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247 Les Semi-Voyelles en Cris-Montagnais de Fort George 1 Pierre Martin Universite Laval On sait que Bloomfield 1946 pensait que les semi-voyelles du proto-algonquien (qu'il notait w et y) n'etaient pas des phonemes distincts de leur voyelle correspondante (qu'il notait respectivement o et i) mais qu'elles constituaient plutot des variantes contextuelles (non syllabiques) de ces dernieres devant voyelle (syllabique). Toutefois, le statut non-phonematique des semi-voyelles n'etant pas assure pour chacune des langues algonquiennes, Bloomfield a prefere representer les semi-voyelles a l'aide de symboles distincts de ceux qu'il utilisait pour noter les voyelles breves correspondantes. Hockett 1948, entre autres, a conteste le point de vue de Bloomfield sur le statut non-phonematique des semi-voyelles en proto-algonquien. II a pose qu'il serait probablement plus prudent de s'abstenir sur ce point jusqu'a ce que des etudes plus poussees aient ete realisees pour chaque langue algonquienne, ce qui ne 1'a pas empeche de croire par ailleurs que les semi-voyelles devaient necessaire- ment trouver leur place dans le systeme phonologique des consonnes de tous les dialectes du cris, par exemple (Hockett 1977). Bien entendu, dans le cadre d'une etude de phonologie diachronique et comparee, il pourrait apparaitre utile et necessaire de considerer i et y, de meme que o et w, comme des phonemes distincts, puisque, ainsi que l'a montre Michelson 1935, le *i^ du proto-algonquien a donne i en cris et en arapaho, alors que le *y du proto-algonquien a donne y (entendre [j]) en cris mais n en arapaho; le *w du proto- algonquien est devenu n en arapaho mais est souvent reste w en cris; en cris de 1'ouest du Canada (Plains Cree), de meme qu'en cris de l'est de la Baie James, certains y ([j]) proviennent de *1, lequel a donne n en fox et 1_, n, r ou 5 dans d'autres dialectes du cris. Etc., etc. Cependant, sur le plan meme de 1'evolution linguistique cette these (statut phonematique pour w et y) peut etre serieusement ebranlee par le recours a plusieurs exemples. La variation reguliere, selon l'etat de langue du proto-algonquien decrit, mais aussi selon les descripteurs, entre des formes comme *wela:kani et *ola:kani pour "assiette", *wekima:wa et *okima:wa pour "chef", *we9kwani et *oxkwani pour "son foie", *wexpwa:kana et *oxpwa:kana pour "pipe", *elenyiwa et *ileniwa pour "etre humain", est corroboree aujourd'hui, en synchronie, a Fort George, ou [wiagan ] et [ojagen] pour "assiette", [wud^TmaS] et [ijd^TmaS] pour "chef", [wuskun] et [_uskun] pour "son foie", [wusp-6g§n] et [usp-ogan] pour "pipe", [i:jo] et [i:o] pour "etre humain", pour ne mentionner que ces exemples, sont carrement en variation libre. (Haas 1966 a etudie ce phenomene dans un excellent article sur 1'evolution des voyelles et des semi-voyelles en proto-algonquien.) Mais nous avons deliberement choisi ici de rester en synchronie pour determiner le statut phonologique de ces semi-voyelles. Ceci dit, le probleme a 1'etude pouvait done prendre pour nous la forme de

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Les Semi-Voyelles en Cris-Montagnais de Fort George1

Pierre Martin Universite Laval

On sait que Bloomfield 1946 pensait que les semi-voyelles du proto-algonquien (qu'il notait w et y) n'etaient pas des phonemes distincts de leur voyelle correspondante (qu'il notait respectivement o et i) mais qu'elles constituaient plutot des variantes contextuelles (non syllabiques) de ces dernieres devant voyelle (syllabique). Toutefois, le statut non-phonematique des semi-voyelles n'etant pas assure pour chacune des langues algonquiennes, Bloomfield a prefere representer les semi-voyelles a l'aide de symboles distincts de ceux qu'il utilisait pour noter les voyelles breves correspondantes. Hockett 1948, entre autres, a conteste le point de vue de Bloomfield sur le statut non-phonematique des semi-voyelles en proto-algonquien. II a pose qu'il serait probablement plus prudent de s'abstenir sur ce point jusqu'a ce que des etudes plus poussees aient ete realisees pour chaque langue algonquienne, ce qui ne 1'a pas empeche de croire par ailleurs que les semi-voyelles devaient necessaire-ment trouver leur place dans le systeme phonologique des consonnes de tous les dialectes du cris, par exemple (Hockett 1977). Bien entendu, dans le cadre d'une etude de phonologie diachronique et comparee, il pourrait apparaitre utile et necessaire de considerer i et y, de meme que o et w, comme des phonemes distincts, puisque, ainsi que l'a montre Michelson 1935, le *i du proto-algonquien a donne i en cris et en arapaho, alors que le *y du proto-algonquien a donne y (entendre [j]) en cris mais n en arapaho; le *w du proto-algonquien est devenu n en arapaho mais est souvent reste w en cris; en cris de 1'ouest du Canada (Plains Cree), de meme qu'en cris de l'est de la Baie James, certains y ([j]) proviennent de *1, lequel a donne n en fox et 1_, n, r ou 5 dans d'autres dialectes du cris. Etc., etc. Cependant, sur le plan meme de 1'evolution linguistique cette these (statut phonematique pour w et y) peut etre serieusement ebranlee par le recours a plusieurs exemples. La variation reguliere, selon l'etat de langue du proto-algonquien decrit, mais aussi selon les descripteurs, entre des formes comme *wela:kani et *ola:kani pour "assiette", *wekima:wa et *okima:wa pour "chef", *we9kwani et *oxkwani pour "son foie", *wexpwa:kana et *oxpwa:kana pour "pipe", *elenyiwa et *ileniwa pour "etre humain", est corroboree aujourd'hui, en synchronie, a Fort George, ou [wiagan ] et [ojagen] pour "assiette", [wud^TmaS] et [ijd^TmaS] pour "chef", [wuskun] et [_uskun] pour "son foie", [wusp-6g§n] et [usp-ogan] pour "pipe", [i:jo] et [i:o] pour "etre humain", pour ne mentionner que ces exemples, sont carrement en variation libre. (Haas 1966 a etudie ce phenomene dans un excellent article sur 1'evolution des voyelles et des semi-voyelles en proto-algonquien.) Mais nous avons deliberement choisi ici de rester en synchronie pour determiner le statut phonologique de ces semi-voyelles. Ceci dit, le probleme a 1'etude pouvait done prendre pour nous la forme de

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la question suivante: à Fort George, aujourd'hui, abstraction rn faite des données historiques et évolutives, la distribution S de i et y d'une part, de o et w d ' autre part , est-elle e non-pert1nente (qu'elle soit 11bre, ou contextuelle)' 1 ou au contraire, une valeur peut-elle être rattachée au [ syllabisme ou au non-syllabisme de ce éléments, les semi- e voyelles devant alors être tra i tées comme des phonèmes t distincts, puisque exerçant une fonction linguistique [ distinctive? a

Pour tenter de répondre à la question, nous nous sommes [ donné un corpus d ' une centaine de formes linguistiques v comprenant des i:, des i et des y, des o :, des o et des w, t placés un peu partout à-l ' intérieur de nos formes linguist i ques . Pour la constitution de ce corpus nous avons eu recours à plusieurs dictionnaires et à des grammaires du cris-montagnais . 2

Et pour enregistrer le corpus au magnétophone, à l'Université Laval, nous avons eu recou+s à une jeune informatrice native de Fort George . Nous avons fait une étude auditive du document sonore ainsi produit, transcrivant chaque forme linguistique à l ' aide de l'A . P . I. Après quoi, des oscillogrammes et des sonagrammes ont été réalisés pour chaque forme . Nous allons maintenant exposer d ' abord une synthèse des analyses auditives, oscillographiques et sonagraphiques, pour ensuite tirer les d conclusions qui s ' imposent sur le plan phonologique. Le corpus y suivra, avec notre proposition de notation phonologique pour 1 chacune des formes. o

En ce qui concerne la semi-voyelle y, sur le plan auditif, o en gros, deux types de réalisations do1vent être envisagés: 1 1) l'impression d'un y comme étant la réalisation d ' un son s bref et non-syllabique, de type plus ou moins constrictif et r plus ou moins fermé ([j], [À], [f]) . 2) la réalisation de y c comme une voyelle syllabique de durée plus longue, d ' aperture s et de timbre plus ou moins variables ([ i], [ r ], [ij], [ ji], [ir], [ijr ] , etc . ) . Dans le premier cas, on peut dire qu ' il d s ' agit de la réalisation quasi systématique 3 de y au contact y de a:, o : ou o. Dans le deuxième cas, il s'agit-de l'impression c auditive-qui se dégage de la fusion de y avec i : , i ou a, qui s précède et/ou qui suit . En d'autres termes, à~uelques- i exceptions près , y se maintient, sous la forme d'une semi- t consonne ou d'une-voyelle brève non-syllabique, au contact de e a:, o : et o, alors que généralement 4 les suites comprenant un d y-en-contact avec i:, i ou a se réduisent à une voyelle longue rn possiblement diphthonguée. -Exemples: s

"it's windy" (Rogers) yutrn -+ [ jûd'In]

"sand" (Watkins) yakow -+ [ jaka~ J "good" (Rogers) mryo -+ [mi u ]

"earth" (Ellis) as ki y -+ [ sts.i]

"frog" (Hives) uyek -+ [ i:k J "he is al ive" (Wa tkins) eyinewew -+ [ ij6 J

La chose est plus complexe dans le cas de la semi-voyelle w. Au niveau auditif, en position finale, généralement après k, w se réalise comme une voyelle postérieure chuchotée, à timbre

e f a

i p 1 c d p F t 1 à

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mal identifiable: nous avons note [9] (peyukW -*- [pajkS]). Souvent, en position interne a l'interieur d'un mot, devant a: et precede de p, t ou k, le w disparait tout en teintant de labialite la voyelle qui suit: nous avons note [TO] (iskwasis -»• [Tjk-oJ]). Puis, au contact de a_-_ (dans les autres contextes) et de ij_, w se realise comme un son bref et non-syllabique, de type plus ou moins constrictif et plus ou moins ferme ([w], [u], [y]). Alors que les suites comprenant w d'une part, et a, oj_, o, ou i, d'autre part, manifestent une nette tendance a la fusion en se realisant tres souvent sous la forme d'une voyelle syllabique de duree plus longue, d'aperture et de timbre tres variables ([u], [u], [o], [o]). Exemples: "soon" (Rogers) wi-pac ->- [wibTtJ]

"rabbit" (Rogers) wa • po • s •+ [wdpoj] "he dreams" (Rogers) pawa-mo -+ [poamo] "he eats him" (Ellis) mowew -»• [moag]

"he is dead" (Watkins) nipew •*• [nfbo]

Sur le plan oscillographique5, l'ecart entre les deux types de sons dont on vient de parler est encore une fois ce qu'il y a de plus significatif. Qu'il s'agisse de w ou de y, lorsque la realisation se rapproche d'une articulation plutot consonantique, ou en tout cas non-syllabique, la duree oscillographique du segment est plus breve que dans le cas ou la realisation se rapproche d'une articulation vocalique et syllabique. En outre, le premier type de sons ne comporte regulierement que tres peu d'harmoniques, alors qu'il s'agit du contraire dans le cas des realisations plus vocaliques et syllabiques.

L'etude des sonagrammes nous amene egalement a distinguer deux grands types de realisation pour w et y. D'une part, il y a les realisations consonantiques et non-syllabiques qui se caracterisent par 1'un, 1'autre, ou 1'ensemble des traits suivants: absence de tenue formantielle stable et notamment instabilite du 2 e formant qui varie constamment et dont le trace est souvent faible; zone de bruit entre le 2 e formant et le ler formant; harmoniques variables en amplitude, cette derniere etant generalement decroissante (sauf sous accent); maintien d'un 2e ou 3 e formant en passant a une voyelle suivante. D'autre part, il y a les realisations vocaliques et syllabiques qui se caracterisent par une stabilite formantielle, une tenue prolongee et peu variable et une absence de bruit (trace fort et zones blanches bien nettes).

En definitive, 1'etude phonetique nous amene a identifier ici deux types de realites sonores distinctes. Le probleme phonologique qui se pose est evidemment de savoir s'il y a 13 des allophones ou des phonemes distincts. Par ailleurs, considerant les presentations traditionnelles qui sont faites du cris-montagnais, il nous faut poser le probleme en termes plus larges et demander s'il y a en cris-montagnais de Fort George trois types (phonemes) de i (j ~ i ~ i±) et trois types (phonemes) du u (w ~ u - u:). En ce qui nous concerne, la solution a ce probleme passe inevitablement par le recours a la commutation. En effet, ce n'est qu'en opposant, sur 1' axe

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ie,

paradigmatique, les segments phoniques les uns aux autres que l'on peut arriver a etablir les traits phoniques distinctifs, puis les phonemes, concus comme des ensembles de traits Pertinents realises simultanement. Consequemment, en synchron pour pouvoir postuler 1'existence de trois unites^phonematiques distinctes, il nous faudra, selon nous, pouvoir demontrer que les unites ainsi degagees rendent possible des oppositions significatives. A Fort George, [p] et [b], par exemple, sont des realites phonetiques distinctes (cf. 1'absence ou la presence de sonorite) mais non pas des realites distinctives, puisque [napag] et [nabao] signifient tous deux homme . Ce qui etablit la realite phonologique de /p/ ce sont les oppositions qui existent entre [patao] "il apporte cela et [tataS] "restons", entre [pia§] "ptarmigan" et LmiaOJ il lui donne". Sont pertinents les traits phoniques dont la realisation particuliere ne s'explique pas par le contexte^et qui rendent possible des oppositions significatives. II n'y aura done trois types de i et trois types de u que dans la mesure ou ces elements pourront se retrouver en opposition dans un meme contexte. Or, a Fort George, de meme que dans tous le dialectes de l'est de la Baie James (ainsi qu'en montagnais), de telles oppositions n'existent qu'entre deux types d'elements, soit entre /i/ et /i/ d'une part, entre /u/ et /u/ d'autre part6:

[nTpo ]

[wig ]

[nti]

[ f t: Xm ]

[utsimag]

[ wag ]

[Smsk§]

"il est mort"

"sa femme"

"mon estomac"

"chien"

"chef"

"oeuf"

"castor"

[nipo] "il est debout"

[wi§] "son corps"

[nti] "mon omoplate"

[ItaS] "il lui dit"

[utsTmdS] "son chef"

[ wdo] "c'est vraiment un oeuf"

[?msko ] "c'est vraiment un castor"

En somme, il n'y a pas de semi-voyelles distinctives a Fort George (cf. francais "pays" [pei] ~ "paye" [psj]). Celles-ci sont des variantes combinatoires des voyelles breves /!/ et /Q/. Le systeme vocalique de base du cris-montagnais de Fort George comprend trois voyelles (/i/, /a/, / u / ) , auxquelles on pourrait ajouter /o/, si l'on tient compte de la dynamique du systeme (les unites [wa ] tendent de plus en plus a etre remplacees par [TO], dans certains contextes tout au moins). Leg trois voyelles de base ont chacune une contre-partie breve (/i/, /a/, / u / ) . D'une fagon generale, on peut dire que ces voyelles breves se realisent phonetiquement comme des voyelles breves syllabiques, entre consonnes: [T], [S] [u]. En outre, /i/ et /u/ peuvent se realiser phongtiquement comme des voyelles breves non-syllabiques ([J], [y]) ou comme des semi-consonnes ([j], [w]), en contexte vocalique. Pour les voyelles, la forme canonique des enonces apparait dans les suites phonologiques suivantes: CV ~ CV, VC ~ VC, W ~ W ~ VV ~ W . Cependant, toutes les combinaisons de voyelles phonologiques

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ne sont pas attestees. Le tableau qui suit tente de representer les sequences existantes (l'axe vertical contient les premiers segments de la suite possible):

i a u o i a u

i- + + + -- +

a + - + - + - +

U + + -- + --

0---- + - +

I- + + + -- +

a-------

U + + -- + --

Ce tableau montre bien qu'il y a de serieuses lacunes dans les suites de voyelles phonologiques permises. Les voyelles non-breves peuvent toutes apparaitre en contact les unes avec les autres, sauf pour /o/ qui connait une distribution^ lacunaire. /S/ n'apparait dans aucune combinaison. /i/ et /u/ peuvent se combiner entre eux. Enfin, les voyelles de meme lieu d'articulation et de meme aperture, breves ou non-breves, ne se combinent pas entre elles.

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IV CORPUS lJl

IV

forme linguistique notationJ?honologique glose source érudiée notation phonétique proposée

l. "it's wirrly " Rogers (1958) yutm [ j udTn J ; Iutin/

2. "sand" watkins yakow [ jâkaQ J / lakai:i/

3 . "take care!" Watkins yakwa [ jâko J ;Iab;

4. "egg" Rogers (1958) wAw [ w6.Q] /uai:i/

5. "SCX)n" Ibgers (1964) wi·pac [ wili!tJ] ji:iipic;

6. "rabbi t" Ibgers (1964) wa·po·s [ w6p~ IJ /Ua pus 1

7. "he sees it" Ibgers (1958) wapAhtAm [ w6pi.t'Am] /Ua pi tarn/

8. "it is white" Watkins wapaw [ w6baÇ2] /Ua pau/

9. "good" Rogers (1958) mryo [ miu] /mi::>/

10. "he has it" Ibgers (1964) aya·t [ âjat] /aiat/

11. "also" Rogers (1964) kaye· [ Jdja] /kia/

12. "five" Watkins ni yan un [ nj ffi jèS J ; niaiu;

13. "child" Rogers (1964) awa·siM [ wâ J J /i:ias/

14. "he dreams" Rogers (1964) pawa·mo [ poâmo J /puamu/

15. "it goes out (fire)" Rogers (1958) astAwew [ â f t ua.Q] / asruai:i/

16. "he eats him" Ellis mowew [ mS~] / llU.Iau/

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forme linguistique notation phonologique glose source étudiée notation phonétique proposée

17. "l:::e:l" Ellis nipewin [nThiwTn] ;nipauin;

18. "he breathes" Bloomfield yeehyeew [ j<ÉhjaQ] ;Iahiau;

19. "vraiment" Vaillancnurt tapwa [tabo] /tapJ/

20. "pipe" Vaillancourt ospwagen [ Çsp6gTn] /uspJkin;

21. ''femrre" Vaillancourt iskwa [ lskwa.Q] ; Iskliau/

22. "il furre" Vaillancnurt pThtwaw [ piçtoQ J /pihbu/

23. "it's red Bloomfield mihkwaaw [mexk6Ç? J ;rnilik.Ju/

24. "castor" McNulty arrèskw [ imskÇ] ramsku/

25. "un" M::Nulty peyùkw [ pajkÇ] /paikU/

26. "he misses him" Bloomfield kwiitaweeyirœew [ k\vTt6jmaQ ] !kUI tJirrau;

27. "water" Ellis nipiy [ nTbi] / ni pi/

28. ''river'' Ellis si·piy [ si.bi] / si pi/

29. "earth" Ellis askiy [ stsi ] / sei/

30. "stone" Ellis asiniy [ sTni] ; sini/

31. "he dives" Watkins kookew [ kntf iÇ? ] /kuciu/

32. "he is the first" Watkins nekanew [ nik<ÉniQ] / nikaniu/ l'V lJl

33. "it's big" Ellis miSa.·w [ mfaÇ? ] /~IlS au/ w 1

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forme linguistique notation Ehonologique N U1

glose source étudiée notation phoné tique proposée ~

34. "rran" Ellis na·pew [ nabaÇ] / na pau/

35. "he is dead" Watkins nipew [ n Yl:o ] / ni pu/

36. "he stands" Ellis ni·pawiw [ niro ] / ni pu/

37. "it' s calm" Hives aywastin [ jû f tTn ] ; I :>stin;

38. "je le vois" Vaillanoourt niwapi.nawch [ nwaprrB.§tf] / nliaprrauc/

39. "en l'accompagnant" Vaillancourt widjawk [ witfaÇ?k ] jUicaUk/

40. "he likes him" Bloomfield mi yweeyirœew [ rniu Tlli3.Q ] /mi:> irrau;

41. "he says to him" Hives itao [ ÎdaÇ] / itau/

42. "he goes there" Hives itootao [ it.Çta§ J / itutau/

43. "he gets out of the way" Ellis i·katesiw [ id?isiÇ? ] / icasiu/

44. "a l:oss" Hives okilll3.w [ w\JtsTm§.Ç? ] ;ucirrau;

45. "his daughter" Hives otanisu [ wUdÉnS ] fU tans/

46. ''canoe'' Hives oose [ ut J / ut/

47. "he lifts him" Hives oopinao [ u<Jl pTnaÇ J / Uhpinau/

48. "he speaks indian" Ellis ililiw ilili·mow [ Îjo innJ / iu imu/

49. "he orders" Watkins oyusowao [ wi f6o.Q] /uisuau/

50 . "a plate" Hives ooyakun [ wiâikYn ] /uiakin/

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forme linguistique notation phonologique glose source étudiée notation phonétique proposée

51. "a fire" Hives iskootao [ r Jkcrdaç J ;isklitau/

52. "girl" Hives iskwasis [Y fk6IJ ;isbs/

53. "he exists" Hives e ' taw [ i:çtaQ J /ihtau/

54. "he draws him" Hives o ' chipi tao [ ud ) YbYdaQ] ;udpitau/

55. "his grandrrother" Ellis 0. hkoll'a [ uxk6mJ rt.ù1k.Um;

56. "his father" Ellis o·hta·wiya [ u<jl tâwi J ruhtaui/

57. "those" Rogers (1958) Anrhi [fu hi J ranhi/

58. "he sees lT'e" Ibgers (1958) nrwapllffirku [ nuéihnù'k] / nilapnilk/

59. "wind it" Rogers (1958) pimVhu [pimhü J / pimhu/

60. "a bee" Watkins arroo [ arro] /amui

61. "he is seen" Ibgers (1964) wa·pam3.·kaniwi [ wQpnakan6 J ruar;:maJ<anu/

62. "non" Vaillancourt nerrowr [ nanui] / namui/

63. "il y va à rroteur" Vaillanrourt ispiyou [ TspiQ] ;Ispiu/

64. "black nud" Ibgers (1964) asiski [ sTstsi] /si sei/

65. "ca ri.J:x:m" Rogers (1958) Atrhku [iql<Ç J /à:tlkU/

66. "paddle" Rogers (1964) apwi [ ~u r ] japui/ N VI

67. "erough" Watkins akwu [ aga] / aku/ VI

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tv fonne linguistique notation phonologique lJ1

0'1 gl ose source é tudié e notation phonétique propos8e

68 . "il travaille" Vaillanoourt apetisiou [ abÏt}siÇ] / ap1ti.siu/

69 . "he lives" Watkins pimatisew [pm3.qsiÇ] / pnatlsiu/

70. "he is alive" Watkins eyinewew [ ij6 ] j iu/

71. "Indian" Watkins eyinew c ljo J Jiu/

72. "hat" Rogers (1958) Astu tm [ a Jt6dTn] /à~ tu tin;

73. "muskeg" Rogers (1964) llB.~ki · k [ mTstsrk ] ;nJsci.k/

74. "rabbi t" lbgers (1958) \\OpuS [ w6.~IJ /uapus/

75. "resin" Rogers (1964) pi.kiw [ pTtzo] / pieu;

76. "lynx" Rogers (1964) pi~iw CpHaJ /pl~u/

77. "he defecates" Ellis mi·si·w [ mlsi<;i] / misiu/

78. "he cries" Ellis ffi3.·tow [ m3.do ] jnatu/

79. "a tree" Hives misti.k [ mT JHk] ;mi~tik/

80. "my paddle" Rogers (1958) napuy [ nTbu r] / nipui/

81. "abandon" Watkins wapinâo [ w6.b!naÇ?] ruaplnau/

82. "he stands away" Watkins achekapowiw [ 'Et f!kab6] (acikapu/

83. "there is news of him" Watkins achimikosew [ àitfmcrJ<ÇsrÇ? J /àcmUki:isiu/

84. ''campement'' Vaillanoourt midjiwap [ mitj wahp ] ;ffiicUahp/

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--.- . ........ . 4 .,.... _ ......

fonne linguistique notation phonolog~que glose source --- étudiée notation phonétique proposée

85. "he tells him a tale" Watkins achirrostowao [ ad) ù'rrù' f t6aÇ? ] /acUmi:iStua\1/

86. "trader" Watkins atawawiyinew [ Tt:awo.w.i: jo] ; Itatiauiu/

87. "seal flesh" Watkins a'kikoweyas [ iilits6kQùes ] /ahciiki1ias/

88. ''rronth, sun" Hives pesim [ pistim] /pisllin/

89. "duck" Hives sesep [ fifip] / sisip/

90. "it is deep" Hives timew [ timiQ] ;dmiu.;

91. 11now" Hives uno'ch [ 'fu :ohtfJ ,lani:l.h:: 1

92. "he walks" Hives pirrotao [ p6nÇhtaÇ?] /pUmilhta\1/

93. "there" Hives akota [ a:kiSta J / aki:l.ta/

94. "winter" Hives pipoon [ r:6bun J / pi:l.plin/

95. "poplar tree" Hives netoos [ rnltÇs ] /mi tus/

96. "a chair" Hives tatupiwin [ taetaro:n] / tahtapun/

97. "he goes out" Hives wuyuwew [wÎwiÇ?] /Uiuiu/

98. "a frog" Hives uyek [ Î:k ] / ik/

99. "it's a fine day" Ellis milo ki. sika. w [mioo::;i f r gaÇ? J /miucislkau.;

lOO. "oatrneal porridge" Ellis alo ·mina· po y [ j umanabwr] ; iurninapUi; N

101. "rasberries" Hives ayooskunuk [ jusklntf] ; iuskinc; V1 --.1

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N

forme linguistique notation phonologique Ln co

gl o se source é tudiée notation phonétique proposée

102. "a kettle" Hives uskik [ estsfJ<Ç J ;asclku/

103. "arrn" Hives mispitoon [ IJl}spTdè5n ] ; mispiti:ln/

104. ''shoe'' Hives muskisin [ mTstsTn] ; mise In;

105. "eye" Hives miskesik [ w}JtSiffk] ; misciSik/

106. "he is sick" Hives a'kosiw [ akÇso ] / aklisu/

107. "he is tired" Hives ayaskoosiw [ j<ilskÇso ] ; Iaski:isu/

108. "a nest" Hives wuchistoon [ wTtHtf6:n ] / uicicun/

109. "quand?" Vaillanrourt taisp [ tâ~sp ] / taisp/

110. "Anglais" Vai11ancourt wamistikoshiou c WCliTÇ I t8kç Ii<.;? J /Uarni:isti:ikusiu/

111. "il parle anglais" Vai11ancourt wamistikoshiou c. ~~ I t8k?,;> I i<1 /uarnU.sti1kusi u iyinou lillO imu/

112. "il parle français" Vaillancourt wapistikwajaw L. ~a.pv Hk\"o. j a(,? /uapist.Ikuaiau iyinou J !llO imu/

113. "rising tide" Watkins papuyew [ babijÔ J / papiu/

114. "(the wolf) howls" Watkins ooyoo c w:ija J /Uii1/

115. "fur" watkins uyoowin [ ij6:n ] / iun/

116. "my canvas bag" Watkins newut [ niut] /ni ut/

117. ''my J::ody" Watkins neyow [ ni.jo J / niu/

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glose source

118. "rry wife" Watkins

119. ''my tongue" Watkins

120. "deep" Watkins

forme linguistique étudiée notation phonétique

nëwew [ni6]

nitayune [~ji]

timiyaw [ tYmi~]

notation phonologi~e proposée

;niu;

/ntai/

;timiu;

IV Ul 1.0

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260

NOTES

1 Jean-Guy Deschamps, Richard Laurin, Ronald Lowe, Lise Malo-Eliceiry, Claire Plante, Suzanne St-Pierre, Leonne Tremblay, et le professeur Conrad Ouellon, Directeur du laboratoire de phonetique instrumentale a 1"Universite Laval, ont tous collabore tres activement a la recherche qui sous-tend la redaction de cet article. Sans eux cet article n'aurait vraisemblablement pas vu le jour et nous les remercions sincerement. De meme que nous remercions le Departement de langues et linguistique (Faculte des lettres) de 1'Universite Laval, qui a materiellement rendu la chose possible par 1'octroi d'une genereuse subvention. 2 Bloomfield 1946, Ellis 1962, Hives 1948, McNulty 1971, Rogers 1958, Rogers 1964, Vaillancourt 1978, Watkins 1938. 3 ooyakun prononce [wisgan] et ooyoo prononce [wijo] constituent des exceptions a cette regie. Nous pensons que 1'explication de ceci tient au fait que ces formes proviennent respectivement de *welakSni et de *weliwa. " Les numeros 37, 100, 101 et 107 du corpus constituent des contre-exemples. Ils s'expliquent probablement par le fait que la regie de contraction n'etait pas encore productive au moment de la chute de la voyelle initiale de ces mots. ' Pour des explications sur la methode d'analyse oscillographique utilisee ici, de meme que pour des renseignements techniques concernant les appareils, voir Rochette 1973. 6 Les centaines d'oscillogrammes en notre possession, a 1'Universite Laval, demontrent sans 1'ombre d'un doute que ce qu'on appelle traditionnellement les voyelles phonologiquement "longues" ont une duree acoustique moyenne tout a fait "normale" de plus de 10 centisecondes. Les breves, par contre, ont la plupart du temps une duree assez inferieure a 6 centisecondes. Phonetiquement done, il s'agit d'une "opposition" entre voyelles "breves" et voyelles "normales".

REFERENCES

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of Native America. Viking Fund Publications in Anthropology 6.85-129. New York.

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VAILLANCOURT, L.-P. 1978 Cours de cris, premier degre. Montreal: Les

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