3 arts visuels // la peinture > fiche...

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Seizième siècle, Écoles du Nord, pays germaniques, vanités Mots clefs, points d’ancrage pour l’étude de l’oeuvre Portrait d’amitié, nature morte scientifique, vanité Anamorphose Les objets du tableau (fonction et dimension symbolique) Les personnages et leur statut (rôle politique, attributs, costumes) Les domaines célestes, spirituels et terrestres Connaissances scientifiques, artistiques et croyances religieuses Lorsque Holbein arrive à Londres, début septembre 1532, il est profondément déçu. Il avait quitté Bâle un mois plus tôt avec l’espoir de devenir le portraitiste officiel d’Henri VIII. C’est son ami sir Thomas More (voir annexes), chancelier du royaume d’Angleterre qui l’introduirait à la cour. Cependant, lorsque Holbein pénètre dans Londres, venant d’Anvers, en ce début septembre 1532, sir Thomas More n’est plus qu’un prisonnier, accusé de haute trahison, jeté dans un cachot de la tour de Londres pour s’être opposé au divorce d’Henry VIII avec Catherine d’Aragon et à sa volonté d’épouser, en se- condes noces, Anne Boleyn. Or, c’est à ce coup du destin qu’Holbein doit d’avoir peint son chef-d’œuvre : Les Ambassa- deurs Un des plus grands tableaux de tous les temps. Il y avait là, à Londres, un jeune français. Un certain Jean de Dinteville, envoyé par François Ier auprès d’Henry VIII, un véri- table passionné de peinture, qui lui commanda une toile le montrant dans la magnificence de sa fonction, en grandeur réelle. Cette toile, il la destinait au château de Polisy, la demeure familiale des Dinteville, près de Troyes. Pendant les neuf mois de son ambassade, le jeune français avait séjourné au palais royal de Bridewell, et c’est sans doute, à l’astronome d’Henry VIII, Nicolas Kratzer, un savant allemand exilé en Grande-Bretagne, qu’il doit d’avoir connu Holbein. Ce passionné de peinture qui commanda son chef-d’œuvre à Holbein est placé à gauche dans la composition, appuyé à une grande étagère à deux tablettes recouverte d’un tapis d’Orient comme l’étaient les tables de l’époque. Sur la ta- blette du haut, des appareils d’astronomie et de chronométrie ; sur celle du bas, des instruments de musique, un livre en- trouvert et un autre, grand ouvert. Au fond, une tenture qui dissimule l’arrière-plan. Et puis, à droite, l’intime de toujours, George de Selve, évêque de Lavaur, accouru tout exprès pour figurer sur le tableau. L’œuvre fut peinte en avril-mai 1533, au moment du couronnement d’Anne Boleyn. Au-delà de la représentation de ces deux notables la toile d’Holbein contient un mystère. Une tache, une figure non im- médiatement identifiable, placée au pied des deux personnages. C’est l’anamorphose d’un crâne humain, l’image laten- te des Ambassadeurs, son énigme. Jean Louis Ferrier « Les ambassadeurs: anatomie d’un chef-d’œuvre » Editions : Denoël / Gonthier « Hans Holbein est un des peintres les plus géniaux qui aient jamais existé (avec Dürer), le plus grand peintre de l’Allemagne. Il est né à Augsbourg, ville d’Empire et capi- tale de la Souabe en 1497. Mais il vécut à Bâle, puis en Angleterre, les années dramatiques durant lesquelles s’éla- bore l’esquisse du monde moderne. C’est l’époque où la Réforme multiplie les guerres fratricides, où l’idée de la conscience nationale détruit l’unité européenne qui cède le pas aux rapports de forces entre puissance.» Jean Louis Ferrier « Les ambassadeurs : anatomie d’un chef-d’œuvre » Editions : Denoël / Gonthier "Non seulement la peinture raconte une histoire, mais elle la pense". Ernst Gombrich, historien de l’art Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIX ème siècle XX ème siècle et notre époque arts visuels // la peinture > fiche n°16.1 3 F.Jouin /H.Hemme/D.Pelletier— apm1— inspection académique de l’oise-2010 Hans Holbein le jeune Augsbourg, 1497 - Londres, 1543. Jean de Dinteville et Georges de Selve (Les ambassadeurs) 1533 Huile sur bois H : 207cm ; L : 209cm National Gallery, Londres Œuvre à rapprocher de Maurits Cornelis Escher Leeuwarden, 1898– Laren 1972 Main tenant un miroir sphérique 1935 Lithographie Fondation Escher David Bailly Leiden, 1584– Leiden, 1657 Autoportrait avec symboles de vanité 1651 Huile sur toile H : 65 cm ; L : 97,5 cm Stedelijk Museum De Lakenhal, Leiden Peinture de vanité L’anamorphose

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  • Seizième siècle,Écoles du Nord, pays germaniques, vanités

    Mots clefs,points d’ancragepour l’étudede l’oeuvre

    Portrait d’amitié, nature morte scientifique, vanitéAnamorphoseLes objets du tableau (fonction et dimension symbolique)Les personnages et leur statut (rôle politique, attributs, costumes)Les domaines célestes, spirituels et terrestresConnaissances scientifiques, artistiques et croyances religieuses

    Lorsque Holbein arrive à Londres, début septembre 1532, il est profondément déçu. Il avait quitté Bâle un mois plus tôtavec l’espoir de devenir le portraitiste officiel d’Henri VIII. C’est son ami sir Thomas More (voir annexes), chancelier duroyaume d’Angleterre qui l’introduirait à la cour. Cependant, lorsque Holbein pénètre dans Londres, venant d’Anvers, ence début septembre 1532, sir Thomas More n’est plus qu’un prisonnier, accusé de haute trahison, jeté dans un cachot dela tour de Londres pour s’être opposé au divorce d’Henry VIII avec Catherine d’Aragon et à sa volonté d’épouser, en se-condes noces, Anne Boleyn. Or, c’est à ce coup du destin qu’Holbein doit d’avoir peint son chef-d’œuvre : Les Ambassa-deurs Un des plus grands tableaux de tous les temps.Il y avait là, à Londres, un jeune français. Un certain Jean de Dinteville, envoyé par François Ier auprès d’Henry VIII, un véri-table passionné de peinture, qui lui commanda une toile le montrant dans la magnificence de sa fonction, en grandeurréelle. Cette toile, il la destinait au château de Polisy, la demeure familiale des Dinteville, près de Troyes. Pendant les neufmois de son ambassade, le jeune français avait séjourné au palais royal de Bridewell, et c’est sans doute, à l’astronomed’Henry VIII, Nicolas Kratzer, un savant allemand exilé en Grande-Bretagne, qu’il doit d’avoir connu Holbein.Ce passionné de peinture qui commanda son chef-d’œuvre à Holbein est placé à gauche dans la composition, appuyéà une grande étagère à deux tablettes recouverte d’un tapis d’Orient comme l’étaient les tables de l’époque. Sur la ta-blette du haut, des appareils d’astronomie et de chronométrie ; sur celle du bas, des instruments de musique, un livre en-trouvert et un autre, grand ouvert. Au fond, une tenture qui dissimule l’arrière-plan. Et puis, à droite, l’intime de toujours,George de Selve, évêque de Lavaur, accouru tout exprès pour figurer sur le tableau. L’œuvre fut peinte en avril-mai 1533,au moment du couronnement d’Anne Boleyn.Au-delà de la représentation de ces deux notables la toile d’Holbein contient un mystère. Une tache, une figure non im-médiatement identifiable, placée au pied des deux personnages. C’est l’anamorphose d’un crâne humain, l’image laten-te des Ambassadeurs, son énigme.

    Jean Louis Ferrier

    « Les ambassadeurs: anatomie d’un chef-d’œuvre »

    Editions : Denoël / Gonthier

    « Hans Holbein est un des peintres les plus géniaux quiaient jamais existé (avec Dürer), le plus grand peintre del’Allemagne. Il est né à Augsbourg, ville d’Empire et capi-tale de la Souabe en 1497. Mais il vécut à Bâle, puis enAngleterre, les années dramatiques durant lesquelles s’éla-bore l’esquisse du monde moderne. C’est l’époque où laRéforme multiplie les guerres fratricides, où l’idée de laconscience nationale détruit l’unité européenne qui cèdele pas aux rapports de forces entre puissance.»

    Jean Louis Ferrier« Les ambassadeurs : anatomie d’un chef-d’œuvre »

    Editions : Denoël / Gonthier

    "Non seulement la peinture raconte une histoire, mais elle la pense". Ernst Gombrich, historien de l’art

    Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    arts visuels // la peinture > fiche n°16.13

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    Hans Holbein le jeuneAugsbourg, 1497 - Londres, 1543.Jean de Dinteville et Georges deSelve(Les ambassadeurs)1533Huile sur boisH : 207cm ; L : 209cmNational Gallery, Londres

    Œuvre à rapprocher deMaurits Cornelis EscherLeeuwarden, 1898– Laren1972Main tenant un miroirsphérique1935LithographieFondation Escher

    David BaillyLeiden, 1584– Leiden, 1657Autoportrait avec symboles de vanité1651Huile sur toileH : 65 cm ; L : 97,5 cmStedelijk Museum De Lakenhal, Leiden

    Peinture de vanité L’anamorphose

  • la peinture3 arts visuels // > fiche n°16.2Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les détails de l’oeuvre

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    Le crucifix, à moitié caché, dans une position intermédiaire entre ce qui est devant le rideau, le monde des hom-mes et ce qui est caché à leur regard, l'inconnu derrière la tenture, symbolise la position du Christ intermédiaireentre l'ici-bas et l'au-delà.

    Dans la coiffure de Jean de Dinteville est accroché un crâned'or broché. Ce bijou évoque la devise familiale des Dinteville« MEMENTO MORI» c'est à dire, « Souviens-toi de la mort »

    L'ordre royal de Saint Michel« Les chevaliers, au nombre de 36, juraient au roi chef etsouverain de l’Ordre une fidélité absolue. Dans les activitésciviles publiques, ils arboraient un collier d’or formé de co-quilles liées par des doubles noeuds, symbole de fraternité,que François Ier remplaça par des cordelières en 1516, aux-quelles était appendue l’image de l’archange terrassant ledragon. Les jours de cérémonie, sous Louis XI, les chevaliersportaient le collier sur un manteau de damas blanc brodéd’or et fourré d’hermine et ils se coiffaient d’un chaperonde velours cramoisi à longue cornette.»

    Sur le fourreau de la dague est gravé l’âge de Jeande Dinteville : 29 ans

    Qui était Jean de Dinteville?En 1533 Jean de Dinteville faisait partie de la suite royale de François1er. C'est un homme très cultivé et surtout c'est un passionné de pein-ture. Il aime la musique, les sciences, les idées modernes. C'est grâce àson frère, évêque d'Auxerre, François, qu'il va rencontrer le roi de Fran-ce. La stratégie du Roi de France est alors complexe, François de Din-teville est l'envoyé spécial de François ler à Rome. Il souhaite devenir« l’oreille » du Pape pour ensuite accompagner Henri VIII dans son pro-jet de divorce avec Catherine d'Aragon.Seul le Pape a le pouvoir d’annuler ce mariage.En retour Henri VIII deviendrait l’interlocuteur privilégié de François lerqui recherche des alliés politiques pour contrer la puissance de l’Espa-gne (sur terre et sur mers) et de Charles Quint. François ler comptaitdonc beaucoup sur les frères Dinteville pour replacer sur l’échiquiermondial le royaume de France. Durant les 9 mois de son séjour à Lon-dres, Jean de Dinteville supporta difficilement le climat.Il sera paralysé les dix dernières années de son existence.Il meurt en 1555, à 51 ans.

  • > fiche n°16.3la peinturearts visuels //3Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les détails de l’oeuvre

    Qui était George de Selve?George de Selve est l'évêque de Lavaur, ville du Sud Ouest située ente Albi et Tou-louse. Muté à ce poste par François 1er, il avait à l’époque 18 ans. En fait il a bénéfi-cié d'une énorme promotion du Roi de France qui souhaitait ainsi remercier Jean DeSelve, son père. Celui-ci, quelques années auparavant, a joué un rôle déterminantdans la libération de François 1er. (Le roi ayant été capturé par les armées de Char-les Quint lors de la bataille perdue de Pavie). Jean de Selve a marchandé la libertédu roi auprès de Charles Quint (ainsi que par la suite, celle de ses deux fils) enéchange de la Bourgogne.Georges de Selve meurt jeune, le 12 février 1541, des assauts répétés de la “fièvretierce”, sans doute la tuberculose, âgé de trente trois ans. Ses restes reposent dansla cathédrale de Lavaur

    Sur la tranche de la bible située sous lecoude de Georges de Selve on voit uneinscription. C'est son âge : 25 ans

    Le globe terrestre Le livre d’arithmétique de Peter Apian

    Basé sur celui que Johannes Schöner produisità Nuremberg en 1523, il indique un certainnombre de notations « géopolitiques » com-me la ligne de partage du monde entre Es-pagnols et Portugais établie par le papeAlexandre VI par le traité de Tordesillas de1494. La circumnavigation de Magellan y esttracée. On y aperçoit aussi le Nouveau Mon-de, en particulier la côte brésilienne. Holbeinfait quelques modifications ou variations, ilécrit « Pritania » pour « Britania » la plus subtiledes modifications étant l’ inclusion de la peti-te ville de Polisy, lieu où vit Dinteville.

    La symbolique associée au livre de Peter Apian est probablementde deux ordres. Tout d'abord, livre à usage des marchands etconsacré à la pratique de leur métier, il marque l'importance del'émergence de la bourgeoisie dans cette période. Holbein ferad'ailleurs des portraits de riches marchands. Il manifeste aussi danscette pratique marchande l'apparition de nouveaux outils mis à dis-position d'un plus grand nombre par la technique révolutionnaire del'imprimerie. Le livre rappelle aussi que Georges de Selve descendd'une famille de marchands limousins qui a fait sa fortune au coursdu XVe siècle et qui a ainsi permis à l'un des siens d'occuper la posi-tion d'évêque. Il a été remarqué aussi par Foister que la page lisiblecommence par le mot Dividirt, double sens de division mathémati-que mais aussi de division ou dysharmonie, tant dans l'église quedans le domaine politique, ce qui apparaît, en conjonction avecd'autres éléments de la composition, comme une des clefs du ta-bleau. En effet, les écrits de Georges de Selve se font l'écho de sesinquiétudes devant la division dont souffre l'église, la Réforme luthé-rienne, mais aussi la création de l'église anglicane, dans le pays mê-me où est peint le tableau. Il écrit par exemple un discours destinéau roi de France et à l'Empereur romain germanique pour les appe-ler à la réconciliation.

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  • > fiche n°16.4la peinturearts visuels //3Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les détails de l’oeuvre

    Le livre de chants

    Le livre représenté est le Geistlich Gesangbuhli de Johannnes Walther, un livre d'hymnes sacrés dont la première éditiondate de 1524. Comme pour le livre d'arithmétique, Holbein a choisi de présenter le livre ouvert à deux pages particulièresqui ne sont cependant pas consécutives dans le véritable ouvrage.La page de gauche montre la traduction en allemand, par Luther, du premier verset de l'hymne Veni sancte Spiritus et lapage de droite l'introduction à la version abrégée des Dix Commandements du même Luther.Il est fort probable que le choix de ce livre et la juxtaposition de ces deux pages soient intentionnels, il s’agit d’illustrer lapensée luthérienne qui repose, entre autre, sur la Loi, représentée par les commandements, et la Grâce, symbolisée parl'hymne (renouveau hymnologique luthérien).

    Le luth et les flûtes

    Le luth est l’un des instruments de musique les plus prestigieux de l'époque.Difficile à accorder, il demande une connaissance savante de la musique, il faut donc beaucoup de doigté pour enjouer correctement (cordes pincées). Il est possible qu’il s’agisse d’une autre métaphore cachée du tableau adres-sée à Henry VIII : Gouverner… Faire de la politique ou accepter la charge d’ambassadeur c’est, avant tout fairepreuve de doigté…

    La corde cassée est :

    - une allusion aux Emblemata (Recueils d' allégories en vers latins sur des sujets moraux) d’Andrea Alciati (8 mai 1492 –1550, Pavie) : « Emblematum Libellus» publié en 1531.Alciati écrit :« Il est extrêmement difficile pour l’étudiant de mettre à l’unisson autant de cordes, si une corde ne peut être accor-dée ou est cassée, la grâce du coquillage n’est plus et la meilleure des musiques n’est que faiblesse ».

    - le symbole de la fragilité de la vie.

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  • arts visuels //3 la peinture > fiche n°16.5Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les détails de l’oeuvre

    Le globe céleste

    La constellation du cygne"Non loin de l'Académie est le tombeau de Platon. Les dieux pronos-tiquèrent, de la manière suivante, qu'il serait un des plus célèbresphilosophes. Socrate, quand Platon vint se mettre au nombre de sesdisciples, avait, la nuit précédente, vu en songe un cygne qui volaitdans ses bras. Or, le cygne est un oiseau qui passe pour musicien,depuis, dit-on, qu'un certain Cygnus, musicien célèbre, et roi desLiguriens, peuple de la Gaule, au-delà de l'Éridan, fut à sa mort mé-tamorphosé par Apollon, et prit la forme de l'oiseau qui porte sonnom. Je veux bien croire que les Liguriens aient eu un roi grand musi-cien, mais on ne me persuadera pas qu'il ait été changé d'hommeen oiseau."

    Pausanias, Attique, XXX, 3Pausanias (en grec ancien Παυσανίας / Pausanías), dit le Périégète,

    est un géographe et voyageur de l'Antiquité

    En Angleterre, la chasse au cygne est prohibée, c'est un privilège royal. Tous les cygnes du pays appartiennent en théorie àla Couronne. L’élevage ou la possession de cygnes sont des privilèges uniquement réservés aux personnes de sang royal.

    Les instruments de mesure

    Tous les instruments exposés sur les étagères représentent l'éducation reçue par Jean de Dinteville.En haut le domaine des connaissances célestes et scientifiques, en bas le domaine terrestre et artistique.A l’époque, les études universitaires se composaient des arts libéraux.Le Trivium : grammaire, logique, réthorique, et le Quadrivium : musique, arithmétique, géométrie, astronomie. Ce sont cessept disciplines qui sont symbolisées dans le tableau. Il s’agit d’autre part d’illustrer par l’allégorie l’union de l’art et de lascience en accord avec les théories pythagoriciennes remises en vogue par l’humanisme italien.A l'époque d'Holbein le ciel est un domaine métaphysique qui joue un rôle non négligeable dans le destin des hommes.L'astrologie et l'astronomie ne sont pas comme de nos jours des activités clairement distinctes.

    L’horloge du berger ou cadran du berger

    Quelle heure est-il ?

    Nous sommes le vendredi 11 avril 1533, aux environs de 9h 30 ou 10h 30mn !C’est un jour de vendredi saint…Le Vendredi saint est célébré par les chrétiens le vendredi précédant le di-manche de Pâques.C'est la commémoration de la Passion (Supplice et exécution de Jésus-Christ). Des offices additionnels sont tenus ce jour-là avec des lectures duNouveau Testament et, pour les catholiques, une procession en quatorze sta-tions commémorant chaque scène conduisant à la crucifixion. L'Église catho-lique romaine préconise de jeûner le Vendredi saint, et à tout le moins demanger maigre (pas de viande en particulier).Les crucifix et parfois les statues sont voilées jusqu'à la célébration de Pâques.

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  • arts visuels //3 la peinture > fichen°16.6Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les détails de l’oeuvre

    Le quadrant blancCe quadrant définit l’altitude des objets par lamesure de l’ombre qu’ils projettent.d’où l’inscription :“ VMBRA VERSA”

    Le cadran solaire polyédrique

    Les trois côtés du cadran solaire polyédrique indiquent deux heuresdifférentes: neuf heures et demie et dix heures et demie.

    Les disparités que l’on remarque entre les heures des différents ins-truments sont considérées comme des symboles de la dislocation

    du temps, une allusion aux grandes divisions religieuses en Europe àcette époque.

    Le TurquetLe "Turquet" ou torquetum (tordu) était un instrument de mesurequi permettait de calculer la position de corps célestes et de fixerl'heure et la date. Cet objet complexe composé de disques et deplateaux sera délaissé 75 ans plus tard lorsque Galilée inventera la"lunette astronomique".

    « Car le secret de ce tableau, dont je vous ai rappelé les résonances, les parentés avec les vanitas, de ce tableau fascinantde présenter, entre les deux personnages parés et fixes, tout ce qui rappelle, dans la perspective de l’époque, la vanité desarts et des sciences, - le secret de ce tableau est donné au moment où, nous éloignant légèrement de lui, peu à peu, versla gauche, puis nous retournant, nous voyons ce que signifie l’objet flottant magique. Il nous reflète notre propre néant,dans la figure de la tête de mort. Usage donc de la dimension géométrale de la vision pour captiver le sujet, rapport évi-dent au désir qui, pourtant, reste énigmatique. »

    Jacques Lacan, Le séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Seuil

    L’anamorphose, l’image de la mort

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  • la peinturearts visuels //3 > fiche n°16.7Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les détails de l’oeuvre

    “L’image de l’œuvre”L’œuvre est construite selon deux systèmes de perspective : le premier organise les figures vivantes et le monde des phéno-mènes qui les entourent, le second articule le crâne, métaphore de la mort.Ces deux systèmes coexistent dans une seule peinture, mais ils s’excluent mutuellement : pour comprendre pleinement l’und’eux, le spectateur doit perdre l’autre de vue.(De plus, les instruments représentés dans l’œuvre sont conçus pour mesurer des ombres, c’est à dire des formes sansconsistance.)

    « Un singulier objet, pareil à un os de seiche, flotte au-dessus du sol : c’estl’anamorphose d’un crâne qui se redresse lorsqu’on se place tout près, au-dessus, en regardant vers la gauche. Un sens caché et une solennité pè-

    sent lourdement sur toute la scène. »

    “… Au lieu de la splendeur humaine, il (le spectateur) voit un crâne.Les personnages et tout leur attirail scientifique s’évanouissent et, à leur

    place, surgit le signe de la Fin. La pièce est terminée.”Jurgis Baltrusaitis, Anamorphoses, ou Thaumaturgis opticus, Flammarion

    “ La diplomatie est une tentative de régler par la paix les différends des États, elle est un antidote à un mal dont elle veut seprémunir en conjurant ses effets les plus mortifères. Pourtant, la diplomatie vit de la guerre qu’elle veut éviter. A ce titre, lapeinture d’Holbein introduit une réflexion décisive sur la violence et la retenue dans les affaires de l’État en indiquant unetension profonde entre la froideur du calcul qui doit conjurer la mort par la puissance et la certitude refoulée de la finitude.La mort, en effet, est la division ultime qui donne tout son sens au tableau. Plus les grands cherchent un abri dans l’illusion dela maîtrise du monde, plus ils sont exposés à leur condition mortelle. Ni les sciences ni les arts ne détourneront l’ambassadeuret l’évêque de leur destination finale. Le contraste est insupportable entre leur impassibilité et l’anamorphose qui représentele refoulé de la puissance calculatrice. Tout en étant certaine, la mort est ce qui ne suppose aucune anticipation, l’imprévisi-ble.”

    “ Quelques années après avoir posé pour Holbein, Dinteville fut atteint d’une paralysie qui figea les dix dernières années desa vie. Le sort de Selve fut aussi funeste : il décéda prématurément à l’âge de trente-trois ans. Quant à Holbein (son nomveut dire “os creux” en allemand), la mort a hanté sa vie, précisément dans ses rapports avec un être cher, véritable prolon-gement de lui-même. A travers la représentation du moi et du double, Les Ambassadeurs nous renvoient, en effet, à un tra-gique épisode de la vie d’Holbein. Son frère aîné Ambrosius était peintre également et ils avaient réalisé ensemble de nom-breux tableaux. Or Ambrosius mourut en 1519, à l’âge de vingt-trois ans. La propre fin d’Holbein fut elle aussi marquée par letragique : sept ans après avoir été nommé peintre à la cour d’Angleterre, en 1543, il succomba à la peste qui s’abattit surLondres.”

    Ariel Colonomos“La froideur du regard impassible des Etats”

    Editions du CNRS

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  • arts visuels // la peinture > fiche n°16.8

    Analyse comparative

    À voir dans l’Oise où ailleurs…

    Repères, s’interroger sur :

    Le portrait de commande Le tableau biographique La mise en scène du pouvoir et du savoir Le statut des objets lié à la connaissance et au savoir pour les ambassadeurs, sym-

    boliques du pouvoir pour Louis XIV Les dimensions des deux oeuvres (taille réelle pour les ambassadeurs, plus grand que

    nature pour Louis XIV)

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    A la même époque, en littérature...

    Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    François Rabelais« Les horribles et épouvantables faits et prouesses dutrès renommé Pantagruel Roi des Dipsodes, fils duGrand Géant Gargantua » (1532)

    1543, la peste ravage Londres

    Filiations et repères historiques

    1548, Titien

    peint le portrait deCharles Quint

    1533, Hans Holbeinpeint “Les ambassadeurs”

    1515, sacre de François Ier1450, découverte de l’imprimerie

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    A Paris, Le Musée du Louvre, écoles du Nord, pays germaniques, XVIe siècle, salle 8, aile Richelieu, 2ème éta-geA Londres, National Gallery, salle 4, « les ambassadeurs »A Chantilly, au musée Condé, la salle des portraits de Clouet

    1503-1506, Léonard de Vinci

    peint “La joconde”

    Hans Holbein le jeuneAugsbourg, 1497 - Londres, 1543

    Jean de Dinteville et Georges deSelve

    (Les ambassadeurs)1533

    Huile sur boisH : 207cm ; L : 209cm

    National Gallery, Londres

    Hyacinthe RigaudPerpignan, 1659- Paris, 1743Portrait de Louis XIV1701Huile sur toileH: 279 cm ; L : 190 cmMusée du Louvre, Paris

    Illustration deGustave Doré

    pour Pantagruel1894

    Erasme de Rotterdam« Eloge de la folie »Essai écrit en 1509, éditionde 1511 illustrée avec desgravures sur bois de HansHolbein le jeune

  • La biographie imaginaire

    arts visuels // la peinture > fiche n°16.9

    Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    3

    Portrait et mise en scèneL’objet personnel, reflet de soiLa collectionRéalité et fictionLe souvenir fictif

    Vers la pratique plastique

    Quelques pistes pour la classe

    Bibliographie sélective, sites, DVD

    Jean Louis FerrierLes ambassadeurs : anatomie d’un chef-d’œuvreEditions : Denoël / Gonthier

    Oskar Bätschmann et Pascal GrienerHans HolbeinEditions : Gallimard

    Norbert WolfHans Holbein le jeune : Le Raphaël allemandEditions : Taschen

    www.nationalgallery.org.uk/paintings/hans-holbein-the-younger-the-ambassadors

    Autour des biographies imaginaires

    Réaliser dans une boîte, un portrait de soi à l’aide d’objets personnels S’imaginer autre, s’inventer un personnage à partir de photos découpées dans des magazines et jouer

    avec la frontière qui sépare fiction et réalité (Carnet de bord d’explorateur, carnet de notes du détec-tive, agenda du super héros, journal intime d’un apprenti sorcier etc.)

    Inventer la biographie d’une famille imaginaire sous la forme d’un roman-photo (se mettre en scènedans ce roman-photo, se déguiser, s’inventer de vrais-faux souvenirs)

    Autour de la collection d’images :

    Entamer une banque d’images autour du portrait officiel (présidents de la république, rois, empereurs)

    Analyser les mises en scènes de ces différents portraits, rôle de la lumière, disposition des objets, attri-buts symboliques du pouvoir, décors, théâtralisation

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    Christian BoltanskiParis, 1944

    Vitrine de référence1971

    Boîte en bois peinte sous plexiglas et contenant : photos, cheveux,bribes de vêtements de l’artiste, échantillon de son écriture, page deson livre de lecture, entassement de 14 boulettes de terre, un piège

    composé de trois objets faits de morceaux de tissu, fil de fer, épingles,bois, plexiglas, photos, cheveux, tissus, papier, terre, fil de fer

    H : 59,6 cm ; L : 120 cm ; P : 12,4 cmCentre Pompidou, Paris

  • 3 arts visuels // la peinture > fiche n°16.10Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

    Les annexes

    Petite collection de portrait de couples ou d’amitié

    Jan van Eyck

    1395, Maaseik - 1441, BrugesPortrait de Giovanni Arnolfiniet de sa femme1434Huile sur boisH: 82 cm ; L: 60 cmNational Gallery, Londres

    Jacopo Pontormo

    1494, Pontormo - 1557, FlorencePortrait de deux amis1522Huile sur panneau de boisH: 88 cm ; L: 68 cmCollection Vittorio Cini, Venise

    Diego Rodriguez de Silva y VELÁZQUEZ

    1599, Séville - 1660, MadridDon Antonio el Inglés1640-42Huile sur toileH : 142 cm ; L : 107 cmMusée du Prado, Madrid

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    Piero della Francesca

    1416, Borgo San Sepolcro, 1492, Borgo SanSepolcroPortraits de Frédéric de Montefeltre et de safemme Battista Sforza

    1465-66Huile sur panneau de bois (dyptique)H : 47 cm ; L : 33 cmGalerie des Offices, Florence

    Lucas Cranach, l’ancien

    Portrait du docteur JohannesCuspinian et d’Anna Cuspinian1502Huile sur boisH : 59 cm ; L : 45 cmCollection Oscar Reinhardt,Winterthur

    Albrecht Dürer

    1471, Nuremberg - 1528, NurembergPortrait de Paul Topler et de MartinPfinzig1520Pointe d’argentH: 12,8 cm ; L: 19 cmMusée de la ville de Berlin

    Hans Holbein le jeuneSir Thomas More

    1527Tempera sur panneau de bois

    H: 74,2 cm ; L: 59 cmFrick Collection, New York

    Thomas More

    Grand ami d'Érasme, érudit, philanthrope, il participe pleinement au renou-veau de la pensée qui caractérise cette époque.En 1516, Thomas More, chancelier d'Angleterre, lance avec son ouvrage :“ L'Utopie ou Le Traité de la meilleure forme de gouvernement ” un appelpathétique pour sauver l'humanité en perdition.Si l'ouvrage est assurément un réquisitoire contre la misère et le mal, il n'est

    pas pour autant l'épure d'un « socialisme vivant ».

    Dans un extraordinaire élan métaphysique, More cisèle pour les Utopiens uneconstitution qui, bien au-delà d'un réformisme politique pragmatique et plat,est destinée à opérer la rédemption de l'humanité et à recréer la substancedu monde.

    La force de l'œuvre se trouve dans le dynamisme spirituel qui la porte. C'esten lui que réside la fonction utopique elle-même, qui est de transcender letemps.

    C’est lui qui introduira, avec Nicolas Kratzer, Holbein à la cour d’Henry VIII.