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21 Énurésie, pertes durine Ne parler dénurésie primaire nocturne quaprès 6 ans, après avoir éliminé les autres causes de perte durine, où il existe des « fuites » durine diurnes. La prise en charge de lenfant par lui-même est aussi importante que le traitement médicamenteux que lon peut proposer. L énurésie est une situation fréquente en pédiatrie, mais il existe encore une certaine confusion dans ce domaine quil convient de clarifier tant du point de vue sémiologique que de lattitude pratique. Définitions L acquisition de la propreté diurne est obtenue chez la plupart des enfants àlâge de 3 ans, avec encore « normalement » quelques rares accidents : 90 % des enfants sont parfaitement secs le jour à 5 ans. La propreté nocturne nest acquise à 18 mois que chez 2 % des garçons, 6 % des filles, sans rapport avec léducation de la propreté diurne. À 3 ans, seuls trois garçons sur quatre sont secs la nuit, mais quatre filles sur cinq le sont. À 6 ans, encore 10 % des enfants (en règle des garçons) ne sont pas propres la nuit. L énurésie est stricto sensu lacte duriner sur soi, et cela sans préjuger du mécanisme physiopathologique. L énurésie nocturne se définit comme une « miction active » complète, involontaire et inconsciente chez un enfant de plus de 5 ans, survenant pen- dant le sommeil : n elle est dite primaire lorsquelle est constatée chez un enfant qui, jusque-là, na jamais été propre la nuit ; n elle est dite secondaire lorsquelle survient après une longue période (plus de 6 mois) de propreté. Elle est alors souvent liée à un trouble psychoaffectif ; n elle est dite primaire et isolée quand il ny a aucune perte durine dans la journée. Énurésie primaire nocturne isolée L énurésie primaire nocturne isolée (ENPI) est fréquente, touchant pour cer- tains auteurs jusquà 15 à 20 % des enfants de 5 ans ; elle diminue ensuite régulièrement de 10 à 15 % par année dâge, mais touche encore 5 % des enfants à lâge de 10 ans. Les garçons sont plus souvent concernés que les filles (deux à trois fois plus). Guide pratique de la consultation pédiatrique Ó 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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21 Énurésie, pertes d’urine

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e parler d’énurésie primaire nocturne qu’après 6 ans, après avoiréliminé les autres causes de perte d’urine, où il existe des « fuites »d’urine diurnes.

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a prise en charge de l’enfant par lui-même est aussi importanteque le traitement médicamenteux que l’on peut proposer.

L’énurésie est une situation fréquente en pédiatrie, mais il existe encore unecertaine confusion dans ce domaine qu’il convient de clarifier tant du point devue sémiologique que de l’attitude pratique.

DéfinitionsL’acquisition de la propreté diurne est obtenue chez la plupart des enfantsà l’âge de 3 ans, avec encore « normalement » quelques rares accidents :90 % des enfants sont parfaitement secs le jour à 5 ans.La propreté nocturne n’est acquise à 18 mois que chez 2 % des garçons,

6 % des filles, sans rapport avec l’éducation de la propreté diurne. À 3 ans,seuls trois garçons sur quatre sont secs la nuit, mais quatre filles sur cinq lesont. À 6 ans, encore 10 % des enfants (en règle des garçons) ne sont paspropres la nuit.L’énurésie est stricto sensu l’acte d’uriner sur soi, et cela sans préjuger du

mécanisme physiopathologique.L’énurésie nocturne se définit comme une « miction active » complète,

involontaire et inconsciente chez un enfant de plus de 5 ans, survenant pen-dant le sommeil :

n elle est dite primaire lorsqu’elle est constatée chez un enfant qui, jusque-là,n’a jamais été propre la nuit ;

n

elle est dite secondaire lorsqu’elle survient après une longue période (plus de6 mois) de propreté. Elle est alors souvent liée à un trouble psychoaffectif ;

n

elle est dite primaire et isolée quand il n’y a aucune perte d’urine dans lajournée.

Énurésie primaire nocturne isoléeL’énurésie primaire nocturne isolée (ENPI) est fréquente, touchant pour cer-tains auteurs jusqu’à 15 à 20 % des enfants de 5 ans ; elle diminue ensuiterégulièrement de 10 à 15 % par année d’âge, mais touche encore 5 % desenfants à l’âge de 10 ans. Les garçons sont plus souvent concernés que lesfilles (deux à trois fois plus).

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340 Guide pratique de la consultation pédiatrique

À quel âge peut-on parler d’énurésie ?Certains enfants acquièrent très tôt la propreté nocturne (vers 2 ans). Pourd’autres, il faut attendre 5 ans. Il est donc inutile de parler d’énurésie avant aumoins 5 ans, ni même de proposer un traitement avant au moins 6 ans. Enrevanche, il est très regrettable que certains enfants ne soient vus pour cemotif que très tard : 10, 12, 14 ans parfois. Or plus une énurésie est ancienne,ancrée dans les habitudes, plus son traitement est difficile.

Le pourquoi de l’énurésieCauses urologiquesElles sortent du cadre de l’ENPI, car il existe une symptomatologie nocturneassociée à des troubles mictionnels diurnes. Un interrogatoire bien conduit etun examen clinique simple permettent d’affirmer l’énurésie vraie. L’ENPI nemérite aucune exploration urologique, à part peut-être une bandelette uri-naire. L’association d’une énurésie nocturne à des symptômes diurnes nepermet pas de parler d’énurésie nocturne primaire et conduit à rechercherles autres causes de pertes d’urine traitées dans ce chapitre.

HéréditéLe fait qu’il y ait des familles d’énurétiques a pu conduire à considérerl’énurésie comme « héréditaire ». Il paraît plus raisonnable de voir dansce phénomène une très grande tolérance de la famille devant un symptômeauquel elle est habituée. Cela explique, sans doute, le grand nombred’énurétiques qui ne sont vus pour la première fois que très tard. Cependant,si le risque pour un enfant de 5 ans d’être énurétique est de 15 % dans lapopulation générale, il est de 44 % si l’un des parents était atteint et de 77 % siles deux parents étaient énurétiques.

Facteurs psychologiquesTout a été dit sur ce sujet, de l’absence totale de facteur psychologique aux« satisfactions érotiques » et au complexe de castration. S’il est possible quecertains enfants énurétiques, conduits chez le psychiatre parce que parti-culièrement rebelles, expriment ainsi des troubles psychologiques importants,il est certain que la très grande majorité des énurétiques vus par lesgénéralistes et pédiatres n’ont pas de trouble psychologique.Organiquement, l’enfant énurétique n’a aucune caractéristique parti-

culière. Il en est de même intellectuellement.

Il n’y a aucun « profil » psychologique type de l’enfant énurétique.

La personnalité de ces enfants est, en fait, sous-tendue par la tolérance dusymptôme :

n tolérance personnelle de ce trouble : certains sont humiliés, timides et de cefait dissimulateurs, parfois opposants et agressifs, avec souvent une baisse
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de l’estime de soi ; d’autres, au contraire, s’en moquent complètement,restant totalement indifférents ;

n

tolérance sociofamiliale : il est des familles qui prennent bien les choses,minimisant le trouble. D’autres qui, au contraire, ne le supportent pas,rejetant cet enfant qui ne peut se rendre aux multiples invitations, nepeut partir en colonie, et reste « collé » à un milieu familial qui pourtantle juge et « l’exclut ».C’est ainsi que l’énurétique peut être opposant, agressif ou timide,

immature avec souvent une baisse de l’estime de soi. En conclure qu’il faitpipi au lit pour manifester son agressivité ou qu’il témoigne ainsi son désirde rester « bébé », c’est aller bien vite. Il vaut mieux voir dans ces compor-tements une conséquence de l’énurésie plutôt qu’une cause. La trèsgrande majorité des énurétiques ont, plus tard, une adolescence et unevie d’adulte parfaitement normales.

Sommeil de l’énurétiqueQuasiment tous les parents d’enfants énurétiques font la même constatation.Ils n’arrivent pas à réveiller complètement leur enfant la nuit pour le faireuriner : il se lève, se laisse conduire aux cabinets mais ne se réveille pas.Certains de ces enfants ont un sommeil calme, d’autres, au contraire, sontagités, mais les uns et les autres ont un sommeil très profond, ce qui rend leurréveil très difficile.

Les études électroencéphalographiques effectuées chez les enfantsénurétiques montrent que le trouble apparaît pendant le sommeilà ondes lentes. Chez le sujet « normal », des contractions vésicalesaccompagnant la réplétion complète apparaissent au cours du sommeilparadoxal, amenant souvent le réveil pour uriner. Chez l’énurétique,des contractions du détrusor apparaissent lors du sommeil à ondeslentes, au cours du stade IV, et la miction apparaît alors que le tracé semodifie, prenant un aspect de stade II ou I, voire d’éveil cortical. Il y adonc « allégement » du sommeil au cours du stade où il devrait être leplus profond. L’organisation globale du sommeil n’est pas pour autantperturbée.Le « rêve d’uriner » n’est pas la cause de l’énurésiemais la conséquencede la perception, au cours du sommeil paradoxal qui suit la miction,de l’urine dans laquelle baigne l’enfant. Ainsi l’énurésie est-ellefavorisée par un trouble du sommeil, apparaissant à une phase desommeil profond perturbée par un rythme d’éveil cortical insuffisantpour maintenir le contrôle sphinctérien. . . ou réveiller complètementl’enfant ! Comme pour le somnambulisme et les terreurs nocturnes, iln’a jamais été observé de tracé paroxystique et l’énurésie primairenocturne n’est pas un équivalent épileptique.

Polyurie nocturne et capacité vésicale diminuéeIl existe chez certains enfants énurétiques une relative polyurie nocturne enrapport avec un défaut de sécrétion nocturne d’hormones antidiurétiques

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(ADH). Chez l’enfant non énurétique, la diurèse diminue pendant le sommeilcar il existe une augmentation de production nocturne d’ADH. Il sembleraitque chez l’enfant énurétique, ce pic d’ADH ne se produise pas ou soit trèsdiminué aboutissant à une polyurie nocturne ; il s’y associe souvent uneinsuffisance de la capacité fonctionnelle vésicale. Ceci pourrait être en rapportavec une hyperactivité nocturne du détrusor. A aussi été évoquée l’obstruc-tion des voies aériennes supérieures dans le cadre d’un syndrome d’apnéesobstructives du sommeil, qui pourrait être associé à une polyurie nocturne.Enfin, la constipation et l’encoprésie ne sont pas rares chez les enfantsénurétiques. Le rectum anormalement plein comprime la vessie et génèrealors des contractions du détrusor.En réalité, la physiopathologie de l’ENPI s’articule surtout autour des trois

éléments principaux que sont la diurèse nocturne, la capacité vésicale et lacapacité d’éveil.Il faut savoir par ailleurs :

n

que 20 % des enfants présentant un TDAH (trouble de déficit d’attentionavec hyperactivité) ont une énurésie et que 10 % des enfants énurétiquesont un TDAH ;

n

que l’énurésie est fréquente aussi chez les enfants avec SAOS (syndromed’apnées obstructives au cours du sommeil).Très exceptionnellement, l’énurésie nocturne peut révéler une pathologie

organique commedes valves postérieures de l’urètre, une vessie neurologiquevoire une tubulopathie primitive ou une uropathie par diminution de pouvoirde concentration urinaire. Ne pas l’oublier.

Pronostic de l’énurésieLe symptôme énurésie guérit toujours avec le temps, le taux de « gué-rison » spontanée est d’environ 15 % par an ; en revanche, les difficultés psy-chiques qu’elle a pu entraîner sont parfois plus difficiles à vaincre : c’est direl’intérêt d’une prise en charge précoce. Ce n’est qu’exceptionnellement quel’énurésie révèle une névrose plus profonde.

Prise en charge de l’énurésieElle comporte plusieurs « volets » qui ont tous leur importance.

Attention au symptôme et étude de son retentissementsur l’enfant et la familleLa première consultation a pour but d’éliminer toute anomalie mictionnellediurne, et d’étudier les composantes sociales, familiales et personnelles del’enfant : c’est une consultation longue, mais fondamentale.L’interrogatoire est un temps essentiel du diagnostic. Il constitue aussi le

début obligatoire de la prise en charge. Il faut s’enquérir des habitudes de vie,de l’heure du coucher, du type de sommeil observé par les parents.L’enfant tolère-t-il bien son symptôme ? Certains se présentent comme très

ennuyés, d’autres affectent désinvolture ou désintérêt : ce n’est souventqu’une façade et l’enfant souffre d’une situation où il n’est pas comme les

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autres, où il ne peut participer comme les autres à certaines activités (allerdormir chez un ami, aller en colonie de vacances. . .).La famille est parfois très tolérante (on pourrait même dire trop), ailleurs très

exigeante. C’est l’occasion de rappeler que, pour l’enfant, c’est une situationpréoccupante, mais aussi qu’il n’en est pas responsable.L’examen clinique recherche l’absence de globe vésical, d’anomalie sacro-

coccygienne et neurologique. Il démontre la normalité des organes génitauxexternes : c’est essentiel pour rassurer l’enfant. Il faut faire une bandeletteurinaire et pourquoi pas demander la tenue d’un calendrier mictionnel sur48 heures (pour apprécier la capacité vésicale).Cet interrogatoire et cet examen participent au traitement : l’enfant perçoit

qu’il est entendu, compris, qu’il va être pris en charge, que ce problème estsimple, bénin, qu’il va enfin en sortir. Cet interrogatoire permet aussid’apprécier la motivation de l’enfant.

MédicamentsL’énurésie guérit toujours : toute thérapeutique quelle qu’elle soit a donc dessuccès apparents, parfois temporaires, dont il est difficile d’apprécier l’effetplacebo.L’efficacité des imipraminiques (Tofranil� ou Anafranil�) en avait fait un

médicament largement utilisé dans le traitement de l’énurésie nocturneisolée. Actuellement, ils doivent être abandonnés de première intention(Afssaps, 2006) à cause de leur toxicité (marge de thérapeutique étroite,risque létal) ; de plus, les effets secondaires comme l’anxiété, la dépression,la somnolence, l’irritabilité, voire la léthargie et les perturbations du sommeilsont fréquents dans 40 % des cas.La desmopressine (Minirinmelt�), analogue de synthèse de l’arginine

vasopressine (ADH), serait surtout efficace en cas de polyurie nocturneà capacité vésicale fonctionnelle normale, en augmentant la réabsorptiond’eau au niveau du tube collecteur du néphron. Elle se présente mainte-nant sous la forme de lyophilisats oraux dosés à 60 mg, 120 mg et 240 mg.Le Minirinmelt� est indiqué chez l’enfant de plus de 6 ans. La dosed’attaque est de 120 mg à prendre le soir, 30 à 60 minutes avant le cou-cher, en respectant l’arrêt des boissons 1 heure avant la prise et duranttoute la nuit. Cette posologie pourra être augmentée par paliers de 60 mgtoutes les semaines en cas de succès partiel jusqu’à une dose optimale de240 mg par jour (exceptionnellement 360 mg). Si le traitement est efficace,il faut le poursuivre 3 mois : il y a 50 % de répondeurs complets, 15 % derépondeurs partiels mais 35 % de sujets non répondeurs. Le taux de rechu-tes à l’arrêt du traitement varie de 20 à 40 % ; il peut alors être repris unefois selon les mêmes règles de prescription. En cas d’inefficacité, il estinutile de poursuivre le traitement.L’oxybutynine (Driptane�, Ditropan�) est indiquée dans l’immaturité

vésicale et non dans l’énurésie nocturne isolée. On peut la proposer s’ilexiste des symptômes diurnes, même très discrets, évocateurs d’uneimmaturité (ou instabilité) vésicale. On peut l’associer à la desmopressineen cas d’échec.

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Moyens physiquesBasés sur les réflexes de conditionnement, de type alarme sonore, Pipi-stop�,leur principe est fondé sur l’anticipation et la prise de conscience du besoind’uriner ; c’est un traitement simple, sans danger, efficace, mais très peuprescrit en France. Ce traitement ne peut être indiqué que chez des enfantsmotivés et après 8 ans. Une évaluation par l’Anaes (devenue depuis HauteAutorité de santé [HAS]) en 2003 montre que leur efficacité est comparableà celle de la desmopressine après 3 mois de traitement et que les rechutes sontmoins fréquentes à l’arrêt. Si le moniteur est efficace, il doit être utilisé tous lesjours pendant 2 à 4 mois. Cependant, le prix de ces alarmes est élevé, elles nesont pas remboursées, et pas toujours bien tolérées par les enfants et lesfamilles. On peut les associer à la desmopressine en cas d’échec, sans réellesupériorité des résultats.

Dans tous les cas, le choix du traitement doit tenir compte de lamotivation, du mode de vie, des désirs de l’enfant, et doit donc être leplus acceptable possible pour lui et pour sa famille.

Il faut revoir régulièrement l’enfant et sa famille pour apprécier les résultatsdu traitement précis et l’encourager.

Prise en charge de l’enfant par lui-mêmeCertaines mesures générales indispensables permettent parfois de mettre finà l’énurésie : boire régulièrement dans la journée (entre 7 et 18 heures),limiter les boissons le soir (surtout gazeuses et sucrées), éviter les dînerscopieux et salés, bien vider sa vessie avant de se coucher, avoir un transitintestinal régulier et des mictions réparties régulièrement dans la journée avecune vidange complète de la vessie.L’enfant doit réaliser qu’il n’est pas malade et participer à sa propre

guérison. Il faut qu’elle le valorise, car même si l’énurésie est bien toléréepar la famille, l’enfant est dépendant de sa mère (couches, literie. . .).S’il participe aux changes des draps, cela ne doit pas être vécu comme unepunition ; s’il porte des couches, cela ne doit pas être vécu comme unehumiliation et il doit lui-même les jeter le matin. Il faut l’aider à conquérirson indépendance, son autonomie pour l’aider à « grandir ».La tenue d’un carnet sur lequel l’enfant note lui-même chaque jour le résultat

obtenu est unmoyen simple et facilement accepté de la participation active autraitement. L’enfant est responsable de son carnet, il doit l’apporter lui-mêmeau médecin à l’occasion des consultations ultérieures. Ce faisant, il devientl’interlocuteur direct du médecin.Car il est tout aussi important de mettre la mère (et toute la famille) hors du

jeu. Il est essentiel que la mère accepte de ne plus faire de remarques. Il fautessayer d’obtenir de la famille une indifférence totale vis-à-vis de ceproblème ; bref, il faut que l’enfant vive en paix.Ce faisant, le médecin, dans cette prise en charge, se comporte-t-il en

psychothérapeute, apportant par là même des arguments à ceux qui

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considèrent l’énurésie comme relevant de cette thérapie ? Il ne s’agit pas dediscuter de façon théorique, mais bien de résoudre le problème qui est posé.L’important, en fait, est de supprimer un symptôme bénin puisqu’il guéritspontanémentmais qui risque, par sa prolongation, d’entraîner effectivementdes perturbations psychologiques.Les causes d’échec identifiées sont surtout liées à l’intolérance des parents

et/ou à l’absence de motivation de l’enfant.

PsychothérapieElle n’a pas sa place dans les formes courantes, non associées à d’autrestroubles du comportement, si ce n’est dans certains cas pour soutenirl’enfant, sa famille et les rassurer sur sa normalité, surtout s’il existe uneencoprésie, des difficultés scolaires, une mésestime de soi invalidante ou unenvironnement familial problématique.

Autres causes de perte d’urine (fausses énurésies)Elles sont essentiellement au nombre de quatre : l’abouchement ectopique del’uretère, les obstacles cervico-urétraux, le dysfonctionnement vésicosphinc-térien, les troubles fonctionnels de la vessie. Elles sortent du cadre del’énurésie, mais il faut savoir les éliminer par une étude sémiologiqueprécise. Dans toutes ces affections, il y a certes une symptomatologie noc-turne, mais aussi des troubles mictionnels diurnes, une prédominanceféminine, et souvent des infections urinaires récidivantes.

Abouchement ectopique de l’uretèreDans la moitié des cas, il est découvert après l’âge de 5 ans :

n chez la fille, la traduction clinique est une incontinence permanentediurne et nocturne qui coexiste avec des mictions normales. Parfoiselle nes’exprime que par une culotte mouillée ou des pertes d’urine à l’ortho-statisme ou à l’effort ;

n

chez le garçon, il n’y a pas d’incontinence mais des poussées de fièvreà répétition traduisant des infections urinaires ;

n

dans les deux sexes, échographie et urographie intraveineuse (UIV) sont lesexamens à privilégier.

Obstacles cervico-urétrauxIls entraînent une incontinence ou plus précisément des mictions par regor-gement, mictions qui ne sont jamais complètes. Le maître symptôme est leglobe vésical perceptible après la miction. L’étude clinique de la mictionpermet de noter les troubles du jet. Deux examens sont indispensables :l’UIV et la cystographie mictionnelle.

Dysfonctionnements vésicosphinctériensIls comportent des fuites urinaires avec écoulement permanent, sans véritablemiction, plus ou moins associées à une dysurie et à une encoprésie. Ils sont

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chez l’enfant habituellement secondaires à une lésion congénitale (spinabifida notamment), beaucoup plus rarement à une lésion acquise (trauma-tisme ou tumeur). C’est pourquoi il faut systématiquement réaliser une ima-gerie par résonance magnétique (IRM) à leur recherche.En cas d’anomalie, on parle de « neurovessie congénitale ». Si l’IRM est

normale, on parle de « neurovessie non neurogène », de traitement difficiled’autant que les facteurs psychologiques sont ici au premier plan. Un bilanurodynamique et radiologique complet est nécessaire chez ces enfants.Dans ces circonstances de maladies organiques, il n’est pas concevable de

parler d’énurésie.

Troubles fonctionnels de la vessieC’est l’immaturité vésicale, souvent confondue avec l’énurésie nocturne, maisqui s’en distingue classiquement par sa prédominance féminine (8 % contre1,5 % chez les garçons).

Immaturité vésicaleLesmanifestations cliniques sont essentiellement diurnes. Les troubles miction-nels sont caractérisés par des impériosités ; l’enfant tente de contrôler sonsphincter strié par une contraction volontaire mais souvent retardée. Il peut yavoir de véritables urgences mictionnelles, un jet explosif et brutal, mais il y aaussi une pollakiurie, des petites fuites urinaires peu abondantes responsablesde « culottemouillée ». Certes, l’enfant peut réagir à ces besoins impérieux encourant vers des toilettes proches, d’autres vont se retenir le plus possible encherchant par des manœuvres à augmenter leur pression urétrale – croise-ment de jambes, pression directe sur le méat urétral – et c’est dans ces formesque l’on peut voir des infections urinaires, voire des reflux vésico-urétéraux.L’énurésie nocturne est souvent associée à ces troubles diurnes.Il n’y a pas de dysurie (en dehors d’infection urinaire récidivante).L’examen neurologique est normal.Le diagnostic est essentiellement clinique (interrogatoire) et les examens

complémentaires n’ont aucun intérêt dans les formes simples. Un bilanéchographique ou radiologique à la recherche d’un reflux vésicorénal n’estnécessaire qu’en cas d’infection urinaire fébrile associée. Le traitementmédical est très efficace, mais ne doit être prescrit qu’après l’âge de 5 ans.Il repose sur l’oxybutinine (Ditropan�, Driptane�), qui a surtout une actionantispasmodique et une moindre action anticholinergique. En agissant sur ledétrusor, elle diminue l’amplitude des contractions non inhibées de la vessieet augmente la capacité vésicale fonctionnelle, mais expose aux effets secon-daires anticholinergiques (sécheresse de la bouche, troubles visuels, majora-tion d’une constipation. . .). La dose habituelle est en règle de 2 compriméspar jour en deux prises à partir de l’âge de 5 ans. L’effet se fait parfois attendre2 à 3 semaines. Il est plus rapide sur les troubles diurnes que nocturnes.

Autres troubles mictionnelsLe grand diagnostic différentiel de l’immaturité vésicale est la constipation et,devant un tableau d’instabilité vésicale avec impériosité mictionnelle et fuite

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urinaire, il faut rechercher systématiquement une constipation sévère qui peutêtre à l’origine du même tableau clinique. La persistance de selles dures et ladilatation de l’ampoule rectale peuvent être à l’origine de contraction noninhibée du détrusor, mimant le tableau d’immaturité vésicale. S’il existe unerétention stercorale, il faut la traiter avant d’envisager le traitement classiquede l’immaturité vésicale par l’oxybutinine.Pour être complet, il faut citer aussi les troubles mictionnels en rapport avec

des facteurs locaux irritatifs (vulvite, inflammation du méat, adhérencespréputiales, constipation, cystite ou urétrite) qui répondent au traitementde la cause, mais aussi certaines énurésies psychogènes, liées à des troublesaffectifs majeurs et souvent associées à une encoprésie.Ainsi, l’énurésie primaire nocturne est facile à distinguer des maladies orga-

niques vésicosphinctériennes susceptibles de donner des pertes d’urine. Elleest facile aussi à distinguer de l’immaturité vésicale : un interrogatoire simpleet un examen clinique suffisent.L’énurésie est une situation fréquente où la perturbation du sommeil est

prédominante et les troubles psychologiques beaucoup plus souventréactionnels au symptôme que préexistants.La prise en charge, simple, repose sur une responsabilisation de l’enfant et

l’administration d’imipramines.

Pour en savoir plus

Aubert D, et al. Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic et prise en charge.Recommandations par consensus formalisé d’experts. Prog Urol 2010;20:343-9.

Collectif. Dossier « Incontinence urinaire et énurésie ». Réalités pédiatriques 2003;86:9-22.Collectif. Incontinence fécale et urinaire. Que retenir pour la pratique quotidienne ? Actualités

Médecine et Enfance 1995;7.Collectif. Troubles urinaires chez l’enfant. Pédiatrie pratique 2011;232:1-7.Corbillon E, Xerri B, Poullié AI, Rumeau-Pichon C. Évaluation des systèmes d’alarme dans le

traitement de l’énurésie nocturne primairemonosymptomatique. Paris: Anaes/HAS; 2003www.has-sante.fr/.

Lenoir G, éd. Troubles mictionnels de l’enfant. Monographie. Rev Prat 1991;23:2275-311.Lottmann H, Alova I. Énurésie de l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier Masson SAS), Urologie,

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