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2000.10 Présentation et commentaire du livre d’Henri Fayol Administration Industrielle et Générale Jean-Louis Peaucelle Professeur à l’IAE de Paris Résumé : Le texte de Administration Industrielle et Générale, tel qu’il est publié depuis 1916 et tel que les archives ont permis de le compléter (cahier GREGOR 2000-09 [35]), est ici commenté. Ces notes de lectures précisent les conditions historiques de la formulation des idées qui y sont exprimées par Henri Fayol et les débats qu’elles ont entraînés. Mots clés : Fayol, histoire, théories de gestion. Abstract : The text of Industrial and General Administration, such as it is published since 1916 and such as the archives made it possible to supplement it, is commented on here. These notes of readings specify the historical conditions of the formulation of the ideas which are expressed there by Henri Fayol and the debates that they involved. Keywords : Fayol, history, management theories En 1916, Henri Fayol publie son texte phare : Administration Industrielle et Générale. Ce texte est ensuite édité en livre, tiré à 100000 exemplaires depuis le début du siècle, traduit en anglais, en japonais, en espagnol, en grec, en lituanien. Ce succès de librairie est similaire à celui de Taylor après la guerre de 1914. Fayol apparaît comme un père du management [83]. Cet ouvrage archi connu est plus complexe que sa lecture rapide le laisse penser. Et tout d’abord c’est un ouvrage incomplet. Le livre commence par l’annonce de quatre parties : 1 Nécessité et possibilité d’un enseignement administratin 2 Principes et éléments d’administration 3 Observations et expériences personnelles 4 Leçons de la guerre. De ces quatre parties, seules les deux premières figurent dans la publication de 1916, reprise en livre chez Dunod. Manquent donc les deux dernières parties. Les archives de la famille versées aux archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques) contiennent un document [35] qui est une rédaction non terminée de cette troisième partie. Nous avons ainsi, aujourd’hui, une idée plus complète de l’œuvre telle que son auteur la concevait. Ce document a été découvert par Donald Reid qui a ainsi expliqué la genèse des idées d'Henri Fayol [67]. Il l’identifie à « la moitié d’un ouvrage supposé compléter l’Administration» Industrielle et Générale. Il a raison, mais c’est, en fait, la suite de cet ouvrage incomplet. Comme preuve, nous avons le titre, exactement celui annoncé, et ensuite la date de rédaction, 1916, évoquée dans le texte à plusieurs reprises. Un article spécifique [63] approfondit les raisons qui ont poussé Henri Fayol à publier en 1916 son ouvrage de réflexion le plus important, alors qu’il avait déjà 75 ans. Ces raisons sont liées à la guerre, la guerre en tant que source de réflexion, la guerre en tant qu’opportunité édito- riale, la guerre en tant que moment du débat avec les tayloriens. Cette présentation a pour but d’aider la lecture du livre Administration Industrielle et Géné- rale tel que nous le connaissons maintenant. La logique générale du livre est celle d’un raison- nement scientifique. Les faits conduisent à des théories (voir Reid [67] et [64]). Ces faits sont exposés dans les deux dernières parties. La théorie dans les deux premières. Pour la compré-

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2000.10Présentation et commentaire du livre d’Henri Fayol

Administration Industrielle et Générale

Jean-Louis Peaucelle

Professeur à l’IAE de Paris

Résumé : Le texte de Administration Industrielle et Générale, tel qu’il est publié depuis1916 et tel que les archives ont permis de le compléter (cahier GREGOR 2000-09 [35]), est icicommenté. Ces notes de lectures précisent les conditions historiques de la formulation des idéesqui y sont exprimées par Henri Fayol et les débats qu’elles ont entraînés.

Mots clés : Fayol, histoire, théories de gestion.

Abstract : The text of Industrial and General Administration, such as it is published since1916 and such as the archives made it possible to supplement it, is commented on here. Thesenotes of readings specify the historical conditions of the formulation of the ideas which areexpressed there by Henri Fayol and the debates that they involved.

Keywords : Fayol, history, management theories

En 1916, Henri Fayol publie son texte phare : Administration Industrielle et Générale. Cetexte est ensuite édité en livre, tiré à 100000 exemplaires depuis le début du siècle, traduit enanglais, en japonais, en espagnol, en grec, en lituanien. Ce succès de librairie est similaire à celuide Taylor après la guerre de 1914. Fayol apparaît comme un père du management [83].

Cet ouvrage archi connu est plus complexe que sa lecture rapide le laisse penser. Et toutd’abord c’est un ouvrage incomplet.

Le livre commence par l’annonce de quatre parties :1 Nécessité et possibilité d’un enseignement administratin2 Principes et éléments d’administration3 Observations et expériences personnelles4 Leçons de la guerre.

De ces quatre parties, seules les deux premières figurent dans la publication de 1916, repriseen livre chez Dunod. Manquent donc les deux dernières parties. Les archives de la familleversées aux archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des SciencesPolitiques) contiennent un document [35] qui est une rédaction non terminée de cette troisièmepartie. Nous avons ainsi, aujourd’hui, une idée plus complète de l’œuvre telle que son auteur laconcevait. Ce document a été découvert par Donald Reid qui a ainsi expliqué la genèse des idéesd'Henri Fayol [67]. Il l’identifie à «la moitié d’un ouvrage supposé compléter l’Administration»Industrielle et Générale. Il a raison, mais c’est, en fait, la suite de cet ouvrage incomplet.Comme preuve, nous avons le titre, exactement celui annoncé, et ensuite la date de rédaction,1916, évoquée dans le texte à plusieurs reprises.

Un article spécifique [63] approfondit les raisons qui ont poussé Henri Fayol à publier en1916 son ouvrage de réflexion le plus important, alors qu’il avait déjà 75 ans. Ces raisons sontliées à la guerre, la guerre en tant que source de réflexion, la guerre en tant qu’opportunité édito-riale, la guerre en tant que moment du débat avec les tayloriens.

Cette présentation a pour but d’aider la lecture du livre Administration Industrielle et Géné-rale tel que nous le connaissons maintenant. La logique générale du livre est celle d’un raison-nement scientifique. Les faits conduisent à des théories (voir Reid [67] et [64]). Ces faits sontexposés dans les deux dernières parties. La théorie dans les deux premières. Pour la compré-

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hension de l’ensemble du texte, il est préférable de lire dans l’ordre logique, en commençantdonc par les parties mises à la fin.

1 La troisième partie Observations et expériences personnelles

Ce document est connu partiellement parce qu’Henri Fayol y a puisé pour d’autres publica-tions. Il en parlait sans doute très souvent et ses disciples ont fait connaître certains éléments dutexte. Plus largement, c’est Donald Reid [67] qui a le premier exploité ce texte pour son articlesur les origines de la pensée exprimée dans Administration Industrielle et Générale.

Ce document a été publié en cahier de recherche du GREGOR [35] avec l’aimable autorisa-tion des héritiers et du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle. Il comporte cinq partiesI Mes débuts administratifsII Fonctions administratives du directeur des Houillères de CommentryIII Fonctions administratives du Directeur Général de la Société Commentry-Fourchambault

et DecazevilleIV Aperçu historique sur la Société Commentry-Fourchambault et DecazevilleV Expérience de 1888

Puis se suivent d’autres parties qui ne sont pas numérotées avec logique :5 I Administration commerciale6 L’Administration industrielle dans ses rapports avec la politique7 L’Administration industrielle dans ses rapports avec les Cultes et les Ecoles8 Grèves9 Syndicats10 Monographie d’un ménage ouvrier mineur de Commentry11 Appendice : la production des divers établissements

Ce plan est chaotique, comme celui des deux premières parties. Henri Fayol avait beaucoupde mal à structurer sa pensée. Son travail d’écriture n’était jamais son travail principal. Il n’yconsacrait que des moments morcelés dans son emploi du temps. Ainsi la cohérence des chapi-tres et le plan d’ensemble présentent bien des défauts.

Pour le commentaire de cette troisième partie, on prend l’ordre dans lequel elle se présente.

1-1 Mes débuts administratifsCette partie autobiographique couvre la période de 1860 à 1866. Henri Fayol est un jeune

ingénieur à Commentry.

Le cheval : cette anecdote de mai 1861 est racontée également par Reid [67] qui l’a trouvédans ce document. Elle avait déjà été citée par Vanuxem [84].

Le raisonnement d'Henri Fayol est net. Il a vécu un problème, une solution d’organisationévitera que cela ne se reproduise. La doctrine résulte de cas antérieurs à éviter à nouveau.Cependant, regardons ce petit texte avec recul.

Henri Fayol a vingt ans. Il débarque à Commentry avec une belle énergie et un souci de bienfaire. Il dérange. Son installation dans un corps social inconnu pour lui est obligatoirementmarquée par l’étonnement. Les choses sociales ne sont pas comme les choses techniques queles théories apprises dans les cours semblent bien décrire. Les personnes en place intègrent lenouveau venu en lui faisant passer des «épreuves». Ces épreuves sont une institution trèsancienne des groupes sociaux, voire archaïque. Elles relèvent des rites d’initiation, les rites depassage de l’adolescent à l’âge adulte. On en a encore une trace dans les «bizutages».

Il est probable que le garde des écuries ait agi volontairement, soutenu par les autrespersonnes. Il s’agissait de «former» le nouveau, de lui apprendre des choses qui ne sont pas

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écrites, mais qui constituent la structure sociale. À cet informel qui s’impose et qu’il necomprend pas, Henri Fayol réagit par un renforcement du formel, par la prescription de règlesplus cohérentes.

L’anecdote de juin 1861, sur son chef qui le court-circuite donne un sens particulier au prin-cipe d’unité de commandement. Un grand chef ne doit pas donner directement des ordres ensautant par-dessus la hiérarchie intermédiaire. Il doit, lui aussi, passer par la voie hiérarchique.

Les propos du directeur, rapportés en janvier 1863, sur la confusion de rattachement desateliers concernent aussi le principe d’unité de commandement. Ces ateliers ne peuventdépendre de plusieurs personnes à la fois.

1-2 Fonctions administratives du directeur des Houillères de CommentryCette phase de la vie d'Henri Fayol se déroule de 1866 à 1888. Il a pris de l’autorité. Il

commence à publier dans le Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale les succès qu’ilobtient dans le domaine technique. Il publie sur le boisage en 1874 [9], sur les mouvements deterrain en 1885 [19]. En 1878, il présente au congrès de Paris son mémoire de 259 pages sur lesfeux de mines [11]. Il obtient la médaille d’or. Pour lutter contre les feux, la mine de Commentrya été inondée volontairement en 1819, en 1840, en 1844, en 1853. Souvent on se contentait deconstruire des barrages souterrains, au risque d’emmurer des mineurs. Fayol, au contraire, luttecontre les feux en creusant des galeries au-dessus des foyers et en injectant des boues argileuses.Il note [11] que c’est un des moyens les plus simples, les plus efficaces, et les moins dangereux.

Il est très intéressant de noter que les décisions concernant l’outillage administratif semblentdater de cette époque. Henri Fayol a seulement 25 ans.

À propos de l’outillage administratif de Commentry, le fonds Henri Fayol possède le règle-ment de cette mine (cahier de 86 pages manuscrites [13]). Les descriptions de postes sont faitesdepuis le directeur jusqu’au concierge. La suppléance entre les trois ingénieurs est assurée, enfait, par permutation entre eux.

Le régime des amendes n’est pas précisé. Ces éléments de sanction devaient poser quelquesproblèmes pour être exposés.

Tout le développement sur les écoles ([35] page 6) et les cours du soir montre l’intérêtd’Henri Fayol pour le système éducatif. Cet intérêt se manifeste très tôt, probablement avant1870, puisque Mony était encore Député. Il prône une pédagogie construite sur les applicationsqui seront faites ultérieurement. C’est un pilotage par l’aval qu’il recommande, de même, dansla première et la deuxième partie quand il revient sur le sujet (voir § 4-2, page 18).

A propos du programme d’avenir, Henri Fayol, parle des buts. C’est une exception dans sesécrits qui éludent en général cette question. J’éprouvai naturellement le besoin de me rendrecompte de la situation générale de la mine, des ressources de toutes sortes dont elle disposaitet des moyens qu’il convenait d’employer pour produire le plus possible et au meilleur marchépossible, but qui m’était donné ([35] page 6). Les buts de la gestion, croissance du site et prixde revient, sont donnés de l’extérieur, par les propriétaires. Fayol ne les partage pas. Ils sontune contrainte pour lui. Spontanément, il se construit d’autres buts.

L’épuisement du bassin houiller révèle les buts d’Henri Fayol. Il motivait son personnel versce qui le motivait lui-même : le développement de la mine, l’accroissement des capacitésd’extraction. La croissance est ainsi l’objectif implicite de l’action du gestionnaire selon HenriFayol. Or un gisement minier est fini. On parvient un jour à épuiser le minerai disponible. HenriFayol perçoit cet épuisement alors qu’il venait de faire monter la production à 500000 tonnespar an. C’est pour lui une crise. Crise pour en persuader M. Mony, son supérieur. Crise pour lefaire accepter aux deux autres directeurs généraux. Crise pour lui-même, par manque d’objec-tifs. Il fait diminuer, la production aux alentours de 400000 tonnes pour durer plus longtemps.Il transforme ses objectifs en une étude scientifique du gisement. Il invente l’idée de patrimoineà conserver. Son étude du gisement de Commentry [20] est une manière de remotiver son

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personnel sur un objectif de connaissance. La fierté sur la quantité produite est transférée en unefierté de connaissance des conditions de création du gisement. Ensuite, Henri Fayol transfèrel’objectif de croissance de la mine sur un objectif de croissance de l’entreprise en déplaçant lescentres de production.

Le résultat est un extraordinaire document sur les fossiles et le plan du bassin de Commentry[20]. Certains spécimens sont nouveaux. Ils sont communiqués au Muséum d’histoire naturelleà Paris et portent un nom latin où «fayol» apparaît. Le résultat est aussi la théorie des deltas,communiquée à l’Académie des Sciences dès 1881 [14]. Henri Fayol penserait-il à ce momentà une reconversion vers une carrière académique? C’est possible. Le fait qu’il ait sollicité le«prix de l’Institut» pour son étude du bassin houiller va dans ce sens. Mais une autre opportu-nité va s’ouvrir à lui en 1888.

1-3 Fonctions administratives du Directeur Général de la SociétéCommentry-Fourchambault et Decazeville

Les hésitations d’Henri Fayol avant d’accepter le poste de Directeur Général mettent envaleur le fait qu’il situe les objectifs de gestion dans l’intérêt social, le social en question se réfé-rait au «capital social» et aussi aux ouvriers qui perdraient leur emploi. L’accent est mis sur laréticence à fermer un appareil de production qui fonctionne. Il faut d’abord tenter de le sauver.

Anatole Le Brun de Sessevalle a épousé Aline Rambourg, la fille d’Edmond Rambourg. Ilappartient donc à la famille des propriétaires. Il est administrateur depuis 1855 et le demeurerajusqu’en 1898 [72]. Il était directeur général avec Mony et Glachant. Il le reste seul après la mortMony et la démission de Glachant pour raisons de santé. Ceci signifie, en fait, que les directeursde Commentry (Fayol) et de Fourchambault sont des ingénieurs, sans liens avec les proprié-taires, et n’appartiennent plus au Conseil d’Administration.

Donald Reid [68] dit que «le cas Fayol fournit un exemple de l’émergence de la fonction dudirecteur général qui ne possède ni intérêt financier dans l’entreprise, ni liens familiaux avec lespropriétaires du capital». Il est plus précis de dire que, quatre ans avant l’arrivée de Fayol à latête de la Société, les administrateurs ont au contraire tenté de ne plus compter dans leurs rangsque des représentants des actionnaires. C’est l’échec de la gestion par les propriétaires eux-mêmes (de Sessevalle) qui va mettre au pouvoir un gestionnaire non propriétaire. Mony étaitdans la même situation, mais il partageait son pouvoir avec d’autres gérants, ou directeurs géné-raux, liés aux propriétaires. Ce ne sera qu’en 1900 que Henri Fayol sera coopté dans le Conseild’Administration.

1-4 Aperçu historique sur la Société Commentry-Fourchambault etDecazeville

Cette partie du texte couvre la période de 1888 à 1916 dans la vie professionnelle d’HenriFayol. Le texte est celui de la conférence de 1908 [27]. Les idées figurent déjà dans un texte [24]du 29 juillet 1898, cité par Blancpain [3] et souligné par Donald Reid [67]. Quand j’ai assuméla responsabilité de la restauration de Decazeville, je ne comptais ni sur ma supériorité tech-nique, ni sur celle de mes collaborateurs. Je comptais sur ma faculté d’organisateur, demanœuvrier des hommes.

Le raisonnement de la preuve de la théorie par le succès de l’entreprise y figure déjà. Legraphique des dividendes a été publié par Henri Fayol en 1918 [41]. Il montre la période sansdividendes correspondant à la gestion de son prédécesseur. Il reste muet sur les raisons des divi-dendes versés antérieurement qui sont importants, hormis le cas de 1871 qui est lié à la situationpolitique, après la défaite militaire.

Jean Chevalier, ancien du Creusot, entreprise concurrente de celle de Fayol, est favorable àTaylor. Il critique l’argument de Fayol sur ses succès de gestion ([6] page 64). «L’expérience deFayol semblait démontrer la supériorité de ses principes sur ceux de Taylor. Ses disciples ne

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manquèrent pas de l’affirmer. À vrai dire, ce n’était pas la présence de Fayol à la direction dela Société Commentry-Fourchambault qui avait ramené les bénéfices. C’était le relèvement ducours de la fonte de 57 francs en 1888 à 70 francs en 1890, relèvement du cours qui s’inscrivaiten regard de taux de salaires qui devaient rester les plus bas des vingt dernières années du siècle.[…] La fonte ne reverra qu’un instant, en 1895, le cours de 55 francs auquel elle était tombéeen 1886, et ce sera pour remonter aussitôt vers le cours de 82 francs qu’elle atteindra en 1900.»

La figure 1, page 5 montre qu’effectivement les prix des produits métallurgiques ont suivi

des cycles. Les années durant lesquelles Sessevalle dirigeait furent des années de bas prix. Cefut une crise dans la sidérurgie. Parallèlement la production de Commentry-Fourchambault etDecazeville a diminué (voir figure 2, page 6). Ce double mouvement a fait chuter les recettes etprovoqué la crise de 1888 qui amena Henri Fayol à la direction générale. Quand une criseanalogue éclate, en 1895, Fayol fait face et les bénéfices subsistent. La nouvelle baisse des prixde 1895 à 1898 (voir figure 1, page 5) n’entraîne pas la même chute des bénéfices (voir figure3, page 6). Tout au plus voit-on une stagnation de ces bénéfices. Les profits qui augmentent àpartir de 1899 correspondent à la fin de cette crise.

Cette constance des bénéfices, malgré la variation des quantités produites, est d’ailleurs lesigne qu’Henri Fayol ne cherchait pas à maximiser ses bénéfices mais il les régulait, pouratteindre le niveau souhaité par les actionnaires. Le moyen de régulation était le montantconsacré aux travaux neufs et aux investissements. Henri Fayol privilégiait la croissance sur lebénéfice annuel. Donc il investissait tout ce qu’il pouvait.

La stratégie de Fayol est qualifiée par Sasaki [72] de «scrap and build». On se restructure parabandon de sites tout en créant d’autres usines. Le mouvement concerne le Centre d’abord, puisle Nord avec l’usine de Pont-à-Vendin, à côté de Lens, presque terminée à la veille de la guerreet la mine de Joudreville à côté de Briey en Meurthe et Moselle.

Cette stratégie coûte cher. Par exemple, il fallait trouver 22 MF, en 1913, pour financer Pont-à-Vendin [32]. Le Conseil d’Administration renâcle parfois à ces investissements.

Une note dactylographique [29] de 26 pages, datée du 6 février 1911, sur la marche de lasociété depuis 1888, révèle ces tensions. En marge, à la fin, Henri Fayol ajoute au crayon : Cette

Figure 1 : Evolution du prix du fer et de la fonte d’après les Statistiques de l’Industrie Miné-rale établies par le Corps des Mines

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note a été faite pour répondre aux critiques virulentes de M. Sabatier. Ce Sabatier, Maurice, nefut administrateur que de 1910 à 1911. Henri Fayol indique dans cette note que les dettes, en1888, se montaient à 10 MF. Le bénéfice moyen, de 1906 à 1910 fut de 3,40 MF par an (ce quiest faux d’après la figure 3). Le dividende était alors de 60 F/action. Les bénéfices de 1888 à1910, se sont montés à 67 MF. Sur cette somme 42 MF ont été réinvestis et 22 MF versés endividendes.

Le problème devait être celui de la collecte de nouveaux fonds. Il manquait, en 1911, 4 MFpour la trésorerie et il fallait trouver 12 MF pour les investissements.

Figure 2 : La production de fer de Commentry-Fourchambault et Decazeville selon Sasaki

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Production de fer selon Sasaki

Production de fer selon Fayol

Figure 3 : Bénéfices de Commentry-Fourchambault et Decazeville selon Sasaki [72] et divi-dendes selon Henri Fayol [35]

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par action

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On remarquera que cette stratégie n’était pas celle d’Henri Fayol au début de ses nouvellesfonctions. Il a songé à sauver son entreprise en fusionnant avec une autre, probablement savoisine Châtillon-Commentry. En novembre 1889 et en 1890 [21], il négocie avec Darcy, prési-dent du Comité des Forges, qui agit en intermédiaire. L’accord ne se fera pas parce que la situa-tion de Commentry-Fourchambault paraît trop mauvaise au partenaire envisagé.

Cette stratégie montre les objectifs de l’entreprise, selon Henri Fayol : la pérennité, la crois-sance, sous la contrainte d’un profit satisfaisant pour les actionnaires, au même niveau qu’unplacement (une rente, une obligation). Pendant cette longue période de liquidation, d’acquisi-tion et de travaux, les anciennes sources de bénéfices ont, suivant les prévisions, assuré la rému-nération du capital au taux moyen de 8 % environ, soit 4 % par rapport au capital initial [28].

1-5 Expérience de 1888Cette «expérience», dans les deux sens du terme, est sans doute la raison de l’intérêt d’Henri

Fayol pour les questions administratives. Quand il était dans la mine, son autorité venait de sacompétence technique et de son engagement personnel sur le terrain. Transplanté à Paris,responsable d’une usine sidérurgique où sa compétence technique est faible, il appuie son auto-rité uniquement sur l’outillage administratif. Ces techniques de commandement sont faites pourdiriger des personnes plus compétentes techniquement. L’incompétence technique des chefs estcompensée par une compétence administrative.

Au centre de ce chapitre de la troisième partie [35], un raisonnement fondamental d’HenriFayol concerne la compétence des chefs. Il affirme qu’il ne peut pas exister, ou qu’on ne peutpas trouver, de chefs qui soient suffisamment compétents pour diriger l’entreprise dans tous lesdomaines techniques ou elle est engagée. Lui-même n’avait de compétence que dans l’un destrois métiers techniques de Commentry-Fourchambault. Il apprendra un peu la métallurgie et seséparera des usines de construction mécanique. Déjà, il se recentrait sur un métier de base. Deuxmétiers en fait, mines et métallurgie. Mais le vrai raisonnement concerne les capacités adminis-tratives. Avec de bons outils de gestion, le chef peut réussir à diriger, malgré une incompétencetechnique. Loin de prôner la recherche de dirigeants d’exception, Henri Fayol recommandeseulement qu’ils aient un bon outillage administratif.

L’indication des procédés administratifs ([35] page 16) est très intéressante. Ces procédésdatent donc pour lui de très longtemps. Une note d’Henri Fayol, datée de janvier 1880 [12],décrit finement les rapports que les ingénieurs doivent faire. Ils notent au jour le jour tous lesfaits intéressants. Ils décrivent dans le rapport mensuel les travaux faits, les projets, lesdépenses, les prix de revient, les devis. Le moment pour remettre les rapports est indiqué en tantque rendez-vous du directeur avec chacun de ses collaborateurs, moment fixe dans la semaineou le mois.

Une autre note [18], datée du 15 février 1882, est intéressante sur les outils de communica-tion. Elle porte le titre Téléphone. Citons-la. Un téléphone reliant1˚ les points principaux du chemin de fer entre eux2˚ les bureaux de la direction aux ateliers et magasins à la gare, à Montvicq et à Montluçon3˚ les divers points du bureau central…

Un téléphone rendrait de grands services. Reprendre l’étude faite en 1879. Aujourd’hui ondevrait s’adresser à la Société Générale des Téléphones.

Henri Fayol adopte les moyens de communication moderne, en étudiant leur coût.Aujourd’hui, il serait ravi de l’informatique.

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1-6 Organisation de l’administration commercialeCe texte ne figure pas dans les écrits de Carlioz sur la fonction commerciale. Rappelons que

Carlioz, directeur commercial d’Henri Fayol, enseigne à HEC et a écrit plusieurs livres sur lafonction commerciale.

L’intérêt de cette partie vient de la discussion concrète du fonctionnement de la passerelle.La passerelle est la circulation d’information et d’ordres en dehors de la ligne hiérarchique.C’est l’exception au principe d’unité de commandement. Evidemment, Fayol n’évoque pascomment peuvent se régler les conflits résultant de l’usage de la passerelle.

1-7 Le prix de cession interneLe prix d’ordre (prix de cession interne) est un problème des grandes structures intégrées.

La discussion de Fayol montre le flou existant à cette époque sur cette question, aussi bien dansla doctrine comptable que dans la législation fiscale.

1-8 Ententes commercialesCe texte court sur les ententes commerciales est très intéressant en tant que limitation spon-

tanée de la concurrence. Malheureusement Henri Fayol ne va pas jusqu’au bout de sa pensée.Trois pages blanches dans le manuscrit montrent qu’il avait encore des choses à dire.

1-9 Les coopératives de consommationÀ l'origine des réflexions d’Henri Fayol, un grand nombre d’incidents. À Commentry même,

Fayol a créé une coopérative patronale pour faire baisser le coût de la vie de ses mineurs. Lepoint de vue des adversaires de Fayol est intéressant. Dans le récit, hagiographique de la vie deThivrier, on note cet incident : ([61] p 19) «Vers 1879, le mécontentement général grandissaitparmi la classe ouvrière. La Compagnie, comme pour jeter un dernier défi à la liberté, venaitd’établir une coopérative patronale où les salariés étaient contraints de s’alimenter, voyant ainsiaugmenter leur sujétion et s’accroître les bénéfices capitalistes.» Evidemment ce point de vueest celui des commerçants locaux. Au conseil municipal, le nouveau maire socialiste, Thivrier,«faisait voter (14 juillet 1882) un vœu pour la [suppression de la Coopérative de la Forge] quiruinait le petit commerce» ([61] p 25). Or Thivrier, l’ancien mineur, le meneur socialiste, étaitaussi tenancier d’un débit de boisson. Tout en défendant les ouvriers, il appartenait au commercelocal.

Henri Fayol vécu une autre expérience, plus éloignée, à Decazeville, avant sa reprise parCommentry-Fourchambault [59]. Devant les difficultés financières de l’entreprise, le Conseild’Administration avait décidé, en 1885 de diminuer les salaires des ouvriers de 34 %. Les ingé-nieurs s’y opposent. Rien n’y fait. Watrin est un ingénieur métallurgiste. Il a été nommé sousdirecteur en 1880. Il s’apitoie sur la misère des ouvriers. Il cherche une solution en diminuantle coût de la vie des ouvriers. Il les aide à monter une coopérative ouvrière de consommation.Une grève éclate le 26 janvier 1886. Watrin sera assassiné deux jours plus tard. Les troubles quisuivirent ont généré 110 jours de grève. Ces grèves ont affaibli suffisamment l’entreprise pourque la seule solution, trouvée en 1892, soit la reprise par Commentry-Fourchambault.

1-10 L’Administration industrielle dans ses rapports avec la politiqueDans toute cette partie Henri Fayol critique Stéphane Mony. Mais il conserve son objectif.

Les industriels doivent peser sur les décisions politiques, pour le plus grand bien de l’intérêtgénéral. Il notait le 16 février 1898 [22] intervention de l’Etat souvent maladroite. Danger despoliticiens. N’ont pas le sens du prix de revient.

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De 1870 à 1878, Mony tente de reprendre ne main une population ébranlée par la chute del’empire. Cette action ne devait pas manquer de rebondissements. Du côté de Thivrier, ce fut lasociété secrète «la Marianne», combattue par le préfet. Du côté de Mony, ce fut par exemple la«fête du travail» célébrée le 28 septembre 1873, pour le saint patron de la Mine.

Le camp opposé voit cette manifestation officielle d’un air moqueur ([61] p 18). « Le28 septembre 1873, on fit une fête du travail dont les détails furent publiés en un livre peu rare.[…] M. Mony […] avait prononcé un discours où, avec une habileté remarquable, il avait à lafois manié l’éloge et la menace. […] Il avait dit un mot des «doctrines insensées et coupablesde l’Internationale» rappelant qu’il avait congédié des ouvriers qui professaient ces théories.Ainsi M. Mony a appris à beaucoup de travailleurs que quelques-uns uns de leurs camaradesavaient formé un grand rêve d’égalité sociale.»

La brochure éditée à cette occasion a été largement diffusée. Elle figure au fonds Henri Fayol[53].

1-11 L’Administration industrielle dans ses rapports avec les Cultes et lesEcoles

Le patronat des mines s’appuyait largement sur l’église. Dans les houillères du Nord, jusqu’àla nationalisation de 1945, à l’embauche, on exigeait un certificat de baptême. Les patronspayaient les institutions religieuses, écoles, hospices, églises. Cependant Henri Fayol n’était pasreligieux. Blancpain [3] note que « de nature très tolérante et respectueux des croyancesd’autrui, il ne discutait jamais de problèmes religieux».

Cependant, il vit dans une société où le catholicisme a encore un grand pouvoir. La séparationde l’Eglise et de l’Etat date de 1905. La religion a une influence. Blancpain [3] cite le texte [24]de 1898 où il écrit que les peuples catholiques sont en décadence, les peuples protestants sonten prospérité. Cette constatation fut aussi celle de Max Weber et il en tira sa théorie sur l’origineculturelle (religieuse) du capitalisme. Or, pour Henri Fayol, catholicisme et protestantisme sontidentiques. Sans doute connaît-il mal la théologie protestante. Alors, il lance une autrehypothèse : voir si l’absence de volonté, d’initiative, dont nous souffrons n’a pas pour causepremière la manière dont les prêtres catholiques ont compris leur mission. En d’autres termes,l’autoritarisme du clergé catholique supprimerait le sens des responsabilités et de l’initiative.Hypothèse intéressante.

1-12 GrèvesHenri Fayol se présente comme un bon patron pour la raison que les ouvriers ne font pas

grève avec lui. La démonstration doit être difficile. Les statistiques qu’il tente de montrer sontvides, sauf pour Commentry. La fille d’Henri Fayol, Madeleine Grangé, apporte son témoi-gnage en 1964 (elle a 86 ans). Elle affirme [51] que «le député à la blouse qui avait été ouvrierà la mine, demandait qu’il n’y ait pas de grève, de trouble – Vous avez de bons patrons, disait-il.»

Ce témoignage émouvant doit être mis en relation avec la politique sociale d’Henri Fayol.Sasaki [72] rapporte que la société avait un compte de «dépenses de bien être» qui se montait à1,2 million de francs en 1907, soit les deux tiers du dividende. Par exemple, la société avaitinstallé des salles de douche dans toutes les mines avant 1878.

Thivrier (16/5/1841 - 8/8/1895) au conseil municipal de Commentry en 1881, a vécu les troisjours de grève de juin tout à fait différemment que Henri Fayol. Il avait été mineur à 10 ans, pourtrier et rouler, puis à 14 ans comme piqueur, mineur et boiseur. Il avait arrêté à 28 ans.

Sa biographie raconte les faits de la manière suivante [61].-Page 21 «Aux élections municipales du 29 janvier 1881, [Thivrier] était élu le premier avec

1.229 voix. […] Il était le porte-parole des travailleurs.»

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-Page 22 «Les mineurs de Commentry eurent à subir des tracasseries sans nombre, à cause de l’attitude politique qu’ils venaient de prendre aux élections municipales. La direction chassa152 des «meneurs». Les autres se mirent en grève. Ce fut la misère. Thivrier demanda auConseil de voter 25000 francs de secours et de recourir pour cela à un emprunt.»

Ceci fut voté par le Conseil municipal et annulé par le préfet.

Page 23 «Pourtant, la grève ayant avorté, de larges coupes sombres furent faites dans lesrangs des militants. Un certain nombre de conseillers furent forcés de quitter le pays.»

Thivrier fut élu maire, «premier maire socialiste de France», en 1882. Auparavant, le maireétait nommé par le gouvernement.

La statistique des jours de grèves d’Henri Fayol pourrait être complétée à partir des archivesde la société. Sont conservés, sans doute non exhaustivement, quantité de documents concer-nant les grèves, l’espionnage des syndicats, les revendications, les refus ou les avantagesaccordés, le suivi quotidien des intentions des ouvriers quant à la reprise du travail [89]. Letableau serait beaucoup moins honorable que Henri Fayol voudrait le faire croire. Par exemple,il est sûr qu’il oublie ici la grève de quelques jours, à Commentry, fin février 1914, dont il parleau Conseil d’Administration, le 20 mars [88].

1-13 SyndicatsEn 1895 Gustave Le Bon a publié «La Psychologie des foules». Henri Fayol l’a lu. Le 16

février 1898, il note [22] : Répartition des richesses : je ne m’occupe point de cette question.On peut se figurer un syndicat appelant des capitaux et, par la suite, les subornant. Si lesgroupes entreprenants et capables se constituaient, les capitaux ne leur feraient pas défaut.Alors ce n’est plus le capital qui commanderait ce serait le syndicat. La difficulté administrativeserait reportée sur le syndicat, mais elle subsisterait tout entière. C’est de cette difficulté que jem’occupe.

Résoudre la question sociale! Que veut dire cette expression si couramment employée?Rien, c’est aussi vide de sens que si l’on disait «résoudre la question technique».

1-14 Monographie d’un ménage ouvrier mineur de CommentryStéphane Mony est un ingénieur de l’Ecole des Mines de Paris, disciple de Saint Simon avant

1832. Il publie «Etude sur le travail» en 1877 alors qu’il croit encore possible de reconquérirson siège de député. «Informé qu’un ouvrier mineur de Commentry, après une jeunesse quin’annonçait pas en lui un ouvrier économe et zélé, s’était, depuis son mariage, constammentrenfermé dans le cercle étroit de son devoir, avait élevé plusieurs enfants, et s’était créé un petitpatrimoine, j’ai songé à appliquer à l’étude de sa vie et des résultats obtenus par la méthode deM. Le Play. De nombreuses conversations ont été échangées avec lui et avec sa femme ; la sériede questions indiquées par la méthode leur a été posée ; toutes les vérifications nécessaires ontété faites, et de cet ensemble est sorti le travail que l’on trouvera à l’appendice H» ([62] page453).

L’emploi du passif permet à Mony de ne pas parler d’Henri Fayol. Celui-ci en fut, sans doute,affecté. C’est pourquoi il tient à réclamer la paternité du texte, inséré dans notre édition de latroisième partie [35].

Le livre de Mony contient aussi ([62] page 454) un tableau des salaires moyens de 1855 à1875, à la mine de Commentry et à la forge de Fourchambault. Ces salaires augmentent sur lapériode 50 % à 60 % en 20 ans. Mais Mony oublie de parler de l’évolution des prix. Onremarque dans ces statistiques la variation de salaires entre ouvriers, de 1 à 2, entre les spécia-lités. Par ailleurs le travail de la forge est deux fois mieux rémunéré que celui de la mine.

Sa conclusion générale est que «l’ouvrier et l’ouvrière qui ont de la conduite, qui sont sobreset économes, peuvent vivre sainement, se vêtir décemment et faire encore quelques économies.

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Du moment que les ouvriers arrivent aux salaires les plus élevés, leur sort est entre leur main»([62] page 455).

1-15 Appendice : la production des divers établissementsLa stratégie de remplacement d’un site par un autre pour conserver la production globale est

visible dans les graphiques d’évolution des productions. Par ailleurs le personnel était aussidéplacé d’un site à l’autre. L’ouverture de la mine de Brassac s’est faite avec transfert dupersonnel et des cadres de Commentry en déclin. Les deux sites sont distants d’une centaine dekilomètres, de part en d’autre de Clermont Ferrand.

1-16 Gérance et direction généraleDonald Reid insiste sur les conflits d’Henri Fayol avec son Conseil d’Administration [67]. Il

a consulté les archives des comptes rendus des réunions du Conseil d’Administration [88]. Ilmontre qu’il lui a fallu mettre son siège en jeu pour obtenir l’autorisation de se lancer dansl’investissement de l’usine de Pont-à-Vendin.

2 La quatrième partie

La première page de la quatrième partie a été retrouvée [36]. Voici ce texte court.6 avril 1916

Leçons de la guerreLe soldat français a fait preuve de l’endurance la plus remarquable, d’une énergie surprenante, d’un

courage sans pareil.La nation tout entière s’est donnée avec un dévouement absolu.Personne ne doute de l’intelligence de nos concitoyens.On sait qu’il y a dans notre pays des hommes hors de prix.Avec de tels hommes, un tel foyer d’énergie, de quoi la nation ne serait-elle pas capable si son organisa-

tion générale était au niveau de la valeur des individus?Or, nous avons été surpris. Puisque rien n’était préparé. Il a fallu s’organiser à la hâte, c’est-à-dire au

prix des plus grands sacrifices de tous genres.Il n’y avait pas de programme.Pourquoi?L’organisation, les programmes… sont faits par les chefs, ne peuvent être faits que par eux. Nous manque-

rions donc de chefs capables? Assurément.Je ne dis pas "intelligents" ou "instruits", je dis capables.Pourquoi n’y a-t-il pas eu à la tête du pays des hommes capables de gouverner, prévoyant, organisateurs,

informés, sachant susciter le dévouement, inspirer la confiance…?C’est parce que la nation ne sait pas quelles sont les qualités qu’elle doit demander à ses chefs. Elle croit

que l’éloquence, la science mathématique, la qualité d’élu,… donnent la capacité administrative. Grande erreur.

Cette page, complète, déchirée d’une feuille double, ne se poursuit pas.

Henri Fayol a publié son ouvrage principal en 1916, parce que c’était la guerre [63]. Laguerre a été une opportunité éditoriale. La percée des idées de Taylor rendait urgente uneréponse appropriée. La catastrophe militaire a aussi été un stimulant pour trouver des idées dechangement. La doctrine administrative a trouvé son meilleur climat de diffusion dans cettepériode, de 1916 à 1925, tant étaient générales la perception des gâchis et la volonté de ne pasrecommencer.

Dès 1898, Henri Fayol critique le gouvernement. Il note déjà : Le gouvernement donnantsouvent l’exemple du désarroi, de l’oubli ou de la méconnaissance des règles les plus élémen-taires, on peut se demander si le mal que nous faisons ainsi à nous-mêmes n’est pas pire que

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celui que nous font nos ennemis. […] Si on a le gouvernement qu’on mérite (ce que je crois)…nos mérites sont modérés [24].

3 La vulgate des deux premières parties

Les deux premières parties de Administration Industrielle et Générale [34] sont connuesdepuis 1916. Leur contenu échappe cependant souvent à cause d’un plan pas très logique etd’incises fréquentes. On y trouve tout d’abord l’exposé de la doctrine sous une forme canoniquequi est reprise dans un grand nombre d’autres publications ([37], [45], [84], [86]…). On y litaussi des textes divers, insérés sans grande logique dans l’exposé principal. Pour aider à cettelecture commentée, on se réfère ici à la pagination de l’édition Dunod de 1999.

Cette partie doctrinale a comme principal défaut que sa nécessité n’est jamais démontrée. Onn’a jamais d’argumentation pour expliquer les alternatives et les critères en fonction desquels lasolution doctrinale est préférable. Fayol met le résultat théorique avant la recherche empiriqueet c’est sa principale faiblesse.

3-1 Les 6 opérations types (pages 5 à 8)Sous le titre Définition de l’administration, le premier chapitre propose une typologie des

opérations faites en entreprise. Ces types d’opérations (ou fonctions) paraissent dessiner lastructure de l’entreprise. On voit bien l’organigramme avec les usines pour la fonction tech-nique, la direction commerciale pour la fonction commerciale, etc. Or, on a tout faux. Ce n’estpas la pensée de Fayol. On le voit au chapitre II. Les fonctions de l’entreprise ne sont pas lastructure de l’entreprise.

L’ordre de présentation de ces fonctions (Techniques, Commerciales, Financières, De sécu-rité, De comptabilité, Administratives) a varié. Dans ses écrits antérieurs non publiés, en 1911,[30] il classait les fonctions dans l’ordre suivant : Administratives, Commerciales, Techniques,Financières, De comptabilité, De sécurité. Modestement, la fonction administrative est doncpassée de la première à la dernière place. La fonction de sécurité, dernière, est remontée de deuxplaces. L’ordre n’est pas figé. Dans les figures reproduites en pages 123 et 124, l’ordre estencore différent. On est plus proche de l’ordre de 1911, mais les fonctions commerciales et tech-niques ont permuté.

La remarque principale porte sur la distinction, faite aujourd’hui, concernant les disciplinesde gestion qui englobent les opérations Commerciales, Financières, De sécurité (gestion durisque), De comptabilité, Administratives. Henri Fayol n’a pas vu, ou voulu voir, ce qui est pournous important, c’est-à-dire les interactions multiples entre ces quatre aspects.

La distinction d’une fonction de sécurité, à égalité avec les autres, résulte de l’expérienced’Henri Fayol. Les feux de mines, les accidents du travail ont été si fréquents dans le début deson expérience professionnelle qu’il en sait l’importance. Les virus sur Internet rappellentaujourd’hui que cet aspect conserve toute son actualité.

Souvent, on réduit la pensée de Fayol à la définition de la page 8 [34]. Administrer, c’estprévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler. Cette définition est tardive dansl’élaboration de la pensée de Fayol. En 1901, il note [26] administrer c’est, selon le diction-naire, gérer diriger les affaires publiques ou privées. En 1911, il reprend cette même définitionmais il ajoute : le service administratif consiste à prévoir, organiser, coordonner, contrôler[30]. L’expression «service» marque parfaitement l’ambiguïté signalée entre les six typesd’opérations, communes à tous, et la spécialisation sur une opération dans la structure. Le mot«service» peut être compris dans les deux sens.

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3-2 Les capacités (pages 9 à 15)Le deuxième chapitre redresse le premier en affirmant que tous les membres de l’entreprise

jouent un rôle dans les six types d’opérations. Ils ont une «capacité» sur ces six registres. Là oùon aurait pu conclure à une spécialisation des agents sur les opérations, malgré la spécialisation,toutes les capacités sont réparties. Ainsi le principe de division du travail (voir [34] page 24) neconduit pas à spécialiser une partie de la structure sur les opérations d’une catégorie.

On peut comprendre la perplexité des lecteurs. La quantification des capacités ne suffit pasà masquer la contradiction du raisonnement. Si les «comptables» n’ont pas le monopole des«opérations comptables», si les «commerciaux» ne sont pas les seuls à «vendre», la structuredevient difficile à comprendre. Dès le deuxième chapitre, Fayol perd sans doute le soutien qu’ilsouhaite.

Le lien entre le concept d’«opérations» et celui de «capacité» n’est pas clair dans la penséede Fayol. Il veut dire qu’il y a de l’«administratif» partout et en conséquence affaiblit leconcept.

3-3 Les quatorze principes (pages 23 à 47)Le quatrième chapitre fait la liste, non exhaustive, de 14 principes d’administration. Ces prin-

cipes sont de nature très différente.

La division du travail est d’abord mise en avant. Elle est d’ordre naturel. Elle a pour but deproduire plus et mieux avec le même effort. L’argumentation est la même que celle de AdamSmith, même si celui-ci n’est pas cité.

Cependant, il semble que la division du travail ait été moins poussée dans les mines qu’iln’aurait été possible de le faire. La consolidation des galeries, après qu’on eût retiré le charbon,s’appelle le boisage. Donald Reid [67] note que Fayol [9] recommandait d’abandonner leboisage par une entreprise extérieure spécialisée et de revenir à un boisage par les équipes demineurs eux-mêmes.

Après la division du travail examinons les autres principes. L’autorité, la discipline, l’unitéde commandement, l’unité de direction, la centralisation, la hiérarchie, l’ordre sont des prin-cipes redondants d’une structure formelle avec des chefs qui savent où ils vont. L’unité decommandement est déjà préconisée en 1908 [27]. Ce formalisme est équilibré par l’affirmationdu droit d’initiative partout dans la structure.

Evidemment ces principes ont certainement une relation avec la conduite de la guerre. Lesarmées opposées étaient des coalitions d’armées nationales qui avaient conservé leur autonomiede commandement. Il faudra attendre la fin de la guerre pour instaurer un commandementunifié, de part et d’autre. De cette unité de commandement militaire, on parlait dès 1916 natu-rellement, à cause de frictions entre les Français et les Anglais notamment.

À l’occasion de son exposé sur la hiérarchie, Fayol présente son principe de la passerelle([34] page 39). C’est une communication directe des personnes en tant qu’exception, autoriséepar la hiérarchie. Il manque les critères en fonction desquels on autorise de telles passerelles. Leraccourcissement du délai est évoqué. Mais, si de nombreuses passerelles sont autorisées, quese passera-t-il?

La subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général est la réaffirmation de laprimauté des objectifs de l’entreprise. Elle est en relation avec l’équité qui est la condition del’expression des dévouements individuels. Elle s’exprime aussi dans l’union du personnel, ondirait aujourd’hui une forte «culture d’entreprise».

La rémunération du personnel est un sujet obligatoire dans la mesure où les tayloriens enparlaient depuis longtemps. On a vu que Fayol payait plutôt bien, afin de s’assurer une stabilitédu personnel.

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Globalement ces 14 principes forment un ensemble hétérogène assez décevant. Leur banalitéa déjà été soulignée par Herbert Simon [74]. Ces principes restent éloignés de l’action parcequ’on ne sait pas à qui ils s’appliquent.

3-4 La prévoyance (pages 48 à 61)Le mot de prévoyance a pris aujourd’hui un sens lié aux assurances contre les risques. Pour

Fayol, comme pour le petit Larousse, c’est «la qualité de celui qui sait prévoir». probablementil faut le prendre comme le contraire de l’«imprévoyance».

Dans ce cinquième chapitre, sur la prévoyance, Henri Fayol est à l’aise. Il a sans cesse faitdes plans, en a présenté. Il sait que c’est essentiel, même si c’est difficile. Comment enseignerla prévoyance, se demande-t-il. Il en conclut ([34] page 50) que la doctrine administrative est àfaire. La modestie tout à coup lui vient. C’est une invite à toutes les recherches sur la planifica-tion.

Ce thème de la prévoyance est pour Fayol un des premiers de sa réflexion. En 1898, ilnotait : [23] prévoyance : utilité et nécessité d’un programme.

3-5 L’organisation (pages 61 à 75)L’organisation au début du siècle est un mot dont le sens n’est pas le même qu’aujourd’hui.

C’est tout d’abord le mot allemand. Les Allemands se vantent d’une excellente organisation. Ils’agit alors d’une capacité à faire agir des grandes masses. Dans ce sens Napoléon avait uneexcellente organisation.

L’organisation est la définition formelle des fonctions et de la hiérarchie. Les tableauxd’organisation (organigrammes) en sont l’expression la plus claire.

Les tableaux d’organisation de Commentry-Fourchambault et Decazeville ([34] pages 68, 69et 71) semblent avoir été présentés en 1908, mais ils n’ont pas été publiés à ce moment-là.

On notera les expressions «machine administrative» et «rouage administratif». GarethMorgan développera cette représentation de l’entreprise comme une machine. Je ne sais pas sices expressions étaient déjà communes à l’époque. L’expression «machine administrative»apparaît déjà dans le discours de 1900 [25]. Ici Fayol apporte des nuances qui montrent qu’onl’a critiqué dans cette analogie.

3-6 Le commandement (pages 108 à 114)Le mot «commandement» est pris par Fayol dans le sens opérationnel de «faire fonctionner»

la structure formelle définie dans l’organisation. C’est un texte sur l’art d’être chef dans sonaction quotidienne.

Ce texte doit, sans doute, être lu en pensant à la situation militaire d’août 1914 où, devantl’attaque allemande, les chefs de l’armée française ont reculé de 300 kilomètres, en quinze jours.Cet arrière plan historique donne à ce texte une valeur tout à fait différente.

Par exemple, l’élimination des incapables paraît choquante, au moins dans la formulation.Les gestionnaires du personnel nous ont habitués à des formules plus apaisantes pour parler dela même chose. Or le seul exemple qu’Henri Fayol donne ([34] page 109 et110) est celui d’unchef vieillissant. Il propose de l’écarter en lui donnant une compensation pécuniaire (uneindemnité de départ à la retraite), des satisfactions honorifiques (des médailles peut-être), desfonctions légères (une responsabilité moindre). C’est la politique de Joffre, en fin août 1914,quand il a écarté 25 % des généraux commandant au front. La politique de «limogeage» étaitdite ainsi parce que les militaires en question auraient été nommées à Limoges, loin du front.Cela n’a pas été le cas. Toutes les personnes écartées ne sont pas allées à Limoges.

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3-7 La coordination (pages 115 à 119)La coordination concerne aussi de niveau opérationnel d’exécution. C’est peut-être là le seul

endroit où les objectifs de l’entreprise se discernent. Coordonner […] c’est proportionner lesdépenses aux ressources financières, l’ampleur des immeubles et de l’outillage aux besoins defabrication, les approvisionnements à la consommation, les ventes à la production […] c’estadapter les moyens aux buts.

Il faut proportionner les diverses parties de l’entreprise. Le MRP, pour décider des approvi-sionnements en fonction des commandes et des programmes de fabrication, serait pour Fayolun outil de coordination. Mais le goulet d’étranglement de l’industrie sidérurgique et minièreest, à cette époque, la production. On y proportionne les ventes.

3-8 Le contrôle (pages 119 à 121)Bien que Fayol annonce des exemples de contrôle dans la troisième partie, ils n’y figurent

pas. La théorie du contrôle manque de cas. On a ici un bel exemple de la difficulté de Fayol àprésenter des éléments concrets. Sans doute ce réel était-il évident pour lui et c’est pourquoi ils’efforçait d’être le plus abstrait possible.

3-9 Les procédés administratifsLe vocable de «procédé administratif» [35], ou d’«outillage administratif», était bien

trouvé. On dit aujourd’hui «outil de gestion», en prenant la même métaphore. Cette bonneexpression n’est pas présente dans les deux parties publiées. Elle sera utilisée dans les écritsultérieurs [45]. parfois Fayol parle aussi de procédés administratifs ([39] et [37]). On a vu quel’expression figure dans la troisième partie ([35] page 16) (voir § 1-5, page 7). En fait, tous lesprocédés administratifs qui y sont cités sont aussi décrits dans la deuxième partie. Mais ils sontdispersés tout au long du texte.

L’importance du concept de «procédé administratif» a été signalée par Verney ([85] page37). Il vient de présenter les deux premières parties d’Administration industrielle et générale. Iltitre de même «Troisième partie, Procédés d’administration». Et il commence ainsi : «Cettetroisième partie n’est pas dans le premier ouvrage de M. Fayol, […] M. Fayol a davantageillustré sa doctrine […] en étudiant ce qu’il a appelé l’outillage administratif, c’est-à-dire lesprocédés d’administration.» Verney reproduit alors une grande partie de l’interview de Fayolqui vient de paraître [47]. Les outils administratifs dont il parle sont : l’étude générale (histo-rique de l’entreprise), le programme d’action, les procès verbaux des conférences des chefs deservice et les tableaux d’organisation.

Dans Administration industrielle et générale, le programme d’action est associé au principede prévoyance ([34] pages 49 et suivantes dans le chapitre 5). Les conférences des chefs deservice apparaissent ([34] page 166) comme un moyen de coordonner. Les tableaux d’organi-sation (organigrammes) sont largement développés, avec les exemples, dans la partie sur l’orga-nisation ([34] pages 65 et suivantes). Dans cette même partie le recrutement est évoqué ([34]page 89). La formation est un sujet dont on a noté la présence dans chacune des parties. Lecontrôle occupe une place spécifique ([34] page 119). La comptabilité n’est évoquée qu’à l’inté-rieur de cette partie du contrôle. Etait-ce un outil si évident que Fayol n’avait pas besoin d’yinsister?

Ainsi, les concepts de prévoyance, d’organisation, de commandement, de coordination et decontrôle sont liés aux procédés administratifs. Dans le fonds Henri Fayol, un document dacty-lographié de trois pages, non daté (cote HF5bis DR1) relie les cinq concepts et les outils degestion (Voir tableau 1, page 16).

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4 Les polémiques

4-1 Les qualités du chef (pages 81 à 88)Cette partie du texte de Fayol est sans doute ce qu’on retient le plus facilement. La doctrine

administrative paraît centrée sur les chefs, à cause de la hiérarchie et à cause des qualités iciénoncées. Cependant, on peut penser qu’il s’agisse d’un contre sens. Certes il serait bon d’avoir

Tableau 1 : Nomenclature des points à étudier dans une entreprise industrielle. Note sur les opérations administratives dans lesquelles dominent les cinq concepts (Fonds Henri Fayol

cote HF5bis DR1)

Concept de prévoyance- documentation extérieure (dépouillement et circulation des périodiques – communication aux services des renseignements les intéressant – tenue des fiches…)- documentation intérieure (outillage administratif – graphiques – modes de classement des dossiers – prévision de trésorerie – liaison des approvisionnements et des ventes - outillage bureaucratique)- programme d’action (étude générale de l’entreprise, programme à long terme, programme annuel, programme de fabrication hebdomadaire et journalier, fiches de fabrication)- ouverture de crédit pour les dépenses – travaux neufs- règles suivies pour les achats et les ventes, contrats types, conditions de vente d’achat, mode d’éta-blissement des devis et approbation- liaison avec les laboratoires scientifiques et les corps savants- service de perfectionnement

Concept d’organisation- tableaux d’organisation (mode d’établissement – examen du point de vue des divers principes admi-nistratifs)- rôle d’Etat Major et des services d’études et de préparation du travail- recrutement du personnel (mode de recrutement (examen, notes), organisation du service de recrute-ment)- apprentissage - formation des cadres - écoles- avancement, statut du personnel, élimination des incapables- rémunération (pour les employés et les cadres – participation aux bénéfices – pour les ouvriers – allo-cations familiales –avantages en nature)- contrôle du personnel (inscription des absences, tenue de fiches)- avancement (qui propose, qui donne un avis, qui décide du bien être)- retraites

Concept de commandement- statut général de la société (rôles respectifs du ou des chefs, du comité de direction, du conseil)- pouvoirs officiels vis-à-vis des tiers et pouvoirs réels – pouvoirs délégués- cheminement du courrier et des affaires (établissement des ordres et mode de transmission)

Concept de coordination- conférences de chefs de services (dans les établissements et au niveau central) périodicité, présidence, fixation de l’ordre du jour, procès verbaux ou comptes-rendus- transmission des documents, emploi de la passerelle, autres mesures prises pour éviter les cloisons étanches- services communs aux divers établissements (représentation commerciale, bureau d’études,…)- coordination entre établissements – réunion des directeurs – documentation commune et réciproque

Concept de contrôle- rapports annuels, mensuels, hebdomadaires (contenu, signature, visa, dates de transmission, utilisa-tion de la comptabilité et de la statistique, contrôle du prix de revient)- inspections, contrôles spéciaux (achats, magasins, rendement, produits fabriqués, de la comptabilité, mise au rebut, visites)- inventaire permanent par les écritures, inventaires matériels- contrôle des dépenses et des résultats (travaux neufs, dépassement des crédits, rapprochement des résultats et des prévisions)

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un chef compétent en tout, mais un tel homme n’existe pas. Le principal est qu’il ait un bon Etat-Major et de bons outils de gestion.

Le chef idéal serait celui qui, possédant toutes les connaissances nécessaires pour résoudreles problèmes administratifs, techniques, commerciaux, financiers et autres qui lui sont soumis[…] Un tel chef peut se trouver exceptionnellement dans les petites affaires ; il n’existe pasdans les grandes, à plus forte raison dans les très grandes. Il n’y a pas d’homme dont le savoirembrasse toutes les questions que soulève le fonctionnement d’une grande entreprise ; il n’y ena point qui dispose des forces et du temps exigés par les multiples obligations d’une grandedirection. Force est de recourir à l’Etat-Major. Il y a là une réserve de forces physiques, deforces intellectuelles, de compétence, de temps… dans laquelle le chef peut puiser à son gré([34] page 81).

N’importe qui pourrait-il être chef? Non, on doit naturellement rechercher pour chaqueemploi le meilleur agent possible ([34] page 81). Il faut sélectionner. Le directeur doit d’abordêtre un bon administrateur ([34] page 83). L’école des chefs pourrait-elle être uniquement uneécole de gestion? Henri Fayol n’ose pas aller jusque-là. Il veut que le chef ait une compétencetechnique, dans la fonction spéciale caractéristique de l’entreprise ([34] page 83). Il y a ainsiune contradiction entre le fait d’exiger cette qualité technique spécifique et l’affirmation quel’outillage administratif d’une part et l’Etat–Major d’autre part pallient les qualités manquantesdu chef.

Henri Fayol lui-même ne manquait-il pas de la compétence métallurgique? La métallurgieétait le principal problème de l’entreprise. Il n’y connaissait rien. Il est d’accord avec l’action-naire qui aurait dit «Il fallait un métallurgiste, c’est un mineur qu’on a choisi!» Mais c’est pourdire, aussitôt, que lui, l’incompétent, s’en est bien sorti. La compétence administrative lui a suffi([35] page 16).

Il existe ainsi une contradiction dans la pensée de Fayol entre deux moyens d’action : sélec-tionner un chef de qualité ou utiliser les outils de gestion adaptés, y compris l’Etat-Major. Unhomme exceptionnel pourrait diriger son entreprise sans outil de gestion. Un chef médiocrepourrait aussi gouverner en s’appuyant sur des outils de gestion appropriés. Fayol semble prônerà la fois le chef capable et l’outillage administratif. Mais qu’est-ce qui est le plus important pourlui?

Il ne voit pas la contradiction et pense simultanément les deux termes. Ses textes sontparsemés d’arguments en faveur de l’une et l’autre thèse. Dès 1898, il récuse les chefs de tropgrand charisme. La théorie des hommes providentiels est amollissante ; c’est l’avenir suspenduau hasard de la venue d’un homme extraordinaire auquel on s’abandonnera [24]. La penséed’Henri Fayol est proche de celle de Max Weber. Les règles rendent efficace une bureaucratieformée d’agents médiocres (même s’il faut bien choisir ces agents). De même, les outils admi-nistratifs génèrent une bonne administration, même si les chefs n’ont pas les qualités idéales.

Mais ce même texte comporte aussi une préfiguration des qualités du chef. Un chef digne dece nom, doit avoir de grandes qualités d’esprit, de cœur et de caractère ; l’esprit d’observation,de réflexion, le jugement sûr, la décision ferme, le tact, l’énergie… et aussi, en dépit du préjugévulgaire, la probité, la loyauté [24]. C’est une autre liste de qualités du chef (Cf. [34] page 83et 84). Et les outils de gestion deviennent inutiles en soi, car de bons chefs trouvent de bonsmoyens [24]. Mais il conclut sur le fait qu’il a sû redresser Decazeville grâce à ses facultésd’organisateur, de manœuvrier des hommes [24].

«Qualités du chef» ou «outils de gestion»? La priorité est confuse pour Henri Fayol quin’arrive pas à séparer les conditions de la bonne administration. D’un côté les outils de gestionpallient le manque de compétence, de l’autre les personnes compétentes se donnent les bonsoutils de gestion. L’éternel problème de la poule et de l’œuf. Ce problème est d’ailleurs nette-ment identifié par Henri Fayol au sujet de la formation. Pour instruire le public il faut deséducateurs ; pour faire des hommes, il faut des hommes déjà faits. Cercle vicieux dont il estdifficile de sortir [24].

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Dans cette contradiction, la liste des qualités du chef peut être lue comme des critères desélection. Le bon chef dispose essentiellement de qualités générales indépendantes de l’indus-trie concernée. Probablement l’ordre des qualités n’est pas celui de l’importance des critères. Lasanté apparaît en tête. Henri Fayol avait une bonne santé, mais il a été opéré en juin 1914 ([88]CA du 10/6/1914). Peut-être a-t-il perçu à ce moment l’importance de la santé? Les qualités duchef peuvent-elles être lues comme celles qu’Henri Fayol reconnaissait pour lui-même?

Le concept d’Etat Major, auquel Fayol fait allusion [34] page 81, est développé [34] page 73.L’allusion à l’armée est directe. Mais ce concept est une réponse aux services fonctionnels insti-tués par Taylor. Il joue le même rôle, mais sous le contrôle direct du chef. Fayol ne parle pas deson propre Etat-Major qui comportait des conseils extérieurs, spécialistes de domaines techni-ques particuliers.

Dans la conférence à l’Ecole Supérieure de Guerre ([45] page 45), Fayol insiste sur le rôlede l’Etat-Major. Le rôle de l’Etat-Major dans la guerre de l’époque est révélé par la conduite desopérations de la guerre de 1914. Il a comporté jusqu’à 100000 hommes (pour des armées de plusde 8 millions d’hommes). On a reproduit son organisation dans le tableau 1, page 16. On cons-

tatera la grande complexité. Il y aura d’ailleurs plusieurs réorganisations au cours de la guerre.

4-2 L’enseignement (pages 16 à 19 et pages 91 à 100, plus page 104)Le souci de l’enseignement apparaît très tôt dans la vie d’Henri Fayol (voir § 1-2, page 3). Il

continuera toute sa vie. Il s’est fait nommer au conseil de perfectionnement de l’Ecole desMines de Saint Etienne et à celui du Conservatoire National des Arts et Métiers.

Tableau 2 : L’Etat-major du Général Joffre à Chantilly en 1914 (source [65])

Cabinet1˚ Bureau (organisation et mobilisation)

Direction de l’Arrière : ravitaillement et transports, lien avec l’industrie militaire (métallurgie)Centres d’Instruction

2˚ Bureau (renseignement, découvrir les intentions de l’ennemi)Service de Renseignement

3˚ Bureau (établir les plans d’opération, opérations militaires)4˚ Bureau (transports)

DTMA Direction des Transports Militaires aux ArméesDSA Direction du Service Automobile

5˚ Bureau (Information et propagande)Section d’Information (rédige les communiqués officiels)

TOE (opérations extérieures)CommandementDirection de l’AviationDCA Défense Contre AvionsCourrierTrésor et PosteService ColombophileService téléphonique et télégraphiqueTSF (radio)ChiffreALGP Artillerie Lourde à Grande PuissanceSRA, SRACService des décorationsSûretéJustice militaireService Géographique, la cartographieMissions alliées

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L’enseignement est un moyen d’action qu’il privilégie. Dans son discours de 1900 [25], ilavait déjà abordé le thème. Avec maladresse, il avait attaqué l’Ecole Polytechnique. Il avaitproposé d’y réduire la part des mathématiques, au profit de l’administration, bien entendu. Cetteproposition de réforme prenait sens dans un débat qui opposait les écoles d’ingénieurs à lafaculté des sciences de Paris. Les grandes écoles ont tenu bon. M. Haton de la Goupillère (1833-1927, X 1850), professeur à l’Ecole des Mines, a rappelé à Fayol en 1900 que les mathématiquesavaient, avant tout, un but pédagogique de formation à la rigueur.

Cette attaque touchait un tabou. Henri Fayol aurait pu rassembler une sympathie pour sonprojet de recherches sur l’administration. Cette sympathie se détourne de lui. Il devient tropdangereux. D’ailleurs, la doctrine administrative est-elle suffisamment développée pourprendre le créneau horaire des mathématiques? L’ambition est trop grande pour une disciplinedébutante.

L’appel de Fayol pour enseigner la gestion dans les écoles d’ingénieurs est cependantentendu. Dès 1906, l’Ecole des Mines de Paris eut un professeur d’économie industrielle,Maurice Bellom [1]. Bellom publiait régulièrement dans La Technique Moderne, revue d’ingé-nieurs, sur le droit du travail et sur la comptabilité des entreprises.

4-3 Conseils aux futurs ingénieurs (pages 100 à 104)Ces conseils, très datés, contiennent cependant quelques traits qui sont toujours valables

aujourd’hui. On ne peut s’empêcher de penser au fils d’Henri Fayol, prénommé Henri lui aussi,qui a 17 ans au moment de l’écriture de ce texte. Il se mariera, dès sa majorité, à 21 ans, sansl’assentiment de son père.

4-4 Contre Taylor (pages 75 à 80)Fayol a appris les idées de Taylor peut être en 1907 dans la traduction de la Revue de la

métallurgie [77]. La publication en 1912 de la traduction de «Scientific Management» [80] l’afait réfléchir. Il a constitué sa propre documentation sur le sujet [33]. Dans une note de 1912 ou1913, il manifeste son intérêt pour le mot «management» sous la forme suivante. Il est allé cher-cher dans le dictionnaire le verbe «ménager». Il a lu la définition «conduire une maison, admi-nistrer une fortune», assortie de la citation de Mme de Sévigné «Le marquis ménage lui-mêmeson argent».

Le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey ne rapproche pas ces deuxverbes « manager » et « ménager ». Le verbe anglais « to manage » viendrait de l’italien,«maneggiare» qui signifie «diriger un cheval» Il a donné en français le mot «manège», dansson sens équestre. Finalement, Fayol a conservé son vocable d’«administration».

L’opposition à Taylor se fonde, dans ce texte, sur le problème de l’unité de commandement.On sent cependant une opposition plus profonde. On en trouve trace dans cette réflexion datéedu 29 juillet 1898 [24] Il n’est pas de bon outil pour le mauvais ouvrier. – il n’y a pas lieu des’inquiéter de l’outil pour le bon ouvrier : il le trouvera bien. Un bon personnel change sesméthodes, ses procédés en temps utile. Il en conclut que la réflexion doit porter sur les questionsadministratives. Mais ce raisonnement exprime l’autonomie des ouvriers dans le choix desoutils. Cette réflexion est habituelle à l’époque et c’est à elle que Taylor s’oppose.

Le fils Henri Fayol, se montre favorable à Taylor sur lequel il fait une conférence en 1918[40]. Les débats devaient être animés à la maison.

Finalement, Fayol accepte l’idée du chronométrage. Il obtient l’assurance que les tayloriensfrançais ne soutiennent pas le principe des huit contremaîtres fonctionnels. Et, en 1925, à laveille de sa mort, il accepte de fusionner son Centre d’Etudes Administratives avec le Comitéd’Organisation Française des tayloriens dans le CNOF qui vivra jusqu’en 1997.

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L’opposition de Fayol au taylorisme lui crée un ennemi en la personne d’Henri Le Chatelier(1850-1936, X 1869), major de polytechnique, docteur ès sciences, professeur au collège deFrance, membre de l’Académie des Sciences. Le Chatelier a soutenu Taylor dans la Revue deMétallurgie qu’il dirige. Dès 1907, il s’est passionné pour ses travaux sur la coupe des métaux[75] et il a étendu son admiration à l’organisation scientifique du travail. Or Le Chatelier faitpartie de la commission qui, en 1918, prépare le vote de l’Académie des Sciences pour le postede trois nouveaux académiciens spécialisés dans les applications industrielles de lascience. Fayol se porte candidat au titre de ses travaux géologiques et de ses travaux adminis-tratifs [42]. Il n’aura pas une voix. Maurice Leblanc (1857-1923, X 1876), Auguste Rateau(1863-1930, X 1881) et George Charpy (1865-1945, X 1885) seront élus lors de trois séancesde la fin de 1918 (archives de l’Académie de Sciences).

4-5 La méthode de recherche (page 74)Dès le discours de 1900 [25], Henri Fayol prônait une recherche scientifique en gestion. Il

invitait tous ses collègues ingénieurs à mettre en commun les observations, expériences etétudes de tous dans le domaine administratif, comme ils le faisaient dans le domaine technique.Il note encore : On ne dispose pas, en administration, de cette force énorme qui vient de l’expé-rience des autres [26].

Sa pensée ne s’est pas développée dans cette direction pendant les 16 ans qui ont suivi. DansAdministration Industrielle et Générale [34], il se contente de reprendre cette exigence scienti-fique sous le nom de «méthode». Cette méthode est proche de celle que nous connaissons sousle nom d’observation participante ou de recherche-action. La méthode de recherche d’HenriFayol peut être rapprochée de la recherche action [64].

5 La non-publication des troisième et quatrième parties

Reste la question de la non-publication des deux dernières parties. Qu’est-ce qui empêchaHenri Fayol de publier, au moins la troisième partie, soit dans le Bulletin, soit dans les éditionsen livre d’Administration Industrielle et Générale chez Dunod à partir de 1918? Henri Fayol ditpudiquement ([39] p 149) à propos de cette publication : Diverses considérations m’ont déte-rminé à modifier ce programme. Rien n’est dit sur ces raisons.

La quatrième partie, sur la guerre, a pu être arrêtée par la censure ou une auto censure. Lescritiques qui s’expriment dans la sphère privée ne doivent pas s’étaler sur la place publique.

Dans la troisième partie quelques éléments pouvaient choquer.-L’histoire de 1888 où Anatole de Sessevalle a été écarté pouvait heurter son fils Joseph, qui

avait succédé à son père au Conseil d’Administration en 1898.-La partie sur la politique était sans doute trop crue pour ses collègues du Comité des Forges.-La partie sur les grèves est fragile puisque les chiffres statistiques manquent. Les explications

sur la grève de Montluçon risquent d’être une incitation aux luttes sociales. A contrario, lesautres patrons n’aiment pas qu’on leur fasse des leçons sur ce thème.

-La conception des syndicats par Fayol risque d’entraîner de nombreuses discussions.-Les cas de Pont-à-Vendin et de Joudreville sont douloureux. Deux investissements considé-

rables qui se sont trouvés par les hasards de la guerre en zone ennemie. On ne peut pas lesescamoter si facilement. Il aurait été plus facile de faire l’historique de la société en 1908.

-Autre hypothèse, les statistiques de production étaient considérées comme des secrets mili-taires, pendant la guerre.

Un de ces éléments a pu amener des réticences à publication, de la part d’Henri Fayol lui-même, de la part du Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, de la part de son entourageprofessionnel. Nous ne savons pas ce qui a bloqué. Fayol aurait pu alors modifier son manuscrit

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pour corriger ce point, mais ce n’était pas dans sa manière. Il a préféré consacrer son énergied’homme de 75 ans à réformer l’Etat.

6 Conclusion

Le lecteur a compris que le texte d’Administration Industrielle et Générale dit beaucoup plusde choses qu’il n’y paraît. En conclusion, reprenons les points essentiels qui portent le plus desens aujourd’hui.

6-1 La recherche en gestionHenri Fayol, depuis 1900 [25], préconise une recherche sur la gestion, l’administration dans

son vocabulaire. Il préconise que cette recherche suive la même méthode que la recherche appli-quée des ingénieurs. L’observation des situations concrètes en entreprise peut être faite par lesacteurs, par les responsables. C’est une observation participante avec le double objectif d’agiret de connaître. C’est une recherche action, avant que ce vocable ait été inventé.

Ces observations doivent ensuite être mises en commun, discutées entre spécialistes,confrontées aux théories et aux autres observations. Le Centre d’Etudes Administratives auraitdû être le lieu de cette discussion. En fait, il n’y a pas eu d’élaboration théorique collective àpartir des observations.

La théorisation de la doctrine administrative a été trop rapide. Elle a laissé croire à une matu-rité alors, ce fut le début de la sclérose. Toute recherche scientifique doit savoir identifier lespoints de non-connaissance et accepter la remise en cause, par les faits, de toute théorie consi-dérée comme acquise.

Précurseur d’une recherche en gestion, Henri Fayol n’a pas su fonder solidement cet aspectde sa pensée.

6-2 Les outils de gestionLe point fort de la pensée d’Henri Fayol porte sur les outils de gestion, qu’il nomme

outillages ou procédés administratifs. La bonne gestion s’obtient par la mise en place de cesoutils. Nous avons perfectionné les outils de gestion depuis ce début du 20˚ siècle. Nous enavons inventé d’autres. Mais la réflexion des gestionnaires est toujours focalisée sur ces aidesorganisationnelles.

Les outils de gestion d’Henri Fayol ont diffusé dans les organisations sans qu’on sache quiles avait prônés. D’ailleurs, on ne sait pas qui les a inventés. Rappelons ces outils :

-programme d’action (plan stratégique et tactique)-conférences des chefs de service-tableaux d’organisation (organigrammes)-recrutement-formation-comptabilité et prix de revient-contrôle

Ces outils forment toujours le socle de la bonne gestion des organisations, publiques ouprivées.

6-3 Les objectifs de gestionÀ l’inverse de Taylor, les objectifs de l’entreprise n’apparaissent pas clairement dans les

écrits de Fayol. De fait, dans son action de patron, il a privilégié la pérennité de l’entreprise, sacroissance. Le profit était, pour lui, une contrainte exprimée par les propriétaires. Il y satisfaisait

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afin d’obtenir les décisions de réinvestissement qu’il souhaitait. Mais il n’a jamais cherché àmaximiser profit ou dividendes.

Le silence de Fayol sur l’objectif permet plus facilement de comprendre comment sa doctrineest générale. Elle s’applique quelle que soit la finalité de l’organisation. Les objectifs n’ont pasà être prédéterminés. Ils sont sans cesse à l’œuvre dans les outils de gestion. Les plans sontprésentés avec les objectifs à atteindre. Les rapports contiennent la manière dont les objectifssont atteints. Ces objectifs peuvent être le profit, la croissance, le succès militaire, la qualité, peuimporte. Les outils sont assez généraux pour y incorporer les objectifs les plus variés.

6-4 L’unité de la réflexion de gestionLes sciences de gestion s’appliquent aux entreprises industrielles, naturellement, mais aussi

aux entreprises étatiques, aux administrations et à l’armée. Elles sont suffisamment généralespour que des enseignements tirés d’une petite entreprise puissent se transférer dans une multi-nationale, et aussi pour que le fonctionnement de l’administration ait quelque similitude aveccelui de l’entreprise à finalité lucrative. Ce caractère «général» doit sans cesse être remis enquestion. Les chefs d’entreprise expliquent, bien souvent, que «chez eux, c’est particulier». Ilsnous invitent vigoureusement à retrouver des régularités dans leurs particularités. Mais c’estsans doute l’hypothèse la plus fondatrice de toute science que de s’interroger sur les pointscommuns, au-delà des différences visibles.

Les sciences de gestion postulent un degré d’unité des phénomènes administratifs suffisantpour construire des éléments théoriques qui dépassent les cas particuliers. Cette hypothèseféconde a été posée par Henri Fayol, avec son souci de parler à la fois de l’entreprise, de l’arméeet des divers organes de l’Etat.

6-5 Le témoignage sur la vie industrielle de la fin du 19˚ siècleLa troisième partie [35] d’Administration Industrielle et Générale constitue un document

historique du plus grand intérêt. Il montre le point de vue des dirigeants d’entreprise non-propriétaires. Cette technostructure émerge au 20˚ siècle. Ses problèmes sont multiples. La rela-tion avec les propriétaires vient en premier, la gouvernance dit-on aujourd’hui. Les conflits avecles ouvriers, l’histoire des grèves et les relations avec les syndicats sont évoqués par Henri Fayolavec une franchise à laquelle on n’est plus habitué actuellement.

Une analyse complète de tous les documents qui subsistent d’Henri Fayol en tant que patronreste à faire. Il sera intéressant de comparer son action à celle des autres dirigeants d’entreprisede son époque.

7 Bibliographie

[1] Maurice Bellom, 1906, «L’enseignement économique et social à l’Ecole Nationale Supé-rieure des Mines, le rôle social de l’ingénieur», Le Génie civil.

[2] Emile Belot, 1911, «Principes d’organisation systématique des machines et des usines»,La Technique Moderne, Tome III, N˚ 10, octobre, 547-550.

[3] Frédéric Blancpain, 1974, «Les cahiers inédits d’Henri Fayol», Bulletin internationald’Administration Publique, N˚ 28 et 29, tiré à part de 48 pages en supplément à la revueManagement France, N˚ 6, juin 1974.

[4] John D. Breeze, 1981, «Henri Fayol’s Basic Tools of Administration», Proceedings ofthe Academy of Management, August 1981, p. 103.

[5] John D. Breeze, 1995, «Henri Fayol’s Centre for Administrative Studies», Journal ofManagement History, Vol. 1, N˚ 3, 37-62.

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[6] Jean Chevalier, 1946, Organisation du travail, Flammarion.

[7] George De Ram, 1909, «Quelques notes sur un essai d’application du système Taylordans un grand atelier de mécanique français», Revue de Métallurgie, Tome VI, 929-933.

[8] Robert Désaubliaux, 1917, «Conférence aux aspirants», Bulletin de la Société del’Industrie Minérale, N˚ 12, 1917, 325-356.

[9] Henri Fayol, 1874, «Note sur le boisage aux houillères de Commentry (emploi du fer etdes bois préparés)», Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 2˚ série tome III,p. 569.

[10] Henri Fayol, 1877, «Guidage des puits de mine», Bulletin de la Société de l’IndustrieMinérale, 2˚ série tome VI, p. 697.

[11] Henri Fayol, 1879, «Etudes sur l’altération et la combustion spontanée de la houilleexposée à l’air», Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 2˚ série tome VIII, 487-746, congrès de Paris 1878, médaille d’or.

[12] Henri Fayol, 1880, «Organisation du service des Houillères de Commentry etMontvicq», notes manuscrites, janvier, Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR1.

[13] Henri Fayol, 1880, «Organisation du service des Houillères de Commentry etMontvicq», cahier de 86 pages manuscrites, Archives du Centre d’histoire de l’Europe du20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR2.

[14] Henri Fayol, 1881, «Etude sur le terrain houiller de Commentry», Comptes rendus desséances de l’Académie des Sciences, 16 mai.

[15] Henri Fayol, 1881, «Sur le terrain houiller de Commentry, Expériences faites pour expli-quer la formation», Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, 30 mai.

[16] Henri Fayol, 1881, «Etude sur le terrain houiller de Commentry, sa formation attribuée àun charriage dans un lac profond», Comptes rendus des séances de l’Académie desSciences, 20 juin.

[17] Henri Fayol, 1881, «Sur l’origine des troncs d’arbres fossiles perpendiculaires aux stratesdu terrain houille» r, Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, 18 juillet.

[18] Henri Fayol, 1882, «Téléphone», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle(Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR1, 15 février.

Tableau 3 : Les dates clefs de la vie d’Henri Fayol

29/7/18411858 - 18601860186622/11/187517/11/187616/4/18786/1/18888/3/188830/1/189923/6/190016/6/1908fin 191610/8/191731/12/19187/6/192519/11/1925

Naissance à Constantinople où son pèreest en mission pour son travailScolarité à l’Ecole des Mines de Saint Etienne (second de sa promotion)Entrée à la Société Commentry-FourchambaultNomination comme directeur de la mine de CommentryMariage avec Adélaïde Saulé à MoulinsNaissance de Marie-Henriette FayolNaissance de Madeleine FayolMort de son père André FayolNomination comme directeur général de Commentry-FourchambaultNaissance d’Henri Joseph FayolPremier discours sur les questions administrativesDeuxième discours sur les questions administrativesPublication d’Administration Industrielle et GénéraleMort de sa femme AdélaïdeDémission de son poste de directeur général (décision prise en mai 1918)Banquet donné en son honneur à Saint EtienneMort à Paris

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[19] Henri Fayol, 1885, «Note sur les mouvements de terrain provoqués par l’exploitation desmines», Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 2˚ série tome XIV, p. 805.

[20] Henri Fayol, 1887, «Etude sur le terrain houiller de Commentry, théorie des deltas»,Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, un volume de 543 pages.

[21] Henri Fayol, 1889, «Compte rendu d’une conversation avec M. Darcy», Archives duCentre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4DR3, 14 novembre.

[22] Henri Fayol, 1898, «Notes de lecture sur «Psychologie des foules» de Gustave Lebon»,Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politi-ques), cote HF4 DR4, 16 février.

[23] Henri Fayol, 1898, «Prévoyance : utilité et nécessité d’un programme», archives duCentre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4DR4, 13 juin, 4 pages.

[24] Henri Fayol, 1898, «sans titre», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle(Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR4, 29 juillet, 21 pages. Ce texte est citédans Blancpain.

[25] Henri Fayol, 1901, «Séance solennelle de clôture du congrès de la Société de l’IndustrieMinérale à Paris», samedi 23 juin 1900, Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale,N˚ 15, 1901, 759-768.

[26] Henri Fayol, 1901, «sans titre», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle(Fondation des Sciences Politiques), 17 février, 12 pages, cote HF4 DR4.

[27] Henri Fayol, 1908, «Le cinquantenaire de la société Commentry-Fourchambault etDecazeville», Comptes rendus mensuels des réunions de la Société de l’Industrie Miné-rale, congrès de Saint Etienne, 16 juin 1908, 240-242.

[28] Henri Fayol, 1908, «Conférence sur les houillères de Commentry», Archives du Centred’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR5,7 pages.

[29] Henri Fayol, 1911, «Note sur la marche depuis 1888 de la Société Commentry-Four-chambault et Decazeville», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle(Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR5, 6 février.

[30] Henri Fayol, 1911, «sans titre», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle(Fondation des Sciences Politiques), 25 avril et 27 mai, 14 pages, cote HF4 DR5.

[31] Henri Fayol, 1911, «Le rôle du directeur, recherche d’un directeur pour Decazeville :qualités administratives et qualités techniques », Archives du Centre d’histoire del’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR6.

[32] Henri Fayol, 1912, «Note du 16 octobre», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR6.

[33] Henri Fayol, 1913, «Notes de lecture sur le taylorisme», Archives du Centre d’histoire del’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF5bis.

[34] Henri Fayol, 1916, «Administration industrielle et générale», Bulletin de la Société del’Industrie Minérale, N˚ 10, 5-164, Rééditions régulières par Dunod depuis 1918.

[35] Henri Fayol, 1916, «Observations et expériences personnelles», Archives du Centred’Histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF5bisDR3, cahier GREGOR 2000-09.

[36] Henri Fayol, 1916, «Leçons de la guerre», 6 avril, Archives du Centre d’Histoire del’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF5bis DR2.

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[37] Henri Fayol, 1917, «De l’importance de la fonction administrative dans le gouvernementdes affaires», conférence faite à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale(séance du 24 novembre 1917), Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, N˚ 12,1917, 225-267.

[38] Henri Fayol, 1917, «Discussion sur l’enseignement technique supérieur», extrait desprocès verbaux de la Société des Ingénieurs Civils de France, séance du 30 mars 1917, 16pages, et Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, N˚ 12, 1917. 272-321.

[39] Henri Fayol, 1917, «Préface à Administration industrielle et générale, l’éveil de l’espritpublic», études publiées sous la direction d’Henri Fayol, Bulletin de la Société de l’Indus-trie Minérale, N˚ 12, 1917, 145-152.

[40] Henri Fayol fils, 1918, Le Taylorisme, conférence faite à l’association générale desétudiants de Paris, 10 janvier, Dunod, archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF4 DR5.

[41] Henri Fayol, 1918, «L’administration positive dans l’industrie», La Technique Moderne,février 1918, 73-75.

[42] Henri Fayol, 1918, «Lettre de candidature à l’Académie des Sciences», Archives del’Académie des Sciences, 23 mai.

[43] Henri Fayol, 1919, «L’industrialisation de l’Etat», conférence faite le 24 octobre 1918,Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, N˚ 15, 1919. 237-274.

[44] Henri Fayol, 1921, L’incapacité industrielle de l’Etat : les PTT, Dunod, 118p.

[45] Henri Fayol, 1923, Conférence sur l’Administration industrielle et générale, 5 et 14 mai,Ecole supérieure de guerre et Centre des hautes études militaires.

[46] Henri Fayol, 1923, La réforme administrative des PTT, tiré à part 9 p, Dunod.

[47] Henri Fayol, 1925, «Un entretien avec M. Fayol, la gestion des entreprises et l›outillageadministratif», signé L.M. du Crouzet, La Chronique Sociale de France, janvier, 10-26.

[48] Henri Fayol, 1930, Industrial and general administration, traduction de J.A. Coubroughsous les auspices d’Henri Fayol fils, édité par Institut International d’organisation scien-tifique du travail à Genève (International Management Institute).

[49] Henri Fayol, 1949, General and Industrial Management, Foreword by L. Urwick,Pitman, Londres, traduction de Constance Storrs.

[50] Gambiez F., Suire M. 1968, Histoire de la première guerre mondiale, Fayard.

[51] Madeleine Grangé, 1964, «lettre», Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚siècle (Fondation des Sciences Politiques), cote HF7DR5.

[52] Lyndall Gulick, Lyndall Urwick, 1937, Papers on the science of administration, NY,Institute of Public administration.

[53] Honoré Guitton, 1873, «Fête du travail à la mine de Commentry le 28 septembre 1873»,Archives du Centre d’histoire de l’Europe du 20˚ siècle (Fondation des Sciences Politi-ques), cote HF1.

[54] Henri Le Chatelier, 1913, «Le paiement des salaires d’après le système Taylor», LaTechnique Moderne, Tome VI, N˚ 12, 449-450.

[55] Henri Le Chatelier, 1915, «F.W. Taylor», Revue de Métallurgie, Tome XII, 185-196.

[56] Henri Le Chatelier, 1915, «Le système Taylor, Science expérimentale et psychologieouvrière», Revue de Métallurgie, Tome XII, 197-232.

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[58] Frédéric Le Play, 1866, La réforme sociale en France, déduite de l’observation comparéedes peuples européens.

[59] Lévêque M., 1916, «Historique des forges de Decazeville», Bulletin de la Société del’Industrie Minérale, N˚ 9, 1916. 5-97.

[60] Maurice de Longevialle, 1954, La Société Commentry-Fourchambault et Decazeville,1854-1954, Introduction du baron Pierre Hély d’Oissel, conclusions de Louis de Mijolla,Office de propagande générale à Paris, 336p.

[61] Ernest Montusès, 1982, Le député en blouse, Edition Horvath.

[62] Stéphane Mony, 1877, Etude sur le travail, Hachette, 572p.

[63] Jean-Louis Peaucelle, 2000, «Henri Fayol et la guerre de 1914», cahier GREGOR 2000-08.

[64] Jean-Louis Peaucelle, 2000, «Henri Fayol et la recherche action», cahier GREGOR2000-07.

[65] Jean de Pierrefeu, 1920, G.Q.G. secteur1, trois ans au grand quartier général par lerédacteur du communiqué, 2 tomes, Paris, l’Edition française illustrée.

[66] Général de Pouydraguin, 1920, La fonction administrative dans le domaine militaire, 14pages.

[67] Donald Reid, 1986, «Genèse du fayolisme», Sociologie du Travail, N˚ 1, 75-93.

[68] Donald Reid, 1988, «Fayol : excès d’honneur ou excès d’indignité?», Revue françaisede Gestion, septembre-octobre, 151-159.

[69] Donald Reid, 1995, «Fayol : from experience to theory», Journal of ManagementHistory, Vol. 1, N˚ 3, 21-36.

[70] Donald Reid, 1995, «Reading Fayol with 3D glasses», Journal of Management History,Vol. 1, N˚ 3, 63-71.

[71] Stéphane Rials, 1977, Administration et organisation, de l’organisation de la bataille àla bataille de l’organisation dans l’administration française, Editions Beauchesne.

[72] Tsuneo Sasaki, 1987, Le pionnier du Management contemporain : Henri Fayol, sa vie,son management stratégique et sa théorie du management, Ronéo Tokyo en français, 112pages.

[73] Tsuneo Sasaki, 1995, «Henri Fayol’s family relationships», Journal of ManagementHistory, Vol. 1, N˚ 3, 13-20.

[74] Herbert Simon, 1947, Administrative Behavior, Mac Millan.

[75] Frédéric W. Taylor, 1907, «La taille des métaux», Revue de Métallurgie, Tome IV, 39-65, 233-336, 401-466, traduction par L. Descroix de la communication faite lors ducongrès de la Société américaine des ingénieurs mécaniciens, Proceedings XXVIII,décembre 1906.

[76] Frédéric W. Taylor, 1907, «Note sur les courroies», Revue de Métallurgie, Tome IV,576-605, traduction par L. Descroix de la communication faite lors du congrès de laSociété américaine des ingénieurs mécaniciens, Proceedings XV, décembre 1893.

[77] Frédéric W. Taylor, 1907, «Direction des ateliers», Revue de Métallurgie, Tome IV,633-736, traduction par L. Descroix de la communication faite lors du congrès de laSociété américaine des ingénieurs mécaniciens, Proceedings XXIV, Saratoga juin 1902.

[78] Frédéric W. Taylor, 1910, «Pourquoi les industriels n’apprécient pas les diplômés desUniversités et Ecoles techniques», Revue de Métallurgie, Tome VII, 648-654, traduction

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de la communication faite lors du congrès de la Society for the Promotion of EngineeringEducation, Proceedings XVII, 1909.

[79] Frédéric W. Taylor, 1910, «L’industrie prochaine», Revue de Métallurgie, Tome VII,835-836, traduction d’une communication faite le 27 juillet 1909.

[80] Frédéric W. Taylor, 1912, Principes d’organisation scientifique des usines, Edition de laRevue de Métallurgie, 190 pages, traduction de Jean Royer.

[81] Frédéric W. Taylor, 1917, «Publications posthumes de F.W. Taylor», Revue de Métal-lurgie, Tome XIV, 551-585, traduction du Bulletin of the Taylor Society, N˚ 5 décembre1916.

[82] Clarence B. Thompson, 1915, «Collection des mémoires les plus importants relatifs ausystème Taylor», Revue de Métallurgie, Tome XXII, 233-315,

[83] Lyndall F. Urwick , 1944, The elements of Administration, New York, Harper and Row.

[84] Paul Vanuxem, 1917, «Introduction théorique et pratique à l’étude de l’administrationexpérimentale». Dans L’éveil de l’esprit public, études publiées sous la direction d’HenriFayol, Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, N˚ 12, 1917, 153-223.

[85] Henri Verney, 1925, Henri Fayol, Discours prononcés au banquet du 7 juin 1925, Dunod,117 pages.

[86] Joseph Wilbois, Paul Vanuxem, 1920, Essai sur la conduite des affaires et la directiondes hommes. Une doctrine française : l’administration expérimentale, Préface deH. Fayol, Payot.

[87] Daniel A. Wren, 1995, «Henri Fayol : learning from experience», Journal of Manage-ment History, Vol. 1, N˚ 3, 5-12.

[88] Comptes rendus du Conseil d’Administration de 1914 à 1918, Archives de Commentry-Fourchambault et Decazeville, Archives du Monde du Travail, AN 59 AQ 13, 14 et 14bis, 16.

[89] Archives de Decazeville, Archives du Monde du Travail, AN 110 AQ 49, 50 et 51

L

2000.10Présentation et commentaire du livre d’Henri

FayolAdministration Industrielle et Générale

Jean-Louis Peaucelle

Professeur à l’IAE de Paris

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