20 Souhaits Dangereux

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    Judith Woodstock me fit un sale coup pendant que

    j 'a l la is au tableau pour rsoudre le problme de

    maths. Je ne pus viter sa basket blanche qu'elleavait avance tratreusement au moment o je passais

    dans l'alle centrale.Patatras ! Je m'talai sur le plancher. Mes feuilless'parpillrent dans la salle.

    Tout le monde clata de rire.

    Je me relevai tant bien que mal pour constater queJudith et Anna Gelley, sa copine, taient ravies.

    Mon coude me faisait mal. La douleur irradiait danstout mon corps. Je repris cependant mes esprits et mepenchai pour ramasser mes papiers.

    - B ien jou , Sam, ironisa An n a avec un large sourire.

    - Refais-le, se moqua une autre fille.

    Un clair de triomphe brilla dans les yeux verts de

    Judith !Je suis la plus grande f ille de la classe. J 'a i au mo ins

    quatre centimtres de plus que mon copain Nic

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    Geist. Pourtant, c'est le plus grand des garons. Et

    je suis la plus maladroite aussi. Quoique lance et

    mince, je ne suis pas gracieuse pour autant ! Ma is ce

    n'est pas une raison pour qu'on se moque de moiconstamment.

    Judith et Anna, des teignes, me ridiculisent tout le

    temps. Va donc, eh, Piaf . Envo le -t oi ! , aime me rpter

    Judith.

    Que c'est facile ! Je m'appelle Piaf, comme l'oiseaudu mme nom.

    Pour essayer de me consoler, Nic me dit que Judith

    est jalouse de moi. Mais pourquoi ? Elle ne mesure

    pas un mtre so ixan te -d ix , elle ! N ous avons le

    mme ge, mais sa taille correspond ses douze ans.Auss i lgante et belle qu 'un mannequin, elle a une

    peau de pche, de beaux yeux verts et de longs che-

    veux cuivrs qui lui tombent sur les paules. En plus,

    quelle sportive ! A lo rs , que peut-elle envier chez

    moi ?

    Je remis de l'ordre dans mon classeur. Sharon, le

    professeur de maths, me demanda si j ' a l la is bien. Ic i,

    au collge de Montrose, on appelle tous les profs par

    leur prnom.

    Je bredouillai que oui. Bien que j'eusse mal et mal-

    gr de sacrs lancements, je recopiai au tableau la

    solution que j'avais trouve.

    La craie crissa sur le bois et tous les lves rlrent.

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    Je ne savais pas crire autrement. Ce n'tait quand

    mme pas un drame, non ?

    J'entendis Judith murmurer quelque chose Anna

    sur mon compte. Mais je ne compris pas de quoi ils'agissait. Je jetai un coup d'il par-dessus mon

    paule et les vis toutes les deux minauder en sefichant de moi.

    tai t-ce parce que je n'arr ivais pas rsoudre le pro-blme pos ? Quelque chose clocha it dans cette

    maudite quation, mais quoi ? Je n'en avais pas lamoindre ide.

    Sharon tait derrire moi, ses bras maigres croisssur son pull jaune. Elle essayait de dchiffrer mes

    pattes de mouche.

    Judith ne tarda pas lever le doigt la premire, en

    s'criant :- P ia f ne sait mme pas fai re une addi tion ! Quatre etdeux, a fait six, pas cinq !

    Je crus que j'allais m'vanouir de honte !Ils clatrent de rire nouveau. Mme la prof trouva

    a dr le. Il ne me restait qu' ravaler mon orgueil et

    encaisser. Je restais plante l comme une idiote. Mamain tremblait pendant que je rectifiais ma stupide

    erreur. J'tais folle de rage. J'en voulais Judith,

    bien sr, mais moi-mme surtout !Aprs cet incident idiot, je me fis toute petite au fond

    de la salle. J'attendais le cours de travaux pratiquesavec impatience.Je n'aurais pas d !

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    J 'a im e bien Daphn, notre professeur de travaux pra-

    tiques. J'apprcie qu'elle ne nous donne pas dedevoirs faire la maison. Dj physiquement, elle

    est drle avec son double menton. Ma i s le plus fabu-

    leux, c'est son sens de l'humour.Le bruit court dans notre collge qu'elle nous faitconfectionner des gteaux, des sabls ou des tartes

    pour pouvoir les manger aprs la classe ! C'est unpeu mchant, peut-tre, mais il y a srement du vraiparce qu'elle est bien dodue.J'adore vraiment ce cours. Seulement voil... Judith

    y assiste aussi.

    Juste avant, pendant le djeuner, nous avions eu une

    nouvelle prise de bec. Comme d'habitude, je m'tais

    assise le plus loin possible d'elle, l'autre bout de la

    table. Je l'entendis tout de mme raconter deuxfilles de quatrime que le Piaf avait encore essay des'envoler pendant le cours de maths.

    Furieuse, j' essaya i de me justifier, expliquant qu 'e lle

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    m'avait fait un croche-pied ! Mais j'avais la bouche

    pleine et la sauce de salade me dgoulina sur lementon.Je me ridiculisai nouveau. Dans le brouhaha gn-

    ral, je n'entendis pas la rponse de Judith. Elle meregarda d'un air moqueur et releva ses cheveux roux.

    La colre monta en moi. Je me levai lentement etm'approchai d'elle.Heureusement, Nic avait tout vu de l'autre ct de la

    table.- Quatre et deux, a fait quoi ? me lana- t-il m al i -cieusement.-Quarante-deux, rpliquai-je en roulant des yeux

    furibonds. Toi aussi, tu crois tout ce que dit Judith ?- Bien sr que non, soupira-t-il en ouvrant son sac

    dos. Mais Judith, c'est Judith !- a veut dire quoi, a ?- J e ne sais pas..., laissa-t-i l chapper avec un air

    nigmatique.Nic est un gent il garon. Il a des yeux mar ron fonc

    avec des petites rides aux coins, un nez un peu trop

    long et un sourire assez drle, un peu voyou.Il ne coiffe jamais ses cheveux longs, c'est sansdoute pour cela qu'il garde en permanence sa cas-

    quette visse sur la tte.- Tu es arriv temps, tu sais, bredouillai-je en ava-lant le reste de ma laitue. J'tais partie pour triper

    Judith.- Et qui jouerait avec toi au basket ? plaisanta Nic.

    A h , oui ! J 'oubl ia is. Judith est la meil leure de notre

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    quipe, les Mustan g de Mont rose . E l le est la seule connatre vraiment bien les rgles. Elle sait toutfaire : dribbler sans se prendre les pieds dans ses

    lacets et tirer toujours dans le panier.Moi, en revanche, je suis nulle. La plus nulle de

    toutes et d'une maladresse totale. Malgr cela, notreentraneur, Hlne, avait insist pour que je fasse

    partie de l'quipe, cause de ma taille.Si seulement Judith tait un peu moins doue et

    moins odieuse avec moi ! Mais, comme le dit si bienN i c , Judi th, c'est Judith ! E l le ne peut s'empcher de

    me perscuter avec ses : Va donc, eh, Pia f. Envole-

    toi !

    Nie me sortit de mes rflexions :- quoi penses-tu, Sam ?

    - notre miss perfection, bien sr, murmurai-jeamrement.

    - Ar r te un peu. Toi aussi , tu en as plei n, de qualits.

    - Ah oui, lesquelles ? Je suis grande, c'est tout.

    - Mais non, tu es maligne, et puis tu fais rire tout lemonde.- Merci du compliment, rtorquai-je en fronant les

    sourcils.

    - En plus tu es gnreuse. Tu l'es tellement que tu

    vas me donner ton paquet de chips, d'accord ?Avant que je proteste, il me le vola.

    Je savais que c'tait la seule et unique raison pourlaquelle il me faisait tous ces compliments !

    La cloche sonna, et le cours de travaux pratiquescommena. Il fallait prparer un dessert au tapioca.

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    Chacun disposait d'un bol pour y mettre les ingr-

    dients aligns sur une longue table. Je mlangeainergiquement la substance qui devint bien gluante.

    Juste com me je fin issais de touiller, je levai les yeux.Judith tait devant moi.

    Je ne m'y attendais pas, car elle avait travaill de

    l'autre ct de la pice, prs de la fentre. De faon

    gnrale, nous nous tenions aussi loignes que pos-sible l'une de l'autre.

    Elle souriait bizarrement. S'approchant plus prs demoi, elle fit semblant de trbucher. Son rcipient se

    renversa droit sur mes baskets toutes neuves.

    - Oui l le , fit-elle en guise d'excuse.C'e st l que je perdis tout contrle... Je poussai un cr i

    de rage et bondis sur elle. Ce fut un brusque coup de

    folie, totalement irrflchi. J'tendis les deux bras etl'attrapai par le cou. Judith se dbattit et essaya de

    crier. E l le me tira les cheveux et m'grat igna avec ses

    ongles. Daphn nous spara. Elle m'attrapa par les

    paules et glissa son large corps entre nous.Je haletais bruyamment.

    - Sam ! Samantha, mais tu es devenue fo lle, hurlaDaphn.

    Sans mme me rendre compte de ce que je faisais, je

    quittai la classe en courant et traversai le hall dsert.

    Et l je... je ne sus plus quoi faire. Je n'avais qu'uneide en tte : ne jamais revoir Judith.

    J'tais loin d'imaginer que mon souhait se rali-serait. Qu'il se raliserait mme au-del de mesesprances !

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    Daphn me ramena dans la classe, m'obligeant

    faire la paix avec Judith.

    Nous n'avions pas le choix. C'tait a ou un aver-

    tissement pour toutes les deux. Je m'excutai. Je ne

    tenais pas du tout ce que mes parents soient convo-qus au collge.

    - J e ne l'a i pas fait exprs, marmonna Judi th entre

    ses dents.

    Ce n'tait pas vraiment une excuse, si vous voulezmon avis.

    Dans l'aprs-midi, j'allai l'entranement de basket,

    sachant que si je ne m'y montrais pas, Judith dirait

    que j'tais une trouillarde. Et puis, ma prsence luidplaisait, ce qui tait une bonne raison pour y aller !

    Aprs tout, un peu d'exercice me ferait du bien.

    J'avais besoin de me dpenser. J'tais frustre de nepas m'tre battue avec elle.

    - Faites quelques tours de piste, ordonna Hlne.

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    Certaines filles protestrent. Moi, je courais dj

    avant mme que le coup de sifflet retentisse.Nous tions toutes en short et en T-shirt sans

    manches. Hlne est maigre comme un c lou ; et avec

    ses cheveux friss, son survtement gris, tout gon-

    dol et us, elle n'avait vraiment pas l'air d'une

    athlte !

    Nous commenmes jouer. Les passes rapides, lestirs en suspension, les lancers francs, les bras rouls

    se succdaient. De mon ct, je m'appliquais ne

    pas me faire remarquer.

    J'tais encore traumatise par l'incident du tapioca.

    Je voulais garder mes distances. J'tais dgote, aubord des larmes, et voir Judith russir un panier six

    mtres, puis reprendre le ballon au rebond et

    l'envoyer Anna comme si de rien n'tait ne meremontait pas le moral !

    C'est alors que tout empira. Trs vite !

    Anna me fit une passe. Je la manquai, bien sr. La

    balle me heurta le front et roula par terre.- Redresse-toi ! rugit Hlne.

    Je continuai courir, furieuse d'avoir rat la pre-mire occasion qui me ft offerte de bien mecomporter. Trois minutes plus tard, une vritable

    fuse arriva droit sur moi.

    - At trape, cigogne ! c ria Judith .J'tais tellement vexe qu'elle m'ait appele cigogne

    devant tout le monde, que mes forces dcuplrent.J'eus le bon rflexe et attrapai le ballon au vol.

    J'essayai de me faufiler, mais An na tendit le bras et

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    me le subtilisa facilement. Elle tourbillonna et tira

    ct de peu.

    - Belle interception, commenta Hlne.

    Quant moi, j'avais un compte rgler.

    - Comment tu m'as appele, Judith ? explosai-je, le

    souffle court.

    Elle fit semblant de ne pas m'entendre.Hlne siffla :

    - On fait du fractionn ! Un dribble, une passe avant,

    une passe arrire, puis on vise.Ce fut notre tour Judith, Anna et moi. Je fis une

    prire afin de ne pas passer pour une demeure.

    J'tais en nage, mon cur battait tout rompre.

    J'attrapai une passe courte d'Anna et m'agitai sous

    le panneau. Mon tir dcrivit un cercle et rebondit sur

    le plancher. Il n'avait mme pas touch le panier !Les filles s'esclaffrent. Judith et Anna firent leur

    habituelle mine condescendante.

    - Bien vis, gronda Judith. Bel exploit !

    La torture continua une vingtaine de minutes. PuisHlne annona la mi-temps :

    - On change de camp !En soupirant, j'essuyai la sueur qui ruisselait sur

    mon front. Je me concentrai au maximum, essayant

    de ne pas faire de fautes. Le bal lon passa entre Judi th

    et moi. Nous nous prcipitmes ensemble. Je plon-

    geai, les bras carts, mais Judith leva brutalement

    son genou qui m'at te igni t en ple ine poi t r ine.J'essayai de protester, mais aucun son ne sortit.

    J'mis un bruit bizarre, une sorte de hoquet, un

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    faible couinement. Avant de me rendre compte que je

    ne pouvais plus aspirer l'air, tout devint rouge clair,puis sombre, et enfin... noir.

    J'tais en train de mourir.

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    Suffoquer provoque une des pires sensations qui

    puissent exister. C'est effrayant. On essaie de respi-rer et tout est bloqu. Et la douleur vous envahit,

    comme si on vous gonflait un pneu dans la poitrine.

    Je pensais vraiment que tout tait fini !Heureusement, quelques instants plus tard, jercuprai mon souffle. La tte me tournait.

    Hlne exigea que l'on m'accompagne l' infirme-rie. Bien entendu, Judith fut volontaire.- Tu sais, je ne l'ai pas fait exprs. Tu me crois au

    moins ?Je ne rpondis pas, je voulais qu'elle disparaisse

    tout jamais. Combien de railleries et de mchancetspeut-on supporter en une seule journe ?

    Judith m'avait fait un croche-pied, avait renvers son

    infect pudding sur mes chaussures neuves et, pour

    finir, m'avait fait tomber dans les pommes. Et ilaurait fallu que j'accepte tout a en souriant ? Ses

    excuses taient inutiles.

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    Je marchai pniblement jusqu' la salle de repos, les

    yeux fixs sur le sol.Vexe, Judith grogna.

    C'tait le comble ! Elle m'avait enfonc son genoudans la poitrine, et c'est elle qui tait en colre !

    - M a i s pourquoi tu ne t 'envoles pas pour de bon,

    P ia f ? murmura-t-e lle entre ses dents avant de fairedemi-tour vers la salle de gym.

    Cette dernire rflexion me piqua au vif. Plus ques-

    tion pour moi de m'enfermer l' infirmerie. J'allaidirectement aux vestiaires. Je me changeai sans

    mme me doucher, ramassai mes affaires et me pr-

    cipitai dehors.

    Il faisait froid et gris. Il se mit pleuvoir. Le soir

    d'hiver tombait.- Quel culot ! me rptai-je.

    Bien qu'habitant prs du collge, je ne voulais pas

    rentrer immdiatement la maison. J'avais envie de

    prendre ma bicyclette et de rouler comme une folle,longtemps, tout droit, pour vacuer la rage qui me

    faisait encore trembler.Sans prter attention la pluie, j'enfourchai mon

    engin. Je ne voyais mme pas les faades des mai-

    sons qui dfilaient devant moi. Je ne voyais rien. Je

    pdalais de plus en plus vite pour m'loigner le plus

    loin possible, pour fuir Judith. De larges gouttestombaient et rafrachissaient ma peau brlante de

    fureur.

    Quand je me redressai, je me rendis compte que

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    j ' ta is dj dans les bois de Jefferson, situs un peu

    l'cart de la ville.Un petit chemin cyclable serpentait entre les grands

    arbres dnuds. Je le prenais souvent pour faire ducross, en t. Le ciel tait devenu gris fonc, les

    nuages s'effilochaient au ras des cimes. Soudain un

    clair traversa l'horizon.

    Il tait grand temps que je rentre !

    Au moment o je faisais demi-tour, une silhouette se

    dressa devant moi. Une femme !J'tais un peu effraye de rencontrer quelqu'un au

    milieu de la fort.Il pleuvait de plus en plus fort. Cette femme n'tait

    ni jeune ni vieille. Ses yeux taient sombres comme

    du charbon. Son visage, trs ple, tait encadr par

    de longs cheveux noirs et mal coiffs. Elle portaitdes vtements dmods. Ils taient noirs aussi, sauf

    un grand chle rouge de satin brillant qui lui couvrait

    les paul es. Un e lo ng ue ju pe lu i de sc en da i t

    jusqu'aux chevil les.Ses yeux semblrent s 'a l lumer quand i ls ren-

    contrrent les miens. Elle parut trouble.J'aurais d m'enfuir, me rfugier l'autre bout de la

    vil le.

    Si seulement j'avais su...Si seulement...

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    Au l ieu de cela, je lu i souris :

    - Puis-je vous aider, madame ?

    L ' inconnue m'examina. Je descendis de v lo .

    L'averse tait glace maintenant. Je me souvins quemon coupe-vent tait quip d'une capuche et je la

    sortis pour me protger.

    Le ciel prit une couleur vert olive, irrelle. Les

    branches frissonnaient dans les tourbillons du vent.La femme s'approcha. Elle tait aussi livide qu'un

    fantme. Ses pupilles enfonces dans les orbites mescrutaient.

    - J'ai d me perdre, je ne retrouve plus mon chemin,

    confia-t-elle d'une voix chevrotante.Sa chevelure tait trempe. Impossible de lui donner

    un ge. Elle pouvait aussi bien avoir trente que

    soixante ans.- No us sommes Mont rose , indiqua i-je.

    Elle dit, pensive :

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    - Je voulais aller Madison. Je crois que je me suistrompe de route.

    - V o u s tes en effet l'oppos, remarquai-je en lu i

    montrant la direction prendre.Agace, elle ajusta son chle sur ses maigres paules

    et mordit sa lvre infrieure :

    - Je me perds rarement...

    Je commenais frissonner. La pluie me pntraitjusqu'aux os. Je n'avais plus qu'une seule ide : ren-

    trer la maison, prendre un bain et mettre des vte-ments secs.

    - Tu pourrais m'y conduire ? chuchota la femme en

    me saisissant le poignet.

    Sa main tait tellement froide que je poussai un cri.Auss i froide qu'un... mort !

    - Peux- tu m 'y conduire ? rpta-t-elle en rappro-chant son visage du mien. Je t'en serai reconnais-

    sante pour toujours.

    Elle avait libr mon poignet, mais je sentais encore

    son treinte sur ma peau.

    Pourquoi ne me suis-je pas enfuie ce moment-l ?

    Pourquoi n'ai-je pas fonc loin de cet endroit mau-dit ?

    Mais, d'un autre ct, comment aurais-je pu prvoir

    ce qui allait arriver ?- D'accord, je vous accompagne.

    - Merci, ma chrie, dit-elle, toute contente.

    Je descendis de bicyclette et la poussai en la tenantpar le guidon. La femme marchait mes cts, les

    yeux rivs sur moi.

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    Il continuait de pleuvoir. La foudre s'abattit. Les

    rafales firent claquer mon coupe-vent. Il fallait que

    je dise quelque chose :

    - Je ne marche pas trop vite ?- N o n , ma chrie.

    Sous sa longue jupe, ses bottines boutons cla-

    quaient sur le sol mouill.

    - Je suis dsole de te causer autant de soucis.

    - Oh, vous savez, a ne pose aucun problme, men-tis-je. Je suis ravie de vous aider.

    - J'adore la pluie, reprit -elle en tendant les mains

    tandis que les gouttes s'crasaient sur ses paumes

    grandes ouvertes. S ' i l ne pleuvait pas, qu i chasserait

    le diable ?

    Qu'est-ce qu'elle a parler de a ? , pensai-je.

    Tout en balbutiant une rponse inintelligible, je

    l'observais. Bien que totalement trempe, elle avaitl'air de ne pas s'en apercevoir. Elle marchait petits

    pas, balanant un bras, l'autre protgeant son sac

    rouge.- J e me demande comment j ' a i pu m'garer ains i,

    continua-t-elle en secouant la tte. J'tais sre d'tre

    dans la bonne direction, mais, quand je me suis re-trouve dans ces bois... Comment t'appelles-tu, au

    fait ?

    - Samantha, mais tout le monde dit Sam.

    - M o i , c 'est Clar issa. Je suis la femme Crista l .

    De mieux en mieux ! dire vrai, je n'tais pas cer-

    taine d'avoir bien compris ses dernires paroles.J'tais intrigue, et trs inquite la fois.

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    Il commenait se faire tard. Papa et maman allaientrentrer la maison. Et mon frre Ron aussi.

    C'est alors qu'une camionnette roula vers nous. La

    lumire de ses pleins phares m'aveugla et je faillisme prendre les pieds dans la pdale. Je m'cartai

    pour laisser passer le vhicule. Mais Clarissa pour-

    suivit, droit devant elle, comme si de rien n'tait.

    - At ten tion ! hurlai- je.Le conducteur klaxonna. Le vhicule fit une brusque

    embarde sur la gauche. Ouf !Nous continumes marcher. Clarissa me souriaitgentiment. Elle semblait ne s'tre aperue de rien, et

    a n'tait pas fait pour me rassurer.

    - C ' e s t si gentil de ta part de prendre so in d'une

    trangre, dit-elle.

    Nous entrmes dans la ville. Un lampadaire taitallum, au loin. Le macadam mouill luisait faible-

    ment. Les buissons, les haies brillaient eux aussi

    dans l 'obscurit. L'atmosphre tait totalement

    irrelle.

    - Nous sommes arrives, c'est i c i , Mad ison .- Merci, ma chrie. E n f in , ce n'est pas trop tt ! I l ne me reste plus qu '

    lui dire au revoir et rentrer.

    Un clair illumina le quartier. L'orage tait plus fort.

    Quelle galre ! , soupirai-je.

    Soudain je me rappelai Judith et cette pouvantable

    journe ! La colre m'envahit.

    - De quel ct se trouve l'est ? demanda Clarissa.

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    Sa voix interrompit mes sinistres penses.- L ' e s t ?Je regardai droite et gauche, essayant de chasser

    Judith de mon esprit. Puis je lui indiquai la route suivre. Le vent redoubla subitement de violence. Unrideau de pluie s'abattit sur moi. Je m'agrippai au

    guidon.- Tu es si gentille, susurra Clarissa en s'enveloppantdans son chle. La plupart des jeunes ne le sont plus

    aujourd'hui.Ses yeux sombres s'enfoncrent dans les miens.

    - M e r c i , murmurai-je gauchement.

    Le froid me fit trembler.- Eh bien , au revoir , conclus-je en enfourchant ma

    bicyclette.

    - Non, non, attends. Je veux te rcompenser !- I l n 'y a vra iment pas de quoi , ce n'est pas la

    peine...

    Mais elle caressa ma joue, rptant :

    -J ' insiste, vraiment .J'tais de plus en plus frigorifie.- Tu as t si aimable avec une inconnue !

    J'essayai de partir, mais elle me retint par le bras.

    - Vous n'avez pas beso in de me remercier...- Si, j'y tiens absolument, rpliqua-t-elle en appro-

    chant sa figure tout prs de la mienne. Prononce troisvux. Ils seront exaucs !

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    E l le est fo lle ! Compltement fo lle. Que puis-je

    faire ? Son regard me transperait. La pluie ruisselait sur sa

    figure livide et je sentais de nouveau le froid de sa

    main travers la manche de mon coupe-vent.- Trois vux, reprit-elle plus bas.

    - Merci, merci bien, mais ce n'est pas la peine. Jedois rentrer.

    Je parvins me dgager avec difficult et m'apprtai partir.

    - J'exaucerai trois vux. Quels qu' il s soient.Tout en prononant ces paroles, elle plaa son sac

    devant elle et en retira avec prcaution un objet.

    C'tait une boule de cristal, rouge et brillante, de lataille d'un pamplemousse.

    Comme elle scintil lai t dans cette obscure fin d'aprs-

    midi !- C ' e s t vraiment chic de votre part, mais je ne sou-

    haite rien de prcis en ce moment.

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    - Lai ss e- mo i faire a pour toi , poursuivit-elle. Tu meferas plaisir.

    E l l e leva la boule de sa main ple aux doigts osseux.

    - J ' y tiens vraiment, vraiment...- V o u s savez, ma mre va s'inquiter, prtextai-je

    jetant des regards perdus de tous les cts.

    Personne nulle part. Il n'y avait personne !Pas un chat qu i puisse me protger de cette folle. Car

    elle tait fo lle, cela ne faisait aucun doute. Seulement

    jusqu' quel point ? Peut-tre pouvait-elle devenirdangereuse ? Je cho is is donc de joue r le jeu pour vi -

    ter de l'nerver.

    - C e ne sont pas des promesses en l'air , prcisa-

    t-elle. Je te le jure ! Tes souhaits seront raliss.Soudain, la boule s'il lumina. Elle devint de plus en

    plus scintillante et d'un rouge de plus en plus vif !- Ton premier vu, Samantha ! ordonna C la ri ssad'une voix qui n'admettait pas de rplique.

    Je la fixai. J'tais gele, affame et surtout... terrori-

    se. Bref, je n'avais qu'une envie : fuir au plus vite.

    Et si elle ne me laissait pas partir ? Si je ne pouvaispas me dbarrasser d'el le ? Si elle me suivait ju squ'

    chez moi ?... , m'inquitai-je.

    Quoique affole, j 'essayais de rflchir. Et si je

    prononais ce fichu vu pour qu'elle me laisse enpaix ?

    -A lo rs , Samantha , dpche- to i , s ' impa t ien ta i tClarissa.

    Ses yeux taient maintenant comme des braises, de

    la mme couleur que la boule qu'elle serrait...

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    Brusquement, elle parut trs vieille, sa peau plit et

    devint transparente. Je pouvais presque discerner lesos de son crne.

    Je claquais des dents. Ma tte tait totalement vide.Je ne pouvais plus penser rien...

    Tout d'un coup je me mis bafouiller :

    - J'aimerais... devenir la meilleure joueuse de notrequipe !

    Je ne savais pas pourquoi j 'avais dit a. Par nervosit,

    sans doute. a m'avait chapp. J'avais en tte toutesces histoi res avec Judi th ains i que le dsastre final de

    la partie de basket...

    Et vo il, c'tait a, mon premier vu. Ri d icu le , ou i !

    Immdiatement aprs l 'avoir prononc, je me le

    reprochai. Quelle nul l i t ! N'avoir choisi que a

    alors que peut-tre tout tait possible. Ce qu'il fal-

    lait tre bte !La femme parut trouver tout cela parfaitement

    naturel. Elle acquiesa et baissa les paupires.

    A l o r s la sphre devint carlate. Je fus entoure

    d'une nue rouge. Puis tout s'effaa en un ins-

    tant...

    - C ' e s t tout pour cette fois, dit Cla rissa.E l le me remerc ia encore, remit la boule dans son sac

    pourpre, se retourna et s'en alla rapidement.

    Je poussai un soupir de soulagement. J'tais telle-

    ment heureuse qu 'e l le ait disparue ! Je pda lai

    furieusement jusqu' la maison.

    - Vo i l q ui co nc lu t parf aitemen t cette jo ur n ed'enfer ! murmurai-je amrement.

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    Pige sous une pluie battante par une sorcire, avecune histoire de vu. Invraisemblable, tout a. Tota-

    lement idiot.

    Il ne fallait plus y penser...

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    - M o i aussi, j ' tai s grande douze ans, continuamaman.

    - Alors, on dirait que tu as rtrci depuis, s'exclama

    Ron en pouffant.Mon grand frre faisait toujours des plaisanteries

    idiotes qu'il tait le seul trouver drles.

    - Je voulais juste dire que moi aussi, j'tais grandepour mon ge, prcisa maman, un peu gne de me

    voir mal l'aise.

    - O u i , eh bi en , m o i , je le suis beauc oup trop,grognai-je.

    Maman tourna la tte. J'en profitai pour glisser dis-

    crtement mon assiette sous la table et offrir mesharicots Punkin. Punkin, c'est mon chien, un petit

    fox marron qui mange n'importe quoi, lui.

    - Comment c'tai t, le basket ? demanda papa pourdtendre l'atmosphre.

    Je fis une grimace et tournai les deux pouces vers lebas en signe de dsastre.

    - Elle est trop haute pour ce jeu ! gloussa Ron.

    - Pourtant a rend muscl ! E l l e doit persvrer,ajouta papa.

    Je me demande parfois comment il peut dire des

    choses pareilles. Que rpondre a ?

    Soudain je repensai la folle et mon vu.

    - R o n , a te tente, quelques paniers aprs dner ?proposai-je.

    Devant le garage nous avons un panneau clair par

    des spots. De temps autre on se fait une petite

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    partie le soir, juste pour se dfouler avant nosdevoirs.

    Ron jeta un coup d'oeil par la fentre :

    Il ne pleut plus ?- N o n , a s'est arrt il y a une demi-heure.

    - Le sol est encore mouill !

    - Ce n'est pas une flaque d'eau qui va te faire peur !plaisantai-je.

    Ron , lui , est vraiment un bon basketteur. Bt i comme

    un athlte, a ne l'amuse pas du tout de jouer avecmoi, et il prfre toujours trouver n'importe quelprtexte pour rester la maison.

    - J ' a i encore un expos terminer, grog na-t - i lremontant ses lunettes sur son nez.- Juste quelques shoots, suppliai-je.

    - So is gent il avec ta soeur. Donne-l ui deux, troisconseils, suggra papa.Ron accepta en rlant :

    - D'accord. Mais cinq minutes, pas plus !

    Il regarda de nouveau dehors et fit la moue : On va tre tremps jusqu'aux os !- Je vais prendre une serviette pour te scher.

    - En tout cas, ne laissez pas sort ir Punkin , avertit

    maman. Sinon il va salir le parquet avec ses pattes

    pleines de boue.- C e n'est pas un temps mettre un Ro n dehors,marmonna mon pauvre frre.

    Je savais que c'tait idiot, mais je voulais voir si monvoeu s'tait ralis.

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    Peut-tre tais-je devenue brusquement une grande

    joueuse ? Peut-tre allais-je battre R on ?

    Peut-tre pourrais- je dr ibbler sans trbucher, envoyer

    le ballon l o je voudrais , et l'attraper sans qu ' i l merebondisse sur la poitrine ?

    En sortant dans la cour, je me traitais de tous lesnoms. Comment pouvait-on croire toutes ces

    balivernes ! Ce n'est pas parce qu'une folle t'a dit qu'elle exau-

    cerait trois vux qu'il faut t'exciter comme a etcroire que tu vas craser Michal Jordan !

    Oui, mais tout mme ! Je ne pouvais pas m'emp-

    cher de trpigner d'impatience. a serait peut-tre lasurprise du sicle !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Pour une surprise, c'tait une surprise ! Je fus encore

    plus nulle. Je manquai les deux premiers paniers. Jeratai mme le garage et dus courir aprs la balle qui

    glissait sur la pelouse.Ron ricana :- Je vois que tu t'es vraiment entrane.

    Je lui lanai le ballon tremp dans l'estomac. Ce

    n'tait pas amusant, mais il le mritait bien. J'tais

    tellement due. Je me rptais sans cesse que jem'tais fait avoir. Que les vux ne se ralisent

    jamais, surtout ceux dont s'occupent de v ie i l les

    chouettes folles lier qui se baladent sous la pluie.

    En fait, j'avais quand mme espr que ce serait vrai,

    sans y croire compltement.

    Les filles du collge taient si mchantes avec moi

    que a aurait t fantastique de joue r contre Jefferson

    le lendemain et d'tre la vraie star de l'quipe.Tu parles d'une star ! J'en tais loin ! Ron dribbla

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    jusqu'au panneau et marqua. Il reprit le bal lon au vol

    et me le passa. Il fila entre mes doigts et rebondit sur

    la route. Je courus aprs et glissai sur la chausse

    humide. Je m'croulai et atterris dans une flaque... latte la premire. Une vritable vedette !

    J'tais mauvaise, encore plus qu'avant. C'tait pire

    que jamais !

    Je ruisselais de partout. Une vritable inondation !Ron m'aida me relever :

    - C'est toi qui l 'as voulu. N'oublie pas.Mais j'tais dtermine. Je m'emparai de la balle,

    filai devant lu i et dri bb la i furieusement ju squ 'a u

    panier. Il fallait absolument que je marque ! Il le fal-lait ! Seulement, au moment o je visais, Ron me

    poussa, sauta et dvia mon tir. Emport par son lan,

    il disparut dans l'obscurit.J'tais furieuse :

    - Je voudra is que tu sois haut comme trois pommes !

    C'est alors que je fus saisie de frayeur et me mis trembler.

    Qu'est -ce que je viens de dire l ? pensai-je enguettant le retour de mon frre. Et si c'tait mon

    second souhait ? Je ne voulais de a aucun prix !

    Mon cur se mit battre sourdement dans ma poi-

    trine. C'tait une erreur, pas un vrai souhait ! Et si

    Ron avait rtrci, s'il tait devenu nain ?

    Ma i s non, ce n'est pas possible... pas possible, me

    rptai-je... Puisque le premier vu n'a pas mar-

    ch, il n'y a pas de raison pour que le deuxime seralise.

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    Je scrutais la pnombre. Puis... il arriva vers moi. Il

    trottinait sur le gazon...

    Tout petit, tout riquiqui !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    J'tais fige de terreur ! Soudain la petite silhouette

    sortit du noir.Quel soulagement !

    - Punkin, m'criai-je. C'est toi ! Comment as-tu fait

    pour aller dehors ?J'tais folle de joie que ce soit lui et non un tout petit

    Ron se faufilant entre les herbes. Je pris mon chien

    dans les bras et le serrai trs fort. Il me couvrit de

    boue en se dbattant, mais je m'en fichais complte-ment.

    Il est temps que tu te calmes, Sam, me rassurai-je.Ton premier vu n'a pas march. Comment veux-tu

    que le deuxime se ralise ? Clarissa n'est mme pas

    l avec sa boule ! Il faut absolument arrter de penser

    tout a. C'est idiot et a va te rendre cingle ton

    tour !

    - Sam, intervint Ron en surgissant du garage avec leballon. Que fait ce chien ici ?

    - Je ne sais pas, rpliquai-je en haussant les paules.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    On joua encore quelques minutes. Il faisait humide

    et froid, et ce ne fut pas vraiment agrable, surtoutpour moi. Je n'avais rien marqu.

    On enchana avec une partie en cinq points. Ron lesgagna tous sans peine.- Il faudrait que tu songes prendre des cours ou des

    vitamines, se moqua-t-il alors que nous rentrions

    dans la maison.

    J'en aurais presque pleur. J'avais besoin de me

    confier quelqu'un, de dire pourquoi j 'tais sidue, de tout raconter au sujet de cette trange

    femme et des trois vux.Je n'avais pas os en parler mes parents. Cette his-

    toire me semblait si stupide et si invraisemblable !

    Ma i s Ro n tait jeune , peut-tre comprendrai t-il, lu i ?

    - I l faut que je te raconte ce qu i m'est arriv cetaprs-midi, commenai-je pendant que nous enle-

    vions nos blousons dans la cuisine. Je suis sre que

    tu ne me croiras pas !- Tout l'heure, dit-il en retirant ses chaussettes. Il

    faut que je finisse mes devoirs.

    Comme d'habitude, il ne m'avait pas coute. Et ildisparut dans sa chambre.

    Je me dirigeai vers la mienne quand soudain le tl-

    phone sonna. Je dcrochai aussitt. C'tait Nic quivoulait savoir comment s'tait pass l'entranement

    aprs la classe.

    - Fantastique, tout simplement fantastique ! exag-rai-je. Avec un peu de chance, on va me retirer mon

    dossard.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    - Bah ! tu n'en as mme pas, tu ne t'en souviensplus ?

    - On reconnat vraiment les copains !

    Mme s'il l 'avait voulu, il n'aurait pu me blesserdavantage.Le lendemain midi, Judith essaya une nouvelle fois

    de me faire un croche-pied la caftria. Ma is j ' ta issur mes gardes et j'esquivai promptement sa jambetendue.

    Je passai ddaigneusement ct de sa table pouraller retrouver Nic qui tait assis dans son coin habi-

    tuel. Son repas tait dball et sur sa figure se pei-

    gnait la mme expression de dgot qu'il avait chaque djeuner.- Encore ton ternel sandwich, remarquai-je en rap-

    prochant ma chaise de la sienne.- Oui, et regarde quoi ressemble ce fromage ! Jecrois que mon pre essaie de me refiler les vieux

    restes !

    De l'autre ct de la salle, des garons chahutaient,se lanant une poupe rousse qui finit par atterrirdans un bol de th. Tout le monde clata de rire enapplaudissant btement.

    Juste au moment o je prenais mon jambon-beurre,

    je sentis une ombre planer au-dessus de ma tte.Quelqu'un se tenait derrire moi !

    C'tait Judith ! Judith en chair et en os !

    Elle se pencha en ricanant comme d'habitude. Elle

    portait le maillot vert et blanc de l'cole sous uneveste en velours ctel.

    43

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    - Es t-ce que tu viens jouer aprs la c lasse , P ia f ?- Bien sr que je viens, affirmai-je, tonne par cettequestion.

    - a, c'est moche , rp liq ua- t-e lle , de mauvaisehumeur, fronant les sourcils. Parce que a veut dire

    qu'on n'a aucune chance de gagner !

    Anna , les lvres recouvertes de bril lant, arriva prsd'elle et enchana :

    - Tu ne pourrais pas tomber malade, par exemple ?

    - F iche la pa ix S am une bonne fois pour toutes,intervint Nic, en colre.

    - Mais c'est vrai, Sam. On voudrait vraiment battre

    Jefferson, continua Anna sans lui prter la moindreattention.

    - Je ferai de mon mieux, promis-je, serrant les dents.Elles pouffrent et s'loignrent en hochant la tte.

    J'avais beau tre sre que tout cela n'tait pas

    srieux, que rien de nouveau ne se passerait et que

    cette partie serait tout aussi humiliante pour moi que

    les prcdentes, j' esprais secrtement que mon sou-

    hait se ralise. Mais tait-ce possible ?

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Le match dbuta bizarrement.

    L'quipe de Jefferson tait constitue d'lves de

    cinquime et toutes, elles taient, par consquent,

    plutt de petite taille compares moi. Mais, trs

    bien entranes, elles souhaitaient la victoire toutprix et avaient un vritable esprit collectif.

    Quand elles arrivrent, mon estomac se noua. J'eus

    l'impression de peser cent kilos.

    J'allais une fois de plus tout gcher. Forcment !

    Je connaissais l'avance les commentaires que

    Judith et Anna feraient mon sujet. On t'avait pr-venue, Sam , etc.C'est dire comme je me sentais mal.

    la premire mise en j eu, le bal lon arriva droit sur

    moi. Je dtalai, mais... vers notre propre panier ! Par

    chance, Anna fit une interception avant que j'ai pu

    marquer contre mon camp !Les joueuses et les entraneurs se tordaient de rire

    derrire mon dos. J'aurais voulu m'enfuir, aller me

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    cacher dans un placard et ne plus jamais en sortir.Sans que je m'y attende, je reus encore la balle ! Je

    tentai de la transmettre Judith, mais, bien sr, je la

    lanai trop loin. Elle fut rattrape par une adversairequi courut en dribblant.

    Il n'y avait pas deux minutes que nous jouions et

    j 'ava is dj commis deux fautes !

    J'avais beau me rpter que ce n'tait qu'un jeu, ane m'aidait pas du tout ! Chaque fois que quelqu'un

    faisait une remarque dplaisante, j'tais sre quec'tait mon sujet.

    Tout coup le ballon vola vers moi. J'essayai de le

    bloquer, mais il m'chappa. Une de mes coqui-

    pires s'en empara, puis me la redonna. Je visai pour

    la premire fois. Le tir atteignit le panneau (ce qui

    tait dj un exploit), mais des kilomtres du but.Une fille de Jefferson s'en saisit au rebond et marqua

    sans aucune opposition de la part des Mustang !

    J'tais plus lamentable que jama is et me traitais int-

    rieurement de tous les noms. Pourquoi avais-jeaccept de participer ? Judith me fusillait du regard.

    Pour arrter les dgts, je reculai et me plaai dansun coin. J'avais dcid de prendre part le moins pos-

    sible l'action.

    Au bout de c inq minutes en premire mi-temps, les

    choses tournaient trs mal pour nous. Jefferson

    menait dj douze... deux !

    Judith essaya de faire une passe Anna, mais tropfaiblement. La balle arriva droit sur une petite

    blonde de Jefferson. Contrairement son habitude,

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Judith se mit traner derrire son adversaire. Quel-

    que chose clochait.

    Trente secondes plus tard, le ballon rebondissait au

    milieu du terrain. Anna s'en approcha, mais elledonnait l'impression de se mouvoir au ralenti. La

    petite blonde fut plus rapide et l'attrapa. Anna aussi

    avait l'air puise. C'tait bizarre !

    L'quipe de Jefferson fona, se passant la balle de

    fille en fille. Nos joueuses, elles, taient plantes l

    comme des poteaux. Vides d'nergie, el les secontentaient de les regarder.

    Judith hurla :

    - Allons-y, les Mustang !Elle voulait probablement se redonner du courage.

    Mais elle se mit aussitt biller. Et il n'y eut que

    moi pour entendre Hlne :- A l l e z , les fil les, a llez ! Rveillez-vous ! C ou rs,

    Judith, mais cours, ne lambine pas !

    Judi th lana mol lement la balle sur le so l. E l le rebon-

    dit loin d'une joueuse de Jefferson. Je parvins lasubtiliser, et courus toute vitesse.

    Arr ive sous le panneau, je me retournai et constatai

    - oh surprise ! - que j'tais toute seule. Personne

    pour me contrer ! Personne ne m'avait suivie ! Les

    Mustang taient encore l'autre bout, marchant len-

    tement dans ma direction.videmment, toute l'quipe adverse se rua sur moi.

    Je tirai. Le ballon toucha le bord du panier, et

    retomba droit dans mes mains. Je fis une autre tenta-

    tive. Encore rat !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Judith fit mine de l'attraper, puis se ravisa. Elle tait

    comme paralyse ! Je ressaisis le bal lo n, dr ibblai une

    fois, deux fois, trois fois, et tirai !

    mon grand tonnement, la balle sembla hsiter surle rebord du cercle et... miracle ! C'tait un des trs

    rares points que j'avais marqus dans ma vie !

    - Super ! Bravo , Sam, s'en thousiasma Hlne depuis

    la touche.Les Mu st an g articulrent de faibles encouragements.

    Hlne hurlait :- Piquez-leur la balle, qu'est-ce que vous attendez ?

    Qui m'a donn de telles mauviettes ?Ma is Judith s'emmla les pieds et tomba. Je la regar-

    dai, mduse. Elle se releva avec difficult, puis

    billa bruyamment. Les autres filles ressemblaient

    elles aussi des automates, comme si elles taientatteintes par la maladie du sommeil.

    Qu'est-ce qui se passe ? me demandai-je.

    Un coup de sifflet strident retentit. Il me fallutun certain temps pour m'apercevoir que c'tait la

    mi-temps.

    - Dpchez-vous, les Must ang, ordonna Hlne ennous faisant signe d'approcher.

    Je courus rapidement vers elle. J'tais en pleine

    forme.Et pendant qu'Hlne continuait ses injonctions, je

    regardais les filles arriver, extnues.C'est ce moment prcis que je compris : mon sou-

    hait s'tait ralis !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    - Qu 'es t-ce qu ' i l y a ? s'inquita Hlne comme

    nous nous regroupions autour d'elle.Elle examina chacune d'entre nous avec attention.

    Ann a se laissa tomber lourdement sur le parquet.

    Elle pouvait peine garder les yeux ouverts. Judithtait adosse contre le mur de la salle et respirait dif-

    fic ilement . La sueur coulai t sur son visage l iv ide.

    Hlne frappa dans ses mains :

    - Allez, du cran, les filles ! Qu'est-ce que vous avezdonc aujourd'hui ?- On manque d'air ici, se plaignit une des joueuses.

    - Je n'en peux plus, se lamenta une autre, billant s'en dcrocher les mchoires.

    - On a peut-tre attrap une maladie ? suggra Anna,

    toujours allonge.

    - Tu es malade, toi aussi ? me demanda Hlne.- Non, je me sens plutt bien. Enfin, comme d'habi-

    tude, rpondis-je.

    J'entendis Judith grommeler quelque chose alors

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    qu'elle essayait pniblement de se dcoller du mur.

    L'arbitre siffla la seconde mi-temps et nous reprmes

    le jeu.

    - Je n' y comprends r ien, b re do ui l l a Hlne, ensecouant la tte et en aidant Anna se relever. Rien

    de rien !

    M o i , je comprenais. Je comprenais trop bien mme !

    M o n souhait tait exauc ! Je n'arr ivais pas y

    croire. Clarissa avait donc vraiment des pouvoirs

    magiques ! E l le avait fait ce que je dsirais. Ma i s pasvraiment comme je me l'tais imagin.

    Maintenant je me souvenais clairement de mes

    paroles. J 'avais voulu devenir la mei l leure del'quipe, c'est--dire jouer mieux que les autres,

    beaucoup mieux. Mon souhait s'tait ralis, mais

    pas parce que je m'tais amliore, loin de l. Parceque les autres taient inexistantes ! Par la force des

    choses, j'tais donc... la moins mauvaise !

    Comment ai-je pu tre aussi idiote ? m'injuriai-je

    en regagnant ma place. Les vux, c'est bien connu,

    ne se ralisent jamais comme on l'imagine ! En arrivant au centre du terrain, je vis Judith, Anna

    et toute la bande, les pieds visss sur le plancher, les

    paules rentres, le regard dans le vague.

    Cependant, pour tre honnte, je dois reconnatre

    que je prenais pla is ir observer cette situation. Je mesentais parfaitement bien. Je n'prouvais aucun

    remord. Judith et Anna mritaient ce qui leur arri-

    vait ! Je tchai de ne pas trop ricaner quand ellesregagnrent leurs places.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    L'arbitre fit la remise en jeu entre Judith et une

    joueuse de Jefferson. Ce l le -c i sauta trs haut. Malgr

    un rel effort, Judith n'arriva pas dcoller du sol !

    Son adversaire envoya la balle une de ses coqui-pires et, ensemble, elles s'lancrent vers notre but.

    Je me prcipitai leur poursuite. Les autres filles de

    mon quipe pouvaient tout juste marcher. Jefferson

    marqua le point trs facilement.

    - Allez, on va les avoir, criai-je Judith en frappant

    dans mes mains.Elle me regarda tristement. Ses yeux verts sem-

    blaient dlavs, abattus.

    - M a is prenez- leur le ba llon ! Al lon s- y, les filles !

    A l l e z , du courage ! m'exclamai-je avec toute l'ner-

    gie dont j'tais capable.

    Je me dmenais comme jamais ! Judith pouvait peine faire rebondir le ballon devant elle. Je le lui

    pris et dribblai jusqu'au panier adverse. L, une fille

    de Jefferson me poussa par-derrire au moment o je

    tirais.Sanction : deux lancers francs.

    Les Mustang mirent une heure se ranger sur les

    cts, et, bien entendu, je ratai mes deux tentatives.

    Mais je m'en fichais perdument !- A l l e z , on les aura, continuai- je. On dfend, on

    dfend !J'tais devenue la fois joueuse et supporter !

    Contempler Judith et Anna puises, se tranant

    comme des larves, et les entendre se faire siffler,c'tait terrifiant... et fantastique la fois !

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    On perdit de vingt-quatre points !

    Judith, Anna et toutes les autres taient soulages de

    voir la partie termine. Je me prcipitai aux ves-

    tiaires pour me changer. J'tais aux anges.Lorsqu'elles arrivrent en titubant, j 'avais presque

    fini de m'habil ler. Judith s'avana vers moi et

    s'appuya contre mon casier. E l le me regarda d 'u n airsouponneux :

    - D ' o tiens-tu cette forme d'enfer ?

    Elle faisait peine voir : la sueur coulait le long deson front et ses cheveux roux taient plaqus par la

    transpiration. Je haussai les paules :

    - J e ne sais pas, Judi th . Je me sens exactementcomme d'habitude.

    - Je n 'y comprends vraiment rien, Pia f.

    - Vous avez d attraper la grippe ou une autre salet.Pour mo i , c'tait super ! Je n' ai jamais si bien jou !

    - Je n'en peux plus, gmit Anna en s'asseyant.

    - demain, lanai-je en ramassant mes affaires.Soignez-vous bien !

    J'tais contente de moi, et en mme temps mal

    l'aise. Jusqu'o irait l'abattement des filles ? En sor-tant des vestiaires, je tchai de me rassurer, de me

    dire qu'elles allaient se rtablir, qu'il ne fallait pas

    s'en faire.

    Seulement, dans mon for intrieur, je n'en menais

    pas large. Je me sentais coupable.Le lendemain, la catastrophe me tomba dessus

    comme la foudre !

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    Le lendemain, Jud ith et An na taient absentes ! Je ne

    cessais de regarder leurs places inoccupes, de me

    retourner comme si j'esprais qu 'e lles apparatraient

    enf in, par miracle . Ma i s quand la cloche sonna, il n' y

    avait toujours personne !Terrorise, je me demandais si les autres filles de

    l'quipe taient malades, elles aussi.

    Je tremblais comme une feuille.

    taient-el les trop puises pour veni r en classe ?

    Une ide effrayante me traversa l'esprit : et si elles

    restaient dans cet tat jusqu' la fin de leurs jours ?Si cette maldiction allait durer toute leur vie ? Et

    si, comble de malheur, Judith, Anna et les autres

    s'a ffa ibl issaient petit petit, et puis mouraient ?Ce serait ma faute. Je serais coupable, la seule cou-

    pable !

    Je me sentais glace. J'avais l'estomac lourd, co mm esi j'avais aval une pierre. Jamais de toute ma vie je

    ne m'tais sentie aussi honteuse.

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    J'essayais de chasser ces affreuses penses, maisc'tait plus fort que moi. Les copines pouvaientmourir cause de ce vu irrflchi !

    Je serais un assassin ! , me rptai-je avec un fris-son d'horreur.

    Sharon, notre professeur, parlait de choses et

    d'autres. Je n'coutais pas ce qu'elle disait. Je pas-

    sais mon temps fixer les deux chaises vides. Anna, Judith. Mon Dieu, qu'est-ce que je vous ai

    fait ? , sanglotais-je.

    Au djeuner, je racontai toute l'histoire Nic.

    Il faillit s'trangler avec son sandwich, tellement il

    trouvait a drle :

    - Et au Pre Nol, tu y crois aussi ?Ma is je n'tais pas d'humeur apprcier ses blagues.J'tais bouleverse. J'avais envie de vomir.

    - Je t'en suppl ie, N i c , croi s-mo i. Je sais que a parattotalement absurde...

    Il me regarda avec attention cette fois-ci :- Tu es srieuse ? Je pensais que tu plaisantais, Sam.Que tu avais tout invent.

    - cou te -moi b ie n. Si tu avais assist au matchd'hier , tu aurais compr is que ce n'est pas une blague,protestai-je en m'appuyant des deux poings sur la

    table. Elles marchaient comme des somnambules.

    J'tais tellement impressionne par ce souvenir que

    mes paules commencrent frmir . Je me cachai les

    yeux pour ne pas montrer que je pleurais.-D'accord, essayons de rf lchir, dit- i l doucement.

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    Son sourire en biais s'estompa, laissant place unemoue pensive. Je compris qu'il commenait enfin

    me prendre au srieux !

    - Je n'ai pens qu' a toute la matine, confiai-je enessuyant mes larmes. Tu te rends compte ? Je seraiune criminelle si elles meurent.

    - Arrte, Sam, tu dbloques compltement. Judith et

    A n n a n'ont strictement rien. Tout a, c'est dans tatte. Elles sont srement fraches comme des roses !

    - Si seulement tu pouvais avoir raison, marmonnai-je tristement.

    Le visage de Nic s'illumina :

    - Je sais quoi faire. On va voir Audrey.

    Je mis un petit moment saisir ce que Nic voulaitdire par l. Audrey est l ' inf i rmire de l 'cole.

    Lorsqu'un lve s'absente, les parents doivent la pr-

    venir le matin. Oui ! Elle allait srement nous ren-seigner.

    - Bonne ide ! approuvai- je.

    Je renversai presque ma chaise en me prcipitantdans le couloir.- Une minute ! Je viens avec to i, fit N i c .

    Nous courmes et arrivmes juste temps. Audreytait en train de fermer sa porte. C'tait une petite

    femme d'une quarantaine d'annes, avec des che-veux blond cendr, ramens sur sa tte pour former

    un chignon. Elle portait toujours des jeans larges et

    mous, des T-shirt uss, et jamais de blouse.

    - C ' e s t l 'heure du djeuner, gmit-el le en nousvoyant arriver. Je meurs de faim...

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    - Audrey, pouvez-vous nous dire pourquoi Judith et

    A nna ne sont pas venues aujourd'hui ? l ' interrom-

    pis-je, essouffle.

    - Pardon ?J'avais parl tellement vite qu'elle n'avait r ien

    compris.

    -Judith Woodstock et Anna Gelley, rptai- je, le

    cur battant. Pourquoi sont-elles absentes ?Les yeux ples d 'Audrey exprimrent de la surprise.

    - Judith et Anna n'ont pas pu venir en classe...Elle parut triste et baissa les paupires.

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    - E l les sont absentes pour au moins une semaine,expliqua Audrey.

    J'tais paralyse :

    - Comm en t ? Qu 'est -ce que vous dites ? E l les sont...quoi ?

    - Elles sont alles chez le mdecin. Leurs mres ont

    appel ce matin. Elles ont une sorte de grippe et sonttrop fatigues pour venir en classe.

    Je poussai un soupir. Heureusement, Audrey taitoccupe fermer la porte et elle ne remarqua pasmon angoisse. Puis elle nous quitta prcipitamment.

    - On sait au moins qu'elles ne sont pas mortes, fis-je

    remarquer.- Tu as russi me flanquer la trouille, avoua Nic. Tu

    vois, elles ont juste la grippe. Je suis sr que les

    mdecins...

    - Mais non, elles n'ont pas la grippe. Tout a, c'est laconsquence de mon vu.

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    - Appel le -l es demain. Tu verras, elle iront dj beau-coup mieux.

    - Je ne peux pas attendre. Il faut que je fasse quelque

    chose pour les empcher de s'affaiblir de plus enplus, jusqu' ce qu'elles rabougrissent et qu'ellesmeurent.

    - Calme-toi ! Il faut qu'on aille en cours. Je pense

    que tu te fais du mouron pour rien, Sam. Attendonsdemain.

    - E l l e m' a dit que j' av ai s droit trois voeux, bre-douillai-je sans couter Nic. Je n'en ai fait qu'un...

    - Sam, Sam, tu drailles compltement.

    - Il faut que je retrouve cette trange femme. Il le

    faut absolument. Je peux supprimer mon premiersouhait ! Elle a dit que j'avais droit trois vux,

    donc le deuxime peut annuler le premier, non ?Cette simple possibilit me rconforta.

    - Et comment vas-tu la retrouver ? demanda Nic.

    Je ne sus que rpondre.

    Le problme tait bien l !

    Comment allais-je la retrouver ?

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    Tout l'aprs-midi je ne pensai qu' a. Je ne suivis

    rien de ce qu i se passait en classe. la fin de la jour-

    ne, nous emes un contrle de grammaire. Je regar-

    dais les verbes comme si c'tait du chinois !

    Au bout d 'un certain temps, j 'entendis le professeurm'appeler. Il tait debout devant moi et avait d rp-

    ter mon nom plusieurs fois avant que je comprenne

    qu'il s'agissait de moi.

    - a ne va pas, Sa m ? s 'inquita -t- il . Tu n'as tou-

    jours pas commenc ton analyse grammaticale.

    - Je ne me sens pas trs bien, avouai-je. M a is a ira ...Je mentais. a ne pouvait pas aller tant que je

    n'aurais pas fait annuler le mauvais sort que Cla ri ssa

    avait jet ! Oui, mais o la retrouver ? O ?

    Aprs l'cole j ' a l l a i l'entranement de basket. Tout

    le monde tait absent et la sance fut supprime.

    C'tait cause de moi. Il n'y avait personne causede moi.

    Je pris ma veste et claquai la porte du gymnase.

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    J'tais dprime. Soudain, une ide me traversa

    l'esprit.

    Il fallait que je retourne dans les bois, l o j'avais

    rencontr la femme. C 'e st l que je la retrouverais. Jele pressentais. C'tait probablement son lieu de ren-

    de z- vo us . Peut-tre q u ' e l l e m ' y attendait ? Je

    m'encourageais : Elle sait que je veux la revoir.

    Comment n'y ai-je pas pens plus tt ?

    Un peu ragaillardie, je courus vers la sortie du col-

    lge. Le hall tait presque vide.Brusquement un visage famil ier s'encadra dans

    l'embrasure de la porte. C'tait celui de ma mre.

    Elle me fit un signe de la main. Elle portait une cas-

    quette de laine rouge et blanche sur ses cheveux

    blonds, coups court. Bien que ne faisant plus de ski

    depuis des annes, elle avait mis sa doudoune.- M aman , qu 'est -ce que tu fais ic i ?

    - Tu as oubli le docteur Stone ? s'tonna-t-elle, agi-

    tant les cls de sa voiture.

    - L'orthodont iste ? A uj ou rd' hu i ? Ma i s je ne peuxpas. C'est impossible.

    - Il faut y aller, rtorqua ma mre d'un ton ferme. Tusais quel point c'est difficile d'obtenir un rendez-

    vous !

    Elle me saisit par la manche de mon blouson.

    - Je ne veux plus porter d'appareil, grognai-je, tout

    en me rendant compte que j'tais en train de me

    conduire comme un bb.

    - Tu n'en auras peut-tre plus besoin. On fera ce que

    le docteur dcidera.

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    -Mais , maman, j 'a i . . . j 'a i . . .

    Je cherchais une excuse.

    - Je ne peux pas y aller. Je suis venue vlo ! lan-

    ai-je en dsespoir de cause.- Apporte-le ici et mets-le dans le coffre, ordonna-

    t-elle sans sourciller.

    Il n'y avait rien faire. Je devais y aller, je n'avais

    pas le choix. Quelle dveine !Chez le docteur Stone, mon obsession m'envahit de

    nouveau. Et, malgr les paroles rconfortantes deN i c , je me reprsentais Judith et Anna maigrissant,s' af fa ib l i ss an t, dprissant ! Je ne pouva is pas

    chapper ces images. Je m'imaginais au basket,

    dribblant comme une agite, pendant que Judith etles autres restaient allonges sur le sol, tchant de

    suivre la partie, mais trop puises pour soulever leurtte !

    Ce soir-l, aprs le dner, je me sentis tellement mal

    que je tlphonai Judith, pour la premire fois dema vie. Sa mre me rpondit. E l le paraissait fatigue

    et tendue :

    - All ! Qui est l ?Je faillis raccrocher, mais je me prsentai tout de

    mme :

    - J e suis une amie de classe de Judi th , Samantha

    Piaf. Tu parles d'une amie !

    - Je ne sais pas si Judith pourra te rpondre. Elle esttrs fatigue.

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    - Qu'a dit le docteur ?

    -Attends, je vais voir comment e l le se sent,

    enchana madame Woodstock sans rpondre ma

    question.Je patientai ; j'entendis des murmures et la musique

    d'un dessin anim.

    - La voil, annona la mre de Judith. Mais ne parlez

    pas trop longtemps.

    - All, dit Judith d'une petite voix fluette, une voix

    de toute petite fille !- C'est moi, Sam, rpondis-je, essayant de cacher le

    tremblement de mes lvres.

    - Sam ? soupira-t-elle.

    - Comment vas-tu ?

    - Sam, quel sort nous as-tu jet ?

    a alors ! Comment avait-elle devin ?

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    - Qu'est-ce que tu veux dire par l ? bredouillai-je.

    Tu es devenue folle ou quoi ?

    -Toutes les f i l les sont malades. Anna, Arlne,Chris... Toutes sauf toi !

    - a ne veut pas dire...- S i , je pense que tu nous as bien jet un sort !m'interrompit-elle.

    Elle semblait srieuse.

    J'espre que tu vas mieux, risquai-je. Au revoir, Piaf !

    Elle me raccrocha au nez. Mduse, je reposai letlphone. Pensait-elle vraiment ce qu'elle avait dit ?

    E l le m'avait paru vraiment puise, comme sans vie.

    Je me sentais toujours coupable et furieuse aussi.

    Elle savait tellement bien me mettre en rage ! Mais,

    cette fois, je devais ravaler ma colre. Tout a tait de

    ma faute.Il fallait que je me dbrouille toute seule pour librer

    Judith, Anna et les autres de cet affreux sortilge !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Le lendemain matin, Judith et Anna taient, comme

    prvu, toujours absentes. l'heure du djeuner, je demandai Nic s ' i l voulait

    venir avec moi la sortie pour chercher mon trangesorcire.

    - Jamais, affirma-t-il en secouant la tte. Elle va me

    transformer en crapaud ou en n'importe quoi d'autre.- N ie , sois genti l, prends les choses au srieux.

    Je criai presque et plusieurs lves se retournrent.

    - a suf fit , s'nerva Nic en rougissan t sous sacasquette.

    - Dsole, je suis vraiment dsole. Mais, tu sais, je

    suis trs inquite.

    Mes suppliques restrent vaines. Il refusa de venir,prtextant qu'il devait aider sa mre nettoyer la

    cave. Quelle drle d'ide de nettoyer une cave enplein hiver ! Nic ne voulait pas croire mon histoire

    de vux et d'ensorceleuse. Je pense surtout qu'il

    n'tait pas rassur.

    Moi aussi, j 'avais peur. Seulement j 'avais encoreplus peur de ne pas trouver Clarissa !

    Aprs la classe, je sautai sur mon vlo et fonai versles bois de Jefferson. C'tait une fin d'aprs-midi

    grise et morne, comme d'habitude. La pluie mlan-

    ge de la neige menaait de tomber. Tout rappelait

    trangement ma premire rencontre avec Clarissa.

    Des copains de classe me hlrent, mais je passai

    devant eux sans mme les regarder. Je me penchaisur le guidon, pdalant le plus vite possible.

    Quelques minutes plus tard, je me retrouvai dans une

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    avenue. Elle dbouchait sur des arbres dnuds qui

    formaient un mur sombre, plus sombre encore que le

    ciel charg de lourds nuages.

    - Pourvu qu'elle soit l, pourvu qu'elle soit l ! rp-tai-je au rythme de mes coups de pdales.

    Soudain, je l'aperus sur le bord de la route. Mon

    coeur bondit dans ma poitrine.Elle m'attendait.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Mon cur battait de peur et d'excitation tandis que je

    m'approchais. La sorcire me tournait le dos et ne

    me vit pas arriver. Elle portait cette fois un bret enlaine pourpre et un long manteau noir qui lui descen-

    dait jusqu'aux chevilles.Je freinai. Mes pneus crissrent sur les graviers.Je l'interpellai, hors d'haleine :

    - Il faut que je fasse un autre vu...

    Elle se retourna, et j'eus un haut-le-corps !Son visage tait jeune, couvert de taches de rousseur.

    Ses cheveux taient courts, blonds et boucls. Cen'tait pas Clarissa !

    - Pardon ? Que dites-vous ?

    - Oh ! dsole, bgayai-je. Je vous ai prise pourquelqu'un d'autre.

    J'tais tellement confuse que je restais l, sans savoir

    quoi faire.Derrire elle, deux enfants jouaient au Frisbee.

    - Ne le lance pas si fort, Tom. Ta sur ne peut pas le

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    rattraper ! Vous tes-vous perdue ? me demanda-t-elle gentiment.

    - N o n , ce n'est r ien. Ex cusez- moi de vous avoir

    drange.Je dmarrai et roulai vers la maison. Quelle dcep-

    tion ! J 'avais t tellement sre que Clar issa serait l.

    O pouvait-elle bien se cacher ? Peut-tre la trouve-rais-je sur la route de Madison que je lui avais indi-

    que ? Il fallait que j'y aille.

    a faisait un bon bout de chemin, mais au point oj ' e n tais.. . Je fis demi-tour. Le vent s'tait lev et le

    froid me transperait.

    Malgr la bruine, je vis de trs loin que Clarissa ne

    tranait pas l-bas. Je distinguai seulement deuxchiens galeux. Je parcourus la rue dans les deux sens

    plusieurs fois, foui l lant du regard les v iei l lesbaraques des environs. Je perdais mon temps. J'tais

    compltement gele, mes mains taient totalement

    engourdies, des larmes glaces coulaient le long demes joues.

    - Laisse tomber, Sam ! me rsignai-je tout haut.Le ciel devenait de plus en plus charg. Une tempte

    se prparait. Dcourage, je rebroussai chemin etpdalai furieusement vers le centre ville, faisant

    attention garder mon vlo droit, malgr les bour-

    rasques. Je m'arrtai la hauteur de la maison de

    Judith, une grande btisse perche sur une pente engazon.

    Et si je passais prendre de ses nouvelles ? Je pour-rais aussi me rchauffer un peu , pensai-je.

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    Toute tremblante, je traversai le boulevard et posai

    mon vlo contre le mur. Puis, en frottant mes mains

    pour faire circuler le sang, je remontai l'alle et

    sonnai.Mme Woodstock parut trs surprise de me voir l par

    un temps pareil. Je me prsentai et lui demandai o

    en tait sa fille.

    - Son tat est stationnaire, soupira-t-elle.

    Elle avait les mmes yeux verts que Judith, mais ses

    cheveux taient gris. Elle me fit entrer. Une agrableodeur de poulet grill flottait dans le salon. Je me

    rendis compte alors que j'avais faim. Mme Wood-stock appela dans les escaliers :

    - Judith, tu as une visite.J'entendis une vague rponse.

    -Monte, m'encouragea la mre de Judith en memettant la main sur l'paule. M a i s tu es gele !

    Attention ne pas tomber malade, toi aussi.

    Je trouvai la chambre de Judith au bout du couloir.

    J'hsitai entrer et jetai un coup d'il travers laporte entrebille.

    L'clairage de la pice tait tamis. Judith tait cou-che. Sa tte reposait sur plusieurs oreillers. Des

    livres et des magazines ainsi que des cahiers de

    classe taient parpills sur son lit, mais elle ne lisait

    pas. Son regard tait fixe.

    - La cigogne, gmit-elle en me voyant.

    Je m'approchai, m'efforant de sourire :- Comment a va ?

    - Qu'est-ce que tu fabriques ici ? dit-elle d'une voix

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    rauque en me regardant froidement.

    -Je... je faisais du vlo, bgayai-je.

    Sa colre m'effraya.

    - Faire du vlo, par un temps pareil ?Elle parvint difficilement se caler dans les cous-

    sins. Elle me dvisagea d'un air souponneux.

    - J e voulais juste savoir comment tu allais ...

    - Pourquoi tu ne t'envoles pas une fois pour toutes,

    Piaf, gronda-t-elle mchamment. Pour qu'on ne te

    revoie plus jamais !- Quoi ?Soudain ses lvres se crisprent et elle m'accusa :

    - Tu es une sorcire, une vraie sorcire !

    Comment pouvait-elle penser des choses pareilles ?J'tais abasourdie. Elle ne plaisantait pas. Elle tait

    persuade de ce qu'elle disait !- Tu nous as jet un sort, j'en suis sre.

    - Qu'est-ce que tu racontes ?

    - L'anne dernire on a eu un expos sur les sor-

    cires, susurra-t-elle. Et on a tudi tous ces phno-mnes tranges.- Mais... tu es devenue compltement folle !

    - Tu tais jalouse de mo i , Sam. De mo i , d ' A nna et de

    toutes les autres.- Et alors ? rpliquai-je, furieuse.

    - Alors, d'un coup, toutes les Mustang sont tombes

    malades. Et toi, tu vas bien ! Tu me suis ?

    - coute, Judith...

    - Tu es une sorcire ! hurla-t-elle.Sa gorge palpita et elle se mit tousser.

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    -Judith, tu dis n' importe quoi. Comment veux-tu

    que je sois une sorcire ? Je suis dsole que tu soissouffrante, vraiment... Mais...

    - Tu es une sorcire, conf irma-t -e lle toute enroue.J'en ai parl aux autres. Elles sont toutes d'accord.Un point c'est tout.

    J'tais hors de moi. Un mal de tte me gagnait. Je

    serrais les poings de rage.Judith en avait parl toutes les copines en rpandant

    le bruit que j'tais une jeteuse de sort. Commentavait-elle pu me faire a ?

    - Une sorcire, une sorcire, chantonna-t-elle.

    Soudain, je perdis patience :

    - Judith, je n'aurais jamais fait a si vous n'aviez pas

    t aussi horribles avec moi !

    Q u e ve na is - j e de fair e ? Tout si mp le me nt dereconnatre que j'tais responsable de leur maladie.

    Que ll e erreur impardonnable ! J'avais avou que

    j ' ta is bel et bien une... sorcire !

    - Je le savais, croassa Judith.Elle pointa un doigt accusateur sur moi. Ses yeux

    brillaient d'excitation.Soudain, Mme Woodstock surgit :

    - Que se pa ss e- t- i l ? Po u r q uo i tous ces c ri s ?

    s'alarma-t-elle, nous regardant tour tour.

    - C'est une sorcire, une sorcire ! Elle a avou.- Judith, ta voix ! Arrte ! lui intima sa mre.

    Puis elle se tourna vers moi :

    - Je crois que ma fille dlire. Je t'en prie, n'y prte

    pas attention !

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    - C' est une sorcire, e lle l 'a avou, c'est une sor-

    cire, continuait Judith.

    - Je t'en pr ie , calme-toi ! Tu dois mnager tes forces,

    supplia Mme Woodstock.- Je suis dsole, je m'en vais, m'excusai-je en sor-

    tant reculons.

    Je descendis les escaliers quatre quatre et m'en fu is

    dans la rue.- Une sorcire, une sorcire...

    Les cris de Judith me poursuivaient encore.Je me sentais blesse, humilie et surtout en colre.

    Bref, j'tais sur le point d'exploser !

    - Je souhaite que Jud ith disparaisse, et pour de bon !lanai-je.

    - Trs bien , approuva quelqu 'un derrire mo i .

    Je me retournai promptement et vis... Clarissa. Elletait debout et ses longs cheveux noirs flottaient dans

    le vent. Elle brandissait sa boule luisante. Ses yeux

    lanaient des flammes.- J'annule ton premier vu, ricana-t-elle de sa voix

    chevrotante. Le deuxime sera exauc !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    - N o n ! criai- je.Clarissa sourit, replaa son chle sur sa tte et fit

    demi-tour.

    Je courus derrire elle en hurlant :- Attendez, je ne souhaite pas a du tout. Je ne savais

    pas que vous tiez l !

    Je trbuchai sur une pierre et me tordis le pied.

    Quand je relevai la tte, elle avait disparu.

    Aprs le dner, Ron accepta de s'exercer au basket.Seulement il faisait trop froid. Il commenait mme

    neiger. On se dcida donc pour une partie de ping-

    pong.

    C'e st assez di ff ic ile d 'y jouer dans notre cave, car leplafond est si bas que la balle le touche souvent et

    rebondit n'importe o. Punkin adore lui courir aprs

    pour l'attraper.Le ping-pong est le seul sport qui m'amuse vrai-

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    - Quelle tratresse ! grondai-je voix haute. Elle m'a

    eue. Je ne savais pas que je formulais un nouveausouhait.

    Clarissa avait trich. Elle m'avait jou un sale tour.Elle tait sortie de nulle part, sans prvenir. C'tait

    franchement ignoble.Je me regardai machinalement dans le miroir.

    J'essayai de coiffer un peu mes cheveux. Mais il n'y

    avait pas grand-chose en faire. Je commenai par

    les tirer en arrire. Puis je me fis une raie au milieu,en les laissant retomber sur les oreilles. Je ressem-

    blais un cocker, c'tait affreux ! Tout a ne m'aida

    pas me changer les ides. Je refis ma queue de che-va l, puis la brossai un long moment. E n f in , dcoura-

    ge, je soupirai, et marchai de long en large.

    Je n'a va is qu 'u ne seule ques ti on en tte : cedeuxime vu s'tait-il ralis comme le premier ?

    Avais-je fait disparatre Judith ?

    Certes, je la hassais, mais je n'aurais jamais vouluqu'elle s'vanouisse... pour de bon. En gmissant, je

    me jetai sur mon lit. Que pouvais-je faire ? Il fallait

    absolument que je sache comment allait Judith.Je dcidai de l'appeler, juste pour voir si elle tait

    chez elle.

    D 'u ne ma in tremblante je pris le rcepteur et compo-

    sai le numro. Je dus m'y reprendre trois fois. Monestomac tait nou, j'avais mal au ventre. Le tl-

    phone sonna une fois... deux fois... trois fois. Pas de

    rponse.S'tait-elle vraiment vapore... ?

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    - E l l e doit tre sortie, murmurai-je au quatrime

    coup.

    Un frisson d'pouvante descendit le long de ma

    colonne vertbrale.

    la cinquime sonnerie, quelqu'un dcrocha enfin.Je reconnus sa voix :

    -A l l , a l l ? Jud i t h?

    - Qui est l ? demanda-t-elle.

    Je raccrochai brutalement. Mon cur battait la cha-

    made, mes mains taient glaces.

    Je poussai un soupir de soulagement. Judith taitbien l, elle n'avait pas disparu de la surface de la

    terre. De plus, sa voix semblait tout fait normale.

    Ni rauque, ni fa ible, juste aussi mchante que d'habi -tude. Pourquoi ?

    Qu'est-ce que a pouvait bien vouloir dire ? J'allais

    d'un bout l'autre de la pice en essayant de

    comprendre. La seule chose dont j'tais sre, c'est

    que ma deuxime demande n'avait pas fonctionn !

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    Un peu rassure, je me couchai et plongeai imm-diatement dans un sommeil profond et sans rves.

    Lorsque j'ouvris les paupires, un ple rayon desoleil traversait les rideaux. Rvant encore moiti,

    je repoussai les couvertures et m'ass is . Je jetai

    machinalement un coup d ' il mon rveil : huit

    heures et demie !

    Sans y croire, je me frottai les yeux et vrifiai sur ma

    montre. Il tait bien huit heures et demie !- Hein ? criai-je en essayant d'claircir ma voix.

    Maman me rveillait tous les matins sept heures et

    demie pour que je sois l'cole huit heures et

    demie.

    - Que se passe-t- il ? Je vais tre en retard. Eh !

    M am an ! M am an ! appelai- je en sautant hors dulit.

    Comme tous les jours de la semaine, je m'emmlai

    les pieds.- M a m a n , je suis en retard ! conti nuai -je me

    lamenter.N'entendant aucune raction, je me dshabillai, jetai

    ma chemise de nuit et cherchai rapidement un T-shirt

    et un jean.

    - Hou-hou, Maman, Ron ! Vous dormez toujours ?

    Papa quitte gnralement la maison vers sept heures

    et j'entends ses va-et-vient. Mais ce matin, tout tait

    silencieux. Je terminai de m'habiller, me brossai les

    cheveux en regardant mon visage encore endormi

    dans la glace.

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    - O tes-vous ? Pourquoi ne m'a- t-on pas rvei l-

    le ? On n'est pas dimanche ?J'ouvrais grand les oreilles en enfilant mes baskets.

    Je n'entendais pas la radio dans la cuisine. C'est bizarre... Maman est toujours branche sur

    les infos. On se bagarre ce sujet tous les matins.

    E l le veut couter les nouvelles, mo i la musique. M a i s

    aujourd'hui, il n'y a pas un bruit en bas ! C'tait anormal...

    - Oh, il faut que je fasse m on petit djeuner ouquoi ? protestai-je.

    Aucune rponse.

    A lo rs , je fonai vers la chambre de mon frre. E l letait ferme.

    - Ron, tu dors encore ?Je donnai un coup de poing sur la porte.

    - Rveille-toi !Le silence tait total.

    J'ouvris. La chambre tait sombre. Un rai de lumire

    passait travers les volets. Les draps taient impec-cablement bords. Ron tait donc dj parti. Maispourquoi avai t-il fait son lit ? C'tait bien la premire

    fois de sa vie qu'il prenait cette peine.- Maman , appelai-je en me prcipitant dans les esca-

    liers. Qu'est-ce qui se passe ici ?

    Je trbuchai encore une fois et manquai de tomber.

    Et de deux. Pas mal pour un dbut de journe !

    La cuisine tait dserte. Pas de maman, ni de Ron, nide petit djeuner ! Peut-tre avaient-ils d s'en aller

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    trs tt ? Ils m'avaient certainement cri t un petit

    mot. Je cherchai partout. Mais rien, nulle part ! Intri-

    gue, je consultai la pendule : huit heures trente-

    cinq.- M a i s pourquoi ne m'a -t-on pas rveille ? Pour-

    quoi sont-ils partis sans rien dire ?

    Je me pinai pour voir si je ne rvais pas. Non, touttait malheureusement vrai !

    - Y a quelqu'un ? insistai-je.

    Ma voix rsonna dans la maison vide.J'attrapai mon blouson en courant. Il fallait que je

    file au collge. Ce mystre s'claircirait de lui-mme

    plus tard.Je remontai l'escalier quatre quatre pour chercher

    mo n sac dos. Malg r mo n inquitude, j' av ai s fa im .Je me conso la i : B o f ! Je me rattrapera i la

    cantine.

    Dix secondes plus tard, j'tais dehors. Je filai cher-

    cher mon vlo dans le garage, j'ouvris la porte et

    stoppai net : la voiture de papa tait toujours l ! Iln'tait donc pas au travail.L'angoisse m'treignait de plus en plus.

    O tait passe ma famille ?

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    le rentrai comme une folle et tlphonai au bureau

    de mon pre. Personne ne rpondit.

    En regardant l'horloge de l'entre, je m'aperus que

    j 'avais dj sept minutes de retard. Il me fallait un

    mot d'excuse. Mais qui allait me l'crire ?Af fole, je ressortis et gr impai sur ma bicyclette.

    M i e u x vaut alle r au collge , me rsigna i-je .

    J'tais inquite mais surtout trs intrigue. J'appel-

    lerai papa ou maman aprs les cours.

    Tout en pdalant, je rlais un peu. Ils auraient pu meprvenir quand mme ! Les rues taient trangement

    calmes : pas de voitures, pas d'enfants. Je conclus

    que tout le monde tait son bureau. J 'ar r ivai au co l -

    lge en un temps record.

    Bizarre ! Je n'tais pas aussi rapide d'habitude !

    Je garai mon vlo, rajustai mon sac sur les paules etpntrai en courant dans le hall. Les couloirs taient

    sombres et vides. J'entendais l'cho de mes proprespas sur le sol.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Je jetai mon manteau dans le vestiaire et claquai la

    porte. Il y eut comme un bruit d'explosion dans le

    corridor dsert. Tous ces couloirs obscurs donnaient

    la chair de poule.Je me prcipitai dans ma classe.

    Ma mre a oubli de me rveiller ! Ce n'est pas ma

    faute. C'tait l 'excuse que j 'ava is invente. Ce

    n'tait d'ailleurs pas une excuse, c'tait la pure

    vrit.

    Mais je n'eus rien dire Sharon. En ouvrant laporte, je reus un nouveau choc : pas d'lves, pas de

    Sharon.

    Les lumires taient teintes, les devoirs d'hier

    taient encore inscrits au tableau !

    - Incroyable ! laissai-je chapper.

    Je ne savais pas ce moment-l quel point a leserait. Je frissonnai un instant en regardant ce spec-

    tacle.

    Ils doivent tous tre au foyer.

    Je rebroussai chemin, galopai jusque-l. Je passai

    devant la salle des profs. Elle tait ouverte et aban-donne elle aussi.

    Peut-tre sont-ils tous en assemble ?

    Quelques minutes plus tard, j'ouvris toute grande la

    double porte du foyer et scrutai l'obscurit. L aussi

    ne rgnait que le silence.

    Je me mis alors cour ir dans le hal l, affole, m'ar r -

    tant devant chaque pice pour vrifier s'il y avait

    quelqu'un. J'tais la seule personne vivante dans toutl'tablissement. Pas un enfant, pas un professeur !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Je vrifiai aussi la loge du concierge en bas. Rien.

    J'avais l'impression de perdre la raison. O taient-ils passs ?

    J'avais la gorge serre. Je mis ma carte dans le tl-phone public et appelai chez moi. Le tlphonesonna dix fois. Personne ne dcrocha.

    Je hurlai dans le corridor :

    - Mais o tes-vous donc tous ?

    En guise de rponse, j 'entendis l 'cho de mes

    propres mots.- Que lq u 'un m'entend ? appelai-je en plaant mesmains en porte-voix.

    Toujours rien.

    Soudain, j'eus horriblement peur ! Il fallait que je

    sorte de ce btiment ensorcel. Ensorcel... ! J'attra-

    pai mon blouson et fonai jusqu'au garage vlos.L je m'aperus qu'il n'y en avait qu'un seul : le

    mien. Dans ma hte, je n'avais rien vu , rien remarquen arrivant tout l'heure.

    J'enfilai mon blouson, mis mon sac dos et partis

    toute allure vers la maison.

    La scne de tout l'heure se rpta. Il n'y avait per-sonne dans la rue.

    - Mais c'est incroyable ! hurlai-je.

    J'avais les jambes lourdes comme du plomb. Pani-

    que, j ' tai s compltement panique. M o n cur bat-

    tait tout rompre. Je cherchais dsesprment

    quelqu'un qui parler ! mi-chemin de chez moi , je fis demi-tour et medirigeai vers la mairie. Le centre commercial tait

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    juste une centaine de mtres du collge. Je roulais

    au beau milieu de la rue. Pourquoi pas ? Puisqu'iln'y avait aucune circulation. Je passai devant la

    banque, l'picerie, les boutiques qui bordaient l'ave-nue en pdalant aussi vite que possible. Tout taitsinistre et abandonn.

    Il n'y avait pas me qui vive !Je m'arrtai en face du Grand Magasin et sautai de

    mon vlo. Il tomba avec fracas sur le trottoir. Je mar-

    chai le long du mur, tendant l'oreille. Le seul bruitprovenait d'un volet que le vent faisait claquer au-

    dessus de la devanture du coiffeur !

    Je criai du plus fort que je pus :

    - He-ho, he-ho, hoo !Puis j'allai frntiquement de boutique en boutique.

    Je pressais mon visage contre les vitres afin de scru-ter l'intrieur. Je cherchais comme une folle un tre

    vivant. Je remontai les deux cts de l'avenue. Mon

    angoisse augmentait chacun de mes pas, devantchaque vitrine teinte !- Quelqu'un m'entend ? He-hooo !

    Pas le moindre signe de vie...Debout au milieu de la chausse, fixant tous ces

    magasins sombres, je compris que j ' ta is rellement

    seule.Toute seule au monde !

    A lo rs , c'est a, le vu s'est ac comp li ! Judi th adisparu, et la terre entire avec elle ! Tous, mon pre

    et ma mre, mo n frre R o n . Tous ! Et peut-tre ne les

    reverrai-je jamais !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Je m'effondrai devant le salon de coiffure, me tor-

    dant les mains de dsespoir. Je tremblai comme une

    feuille. Et maintenant qu'allais-je devenir ?

    J'tais lamentable !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Je ne sais pas combien de temps je suis reste assise

    ainsi, les bras serrs sur la poitrine, la tte baisse,fige comme une statue. Le vent soufflait dans la

    ville dserte, le volet battait imperturbablement.

    Soudain, je me souvins que je n'avais rien mangdepuis la veille au soir. Je me levai, l'estomac criant

    famine.

    - Comment peux-tu penser manger alors que tu te

    retrouves abandonne de tous ? me dsesprai-je.C'tait un peu rconfortant d'entendre parler, mme

    si ce n'tait que moi.- Je meurs de faim, m'exclamai-je.

    Comme une idiote, je guettai une rponse. videm-

    ment, elle ne vint pas ! Je cherchais me redonner du

    courage.

    - De toute faon, c'est la faute de Jud ith, murmu-rai-je en retournant chercher ma bicyclette.Je roulai jusqu' la maison. En passant devant chez

    les Carter, au coin de la rue, j'esprais que leur ter-

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    rier blanc viendrait aboyer comme toujours aprs

    mes roues. M a is il n' y avait plus un seul ch ien !

    Mme mon pauvre Punkin avait disparu.

    Sur cette terre il ne restait que moi, Samantha Piaf !

    peine rentre chez moi, je me fis un norme sand-

    wich au jambon.

    Je l'avalai toute vitesse en regardant machinale-

    ment le paquet de beurre. Il n'en restait presque plus.

    Comm en t allais-je me nourrir ? Qu' al la is -je fairequand il n'y aurait plus de provisions ?

    Je remplis un verre de jus d'orange, mais n'en bus

    que la moiti, pour conomiser.

    Je n' ai qu ' me servir chez l'picier. Je ne prendrai

    que ce dont j'aurai besoin ! me dis-je. Ce n'est pas

    du vol, puisqu'il n'y a plus personne, plus personnenulle part.

    D'ailleurs a n'avait pas d'importance. Rien n'avait

    d'importance. Les ides se bousculaient dans ma

    tte.Comment faire ? Je n'avais que douze ans.

    Je sentais que j 'a l la is sangloter. Je dcidai de me pr-parer un autre sandwich, et l'envie de pleurer me

    passa. Brusquement je pensai Judith. Ma tristesseet ma peur se transformrent en fureur.

    Si cette Judith ne s'tait pas tout le temps fichue demoi, si elle n'avait pas pass son temps me taquiner

    et ricaner et si elle n'avait pas rpt longueur dejourne : Va donc, eh, Piaf. Envole-toi ! , rien de

    tout cela ne serait arriv. Si elle ne m'avait pas dit

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    toutes ces mchancets, jamais je ne lui aurais jet

    un sort. Et je ne serais pas l'unique survivante deMontrose.

    - Judith, je te hais ! hurlai-je.Soudain, j'entendis un bruit. Je tendis l'oreille... Un

    bruit de pas.

    Quelqu'un marchait dans le salon.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Je russis avaler le reste de mon sandwich et cou-

    rus, toute joyeuse.- Maman ? Papa ?

    Ils taient revenus, enfin !

    Mais non, ce n'tait pas eux. leur place je vis Clar issa debout au mi l ieu de la

    pice. Ses cheveux noirs semblaient plus clai rs. E l le

    arborait un gentil sourire. Son chle rouge molle-

    ment drap sur ses paules enveloppait une longueveste en cuir. En dessous elle portait une blouse

    blanche avec un col officier.- V o u s ! C'es t vous ! haletai-je. Commen t tes-vousentre ?

    Elle haussa les paules sans me rpondre. Je ne pusrprimer ma colre :

    - Pourquoi m'avez-vous fait a moi ? Commentavez-vous pu faire une chose pareille ?

    - J e n' y suis pour r i en , tu sais, rp l iqu a-t- el letranquillement.

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Elle s'avana vers la fentre. Dans la clart du matinsa peau paraissait encore plus ple et ride qu'avant.

    Elle avait l'air plus vieille, plus rabougrie.

    - M a i s enfin... , bredouil lai- je.Je n'arrivais pas trouver mes mots.

    - C'est ton vu... Il s'est accompli.

    - M a i s je n'a i jamais voulu que ma famill e dispa-

    raisse ! grondai-je, m'avanant vers elle les poingsserrs. Ni que tout le monde meure... C'est vous qui

    avez fait a, vous seule !- T u as vou lu que Judith Woodstock s'vanouisse.J'ai exauc ton vu du mieux que j'aie pu !

    - Vous m'avez pige, compltement pige !

    Elle eut un petit rire narquois :

    - La magie est souvent imprvisible. Je pensais bien

    que tu ne serais pas contente, c'est pourquoi je suisrevenue. Tu peux en faire encore un. Maintenant, situ veux.

    - O h , oui ! exp losai- je. Je veux que ma fam il le

    revienne, que tous reviennent, je...

    - Fais bien attention, prvint-e lle en tirant la boulerouge de son sac. Rflchis bien, c'est le dernier. Je

    ne veux pas qu'il te rende malheureuse.

    J'al la is rpliquer, mais je me retins. E l le avait raison ,

    il fallait tre prudente. Cette fois-ci je n'avais pas le

    droit de me tromper, ni dans la teneur du souhait, ni

    dans la manire de le formuler.

    - Prends ton temps, m'exhorta-t-elle doucement. Je

    rpte : c'est ton dernier vu. Il sera dfinitif, celui-l !

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Je croisai son regard. Ses yeux passrent du noir aurouge, rflchissant la lueur de la boule de cristal qui

    reposait dans sa main. Je me concentrai trs fort.

    Faire un vu, faire un vu, ce n'tait pas si facileque a.

    Que devais-je souhaiter ?

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    Des nuages passaient devant le soleil, il n'y avait

    presque plus de lumire dans le salon . Dans cet cla i-

    rage tamis, la figure de Clarissa s'assombrit aussi.De profondes rides se formrent sous ses yeux, sur

    son front. Elle se fondait dans l'obscurit.

    -Voil quel est mon vu, annonai-je tout bas,

    d'une voix tremblante.

    Je parlais lentement, faisant attention chacun de

    mes mots. Cette fois-ci, je ne voulais pas faire degaffe. Et je ne voulais pas non plus lui laisser uneseule chance de me piger.

    - Je t'coute , murmura-t -el le.Son visage tait devenu presque noir. Seu ls ses yeux

    luisaient, aussi rouges que des flammes. Je m'cla ir-cis la gorge et inspirai profondment :

    -Voil quel est mon vu, rptai-je, essayant de

    gagner du temps. Je veux que tout revienne comme

    avant, que tout soit normal, sauf...J'hsitais. Devais-je aller jusqu'au bout ?

  • 8/9/2019 20 Souhaits Dangereux

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    - Je veux que tout redevienne comme avant. Seule-

    ment j'aimerais en plus que Judith m'adore et trouve

    que je suis la fille la plus chouette qui ait jamais

    exist.- T o n troisime vu sera exauc et le deuxime

    annul, promi t-el le , levant la boule. La journe

    recommencera comme si de rien n'tait. Au revoir,Samantha.

    - Au revoir, rpondis- je, soulage.

    Je fus absorbe par la lueur rouge.Quand elle s'vanouit, Clarissa avait disparu.

    - Sam, Sam. Debout, vite dbarbouille-toi ! ordon-

    nait ma mre d'en bas.Je me redressai sur mon lit, frache comme une rose.

    - Maman, m'exclamai-je joyeusement.Tout m