Maroc · 2019. 6. 9. · Définition, classification Données de toxicovigilance LE LaboraToIrE du...

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N° 4 - 1 er trimestre 2010 Publication officielle du Centre Anti Poison du Maroc Maroc LES PESTICIDES Définition, classification Données de toxicovigilance LE LABORATOIRE du Centre Anti Poison du Maroc Fonctionnement et utilité

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  • Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010 - 1

    N° 4 - 1er trimestre 2010 Publication officielle du Centre Anti Poison du MarocMaroc

    LES PESTICIDESDéfinition, classificationDonnées de toxicovigilance

    LE LaboraToIrE du Centre Anti Poison du Maroc

    Fonctionnement et utilité

  • 2 - Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010

    Edito

    Directrice de PublicationPr Rachida Soulaymani Bencheikh

    Comité De RéDaCtion

    Rédactrice en ChefDr Naima Rhalem

    Rubrique institutionnelleDr Mouncef Idrissi Rubrique Rapports

    Dr Maria WindyRubrique médicale

    Dr Fouad Chafiqarticles originauxDr Sanae Achour

    infos et revues de presse Dr Ghyslaine JalalRubrique RésultatsDr Asmae Khattabi

    iconographieMr Lahcen Ouammi

    EDITION

    Directrice de l’Edition Dr Siham Benchekroun

    Directeur artistiqueChafik Aaziz

    Société d’EditionSociété Empreintes EditionRés. Alia, 8, rue Essanaani.

    Appt 4. Bourgogne. CasablancaTel : 0522 260 184Fax : 0522 367 035

    [email protected]

    IMPRESSIONImprimerie Maarif El Jadida

    Rabat

    Dossier de presse : 14 /2009Dépôt légal : 2009 PE 0052

    Tous les numéros sont disponibles sur le site : www.capm.ma

    Contre l’intoxication aux pesticides : fermeté et mobilisation

    Ce numéro inaugure la deuxième année de la revue Toxicocologie Maroc. Nous sommes très satisfaits de l’audience qu’a eu cette revue auprès des pro-fessionnels de santé mais aussi auprès des partenaires sociaux, en particulier les médias qui ont répercuté nos messages éducatifs et de prévention.Si nous devons cet intérêt à la passion et au soin avec lesquels nous élabo-rons cette publication, il faut également reconnaître que les intoxications se positionnent au delà de la dimension médicale et scientifique.

    Les intoxications sont le reflet du fonctionnement d’un pays. Elles tradui-sent les insuffisances réglementaires et économiques et le niveau éducatif de la population. Le profil des intoxications renseigne ainsi sur les réseaux de vente et de distribution des produits potentiellement toxiques comme c’est le cas des pesticides, sur les habitudes de vie à l’intérieur des maisons, tel le range-ment des produits ménagers et médicamenteux, sur les populations vul-nérables, par exemple les jeunes femmes suicidaires, sur les croyances sociales également, comme celles concernant les produits de la pharma-copée traditionnelle ou de la prétendue magie –hélas bien plus toxiques qu’efficaces-, sur la proximité des animaux et des plantes toxiques dans nos habitats, etc.En fait, on peut déterminer le niveau de développement d’un pays et son histoire culturelle et sociologique à travers l’épidémiologie de ses intoxi-cations au fil du temps.

    Le présent numéro traite de la problématique des intoxications aigues aux pesticides au Maroc. Ce type d’intoxication est devenu exceptionnel dans les pays développés du fait d’une réglementation très stricte et de la maitrise des modalités de commercialisation, de distribution et d’utilisation des pesticides, alors qu’il représente au Maroc un vrai problème de société, et ce n’est pas, loin s’en faut, exclusivement lié au milieu agricole. Ceci est du à la banalisation avec laquelle les pesticides sont vendus, en-treposés et utilisés, mais aussi à la vente illicite de produits très dangereux utilisés comme arme de suicide.

    Lutter contre ce fléau nécessite fermeté de la part des autorités et mobili-sation de la société civile. Le centre Anti Poison du Maroc est à votre disposition pour vous informer, conseiller, orienter. Mais son rôle se situe également dans la prospection et l’anticipation du risque. Un travail colossal a été réalisé pour harmoniser les définitions, le codage et la classification des pesticides responsables d’intoxications mais aussi pour développer les techniques de laboratoire identifiant et dosant les toxiques. La standardisation de la conduite à tenir et la disponibilité des antidotes reste également un souci majeur. Un premier résultat des efforts fournis est présenté dans ce numéro, mais le chantier des pesticides ne fait que commencer et toutes les volontés sont les bienvenues !

    Pr Rachida Soulaymani BencheikhDirectrice de Publication

  • Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010 - 3

    Clinique

    La synthèse des différentes définitions et classifications des pesticides retrouvées dans la littérature montre que celles-ci peuvent changer selon le domaine d’activité et la réglementation en vigueur.

    Définition

    Les pesticides désignent tous les produits chimiques ou biologiques destinés à détruire des éléments vivants considérés comme nuisibles (microbes, animaux ou végétaux) ou destinés à s’opposer à leur développement, incluant les espèces non désirées de plantes ou d’animaux responsables de dommages durant ou interférant avec la production, le traitement, l’entreposage ou la commercialisation des aliments, des denrées agricoles, du bois, les vecteurs des maladies humaines ou animales et les organismes nuisibles des matériaux, locaux et habitats

    Les pesticides désignent tout aussi bien la substance active, la spécialité commerciale ou préparation composée d’une ou plusieurs substances actives ainsi qu’un certain nombre d’adjuvants, solvants, ingrédients inertes, substances résiduelles et métabolites qui sont des molécules qui apparaissent au cours de la dégradation du produit.

    Classification des pesticides

    Actuellement, les pesticides sont séparés en deux groupes, selon leurs utilisations:

    −Les pesticides à usage agricole ou produits phytopharmaceutiques qui sont des substances chimiques minérales ou organiques, de synthèse ou naturelles. Elles sont utilisées pour la protection des végétaux contre les maladies et contre les organismes nuisibles aux cultures. −Les pesticides à usage non agricole ou biocides qui sont similaires aux premiers, utilisés par exemple en hygiène publique (lutte anti-vectorielle) et dans d’autres applications comme la conservation du bois, la désinfection, ou certains usages domestiques.Environ 300 à 350 matières actives sont autorisées au Maroc et entrent dans la composition de près de 1000 spécialités commerciales, dont plus de 80% homologuées pour utilisation agricole.

    Les pesticides se répartissent en près de 150 familles chimiques et l’hétérogénéité de ce vaste ensemble de produits rend difficile toute classification. Celle qui concerne notre travail classe les produits pesticides par grandes familles selon un double classement, par groupe chimique et par cible (Tableau I).

    Au Maroc, la loi n° 92-45 (modifiée et complétée par la loi n° 32-00) relative au contrôle et à l’organisation du commerce des produits pesticides à usage agricole, définit une liste limitative de produits qui exclue les biocides. En effet, avant 2002, la commission des pesticides à usage agricole dispensait d’homologation les pesticides de santé et d’hygiène publique, puis en 2002, on a vu suspendre toute délivrance de dispense d’homologation. Ce n’est qu’en 2006 qu’a commencé l’étude des dossiers des AMM par le Ministère de la Santé au niveau de la direction de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies sur la base d’une procédure administrative. La procédure d’étude des demandes d’AMM des produits de santé et hygiène publique comprend un dossier administratif, technique et toxicologique.

    Références1. OMS/IPCS. The WHO recommended classification of pesticides by hazard and guidelines to classification 2004. Avril 2005.2. Ghislaine B. Produits phytosanitaire. Biologie clinique EMC Elsevier. 2004; 0140:90-50.3. B. Ezzahiri, M. Bouhache, M. Mihi. Index phytosanitaire Maroc. Edition 2009.

    PESTICIDES, DEFINITION ET CLASSIFICATION

    M. Idrissi1,2, N. Aït Daoud1,2, R. Soulaymani Bencheikh1,3 1 Centre Anti Poison du Maroc

    2-Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail – Kénitra3 Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat

    Dans le but de standardiser la terminologie, les définitions, les codifications et la classification utilisées pour les différents toxiques, le Centre Anti Poison du Maroc (CAPM) a mis en place un groupe de travail des bases de données. Le but de ce groupe de travail est de statuer sur les différentes rubriques sus-citées afin d’harmoniser, homogénéiser et valider les statistiques nationales sur les intoxications. Par ailleurs, l’élaboration d’une classification pour chaque toxique permet de mettre à la disposition des cliniciens un outil d’aide à la prise en charge des intoxiqués.

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    Article original

    introduction

    L’intoxication aiguë par pesticide (IAP) représente toute maladie ou effet sur la santé résultant d’une exposition réelle ou présumée à un pesticide dans les 48 heures, à l’exception des warfarines, superwarfarines et coumarines dont l’apparition des symptômes ou des résultats de laboratoire peut être retardée de plus de 48 heures.Les IAP peuvent être d’origine accidentelle ou volontaire. Elles se manifestent par une atteinte locale et/ ou systémique, entrainant des affections respiratoire, neurotoxique, cardiovasculaire, endocrine, gastro-intestinale, néphrotoxique et allergique.Les cas d’IAP sont à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité élevée dans le monde. Les pays en développement sont particulièrement touchés par ce fléau en raison d’un manque de réglementation, de systèmes de surveillance et d’une insuffisance d’accès aux systèmes d’information.L’objectif principal de ce travail est de décrire les aspects épidémiologiques des IAP au Maroc, afin de promouvoir des actions pour leur prise en charge médicale et leur prévention.

    matériel et méthode

    Il s’agit d’une étude rétrospective de type descriptif, basée sur les données de toxicovigilance du Centre Anti Poison du Maroc parvenues à ce centre par courrier ou par téléphone, sur une durée de 19 ans.Sont inclus dans cette étude, les cas d’IAP ayant été notifiés au CAPM entre 1989 et 2007 et incluant les pesticides à usage agricole (produits phytopharmaceutiques) et les pesticides

    à usage non agricole (Biocides), les cas d’intoxications mixtes en rapport avec au moins un produit pesticide et les cas d’intoxication collectives.Le critère d’inclusion retenu est tout cas d’IAP validé selon les définitions du pesticide et du cas standard d’IAP, et ce, quelle que soit sa catégorie selon les critères d’imputabilité définis par l’OMS (potentiels ou probables / indéterminés).

    Résultats

    Entre 1989 et 2007, le CAPM a collecté 10 332 cas d’IAP, soit 14 % de l’ensemble des déclarations reçues pendant la même période. L’étude des cas d’IAP répertoriés révèle une prédominance des cas pendant les saisons d’hiver et d’été, surtout issus d’un milieu urbain (80%).Les intoxications isolées étaient quasi-prédominantes (97% des cas). Le taux brut d’incidence des IAP au niveau national était de 2,3 pour 100 000 habitants en 2007 et de 2,56 pour 100 000 habitants en 2008. L’étude de la répartition géographique (fig.1) montre que le taux le plus élevé a été au niveau de la région de Tadla-Azilal avec 6,66 pour 100 000 habitants, suivi de la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer (5,96 pour 100 000 habitants).

    L’âge moyen des intoxiqués était de 21,7 ans ± 13,6 ans, avec une légère prédominance chez le sexe féminin (sexe ratio : 0,82). Parmi les cas étudiés, 55,15 % ont concerné des intoxications volontaires aussi bien criminelles, que suicidaires qui restaient majoritaires (99%). Les IAP sont survenues à domicile dans 88,6% des cas, en milieu de travail dans 6,6%, un lieu public dans 4,3% des cas. La principale voie d’exposition était orale (90% des cas d‘IAP), suivie de l’inhalation dans 8%.Selon le mode d’action, 72,5 % des cas répertoriés étaient dues aux insecticides, 24,8 % aux rodenticides, alors que les herbicides ne représentaient que 1,7%.Selon la famille chimique, les organophosphorés ont été à l’origine de 66,22 % des cas répertoriés, suivis des pyrèthrinoïdes et des carbamates. Selon la substance active, la répartition des groupes chimiques à l’origine d’IAP montre que parmi les organophosphorés, le dichlorvos, le malathion et le parathion méthyl représentent 78.4% des substances actives incriminées.Selon la classe de danger omS (Tableau I), parmi les substances actives à l’origine d’IAP, 17,4% sont classées très dangereuses, 7,9% extrêmement dangereuses.

    Intoxication aigüe par les pesticides Données du Centre Anti Poison du Maroc (1989-2007)

    M. Idrissi1,2, N. Aït Daoud1,2, L. Ouammi1,2, N. Rhalem1, A. Soulaymani2, R. Soulaymani Bencheikh1,31 Centre Anti Poison du Maroc

    2 Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail – Kénitra3 Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat

    Tableau I : Répartition des substances actives des pesticides à l’origine d’intoxication selon la classe de danger OMS, CAPM, 1989-2007.

    Classe de danger OMS Effectif PourcentageIa : extrêmement dangereux 257 7,89Ib : très dangereux 566 17,38II : modérément dangereux 1420 43,61III : peu dangereux 627 19,26U : ne semble pas dangereux en cas d’usage normale

    303 9,31

    FM : Fumigant, non classé 69 2,12O: Utilisation Obsolète comme pesticide, non classé 14 0,43

    Total 3256 100,00

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    L’étude des caractéristiques cliniques montre que 72% des cas d’IAP étaient symptomatiques, avec des signes liés aux affections du système gastro-intestinal (60,4%), des troubles du système nerveux central et périphérique (16,1%) et des affections de l’appareil respiratoire (10,5%).Les IAP de gravité modérée ont représenté 51,6% des cas et celle ayant mis en jeu le pronostic vital 11,3%.

    L’évolution a été favorable dans 92% des cas. En revanche, 382 patients ont décédé, soit une létalité de 3,7%.

    L’analyse des cas de décès, quant à elle, montre que la tranche d’âge d’adolescents et de jeunes adultes (15 à

    30 ans) était la plus touchée (52,3%), avec un sex-ratio de 1,2. La létalité diminuait avec l’âge, elle était de 4,5% chez l’adulte, 3,15% chez l’adolescent, 2,6% chez l’enfant et 2% chez le bébé marcheur.Les létalités les plus élevées ont été enregistrées au niveau de la région de Doukala-Abda (9%), suivi de Chaouia-Ouardigha (5,5%), Gharb-Chrarda-Béni Hssen (4,72%), Meknès-Tafilalt (4,6%), Rabat-Salé-Zemmour-Zaer (4%) et Tadla-Azilal (3,8%), surtout en rapport avec les pesticides à usage agricole.Les insecticides étaient incriminés dans 58% des cas, suivis des rodenticides dans 23%. Selon la classe chimique, cette mortalité était attribuée aux

    organophosphorés (61%), suivie par les dérivés inorganiques (26,8%) représentés exclusivement par le phosphure d’aluminium.Ces décès toxiques étaient volontaires dans plus des deux tiers des cas (76,8%), majoritairement dans des circonstances suicidaires. Les décès, lors d’intoxications accidentelles étaient surtout dus à l’accident classique.

    Discussion

    A l’échelle nationale, et selon les données du Centre Anti Poison du Maroc, l’IAP occupe la 4ème position après les médicaments, les produits industriels et les aliments (1).Dans notre série, le taux d’incidence était très faible par rapport aux données internationales. Dans certains pays, tels que la Chine et le Sri Lanka, l’intoxication aux pesticides est un problème particulier. Ainsi, au Sri Lanka par exemple, en 2002, les IAP constituaient 55,8% de l’ensemble des intoxications et les organophosphorés étaient majoritaires. En Amérique Centrale, les études ont indiqué un taux d’incidence global de 35 pour 100 000 habitants. Malgré la sous notification, liée à la faible accessibilité des régions rurales au service téléphonique du CAPM, ou par sous déclaration des structures hospitalières, l’étude a montré une incidence des cas d’IAP non négligeable.

    La plupart des intoxications touchent les zones rurales des pays en développement où les mesures de protection sont souvent inadéquates voire totalement absentes. La forte prévalence en milieu urbain enregistré dans notre étude s’explique par la grande fréquence des circonstances volontaires à l’origine des cas les plus graves.

    Dans notre série, les IAP sont surtout liées aux pesticides à usage agricole, suivi des pesticides à usage domestique.

    Selon le mode d’action, 72,5 % des cas d’IAP répertoriés sont dues aux insecticides, 24,8 % aux rodenticides, les herbicides ne représentant que 1,7%. En France, Selon la MSA “mutualité sociale et agricole”, les intoxications surviennent en majorité avec l’utilisation des fongicides (36%), des insecticides (31%) et des herbicides (21%).

    Article original

    Figure 1. Répartition par régions de l’incidence annuelle des IAP. CAPM- 2007

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    Les intoxications accidentelles par pesticides sont le plus souvent en rapport avec des pesticides à usage agricole (54%), suivie des pesticides à usage d’hygiène publique (29,5%) majoritairement organochlorés, et à usage domestique (13%), ceci corrobore le mésusage de ces produits qui restent d’accès facile pour une population mal informée, se procurant des produits dangereux en vente libre. Ces intoxications accidentelles restent légèrement plus fréquentes chez le sexe masculin et concernent essentiellement des cas d’expositions aiguës dues à des accidents de la vie courante au domicile, probablement liés à un défaut de perception du risque.La classe des enfants âgés de 1 à 4 ans reste très représentée (28%), c’est l’âge de l’acquisition de la marche où l’activité main-bouche est importante. Les produits sont impliqués dans des accidents lorsqu’ils sont laissés à portée des enfants par négligence ou en raison d’un stockage accessible. Quand des grands enfants, adolescents ou des adultes sont concernés, les accidents résultent souvent du déconditionnement et du mésusage des produits.

    Les intoxications volontaires impliquent une majorité d’adultes ou d’adolescents (entre 10 et 49 ans) de sexe féminin (62%). Il s’agit essentiellement de tentatives de suicide à l’aide de différents produits pesticides. La classe la plus fréquemment impliquée dans les intoxications volontaires est cependant celle des OP (67,5%), car elle est largement vendue et est présente dans presque tous les foyers. Parmi les substances actives, les plus fréquemment impliquées sont représentées par le malathion, l’alphachloralose, le phosphure d’aluminium, la deltaméthrine, le dichlorvos et le propoxur.

    Selon un rapport commun publié par la FAO, le PNUE et l’OMS, les pays en développement qui n’utilisent que 25 % des pesticides produits dans le monde, enregistrent 99% des intoxications mortelles dues à ce type de produit.

    Dans notre série, les intoxications aigues mortelles par pesticides touchent le plus souvent des adultes jeunes en âge de travailler. L’influence de l’âge serait probablement liée à la gravité des circonstances suicidaires chez l’adulte avec des doses ingérées relativement plus fortes que lors de circonstances involontaires. Les létalités les plus élevées se voient dans les régions à fort potentiel agricole en rapport avec la grande disponibilité et le libre accès à des produits potentiellement dangereux. Cette létalité est en grande partie liée aux organophosphorés et au phosphure d’aluminium (phostoxin).

    Les organophosphorés sont des toxiques potentiellement létaux en cas d’intoxication aiguë. Ces intoxications souvent volontaires sont fréquentes, particulièrement dans les pays en développement, avec une fréquence avoisinant 3 millions d’intoxications par an dans le monde et une mortalité de l’ordre de 200 000 personnes par an.

    La prise en charge essentiellement symptomatique et antidotique, reste parfois difficile en raison de la non disponibilité des moyens de réanimation dans certaines régions. Par ailleurs, outre le traitement antido-tique (oximes), d’autres thérapeutiques sont actuellement en cours d’évaluation telles que le sulfate de magnésium ou l’alcalinisation et pourront éventuellement enrichir dans le futur l’arsenal thérapeutique.

    Conclusion

    Au Maroc, les cas d’intoxication aiguë par un pesticide sont fréquents et sont l’apanage de l’adulte jeune surtout dans des circonstances suicidaires. Les régions à fort potentiel agricole sont les plus touchées à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité conséquente.La mise en place d’un système de surveillance à partir des données du CAPM est l’un des enjeux majeurs de la toxicovigilance des pesticides pour les années à venir ; ce système doit permettre de suivre des tendances temporelles ou spatiales sur la base d’indicateurs sanitaires spécifiques, faciliter leur diagnostic, aider à promouvoir des actions pour leur prise en charge médicale immédiate et leur prévention, en plus de détecter des événements rares, inhabituels ou graves et, le cas échéant, d’alerter les pouvoirs publics.Dans le cadre d’une stratégie de lutte, l’état de lieux qui fait l’objet de cet article sera complété par un rapport national actualisé chaque année.

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    Références1- Ait El Cadi M, Mezzane A, Meddah B, Khabbal Y, Idrissi L. Intoxications mortelles aux pesticides au Maroc (2000–2005). Revue d’Epidémiologie et de Santé Publique. 2009 ; vol. 57 (S1): 6. 2- Grange D, Camard J-P, Host S, Grémy I. Les pesticides : considérations sanitaires. Observatoire régional de santé d’Ile-de-France. décembre 2008.3- Hajouji Idrissi M, Oualili L, Abidi K, Abouqal R, Kerkeb O, Zeggwagh A.A. Facteurs de gravité de l’intoxication aiguë au phosphure d’aluminium (Phostoxin®).Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 382–385 4-Ouammi L, Rhalem N, Aghandous R, Semlali I, Badri M, Jalal G, Benlarabi S, Mokhtari A, Soulaymani A, Soulaymani-Bencheikh R. Profil épidémiologique des intoxications au Maroc de 1980 à 2007. Toxicologie Maroc - N° 1 – Mai 2009. 5- Rhalem N, Khattabi A, Achour S, Soulaymani A, Soulaymani Bencheikh R. Facteurs prédictifs de gravité de l’intoxication aux pesticides. Expérience du Centre Antipoison du Maroc. Ann Toxicol Anal. 2009; Volume 21(2): 79 - 84.6- Soulaymani Bencheikh R, Idrissi M; Tahri N. Intoxication mortelle au Maroc.; Espérance médicale. 2007, vol. 14 (143) : 478-480. 7- Testud F, Grillet J.-P. Insecticides organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes de synthèse et divers. Toxicologie-Pathologie professionnelle. EMC. Elsevier 2007. 6-059-C-10.8-Thabet H, Brahmi N, Kouraïchi N, Elghord H, Amamou M. Intoxications par les pesticides organophosphorés : nouveaux concepts. Elsevier. Réanimation (2009) 18, 633-639.9- Thundiyil JG, Stober J, Besbellic N, Pronczukd J. Acute pesticide poisoning: a proposed classification tool. Bulletin of the World Health Organization. March 2008, 86 (3)10- Villa A. Cochet, Guyodo G. Les intoxications signalées aux centres antipoison français en 2006. La revue du praticien, vol. 58, 30 avril 2008.

    Article original

  • 8 - Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010

    Institutionnel

    introduction

    Selon les directives de l’International Programme for Chemical Safety (IPCS), un Centre Anti Poison peut abriter un laboratoire de toxicologie afin d’effectuer des recherches ou des dosages de xénobiotiques et d’aider au diagnostic des cas d’intoxication à étiologie non évidente. Plusieurs Centres Anti Poison ont suivi ce modèle. Convaincu de l’existence d’étroites relations clinico-biologiques dans la prise en charge des intoxiqués, le CAPM du Maroc a développé un laboratoire de Pharmacologie et Toxicologie (CAPM-LAB).

    Objectifs du CAPM LAB Grace à son unité de Toxicologie d’Urgence, le CAPM-LAB a pour objectif de diminuer la morbidité et la mortalité secondaires aux intoxications en participant à l’amélioration de la prise en charge thérapeutique des patients intoxiqués. Il a pour mission d’identifier le toxique en cause et dans certains cas de le doser. Il aide ainsi le clinicien à confirmer ou à infirmer le diagnostic d’une intoxication, à évaluer la gravité de l’intoxication et à surveiller l’efficacité du traitement. Grâce à son unité de Suivi Thérapeutique, le CAPM-LAB a pour objectif de diminuer les échecs thérapeutiques et prévenir la survenue des effets indésirables des médicaments. Il a pour mission de déterminer les concentrations plasmatiques des médicaments chez les patients sous traitement chronique. Il aide ainsi les cliniciens à ajuster la posologie chez leurs patients et à s’assurer de l’observance au traitement.

    Le CAPM-LAB s’est spécialisé dans l’aide diagnostique et thérapeutique aux cliniciens en travaillant sur les matrices biologiques du patient vivant (sang, urines, liquide de lavage gastrique).

    Historique

    Depuis les années 1930, le laboratoire de toxicologie de l’Institut National d’Hygiène (INH) était le seul laboratoire qui effectuait toutes les analyses toxicologiques. Vus le fonctionnement et la spécificité des laboratoires de toxicologie d’urgence (proximité des services d’information toxicologique et des cliniciens), le CAPM-LAB a été créé en 1994 dans un esprit de rationalité des moyens humains et matériels.

    En 1995, il s’est doté du premier laboratoire de dosage des médicaments au Maroc dans le cadre du suivi thérapeutique.

    En 2003, le CAPM-LAB a déménagé des locaux de l’INH vers de nouveaux locaux au même titre que les autres départements du CAPM.La création de ce laboratoire a été possible grâce à l’initiative du Pr R. Soulaymani Bencheikh et à la persévérance de Madame C. Khassouani aidées par le Dr Blanchot qui travaillait à l’époque à l’Institut Pasteur du Maroc et le Dr B. Hue de l’Institut de Biologie de Montpellier.Grâce à cette collaboration, la plate forme du laboratoire a été développée et de nouvelles techniques ont été transférées. Le développement du Laboratoire a bénéficié de l’expérience d’autres personnes marocaines (Mr L.Ouammi) et étrangères. Actuellement, le laboratoire est fonctionnel grâce à une équipe dynamique et dévouée, composée de médecins toxicologues, d’ingénieurs, de docteurs ès sciences, d’assistants médicaux et de techniciens, (voir organigramme).

    LE LAbOrATOIrE Du CENTrE ANTI POISON ET DE PhArMACOvIgILANCE Du MArOC

    FONCTIONNEMENT ET uTILITéAchour S1, 2, Aït Moussa L1, Idrissi M1, 3

    1-Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc2-Faculté de Médecine et de Pharmacie de Fès

    3- Faculté des sciences. Université Ibn Tofail. Kénitra

    Organigramme du Laboratoire de Pharmaco-toxicologieCentre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc

    ResponsableDr. Mouncef IDRISSI

    (Médecin Pharmaco-toxicologue et médecin de travail)

    Unité de Pharmacologie

    Responsable : Latifa AIT MOUSSA (Ingénieur D’Etat)

    Fatima ZALAGH (Assistante Médicale)Mouna BENTAFRIT (Technicienne)

    Unité de Toxicologie

    Ilham EL MAATAOUI (Ingénieur d’Etat)Omaima ELBOUAZZI (Technicienne)Naima HICHAM (Technicienne)Hasna EL MAMOUNI (Assistante Médicale)Mohammed GHANDI (Technicien)Naima AIT DAOUD (Assistante Médicale)Latifa TAOUFIK (Technicienne)

  • Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010 - 9

    Institutionnelarsenal technique et budget

    de fonctionnement

    Le CAPM-LAB a bénéficié lors du déménagement vers ses nouveaux locaux d’un budget d’investissement qui lui a permis l’équipement en matériel technique. L’arsenal technique du CAPM-LAB comprend à côté du matériel standard de tout laboratoire d’analyse médicale (centrifugeuse, étuve, pH mètre...) deux chromatographes liquide haute performance dont un à barrettes de diode et un couplé au détecteurs UV-visible et de fluorescence, un chromatographe en phase gazeuse, deux spectrophotomètres UV-Visible, un photomètre de flamme et une spectrométrie d’absorption atomique.Depuis l’acquisition de son sous ordonnancement en 2003, le CAPM bénéficie de son propre budget. Le fonctionnement du laboratoire est assuré par le budget général de l’Etat et notamment par le compte d’affectation spéciale ‘fond spécial de la pharmacie centrale’ pour l’achat de matériel médico-technique, de réactifs et de consommables médicaux. Le contrat de maintenance des appareils est assuré par le budget d’investissementLe financement annuel réservé au laboratoire ne dépasse pas les 320 000 DH en moyenne, ce qui apparaît très insuffisant compte tenu de la durée de vie des appareils et du développement de l’activité.

    En revanche le laboratoire dispose d’une équipe compétente qui assure la pérennité et le développement des actions et aspire à l’acquisition de nouveaux appareils (HPLC-DAD, GC-MS, etc.) et au renouvellement de certaines méthodes analytiques dépassées, conditions indispensables pour mener à bien des plans d’action et s’ouvrir sur des domaines nécessaires à la vigilance sanitaire. En plus, l’absence de régie propre au Centre, ainsi que l’absence d’une nomenclature officielle des analyses biologiques en pharmacologie et toxicologie entravent la bonne gestion et l’exploitation des recettes.

    Méthodes d’analyses utilisées au CAPM-LAB

    Devant la diversité des substances pouvant causer les intoxications (médicaments, pesticides, caustiques, drogues…) et les traitements médicamenteux nécessitant une surveillance particulière et, devant la nécessité de développer des méthodes rapides, précises et fiables, chaque laboratoire de toxicologie fait le choix d’une stratégie d’analyse en fonction de l’épidémiologie des intoxications et de l’intérêt thérapeutique du dosage des médicaments pour le patient, mais également en fonction de ses moyens humains et matériels. Les méthodes d’analyses utilisées dans le CAPM-LAB sont présentées dans le tableau I, avec une analyse comparative de leurs caractéristiques .

    1) Méthodes colorimétriquesCes méthodes consistent à obtenir des réactions colorées développées par des composés contenus dans l’échantillon au contact de certains réactifs. Elles sont dédiées dans notre laboratoire à la recherche rapide de médicaments dans les liquides biologiques notamment les urines : recherche de salicylés par la réaction de Trinder, de phénothiazines par la réaction de Forrest, de l’imipramine par la réaction au nitrite de sodium et du paracétamol par la réaction à l’O-crésol. Ces réactions colorimétriques sont rapides (résultat obtenu en moins d’une demie heure), ne sont pas chères, ne demandent pas beaucoup de technicité de la part du personnel, mais manquent de spécificité (risque de faux positifs) et de sensibilité (risque de faux négatifs).

    2) Méthodes spectrométriques Les méthodes spectrométriques peuvent aller de méthodes simples et pas chères (spectrophotomètres UV- Visible) à des méthodes beaucoup plus sophistiquées et onéreuses (absorption atomique, spectrométrie de masse). Le principe de base consiste à mesurer l’absorbance d’une lumière monochromatique par les substances contenues dans l’échantillon. Le CAPM dispose de : - deux spectrophotomètres UV- Visible utilisés pour le dosage des médicaments (salicylés, phénobarbital…), de la carboxy-hémoglobine et de la méthémoglobine. Ces méthodes spectrométriques sont faciles, peu onéreuses mais sujettes aux interférences.

    Tableau I : Comparaison des méthodes analytiques utilisées au CAPM LAB

    Méthodes1Qualitative

    ouquantitative

    Précision Sensibilité SpécificitéDétection

    simultanée de plusieurs substances

    Difficulté deréalisation

    Difficulté d’inter

    prétation

    Durée moyenne

    nécessaireCoût

    TC Qualitative Faible + + Non Aisée + ‹0.5 h2 Faible

    Spectro UV Mixte Bonne + + Non Moyenne ++ ‹2h Moyen

    CCM Qualitative Bonne + ++ Oui Moyenne +++ 2-3 Faible

    GC Mixte Très bonne ++ +++ Oui Grande ++ ‹4h Moyen

    HPLC Mixte Très bonne3 ++ +++ Oui Grande ++ ‹4h Moyen3

    TIC Qualitative Variable + + Non Aisée + ‹0.5h2 Faible

    AT Quantitative Très bonne ++ ++ Oui Moyenne ++ ‹2H Moyen

    1 TC : Tests colorimétriques ; CCM : Chromatographie en couche mince ; GC : Chromatographie en phase gazeuse ; HPLC : Chromatographie liquide à haute performance ; TIC : Tests immuno-chromatographiques ; AT : Absorption atomique.2 Sans extraction préalable (pour les urines).3 Dépend de la méthode de détection utilisée.

  • 10 - Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010

    - un photomètre de flamme utilisé pour le dosage du lithium- Un spectromètre d’absorption atomique utilisé pour le dosage des métaux lourds notamment le plomb et le cadmium. C’est une méthode spécifique, sensible, qui permet la détection de traces mais reste de maintenance difficile.

    3) Méthodes immunochimiques Les tests immunochimiques sont basés sur le principe de réactions antigène-anticorps. Au CAPM-LAB, les tests d’immuno-chromatographie sont utilisés pour la détection des benzodiazépines, opiacés, morphiniques, cocaïniques et cannabinoïdes. Ces tests sont rapides, peu onéreux, mais peu sensibles et peu spécifiques.

    4) Méthodes chromatographiques Les méthodes chromatographiques consistent à séparer différentes substances en fonction de leurs propriétés physico-chimiques, et quantifier les produits séparés. Elles peuvent aller de méthodes simples (chromatographie sur couche mince) à des méthodes plus sophistiquées (chromatographie liquide haute performance et chromatographie gazeuse).

    5) Chromatographie sur couche mince (CCM) Il s’agit d’une technique économique de première intention où les molécules sont identifiées en fonction de leur position de migration et de leurs couleurs. Le produit est déposé sur une plaque recouverte de phase stationnaire (gel de silice…). La migration des produits est réalisée dans une chambre à développement au moyen d’un mélange de solvants appropriés (phase mobile). Cette technique permet dans notre structure la détection des pesticides (organophosphorés, carbamates, organochlorés). Elle est facile de manipulation mais peu sensible et non quantitative.

    6) Chromatographie liquide haute performance (CLHP):Dans la CLHP, une phase mobile constituée par un mélange de solvants, tamponnée ou non, de force ionique variable, traverse une colonne contenant la phase stationnaire.Les composants de l’échantillon sont séparés après une étape d’extraction préalable, puis détectés à l’aide d’un

    détecteur spécifique (UV-Vis, UV-Vis à barrettes de diodes, fluorescence). Le signal obtenu permet aussi bien une analyse qualitative (identification) qu’une analyse quantitative. Le CAPM-LAB dispose de deux chromatographes liquide dont l’un est dédié au suivi thérapeutique des médicaments. Le deuxième chroma-tographe muni d’un détecteur à barrettes de diode est réservé au développement du screening des médicaments et des drogues illicites. La bibliothèque spectrale développée dans le cadre du screening toxicologique contient actuellement une soixantaine de molécules.

    7) Chromatographie en phase gazeuse (CPG) La CPG est une technique de séparation, réalisée sur une colonne contenant une phase stationnaire tandis qu’un flux de gaz vecteur réalise l’élution des composés et les entraîne vers un détecteur. Chaque molécule se trouvera ainsi assignée d’un temps de rétention caractéristique et spécifique des conditions chromatographiques.

    Le CAPM-LAB dispose d’un seul CPG utilisé pour l’analyse des pesticides (organophosphorés, carbamates).Ces deux dernières techniques sont très sensibles, très spécifiques mais demandent beaucoup de technicité de la part du personnel.

    analyses effectuées au CAPM-LAB

    La liste des analyses de toxicologie d’urgence et de suivi thérapeutique a évolué progressivement en se basant sur le profil épidémiologique des intoxications et des thérapeutiques médicamenteuses prescrites au Maroc et, en concertation avec les services demandeurs. Ces derniers sont représentés essentiellement par les services des urgences, de réanimation et de pédiatrie pour la toxicologie d’urgence, et par les services de pneumo-phtisiologies, de psychiatrie, de neurologie, de néphrologie et de réanimation pour le suivi thérapeutique. L’unité de toxicologie d’urgence est spécialisée dans l’identification et le dosage des toxiques dans les liquides biologiques (sang, urines et liquide de lavage gastrique).

    Institutionnel

    Tableau II : Substances analysées en toxicologie d’urgence

    Produit RechercheimmédiateDosage

    immédiat Méthode d’analyseActivité cholinestérasique érythrocytaire X SpectroActivité cholinestérasique plasmatique X Spectro

    Atropine (Alcaloïdes) X ColorimétrieAlpha-chloralose X Colorimétrie

    Amines aromatiques X Colorimétrie Amitriptyline (Laroxyl) X Colorimétrie

    Barbituriques X Immuno + Spectrophotométrie

    Benzodiazépines X Colo/ImmunoCadmium X Absorption

    atomiqueCannabinoïdes X Immuno

    Carbamates X CCMCarboxyhémoglobine X Spectrophotométrie

    Cocaïniques X ImmunoColchicine X Spectro

    CoumariniquesDérivés trichlorés

    Héroïne X ImmunoImipramine X colorimétrieIon cyanure Spectrophotométrie

    Méthémoglobine X SpectrophotométrieMorphiniques X Immuno

    Opiacés X ImmunoOrganochlorés

    Organophosphorés X Colo/CPGParacétamol X X HPLC

    Phénothiazines X ColorimétriePhostoxin X ColorimétrieSalicylés X X Spectrophotométrie

    Le laboratoire du Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du MarocFonctionnement et utilité

  • Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010 - 11

    Ses principales fonctions sont de : - confirmer ou infirmer le diagnostic

    d’une intoxication notamment dans les situations complexes, par exemple lorsque l’état clinique du patient n’oriente pas vers une maladie précise, et que l’on soupçonne une prise de substance toxique.

    - doser des substances toxiques en situation d’urgence, notamment lorsque la connaissance de la quantité de toxique absorbée peut influencer le traitement.

    Les analyses de toxicologie d’urgence effectuées par le laboratoire sont représentées dans le Tableau II.

    L’unité de suivi thérapeutique assure le dosage des médicaments chez les patients sous traitement chronique. Le but de ces dosages est :- d’éviter les surdosages qui favorisent

    l’apparition d’effets indésirables médicamenteux et les sous dosages qui sont la cause d’échecs thérapeutiques

    - de contrôler l’observance du malade au traitement.

    Les analyses de suivi thérapeutique effectuées par le laboratoire sont représentées dans le Tableau III.

    Fonctionnement au jour le jour

    Le CAPM-LAB fonctionne12 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et est structuré en deux unités qui partagent les mêmes moyens humains et matériels. Le déroulement des prestations analytiques au sein du CAPM-LAB, depuis la réception des prélèvements jusqu’au rendu des résultats d’analyse est décrit ci après:

    1) Réception du prélèvement Après vérification de la conformité des prélèvements reçus (nature, quantité, moment de prélèvement…), ces derniers sont enregistrés de façon systématique sur le registre d’analyse, et à chaque prélèvement est attribué un code identifiant. Les prélèvements sont ensuite acheminés vers les salles de laboratoire pour être analysés.Pour la toxicologie d’urgence, il s’agit en général d’échantillons de sang, d’urines et de liquide de lavage gastrique. L’analyse se fait immédiatement après la réceptionPour le suivi thérapeutique, le dosage des médicaments s’effectue exclusivement sur le sang.

    Après centrifugation, le plasma récupéré peut être analysé dans la journée ou stocké à -20 °C pour analyse ultérieure selon un planning préétabli.Aussi bien en toxicologie d’urgence qu’en suivi thérapeutique, les prélè-vements sont accompagnés d’une fiche de renseignements contenant les informations nécessaires à l’orientation de l’analyse et à l’interprétation des résultats. Des informations complémentaires peuvent être demandées au médecin prescripteur via l’unité de l’information toxicologique.

    2) Analyse proprement ditePour chaque analyse effectuée au CAPM-LAB correspond un mode opératoire décrivant l’ensemble des éléments nécessaires pour sa réalisation notamment, la matrice biologique, le matériel et réactifs à utiliser ainsi que la démarche analytique à suivre. Selon la méthode d’analyse utilisée, une étape de traitement de l’échantillon préalable peut être nécessaire. Il peut s’agir d’une purification, d’une simple dilution (métaux lourds), d’une déprotéinisation ou d’une extraction liquide liquide par des solvants organiques.

    3) Rendu des résultatsL’objectif du CAPM-LAB est de rendre le résultat de manière rapide.Depuis sa création et jusqu’à fin 2008, le CAPM a effectué 19158 ana-lyses (figure 1)

    InstitutionnelTableau III : Liste des médicaments dosés en suivi thérapeutique

    DCI Zone Thérapeutique (unité/l) Méthode de dosage Acide valproïque T0 : 50 – 100 mg CLHP

    Phénobarbital T0 : 15 – 40 mg CLHPCaféïne T0 : 8 – 20 mg Photométrie de flamme

    Carbamazépine T0 : 4 – 10 mg CLHPLithium T0 : 0,5 - 0,8 mEq CLHP

    Paracétamol T0 : 10 – 20 mg CLHPPhénytoïne T0 : 10- 20 mg CLHP

    Théophylline T0 : 10 – 20 mg CLHPIsoniazide T3 : 1 à 2 mg CLHP

    Acétylisoniazide - CLHPRifampicine T0 :

  • 12 - Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010

    Institutionnel

    En toxicologie d’urgence, la durée moyenne du rendu des résultats est de deux heures allant d’1 à 4h voire plus selon l’orientation de la demande. Les résultats préliminaires sont communiqués rapidement au demandeur par téléphone mais le résultat définitif est toujours transmis par écrit après validation technique.Une discussion avec le médecin de l’information toxicologique du CAPM et le médecin demandeur sur la concordance du résultat analytique avec le tableau clinique et dans certain cas de l’intérêt académique devant une intoxication peu documentée dans la littérature est souvent entreprise.

    La discussion des résultats est exprimée en termes de spécificité et de sensibilité de la technique d’analyse. Un résultat négatif doit envisager la possibilité que le malade n’ait rien ingéré ou que la concentration soit au dessous du seuil de détection de la technique. L’analyse peut s’arrêter à ce niveau et parfois d’autres analyses sont demandées pour complément.

    En suivi thérapeutique, le résultat du dosage est toujours transmis par écrit après validation technique. Les concentrations sont discutées selon la fourchette thérapeutique, un ajustement de la posologie est alors proposé en cas de surdosage ou de sous dosage. Ceci pour améliorer l’efficacité et la tolérance sous traitement.

    Bilan des analyses effectuées au CAPM-LAB

    L’analyse des données concernant les demandes d’analyse de toxicologie d’urgence et de suivi thérapeutique parvenues au CAPM-LAB entre 2002 et 2007 montre les résultats suivants :

    - Pour les cas du suivi thérapeutique,1876 dosages ont été effectués pendant cette période. Les antiépileptiques ont représenté 65,6 % dont 33,8 % étaient liés au phénobar-bital suivi par la carbamazépine (21,6 %) et l’acide valproïque (10,18 %). 28 % des dosages ont concerné les antibacillaires avec 403 dosages d’isoniazide et 120 dosages de rifampicine.

    Les autres dosages ont concerné la caféine, la théophylline, les antidé-presseurs (clomipramine, amitrip-tiline, maprotiline, imipramine), le lithium et le paracétamol.

    - Pour les cas de la toxicologie d’urgence, 3218 demandes d’analyses ont été col-ligées pour lesquelles 10466 analyses ont été effectuées dont 57,6 % étaient positifs. L’intoxication médicamenteuse représen-tait 47,2 % dont 31 % des cas étaient liés aux benzodiazépines, 4,6 % aux phé-nothiazines et 4,5 % aux imipramines, suivis des salicylés et du paracétamol. Les intoxications par les pesticides ont représenté 41%, surtout en rapport avec les organophosphorés (17,6%), les carbamates (9,6%), l’alpha-chloralose (7,2%) et le phosphure d’aluminium (6,6 %).

    Les autres toxiques sont représentés par les amines aromatiques dont la paraphé-nylène diamine suivies du monoxyde de carbone.

    Collaborations nationales et internationales

    Le CAPM-LAB travaille en concerta-tion avec les cliniciens hospitaliers et les médecins toxicologues de l’unité de l’information toxicologique du CAPM et du Centre National de Pharmacovigi-lance.

    Cette collaboration a pour vocation d’aider l’analyste dans sa démarche et d’apporter un certain nombre de rensei-gnements utiles à la prise en charge des patients.

    Par ailleurs, nous collaborons égale-ment avec les facultés de médecine et de pharmacie et les facultés des sci-ences, par la formation des étudiants et stagiaires et par des travaux de recher-ches dans le cadre de la préparation de thèses et de mémoires.

    D’autre part, nous avons développé de nombreuses relations de collaboration et de coopération avec des partenaires in-ternationaux notamment Français. Ces collaborations ont permis, de former le personnel et de renforcer ses acquis et ses connaissances. Parmi les principales collaborations, nous citons : • Collaboration avec le professeur Chan-tal Bismuth du CHU Fernand Widal (1992- 1993) • Collaboration avec le professeur La-rousse du CHU de Nantes (1996-1997) • Collaboration avec le professeur Ber-trand Diquet du CHU la Pitié Salpétrière• Collaboration avec le professeur Pierre Allain du CHU D’Angers (1995-2001)• Collaboration avec le docteur Ber-nadette Hüe du CHU de Montpellier (1996-2002)• Collaboration avec le professeur Alain Turquant du CHU d’Angers (2008).

    Le laboratoire du Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du MarocFonctionnement et utilité

    Figure 1 : Progression du nombre d’analyses selon les années. CAPM-Lab, 1992-2008

    Personnel du laboratoire au cours d’une formation avec le professeur Alain Turquant, CAPM-LAB, 2008

  • Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010 - 13

    Le laboratoire du Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du MarocFonctionnement et utilité

    Contrôle qualité Depuis 1994, le CAPM s’est inscrit dans une démarche qualité et le CAPM-LAB a bénéficié de cette dynamique. Ainsi plusieurs actions ont été entreprises :• Inscription dans une démarche de respect des bonnes pratiques de laboratoires (BPL)• Mise du fonctionnement du labora-toire aux normes qualité (rédaction de procédures, modes opératoires et in-structions)

    Le CAPM-LAB a adhéré au contrôle de qualité interne par l’introduction d’échantillons de contrôle interne pour toutes les séries d’analyse et par la participation au contrôle de qualité externe organisé par l’AFSSAPS depuis 1998. Des audits internes sont régulièrement organisés pour relever les écarts par rapport aux procédures préétablies et avancer dans le processus qualité par la correction des dysfonctionnements constatés. Par ailleurs des audits externes non officiels ont été régulièrement effectués et les recommandations suivies.

    Ce processus a été possible grâce à l’implication de tout le personnel du laboratoire et grâce au leadership de Madame C. Khassouani Dr ES Science et Mr L. Ouammi ingénieur en chef.

    Limites, promesses et perspectives

    Le CAPM-LAB doit assurer un service portes ouvertes et de proximité au même titre que les services des urgences (24h/24 et 7j/7) et doit couvrir une large gamme de prestations. Dans ces perspectives et pour contrer l’insuffisance dans le recrutement des cas de demande d’analyse, le CAPM-LAB vise à élargir sa gamme de prestations pour répondre aux demandes des cliniciens par l’acquisition d’automates et d’appareils plus sophistiqués (chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse) permettant d’entreprendre des recherches spécialisées selon les besoins. Ces efforts de développement doivent être couplés à des actions de sensibilisation programmées et menées régulièrement au profit des professionnels de santé quand à l’intérêt de ses prestations. Afin d’assurer l’équité de ses prestations et de rapprocher le service du patient, le CAPM s’est fixé comme objectif en réponse au plan d’action du Ministère de la Santé 2009-2012 (action 178), la création de laboratoires régionaux qui vont être dotés de la formation et de l’équipement nécessaires pour réaliser la recherche des principaux toxiques dans les liquides biologiques.Le CAPM-LAB travaille pour renforcer ses collaborations nationales et internationales et élargir ses activités à la surveillance de la population exposée à des substances toxiques afin d’accomplir sa mission dans le cadre de la vigilance sanitaire. Par ailleurs, le CAPM-LAB doit maintenir et renforcer la démarche qualité interne et externe afin d’obtenir son accréditation selon les normes ISO 17 025.

    Personnel du laboratoire au cours d’une formation avec le professeur Alain Turquant, CAPM-LAB, 2008

    Chromatographe gazeux

    Staff National de Toxicologie

    Afin de promouvoir la toxicologie maro-caine et mettre en exergue ses différents aspects cliniques, analytiques, épidémio-logiques, médicolégales, professionnels, le CAPM et le Centre Hospitalier Uni-versitaire Hassan II de Fès, organisent trimestriellement le Staff National de Toxicologie (Janvier, Avril, Juillet et Octo-bre 2010). Le premier Staff a eu lieu le 29 Janvier 2010 au CAPM .Ce staff national vise à sensibiliser les différents acteurs (cliniciens, médecins légistes, toxicologues et analystes) et instaurer une concertation entre parte-naires, pour mieux évaluer les intoxica-tions humaines et améliorer la sécurité sanitaire.Pour plus d’information, veuillez contacter Dr Achour Sanae, coordinatrice du Staff National de Toxicologie par courriel : [email protected]

    Prix l‘OréalEn partenariat avec l’Unesco, et à sa 3eme édition, le Prix l’Oréal “Pour les femmes et la Scence” a été attribué en 2009 à 5 jeunes doctorantes dont Melle Fatine Hadria, pour son sujet intitulé : “Intoxications alimentaires au Maroc. Facteurs de risque.”

    Soutenance de mémoire

    Le 13 Janvier 2010, un mémoire intitulé : “Développement d’une stratégie natio-nale de lutte contre les intoxications au monoxyde de carbone”, a été soutenu par Mme Rachida Aghandous, en char-ge du dossier monoxyde de carbone au CAPM pour accéder au grade des Ingé-nieurs en Chef. Ce mémoire a mis l’accent sur l’ampleur du problème et a permis de tracer une stratégie de lutte contre les intoxications au CO à court et à long terme tout en soulignant la nécessité d’une collabora-tion multisectorielle.

    Troisième Congrès Mixte International de Toxicologie

    La Société Marocaine de Toxicologie Cli-nique et Analytique et la Société Françai-se de Toxicologie Analytique, organisent à Fès, (Maroc), le 3ème Congrès Mixte International de Toxicologie, du 11 - 13 Novembre 2010.

    Infos

  • 14 - Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010

    Sous l’égide du ministère de la Santé, il s’est tenu, à Marrakech, les 21 et 22 janvier 2010, le premier symposium international sur les envenimations scorpioniques et ophidiennes. Ce symposium a été co-organisé par l’Institut Pasteur Maroc, le Centre Anti Poison du Maroc et l’Institut Bioclon du Mexique. Il a mis en synergie les compétences de 150 experts, médecins et chercheurs marocains et étrangers issus, notamment des USA, Mexique, Espagne, France, Danemark, Malaisie, Sénégal, Congo ainsi que des pays du Maghreb.

    Les conférenciers ont fait le point sur la taxonomie, la répartition géographique, le protocole d’élevage, le mode de vie en captivité des scorpions et des serpents, les venins et toxines, l’épidémiologie, la sérothérapie, les aspects cliniques et biologiques, le traitement, la pharmacocinétique et pharmacodynamie. Ils ont été unanimes à souligner que l’envenimation scorpionique et ophidienne demeure un sérieux problème de santé publique non

    seulement au Maroc mais aussi à l’échelle planétaire. Plusieurs exposés ont présenté l’ensem-ble des mesures prises localement pour lutter contre ce fléau notamment durant les périodes chaudes.

    La stratégie marocaine de lutte contre les piqûres et envenimations scorpioniques s’est distingué par l’homogénéisation de la conduite à tenir, la rationalisation de l’utilisation des médicaments et des hospitalisations, l’implication multisectorielle et l’implication très active des réanimateurs ainsi que par son impact dans la diminution de la létalité. Cette stratégie avait banni, depuis 1999, l’ancienne sérothérapie à base d’immunoglobulines, administrée par voie intramusculaire qui constituait une fausse sécurité pour le patient envenimé.

    Cette manifestation scientifique et médicale était propice pour engager une discussion objective sur la sérothérapie, surtout que la biologie moléculaire offre maintenant des possibilités nouvelles par l’utilisation des fragments thérapeutiques

    d’anticorps recombinants qui sont supérieurs à l’ancien sérum polyclonal dans l’homogénéité, la spécificité, la fabrication et éventuellement la sécurité.

    Une convention de partenariat entre l’Institut Pasteur du Maroc, le CAPM et l’Institut Bioclon du Mexique est en cours de finalisation. Cette convention favorisera l’échange d’expertise, la formation des cadres, le transfert technologique et les études cliniques.

    Ces nouvelles données donnent beaucoup d’espoir pour les futures sérothérapies qui, cependant, doivent être évaluées de point de vue efficacité et tolérance dans les conditions réelles d’intoxications par des essais cliniques contre placebo respectant les règles d’éthique.

    Quelques questions restent néanmoins à éclaircir concernant la purification, le coût de fabrication et les modalités d’emploi des sérothérapies.

    1er symposium international sur les envenimationsscorpioniques et ophidiennes

    Marrakech, 21 et 22 janvier 2010Asmae Khattabi,

    Comité d’organisation

    Rapports

  • Toxicologie Maroc - N° 4 - 1er trimestre 2010 - 15

    L’intoxication aigue au méthanol : un risque méconnu ?

    Hanane Chaoui

    Le Centre Anti Poison du Maroc (CAPM) a été contacté en décembre 2009 pour 8 cas de dé-cès à Oued Zem (Province de Khouribga), chez des Sans Domicile Fixe suite à la prise de l’alcool à brûler, et pour un 9ème cas qui a été mis sous hémodialyse et a bien évolué. Les analyses ef-fectuées ont montré la présence du méthanol en grandes concentrations dans l’alcool consommé.Plusieurs épisodes similaires ont été enregis-trés auparavant. Le premier du genre remonte à 1997, impliquant 76 sujets ayant consommé une boisson vendue comme de la vodka à partir d’un bateau russe, en passage au port de Safi ; le ré-sultat fut 9 décès et 3 cas de cécité. En 2005 à Tiznit, ce fut 2 cas de décès liés à la prise d’alcool à brûler à 90%, contenant du méthanol à 100%. En 2008, 4 cas décès et un cas de cécité ont été enregistrés à Rabat suite à la prise de méthanol dans de l’alcool frelaté.Le méthanol (CH3OH) est un alcool incolore, volatil, et d’odeur caractéristique et agréable. Il rentre dans la composition de plusieurs produits comme l’alcool frelaté, l’alcool à brûler, les anti-gels, de nombreux produits destinés au lavage (lave-glace) et dégraissage, dans les diluants pour peintures, les vernis et plusieurs autres pro-duits industriels.La présence du méthanol est interdite dans les boissons alcoolisées, mais elle permet aux indus-triels d’économiser le versement des énormes taxes sur les alcools qui sont perçues sur toutes les boissons alcoolisées. Dans l’alcool à brûler -dit Janka- non destiné à la boisson, la teneur du méthanol est variable, elle est de 5 à 50 % selon le fabricant. Cet alcool est disponible dans les épiceries, les drogueries et il est destiné à nettoyer les vitres et les surfaces plastiques. Il est aussi utilisé comme détachant et comme combustible (lampes à alcool et ré-chauds). Malheureusement sa vente libre et son prix dérisoire de 10 dhs contribuent au détourne-ment de son usage par les couches sociales les plus défavorisées qui l’utilisent comme boisson alcoolisée (whisky l’Hanout) en le coupant avec du sucre ou en y ajoutant du Coca Cola. Par ailleurs, certains fabricants artisanaux mettent le méthanol aussi dans des boissons alcoolisées à la place de l’éthanol (Mahia) La consommation de ces alcools frelatés et de l’alcool à brûler contenant du méthanol, est un danger avéré pour le jeune marocain chez qui elle entraîne de lourdes séquelles (cécité, crises convulsives, coma) et une mortalité élevée.

    Par ailleurs la prise en charge de cette intoxica-tion est financièrement lourde de conséquences (investigations de l’origine de l’alcool, examens de laboratoire, hospitalisation en milieu de réa-nimation, utilisation d’antidotes, hémodialyse de longue durée, cécité définitive…) La sensibilisation de la population aux dangers de la toxicomanie en général et à l’utilisation des produits frelatés et de contrebande est indispen-sable. La réglementation, le contrôle et l’inspec-tion des fabricants et des distributeurs de ces produits par les autorités compétentes doit être renforcée par des sanctions sévères vis-à-vis de toute personne mettant la vie du citoyen en danger.

    Le monoxyde de carbone : encore des victimes !

    Rachida Aghandous

    Le samedi 26 décembre 2009 coïncidant avec la nuit de la fête d’Achoura, à la Cité Bensouda à Fès, Mustapha dormait dans sa chambre au 3ème étage avec sa fille. Sa femme prenait sa douche, sa sœur dormait au salon du même étage et sa grand-mère dormait dans une autre chambre près de la salle de bain. Le lendemain matin, on retrouvait Mustapha dans un coma profond et les 4 autres membres de sa famille décédés : sa grand mère âgée de 65 ans, sa femme âgée de 21 ans, sa sœur âgée de 18 ans et sa fille âgée de moins d’un an. Les in-vestigations ont révélé que le coupable était le monoxyde de carbone (CO). C’est un de nombreux drames que nous avons enregistrés cet hiver. En effet, 13 décès ont été déclarés au Centre Anti Poison du Maroc. Les baisses de températures riment avec mauvais usage des moyens de chauffage et des appareils de production de l’eau chaude.Le nombre de cas déclarés au CAPM est en augmentation constante d’année en année et le nombre de décès rapporté est inquiétant et nous pousse à rester vigilants et attentifs. Vues la gravité et les répercussions sanitaires, économiques et sociales de ce fléau, nous appelons les citoyens, les professionnels de santé, le tissu associatif et les pouvoirs publics à collaborer pour lutter, par tous les moyens possibles, contre cet accident dramatique. Le numéro 3 de la revue “Toxicologie Maroc” a été réservé aux intoxications par le monoxyde de carbone et traite de tous les aspects les concernant.

    Crème “Shirley” :grand danger à petit prix

    Houda Sefiani

    Avoir un visage clair et sans taches est le rêve de toute femme, mais le rêve peut se trans-former en cauchemar. En effet, plusieurs fem-mes et médecins dermatologues ont contacté le Centre Anti Poison et de pharmacovigilance pour déclarer des effets indésirables secondaires à l’utilisation d’une crème vendue sous le nom de Shirley.Afin de comprendre le phénomène, le dépar-tement de cosmètovigilance du CAPM a entre-pris les actions suivantes : 1- Une recherche d’information sur le produit a montré que Shirley est une crème vendue librement dans les épiceries, marchés et parfumeries au prix dérisoire de 13 dhs. Elle est fabriquée en Taiwan et elle est impor-tée et distribuée au Maroc sans aucune régle-mentation. Sur le packaging, il est indiqué que c’est une crème de beauté éclaircissante. Aucune infor-mation sur la composition, les modalités d’em-ploi ou les risques d’effets indésirables n’est mentionnée. 2- Une analyse au laboratoire de toxicologie a montré que la crème contient une cinquantaine de composés chimiques, dont des pesticides de la famille des carbamates, substances toxiques et très allergisantes. 3- Une enquête exploratoire auprès des dermatologues privés nous a permis de collecter 174 cas d’effets indésirables de gra-vité variable allant de la simple rougeur et irri-tation à la rosacée stade 4 (voir photo). Les femmes concernées sont âgées de 16 à 45 ans et appartiennent à différentes couches sociales. Elles ont utilisé cette crème seule ou en association avec d’autres produits (corticoï-des, plantes…).

    Nous associons notre voix à celle des derma-tologues pour dénoncer tous les produits cos-métiques de contrefaçon et de contrebande qui inondent notre marché national et qui mena-cent la sécurité des marocaines. La réglementation sur la composition, la fabri-cation, la distribution et la vente des produits cosmétiques doit être rapidement mise en place.La femme marocaine, grande consommatrice de cosmétiques, doit être vigilante vis-à-vis des produits qu’elle utilise.

    Alertes du CAPM