produits sont consideres commeeininemment vivants. ,Il"y a en eux un principe religleuxquis'ommeille pendant l'hiver, reparait au printemps,· sem~nifeste dans la moisson et la rend, pour celte raison,d'un abord difficile aux mortels, Parfois ~eme, on serepresente ce principe comme un esprit qui moute la gardeaulour des telTeS et des fruits; illes possede, et c'est ceUepossession qui constitue leur saiutete. II faut ddnc l'elimi­uerpour que la fioisson ou I'usage des fruits soit possible.bfais en me!!'e temps, commeil est la vie meme dn champ

, il faut, apres l'avoir expulse, Ie recreer et Ie fixer datis laterr~ dont ilfait la fertilite. Los sacrifices:de desacralisa-

. tiOll", simple peuvent suffire a.u premier de CBS besoins,mais non ·ausecond. Lessaerifices agraires ont done, pourla pIupart, des elfets multiples. On y" trouve reunis desformes de sacrifices differentes. C'est un des cas oil l'onobserve Ie rnieux cette complexite fOQdameotale du sacri.fice sur laquelle nous ~e saurions trop insister. Aussi nepretendons_nous pas laire en ces quelques pages uue tMo- .rie gimerale du sacrifice agraire. NOllS ri'osons pas prevoirtoutes les exceptious apparentes et nous, ne pouvonsdebrouiller l'enchevMrement des developpements histo­riques. Nous nOns bornetons al'analysed'un sacrifice biencounu, qui a faH deja l'objet d'un certain nombre d'etudes.C'est 00 sacrifice a Zeus Polieus que les Atheniens cele­braient dans la fete connue sous Ie nom de Dipolia ou deBonphonia '.

,-1: Voh' _·Malfnhu.l'dt, lIIylhologische F01'schungen, p. 68 sqq. _ Rob.SmIth, Rel. of Sem.,'p. 304 S~N .. - Frazer,_ Golden Bough, II, p. 38, 41­:- V. PraLL, Buphomen, ~hem. Mus., 1897, p. 187 sqq. - SLengel, 'ib.,p. ~99 sqq. - Farllell, ?ults of lhe Greek States, I, p. 56,58 eLp.8S s.qq.

JVOI.t dans les Bouphomes un cas de culte totemique). - Frazer, Pau­samas, L.II, p. 203 sqq.;.t. ~'. p. 599. - A. MOinmsen, Reo1.tolo9ie~,p. 512 sqq. - Gruppe, Grtechtsche Mylholofl.ie, I, _po 29. .

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ESSAI SUR LA lfA'.I,'UHE E'l' LA '~'ONC'rlO~ nu SACRIFICE 9!S .,

corriger cet etat. Dans cerlains cas; des pratiques purifl­catoil'es prenaienl place dansla cetemonie. Alusi, unecon­lession se jDignait an 'sacrifice '. D'autre lois ie sacrificelui-meme realisail celte sorte d'expiation. n pouvait sepnisenter comme un veritable tachat. C'¢st ainsi que laPAque est devenne UD I'Ite de rachill g~netal :\. i'occasioude la consommation des premiees. Non seulemeut onrachetait la vie des premiers-nes 'des hommes par Ie sangde l'agneau pascal a, mai's 011 afiranchissait encore chaqueRebteii du danger. Ou pourtait peut-Mre rapprochet deces faits les Inttes que les saotifiants se livrent enlre eUXdans cerlaines fetes agraires '. L~s coups paraissent lessanctifier, les purifier et les racheter. II y a douc, dans Ie

L U y avait une confes~;ionlol's de rapport de Ia dime et lies fruitsdans Ie t.empie de Jerusalem (1'tilm. J. Mischnd . .M~as~r She~ti, V,10 sqq.). Dans l'Inde, une confession de 10. femme f8.ls!ut partIe durituel (les Va1'U1Jap1'aghdsas, voir Sylv. Levi, Docb.. , ,po 156.

.2. Wellhausen, P1'Olegomena, III, 1. - Rob. Smith. Rel. Sem., p. 406p. 46i, ote. Nons malJitenons\ contre l'interpr~tationtrop elroitc'de WeI·IhauseJi et de R. Smith, Iecaractere comml1hwl de Ill. f~t.e; l'etnarquons,de plus, lafacon dout on y c~nsomme Ie premier bIe: donl on y co~­

sacre 18. pl'einiere gerbe et disons ~ue, 10., ~om~e. ,aIlleurs" s~.s qu 11soit necessail'e de supposeI' Ia fusIOn de rItes dlITerents d orlgmes etdc·nationaliles, it y a simplement un cas de rite naturellement com-plexe. .

3. L'o"blig-ation de sacrifiel' 10. Paqile, de consotmller l'agneau, d'llp~porter 1es premiers fruits (voir plus. haut, ~. 8.?, n. 2, cf. p. 96) estrigoureusemenl personnelle dans Ie rltuel hehl'Rlque. De meme, dansIe FiLe des Varlt,tapmghdsas, 6tudle plus loin, nous tl'0l:lVO~5.Un exemple

I remarquable de .'achat. personnel. On delie de chacJ:Ue llldlY.ldu de.Ia fa­mille (( Ie lien )) que lui jetterait VaruJ;l-a. On fait. aulunt de gateauxd'orge en forme de pots (l.armnbhapdt·,'d1,:ti) c{u'iI y a de mcrnbres de IIIfamille (Ap. ~r. Btl, YIH, 5, .il) plus un, qUi. representc l'enfant tL naitre(Taitt. Br., 1~ 6, 5, a), eta un certain moment de ~a ~er~monie, chacunles place sur sa tete (Ap., YIII, 0, 23) .. On ecarte amSl, dit Ie BrahmaJ:l-a,Varl1Q.a, dieu de l'orge, de Ia. tete (Taltt. B., 1,6.5,4).

4. Voir Pausanias, n, 32, 2 (Trezt'me); cr. Frazel', Paltsanias, III,p. 266 sqq. _ Paus. HI, 11, 12; 14, 8, i.O; ~9> 7 (Spartc). - Uzener,Stoff d. G1-iech. Ep08, p. 42 sqq. - cr. Mannh\l.rdt, B. W, E. 1(., I,p. 281. -Frazer, Gold. Bough, II, 165. ....,... Sur les Iut.tes ~es fete~ de In. Bali,voir Crooke. Pop. Relig. a. Folklore of NorthemJndza,II, p. 315 sqq.,ou. I'oii trollvel'a cites un certain l1on1bre d'eqUivitlents. - :Mais IetHe est C6mplexe, -et it est fort possible qU'il y ait la surt.Olit. 'un.e imita­tion magique da Ill. lutte annuelle des bo-,?-s et des mauvalS espl'lts.

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lui rend seS droils 'ponr ql1'il offre lesscrillce el l'onc~Mbre la Mle c~mme nous l'svous de.crite.

Voila les faits:' que sltlnlfient-ils? II y a trois acles adistinguer dans celte fMe: l' la morl de ia viclime; 2' laeorninunion; 3° la resurrectiol1 de lavictirne i.

Au ·Mbul de lit c~remonie, des gateaux et des grail1ssont deposes sUr l'al1lel. Ce SOli! probililemenl les pre­mices des bIes batlus'. Cette oblation est analogue a toutescelles qui pet-meltent anx profanes l'usage des reeolles.Toute la sainletll du W~ abaUre aete concel1ti'ee dans 1Mgaleaux". Le bOlUfy toUche; Ill. soUdaiilele dn coup qui Iefrappe monlr" que·lactinMrlration a passe silt lUi, fon­droyante. n a incarne l'esptitdivin iog~ dllils ies ptemicesql1'il a mantlees. I1devienl eel esprit, si bien qne son

. meurlre esl un sacrilege. Toujours, la victirtle du sacrifice.agraire represente symbollqnement les champs el leursprodulls. Aussi est~elle mise eil relation avec el1x ava1ll laconsecration definitive. Dans Ie cas presenile bUlnf mangeIe galeau des ptemices, aillel1ts, il esl promene Ii. travetsles champs, ou bien la Victlme esl tuee avec les instrUmenlsagricoles on enlerree ami-corps.

Mais les fails doivent Mre co.nsideres sous une autre face.·En metne temps qne Ie champ, la victime peut reptesenteraussi ies fideles qui vont proianer ia reeolle en s'en ser~

vant '. Non seuiement les prodnili! de la terre ecatlaient Iesacrifiaut, rnais encore Ie sactinant pouvait etre dans Unetat tel q-u'il devail en restet elOi~ne. Le sacriflce devail

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L Eus6be, Praep. Ev~, Hi, 2, 9, a Vtl dans 18, IllOl,t d'Adobis Ie aym..bole de In recoltefanclleo. Mais c'est se faire" du rite une idee vague eteLroHe.

. 2. Mommsen, loco cil., pense que les Bonphonies sont une fete dubat-tage.

3. Stengel, loco cil., pt'etend que 10. superposition du sacrifice sanglantaYoifrande des premices dans les Dipolia est un cas de substitution dusacrifice sanglant aux o.ffrandes vegetales.

4. Caw, de Ag1·ic:., 14. -Ambarvalia, Marquardt. VI, p. 200, n. 3. _ ..cr. Frazer, Gold. 11., I, p. 39. -:- Voir des axfitnples fort dairs du.m8megenre de faits: Sartori, Bauopfe1', p,~ 17. Pinza,' O})_. cil., p. 154.

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1.. ~a legentle marque cn elfet ce cal:aclel'c quasi expiatoire des Bou.phoma. . .

~. M. ~arnell (loc',cit.) e~ Rob. Smith, art. Sacl'ifice {EncycloprediaB'Nta~mcal' y voient une survi.vance de 10. communion tolemique.

3. Porphyre, ,lac. cit.

_4. Mannhardt, "W. F. K, -i, 105. - Frazer,.·Gold. B.,.!f, p. 71, 106,157 ~ .noll;! addit. au t. H.

5. Cc. Frazer, Gold. B., II, p. '9, 2:1., 23, 31, 42, 73, 7fi, 78, etc.6. ~razer, G. B~, II, p. 74.

,7. ~es Heb:r~ux ne'peuvent mangel' de fruils de la terrc promise avantd aVOlr mange les azymes et l'agneau: J08; V. 10 sqq. Ex. XXfV, Hi sq.:18 sqq. etc. . '

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97EssAI SUR LA' NATURE ET' LA FONCTION nu SACRIFICE

laboureur une part de la chair de la vic time '., Cette com­munion, il est vrai, peut paraitre inutile puisque Ie saori­fice prealable a deja eu pour efiet de profaneria terre .t lesgrains. II semble qu'elle fasse double emploi'; il est pos-.sible en efiet, qne, padois, elle ait snlli a obtenir refietdesire. Mais, en general, elle snccMe a une desacralisationqui produit deja une premiere profanation.' C'est ce qui esttres sensible dans Ie rite hindon des Vamnapraghdsas.L'orge est consacre it. VaruJ;la.'l; il est sa npurriture 4 . Leecreatnres autrefois, dit Ie mythe, eu m.ngerent et devln­rent bydropiqiIes. C'est grace an rite dant nous allons par­ler qu'elles ecbapperent a ce danger '. Voici en quoi ilconsiste. Entre autres oflrandes 6, deux prMres font, avecdes grains d'orge, deux figurines qui ant la forme d'unbelier et d'une brebis. Le sacrifiant et sa femme mettent,Ie premier sur Ia brebis, I'autre sur Ie belier, des touffesde laine qui represelltent des seins etdes testicnles, enaussi grande quantite que possible '. Puis on fait Ie sacri-

1. Frazer, G. D., II, p. 31.

2. D'apres Ie texte des paroles de 10. Pythie, il semble bien que 10.communion ait ete relativemenl surerogatoire (AlflO"V fa::a6cu).

3. Voir S. Levi, DoctTine, p. Hi5, n.3.4. De If!. Ie nom du rite, « les nourritures de Vo.ruQ.a ».5. Q. B., 2,5,2,1. - Voir S. Levi, ,po 1fi6, n. 1, Ie lexte T. B., 1, 6,4,1.

n'indique que ce dernier terme du my the. - Nous n'etudions qu'undes trois rites qui font parLio de la ceremonie : I'un de cas rites est unbain identique au bain de la sortie du sacrifice a soma (yoy. plus, haul,p. 67), l'auLre es~ nne confession de la femme, de tout point comparableil.1'epreuYe Ievitique de 1ft. femme adultere,. Toute la fete a ainsi un cQ.rac­lere purilicatoire bien marque (Yoy. pluB baut, p. 95,:rL 1 e~ 3).

6..Tou~es faites d'orge; eJ:ceptionnellement quelques-unes peuventetre faites de riz: Ap. ~r. sl1, VIII, 5, 35.

7. Ap ., VIII, 5, 42; 6, 1. sqq.; 10 sqq. - Evidemmenl eElS deux imagesrepresentent l'esprit de l'orge, considere comme fecondo.nt et feconde(cr. T. B., 1, 6, 6,4" sur la copulation fig-uree de ces deux animaux, parlaquello les creatures so delient du lien de VaruJ;la), mais il n'y a pas detexte bien net sUr ce point j quoique Ie rjte aH bien en lui-meme Iesens d'une creation magique de l'esprit d_e l'orge (cf. Q. B., 2, 5, 2, 16 oil.it est dit que Ie belier c'est« Varu\la visible l) et Oll it ~'agit du belierfigure e~ non pas d'un beli~r quelconque comme Ie crail M. Levi, Doc·trine, p. 155. n. 4), les textes ne degagent pas assez cette significationpour que nous puissions la. deY~lopper.

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MELANGES In'HISTOIRE DES RELIGIONS

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premier moment du rite-', uue double 6peratiou : '10 dBsa­crali.ation du bIe recolte et battu au moyen de Ia victime.qui l~ represente; 20 rachat d~s moisonneurs et des labou­reurs par l'immolation de celte victime qui'les represente.

. Pour-Ies Dipolia, Ies documents ne font pas allusion a'une communication entre Ie sacrifiant et Ia victilU'e avantIa consecration. Mais elle se produit apres ; elle est reali­see par un repascommuniel:l qui constitue une nouvellepbase de la ceremonie. Apres que les sacrWcateurs ant <'Ieabsous de leur sacrilege, Ies assistants peuvent oser com­munier. On se rappelle que, d'apres Ie mythe, la Pytbie Ieleuravait conseille '. Un grand nombre de sacrificesagraires sont suivis d"une communion semblable to. Parcette communion, les sacrifiants ,des Dipolia participaieot,it. Ia nature sacree de ]a victime. lIs recevaient uneconse­cration attenu~e, parce qu'elle .Btait partagee et qu'unepartie du bamf restait intacte. Investi du meme caracteresacre que les chases don~ ils voulaient user, ils pouvaicnts'en approcher 6

• C'est par un rite de ee genre' que' JesKafres de Natal et du Zululand sepermettent au debut del'anneel'usage des nouveaux fruits ; la chair 'd'une 'victi'm'eest euite avec d,es gra'ins, des iruiLs~t des legurnes. Le roien met un peu dans la bouche de cbaque homme et celtecommunion Ie sailCtifie pour toute I'annee 6. La communionde la Paque avait les memes resultats 7. Tres sonvent, dansles sacrifices celebres avant Ie labourage, on donne au

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ESSAI SUR LA NATURE E'f LA FONCTION DU SACRIFICE 99

1. Mannhardt, W._F. K., I, p. 350 sqq. - ,Frazer, Gold. B., I, p. 381sqq.

2. Le genie viv8itl'hiver it la·ferrne. - Frazer, Gold. B.; II, p. 16, 14.

3. ce. KondakoIT et Reinach, Anliquites de la Bussie mr!1'idionale, p. 18J(I:.ribu de rAHat). - Herod., IV, 72. - Frazer, Golden B., II, p. 42 (Chine).lb., 94,,220, pour des usages du merne genre. '

attribuee tout entiere. C'eLait une faQon de faire partici­per Ie laboureur aux benefices de la con'secration, et peut­etre ainsi; de confier a sa garde les forces qu'il s'assimilaitet que, dans d'autres 'cas, frU fixait dans Ie champ. D'ail­leurs, plus tard, onsemait les reliefs de ce repas,lorsqu'onensemeoc;ait -ou labourait 1

• Ou bien encore, on partageaitune autre victime, nouvelle incarnation "du genie agraire;'et 'l'on diss·eminait· dans la terre la vie qui en avail eteautreffris retiree. Ce qu'frn rendait a la terre c'Mait alaterre qu'on l'avait emprnnte'. CetLe correspondance fonda­mentale entre les rites de la profanation des premices etceux de la fertilisation des champ's,.entre les deux :vicctimes, a PU, dans certains cas, donner lieu a une yeri- 'table fusion des deux ceremonies, pratiquees ,alorssurune m~me vic time. C'est ce qui est arrive pour les ,Boupho­nia. Elies sont un sacrifice a double face ': elles sont uosacrifice du battage, puisqu'elles c()mll)enQaient par uneoflrande de premices, mais elles out egalement pour ,butfinal la fertilisation de la terre. On a vu, en ellet, d'apresla Jegende, que la fete fut etablie pour mettre fin a uue

_. famine et aune secheresse. On pourrait m~me "dire que la. communion faite a I'aide de la, chair du breuf a, elle anssi,

ce double but: permettre la consommation des nouveauxgrains, donner aux citoyens unebenedictionspeciale POUI:

leurs futurs travaux a"graires.Mais poursuivons l'analyse de nos donnees. Nous tou­

chons au troisieme moment de notre rite. SopatroSJ

entuant Ie bumf, avai t tue l'esprjt du ble et Ie ble n'avait pasrepousse. D'apres les termes de l'oracle,le second sacriacedoit ressusQiter Ie mort. C'est pourquoi on empaille Iebum!; Ie breuf empaille', c'est Ie breuf ressuscile. On

~~~"~_'L __ ' ,n_, __~_C__n

~ '-~:j{---tii;GES",D'HJSTOIR~ DES RE.LlGIONS

~- fi~'-j,-une-, part est attribuee a -VarU:Q-8, ainsi qp.e d'autres

offrandes d'orge. Et alor... on mange solennellement Iereste.· «Far Ie sacrifice on Bcarte 1 » VarUJ;la, on l'elimine,on debaI;'rasse ceux qui -mangeront de l'or'ge du « lien »

"qu,'iJ jetterait SUr.BUX. P~is, en mangeant ce qui reste des- figurine~, on absorbe l'esprit meme de l'orge. La commu­

nion se superpose 'done nettemenf3:la desacralisation. Dans,ce cas el dans les cas s~milaires, on crain! sans donte' quela profanation n'ait ete incomplete et que, d'autre part, Iesacrifiant n'aH reou qu'uue demi-consecration. Le sacrifice

,etablit uu niveau, entr~ la saintete de l'objet a Il\ettre enusage etcelle dri sacrifiant. _

Mais dans les sacrifices dont Ie but est de fertiliser laterre 2, de lui infuser nne vie divine ou de rendre plus activela, vie qu'elle peut avoir deja, it ne s'agit plus commeprecMemment, d'eliminer un caractere sacre; il faut Iecommuniquer. Les proced~s de communi.cation directe ouind"irectesontdonc uecessairement impliques dans ces sortesd'operations. n faut fixer dans Ie sol uu esprit qui Ie'feconde. Les Khonds sacrifiaient des victimes humainespour assurer la fertilite des terres; les chairs etaient parta­gees entre les differents gr01:ipes et enterrees dans leschamps '. Ailleurs, Ie sang de la victime hnmaine etaitrepandu sur la terre '. En Enrope, on depose dansle cbampdes cendres de la Saint,Jean, dn paIn Mnit de la Saint­Antoine " des os de betes tuees a Paqnes ou a d'autresfetes '. Mais, souvent, la vic time n'Mait pas toute employeed~ ~ette maniere et, commedans les Bonphonia, les sacri­fiants en recevaientleur part', Parfois m~me elle leur etail

1. Ava-yaj (T. E" f, 6, " f),2. Mannhardt, W. F.K., I, p, 350 sqq.3. Maepherson, Memorials of service in India, p. 129 sqq. _ ,Cr. Su­

crifiee du_ brenC dans les champs. Frazer, Gold. B., II, 20, 23, 41-- 4. Mannhardt, W. F. K., I, p, 363.

5. Bahlmann, Munsterliindi<Jche Miirchen, ele. p. 294.6. H~.fler, COI'respond. Blalt._d. Ges. f. Anlhr., 1896, 4.7. Frazer, Gold- B., II, p. 21, 28 sqq., 43, 47 sqq.

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·iOO MELANGES D'HJSTOIRE nEg RELIGIONS

l'aUelie ala charrue; Ie simlJ.lacre de laboura~e qu'on luifait effectuer a t~avers Ie champ correspond a la dispersionde la victime chez les Khonds, Mais it faut remarquer quel'existence individuelle du boouf, de son esprit, survit a laconsommation de ses chairs, et a Ia diffusion de sa sain­tete.Get esprit, qui est celui-Ia meme qu'on a: rOtit'e 1e lamoisson coupee, se retrollve la, dans la pean reCQusue etremplie de paille. Ce trait n'est' pas particulier aux Bou­phonia. Dans une des fMes mexicai:oes, pour represenlerla renaissance du genie agraire, on depouillait la victimemorte et 1'on revetait de sa peau celie qui devait lui succe­der 1'annee suivante i.En Lusace, a la fete du printempsou l'onenterre (( Ie mo'rt »), c'est-a.-dire Ie vieux dien dela v$getation, on enllwe la chemise du mannequin qui Ierepresente et on la .porte immMiatement sur I'arbre demal:l,. avec Ie y.~tement, on emporte l'esprit. C'est donela victime elle-meme '.qui renaH. Or cette victime, c'est1'ame rr{eme de la vegetation qui, concen~ree d'abord dansles premices, a ete trausportee daus la bete, et que !'immo­lation a, de plus, epuree et rajeunie. C'~st dona Ie principememe de la germination et de la fertilite, c'est la vie deschamps qui rellaH et ressuscHe ainsl 9.

Ce qui frappe surtout dans ces sacrifices, c'est la conti­nuite ininterrompue decette vie dont its assurent la dureeet la transmission. Une fois que 1'esprit est degage par Iemeurtre sacrificiel, it reste fixe laou Ie rite Ie dirige. Dans lesBoupbouia, it reside dans Ie mannequin du boouf empaille .Lorsque la resurrection n'etait pas figuree par une cere­monie speciale, la conservation d'une partie de la victimeou de 1'oblation attestait la persistance' et la presence de]';\ma qui residait en elle. A Rome, on neconservait passeulClnent la tete du cheval d'octobre, mais encore I'on

.' .

L Frazer, Gold. S., II.. }), 220.

2. lb" I, p. E66.

3. lb.,!, p, 257 'qq,

""'.~";. -', . . ~' ..: :;:,;,~ ~,_.....

ESSAI SUR LA NATURE ET. LA FONCTION DU SACRIFICE, -tOl

gardait son sang jusqu'aux Palilies'. Les cendres du sacri­fice des Fot'cidiciilJ Maient egalement conservees jnsqu'acette date 2. A Albenes, on enfermait les restes des porcssacrifies aux Thesmophories '. Ces reliques servaient decorps a 1'esprit degage par Ie sacrifice. Elles permettaientde Ie saisir, de l'utiliser, mais d'abord de Ie conserv'er. Leretour pel'iodiq,ue du sacrifice, aux ~poques ou la terre sedepouillait, assurait la continuite de la vie 'natureUe, enpermettant de localiser et de fixer Ie caractere sacre qu'i!y av'ait interM a conserver et qui, l'annee d'apres, reparais­

-sait dans Ies nouveaux produits du sol pour s'incarner denouveau dans une nouvelle victime.

La suite des sacrifices agrairfls presente ainsi une serieininterrompue de concentrations et' de diffusions. AussitOtla victime devenue' esprit, genie, on la pa,'tage, on la dis­perse pour semel' Ia vie avec elle.Pour que ceUe vie ne seperde PitS (e\ I'on risque toujours d'en perdre un peu,temoin l'histoire de Pelops a I'epaule d'ivoire), it faut la.rassembler~ periodiquement. Le mythe d'Osiris dont lesmembres epars etaient Tassembles par Isis .est une imagede ce rythme et de cette aHernance. Pour conclure, cegroupe de sacrifices conlenait en -lui-m~me, abstractionfaite du retonr regulier des travaux agricoles, la conditionde sa periodicite; au reste, eUe est stipulee par la legendequi rapporte 1'institution qui en lut faite. La Pythie pres­crivait la repetitiOl' indetlnie des Bouphouia et des autresceremonies de m~me nature. L'ipterruption etait inconce­vable.

En un mot, de m~me que Ie sacrifice personnel assuraitla vie deJa personne, de memele sacrifice objecW eagene·

1.. Ov., Fastes, IV, 73 sqq.- Properce, Vy:l., HI. - MllJlnhal'dt, W. F.K., II, p. 314 sqq.; Myth. F01'sch., p. '189.

2. Ov., Fast., IV, 639.3. Frazer} Gold. B., II, P' 4a. - Schol. Luc. in Rhein. Mus., 1870,

p. 548, sqq., (E. Rohde). - Cf. cuIte d'Isis 8. Thithorea" voir plus hautp. 58, n.'b.

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LE SACRIFICE DU' DlEU

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1. MannhElrdt,W. F. K.; Mytllologische f01·schungen. -:- Frazer, G~l~den B., I, .p. 213 sqq.,II, p. 1 sqq. - Jevons, Intmduetwn tl) the RlS­tQl'Y. of Beligion. - Grant Allen, The. Evolution' of .the Idea of God,chap. x sqq. --Liebrecht, Ver aufgefressene Got~, In ~Ul' Vollcs~cunde,

p. 436, 439, - Goblet d' Alviella, Les ~'ites de l~ mOl:son, In Rev. Ht~t. d~.s

Relig., :1.898, 11, p. 1 sqq:·- Rob. SmIth, S.acnfice III Encyclop<B~W ~l~­-tannica· Religion of Semites, p. 414 sqq. - Vogt, Congo Intel. dA1­cheol. p;·ehist., Bologne, 1871, p. 32~. Nous ne soutenons pas que toutsacrifice du dien soit d'origine ag.rRlre.

ESSAI SUR LA NAl'UR~ ET LA 'FO~C'rION DU SACRIFICE 103

Cette valeur siuguliere de la victime apparalt claireOlentdans ruue des formes les plus achevees de l'evolution his­torique duo systeme sacrificiel : c'est Ie sacrifice du dieu.C'est eu efIet dans Ie sacrifice d'une personne divine que., ,la notion du sacrifice arrive a sa plus haute expression.Aussiest-ce sous cette formequ'elle a penetreles plusgrandesreligions et qu'elle y a dOnne naissance ades croyances et ades pratiques qui vivent encore.

NOllS allons voir comment-les sacrifices agraires ont pufournir un.poiut de depart acelte evolution. Mannhardt etM. Frazer' ont deja.' bien vu qu'i! y avait d'etroits rapportse'ntre Ie sacrifice du dien et les sacrifices agraires. Nous-,nereviendrons pas sur les points de la f[uestion qu'i!sonttraites. Mais nous cherch-erons, a l'aide de quelques faitssupplementaires I it mont.rer comment celte forme dusacrifice se rattache a~ fond m~me du mecanisme sacrifi­cie!. NotreefIort principal tendra surtout a determiner la

. part considerable que Ii mythologie a prise a ce develop­pement.

Pour qu'un dieu puisse ainsi descendre au role de vic­time, il fautqu'il y ait 'luelque allinite entre sa nature etcelle des victimes. Pour qu'il vienne se somnettre a. la des­truction sacrificielle, i! faut qU'i!' ait son origine dans Iesacrifice lui-m~me.Cette condition paralt, a. certains egards,

MELANGES D' HlSTQIRE DES RELIGIONS.

-ral, etle sacri-fice agraire en particulier -assure~t la viereeUe et saine des choses.

Mais, en general, Ie clm3monial des- sacrifices agraires,dont nous venous d'analyser un type, a ete surcharge derit~saccessoires, -op biendlmalure suivant l'interpretationqu'ont pu recevoirtelles ou telles de ses pratiques, II s'y mMegeneralement des rites magiques dela pluie.et du solei! :on noie la victjme, ou 1'0n fepand de ]~eau surelIe; Ie feu dusacrifice, ou des feux speciaux representent Ie feu du soleHi.D'autre part, i! est arrive que, les rites de d~sacralisation

(de I'objet, du sacrifiant) prenant une place preponderante,'Ie rite tout entier pOl;IvaH recevoir l comme 1'a nlontreM. FFaze~', Ie caracter~ d'nn veritable sacrifice expiatoire 2•

L'esprit du champ qui sortait de la victime yo revMait lesespeces'd'un bone emissaire 3 . La'fMe agraire devenait nnefMe de Pardon. Souvent, en Grece, les lIIythes qui racon­taient !'institution de ces fMes les l'epresentaient coml)lel'expi~tion' petiodiquede crimes originels. C'est encore Iecas des Bou.phonia 10.

Ainsi, d'un seul sacrifice agraite, toute une masse d'effetspenven~ sartiI'. La valeur de Ia vicli~e d'un sac!ifice-solen­nel etait telle, la force expansive de la consecration etait sigrande, qu'i! etait impossible d'en limiteral'bitrairementl'ellicacite. Lavictime est un centre d'attraction et derayonnement. Toutes les choses que Ie sacrifice touchaitrecevaient leur part de son influence. Mais suivant ]'etat, lanature, les besoins ,des personnes au des objets, les efietsproduits par un rite unique pouvaient difIerer.

1. ~?jr Marillier, Rev. Hisi. Relig., 189S, I, p. 209. I Rois, XVIII, 19 sqq,2. Frazer, Gol~. B., I, p. 384.

3. Pharmakos (Tllm',qilics), Bouliruos (PI: Qu. Symp., VI, 8, 1); Argeia Rome (Marquardt, p. 191) ; Maunhardt, Myth. ForselL., p. 1315.

4. cr. les Thargelies, expiation de Ill. "mort d'Androgee; Grnppe. Gr'.Myth." p. 37; les Kar'neia, do _celIe de Kamos, elc. - cr. legencle- deMelanippe- et de ComaHho iL PaLl'as (Pans., VII,_ :1.9, 2 sqq.)

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,'!

. i. il arrive'm~me-qu'on;place, sacrifice bien elementaire, des vic­Luailles, etc. Mannhardt, W. F. K., I, p. 21.5 .

2. Mannluirdl, W. F. K., I, p. 350, 363. ',---, Frazer, Gold. E., I, 38i sqq. ;n, p. 21., 1.83 sqq. ~ Perph.,D. Abst., II, 27. .

3. Cf. Frazer, Gold. B., p. 360.

ESSAI SUR LA NA.TURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE 105

vague et impersonnel. Pour que sa personna.lite s'accentue,il faul que les liens quil'unissent aux champs serelachent;el, pour cela, il esl necessaire que la victime elle-memelienne de mains pres aux chases qu'elle represente. Unpremier pas esl fail dans ceUe voie quand, comme ilarrive sonvent, la gerbe consacree rec(}it Ie nom Oil m@;mela forme d'un animal on d'un homme. Parlois ui8me,comme pour rendre la transition pIns sensible, on y rell­ferme 1 un animal vivant, une vache, un bOlle, un coq,parexemple, qui devient la vache, Ie bouc, Ie coq de la mois- .SOll. La victimeperd aiosi unepartie de son caractereagraire el, dans la meme mesnre, Ie genie se delache deson support. Celte independance s'accroil encore quand lagerbe est remplacee par une victime animale. Alors, Ierapport qui l'unil avec ce qu'elle incarne devienl a la longuesi lointaiu qu'il est parlois difficile de I'apercevoir.Seule, la comparaison a pu decouvrir que Ie iaureau ellebouc de Diooysos, Ie cheval au Ie porc de Demeler etaientdes incarnalions de la vie des bles el des vignes. Mais ladifference est surtoul marquee quand Ie role de viclime estassume par un homme 2 qui y porte sa propre autonomie.Alars Ie genie devienl une personnalite morale qui a unnom,_ qui commence aexister dans la h~gende en dehors desfHes el des sacrifices. C'est ainsi que, peu a peu, l'ame,la vie des champs devient exterieure aux champs 3 et s'in­dividualise.

Mais a cetle premiere cause, une autre s'esl ajoulee. Lesacrifice determine, par lui-m8me, une exaltation des vic­times qui va jusqu'a le.- diviniser. Nombreuses sont leslegendes au se tronven! racontees de ces apotheoses. Her-

. cule n'Mait admis dans l'Olympe qu'apres ~on snicide sur

MELANGES D'HISTO~RE DES· RELIGIONSjo~,

!. NOllS r~servons evidemment Ie cas des animaux totems.

.2. Voir dans Mannhardt, !(o1"ndamonen, BerL, 1.868; W. F. K. elMythol.F01"Sch. et daDS Frazer, Gold. B., l. II, les itmombrables faits cites-: 1avictime,le genie du champ, la derniere gerbe portent Ie m~me nom. Noussuivons ici leui' expose. . - - _

"¥C- •• '

remplie dans tous les sacrifices; car Ia ,vidime a tonjonrsquelque cbose de divin que degage Ie sacrifice. Mais nnevictime divine n'est pas n,ne victims dien f. II ne faut pasconfoudre Ie caractere sacre que revMent les chases reli-

_gicoses avec ces personnalites definies, qui font I'objet demythes et de rites egalement definis, et qu'on appelle desdieux. Dans] es sacrifices objectifs, il est vrai,. nous avo'usvu deja se degager de la victime des Mres doni la pbysio­nomie elait plus precise par cela senl qu'ils litaien I attacMsa un objel of a- nne fonction determines_ Meme, dansles sacrifices de construclion, I'esprit liMre est devenupresque nndieu. Cependant, ces personnalites mytbiqnesrestent e~ general vagues -et indecises. Ce soot les sacri­fices agraires dans lesquels elles arrivenl a leur plusgrande determinalion. lis doivent ce privilege a differentesc~uses.

~o premier lieu, dans ces sacrifices, Ie dien et la vic timesacriMe sonlparliculieremenlhomogenes, parce qne )'objetdu sacrifice et Ia vic time peuvent 8tre,identiques au aisementidentifies. L'esprit du ble est presque indistincl du ble quinncarue. Au dieu de I'orge, on offre des victimes faites deI'orge dans lequel il reside. On peul des lars prevoir que, parsuite de cetle homogeneite el de la fnsion qni en resulte, lavictime pourra communiqueI' a l'esprit son individualite.Tanl qu'elle esl simplement la-premiere gerbe de la mois­son oules premiers fruits de la recolt,;, I'esprit resle,comme eUe, une chose essentiellement agraire 2, Hue sort

. douc du champ que pour y rentrer aussitM; il ne se con­cretise qu'au moment preciso-u il seconcentre dans la vic­lime. Des qu'elle eslimmolee, ilse diffuse de uouveau danstoute I'espece agricole dont il failla vie el redevient ainsi_

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1. En Lusace l'esprif qui viva-it ~o.ns les bles elait appeM Ie mort.Frazer, iJold. B., I, 265 sqq. Cf. Mannhardt, W. F. X., l,p. 420.Ailleurs on 'figuro.it 10. no.issance du genie en donno.nt it. Ill. dernieregerbe, aux premiers grains, Ia forme d'un enfant ou -d'un petit animal(Ie corn-baby des auteurs anglais): Ie dieu naissait du sacrifice o.graire.Voir Mannhal'dt, Myth. F01'sch.,· p: ti2·sqq. - Frar.er, Gold. B., 1,p. 344; H,p. 23 sqq. (Naissance ,des dieux : de Zeus sur J'Ida).Gruppe, G1'iech. Myth., p. 248. - Lydus, De Mens., IV, 48. - VoirPausan.} VIlI, 26, .i, pour 18. DnisSance d'Athena iJ. Aliphem el Ie cuHQ'de Zeus AEX.d_'t"7j~ (en conche). - Soma est rIe meme fort souventappeIe un jeune dieu, Ie plus jenne.des (Heux (comme Agni). Bergaigne,Rel. Ved., L p. 244. '

ESSAI SUR LA NATURE El' LA- FONCTION DO" SACRIFICE tol

monie n'avait pas simplement ponr effet d'incarner Ie genieagraire. Il naissait an sacrifice m~ine1._ Or, etant donnequ'il n'y a pas lieu de d·istinguer les demons des victimesagraires, ces faits sont precisement des exemples de ceque nous avons dit- apropos de la consecration et de ses

. ellets directs, L'apotheose sacrificielle n-'est pas autre choseque Ia renaissance de la victime.Sa divinisation est un casspecial et nne forme snperieure de sanctification et deseparation. Mais cette forme n'apparalt guere que dansIes sacrifices ou, par Ia localisation, Ia concentration, 'l'ac­cumulation d'un caractere sacre, In victime se trouveinvestie d'an maximum de saintete que Ie sacrifice orga­nise et personnifie.

Voila Ia conditioll. necessaire pour qne Ie sacrifice dudieu soit possible. Mais ponr qri'il devienne nne realite, cen'est pas assez que Ie dien soit sarti de la victime : iL fautqu'il ait encore touLe sa nature diVIne au morn-ent oil il 'rentre dans Ie sacrifice pour devenir victime lui-m~me.

C'est dire que la persounification d'ou il est resulte doitdevenir durable et necessaire. Cette association indisso­luble entre des iHres ou une espece d'Mres et une vertusurnaturelle est Ie-fruit de la periodicite des sacrificesdont iL s'agit precisemenl ici. La repetition de ces ceremo- .nies, dans lesqtlelles, par-suite d'une habitude ou pour toute-autre raison, nne meme victime-reparaissait a intervallesregulier~, a cree nne sorte de personnalite continue. Lesacrifice conservant ses effets se~ondaires~, Ia creation de Ia

MELANGES n'RISTOJRE DES RELIGIONS106

1. Arnoh., Adv. nat., V, 5 sqq.(MyLhe d'Agdistis qui oblient de: ZeuslIue Ie cadavre d'ALtis ne se corrompe pas). - Julien, 01'., V,p. 180.

2. Phil. Byblas, ed. OrcHi, 44.3. ·-Roscher, Lexilwn, art. Ika1'ios.4. Chavero, Mexico,- etc., p.365.

tio Cod. Ra.mire.z. Relation del 01'igen de-los Indios, ed. Vigil., 1). 28. ~Sll.hagun, Hlstm'la de las cosas da N. Espana, Jr, U et 30.

6. -Bancroft, Native Races of the Pacific Stal~s, II, 3i9 sq<f.; Cf. Frazer,Gold. B., II, p. $21..

7. Firmiclls Maternu~, De el'I'Ol'e pl'ofanlu'um l'eligionlt"ln, 6. _ Rohdc,Psyche, II, p. 166. - Frazer, PaltMnias, t. V,p. 1-13.

8. Phil. Bybl, (ed. GreW), 34.. - Cr., peut-etre, Bull. COl'. Hell, 18!J6.p. 303 sqg. I-nscript. de ]J:I-B~rdj : (hWeEWO~'1't"O~ S'I 't"qJ H~7j't"L '- .

9. Mannlmrdt, W. 1/. K., H, p. 320.

1'0eta. Attis' et Eshmoun ' furent auimes apres leur. mortd'une vie divine. La constellation de la Vierge u'est antreqn'Erigone, une deesse agraire qui s'Mait pendue '. AuMexique, un mythe rapportait que Ie soleilet la luneavaientetc crees par un sacrifice!"; Ia deBsse Toci, la' me.redes dieux, etaitegalement presentee comme une femmequ'un sacrifice anraH divillisee ii • DansIe m~me pays, 10rsde la fMe du dieu Totec, ou I'on tuait et depouillai·t descaptHs, un prMre revMait la pean de I'nn d'eux; il deve­nait alors I'image.du dieu, portait ses ornements et son'eostnme, s'asseyait sur un tr6ne et reeevait a la place dudien les images des premiers frnits '. Dans la legende cre­toise de Dionysos, Ie camr du dien, qni avait ete massacrepar lesTitans etait place dans un xoanon ou if devait Mreador<" '. Philon de Byblos emploie, pour exprimer l'etatd'Oceanos, mutile. par SOIl fils Kronos, une expression biensignificative : «( il.· fut cOllsacre ), &:1ltEpWe-fj 8. Dans ceslegendes subsiste la conscience obscure de la vertu dusacrifice. La trace en persiste egalement dans les rites. Par

. exemple, a Jumieges, au Ie r61e de genie annuel de la vege­tation etait tenu par un )lOmme dont l'office durait un anet commen9ait a la Saint-Jean, on feignait de jeter Ie futuroLoup vert dans Ie feu du bucher ; apres cette feinte execu­tiOIl, son predecesseur lui l'emettait ses insignes u , La cere-

I~'

I·I'"'"!'::'" .

Page 79: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

ESSAI su~ LA NATURE lilT LA FONCTION DU SAcnH'ICE1.09

4. D,0et1'." chap. 11; d. Bergaigne, Rel. Ved., I, p. 1.01 sqq.

2. Voir .osener, Stoff d. G1'ieeh. Epos, III; Gottliehe Synon.,_v. C. R.,Annee, so1!lologique, 11, p. 251 sqq.

3. Los episodes mythiques sont generalement BoIidaires des ceremonies'~'ituelles, p. 251., sq. Cyprien raconte qu'il avait eLe, daDS sa jeunesse,figueant de Ill. opcb:.ov'ro,;; Opl'lI-lCL'rolJpyla, U. ~nLioche {Confessio 'SS. Cy~

vriani, in AA. SS., sept. 26, t. VII, p. 205). Sue la figurati6n du combatd'Apollon contre Python It. Delphes, voir Frazer, Pausanias, III, p. tl2,LV.p.2".

4. Cyrille,Adv. Julian., X, p.342, D. - Diodore, VI, 5, 3.

;;.- Mannhardt, W. F. Ie., II, p. {as, cf. p. 149.

6. Clermont-Ganneau, La-·stele de Byblo8 in Bibl. Ee. Rautes Etudes,44, p. 28. - Eerdmans, Del' U1'Sp1'ung de1' Ceremonien des Rosein Festes,Zeilseh1". f. Assyrologie, 1894, p. 280 sqq,

sortis d'un sacrifice.lIj:. S. Levi a explique Ie rMe quejouent les rites sacrificiels dans I. mythologie hrahma­niqoe ' . Voyons comment, plus specialement, I'histoire desdieux agraires est lissee sur un lond .de rites agraires. PourIe montrer, nous aUons grouper quelques types de legendesgrecques et semitiques, voisines de celie d'Allis et d'Ado­nis, et qu(sont autant de deformations du tMme dn sacri­fice do dieu. Les unes sont des mythes qui expliqoent I'ios­titulion de cerlaines ceremonies, les autres sontdes contes;generalement issus de mythes semblahles aux premiers '.Souvent, lE~s rites commemoratifs qui correspondent aceslegendes (dramas sacres, processions 3, etc.) n'ont, a notreconnaissance, aucnn des caractjjres du sacrifice. Mais IetMme du sacrifice du dien est on motif dont l'imaginationmythologique a librement use.

Le tom beau de Zeus en Crete" la mort de Pan " celied'Adonis sont assez connus pour qu'il suffise de les men-,tionner. Adonis a !aisse dans les lilgendes syriennes desdescendanls qui partagent son sort 6. Dans quelques cas, ilest vrai, les tombeaux divins sont peut-etre des mOllumentsdu cuIte des morts, Mais plus souvent, it notre avis, Iamort mythique du dieu rappelle Ie sacrifice ritoel; eUe estentouree par la legende, d'ailh~drs obscure., mal tra!1smise,incomplete, de circonstances qoi permettent d'en dillermi­ner la veritable nature.

MEf,ANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONS,108

Mais c'est I'imagination des createors de mythes qoi aparacheve l'elaboration du sacrifice do dieu. En. effet, eUea donne. d'abord un etat civil, one histoireet, partant, unevie pins continue a. la personnalite intermittente, terne etpassive qui naissait de I" periodicite des sacfifices. SanscompteI' qu'en la degageant de sa gangue terrestre,. eUe l'arendne plus divine.. Parfais m~me,on peut suivre dans Iemy the les differentes phases de cette divinisation progres­sive. Ainsi, la grande fMe dorienne des Karneia , celebreeen l'honneur d'Apollon Karneios, avait ele instituee, racon..,tail-on, pour expier Ie meurtl'e du devin Karnos tue parl'Heraclide Hippotes '. Or, ApoUon Karneios n'est autre queIe devin Karnos dont Ie sacfifice est accompli et expiecomme eelili des Dipolia ; etKarnos lui-mt'lme «( Ie cornu 2»

seconfond avec Ie heros Krios {( Ie b~lier3 »J hypostase d~la victime animale pfimitive. Du sacrifice. du belier lamythologie avait fait Ie meurtre d'on·Mros et eUe a~aitensnite transIorme ce dernier en grand dien national.

Cependaot, si la mythologie a elabore la representationdu divin, eUe n'a pas travaille sur des donnees arbitraires.Les mythes conservent la trace de leur origine : un sacri­fice plus 00 mbins denatore forme l'episode central etcomme Ie nOyau de la vie legendaire des dieuxqul sont

.1. ·TMopompe, fr.:171 (8. H. G., I, p. 307). - Pausan., nI, 13, 4.Omomaos dans ~Eusebe" P1"aep. Ev., V, 20,3, p. 21.!:!. - ce. Usener,Rh. Mus, LIII, 309 sqq. -Cf. pour une h~gende du merne genre id . RhMus., LUI p. 365sqq. . ., .

2. Voir Hesych,s. v.3. Paus., III, 13, 3, 8qq.

divinite est l'amvre des sacrifices anterieurs. Et ceci n'estpas un fait accidentelet sans portee, pUisque, dans unereligion aossimetaphysique que Ie chfistianisme,lafigore del'agneau pascal, victime ha~itoeUe d'oo sacrifice agraireau.pastoral, a persisle et, sert encore aujourd'hui adesignerIe Christ, c'est-a.-dire Ie dieu. Le sacrifice a foorni les ele~

ments de la symholique divine.

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On lit dans la lablette assyrienne de la legende d'Adapa':«( De la terr.8 ont disparu deux dieux; eest ponrqnoi jeporle Ie vMemenl de deui!. Quels sont ces deux dieux? Ce

,sontDu-mU....Z'1t et Gish~zi-da). La mort de Du-mll-zu est unsacrifice mylbique. La preuve en est donnee par ce faitqu'Ishtar, sa mere eLsoD epouse, vent Ie l'essuse-iter 2 enversant sur son cad~vre de l'ean de ]a source de vie qo'elleva chercher aux enfers; car elle imite en ceIa"les rites decertaines fMes agraires. Quand I'esprit du champ est mort

, ou a ete mis a mort, on jette son cadavre a l'eau.ou on 1'a8-perge d'eau. Alors; soit qu'il ressuscite, soit qu'un arbrede mai ~e dresse SUf_sa tombe, Ia vie renaH. lei, c~est I'eanversee sur Ie cadavre. et la re.;urrection qui uous determi­nent a."-assimiler ]e dien mort. a Ull.e vic time agraire; dansIe mytbe d'Osiris, c'est la dispersion du cadavre et I'arbrequi pouss"a sur Ie cercueil". A Trezl'me, dalls Ie p~ribole dutemple d'Hippolyte,on commemorait par uue fete anuuelleles A~06~oA~a;, la mort des deesses Damia et Auxesia, viergesetrange-resJ veDues de Crete, qui avaient ete

1suivant.la tra­

ditiOIi, lapidees dans une sedition ", Les deesses etrangeressonll'etranger, Ie 'passaul qui joue souvent un rOle dansles fMes de la moissou ; la lapidatiou est un rile de sacri- .flee, .Farfois, une simple blessure dU dieu equivaut a samort annuelle. Belen, ditune legeude, endormi dans Ie Blu­menlhal, an pied du ballon de GuebwiIler,fut blesse au piedpar u~ sanglier, eomme Adonis; de ehaque goutte dll sangnaqmt.une fleur 5

J symbole de la nature vivifiee.La mort du dien est souvent un suicide, Hereule -sur

•. 1. Harp~r, Die Bahylonischen Legenden von ELana, Zu, Adapa (De­

htzsch, Betl1', z. ASSyl'., II, 2, 1. 22). - cr._ Stucken Astralmythen IILot, p. 89. " ,

2. Jere~ias, D.ie. Hi.iUenfah1·t del' lslita?' cr. La purification du cadavredans Ie rItuel vedlque, p. 59, n. 2).

3. ~Iu~., De lside el Osi1'ide,§)3 sqq. - Frazer, Gold. B., I, p. 301 sqq.-: ~~mlCUS Malernus, De E1'1'. pro(an. Relig., 27, enseveIissementd Dsms dans les mysb~res Isiaques.

4. Pfl:us" II, 32, 2.

5. Fournier, VieiUe~ coulumes des -Vosgps, p. 70.

I j

ESSAI SUR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE Hi

L Clem. Rom. , Recognitiones, X, 24. Cf. Herod., VII, 167. - Movers,PhtJnizier, I, p. in3, 155, 3Q4-sqq. - Pletschmann, Gesch. d. PhOni:.;iel'.- Rob. Smith, /Jet. 8em., p. 373, n, 2.

2. O. Miiller, Rhein. Mus., 1829, p. 22-39. Sandon und Sardanapal.3. Usener, G-iJltel'namen, p: 239 sqq. .4. Voir plus haul, p. 106,

5. Plu~., Qu. Gmec., 12.-6. Paus., IX, ,34, 2.

1'0eta, M:elkarth a Tyr', Ie dieu Sandes ouSandon a Tarse',Didon a Carthage s'etaient brules eux-m8mes. La mort deMelkartb elait commemoree par une fMe cbaque ete; c'etaitune fete de la moisson. La mylbologie grecque connait desueesses qui portaieul Ie titre d'A,,~y)(of"'~' c'esl-a'dire dedeesses « peudues » : lelles Artemis, Hecate; Helene". AAtbenes, la deesse peudueetait Erigone, mere de Slaphy­los, heros du raisin '. A Delpbes, elle s'appelait Charila;'Charita, disait Ie conte, etait uue petite fille qui, au coursd'uuefamine, etail allee demauder au roi sa part de la der­niMe dislribution; battue et cbassee par lui, elle s'etailpendue daus un vallon ecarte. Or une fMe aunueIle, insti­tuee, dit-on, sur I'ordre de la Pylhie, etail celebree en sonbonneur. On commen~ail par une distribution de ble;puis ou fabriquail une image de Cbarila, ou la frappait, onla pendail et on I'enterraiL Dans d'autres legendes, Ie dieus'inflige uue mutilalion dout, quelquAfois, il meud. C'eslIe cas d'Attis etd'Eshmonn qui, poursnivi par Astronoe, sem-utila avec nne hache,

C'etait souvent un fondaleur du culte ou Ie .premierpr~tre du dieu dont Ie mytbe racontait la morL.Ainsi, a HOIl,Iodama, sur Ie tombeau de laquelle brl1lait un feu sacre,avait eete pr~tresse d'Albena Honia". De m~me Aglaure,it Athenes, dont les Plunteries etaient censees expier lamort, avait ete prMresse d'Alhena. Ell verite, Ie prMreet Ie dieu ue ~onl qu'un seul et I?~me Mre. Noussavons, en elIet, que leprMre peut elre, aussi hien que la-vietime~ uoe inearnalioll du diea; souvent il 5e deguise ason image, Mais il y a hi une premiere dHlereneiation, une

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MELANGES D'.HISTOIRE DES RELIGION'S110

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ESSAI SUR LA NATURE' ET LA FD-NCTION DU SACRIFICE H3

Ie meme objet'. La victoire d'un jeune dieu contre unmonstre antique est un rite du printemps. La tete de Mar­duk,au preIllier jour du Nisan, repetait sa victoire eontre'fiamat'. La fete de saint Georges, c'est-a~dire la delaite dudragon, etaitcelebree Ie 23 avril ': Or, c'etait au printempsque mourait Atlis. - Eulin, s'il est vr!!-i, comme Ie rap­porte Berose, qu'une version de la Genese assyrienne mon­trait Bel se coupant lui-merne eu deux pour donner nais­sance au monde, les deux episodes apparaissent concur­remment daus la legende du meme dieu; Ie suicide de Belremplace son duel avec Ie Chaos '.

Pour completer la preuve de I'equivalence de cesthellles;disons qu'il arrive souvent que Ie dien meure apres sa vie­toire. Dans Grimm (Maerchen, 60), Ie heros, s'etant endormiapres sa lutte avec Ie dragon, est assassiue; les animauxqui I'accompagnent Ie rappellent a la vie '. La legended'Hercule presente la meme aveuture : apres avoir tueTyphon, asphyxie par Ie soullle du monstre, il gisait ina­nime; il ne fut ressuscite que par IoIaos avec I'aide d'unecaille '. Dans la legende d'Hesione, Hercule etait avale parun cetace. Castor, apres avoil- tue Lyncee, etait tue lui­meme par Idas'.

Ces equivaleuces et ces aHernances s'expliquent facile­ment si 1'0n eonsidere que les adversaires mis en presencepar Ie theme du combat sont Ie produit du dedoublementd'uu merne geuie. L'origine des mythes de cette forme a ete

MAuss-HUBERT.

1. Fete do ZAG-MU-KU (t"ish-shatti, commencemont de l'i:l.uneeJ. voir'Hagen, in BeitJ,. z. ASSyl'., II, p. 238.'- W. A. I., IV. 23, 39 sqq. - cr.Parmentier, Rev. de philol., 1SD7, p. 142 sqq.

2. Clermont-Ganneau, Rev. A1'cMol., 1876, XXXII, p. 387.

3, Eusebe, Chl'on., ed. Schone, I, p. 1.4, 18.

4. cr. Sidne-y Hartland, The Legend of P~l·seus. In, pour Ie mythe duheros. endormi et les equiva~ents. ~ De m~me Indra lombe epuise apl'essa Inlte contre-Ie demon Vrlra, ou bien s'enfuil, etc. La meme legendeest rllcontee de VUn;m, etc. ' .

ti. Eudoxos, dans Athene~, IX"392 E. - Euslathe, II., 1702.50.

6. Hygin., fab. 80,

-,

L Et pO'Qrtant il y a des cas ou les trois p~rsonnn.ge~ divins Bonttues tour a. tour, ainsi dans Ie my~he de Buslrls at de ,Lltyerses. (~oy.Ma.nnhardt, Myth. Forsch., p. 1, sqq.) ; l'etranger est tl~e. par BUSIrls atLityerses, c.eux-ci sont tues par Bareule, et Hel'cule se sUlcldero. plus tard.

2. Haltivy, Rechet'ches bibliques, p. 29 sqq. - ~ensen•. Kosmologie,p. 263·364. - Gunkel, SchOpfung und Chdos. ~ DehtJl<sch, Das Babylon_WeltschOpfungsepos, 189li.

3. Cler~ont-GannefLu, Hm'Us et Saint-Oeorges. Rev. Archeol., 1876, II,p. 196, 372; 1B77~ I, p. 33; Bibl. Ec. Hautes Et., t. XLlV,-p. 78. 82.

4. Stengel, op. cit., p. 101. sqq.

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. , .-

i:t2 MELANGES n'UISTOIItE DES RELIGIONS

. sorte de dMoublement mytbologique de I'Mre divin et dela victime '. Grace a ce dMoublement, Ie dieu paraltechapper a la mort. . .

C'est aune difl'erenciation d'une autre sorte que sont dusles mythes dout I'episode central est Ie combat d'uu dieuavec.un mODsll'e Oil un autre dietl. Tels sont, dans lamythologie babylonienne, les combats de Marduk avecTiamat, c'est-a-dire Ie Chao~' ; de Persee tuant la Gorgoneou Ie dragon de Joppe, de Bellerophon luUant contre laChimere, de Saint-Georges vainqueur du Dadjdjal'. C'estRussi Ie cas des travaux d'Hercule et eulin de toutes lestheomachies; car) dans cas combats, Ie vaill~.u est aussidivin que Ie vainqueur. .

Cet episode est I'uue des formes mythologiques du sacri­fice du dieu. Ces combats divius, en etIet, equivaleut a lamort d'un seul dieu. lis alteruent daus les memes fetes'.Les jeux Isthmiques, celebres au priutemps, commemoreutou la mort de Melicerte au la victoire de Thesee sur Sinis,Les jeux Nemeens celebrent ou la mort d'Archemoros oula victoire d'Hercule sur Ie Iiou de Nemee. - lis sontaccompagues quelquefois des memes incidents. La delaitedu mODstre est suivie du mariage du' dietl, de Parsee avecAudromMe, d'Hercule avec Hesione; la fiancee exposee aumonstre et delivreepar Ie heros n'est autre, d'ailleurs, quela Maibra"t des legendes allemaudes poursuivie par lesesprits de la chasse sauvage. Or, dans Ie culte d'AUis, Iemariage sacre suit la mortet la resurrection dU.dieu. ­lis se produisent dans des circonstances analogues et ont

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ESSAI sun LA NA'fUlllll ET ~A. FO!'iCTION :PU SACRIFICE it!)

qn~lois, la lutte snrvenait entre nn.ouele el san peveu, pumeme ~.p~re nn pere et soil lils'·, A defa!!~ de cette paren~e, une antre relation "nit los

aoteurs dn !lrame e~ m"lltre leur identile fondamentale.L'alliLual sacre de Persee a Seripbos !\tait Ie craPe, Ie'"1""\ '. Or Ie crabe qui, flailS 1'1 legende ~Ie SeripqQs,etaill'en\lemi dlll10ulpe, seioint it l'bydre de Lerne, qlliesl nn ponlpe, ponr combatlre I!ercule. Le arape, commeIe scorpiou, es~ lant6t I'allie, taptOt I'enllemj dn dieusolaire; an total, Cn sonl des .for",es du meme dien, Lesbas-reliefs mjthriaques rnonlrent J\Iithra cpevancbant Ielaqrean ",,'il va saerjfier, Ajnsi Persee montait pegase, lledn sapg clcla Gorgqqe {.e monstre un l'animal sacrifie ser­vait de montqre all !lien yjctorienx avantou apr~s Ie sacri­1Iee. j!;n sOm!!'o, les ~Iellx dieqx de la lutte on de 1'1 ahasse!llythique sont des cojlabm''1teqrs. Mithra at Ie tanrean, flitPqfpbyre, sont d~miqrges au lllelUe titre"

Aim;i Ie sacrflian avait mod"il dans la myUlQlogie nneinjillite fie rejelops. D''1pslr'lctiou ~ll a!>straction, il ;,taitqevellu I'un des lhe'.l1e~ fondalllentanx des legendes

•1. Gineu:'! at les fils d'Agl'ios. Usener; Goll. Syn. {Rh. Mus., LUI,p.3751·

~~ Tiiwpel, I!~1' ~~~ra,~!l:~ de~ -fel'MUS ~u P'~{lqlo9,¥;8,-. ~ep';~ f~lge, va,p. oU. - Cf. Stucken, Astmlmythen, I" Abl'aJ;tam, 233 sqq. .

3: POl'phyl'c, '.Antl". Nymp~t., 24. - Dl1l'mes~etel', 01."ma!z-d et Ahl'ima~,p. 321 sllq. ~ Il ",11 sa:p.s dire ,que Jes e:q:thCil.t;ons sYJ;DboUques (ex. :G:l'~ppe, Gl'tecl~. Cult. und, ~yth., p. 15::1 sqq.; ~r1tzel', (Jolci. B.. I

.p. 40:9) ne sauraient convenil'. Le symbole' n'est qu'une explication a~r~~cqup. ~t d~ wythe et d-q. rite. E~ effet, ~~s Uigeudes sQQt ai natur!Jlh~7.

me~.t ~acr~fic~e~l~s ql!'elle~ peu.vent e~re. remlll~ce~~ par des e.pisode~ ~iIIe dICU offre IUl-m~me un sacnfice. Ex. : legend~·de-'Pe.rsee (Pausan. deDamas, frg. 4) : Persee otfl'e un sacrifice, pour faire ceSSet' une inonda­tion (Ieg~nd? ~'inL~oduction prob~b~ement r~c~nl~ dans Ie c,l,cIe);Iegende d Arlstee (DlOd" IV, 81-82): Anstee sRcrlfie pour fail'e cesser unepeste (autre legende, Virg., Georg., IV, M8 Bqq. cr. Mil-as, fh·ph.~ul{ p. 278­297; .Gruppe, GJ". Myth., p. 249, Q. 2;, pprph~r6), AntI'. Nymph., c. XYlII).

Cf. ho~ de Samson tIuges, XIV, 8). Sur Ie sacrifice mithriaque, yoirCumont, .Textes el Monum 'ret. au culte de Milhm, passim; Darmesteter,91'1ftaz/(_e.l A(~ri1{lij~, pO. 1.50, p" ~5~; sur ~~§ l1~fl~x sa~r~p:~nts, da,nslInde v;edlqu~. equlva.I~;J.ts ~Wf dleux lu,tt~'qrs, ou lllttant it. l'aide flusacrifice, voir S. Llhi. Doell'., 11.

U4

1. cr. Usener, Stoff d. Griech. Epos.'!. K. 2801.1 (Beitl'. z. Assy?'., III, p, 228; ib, II, p. 258, 2;)9). - K. 21)85.

[email protected] jU.g6 des Anunna~{is. -:- K.~,6Qq> ~tll,rHI, 'll;lt;lllr,tr~er deB ~n:un-:nakis. -

3. cr. Talni, Bab., Ghalin" 1'01. 91 T. - Haarbriicker, Schah1'astulli,Religionspul.teien lind Philosophen$chulen, Halle, i8M, p. 5 ~qq~"

4. Parlhey, Pap, Bel'l., 1, v~ 32~ ~qq.

5. Martianu~ Capel~Q., De nv,ptib.l f~~~l!lo~i~ el ¥1!"Cl(1"ii~ ~!, ~~,

6. W. A. I., IV, 21,1 c.7. Id., -14, ~: Rev. 9 : <!ibil, WCX7' apsi (Ills de l'~bime).

8~ [q.~ ~~, 1,' olJv. pQ~

9. Cf. Usonor, Stoff, etc., II : Thel'site =Pharmllkos Il:~cuse par Achilled'o.voir derohe les coupes d'Apollon et mis a. mort; et d"autre·part Ther­site = Tft~1'itqs -== .;\-m~Uo,n.

10. Stucken; Asb"almythen, 11 .. Lol.

g~oeral~-meq~ QubHee; ils. sont preseutes comrue des Gom­bats meieQrologiqn~s ~ulre les djeux de la lumi~re et ceuxdes tenebres QU de I'a])(me', eulre les dieu)' du ciel etceu)'de J'enfer. Mais Hest e1<tre!!,emeut difficile de distinguer

. avec neltet". Ie aaraat"re de ahacun des combattants. Gesont des etres de JOe!!'e natnre, donI la diflerenciation,accideu~elle et instable, appartient a l'imagillation relicgiense,Lenr parente apparalt pleinemeut dans Ie paulMon

. assyrien. Ashshur et Marduk, diem' solaires,sont les roisdes AuunQakis, les sept fliwx del'ahlllJe '. Nergal que I'onappelle quelquefois Gibil, pieo du feu,. porte ailleurs nunl1mf!e:p1ous1re illferIml. QlIaut aux sept dieuJ( de I'ablme,il est !lifli~He, surtoul l'Ians les IJlYthologies qni snccederent~ !a ffiyt!1Qlogie assYrieune, de les distinguer des septdieux planelair'" execuleors des voloptes celestes", Bie·uayaJlt Ie syucrMisme gnico,rQqwiu qni fajsait dn soleilIe waHre de J'J\des' et rapprochait l\Iithra de Pluton et deTyphlm', les tal>lettes assYJiepues disaient que Mardqkgooverne I'ablme " que Gipil, Ie feu', et Mardnk Inicmemesonl fils de I'abime '. Eu erNe, les Tilalls qui mettaient amort P\uuysos etaiellt ses pirenls". AilIenrs, les dieuxennemis etaient des fr~res, son'vent des jnmeanx ", Quel-

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Page 83: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

ESSAI 'SUR LA NATURE ET· LA ImNCTION DU SACRIFICE 117

Mais ici elle est Ie dieu lui-m~me et c'est ceUe identifica­tion qui caracterise Ie ~acrifice du dien,

Mais nous savons que Ie s~crifice se repete periodique'.ment parce que Ie rythme de la n~ture exige ceUe periodi­cite. Le mythe ne fait done sortir Ie dieu vivant de l'epreuveque pour I'y soumettre Ii nouveau et cQ..mpose ainsi sa vied'une chaine ininterrompne-de 'passions' et de resurrec­tions. Astarte ressuscite Adonis, Ishtar Tammuz, Isis -Osi­ris, CybMe Attis et Iolaos Hercule '. Diony~os assassine estcon~u une deuxieme fois par Semele '. Nous voila dejaloin de l'apotheose dont nous avons parle au debut de cechapitre. Ledien ne sort plus du sacrifice q:ue pour y ren,trer et reciproquement. II n'y a plus d'interruption danssa personnalite. S'il est mis en pieces, comme Osiri~ etPelops, on retrouve, on rapproche et l'on ranime ses mor­ceanx. Alors, Ie but pi'imitif do sacrifice est relegue dansl'ombn~; ce -n'est plus un:s~crifice agraire oi un sacrificepastoral. Le dien qui y vient .comme victime existe ensoi,il a des qualites et des pouvoirs multiples. II s'ensuit queIe sacrifice apparalt com me une repetition et ulle comme­morationdu sacrifice originel du dien a A la legende quiIe raconte s'ajoute generalement quelqne circonstance quien assure la perpetuite.Ainsi, quand un dieu meort d'unemort plnsoll moills natur~lle,-un oracle prescrit un sacri­fice expiatoire qui reproduit la mort de ce dien '. Quandun dien est vainqueur d'nn autre, ilperpetue Ie souvenirde sa victoire par l'institution d'un culte '.

II faut remarquer' ici que l'abstraction qni, dans Ie sacri-

1. ct. :Ma.nnhardt, W. F. K., I, p. 358 sq.; 572 sqq.2. Proclus, Hymne ll. Athena dans Lobeck Aglaophamu8, p. 561 ; Abel,

Orphica, p. 235.3. Voir plus haut; p. 108 (Karneia);. voir plus bas, p.H8. cr. Dsener.

GlJltliche,.Synonime ill Rhein. Mus., LIII, .p. 37~.

4. Voir plus ha.ut, p. 1.02, n. 3.5. Ainsi Heracles institue Ie culle d'Athena A1yo(p&:YO'; apres son COlU­

bat contre Hippocoon (Paus., 111,15, 9) ; - apres D.voir j!=lle des bce:ufsde, GeryOD dans Ill, source· KyIlDC, il :ordonne Ie renouvellement de sona.cte (Diod., V, 4, 1,2).

MELANGES n'RIS"rOIllE DES RELIGIONS

1. Mannhardt, W. F. K., I,p. 316._

2. Adv. Julianum, IV~ p. 1-28- D,

3. Parmentier, Rev. de Phil., 1897, p.143 sqq.

4. Exemple.: Alh. Mitth., XXII, ~8 (Pessinonte).

5. Torquemada, Monarquia indiana, VI, 38, (Kinsborongh, VI, notep. 4ii). - Cortez, 38 leUre it Cha.rles-Quint (Kinsborough, VIII, note:p.228).

divines. Mais c'est precisement .l'introduction de cet epi­sode daus la legende d'uu dieu qui a determine lit forina­tion rituelle du sacrifice du dieu. Pretre ou victime, pretreetvictime, c'est un dieu deja forme qui agit et patit a lafois dans Ie sacrifice, Or la divinite de la victime n'est paslimitee an sacrifice mythologiqne; mais elle apparait ega­lenieot dans Ie sacrifice reel qui lui correspond. Le my the,une fois constitlie, -reagit 'sur Ie rite d'o-u il es~ sorti et s'yrealise. Ainsi Ie sacrifice du dieu n'est pas simplement Iesujet d'un beau conte mythologique. Quelle que soit deve­nne la personnalite du dieu dans Ie syncretisme des paga­nismes, adultes ou vieillis, c'est toujours Ie dieu qui subitIe sacrifice;' ce 'n!est pas un simplefigurant '. n y a, dumoins a l'origine, « presence reeUe ») comme dans la IDessecatholique. Saint Cyrille' rapporte que, dans certainscombats de gladiateurs, rituels et periodiques, -un certainKronos (n, Kp6vo,), cacM sous terre, recevait Ie sangpuri­ficateurqui coulait desblessures. Ce Kp6vo, '"est Ie Saturnedes Saturnales qui, dans d'autres rituels, etait mis a mort'.Le nom doone au representant du djeu tendait al'identifierau dieu. C'estpour ceUe raison que Ie grand pretre d'Attis,qui lui aussi jouait 'le rMe de victime, portait Ie nom deson dieD et prMecesseur mythique'. La religion mexicaineoffre des exemples bien connus de l'identite de 1a victimeet du dieu. Notamment a la fete d'Huitzilopochtii " la sta­tue meme du dien, faite de pate de bette, petrie avec dusang humaio, elait mise' en marceaux, par~agee eoVe lesfideles et mangee. Sans doute, comme nous l'avons remar­que, dans tout sacrifice, lavictimea quelque chose du dieu.

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EssAI SUR LA NATURE ET 1:A FtlNctioN DU SACRIFICE U9

hrandt, Ved. Mytltoldgie, f (hjlOse sucCind dli rite hii-ri:uhne, p. 146sqq.}....:;.. Sur Soma. daris les:Bl;lihma.J;lRs j voir S, Levi, Doct1'ine, p.,169._ Le soma, planteannuelle" sacrifice _~~, priole.mps" cf:" p1:us haut,p. 19, h. 1, hoUs iietrihle o.voir surtout servi orIgihaireinent a ~ Hteagraire (v. Berglligilej Rei. Ved.; Ill; -po 8 et 9. n. 1) i il est Ie «( roi desplantes I) des ~e Rg,veda et node brahmanique a pIut~tMiveloppe ceUierna: i'. Hnll~b'hUidt,Ved. Myth., p. 391}. - uneettide complete !iiiBll.crifl.ce du soma n'est pas filite encore; on ci'imp-rend des lars que nOllSn'ayons tente de rien~pp.uyer,Pa.r, des textes, 10, m~tiere etanl i~i in~nie..;.,:,.. Qtiaiit aut ifUerp-retaUons Jiatlliiilistes uu my-the de SOIDa, rtous iiepouvons les discuter tontes, nous les admettons d'ililleurs toutes,'ne lestrouvant nullemenL incdneiliables.

L S. uevi, Doci)'., p; 162; Bergaigne, Rel~ Ved;j HI, 8i, 85; 63 n. 1, elc.,_ Hillebrandt, Ved. Myth. Vipvih'upa, -po 531; etc.

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un 'veritable saeriflM dli dHm. Nous ne pOlivons exposerilli cothmeuL Soma dien se confond aVec 101 plante soina,comment. iI y esL reellement presenl, fii dMrire les cere"monies an milieu desquelles Oti l'amMe et mile reooH surIe Iiell du sacrifice: On Ie potte Sur liu pavois, On I'adore,puis ou Ie presse et ou Ie tue. Alors, de..ces branches preS" .surees, Ie dilm se degage et se repand dans Ie mOilde; lineserie d'attributious distiuctes Ie communiqnent aux dille"rents r~gnes de la nail1re. Celte 'presence reelle, ceUe nais"sance du dieu, succMant il sa Iliort, sOIIt, eu quelqne sOrte,les formes rituelles du mythe. Quant aUx formes putementmythlques qU'a revetlies ce sacrifice, elles sOnt bien cellesql1e nous 'Woos dMtHes pIns hanL C'est d'abort!l'identifi­catton du dieu Soma avec I'ennemi des dioux, Vrtra, IederilOn qo( tetiout les tresors d'immortalite et qU'Indratue': Car pour s'expliquer comment un dieu pouvail :Mretue, on se I'est reptesei1tesous les especes d'Uti deIlion;c'est Ie demon qnl esL mis il mort; de lui sott Ie dien; deI'euveloppe miluvalse qui laretenail, se degage I'essenceexcellente. Mais, d'un autre cMe, c'est bien souvent SomaqUi tue Vrtra;. eli tout cas,' c'est lui qui donne des f~rces aIndra, Ie dleu guerrier, dosthlcteur des demons. Memedans cettainstextcs, ll;est Soma, qui est sOn prOpte sactl­fieateur; on va jusqU'a Ie representet comme Ie type dessactifiCatel1rs ceiestes. De lil au suicide dU dieu la dis-

M~fjANGES D'HIS1'dIRE riES iHcLIlHONSliB

;1' Hoscher.,~exilf~n, . I,' 1059. - Frazer, Gold. B\,p. 328; cf. Hera.Alr0tf&lo~(PI1i.i§., Ill; a, 9).,.-.,2: .Fr~zer,_Gold .. B., n"p, 58 sqq. -. cr. Seidel, FetischfJerbote inrogo..Gl()b_u~, t89S, p. 3~5.

3. Frazer. ib .• II,p. 62: - Cf. Diad. ,V, ,62. ~ Cf. iepl'i,ncipe.8ernusad ~n., III, 18 : y'ictimre numinibus aut pe1' Similitudinetn aut PlW con­tNt,'ietizteth Hnmolabttnlu1'., ,:I;.. Orl troufcil'~ tine bibIiogi'aphie de lie. q"dl concei':he Soma diHis ~ae­deMoU. Vedic!ifylnology. (GrliHdl'i'i. d,Iilcl. Ai. Philtilijgi'I, ~. 115. =Voir surtout Bergaigne, 'Ret. Ved .. T, 148, 125; 11,298, 3G6; ete,. .:.- Htlh!,~

flee, lalsait haltrll Ie dieu pouvait donMr un autre aSP,eetaux memes pratiques. Par un PtocMe analogue au dMon­IllemBui qui a prllduil les theomachles, elle pOUvail sepa­rllr Ie dieu de lavlctime. Daus les Ihythes ettidies pInsha1ll; les ded adversaH'es soUtegalelilent divinB; l'nud'eUxappotalt colhme Ie prMte du sacrifice 00.· Buccombe senprMMessetir. Mais la divihile virtuelle de la. victime nes'est pas toujours developpee. Souvent elle est teslee ter­.testre, et par suite, Ie dieu ctee, sorti auttefbis de la vic­time, demeute maiiltenaht en dehOrs du saerifice. Alors,101 consectiltiou, qlIi fait passer la victime daus Ie mondesacre, ptend I'aspect d'Uile attrIbution a uue petsonnedivine, d'uu don, lleperl.dantl meme dans.ce ca8, C'eS! sou­vent uri. animal saere qu'on saerifie ou, tout au molns,quelque chose qUi rappelle 1'0rigine du sactlfice. EUsomme, on offtait Ie dleu il lui-meme : DionysoB MlierdeveuaH Dionysos Kriophage '. Parfois, au contl'aire,comme dans les dMoublements iI'oo. sont resultees lestMomachies, I'animal sacrifie passait pour I1n ennemi dudieu '. S'H Mait immole, c'etaH pour expler utle fauteeommise coutre Ie dieu par son espece.Au Vitbius de Nemi,iue pat des cheVaux, On saerifiail uu cheval '; La notiou dUsaerifiee au dlen s'est developpee parall~leinent il celie dusaerifice du dleu.

Les types de sacrifice dll dieu que nous venous de passereb re.vue se trouvel1t realises in conc,'etdet reunis ensembledans un seul et meIIie rite hilldol1 : Ie sacr.iflce dllsuma '. fln y pem voit \but a'aheM ce ifu'est dalls Ie riluel

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L Slucken. Asl1'almythen, 1I, p. 97. Talm, B. Gem. a Taanilh, 4, 2.Lc mande repo_~e sur Ie sacriJice celObre 'dans Ie temple.

2~SchOpfun9und Ch~!J8 in Ul'zeil und Endzeit.

3. Voir VogL, Con.ql'csinternalional el d'm'cheologie prehistorique, Bo·,logne, 1871, p. 325. cr. Lasaulx, .Die Silhnopfe7' de1' G1'iechen, etc.1.841.

corps d-u lion tue' par Samson et du taureau d'Aristee.Aussi la theologie emprunta-t·elle ses cosmognies aux

mytbes sacrificiels. Elle expliqua la creation, comme !'ima­gination populaire expliquait la vie anunelle de la nature,par ull sacrifice, Pour cela, eUe reporta Ie sacrifice.du dieual'origine du monde:t.

tia.ns la cosmogonie assyrienne, Ie sang de Tiamat vain0l!avail donne naissance anxetres. La separation des elementsduchaoselait coneue comme Ie sacrifice ou Ie suicide dudemiurge. M. ~ Gunkel' a prouve, croyons-nous, que lameme conception se retrouvait dans les croyances popn­laires des Hebreux. Elle apparall dans la mythologie duNord. Ell.e est aussi a la base du cnlte mithriaque. Les bas­reliefs veulent montrer l3. viequi sort du taureau sacrifie;deja sa queue se termine par un bouquet d'epis. Dansl'Inde, enfiu" la creation contiuue des cboses au'moyen duritefinit m~me par deveuir. une creation absolue, et ex_nihilo. Au commencement rien n'eiai~. Le· Pq.ru~a desira:C'est par son suicide, par l'abaudon de soi-meme, par Ierenoncement a son corps, 'modele, plus tard, du ren9Qce­meut bonddhique, que Ie dieu fit rexistence des cboses.

Toutefois meme a ce degre d'Mroisation du sacrifice,sa peribdicite subsiste. Les retours offensifs du cbaoset du mal requierent sans cesse de nouveaux sacrifice.s,createurs et redempteurs. Ainsi transforme 'et, pourainsidire, sublime, Ie sacrifice a ete conserve' par la th{lologiechretienne'. Son efficacite a ete simplement transporteedumondephysique au monde mOl·a!. Le sacrifice rMemp·teur du dieu se perpetue dans la messe journaliere. Nousne pretendons pas rechercher comment s'est constitue Ie

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ESSAI sun LA NATURE ET J..A FONCTION DU SACRIFICE 1.2{

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MELANGES D'HISTOIRE DES RELIGIONSt20

- 1. Vall' Sylvain Levi, Docl7'ine, chap. I 'ot Preface.

-,2. ,Bergaigne, Ret. VEld., I, p, 275, Voir la remarquable discussion deM. Ludwig, Rig Veda.. III, p. 308.' , ,

tance n'elait pas grande; Ies Brahmanes !'OIit franchiePar la, ils~ont mis en Inmiere nn point important de'la

th~orie du sacrifice. Nous ~vons vu ,qu~entre la victime etIe dieu iI y a toujoursquelque affiuite : a Apollon Knrneioson offre des beliers, a yarura de !'orge, et,c. C'est par IesembIabIe qu'on nonriit Ie sembIabIe et Ia'victime est Ia

, nourriture des dieux, Aussi Ie sacrifice a-toil ele rapide­ment considere comme Ia condition meme de l'existencedivine, C'est lui qui fournit la matiere lmmortelle dontvivent les dieux. Ainsi, non seulement c'estdans Ie sacri­fice que queJques dieux prennent naissance" mais encorec'est par Ie sacrifice que tous entretiennentleorexistence.II a donc fini par apparaitre comme Ienr essence, leur ori­gine, leur createur ~. II, est .aussi lecrlmteur des choses ·car,c'est ,en lui qu'est Ie principe de toute vie, S~ma est '" Iafois Ie soIeil et la lune au ,ciel, Ie nuage, !'eclair et la pIuie!lans l'atmosjlhere, Ie roi des plantes sur la~terre; or, dansIe soma victime, toutes ces formes de Soma sont'rlmnies.II est Ie depositaire de tous Ies principes nutritifs et fecon­danis de la nature. II est, en m~me temps, nourriture desdieux et boisson enivrante des hommes, auteur de I'immor­talite (jes uns 'et de Ia vie epbemere des autres, Toutes cesforces sont conceutrees, cr~ees et distribuees a uouveau parIe sacrifice, Celui-ci est donc « Ie maitre des Mres ", Praja­patL II estiePurusa' du fameux bymim X, 90 du Rig Veda,dont n~issentles' dieux, les rites) les hommes, les castes,Ie soIeiI,la lune, Ies pHl1ltes, Ie Mtail; iI sera Ie Brahman(Ie l'Inde classique. Tontes les theologies lui ont attribuecettepuissance creatrice. Repandant et rassembla;'t tour atour la divinite, il seme les etres comme Jason et Cadmossement les dents du dragon d'ou. naissentles guerriers. Dela mort iltire la vie. Les fleurs et les plantes ponssent sur­Ie cadavre d'Adonis ; des essaims d'abei!les s'envolent du

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ESSAI SUR LA i"ATUUi!: ET LA. ~dNCTitJN rib sAcnlFICE 123

ment les resles de. la vic11ine ne poUtfaielll Mre utilises.Ces deilx eJ~meuts sont doric si etroitemelil idlerdepeli­daills que l'dn tie petIt exister sans l'ailtre.

Mais, de plus, ees tteux sortes de sacrifices he stilitencOre qlie des t)'pes abslraits. ToUt sacrifice a lieli dansdes Circo!1stances el ehytle de fins Iletehnill~es; de ladiv~rs!te des fiusqui peuveht Mte ainsi· pourstii \tiesliaisseut lies inolia1itM diverses libnt nolls avons donnetjllelques eJ<emples. Or, d'uue part, il n'y a point de l'eli'gibn lin ces modalites lie coexistent en plus ou moiusgralld liombre; 10us les rituels sacrificiels qile lions con­lJllisseiis preselltenl deja lJlie graiide complexlle. De pi lis,il n'y a pas de rite particnlier qui ne stilt cbl11plexe en hii­meme; car, ou bien il poursult plusieUts buts ala fois,Oll bien, potir eli alteindre un seUI, il met en mouvemelitplusieurs forces. Nous avons vd des "acrilices de desa­cralisatiou et meme ptoprement expiateires se doublerde sacrifices commulliels. Mais on ponrrait donnerbiehd'autres exemples de complicatioUs. Lea Amaztilil; polir

. avoir de la pluH" rassemblenl un trohpeati de breufs rioirs,ell tlient dn, lemallgenten.sllence ; puis bruleht les oshOrs dll village; ce qui fait trlils tbMnes differeuls dans 111

tli~me operation '.bans Ie sacrifice llnimal hindbu, cetle complex!te est

eucore plt.ts acctis~e. Noils)' avens trtiuve des patts expia"teires atll'ibuees aUx mauvais geules, des parts divinesreservees, des parts de coJilJiltill!ou dont Ie sacrifianljonissait, des parts sacerdotales qde consblnmllienl lespretres. La viCtime sert egaielhent a des iIJ.lpreeatioll~

coulre I'enhetlil, a des divinations, a des vamx, parUli lieses aspeels, Ie sacrifice ressol'tit alix cUltes thiltiomdr­phlqnes, Car on envoie l'iltue de. la Mte rejoiddre au ciellesafchetypes des Mle~ et ':i eiltretenit la petpeLtIite. denspMe. C'est alisBi tin rite de cblisoIliul'Uioh, car Ie sacri-

122 :M~tANtiES ii'thSTOIRE JDES RELIGIONS

,HUHI elirell~1i tlli sacrifice, Iii commeilt II se ratlache auxfltHs. alll~flelirs. Nolis avons pUlirtahl erli pouYoir, auclilifs diiee Iravall;rapprocMf qiHmjdefdls IHs iieremtliiiesdil saCrifice chr~tieh de celles qlle hods alitlhs eludMes,Qtl'il holis slillise Ici d'en rappeler simplemellt I'lilonnantesi.militude el d'indiqner comment Ie dMeloppemelit detites; si semblables a ceux du sacrifice agraire; a piI don­lier illiissilileealil clineeptioti ali Mctifice; rMempteur eleomilitiiilel, du dleli Imlqde et Ifanscendant. Le sacrificechfetilm eSI, a eM egard; uti des pllis ilislructifs qiie I'hnpliisse reMoutrer dans l'hisloire. Nos pretres clierchellt,par les ifi~lnes procMesriltiels, a pell pres les mellieseffiits qtIe nt!1l pllis ldliJla!lis atiMlres, Le mecanisme dela edllsecratioil de la Jilesse elltholique esl, dalls les lignesgeilhales j Ie .melue qlie celui des sacrifices hlndous. nlious presell te, avec une clarle qUi ne laisse rien a desiN!r,Ie ryllilne alterliatif de I'expiation et de la comluunilin.L'imaginatioli chretlenne a Mti sllr des plans antiqUes.

VICONCLUSlON

On voit mieux tliiHntenant eu qUoi consiste seloll nOnsl;illilte du syst~lue saeriilciel. EHe lie vient pas, cdmms I'acril Smith, de be que lOutes les sorles possibles de saeri'ficessout sorties d'tIne forme pfiluitive el silnple. Ull leisllcfifice n'exisle pllS' Ye tous HJs pfoeM~s sacrificiels; les'!llt]s geMratix, les !lioilis riches en emtlislils qUe 1I0usayons pu atteindre sont ceux de sacralisatiou el de desa­eralisatiou. Or, eu realite, daus lout sacrifice de desacra·lisation, si pdf qu'I! ~uisse Mrs, nutis It"tIvulis WUjbufsune sacralisation de 1a victime. IfivilrseJilenl,. daus louts~cri:il.ce de sacrlliisatlori, nierhe Ie plus caraclerise, uuedesacralisation est' necessairement impliquee ; car autre-

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ESSAI_ WR LA NATURE ET LA FONCTION DU SACRIFICE 125

II n'y a pas lieu d'expliquer longuement pourquoi Ieprofane entre ainsi en relations avec Ie' divin; c'est qu'ily voit la source meme de la vie. II a, done lout inleret as'en rapprocber puisque c'est la que se trouvent les con­ditions memes de son existeuce. Maisd'ou vient qu'i1 nes'en rapproche qu'en en restant a distance? D'ou vienlqu'il ne communique avec 1e sacre qu'a travers un inter­mOdiaire? Les effets destructifs du, rite expliquent enpartie cet elrange procMe. Si les forces religieuses sontIe principe meme des forces vitales, en elles·memes, eIlessont de leIle nalure que Ie conlact en est redoutable auvulgaire. Surtoul quand eIles atleignent un certain degre ­d'inlen"ite, elles ne peuvent se concentrer dans uu objel

'profane sans Ie detruire. Le sacrifiant, quelquebesoinqu'i1 en ait, ne peut donc les aborder qu'avec. la plusextreme -prudence.. Voila pourquoi, entre elles et lui, ilinsere des intermOdiaires don! Ie principal est I. victime.S'i1 s'engageait jusqn'au hout dans Ie rite, iI y trouveraitla mort et nou.la vie. La victime Ie remplace. Elle seulepimetre dans la sphere dangereuse du sacrifice, eIle ysuccombe, et eIle est la pour y imccomber. Le sacrifianlreste a I'abri; les dieux la prennent au lieu de Ie prendre.Elle Ie mchUe. Moise n'avait pas circoncis son fils ; Iahwevint « lutter» avec lui dans une Mtellerie. Moise se mou-

gent des eflets qui depassent Ie but elroil que Ie sacrifianlassigne au ritt~. On immole lIn animal pour racheter undlksita; par, un contre-conp immMiat, I'ame Iiberee deI'animal s'en va alimenter.Ia vie eterneIle de I'espece. Le

. sacrifice depa..e ainsi, naturellement, les buts etroits queles lheologies les plus elementaires lui assign en!. C'estqu'iI n'e se compose pas seulemenl d'ime serie de gest.esindividuels. Le rite mel eu mouvement l'ensemble deschoses sacrees auxquelles iI s'adresse. Des Ie debut de cetravail, Ie sacrificenous a apparu comme une' ramifica­tion speciale du sysleme de la consecration.

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MELANGES D'HIS'f.OIRE DES RELIGIONS•.-----'-;~-~-;"---'-,... .

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fiant qni a pose les feu x ne peut manger de viande qu'a­pres avoir fait un leI sacrifice. C'est enfin un sacrifice derachat; carle sacrifiant est consacre~ il est SOilS "la prisede la divinite et il se rachete en sesubstiluanl la victime.Tont se milte et se confond dans unememe opera.tion qui,malgre cette diversite, ne laisse pas d'etre harmoniqne.A plus forte raison en esl-il ainsi d'un rite, dont l'etendueest immense., comme Ie sacrifice a Soma, ou ~OU~ avoDs,outre tont ce qui precede, un -cas realise de sacrifice dudieu. En un mot, de m~me que la ceremonie magique, de.meme que la priere, qui peut servir a la fois a une actionde graces, a nn VffiU, a une propitiation, Ie sacrifice pentremplir concurremmenl unegrande variete de fonctions.

Mais si Ie sacrifice estsi complexe, d'ou peut lui venirson nnite? C'esl qu'au fond, sous la diversite des formesqu'il revet, il est toujours fait d'un' meme procMe qui peulMra employe pour les buts .Ies plus differents. Ce procedeconsiste aetabli:r une cmnmunication entre le '11wnde sacrrf. etIe monde'profane par Z'internuJdiai1'e d'une victin/,e, c'est-a-dired'une ChOliC consacree. drJt1'uite au COW'S de la cenfmonie. Ol'~

contrairement a ce que crbyait Smith, lavictime nJarrivepas necessairement au sacrifice -avec une nature religiense,

,achevee el definie; c'est Ie sacrificelui-meme qui la luiconfere. II peut donc lui donner les vertn~ les plusdiverses et, ainsi, la rendre apte a remplir les fonctionsles plus variees, soit dallsdes rites differenls, soit pendantun meme rite. Elle peut egalement trausmetlre un carac­lere sacre du monde religieuxau monde profane ou inver­semeIiI; eIle,est indiflilrente au sens du cour{lnt qui latraverse. On peut, en meme temps, charger I'esprit quis'est degage d'elle de porter un vrnu jusqu'aux puissancescelestes, se servir d'elle pour deviner l'avenir, se racheterde la colere divine en faisant aux dieux leurs parts, eteniin, jo:uir des chairs sacrees qu{restent1'D'un autre cOle,~ne fois qu'elle est .constitueeJ, elle a,. quoi qu_'oIi fasse, nilecertaine autonomie; c'est un foyer d'energie d'Ou se dega-

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ESSAI' SU~ ~A. !'f~l'TJ~~ &1' l..t\- fONCTml'iJ pU sACRIFICE t~1

cene abn~g~tioll ft cett~ sQumissiQn ne sontp~s sans u1:1retour egOiste. Si Ie sacrifiant donlIe quelque c!:lose desoi, il ne se donne pas; it se reserveprndemment. C'estque, s'il donne, c'est en partie pour recevQir, -:- Le sacri­fice Se presente donc sous Ull double aspect. C'est un acteutile et c'est une obligation. Le desinteresse10ent s'y melea I'interet. Voila pourquoi il a ete si solivent conQu sqns laforme d'ull contrat. All fond, il n'y a pent-etre pas desacrifice qui n'ait quelque cbose de contractue!. Le~ lieu"pa,ties l\Il presence ~challgellt leurs services et chacune ytronve son c01Opte. Car les dieu,"" eux aussi, ant besoin liesprofanes. Si rie.u n'etait reserve de la moisson, Ie liieu dUbl~ mourrait; ponr que Diollysos puisse ren~ltre, il f~ut

que, !'Ux venilallges, Ie bouc de DiOIjySOS soit s~crifte; c'estIe soma qlle les hOlllmes dnnnellt a boire all'"' dieux 1J.ui faitlenrforce contre les d~mons. Bourque Ie sacrb subsiste,il faut qn'ou Ini fasse s" part, et c'est sur la part desprofalles que se fait ce prel~vement. Cette ambiguIte estinMrente a la natqre 10eme dn sacrifice. Elle tient, en ellet, .Ii Ia presence de r~nteqllediaire, et nous savons que, S;I-fiS

intermMiaire, il n'y a pas de sacrifice. Parce que la victimeest distincte liu sacriliallt et liu liieu, elle les sep~re tonte~ les unissant j Us ~e rapprechent, mals 13ans se l~vr,e~

tout entiers l'nn a l'autce.II y a ponrtant un c~s d'ou tout calcui egoiste est absent.

C'e,st Ie sacrilice du dieu; csr Ie dieu qui se sacrifie sednnne SailS r,etour. C'est que, cette fois, tout intermediairea liisparn. Le liieu, qui est en meme temps Ie sacrifiant,ne fait qu'nu avec la victime et partols meme avec Iesacelficateur. 'fous les el~lI\ents divers qui en trent dans lessacrificeS orliillaires centrent Ici les UIlS dalls les autre.et se confondell t. Seulemellt, une telle confusion n'·est pos­sible que poqr des Mres mythiqlies, imaginairss, ideaux.Voila comment la conception d'ull dieu se sacrifialltpour Ie monde a pu se produire et est devenue, memepour les peuples les plus civilises, l'expression la plus

r~it IQr§q"~ §~ f~IIlIJl~ coupa viQlemme"t I~ pr~puce clel'~nfaqJft I~ jeta aux pieds de Iahw~ eu 1\11 disalit : ,( "'\1m'es Up, ~PQ"'\ de §aug, » La "estructio" du pr~puce asstislait Ie ilieu qlli jle ile!ruit plus Mojse rachete. II n'y a!lsS de sscrifice au n'interyienpe quelque idee cle "schat..

-Mllis celte Pre111j~re expliclltion n'fS! pas assez generale,car, da"s Ie cas de l'ollrande, la comn11lnication se fait

. egalelIlent par up intermediaire, et pourtapt 11 n'y a pas.cI~s!ructio!!' C'ost qll'1Ille collsecratioll trQp forte ~ degraW§ illconyellients, alorsme)lle qll'elle !l'est pas destruc­tive. Tout ce qni est trap profond~IIleqt epgage d~ns Iedomaine religieux est, par. cela m~mel retire du domainellfo!a"e. PillS lll! ~Ire est elllpr~i"t <Ie religiosite, plus ilest ch~nl~ d'in~erclits qlli l'jsol~!lt. La saiJltele qlll'fazir IeI!a rs1:l'se' P'oll alllr~ c~te, tout C~ qui entre en colltact trapin\lllle aV~C les chaSeS sacr~es_prencl lellr patur~ ft devientsacr~ cQ)ll1Of elles. Or Ie sacrifice est lail pour des prolaPes.L'actioll qu'il excerce sUr les gens et sor jes c!:loses estdestin~e a le§ met!re ell ~!~t cle. re'llpli• .leur r~le dans lavie temporelle. Les ups et les aotres lIe Peuvenl dOllce!ltrer utile11lellt (]~I1S Ie sacrifice qll'~ cOllclition de pollYoireI1 sortir. Les rites rle sQrtie se;vent ep pllrtie a ce ],Jut. lisatle!lIWllt III eOlls~cration ; msis, a eux seyls, ils ne pour.

o rsiePt l'atl~nller assez si elle aYail e!e trap integse. Uill]l!or!1l cl0llc qqele saerifiallt 01\ l'objet du sacrifice nela reCoiye,!! q\1'aJ1\Qrtie, c'est.a-clire cI'une nmuiere indi­rec!e. C'est a quai §erl l'ill!ermediaire. Grace. a lui, lesdeu,!, mqncles ell prese!'ce peuvent se p~lletrer tOllt ellrestllllt Jlistiqcts.

Alp§i s'expljque Ull csrsct~re tres Particulier dq sacri­fice religieu,\. "Qalls tout sMriflce, II ya Ull aMe cI' a!:ljlega­tioq, pujsqqe le Sacrif\alH se prive et dOllne. Meme ce!tea!:ln~gs\jo)llqi est souvent imposee c010111e Ull devoir. Carle s~criflce n'est Pss toujoll!'s lac\1ltatjf; les dieux l'e,\igellt.Qjllellr ljoil leelllle, Ie service, Coll]1Oe dille ril\1el M!:Irell;on leur lioilleur !la,!, co111'lle ljise!'tles J:linlious. - lVI~is

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-MELANGES n'HISTOIRE DES RELIGlON~

haute et comme· la limite ideale de I'abnegation 'sans

reserve.

Mais, de· meme que Ie sacrince du dieu ne sort pas dela spMre de !'imagination religieuse, de, miome au pour­rait. croire que Ie systeme tout entier n'est qu'un ieu fan­tastique d'images. Les pouvoirs auxquels s'adresse Iefidele quisacrifie ses biens les plus precieux sembleutn'Mre rien de positif. Qui ne croit pas, ne voit dans cesrites que de vaines et COllteuses. illusious et s'etanne que

.. toute Fhumanite se soit achinnee il di""iper ses forces pourdes dieux fantomatiques. Mais it y a peut-etre de veri­tables realites anxquelies il est possible de raUacher !'ins- "tHution dans son integralite. Les notions religieuses, patceqU'elles . sont crues, sont.; elles existent objectivement,comme'falts sociaux. Les chases sacrees,dieux et autres,par rapport.auxquelles fonctionne Ie sacrifice sont deschases sociales, Et cela suflit pou'r expliqQer Ie sacrifice.Pour que Ie sacrifice soit bien fonde, deux conditionssont necessaires. II faut d'aboI'll.._qJl'jLY.J!it en..JielJ.!)r8-dusacrjfi.,,-n_t.<l~ -"ho~'-gl;i-Ie f;ssellt sortir de lui-mem~eta;'-xquelles it doive Ze qu'it sacrifie. II faut ensuite que ces .chases soient"pres-de luI poui--qu'ifIlIlisse entrer en rap­port avecelles, y trouver I.a force et I'assurance dont it abesoin et retirer de leur contact Ie Mnefice qu'it attend deses rites. Or, ce caractere de penetration intime et de sepa­ration, d'immanence et de transcendance est, au pInshaut degre, distinctif des chases sociales. 'Elles aussi exis­tent il la fois,selon I~ point de vue auquel oIi se place,dans et hal'S I'individu, On comprend des lars ce que peut.Mre la fonction du sacrifice, abstraction faite des symbolespar Iesquels Ie croyant se I'e-xprime il lui-m~me. C'est une

oJ fonction sociale parce que Ie sacrifice se rapporte il deschases sociales.

D'une"part, ce renoncement personnel des individns audes groupes aleurs proprietes alimente les forces sociales.

-,' RS~AI .SUR LA NATURE ETLA FONCTION' nIT SACRIFICE 129

Non, sans doute, que la societe ait besoin des chases qui j

sont la matiere du sacrifice; tOlltse passe ici dans Ie mondedes idees, et c'est d'energies mentales et morales qu'il estquestion. Mais I'acte d'abnegationqui est implique danstorit, sacrifi~e, en rappelant frequemme:r;tt aux consciencesparticulieres Ia presence des forces coJlectiv~s, entretientpre'cisement leur existence ideal~. Ces .expiations e't cespurifications generales, ces communions, ces sacralisations

,de groupes, 'ces creations de genies des villesdonnent aurenouvelleot periodiquement il la collectivite, representeepar ses dieux, ce caractere bon, .fort, grave, terrible, quiest un des traits essentiels de toute personnalite so­dale. - D'autre part, les individus trouvent it ce m~me

acte leur avantage. lis se conferent, il mix et aux chasesqui leur tiennent de pres, la force sociale tout entiere. lis

, revMent d'une aulorite sociale leurs vceux, leurs serments,leurs mariages. Ils entop.re.nt, comme d-'un cercle de sain­tele qui les protege, les champs qu'its ant laboures, lesmais.ous qu'ils ant construites. E~ m€lme temps, ils trou-

. vent dans Ie sacrifice Ie moyen d~ retabLirles equilibrestroubles: par I'expiation, il~ se rachetent de la malediction'sociale, consequence ~e la faute, et rentrent dans la com­munaute; par les prelevements qu'ils font sur les chusesdont la s'eCiete a reserve I'usage, ils acquierent Ie droitd'en jouir~ La norm!tsociale est donc maintenue sans dan­

'.ger" pour eux, sans diminution pour Ie groupe. Ain~i lafonction sociale du sacrifice est remplie, taut pour les indi­vidus que pour la colleclivite. Et comme la societe est faitenon seulement d'homm~s, mais de choses et d'evene­,meuts" on entrevoit comment Ie sacrifice peut suivre etreproduire il la fa is Ie rythme de la vie humaine 'el celuide la nature; comment il a pu deveuir periodique aI'usagedes phenomenes naturels, occasionnel comme les besoinsmomenianes des hommes, se plier enfin amille fonctions.

Au reste, on a pu voir, chemin faisant, combien de. croyances et de pratique~ sociales, qui ne sont pas propre.-

MAuss-HUBERT. 9

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Page 90: 31605405 Marcel Mauss H Hubert Le Sacrifice 1909

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ment r~ligieuses, se trouvent en rapports avec Ie sacrific~.II a ele successivement quesliou du contral, du rachal, .de1a p,eine; 'du don', de l'ahnegation, des it;le6s relatives a!'Arne et a l'immortalile qui sont encore a la base de lamorale commune. C'esl dire de quelle importajlce est pourla sociologie..J la notion du sacrifice. Mais, da~s ce travail,nous n'avions pas ala suivre dans son' developpemenl etatravers tOlites ses ramifications., Nons DOUS sammes sim­plement donne pour tache de chercher a la conslituer.

E'fHNOGRAPHIQUES

DANS LES socniTES AUSTRALIENNES

L'ORlGINE DES POUVOlRS MaGIQUES

ETUDE ANALYTIQUE ET CRITIQUE DE DOCUMENTS

L Qui contiennent tou~ p:lrticulierement un travail de Mrs. La.nglohParker, sur les Wirreenun. hommes-medecine de 18, tribu des EuahlaYi(Nord des Nouvelles-Galles.du Sud).

Nc:-us eussions vouin publier in extenso, et en note, les

Dans les quelques pagesqui vont suivre nous voudrionssurlout donner .Ujl specime!) du travail critique auquelDOUS nous livrons regulie~ement depuis plusieurs annees,daus l'une de nos conferences. Ce travail critique a.pourbul de degager ella valeur du temoignage et la portee socio~

logique du fait enregistre. .Les seuls travaux imporlants que nous n'avons pas pu

consuiter sont les vieilles relations de Buckley el de Gre­gory, Ie travaiL ancien mais toujours important, deG. S. Lang, Australian Abo'rig;nes, el un certain nombre denumeros de l'Aust"alian Science of Man '. A I'exception deces lacunes, nous crayons que notre depouillement' desdocuments imprimes concernant les socieles australiennes a

ete a peu pres sullisant.

MELANGES n'HlSTOIRE DES RELIGIONS130