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22BiotopesBiotopesLesLes

de Bleherde BleherGrandeur Nature / Grandeur AquariumGrandeur Nature / Grandeur Aquarium

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Sommaire

Éditorial 3

AFRIQUERépublique démocratique duCongo : Kasuku – À la 4recherche de NanochromisdimidiatusTexte : Heiko Bleher

AMÉRIQUEBrésil: Rio Iriri 28Texte : Heiko BleherPhotos de l’auteur, sauf mention contraire

ASIEInde: Assam 56Texte et photos: Heiko Bleher

AUSTRALASIEPapouasie-Nouvelle-Guinée :Kutubu 78Texte et photos: Heiko Bleher

BIOTOPE MARINIndonésie: Détroit de Lembeh 104Texte: Franco Banfi et AquapressPhotos: Franco Banfi

AQUARIUMS BIOTOPESPotamotrygon 118Symphysodon 122Texte et photos: Heiko Bleher

AFRIQUEAFRIQUE

Kasuku The search for Nanochromis dimidiatus

ASIEASIEAssam

BIOTOPE MARINBIOTOPE MARINDDééttrrooiitt ddee LLeemmbbeehh

AMÉRIQUEAMÉRIQUE – Rio Iriri AUSTRALASIEAUSTRALASIE

Kutubu

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Le Bleher des Discus – La MonographieUne étude inégalée et exhaustive

du genre SymphysodonPour ce qui est de savoir si c’est l’Empereur Napoléon ou le Prince von Metternich qui est à l’origine de la découverte originale du di -scus, c’est plutôt au lecteur de se faire sa propre opinion, mais pour le reste, ce travail de plus de 1 300 pages – en deux tomes – évite tou-te ambiguïté. À travers ce premier tome – et ses près de 5 000 photos, peintures, dessins ainsi que sa cinquantaine de cartes – Heiko Ble-her vous invite en préambule à suivre le cours finement détaillé de plus de 150 ans de découvertes. Il ressuscite pour l’occasion tous lesscientifiques à avoir travaillé sur le genre – révélant entre autres, ouvrages et photos inédits – et, au terme de presque un demi-siècle dedébats sur sa systématique, établit une synthèse claire et inédite de sa taxinomie. En suivant, 8 cartes en double pages représentent la di -stribution du genre et la localisation de chaque espèce, pratiquement jusque dans son moindre igarapé ou lago – et cela, avec pour la pre-mière fois, des détails précis sur les types d’eaux observés sur place. Le quatrième chapitre est consacré à un inventaire exhaustifs desformes sauvages connues à ce jour (certaines encore inédites) et de leurs variétés chromatiques, en mots et en photos – bilan de plus de300 expéditions. Les données concernant les localisations ont été soigneusement vérifiées sur le terrain et au fil du temps jusqu’en 2005.Dans le chapitre 5, H. Bleher entraîne plus largement le lecteur dans l’histoire de l’Amazonie – jusqu’à l’époque de sa découverte – ettraite en détails de l’histoire primitive de la région et de ses nombreuses tribus indiennes (grâce notamment à ses expériences personnellesau contact des aborigènes). On y trouvera en outre, la description illustrée des habitats naturels des discus, paramètres des eaux compris(relevés de jour comme de nuit) sur 75 localisations différentes. Pratiquement chaque cours d’eau majeur d’Amazonie y est amplementdétaillé, avec des informations sur la (ou les) forme(s) qui y séjourne(nt) ; sans oublier la mention des endroits encore inexplorés. Enfin,plus de 80 pages vous informeront sur le régime alimentaire de ces poissons dans la nature, les communautés dont ils font partie (avec uneliste des espèces vivant en sympatrie) et leurs ennemis, ainsi que sur les diverses méthodes de capture imaginées depuis les origines jus-qu’à nos jours.

Aquapress Publishers – Via G. Falcone 11 – 27010 Miradolo Terme (PV) ItalieTel. +39 0382754707 – Fax +39 0382754129 – [email protected] – www.aquapress-bleher.com Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 3

Cher lecteur,C’est pour moi un plaisir de présenter au public français ce

second numéro des Biotopes de Bleher : Grandeur nature /Grandeur aquarium, où seront encore au rendez-vous des-tinations, habitats et biotopes aquatiques passionnants, trou-vés un peu partout sur le globe. En espérant que ce numéroet le précédent, rencontreront leur public, comme ils l’ontfait de manière assez extraordinaire en russe (plus de 10 000exemplaires papiers vendus pour le n°1) et en anglais (entéléchargement).

Cette fois-ci, je vous emmènerai au Kasuku, un lac inex-ploré d’Afrique centrale, dans une région qui n’avait jamaisété visitée par un Blanc jusque là, et vous montrerai sa natu-re incroyablement belle et presque inaccessible. Ce sera aus-si l’occasion d’apprendre ce qui arrive vraiment à la vie sau -vage, aux animaux, depuis que l’homme les a « protégés ».En effet, avant leur « protection » internationale, certainesde ces espèces « protégées » étaient capturées vivantes pourêtre vendues à des zoos, des institutions, des animaleries etdes amateurs qui s’y intéressaient. Les indigènes en tiraientcertains revenus. Mais depuis que l’interdiction d’exporta-tion est totale, elles sont tout bonnement tuées sur placepour être mangées (dans un simple but de subsistance)… Lamajorité des animaux d’aujourd’hui n’ont ainsi plus aucunechance de survivre dans leur milieu naturel, que ce soit au-

dessus ou au-dessous de la surface de l’eau. La destruction de la nature et de l’environnement est continue de parle monde, et tout particulièrement sous les Tropiques où la biodiversité est (était ?) la plus importante. La listerouge des espèces menacées, la source d’information la plus fiable aujourd’hui sur les formes de vie peuplant laTerre, avait déjà publié dans son rapport de 2007, ce constat catastrophique : « Selon l’Union internationale pourla conservation de la nature (IUCN), qui dresse chaque année sa liste, le taux d’extinction est jusqu’à 10 000 foisplus élevé que prévu. L’activité humaine, qui entraîne la destruction des habitats à travers l’urbanisation, l’agri-culture et la déforestation, combinée au changement climatique, s’avère la plus grande menace qui pèse sur lesplantes et les animaux. Actuellement, 41 415 espèces figurent sur la liste rouge et 16 306 d’entre elles sont me -nacées d’extinction, le chiffre étant de 16 118 il y a seulement un an. Le nombre total d’espèces éteintes a atteintles 785, tandis que 65 espèces supplémentaires ne se trouvent plus qu’en captivité ou en culture. La vie sur terreest en train de disparaître, avec des espèces fonçant vers l’extinction, avec une ampleur sans précédent… »

Mon second reportage traitera d’un autre habitat aquatique non exploré, cette fois dans l’Amazone. Un coursd’eau gigantesque, à l’eau cristalline, affluent de la rive gauche de la puissante rivière Xingú. Les créatures aqua-tiques de cette dernière sont également menacées aujourd’hui, en raison de la construction d’un barrage hy-droélectrique à l’endroit où vit Hypoancistrus zebra, ce poisson-chat endémique dénommé L-46, le plus appréciédu genre en aquariophilie dans le monde.

Je vous guiderai ensuite en Inde, dans l’état de l’Assam, d’où nous arrivent depuis quelques années nombre denos poissons d’aquarium depuis que j’y ai découvert différentes petites espèces intéressantes, telle que la Channanaine, un poisson tête-de-serpent de taille limitée qui fut nommé en mon honneur (C. bleheri) : un incubateur buc-cal devenu l’un des poissons indiens les plus recherchés.

Dans l’archipel australasien, plus particulièrement sur l’île de Nouvelle-Guinée, je vous conduirai jusqu’à unautre habitat aquatique des plus limpides, l’incomparable lac Kutubu aux nombreuses espèces de poissons endé-miques. Certaines d’entre elles ont été introduites en aquariophilie par mes soins il y a déjà quelques années et sontfort appréciées, tel le poisson arc-en-ciel Melanotaenia lacustris.

Le célèbre photographe et plongeur suisse, Franco Banfi, a apporté sa contribution à ce magazine sous la formed’un magnifique reportage sur le détroit de Lembeh, au nord de l’île de Sulawesi (anciennement Célèbes), en In-donésie. Ce sont pour la totalité des photos nocturnes, destinées à apprécier l’extraordinaire comportement des ani -maux aquatiques à ce moment-là et à montrer ce que la plupart d’entre nous ne voyons pas (car je suppose quevous en profitez pour dormir…). On peut voir ainsi le camouflage de nombreuses espèces différentes et en ap-prendre (beaucoup) plus sur leur cycle de vie.

Pour finir, j’ai inclus deux exemples de décor d’aquarium biotope pour raies d’eau douce et pour discus, tous lesdeux très populaires aujourd’hui. Ils font partie des poissons d’aquarium les plus fascinants, et tout particulière-ment les discus, qui représentent les poissons d’eau douce les plus précieux dans notre hobby (la raison pour la-quelle j’ai écrit un gros livre à leur sujet : Le Bleher des Discus vol. I).

Je continuerai ainsi à vous donner des trucs sur la manière de décorer fidèlement l’aquarium et de l’entretenir –en m’adressant tant aux aquariophiles débutants qu’aux chevronnés. Tout cela en vous présentant tout en imagesles dernières introductions dans la spécialité, comme en vous parlant des poissons et plantes d’aquarium bien con-nus et de ce qui est facilement disponible dans votre animalerie.

Je reste attentif à tous vos commentaires sur ce nouveau concept pour le hobby le plus beau et le plus instructifsur Terre. Vous pouvez m’écrire à [email protected] ou visiter mon site Internet www.aquapress-bleher.com

Votre amoureux de la nature – Heiko Bleher

Les Biotopes de Bleher

Grandeur NatureGrandeur Aquarium

Édité par AquapressVia G. Falcone, 11

I-27010 Miradolo Terme (PV)Italie

Tel. (++39) 0382 754707Fax (++39) 0382 754129

E-mail: [email protected]

Site Internet:www.aquapress-bleher.com

Direction :Rédacteur en chef : Heiko Bleher

Textes:Heiko Bleher et

Franco Banfi

Traduction :Mickaël Legrand

Photos:Franco Banfi,Heiko Bleher,

Natasha Khardina

Conception et mise en page :Aquapress Publishers, Italie :Rossella Bulla et Heiko Bleher

L’intégralité du contenu de cemagazine est protégé.

Aucune partie ne peut être reproduite sans autorisation

écrite de l’éditeur. L’éditeur nes’engage pas à renvoyer tout

matériel non sollicité.

ISSN 1126-8956

© Aquapress 2007© aqua geõgraphia 2007

© Blehers’ Biotopes in Nature and in Aquaria

Éditorial: Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur AquariumLes Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium

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AFRIQUERépublique démocratique du CongoRépublique démocratique du Congo

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AFRIQUE République démocratique du CongoRépublique démocratique du Congo

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Kasuku

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leurs. Nombreux furent les poissons àporter ce nom et à être distribués chezles grossistes comme chez les détaillants,mais jamais le véritable N. dimidiatus.Cela faisait des années que je souhaitaispartir à sa recherche. En dépit de mesvoyages réguliers au Zaïre dans les an-nées 70 et au début des années 80, jen’avais jamais eu cette opportunité.

Je connaissais ce poisson uniquementd’après de vieilles photographies et unelittérature dépassée. D’ailleurs, la plusgrande partie des auteurs attribuaient cenom de Nanochromis dimidiatus à unautre poisson. Malgré le manque d’infor-mation – à moins que ce ne soit à cause

Les tambours de la tribu Warega ré-sonnaient au loin. La nuit avaitété extrêmement chaude et humi-

de. J’étais allongé, parfaitement immobi-le, écoutant à travers les larges trous demon filet. Il y avait un siècle, Livingsto-ne était couché là dans la même jungle.Je m’imaginais à sa place. Peu de chosesavaient changé depuis, ici dans la forêtvierge de l’une des républiques del’Afrique centrale.

J’étais dans un établissement mission-naire appelé Saint Esprit. Ce complexese situait à proximité de (Port de) Kindu,à environ 300 km au sud de l’équateur.C’était là notre base pour l’expéditionKasuku. Le lac Kasu-ku était un mystère ;il ne figurait surpresque aucune cartede la région, et niroute, ni piste d’atter-rissage ne le desser-vaient. Il était enoutre à cette époqueichthyologiquementinexploré.

L’histoire incroyableque je vais vous ra-conter, commençabien des années aupa-ravant. C’est en 1900que Pellegrin décrivitpour la première foisNanochromis dimi-diatus. Il fallut toute-fois attendre la findes années 50 pourque le célèbre collec-teur de poissons etauteur Pierre Brichardexporte pour la pre-mière fois des spéci-mens vivants de cesbijoux vers l’Europeet les États-Unis.Mais après le départde Pierre du Congoau début des années60, personne ne re-tourna s’aventurerdans cette contréesauvage…

Depuis, personnen’avait plus vu unseul de ces cichlidésnains hauts en cou-

de cela – je commençai à planifier uneexpédition pour le Zaïre (devenu aujour-d’hui R.D. du Congo) afin de retrouvercette belle espèce rare. Mon intentionétait d’aller aux endroits où, d’après lesvieux livres, ce poisson pouvait être trou-vé.

En 1983 et 1984, il y eut quelques ten-tatives de monter ce projet en vue duquelje sollicitai deux visas successifs. Unepremière fois, je dus tout annuler fautede parvenir à organiser nos déplacementsau Zaïre ; quant au second voyage, il futremis en cause par mon impossibilité àobtenir l’autorisation requise. Finale-ment, en août 1985, mon ami Meir Levy

(un nouvel exportateur depoissons zaïrois, ambi-tieux et collectionneurdes célèbres peintures deZairina [école de Lubum-bashi], en plus d’être unvéritable personnage) vintme rendre visite en Alle-magne. Il accepta immé-diatement de se joindre ànotre expédition pourBangui en République deCentre Afrique où nousespérions trouver N. di-midiatus, d’après Pelle-grin. De retour à Kinsha-sa, Meir lança les prépa-ratifs nécessaires en ache-tant un 4x4 et en obtenantnos visas pour la Répu-blique du Congo, le Ca-meroun et la RépubliqueCentrafricaine, ainsi quedes informations sur lesroutes « non-existantes ».Quatre mois plus tard,quand il me téléphona duZaïre pour m’annoncerqu’il était prêt, j’avaisabandonné. J’étais déjàen train de me préparer àpartir de mon côté collec-ter de rares discus dans larégion du Rio Branco, auBrésil.

À noël, après mon re-tour, j’entendis que legouvernement zaïroisavait interdit l’exporta-tion de poissons tropi-caux vivants pour une du-

En haut : Je dus visiter le Département de L’Environnement et de la Conservation de la Nature àKinshasa plusieurs jours durant avant d’obtenir un permis de pêche et de pouvoir exporter 50spécimens vivants. Ci-dessus : l’eau noire provenant du lac Kasuku entrant dans le fleuve Luala-ba, dans le cours supérieur du fleuve Congo.

Kasuku : c’est en swahili, le nom du perroquet gris africain Psittacus erithacus, mais c’est aussi le nomd’un lac reculé et inexploré, situé dans la partie orientale de la République démocratique du Congo

(ancien Zaïre).

Texte : Heiko Bleher – Photos de l’auteur, sauf mention contraire

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The Search for Nanochromis dimidiatus

Kasuku

AFRIQUERépublique démocratique du CongoRépublique démocratique du CongoAFRIQUE République démocratique du CongoRépublique démocratique du Congo

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The Search for Nanochromis dimidiatus

KasukuÀ la recherche de Nanochromis dimidiatus

KasukuLes Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2

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rée indéterminée. Meir me demandaalors de venir et de parler au Départe-ment de l’Environnement et de la Con -servation de la Nature, et je le lui promis.

Nous étions en février quand il réussit àréunir à nouveau tout le nécessaire. Peude temps avant mon départ, je téléphonaià Pierre Brichard à Bujumbura, Burundi,pour qu’il me confirme la localisationsupposée du poisson. Il fut surpris parcet appel longue distance, et surtout par-ce que nous ne nous étions ni parlés nivus depuis dix ans. Il m’apprit que lespublications ne donnaient pas la bonnelocalisation. En réalité, ces poissonsavaient été collectés dans la forêt vierge,dans les ruisseaux qui coulaient dans leLualaba. Il me conseilla de commencer àchercher à Kindu.

prendre un avion pour Zurich, d’où j’eusune correspondance pour Kinshasa lejour suivant. Au guichet de l’immigra-tion, je fus surpris de voir une superbezaïroise portant une grande pancarte oùétait inscrit « Heiko ». Elle me guida ha-bilement à travers la masse des gens quiattendaient, jusqu’à un bureau de l’AMI-ZA (consacré au transit international),équipé de l’air conditionné. J’attendis làpendant qu’elle dédouanait avec rapiditéma pile de bagages, qui comprenaient un

veau des poissons vivants et que nousn’avions qu’à revenir l’après-midi pouren obtenir le permis auprès de son secré-taire.

Le dit secrétaire, cependant, fut un peuplus sourcilleux. Il nous demanda de pro-duire la preuve que nous disposions d’unélevage de poissons et de nous engager àpayer 3 zaïres par poisson exporté (il encoûtait 1 zaïre maximum avant l’inter-diction). Le permis ne serait valable quepour un maximum de trois mois. Nous

J’en arrivais à me demander si N. dimi-diatus était bien le poisson décrit dansles vieux ouvrages – ou si Pierre en avaitdécouvert un autre. Comme le réseau Té-lex pour le Zaïre était hors service, j’in-formai du changement d’itinéraire lagentille femme de Meir, qui se trouvaitalors à Bruxelles, Belgique. Meir dutpenser que j’étais fou, de changer d’aviscomme ça, à la dernière minute ! Il estvrai qu’il faut l’être pour entreprendre detelles expéditions…

Le seul vol direct partait de Bruxelles.Je quittai Francfort en voiture au beaumilieu d’une tempête de neige, me re-trouvai bloqué sur l’autoroute dans uneépaisseur de 50 cm et ratai l’avion. Heu-reusement, je pus regagner Francfort et

laboratoire et un équipement photogra-phique. C’était un soulagement ; la der-nière fois, le passage par la douanem’avait pris ici quatre heures.

Tandis que j’attendais, Meir arriva. Ilavait déjà écrit une lettre au Commissaired’État annonçant mon arrivée. Le matinsuivant, nous allâmes voir le ministre quiétait à l’époque le bras droit du PrésidentMobutu Sese Seko Kuku Ngembu WasaBanga… M. Kiwonge Luhandjula, lesympathique ministre en question, étaitentièrement vêtu de blanc et nous ac-cueillit chaleureusement. Disparaissantpresque complètement derrière les pilesde papier qui trônaient sur son bureau enacajou, il nous assura que cela ne présen-terait pas de problème d’exporter à nou-

contactâmes en suivant la personne quipréparerait et validerait nos documents.Elle suivit Meir jusqu’aux bassins d’éle-vage pour recueillir les informations etprendre des photos (elle en prit au moins80 !). Trois jours plus tard – après plu-sieurs séances d’attente interminables auministère, de 8 h du matin à 8 heures dusoir, et une augmentation de plus de lataxe d’exportation par poisson (qui grim-pa à 5 zaïres) – le permis fut enfin déli-vré. Nous pouvions passer au problèmesuivant : trouver un vol pour Kindu…

Air Zaïre avait annulé son vol hebdo-madaire. L’autre compagnie qui parta-geait cet itinéraire ne volait que le mardi(ce qui ne nous aurait pas laissé assez detemps). Notre seule alternative était decontacter des compagnies qui affrétaient

Le sympathique ministre Kiwonge Luhandjula (enhaut) demanda à son secrétaire de nous délivrerl’autorisation de collecter et d’exporter les poissons,qui allait nous revenir bien chère. Nous dûmes nousrabattre sur un avion cargo affrété étant donnéqu’aucune ligne commerciale ne circulait vers Kin-du (centre). Là-bas, nous partîmes en quête d’untailleur pour coudre nos filets de pêche (à gauche).

Les femmes vendant du poisson sur le marché nesouhaitaient pas être photographiées (en haut).

À la différence de tous les enfants qui se bousculaient pour que l’on prenne leur image

(centre). Le moindre poisson pêché était vendu surle marché. Une portion (une tasse en plastique

pleine) de minuscules characiformes séchés étaitvendue pour moins de 5 €cents (à droite).

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AFRIQUERépublique démocratique du CongoRépublique démocratique du CongoAFRIQUE République démocratique du CongoRépublique démocratique du Congo

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des avions pour des vols intérieurs. Parchance, nous trouvâmes un exportateurpakistanais de café qui avait loué unavion cargo (comme il le faisait seule-ment deux fois par an).

En effet, les vols pour Kindu s’étaientfaits rares depuis un drame malheureuxen 1965 où deux avions des NationsUnies s’étaient rendus là et où les 14membres d’équipage furent tués et dévo-rés. Je me souvenais des gros titres dansla presse et étais anxieux – mais je medisais que cela ne pourrait pas être pireque la fois où je fus mêlé à une guerre

entre indigènes en Papouasie-Nouvelle-Guinée (cf. Tropical Fish Hobbyist, mars1986) qui s’entretuaient et où une flècheme manqua de quelques centimètres…

À l’aéroport de Kinshasa, à 6 h du ma-tin le jour suivant, nous dûmes marcherplus de 2 km jusqu’au hangar de l’avioncargo. En chemin, peinant sous le poidsde notre chargement, nous passâmes de-vant des épaves de vieux 707 et DC-8,que nous avions construits en Occidenten 1948 et qui, depuis le milieu des an-nées 60, étaient largement sortis de lacirculation ! Arrivés, il nous resta à grim-

per une marche et l’étroite échelle, entraînant nos containers à poissons etnotre équipement. Le ventre de l’avionétait chargé de sacs de jute remplis deriz, de pommes de terre, de sucre et desel. Il y avait aussi là de vieux containersen plastique contenant de l’eau, du ga-soil, des tasses et des boîtes – des chosesqui seraient vendues par les marchandsaux peuples primitifs de l’intérieur.

Nous décollâmes, assis sur les sacs denourriture et sans ceintures de sécurité.Savanes, jungles épaisses, rivières et lacsdéfilèrent au-dessous de nous. Pendant

trois heures, nous restâmes assis, avec lesportes qui tremblaient et la puanteur des« toilettes » (un vieux baquet, placé dansle fond) qui alourdissait l’air. Nousvîmes le lac Kasuku quelques minutesavant d’atterrir. Loin sur notre droite, en-touré par la plaine et la jungle. Sans uneroute visible.

Sur la piste d’atterrissage, était dresséun majestueux terminal aérien, construitpar les Américains dans les années 1940.Il n’avait jamais servi. Nous déchar-geâmes notre équipement de l’avion ettrouvâmes une voiture devant le terminal.Son conducteur accepta de nous amenerà destination. C’est à ce moment là quequelqu’un, qui s’annonça comme un offi-ciel, nous demanda de nous identifier.

Sur un petit bout de papier tout sale, dela taille d’une pochette d’allumettes, ilconsigna les informations (nos profes-sions, notre destination et la durée denotre visite). Et au moment où il nousdemanda notre permis pour visiter Kin-du, nous comprîmes qu’il faudrait sortirde l’argent. La voiture, une ancienneDatsun, était en ruine. Le capot s’en dé-crocha même lorsque son chauffeur l’ou-vrit pour nous montrer fièrement sa nou-velle batterie – la seule pièce à vraimentfonctionner. Ce qui n’empêcha pas qu’ilnous fallut pousser la voiture pour la dé-marrer.

Arrivés à la mission, nous fûmes ac-cueillis par une des soeurs. Elle avait or-ganisé tout le nécessaire y compris la lo-cation d’un 4X4 Land Cruiser tout neufet la nourriture pour les excursions. Celadépassait ce que nous attendions. Queldommage que le voyage ait aussi malcommencé ! Nous remerciâmes la sœurpour sa bonté et nous partîmes aussitôtvers la périphérie du village. Ce dernierétait placé sur la rive gauche du fleuveLualaba. Dans les eaux stagnantes(contaminées par le bilharzia), je vis dumouvement. Je reconnus Ctenopomaashbysmithi, un anabantidé similaire à C. nigropannosum, l’holotype collectépar Banister et Bailey en 1974-75, maisjamais vu vivant. À la fois en eau stag-nante et courante, nous trouvâmes uneespèce d’Hemichromis – au corps d’unlumineux jaune d’or, aux nageoires vertclair, à la dorsale bordée de rouge com-me la partie supérieure de sa queue, avecdes lignes rouges supplémentaires sur ladorsale et des points rouges sur les ouïes.

Les enfants nous entouraient où quenous marchions dans Kindu, la plu-part d’entre eux n’ayant jamais vuun Blanc (1). Sur le marché, desfemmes nous offrirent de l’antilope àmanger (2). Tout porter sur la tête esttraditionnel dans toute l’Afrique,mais pas forcément avec un doigtdans le nez... (3). Les coiffures les plusétonnantes peuvent se rencontrerdans les régions les plus confinées,comme à Kindu (4). Les singes, quenous protégeons, sont consomméspar les indigènes afri cains, tel cecolobe roux centrafricain, Pilio-colobus foai, pour la protectionduquel l’information manque. Ils’éteindra probablement bientôt (5).

Autrefois, ces singes étaient capturés et vendus de temps en temps tout autour du monde, mais depuisqu’ils sont protégés, les locaux les tuent pour simplement les manger. Ici un autre colobe roux, Piliocolobus tholloni (6) listé sur l’Appendice II (CITES). Encore un autre colobe, noir et blanc, Colobus guereza qui figure sur la liste rouge de l’IUCN (7) mais dans la rubrique « Risque plutôt faible ».

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Et 5 grands ovales verticaux, noir de jais,se rétrécissant vers le haut. Probablementune forme d’Hemichromis fasciatus. Lavé gétation se résumait principalement àdes espèces d’Utricularia et des herbesde marécage.

Avec le « creux à l’estomac », nous re-gagnâmes la mission juste à temps pourle dîner, qui était servi à 19 h 15 tapantes(exclusivement). Après nous être rassa-siés de riz et de feuilles vertes (rappelantl’épinard), nous allâmes faire un tour enville. Ici, comme dans de nombreusesautres villes du Zaïre, perduraient desinstallations coloniales belges. Une im-pressionnante prison de brique rouge, unsemblant de Bastille, se tenait toujoursdroite au cœur de la ville. Le Relais, leseul bar des environs jouait, sur un Wur-litzer modèle 1948, Lonely Star d’Elvistandis que nous repartions sous un ciellimpide, la Croix du Sud éclairant notrechemin …

À 5 h, le matin suivant, nous nousmîmes en route vers la seule route pavée,qui partait de la rive droite du Lualabajusqu’à plus de 50 km à l’est. Nous tra-versâmes sur un ferry prévu pour un seulvéhicule et surchargé d’indigènes quipro fitaient du voyage. De l’autre côté, laroute conduisait à Kisangani et Bakuwa(quand elle était praticable…). Des vil-lages longeaient la route. Les huttesétaient construites en briques rouges fai -tes localement et de toits en feuilles depalmier. Les cimetières le long de la rou-te étaient communs – souvenir des mortsen route vers leur repos éternel. Nouscroi sâmes un enterrement ; un nouveau-né était mort. La mortalité des jeunesétait incroyablement élevée en Afrique.Meir leur donna de l’argent.

Rapidement je sortis mon filet manuel,fait spécialement d’un châssis en polyes-ter extrêmement solide, et je m’avançaijusqu’à la taille dans l’eau calme et colo-rée d’argile rouge du ruisseau Kanjanga.Une Microctenopoma nanum, marronfoncé et à bandes étroites fut sortie del’eau. De repoussantes punaises portaientleurs œufs sur le dos. Le poisson africaindominant, Hemichromis cf. fasciatus,abondait. Quelques garçons s’arrêtèrenten passant sur une bicyclette, chargés desinges morts !

Le cannibalisme humain était supposéavoir cessé quelques cinq ans plus tôt,mais l’homme continuait à « canniba l i-ser » les singes et les gorilles. Pour com-bien de temps encore ? – Il n’en restepratiquement plus actuellement. Je medemandais à quoi pouvait bien servirtous ces programmes de protection desanimaux quand toutes les espèces mena-cées étaient massacrées partout dans lemonde. Si des interdictions d’importationet d’exportation existent aujourd’huidans la plupart des pays, la protectiondes animaux dans leur milieu naturel estbien trop limitée.

C’est la raison pour laquelle je suisheureux de collecter des poissons ; parmieux, de nombreuses espèces sont toutaussi menacées – avant tout par la des-truction du milieu naturel perpétrée parl’homme à travers son interminable défo-restation et son incontrôlable pollution –mais au moins elles ont de bonneschances de supporter nos aquariums, d’yêtre reproduites et finalement de se trou-ver un peu partout, tandis que leurs lacset rivières originels en auront été vidés…

Sept prélèvements supplémentairesdans le ruisseau Katanga et à proximité,

À bord d’un 4X4 quasi neuf fournipar le Diocèse de Kindu, nouspartîmes vers le sud, sur l’uniqueroute construite par les Belges aprèsla Seconde Guerre mondiale etpassâmes devant une termitière de 5 m de haut (1). La rue principale deKindu (2). Le seul hôpital de Kindu,appelé Centre de Sante Baraza YaAfia Kasuku, du nom du lac reculé(3). Nous eûmes à traverser le fleuveLualaba en ferry pour accéder à laseule route vers le sud (4). À un carrefour, restaient toujours quelquesvieux panneaux, indiquant par exem-ple « Kisangani 657 km », « Bukavu568 km », etc., mais ces routes ne cor-respondaient plus à rien, appartenantseulement à l’Histoire (5).

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La voie ferrée reliaitautrefois Kiunga àKalemie, Kamina etKananga, mais étaitdésormais désaffectée(1). Nous dûmes solliciter l’aide de certains natifs pournous loger et nous conduire au sud, versle Kasuku (2). Je trempai mon filet àmain dans chaque ruisseau que nous traversions, à larecherche de poissons(3). Dans chaque village, la populationétait très amicale etnous invitait à partagerle peu qu’elle avait (4-5). Dans certains deces villages, le tempssemblait s’être arrêté,comme si rien n’avaitchangé depuis des siècles – et ce qui étaitprobablement le cas(6). Dans un ruisseauoù nous collectâmes,des jeunes filles, quisouhaitaient égalementattraper du poisson,vinrent nous aider (7).Les indigènes vivaientde leurs cultures végétales, les protéinesétant principalementtrouvées dans le fruitde leur chasse et deleur pêche (8). L’étatde cette route de terreempirait au fur et àmesure que nous nousallions vers le sud (9).Jusqu’au moment où iln’y eut plus de routedu tout et où nousdûmes traverser ce quiressemblait à une sa-vane géante à perte devue. C’était le seul ac-cès possible pour le lacKasuku (10-11). Maisle sous-sol était boueuxet le 4X4 s’y trouvapiégé. Plus notre mis-sionnaire de conduc-teur essayait de le dé-gager, plus il s’embourbaitprofondément. C’était sans espoir.Nous fûmes contraintsde passer la nuit au milieu de nulle part,sans une chance de sortir de là et sansnourriture... (12).

réalisés dans la même journée et jusquetard dans la nuit, donnèrent quelquesbeaux poissons. Au moins 5 barbus diffé-rents : Barbus cf. janssensi, B. cf. caudo-vittatus, B. lineomaculatus, une espècetotalement inconnue dans le ruisseau Mi-sabangu, et quasiment partout B. miole-pis sous de nombreuses couleurs diffé-rentes. Une espèce indéterminée d’Hylo-panchax et l’espèce rayée H. zebra fu-rent vues vivantes pour la première fois.De beaux killies. Six formes coloréesdifférentes de Microctenopoma nanum etde M. ansorgii, ainsi que de M. fasciola-tum (systématiquement solitaires) dansdes teintes bleutées étonnantes et l’assezgrande Ctenopoma ashbysmithi.

Nous collectâmes également 2 espècesvert émeraude d’Epiplatys – l’une ponc-tuée de rouge, l’autre rayée de noir. Noustrouvâmes les plus grands poissons dansla rivière Elila. Le seul pont en bétonconstruit par les Belges et tenant encore,l’enjambait. Avec ma senne de 30 m, jecapturai un Tetraodon mbu de 20 cm, unSchilbe mystus de 35 cm qui avait avaléune petite noix de coco (je me demande-rais toujours comment elle était entréepar sa bouche !) et un poisson-tigre afri-cain de 50 cm (Hydrocynus goliath) – unprédateur sournois largement distribuésur tout le continent africain et aux dentsplus acérées qu’un piranha.

Plus loin, un serpent d’eau (non veni-meux), une espèce géante de Mastacem-belus, un Brycinus sp. (probablementB. nurse) d’environ 30 cm et un Syno-dontis ressemblant à S. decorus en moinsorné (seulement un magnifique grandequeue de lyre rayée de jaune et de noir)se retrouvèrent dans le filet.

Le courant de l’Elila était très fort,l’eau boueuse très profonde et les mil-lions de moustiques ne contribuaient pasà nous faciliter la vie…

Nous découvrîmes beaucoup de pois-sons nouveaux et rares dans nos filets lesderniers jours de notre séjour, mais au-cun Nanochromis. Je commençais à dou-ter de leur présence ici, tout particulière-ment après avoir lu le rapport de Banisteret Bailey sur leur expédition de collectede 1974-75 dans la région. S’ils avaienttrouvé de nombreux poissons, il n’y avaitpas un seul Nanochromis !... Et ilsavaient disposé de bien plus de temps !Je m’endormis à 4 h du matin pour melever à 5 et chercher à atteindre le Kasu-

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ku – ce lac mystérieux !La « route » se dirigeait

d’abord vers l’ouest avant de bi-furquer vers le sud. Sabun Mi-sanganano, le conducteur numé-ro un de la mission, accompagnéde Tambue Ramazani et LohaheOtschinga (ses co-pilotes Ware-ga) nous affirma qu’il était im-possible d’atteindre le Kasuku.Personne n’y vivait et il était ceinturé demarécages. Nous n’étions pas loin decommencer à croire Sabun car la routen’en avait absolument rien d’une, justedes trous boueux à la suite les uns desautres, que même le 4X4 Toyota pouvaitdifficilement passer. Les 43 derniers kilo-mètres nous prirent cinq heures avantque la piste ne s’interrompe complète-ment et de nous enfoncer si profondé-ment dans le marécage que nous aban-donnâmes après avoir creusé laborieuse-ment six heures durant. Meir alluma unfeu à l’ancienne, avec des morceaux debois humides, en frottant un bâton sur le

bois !Affamés (seulement 4 bananes pour 5

hommes), sales, courbaturés (d’avoirsoulevé tant de fois la lourde Toyotapour la dégager), et totalement épuisés,nous tentâmes de nous reposer le reste dela nuit. Meir prit le siège avant (la« meilleure » place) ; Sabun, Tambue etLohahe s’enveloppèrent dans notreunique bâche (supposée protéger lespoissons collectés) ; me laissant seule-ment avec mes filets de pêche en guisede couvertures. Mais les millions demoustiques (je n’en avais jamais vu nientendu autant dans toutes mes expédi-

tions) les traversèrent allègre-ment, de la même manière que lapluie toute la nuit durant – uncauchemar devenu réalité ! Lapeau terriblement boursouflée,trempé et frigorifié jusque dansmes sous-vêtements, je changeail’eau de mes poissons collectés àcôté de notre véhicule embourbé,tôt le lendemain matin. Sabun,

qui se leva après moi et comprit ce quej’avais enduré cette nuit-là, m’adressa unlarge sourire et lança (à haute voix) :« Jambo sana » (« Tout va bien cematin ! »). Il partit avec Lohane chercherde gros rondins pour aider à libérer notreengin.

Plus tard, après être parvenus à dégagernotre 4X4 d’un trou pour le voir s’enfon-cer dans un autre, 4 m plus loin, nousréalisâmes que nous n’avions aucunechance d’atteindre le lac en voiture. Maisje n’étais pas venu de si loin pour aban-donner. Je pliai mon filet, le chargeai surmes épaules et accompagné de Meir,

nous partîmes à pied à travers les maraispour les quelques 16 km qui nous sépa-raient du Kasuku, tandis que nos cama-rades continuaient patiemment à tra-vailler à la libération de notre véhicule.

Marchant pieds nus parmi des fleurs su-perbes, des plantes et des fruits singu-liers, des champignons vivement coloréset de dangereux palmiers épineux, nousatteignîmes finalement l’eau – environtrois heures plus tard. Mais le lac lui-mê-me n’était pas encore en vue. Il avait dé-bordé et était devenu inaccessible. Desannées auparavant, un village indigèneavait dû exister à proximité, car nous dé-couvrîmes quelques vestiges d’une hutte

et un ancien équipement de pêche. Ainsiqu’un canoë en décomposition. Arméd’une branche d’arbre en guise de pa-gaie, je décidai quand même de tenterma chance. Meir pour sa part, préféra nepas s’engager dans cette excursion hasar-deuse. Ramant au-dessus de la cime desarbres (pour la première fois, je pagayaissur le « toit » de la jungle), environnéd’une incroyable quiétude troublée seule-ment par le clapotement de l’eau, je visfinalement le Kasuku.

Tel un paradis caché, il se déployait de-vant moi. L’eau était douce, noire cou-leur de thé, et transparente malgré tout.À cause du courant, je ne pouvais voir

aucune plante aquatique, mais j’estimaile lac à environ 8 km de largeur et de-vant (je pense) faire moins de la moitiéde cela, à la saison sèche. Seul, il étaitimpossible de manier la senne ; je mecontentai donc de regarder et d’apprécier.

Soudain, j’entendis Meir m’appeler deloin et je me réveillai de mon rêve. Al-lais-je revenir sans poisson ? Non, je sa-vais simplement que le Kasusku possé-dait de nouvelles espèces très colorées(j’ai toujours trouvé les espèces les plusbrillamment colorées en « eaux noires »,et tout particulièrement quand ellesétaient très douces et acides – le Kasukuprésentait un pH de 4,22) et ce pénible

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Face à notre impossibilité d’aller plus loin, je décidai de prendre mon filet et de faire à pied les quelques 16 km restant jusqu’au lac Kasuku. Ce fut une marchefantastique à travers une nature intacte, ses graines inconnues (1), ses fleurs singulières (2+9), passant au-dessus de colonnes de fourmis (3), des ruisseaux d’eau

noire (4) peuplés de papillons (5) et de feuillages épineux (6), de champignons (7) et d’orchidées sur le tronc des arbres (8), et plus encore.

Meir en méditation : « Comment allons-nous sortir de là ? » (1). Mais le 4X4 ne s’enfonça que plus (2) etnotre sortie inespérée (5) ne dura

que quelques mètres...

Nous restâmes là pour la nuit et aumatin, nos aides trouvèrent des

morceaux de bois. Mais pendant queje changeais l’eau de mes poissons (3)

la situation ne changeait pas (4).

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Dans un minuscule ruisseau sur le chemin du Kasuku (probablement un autre écoulement du lac, comme celui représenté sur la première double page de cet article – l’eau noire entrant dans le fleuve Lualaba et s’y écoulant en conservant sa teinte), je collectai le fantastique Barbus papilio (1-2), une beauté des plus

menues qui n’avait jamais été capturée jusque là. Les mâles présentaient des nageoires dorsales, pectorales et anales noir de jais. Trois taches de la mêmecouleur s’étirant, principalement chez les mâles, en une rayure sur tout le long de leurs flancs.

Je collectai aussi ce poisson-ballon, une autre beauté, le Tetraodon mbu, dans ce ruisseau (3), qui au moment où nous le sortions du filet, gonfla son ventre selonson mécanisme de défense typique. Mais à la différence du précédent, celui-ci était largement distribué dans la plus grande part des pays d’Afrique centrale eton le trouvait même dans le lac Tanganyika. Un autre poisson capturé, Papyrocranus congoensis (4), seulement connu jusque là dans le Congo inférieur, et que jecollectai ici, comme dans la région de Lualaba, dans le Congo supérieur. C’est un poisson pacifique mais nocturne, faisant partie de ceux qu’on surnomme poissons-couteaux – très singulier et assez rare.

Quand j’atteins finalement le lac Kasuku, il avait débordé. Personne ne vivait ici ; heureusement quelqu'un avait laissé derrière lui une pirogue qui me renditservice pour mes recherches, mais étant seul (Meir resté sur la rive) je ne fus pas en mesure de procéder à une véritable collecte. Le long des rives, j’eus la

chance de trouver à une profondeur d’un peu moins d’un mètre, parmi la végétation terrestre submergée (ci-dessus) quelques poissons (cf. ci-dessous et page suivante). Dont un très joli poisson-ballon d’Afrique centrale, Tetraodon miurus.

Mais le clou de ma collecte dans la région fut l’extraordinaire Nanochromis (2) que je découvris (c’était déjà dans les années 1980). Il fut décrit par Anton Lambojen 2005, nommé sabinae en l’honneur de sa fille. Avant que 4 espèces de Nanochromis (dont celle-là) soient placées, deux ans plus tard, dans le nouveau genre Congochromis Stiassny et Schliewen 2007. Mais je suis convaincu que la différence est grande entre celui qui a été décrit au Gabon et le mien, du Congo supérieur(de la région de Lualaba et de Kasuku). Les deux poissons du bas (3-4) sont des spécimens femelles, que je collectai près de Kisangani, appartenant probablementau récemment décrit C. pugnatus.

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Certains habitats naturels sont assez différents de l’image que l’on s’en fait. Ici, un environnement typique de Synodontis soloni (1), vivant entre les rochers. Ils nagent loin dans les crevasses pour y brouter l’Aufwuchs (2). C’est pourquoi il faut leur fournir aussi en aquarium des roches, qui seront dans la mesure du

possible couvertes de mousse ou d’Aufwuchs (3). Ici, ils étaient si nombreux qu’au moment où je les collectai, la personne qui m’aidait en tenant le sac plastique,marcha malgré elle dessus l’un d’eux (4). Ce beau cichlidé, Tilapia congica (5), vivait également dans ce milieu et se retrouva dans mon filet. Normalement, cette

espèce n’arbore pas des couleurs aussi vives (ou plutôt : on ne savait pas qu’il pouvait être aussi coloré), mais il pourrait s’agir simplement d’une autre population que celle décrite à l’origine dans la rivière Kasaï, dans la région du Congo équatorial.

ethniques qui perpétuaient leurs anciennes traditions et cultures.Bien que le français soit la langue officielle dans le pays, il n’estparlé que par relativement peu de personnes (comme dit plushaut). Le swahili est largement pratiqué dans l’est, tandis que leligala est la langue de l’ouest ; le tshilaba étant également assez ré-pandu. Nombreuse est la population, en particulier à l’est, qui aconservé ses croyances religieuses traditionnelles, à laquelle s’a-joutent 10% de musulmans. Dans la République Démocratiquedu Congo d’aujourd'hui, environ 50% des habitants sontcatholiques romains et 20% protestants. Tandis qu’un nombresubstantiel adhère au kimbanguisme, une église chrétienne locale.

La population du Congo comprend approximativement 200groupes ethniques, dont la grande majorité parlent une deslangues bantoues. S’y ajoutent les langues nilotiques dans lenord, à proximité du Soudan, et des groupes éparpillés de pyg-mées (particulièrement dans la forêt de l’Ituri, au nord-est).Les principaux groupes ethniques parlant la langue bantouesont les Kongo, Mongo, Luba, Bwaka, Kwango, Lulua, Lunda,et Kasaï. Les Alurs étant les principaux utilisateurs de lalangue nilotique. Dans les années 1990, le Congo connut en ou -tre un afflux d’immigrants, notamment de réfugiés venant despays voisins. En 1985, plus de la moitié de la population étaitrurale, mais le pays était déjà en train de s’urbaniser de plusen plus ; malgré cela, je pus encore trouver quelques groupes

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voyage n’aurait pas été vain ! De retour àl’endroit où Meir attendait, je lui annon-çai qu’il nous fallait trouver un ruisseauqui entrait ou sortait du lac. Un endroitoù nous pourrions utiliser la senne.

Tard dans la soirée, affamés (24 heuresavec seulement les ¾ d’un banane dansl’estomac) et fourbus, nous ralliâmes lavoiture. Cette dernière avait été sortie dela boue – enfin ! Je demandai à Sabun deconduire vite – dans le cas contraire,nous nous embourberions à nouveau

dans le marais. Deux nouvelles fois,nous creusâmes sous le 4X4 et (après30 heures) nous retrouvâmes finalementla terre ferme sous nos roues. Le ruisseauque je cherchais arriva aussi en vue : unminuscule cours d’eau à l’eau noire et àcourant rapide, coulant du Kasuku. Toutela faim et la souffrance, les moustiques etla chaleur furent oubliés au moment oùnous trempâmes nos filets à main pourles ressortir avec le plus coloré des Na-nochromis. Pour être prosaïque, si Meir

hurla « dimidiatus ! », c’est qu’il en avaitattrapé un juste avant moi. Mais je susaussitôt qu’il ne pouvait s’agir de cetteespèce, nos spécimens étant bien plus co-lorés que celui qui avait été décrit.

Ce n’était pas le poisson que Pierreavait exporté et c’était très étrange, carBanister et Bailey n’avaient pas non plustrouvé cette espèce lors de leur expédi-tion de 1974-75.

Pour moi, il ne faisait aucun doute quenous venions de découvrir un nouvelle

espèce de Nanochromis. Ce poisson avaitla tête d’un rouge magnifique, d’unecouleur qui couvrait l’ensemble de soncorps à l’exception d’une partie centraleentièrement argentée, sur 12 écailles.Une tache argentée encore plus distincteétait placée juste derrière la nageoireanale, la partie supérieure de la queueétant colorée d’un rouge vif, et une largetache noire ornant la proche extrémité dela dorsale. Les « marques de fabrique »de ce bijou. La dorsale comportait égale-

ment des taches noires près de la pointeet était argentée au milieu. Nous collec-tâmes en outre 4 spécimens du Barbuspapilio le plus fastueux – jamais vu vi-vant auparavant.

Après d’interminables difficultés pourpartir de Kindu, nous rencontrâmes deuxjours plus tard un missionnaire qui nousoffrit de nous emmener en avion jusqu’àKisangani pour 1 000 $ de l’heure. Maisce ne fut pas le seul problème : des cen-taines de personnes vivant misérable-

ment qui mendiaient, trois heures passéesdans la prison de Kindu pour avoir pho-tographié un vieil immeuble, et l’attenteet la mendicité partout jusqu’à notre re-tour à Kinshasa trois jours plus tard.

Depuis, ce nouveau Nanochromis a étéreproduit avec succès et ces beautésuniques sont disponibles. Tandis que laquête du mystérieux Nanochromis dimi-diatus continue…

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Sous les cataractes de Kananga (1), dans le milieu montré au premier plan, vitun beau cichlidé nain, Steatocranus rouxi, que je fus en mesure de collecter pourla première fois vivant. Comme toutes les autres espèces de Steatocranus, il vitsur sol rocheux, mêlé parfois de sable. Également parmi les racines et le bois flot-té, mais rarement dans la végétation aquatique comme ici, où il se tenait au mi-lieu des Podostomaceae et des mousses (2). Les Steatocranus sont des cichlidés es-sentiellement rhéophiles (= appréciant le courant) d’à peine plus de 10 cm deTL, la plupart des espèces restant bien plus petites et toutes étant des poissonsde fond, dotés d’une vessie natatoire réduite. Ils arborent tous un patron colorérelativement gris, plus ou moins jaunâtre ou bleuté, qui assure un bon camou-flage en milieu naturel. En aquarium, ils deviennent très actifs et constituent debeaux animaux intéressants, qui ont besoin de grottes et de cachettes, leur per-mettant de se comporter comme dans la nature. 8 des 9 espèces décrites se trou-vent dans le bassin du fleuve Congo, S. irvinei (non représenté) étant le seul ori -ginaire du bassin supérieur de la rivière Volta, au Ghana. Steatocranus casuar-ius (non représenté) est le plus commun en aquariophilie et facilementdisponible. Comme le sont devenus ces dernières années, S. glaber (3) et S. rouxi(4) grâce à leur élevage (ici, des spécimens F1 en aquarium). S. mpozoensis (5) etS. bleheri (6), que j’ai aussi découverts dans le Congo supérieur il y a quelquesannées, se rencontrent moins fréquemment, de même que S. ubanguiensis (7).

Voici quelques cichlidés nains supplémentaires pour l’aquarium personnel,également originaires du bassin du Congo, en Afrique centrale. Ils appartien-nent aux genres Orthochromis (2), Nanochromis (3-6) et Lamprologus (7). Cesbeautés, qui sont aussi idéales pour des aquariums plutôt petits, sont des cich-lidés pacifiques, principalement de fond, aux comportements remarquables,chacun étant unique en lui-même tel Orthochromis torrenticola (2), que je trou-vai seulement au-dessus des chutes de la Lufira (1). Il se démarque des 13 autresespèces d’Orthochromis décrites par sa forme allongée rappelant Schwet-zochromis (le genre sous lequel il fut d’abord rangé), par ses ocelles sur la na-geoire anale et son occupation exclusive de l’habitat représenté. Nanochromistransvestitus (3-4) fut nommé en regard des couleurs extrêmement belles queprésente la femelle (3) pour une fois supérieures à celles du mâle (4), et dont j’aiégalement collecté les premiers spécimens vivants. Nanochromis parilus, ici enduo (5), atteint rarement les 6 cm en TL, tandis que N. splendens, ici une bellefemelle (6), ne dépasse pas les 7 cm TL. Je surnomme souvent le genreNanochromis (ainsi que les espèces désormais placées sous Congochromis) lesapistogrammas africains... On dénombre 6 espèces fluviales de Lamprologusconnues dans le bassin du Congo, L. congoensis (7) étant pratiquement la seuleà être trouvée en aquariophilie. Ici un mâle dans sa coloration maximale. Le dé-cor d’aquarium montré est conforme à celui de ces espèces en milieu naturel.

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM OubanguiOubangui BariBari INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM

Deux exemples de décor pour aquarium biotope du bassindu Congo : Sur cette page : Un aquarium inspiré de la rivièreOubangi, l’affluent majeur du Congo. Localité : cethabitat correspond au cours supérieur de l’Ouban-gi, à l’eau noire, dans la province de l’Équateur dela République du Congo, ancien Zaïre. L’aquari-um (1) contient 600 l et les poissons suivants, vi-vant en sympatrie, dans leur biotope (dont cer-tains sont représentés ici) : 8 Distichodus sexfas-ciatus semi-adultes (2), 7 Hemichromis sp. « Ou -ban gi » (4), 20 Synodontis nigriventris (4), 3 Syn-odontis atterinus, 3 Synodontis robertsi, 2 Synodontisacanthomias, 3 Synodontis nummifer, 3 Synodontisgreshoffi, 6 Synodontis contractus, 3 Synodontis notatus, 2Synodontis pleurops, 30 Phenacogrammus caudalis, 20 Rhab-dalestes septentrionalis, 6 Ctenopoma ansorgii, 12 Gnathonemus boulen-geri, 2 Phago maculatus, 2 Pago (nouvelle espèce), 3 Eugantichthys eetveldii,5 Tetraodon miurus. Le décor montré ici est fidèle au milieu naturel : des pier-res, du petit gravier (2) et du gravier un peu plus grossier (3). Du bois flottépeut y être trouvé (ici, à l’arrière) et des arbres surplombent l’eau (et s’y trou-vent quand le niveau monte). Différentes granulométries de gravier sont néces-saires, rarement du sable, car les Distichodus demandent un gravier suffisam-ment grossier – Synodontis pleurops en demandant même un, un peu plus grosque les autres – pour pouvoir le transporter dans sa bouche (et construire sesnids avec). Les cichlidés nains demandent eux du gravier fin pour le creuser àla recherche de nourriture. La végétation aquatique est composée principale-ment de fougères, Bolbitis heudelotii poussant partiellement immergé, maissouvent le long des rives. On y rencontre parfois aussi des espèces de Crinum,tels que C. calamistratum et C. natans, qui poussent exclusivement sous l’eau.

Une bonne filtration biologique s’imposera, qui produira unfaible courant dans le bac.

Ci-contre un second aquarium biotope du Congo. Loca -lité : un affluent à eau noire du fleuve Lualaba, dans

le voisinage de Kisangani (anciennement Stanley -ville). Cet aquarium a une capacité de 450 l et lespoissons (avec indication de leur densité) y viventdans une restitution très fidèle de leur habitat(tous ne sont pas montrés) : 6 Bri co naethiopsboulengeri, 6 Distichodus noboli, petits, 6 Disti-

chodus affinis (son sosie, mais ce dernier granditplus), 20 Phenacogrammus caudomaculatus (7),

6 Phenacogrammus breuseghemi, 25 Phena co gram -mus interruptus (8), 12 Phenacogrammus cf. smykalai

(6), 6 Xenomystus nigri, 8 Microctenopoma fasciolatum, 3 Nanochromis dimitiatus (9), 12 Synodontis nigriventris, le pois-

son-chat à l’envers (il n’existe que 2 poissons au monde à nager tête enbas en permanence...), 4 Synodontis angelicus, 3 Tetraodon mbu semi-adultes(10). Notez que les espèces mentionnées ne doivent pas être maintenue engroupes plus restreints (encore moins individuellement) que ceux indiqués. Ledécor est composé de gravier très fin (1-3 mm max.), de pierre volcanique,rarement de rochers, et de bois flotté ainsi que de racines (détrempez-les bienavant leur introduction dans l’aquarium – au moins une semaine au préalable,davantage si possible). La végétation est constituée par quelques fougères, Bol-bitis heudelotii, quelques Anubias barteri, A. nana, Cyperus alternifolia etNymphaea (ces deux derniers poussat aussi en dehors de l’eau et pouvant sur-vivre à l’air libre). Les paramètres chimiques de l’eau sont les suivants. Pourle biotope Oubangi (mesures dans la nature) : pH 5,6-6,7; conductivité 29-35 μS/cm et températures de 26,5° à 31,5°C. Pour le biotope Kisangani : pH 5,4-6,2 ; conductivité 22-48 μS/cm et températures de 24° à 30°C.

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Rio Iriri

Il existe encore réellement sur Terre une rivière de plus de

1 000 kilomètres complètement inexplorée – au moins sur le plan

ichthyologique. Et (naturellement) Heiko Bleher ne pouvait

s’empêcher de faire partie des premiers explorateurs à pénétrer

ce paradis reculé, pour la science et l’aquariophilie.

Texte et photos : Heiko Bleher et Natasha Khardina

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Le Rio Iriri est le principal affluentdu grand Rio Xingú, bien connudes aquariophiles. Il se mêle à lui

sur sa gauche à environ 80 km d’Altami-ra et représente approximativement lamoitié de sa longueur (le Xingú faisant 2 045 km) tout en étant beaucoup pluslarge. Le Xingú fut visité et échantillon-né dès 1842 sur l’initiative du prince dePrusse Heinrich William Adalbert (1811-1873), ainsi qu’un peu plus tard dans soncours inférieur par l’expédition Thayer,de renommée internationale (1865-66) etplacée sous la direction de Jean LouisRodolphe Agassiz, puis en 1884 parl’Allemand Karl von Steinen (1855-1929), et de nombreux autres naturalistesqui explorèrent le Xingú durant tout leXXe siècle, mais sans qu’aucun n’oses’aventurer dans l’Iriri. Je m’étais sou-vent demandé « Pourquoi ? », jusqu’à ceque je me décide à y aller et comprennesur place ce fameux « pourquoi »…

Mon ami Haroldo d’Altamira, ne futpas étonné, lorsqu’à l’occasion de madernière visite, je lui appris que cette foismon objectif était l’Iriri. Il m’expliquaque personne n’avait jamais collecté depoissons en amont des ses énormes ra-pides et de ses cataractes, les seuls cas-cudos (poissons-chats de la famille desLoricariidae) récemment pêchés dans cecours d’eau, l’ayant été en aval. Personnen’avait osé affronter le haut Iriri : « É di-ficil demais » (c’est trop difficile) com-me il me dit, en ajoutant qu’il connaissaitles pêcheurs qui avaient collecté dans lebas Iriri, le loricariidé nommé L-18. Mal-heureusement, dans la littérature populai-re, sa localité type est confondue aveccelle de la forme trouvée dans le Xingú ;une confusion qui s’ajoute aux fortes res-semblances que peuvent présenter deuxespèces de Baryancistrus trouvées dansl’Iriri. L’une possède une ponctuationjaune d’or assez importante et apparaîtégalement dans le Rio Xingú, dans leszones rocheuses et caillouteuses au sudd’Altamira, et se nomme à la fois L-18 etL-177 (quelqu’un a attribué deux réfé-rences différentes à la même espèce). Laseconde, trouvée dans le bas Iriri, et seu-lement là, a la dorsale comme la queue,bordées d’une large bande jaune d’or,mais les points dorés sont significative-ment plus petits et répartis sur l’ensemble du corps ; elle a pour nom

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Rio Iriri

Il existe encore réellement sur Terre une rivière de plus de

1 000 kilomètres complètement inexplorée – au moins sur le plan

ichthyologique. Et (naturellement) Heiko Bleher ne pouvait

s’empêcher de faire partie des premiers explorateurs à pénétrer

ce paradis reculé, pour la science et l’aquariophilie.

Texte et photos : Heiko Bleher et Natasha Khardina

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provisoire : Baryancistrus sp. 2 ‘Iriri’.Elle présente des points communs avecL-26, référencé comme un Baryanci strusoriginaire du Rio Tocantins – où je fusincapable de le trouver (cf. photos).

Accompagnés de Chico, le seul practico (navigateur expérimenté) quiconnaissait chaque rocher de l’Iriri et no-tamment les dangereux rapides du milieuet du cours supérieur, nous partîmes àbord du pick-up d’Haroldo pour la sta-tion essence et remplîmes différentscontainers avec 600 l de carburant, quej’eus même la possibilité de payer avecune carte de crédit…

Natasha, ma meilleur moitié, acheta surle marché des fruits et les fournitures lesplus indispensables à notre voyage, dontnous chargeâmes la voadeira – le bateauen aluminium qui devait nous faire re-monter le Xingú jusqu’à l’Iriri. En comp-tant aussi les appareils photos, les bacs àpoissons et les équipements de pêche.Chico embarqua de son côté 10 kg de farinha (farine de manioc), l’alimenta-tion ou plutôt le « pain » quotidien detout caboclo. Mais dans tout cela, c’étaitle carburant qui était notre chargement leplus lourd et Haroldo ne put s’empêcherde dire : « Com isto tudo voçes não vãonunca subir as cachoeiras », quand Natasha, Chico et moi-même quittâmesle port d’Altamira. Il voulait dire par làque nous ne pourrions jamais franchir leschutes d’eau aussi chargés…

Après cinq heures à remonter la rivièrebasse (c’était la saison sèche), longeantdes massifs de rochers et de pierre noiresur notre gauche, Chico engagea la voadeira dans le delta de l’Iriri. Je medemandais comment les immensesfermes situées sur les rives du Xingú jus-qu’à ce delta, pouvaient déplacer leursmilliers de bêtes sur ces formations ro-cheuses géantes, en l’absence de routes.

L’Iriri mesurait à peine 100 m de largedans son delta et se rétrécissait même enamont. Après seulement quelques kilo-mètres sur l’Iriri, je demandai à Chico de

nous arrêter et nous fîmes notre premièredécouverte. Je vis entre les pierres dansl’eau assez claire, Leporinus maculatuset L. fasciatus var., les mêmes espècestrouvées dans le Xingú, ainsi que lescharaciformes Moenkhausia dichroura etBrycon pesu. Mais en compagnie de cedernier se trouvaient deux espèces sup-plémentaires de Brycon. Une à la nageoi-re adipeuse translucide (noir de jais chezB. pesu) et à la queue bordée de noir(translucide chez B. pesu), qui partageaitavec la première espèce une taille simi-laire, d’environ 7-10 cm de longueur to-tale, un corps argenté, une tache huméra-le noire et un œil bleu clair étincelant.L’autre espèce du groupe était légère-ment plus grande et se nommait Bryconamazonicus, possédant également unetache humérale et une caudale bordée denoir. (Mais ce dernier peut dépasser les40 cm de long, tandis que les deux autresdépassent rarement les 10 cm en lon-gueur totale.) La question est : pourquoice mimétisme ? Qui profite de qui ? Puisqu’aucun de ces trois n’est un prédateur…

Mais ce n’était pas tout : Hemiodusquadrimaculatus (jamais enregistré avantdans l’Iriri) s’associait à un groupe deLeporinus maculatus (les deux arborant3 barres) – était-ce encore là du mimétis-me ? Je continuai ma plongée dans cetteeau claire et vis dans des niches pier-reuses Panaque cf. nigrolineatus (P. sp. 1‘Iriri’) montant et descendant à côtéd’une espèce tachetée de Leporinus, ra-clant les rochers tandis qu’un petit grou-pe de jeunes Crenicichla (C. sp. ‘Xingú’ II), au motif juvénile rayé, na-geait de concert avec Cichla temensis(un cichlidé également rayé) au-dessusdu fond sablonneux, en quête de nourriture.

Plus en amont, il nous fallut passer desmassifs rocheux très périlleux, avec despassages de seulement quelques mètresde large, avant de repérer une zone sa-bleuse sur la rive gauche. Là, Natasha

C’était dur, mais en dépit de la certitude affichéed’Haroldo que nous échouerions, nous réussîmestous les trois, Chico, Natasha et moi. Le premier

halage de la voadeira avec l’équipement (1-2) et enfin de compte le déchargement de tout le matériel et

son transport, ainsi que celui du bateau au-dessusde la chute d’eau. Arrivés finalement « en haut » del’Iriri, nous amarrâmes la voadeira (3) pour un peu

de repos, avant une aventure bien plus terrible…

Il semble incroyable que dans un tel endroit su-perbe, avec une rivière unique offrant une vue ex-traordinaire (4) personne ne vive. En Europe ou enAmérique du Nord, en Asie ou ailleurs, des im-meubles auraient tôt fait de border ces rives. Nousmontâmes, à bout de forces, notre tente sur une desîles, avec une vue sur la rivière (5), où nous dor-mîmes environnés d’un calme dont les citadinspeuvent uniquement rêver…3

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tira la senne de 13 m avec moi et nousattrapâmes deux merveilleux Retroculusxinguensis de grande taille (plus tard,sous les chutes d’eau, nous trouvâmes cequi devaient être deux nouvelles espècesde Retroculus) et de nombreux Corydo-ras de couleur claire, peut-être C. xin-guensis. Se trouvait aussi dans la senneun autre poisson intéressant : une espècede Bivibranchia de fond, à la boucheprotractile capable de s’étirer considéra-blement (cf. photo). Au même moment,Chico avait déjà au bout de l’hameçondeux grands tucunarés (Cichla sp.) et as-surait du même coup notre dîner. Peu

après, il faisait déjà noir comme dans unfour et nous nous arrêtâmes juste devantla très grande cachoeira, où nous mon-tâmes notre tente sur une île de la rivière,infestée de moustiques. Ces bestiolesnous sucèrent le sang tandis que nous essayions de manger les délicieux tucunarés que Chico avait fait griller au-dessus du feu…

À mon réveil le lendemain matin à 6 h, je marchai jusqu’à la cataracte etjaugeai ses dimensions : une hauteurd’un immeuble de deux étages et unelongueur approximative d’une centaine

de mètres. J’essayai d’imaginer la maniè-re dont nous allions pouvoir la franchir.Chico réveillé, nous fîmes un petit déjeu-ner solide à base d’oranges, de thé, depain seigle noir et de miel, tandis que luien restait à sa farinha et son café. Aussi-tôt après, nous commençâmes à déchar-ger la voadeira de manière à pouvoir latirer vide sur les rochers et passer leschutes. Mais avant cela, nous transpor-tâmes tout notre équipement et lescontainers de carburant en haut de la ca-taracte. Autour des midis, c’était fait etnous commençâmes à manœuvrer lavoadeira. Je tirai et Chico alla à l’arrièrepour pousser. Heureusement, c’était unbateau stable et en aluminium, et nouseûmes même le renfort de quatre cabo-clos, qui étaient arrivés et faisaient aussi

chemin sur l’Iriri pour attraper des tucu-narés – qui à l’évidence vivaient engrands nombres dans cette portion pré-servée de rivière, en amont des chutes.Ce mets délicat s’échangeait pour un trèsbon prix sur le marché d’Altamira.

Cela devint un véritable travail d’équi-pe, seulement leurs grands bateaux depêche en bois étaient bien plus lourdsque notre voadeira. En plus de cetteépreuve, les moustiques nous massacrè-rent. Tard dans l’après-midi, commençala phase 2. Nous n’étions pas au bout denos peines. Après avoir tout rechargé,nous repartîmes environnés par l’impé-nétrable forêt primaire – aucune trace hu-maine où que ce soit, personne ne vivaitlà, ni n’y avait vécu. Le haut Iriri s’éten-dait ici sur 30-50 m de large et l’eau yétait extrêmement limpide. Je vis uncouple d’Aequidens gardant leurs bébésle long de la rive rocheuse et également,dans une zone plus profonde, un couplede Retroculus, faisant de même. Desgroupes de Leporinus broutaient lespierres rondes couvertes d’aufwuchs eten pleine eau, je repérai un grand bancde ce qui pouvait être Brycon amazoni-cus. Le long de la rive peu élevée, àl’ombre des arbres et des buissons sur-plombant la surface, parmi des milliersde feuilles, des cichlidés nains, Apisto-gramma et Crenicichla, ainsi que descharaciformes plus petits dans les genresBryconops, Moenkhausia, Astyanax etHemigrammus, prenaient du bon temps.Des loricariidés partout au milieu, sur lesol caillouteux. Je fus capable de classi-

Dans les crevasses des rochers massifs de l’Iriri (6), je découvris une fascinante nouvelle Moenkhausia,pouvant atteindre les 7 cm ou plus. Elle fut baptisée a posteriori : M. heikoi, en mon honneur. Elle vit avecquelques espèces syntopiques (= partageant la même station) dans le courant puissant qui anime l’eau entre ce type de rochers, à des profondeurs atteignant les 2,5 m. En aquarium, un adulte mâle a atteint les8 cm de TL (7). La première Moenkausia heikoi juvénile (8) que je capturai dans le Rio Iriri parmi lesracines submergées (photo 3, page de gauche) ne vivait pas aussi profond que les adultes.

Le haut Iriri est à certains endroits large de plusieurs kilomètres et ressemble à un immense lac (1). Surune île plantée d’un seul arbre, à sa toute extrémité (2), sous ses racines gigantesques, je fis une découvertesensationnelle (cf. page de droite). Nous pêchions à la ligne notre poisson à manger quotidien. Une de nosprises fut Prochilodus nigricans (3), qui peut atteindre les 50 cm TL. Tandis qu’il grillait au-dessus du feude camp (4), des millions et des millions d’éphémères, peut-être Tortopus harrisi, couvrirent les eaux del’Iriri (5) alimentant ainsi la majorité de ses poissons (5), mais n’épargnant pas celui qui cuisait...

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nir ma réponse plus tard. (En attendant,j’en étais persuadé.)

La biomasse de poissons ici dans l’Iririétait tout simplement énorme. Nousn’étions pas au bout de nos surprises ettels des champions du monde, nous pêchâmes pendant près d’une semainesur quinze sites de plus et sur près de600 km de rivière, dans un paradis diffi-cilement trouvable ailleurs sur Terre. Unespace complètement inhabité à l’excep-tion d’une unique famille caboclo, quenous rencontrâmes sur la rive droite deuxjours plus tard, le lendemain d’une étran-ge expérience. Nous avions alors dressé

une nouvelle fois le campement sur uneîle de la rivière, juste sur un merveilleuxbanc de sable entre de grandes forma-tions rocheuses. La plage avait dû émer-ger juste un ou deux jours avant, car denombreux endroits restaient humides.Les racines des arbres de la plage étaientdignes d’un film de fantôme, suspenduesdans les airs, le courant puissant lesayant lessivées. Et c’est tandis que jemarchais de nuit le long des rives, cher-chant comme toujours du poisson, que jeles vis jaillir innombrables de l’eau, par-fois jusqu’à 2-3 m de hauteur avant d’yreplonger plus loin. À l’évidence, des

fier quelques une des espèces non dé-crites (cf. photos) en un tour de main.Cette découverte était cependant le cal-me avant la tempête.

Nous eûmes bientôt à manœuvrer lavoadeira dans un étroit passage et contreun courant très puissant. La rivière for-mait ici une sorte de canal avant quel’eau ne descende les cataractes. On au-rait dit qu’un lac gigantesque s’était trou-vé autrefois sur un plateau et qu’au coursdes temps géologiques il avait commen-cé à attaquer les grands massifs rocheuxsur plusieurs kilomètres avant de finale-ment se déverser dans le Xingú inférieur.

Notre moteur hors-bord n’était pas detaille à lutter contre ce courant et la voa-deira était envoyée sur les rochers, d’uncôté, de l’autre. Nous sautâmes dansl’eau. Je commençai à tirer du brasgauche la corde du bateau, en m’ap-puyant du droit sur les rochers pour ré-sister au terrible courant, tandis que Chi-co poussait à l’arrière, se retrouvant la tê-te sous l’eau la plupart du temps, glissantcomme moi encore et encore. Compre-nant que nous étions engagés dans unebataille perdue d’avance, Natasha sautaaussi pour prêter main forte à Chico.Mais elle fut soudain emportée par la

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bina et P. motoro, mais cela ne pouvaitêtre qu’une supposition. Et puis le spec-tacle subaquatique devint encore plus ex-citant, quasi irréel. Le fond rocheux secouvrit entièrement de loricariidés noirs.J’y reconnus après coup une espèce deBaryancistrus que je désignai comme B. sp. 1 ‘Iriri’. Ils remontaient la rivièresur toute sa largeur, par centaines de mil-liers (millions). C’était à en croire unegigantesque migration que nous aurionspu suivre sur des kilomètres. La plupartd’entre eux mesuraient 15-25 cm de lon-gueur totale et cet épisode m’en rappelalui aussi un autre, des années auparavant.C’était au début de la saison sèche en1997 dans la région de Mamirauá,où j’avais été assez chanceuxpour assister à une migrationde siluriformes qui réunissaitl’ensemble des dix espèces depoissons-chats connues dansle bassin de l’Amazone.J’avais estimé qu’il devait yavoir là plus de deux milliardsd’individus migrant vers un gigan-tesque terrain de frai (cf. Bleher’s Discus, Vol. 1, p. 456-457). Je me rappelai aussi la fois où je plongeai enjuillet 1975 dans un affluent du Tapajóset où j’avais observé une migration deRineloricaria qui s’étendait sur la totalitédes 25 m du lit de la rivière et sur quatrecouches superposées, en remontant lecours de l’eau. Cela y ressemblait vraiment beaucoup…

Je repérai une petite île au milieu de larivière, avec un grand arbre Ficus plon-geant ses longues et fines racines sousl’eau et demandai à Chico de s’y arrê-ter. J’attachai le bateau dans le courantet plongeai mon filet manuel profondé-ment sous les racines, grand ouvert. Jecapturai une jeune Crenicichla noire,une Laemolyta rayée, un Leporinus ta-cheté et un petit characiforme noir à larayure et l’œil dorés (sur la moitié su-périeure). Ce dernier appartenait à cetteespèce découverte au cours de ma pre-mière expédition transamazonienne de1975 dans le bas Xingú, où je l’avaistrouvée dans un fort courant, sous lesrochers, et retrouvée en 1999, encoresous l’embouchure du delta de l’Iriri, ettoujours sous des formations rocheuses,dans le courant. Cette espèce n’appa-raissait-elle que dans l’Iriri, ses œufsétant emportés en aval ? Je devais obte-

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force de l’eau et projetée entre deux rochers où sa jambe gauche se coinça.Tandis que je grimpais sur la rive en por-tant la voadeira, Chico partit à la nage etlibéra Natasha avant qu’elle ne soitnoyée. Le combat semblait sans espoir.J’attachai le bateau et courus sur les ro-chers à la recherche d’un autre canal,d’un passage alternatif. La zone étaitremplie d’îles rocheuses et finalement,après des heures de lutte contre la furiede l’eau, nous atteignîmes à la nuit, plusmorts que vifs, ce plateau géant aux al-lures de lac. L’Iriri faisait là plusieurs ki-lomètres de large et était réellement gi-gantesque, ponctué d’îles de sable. Pas

même le Xingú au-dessus d’Altami-ra ne présentait d’endroits com-

parables et il n’était pas éton-nant que de telles massesd’eau aient eu à trouver unesortie. Couverts de bleus,nous nous glissâmes sous

notre tente, montée sur une îleet nous endormîmes profondé-

ment sans souper. Nous avionssurvécu à cet enfer et le lendemain, le

paradis allait pouvoir s’ouvrir à nous. Les macaos nous réveillèrent au matin.

Les toucans volaient par deux au-dessusde nos têtes. Le brouillard se levait lente-ment et le soleil commençait à percer au-dessus de la rivière cristalline. QuelquesHemiodus sautèrent à la surface de l’eaucomme pour dire « bom dia » (bonjour).Je remarquai sur l’île de sable, les nidsséchés d’espèces de Retroculus et deGeophagus. Ils étaient étonnants. Aprèsavoir creusé un large trou dans le sable,ces poissons y transportaient de grandesquantités de lourdes pierres, de morceauxde bois flotté et de feuilles avant de com-mencer à pondre.

Après le petit-déjeuner, je m’installai àla proue de la voadeira et dirigeai Chicoau milieu des énormes rochers immergés.Ici, l’Iriri coulait très lentement et toutétait visible à travers cette eau transpa-rente, pratiquement jusqu’à la moindrepierre isolée. Tout à coup, sept raiesd’eau douce passèrent sous le bateau, re-groupées derrière un animal dominant.Cela me rappela une expérience sur l’îlede Batanta (Indonésie) avec des raiesmarines, également guidées par un ani-mal alpha, à ceci près que le groupe étaitbien plus important et qu’il semblait flot-ter… On aurait dit ici Potamotrygon sco-

une durée très courte et fleurissent (2) avant de mourir, seules les racines persistant jusqu’au retour del’eau (cf. aussi la première double page). Poussaient en outre dans ces rapides, de beaux buissons fleuris,certains portant des fleurs jaune éclatant (3), d’autres violettes (4). Ils y prospéraient à longueur d’année,parfois submergés, et possédaient de très fortes racines. Ils fournissaient aussi à manger à de nombreusesespèces de poissons.

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L’Iriri est parsemé de nombreux rapides et de chutes d’eau. Et c’est toujours dans la partie la plus tu-multueuse que l’on trouve une famille de plantes aquatiques spécialisées (essentiellement circumtropicale) :les Podostemaceae (1). Elles présentent une association inhabituelle de racines ramifiées et de racines ad-ventices : des racines jadis subcylindriques ou rubannées qui ont évolué en racines foliacées. Environ 50genres et 250 espèces en sont connues. Au cours de la saison sèche, elles vivent une existence terrestre sur

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Mais à côté des Bariancistrus, bien d’autres genres étaient représentés, avec pour certains des espèces nouvelles. Leur identification correcte ne peut passer que parl’examen de leurs bouches et de leurs dentitions (8-10) : 8. Bouche de Bariancistrus sp. III « Iriri » (L-177). 9. Bouche de B. sp. II « Iriri ». 10+11. Oligancistrussp. I « Iriri » adulte. 12. Oligancistrus sp. II « Iriri » (aussi appelé L-20) adulte. 13. Pseudacanthicus sp. I « Iriri » semi-adulte. 14. Parancistrus sp. I « Iriri » adulte. 15. Scobiancistrus sp. I « Iriri » adulte. 16. Panaque sp. I – cf. nigrolineatus « Iriri », semi-adulte. Comme on peut le constater, la sous-famille des Ancistrinae est bien représentée dans l’Iriri.

À certains endroits, le lit de l’Iriri était couvert de poissons-chats, des loricariidés par centaines de milliers appartenant tous au genre Bariancistrus : 1. Bariancistrus sp. II « Iriri » adulte ; 2. B. sp. II « Iriri » semi-adulte ; 3. B. sp. II « Iriri » juvénile. 4-5. Deux juvéniles (d’âges différents) de Bariancistrus sp. III« Iriri » (aussi appelé L-177). 6. Un B. sp. III « Iriri » semi-adulte. Mais un seul et unique Bariancistrus aux bordures de nageoires et aux taches réellement orange : une véritable beauté, jamais vue auparavant. En attendant de connaître son nom, il est provisoirement appelé B. sp. IV « Iriri ».

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La variété de loricariidés dans cette rivière est stupéfiante, en voici quelques uns de plus : 1. Pseudancistrus sp. « Iriri ». 2. Leporacanthicus cf. heterodon. 3. Squa -liforma cf. emarginata. Ce qui n’empêche pas d’autres poissons-chats d’abonder tout autant, tels que : 4-5. Ageneiosus cf. brevifilis. Remarquez les organes repro-ducteurs placés sur la dorsale chez le mâle (4) et une attaque de piranhas sur une femelle, qui lui ont dévoré l’arrière, comme il est typique à la saison sèche. 6-8. Trois nouveaux Corydoras, dont deux sont classés en Allemagne en tant que C21 (6) et C87 (7) tandis que le troisième (8) n’avait été jamais vu auparavant (pourma part, ce sont respectivement les sp. 1 ; sp. 2 ; sp. 3 « Iriri »). 9. Un des pimelodidés ou heptapteridés collectés pourrait appartenir au genre Mastiglanis. Il vit seule-ment sur fond sablonneux. 10. Et aussi l’un des nombreux candirus que je trouvai, vivant aussi exclusivement sur fond sablonneux : mon Trichomycterus sp. 1.

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4. Leporinus sp. IV « Iriri » aff. fasciatus, adulte (en cours de description et vivant en mimétisme avec Leporinus fasciatus, mais possèdant une tache noiresur chaque écaille). 5. Anostomus cf. intermedius, adulte. 6. Leporinus maculatus « Iriri », adulte. 7. Leporinus maculatus « Iriri », juvénile (de couleur plusvive). 8. Leporinus sp. aff. maculatus « Iriri », adulte (nouvelle espèce vivant en total mimétisme avec L. maculatus – cf. aussi les différences des têtes). 9. Leporinus maculatus « Xingú », juvénile. 10. Laemolyta petiti « Iriri », adulte. Ce dernier peut atteindre près de 30 cm en TL.

On pourrait penser que les loricariidés dominent l’Iriri, mais c’est seulement sur le plan de la biomasse, car sur celui des espèces, les characiformes l’emportent.En voici quelques uns des plus grands, de la famille des Anostomidae (sur les deux pages et p. 42). Les trois espèces ci-dessus (probablement toutes nouvelles)vivent en sympatrie : elles pratiquent le mimétisme et ne peuvent être différenciées que par une observation très minutieuse (en médaillon, les détails des motifs dela tête) : 1. Leporinus sp. III « Iriri » adulte. 2. Leporinus sp. II « Iriri » adulte. 3. Leoporinus sp. I « Iriri » aff. megalepis d’approximativement 80 mm TL. Ce dernier possède les nageoires les plus vivement colorées de rouge tout en étant le plus petit des trois.

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Quelques rares anostomidés supplémentaires trouvés dans l’Iriri. Ils vivent tous dans des zones soumises à un fort courant et ont mis au point, au cours de l’Évolution, un comportement alimentaire unique, se tenant la tête en bas pour gratter sur les rochers aufwuchs, algues et micro-organismes. Ils arrivent même à extraire de la nourriture des fissures rocheuses que les autres poissons ne peuvent atteindre : 1. Sartor respectus – remarquez ses incroyables dents (2). 3+5. La seconde espèce de Sartor que j’ai trouvée est probablement nouvelle : un Sartor clair, jamais vu auparavant. En tout et pour tout, seulement deux espècesde ce genre ont été décrites en Amérique du Sud. 4+6. Le poisson le plus coloré du groupe : Sinaptolemus cingulatus, une espèce monotypique. C’est une espècefantastique, à la fois très largement distribuée en Amérique du Sud et très difficile à trouver.

La famille characiforme des Serrasalmidae est également bien représentée, avec notamment : 1. Tometes sp. (Myleinae A), semi-adulte. 2. Myleus sp. (Myleinae B) femelle adulte. 3. Myleus sp. (Myleinae C) semi-adulte, trouvé près de l’embouchure du Rio Iriri, les caboclos les appellent pacu manteiga. 4. Myleus sp. (Myleinae D) « groupe torquatus », adulte. 5. Myleus sp. (Myleinae C), pacu manteiga juvénile. 6. Myleus cf. schomburgkii,semi-adulte (en médaillon à droite, bébé de Myleus cf. schomburgkii).

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Ici quelques uns des petits characiformes de l’Iriri, qui vivent plus à proximité de la rive et des baies, près de la végétation et sur fond sablonneux, rare-ment en zones rocheuses : 1. Moenkausia xinguensis, vivant, pour la première fois, adulte. 2. Bryconops sp. I « Iriri », adulte. 3. Moenkhausia sp. I « Iriri »,adulte. 4. Moenkhausia aff. lepidura, mâle adulte. 5. Bivibranchia sp. I « Iriri », adulte. C’est un characiforme de fond, qui filtre les micro-organismes trouvés dans le sable fin. 6. Moenkhausia aff. lepidura, femelle adulte. 7. Un engraulididé (famille des Engraulididae), probablement Anchoviella nattereri.8. Piabucus dentatus est un paisible characiforme, mais qui peut pour sa part atteindre les 18 cm en TL.

1. Au moins trois espèces de Cichla apparaissent dans l’Iriri. Ici, Chico avec une C. cf. temensis fraîchement pêchée. 2. Le très grand Serrasalmus humeralisde 42 cm de TL que j’ai pu attraper (certains considèrent ce dernier comme un synonyme, mais Géry l’a classifié comme une espèce valable). 3-4. Il existedeux formes de Serrasalmus rhombeus dans l’Iriri. Les deux possèdent un œil rouge, mais l’une est un poisson grégaire à taches sombres (3), l’autre vit ensolitaire et est argentée, sans taches (4). 5. Serrasalmus cf. elongata, juvénile. 6. Et je ne peux m’empêcher d’ajouter cette image d’une morsure de piranha.Notez qu’elle s’est produite hors de l’eau puisqu’ils n’attaquent jamais l’homme dans leur milieu naturel. Je l’avais dans ma main pour le photographier etle poisson s’est retourné pour me mordre…

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prédateurs nocturnes (essentiellement desgrands poissons-chats de la famille desPimelodidae) étaient à l’œuvre, encoreplus affamés par la sécheresse qui avaitraréfié les sources de nourriture. J’avaispeine à croire les bonds nocturnesqu’était capable de faire un poisson poursauver sa peau… Au cours de la journée,j’avais déjà eu ce genre d’expérienceavec un grand Retroculus. Installé devantmon bac photographique, commençant àprendre des photos, il avait jailli de ceminuscule aquarium sur presque un mè -tre de haut et plongé dans un trou d’eauformé dans le sable d’à peine 20 cm deprofondeur. Quand j’avais accouru aprèslui et cherché à le saisir dans son trou, ilavait alors fait un autre saut énorme, surplus de 1,5 m de distance, directementdans la rivière. Un beau spécimen, parti.Pour les gros cichlidés suivants, je prisun soin particulier à les tenir dans mamain lors des photographies… Ils possé-daient une vessie natatoire réduite etpour cette raison vivaient essentiellement

près du fond, ce qui ne les empêchait pasde faire des sauts formidables rivalisantavec le Salto Mortale…

Des bonds en série qui se poursuivirentà mon retour sous la tente. Je fis en effetun étrange rêve cette nuit-là, sur un vergéant : ce ver de sable monstrueux tiréd’un film hollywoodien, qui n’apparais-sait que poussé par la faim pour dévorerdes humains. Je me réveillai et vis lesable sous la tente qui bougeait réelle-ment… Je frappai alors de toutes mesforces sur la forme mouvante, sans résul-tat. Ça se remettait en route inexorable-ment. Je sortis en courant et inspectai lesol sableux, mais rien. Je revins alorssous la tente. Ça recommença à s’agiteret tous les coups supplémentaires n’y fi-rent rien. C’est seulement après avoir ré-veillé Natasha et avoir remonté la tenteailleurs, à 2 h du matin, que nous retrou-vâmes un sable paisible sous nous… Ap-paremment, notre tente avait bloqué l’en-trée et la sortie de quelque créature…

Nous atteignîmes donc la hutte en bois

de Ben le caboclo, le troisième jour enfin d’après-midi. Montée sur pilotis, ellese tenait à 200 m de la rive, sur une colli-ne (terra firme). Ben, ou plutôt Raimun-do Guilherme de Souza, était ici depuisseize ans en compagnie de sa femme Lu-zia et de leurs trois garçons et sept filles.Ils vivaient en totale autarcie grâce à leurproduction et ce n’était qu’au plus fortdes crues, une fois par an tout au plus,que Ben prenait son canoë, descendait larivière et passait les chutes d’eau jusqu’àAltamira. Ben me raconta cela pendantque sa femme est ses filles ramenaient lafarinha quotidienne, extraite de la racinedu manioc et qui avait été mise à tremperpendant plusieurs jours afin d’en éliminerle poison liquide. Il me dit aussi que lors-qu’il était arrivé ici, quelques autres fa-milles de caboclos vivaient encore lelong du haut Iriri, mais en raison du ni-veau faible des eaux depuis plus d’unedé cennie, les allers-retours par les cata-ractes étaient devenus presque impossi -bles pour survivre ici et tout le monde

Dans la région de l’Iriri, on peut également trouver des cours d’eau complètement asséchés, mais qui en période de crue, sont connectés à la rivière principale, tel que celui-ci. Les poissons restants sont d’abord dévorés par les piranhas, puis par les oiseaux et les caïmans, mais avant de mourir ou d’être mangés, pondentdans la vase. J’ai trouvé ici des espèces d’Hypostomus, Squaliforma, de nombreux characiformes et même des milliers de bébés nouvellement éclos de toutes sortes de poissons.

En haut, deux loricariidés supplémentaires trouvés dans l’Iriri : 1. Pseudoloricaria cf. laeviuscula (mais notez qu’ils vivent sur fond sablonneux). 2. Loricaria cf. lata, une véritable beauté. 3. Vivant aussi en mimétisme, deux genres de characiformes : un Triportheus aff. rotundatus (poisson du haut) etun Brycon aff. pesu (poisson du bas), vivant en sympatrie dans l’Iriri et difficilement distinguables l’un de l’autre en milieu naturel. Les deux possèdent unœil à reflet argenté. Ils ont aussi en commun, en plus de leurs écailles argent, une bande noire sur la queue. Et pour finir, deux espèces qui se ressemblentaussi beaucoup et appartiennent au genre Brycon : 4. Brycon cf. pesu (notez la grande nageoire adipeuse noir de jais et sa tache humérale), et la seconde,assurément une nouvelle espèce : 5. Brycon sp. aff. pesu adulte (adipeuse petite et translucide, tache minuscule).

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avait migré vers Altamira. Il y avait éga-lement quelque part dans les profondeursde la forêt, une tribu indienne, les Woka-rangma, un groupe ethnique que l’on es-timait encore à trente et une personnes,mais on n’avait jamais de contact aveceux. Ainsi, à part un seul indien Chipaia,qui avait été rejeté par sa tribu pour avoirpris pour femme une brésilienne et quipossédait une hutte quelque part, person-ne d’autre ne vivait alors sur cette rivièregéante (hormis aussi des chercheurs d’or, à sa source, à l’autre bout de ses 1 000Km, comme je le découvris plustard).

D’énormes massifs rocheux émer-geaient de l’eau à proximité de la huttede Ben et j’y collectai des poissons in-croyablement intéressants. Par exemple,certainement une nouvelle espèce deSartor, à la bouche des plus singulières,développée pour racler les algues sur lesrochers en se tenant en position verticaledans le courant. Jusque là, seules troissortes étaient connues : S. elongatus San-tos & Jégu 1987, que j’avais déjà décou-vert en 1983 dans la Cachoeira de Portei-ra (rivières Trombetas et Mapuera) ; S. respectus Myers & Carvalho 1959, duRio Culuene dans le Mato Grosso (que jepus trouver aussi plusieurs fois dans lemilieu et le bas du Xingú, et désormaisdans l’Iriri, vivant en communauté avecla nouvelle espèce) ; et S. tucuruienseSantos & Jégu 1987, du Rio Tocantins.Cette découverte était non seulementnouvelle pour le genre mais aussi sur lepoint de vue des espèces. Malheureuse-ment, ces mangeurs spécialisés ne sontpas recommandables pour un aquariophi-le normal. Il en va de même pour cetteespèce fantastiquement colorée et trèslargement distribuée, appartenant à la fa-mille des Anostomidae (characiformes) :

Voici un habitat typique de Teleocichla dans l’Iriri, à quelques centaines de kilomètres en amont. On y trouve partout des formations rocheuses géantes.Elles doivent représenter un vestige de l’ancien bouclier géant guyanais, qui fut partagé par le puissant fleuve Amazone, lorsqu’il coula brusquement versl’est. De tels trous sont occupés par des centaines de ces cichlidés nains allongés, qui s’y reproduisent également. Sept espèces ont été décrites, quatre origi-naires du bassin du Rio Xingú (qui inclut l’Iriri), deux originaires de la rivière Tapajós et une du fleuve Tocantins. Une des trois espèces non-identifiées queje trouvai ici ressemblait à T. cinderella (en bas), mais cette espèce est seulement connue dans le bassin du Tapajós, pas dans celui du Xingú. Ce sont despoissons de fond pacifiques, qui ont besoin de zones rocheuses et de grottes, comme de sable. Ils vivent dans des habitats dénués de végétation aquatique.

Sur une étendue de presque 600 km où j’ai faitdes recherches, ce furent les seules maisons queje rencontrai. Le caboclo qui vivait ici depuisseize ans avec sa famille, était le seul habitantde cette région de l’Iriri. Il vivait de manièrecomplètement autonome et descendait, le caséchéant, une fois par an la rivière, lorsque leseaux étaient hautes, jusqu’à Altamira. Ils culti-vaient tout ce dont ils avaient besoin, les pois-sons fournissant les protéines, tout comme lestortues (à gauche) et les iguanes (à droite). Maisnaturellement dans cette gigantesque zone deforêt primaire, une chasse si limitée pour unnombre de personnes si restreint était sansconséquences… pourvu que cette contréeconserve cet exceptionnel statut et que les humains restent à l’écart de ce paradis.

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J’oublierais presque de vous montrer certains gros cichlidés collectés autour de la découverte extrêmement intéressante d’une nouvelle espèce de Retroculus. Dans le genre, seulement trois espèces avaient été décrites : R. lapidifer du Rio Araguaia, R. septentrionalis de la rivière Oyapok de Guyanefrançaise et R. xinguensis du Xingú. 1. Désormais, j’avais trouvé celle-ci, que je nommai Retroculus sp. 1 « Iriri » ; elle vivait exclusivement dans un af-fluent de l’Iriri, le Rio Novo. En fait, elle ressemble plutôt à un Geophagus argyrostictus géant. 2. Mais voici un autre très grand cichlidé, qui ressemble cette fois un peu à R. xinguensis, mais dont le motif sur la queue diffère et dont les nageoires sont également caractéristiques, comme la tête et la bouche. Il s’agit de mon Retroculus sp. 2 « Iriri », qui a tout lieu d’être vraiment nouveau et de constituer la quatrième espèce du genre. 3. Pour comparaison, ici leR. xinguensis que j’ai collecté dans le Xingú. 4. Geophagus sp. 1, adulte. 5. Ici un juvénile du nouveau Retroculus sp. 2 « Iriri ». 6. Et encore pour compa-rer : un juvénile de R. xinguensis. 7. Un juvénile de la probable nouvelle espèce de Geophagus, G. sp. 1 (cf. adulte en haut), et : 8. Satanoperca cf. jurupariqui elle est largement distribuée dans tout le bassin amazonien.

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Synaptolaemus cingulatus. Ce dernierfut décrit par Myers & Fernández Yépez1950 dans le haut Orinoco, l’espèce setrouvant aussi dans le haut Rio Negro, leXingú et ailleurs. Le découvrir dansl’Iriri était en tout cas inédit. Là, il vivaiten sympatrie avec les deux espèces deSartor.

Je vis une multitude de Myleus et lebien connu Myleus schomburgkii avec sabande centrale rapportée, façon « discusHeckel ». Je découvris surtout que dansl’Iriri seul, devaient vivre sept ou huit es-pèces, que feu l’expert des characiformesdu monde, Jacques Géry (qui nous aquit tés à l’âge de 90 ans en 2007), dési-rait classifier comme six espèces diffé-rentes et en majorité nouvelles. Je ne visqu’une seule espèce des rares Tometes.Ben appelait le plus coloré d’entre eux,que j’observai sous l’eau, « manteiga »(= beurre) : un rêve à nageoires. Avecune dorsale extrêmement longue, unequeue jaune d’or, une large bande noireet une grande nageoire anale rouge. Hé-las, il fut impossible de capturer cettebeauté : trop rapide, il s’échappait chaquefois de la senne ou du filet mail lant. Maisnous ramenions malgré tout des poissonsencore plus fascinants. Sept espèces dif-férentes de Leporinus, toutes étant, hor-mis L. maculatus, nouvelles pour lascience et l’aquariophilie (cf. photos).

J’aperçus d’abord un banc de Leporinustachetés, qui semblaient tous identiques,mais en nageant plus près d’eux, on pou-vait en fait distinguer trois espèces diffé-rentes (mes L. sp. « Iriri » I, II et III).L’une des trois, L. sp. I, portait en parti-culier trois petites marques rouge vif mi-nimum sur la face ventrale et sur la zonebasse de sa bouche. Puis je vis un autregroupe et crus dans un premier tempsêtre en présence de L. maculatus, une es-pèce largement distribuée et que l’ontrouvait dans le nord, jusqu’en Guyanefrançaise et au sud, dans les sources duXingú. Mais en en plaçant des spécimensdans l’aquarium, je me rendis comptequ’il y avait en fait là deux espèces dis-tinctes. Au stade juvénile, elles se res-semblaient comme deux gouttes d’eau(exceptée une marque noire à la pointede la bouche chez la nouvelle espèce) etne se différenciaient qu’à l’âge adulte(cf. photos, p. 41). Je trouvai enfin untroisième groupe de Leporinus composéde deux espèces rayées de 9-10 barres

noires et qui vivaient également en sym-patrie. L’une pourrait être l’être l’authen-tique L. fasciatus et l’autre, L. aff. fascia-tus (mon L. sp. IV « Iriri »), une nouvelleespèce à décrire. Cette dernière se dé-marquait par des points noirs saillants surchaque segment d’écaille ainsi que pardes nageoires pectorales jaunes et unecourte bordure noire avant l’extrémité dela caudale. Autant d’anostomidés extrê-mement intéressants pour l’aquarium.

Je ne reviendrai pas sur les loricariidés :presque chaque forme différente étaitnouvelle pour la science et l’aquariophi-lie et nous en collectâmes tant qu’il n’yaurait pas assez de place ici pour toutesles mentionner ; j’ai simplement inséréquelques photos.

Quand je demandai dans la soirée àBen s’il connaissait certains affluents del’Iriri, tels que sur sa rive gauche les riosCuruá, Catete, Chiché et le Riozinho doAmfrísio, et sur sa rive droite les riosIriri Novo, Ximxim, Riozinho Jucatã,Carajaí et Novo, il me répondit que seulle Novo devait encore couler à cetteépoque de l’année. Tous les autresétaient stagnants ou à sec. Chico crai-gnait cependant d’emmener la voadeiraplus en amont sur l’Iriri : trop de ro-chers, et toutes nos pièces de rechangeavaient été employées. Je persuadaidonc Ben, qui vivait désormais depuis silongtemps ici et connaissait la moindrepierre de la rivière, de venir en tantqu’habitué. Et il accepta de nous guiderpendant deux jours en dépit de ses accèscontinuels de malaria…

Nous atteignîmes le merveilleux af-fluent Rio Novo l’après-midi suivant etle parcourûmes jusqu’à sa chute d’eau.Là, poussaient d’incroyables quantités dePodostomaceae dans le courant rapide,de couleur rouge clair avec des fleurs ro-se. C’était non seulement une nouvellerivière (= Rio Novo) mais aussi un nou-veau paradis. Un fantastique espace pré-servé où probablement jamais l’hommen’avait mis le pied. On pourrait remplirdes livres avec le récit des heures et desjours que nous passâmes là, dans cettezone inhabitée. Et notamment de ce quenous y rencontrâmes encore. C’est pour-quoi je me contenterais de vous raconterjuste un seul évènement marquant de cet-te incroyable expédition dans ces habitatsaquatiques intacts. Ce jour-là, j’en apprisénormément sur l’habitat unique et la

biologie de cet étonnant characiformequi a depuis été décrit comme Moen-khausia heikoi par Géry & Zarske, 2004(cf. photos). Quelque chose que jen’avais pas été en mesure d’observer lorsde ma découverte de 1975, ni lors de macollecte de 1999 où je n’avais trouvé quedes juvéniles. Pour connaître sa véritabletaille (jusqu’à 8 cm en TL) et son fabu-leux aspect à l’âge adulte, il m’avait falluattendre d’en trouver à se stade-là, ici,dans l’Iriri (jamais dans le Xingú, où ilsdevaient probablement être dévorés trèsrapidement par des prédateurs avant d’at-teindre cette maturité). Et de ce poisson àla beauté singulière, qui deviendra sûre-ment à l’avenir une vedette auprès detout aquariophile amateur de characi-formes, je ne trouvai des formes adultesqu’en plongeant à des profondeurs de 2-3 m – et seulement entre des colonnesrocheuses (cf. photos). Ils vivent et pon-dent dans ce genre de cachettes en pleincourant et leurs œufs suivent en flottantle cours de la rivière, où ils éclosent(lorsqu’ils ont échappé aux prédateurs) etfinissent pour une poignée dans leXingú. (Cet ensemble de circonstancesexplique que de grands spécimens isolésne peuvent être trouvés – lorsque cela ar-rive – qu’en nombres limités dans le basIriri et, le cas échéant, dans le Xingú. Etc’est probablement aussi pour cela queles pêcheurs professionnels d’Altamiran’avaient jamais collecté cette beauté.)

En outre, la capture des exemplaires re-présentés fut des plus laborieuses, enparticulier dans le courant, entre cesmassifs rocheux situés à bonne profon-deur et grâce auxquels ils m’échappaientsystématiquement. Il me fallut deux jourspour en recueillir huit spécimens adultes.

Faut-il dire que le retour de ce paradisnous réserva aussi son épisode cauche-mardesque ? J’étais affairé à tenter d’at-traper l’unique espèce de Corydorasqu’abritait l’Igarapé Pebo (où j’avais dé-jà découvert trois espèces différentesd’Apistogramma). C’est alors qu’en mar-chant avec mon filet manuel dans ceruisseau de 2 m de large, je sentis sou-dain des impacts électriques, qui allaienten s’intensifiant. Je levai les yeux et vissix Electrophorus electricus – les an-guilles électriques – d’environ 2 m cha-cune, qui s’approchaient de moi. Je nesais toujours pas comment j’ai réchappéà ces monstres chargés d’approximative-

ment 4 800 volts (chacun ayant une ca-pacité de décharge de 800 V), pas plusque je n’aurais pensé de toute ma vie depêcheur être capable de sortir de l’eauaussi rapidement…

Mais comme vous pouvez le constater,je suis toujours là, le même qu’avantmes cinquante-sept attaques de paludis-me, revenant comme chacune des qua-

rante dernières années, avec de nou-veaux poissons pour le hobby le plusbeau du monde. Et cela devrait durer en-core longtemps…

Épilogue : La seule mauvaise nouvelleconcernant cet Iriri si unique, qui estpeut-être la région la moins habitée duglobe, est qu’en août 2004 un riche fi-nancier du nom de Gustavo Dos Reis

Filho, surnommé Gugu, a ouvert une ré-sidence pour pêcheurs le long de l’Iririoù il amène de riches clients pour la pê -che à la mouche, par vols charters enpro venance de Santarem et qui se posentsur la piste d’atterrissage construite pourl’occasion à proximité. Pour l’instant, iln’y a pas encore de routes qui mènent àce paradis.

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM Rio XingúRio Xingú INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMRio IririRio Iriri

Deux aquariums biotopes fidèles aux habitats décrits dans les pages précédentes. 1. Sur cette page, un authentique biotope du bas Xingú. Un aquarium de 1 600 lpeuplé des poissons suivants : 2 raies d'eau douce non-identifiées (Potamotrygon sp.), 10 petits spécimens de raie d’eau douce ocellée (Potamotrygon motoro),10 metynnis à crochet rouge (Myleus rubripinnis) et à barre noire (M. schomburgkii), ainsi que 3 nouveaux Myleus sp., 6 piranhas adultes (Serrasalmus altus),5 Poptella sp., 6 cichlidés Heros cf. severus, 4 grands poissons-chats suceurs (Pterygoblichthys sp. et Hypostomus sp.) ainsi que 6 silures à barbe dorée (Sturiosomaaureum). Plantes aquatiques : Ces habitats en sont dépourvus. Dans les baies peu agitées, parfois des nénuphars (Nymphaea sp.), des utriculaires (Utricularia sp.)et autres plantes flottantes, comme Pistia stratiotes et Salvinia natans, occasionnellement de grandes épées d’eau tel qu’Echinodorus grandifolius. Matériaux dedécor : roches foncées, ardoise, sable blanc fin. Quelques morceaux de bois flotté. Les paramètres chimiques de l’eau sont : pH 6,25 à 6,55 ; conductivité 21-22 μS/cm ; température diurne : air 36,5 °C, surface de l’eau 28,5 °C et à 2 m de profondeur 27,9 °C (où vit la majorité des poissons représentés). Pour des compléments, consultez sur Internet : www.aquapressbleher.com/index.php?option=com_content&task=view&id=80&Itemid=53

Cet aquarium biotope est un habitat typique du Rio Iriri. Inspiré de l’endroit où sont trouvés de nombreux Myleninae (Myleus, Metynnis, Mylossoma). Ici un aquarium de 450 l. Poissons : 11 Myleus schomburkii adultes (2), Myleus sp. (3), Metynnis fasciatus, Mylossoma duriventre et Brachychalceus sp. (1).Plusieurs Peckoltia sp., Bariancistrus, Parancistrus, Hypancistrus, Pseudoloricara sp. (4) et Loricaria sp. Mais aussi un couple de grands loricariidés :Pseudacanthicus leopardus (5). On peut aussi introduire quelques cichlidés, tels que Retroculus sp., Geophagus ou Satanoperca sp. Matériaux de décor :sable fin blanc, gravier et pierre de lave, ainsi que quelques pierres dans les tons jaunes (photo 1). Les roches volcaniques devraient être disposées encouches (4), ainsi les plus petits loricariidés se sentiront immédiatement chez eux, comme on peut l’observer ici (cette photo a été prise quelques minutesseulement après leur introduction). D’autres aquariums biotopes peuvent être vus sur www.aquapress-bleher.com, où il suffit d’aller sur Les Biotopes de Bleher.

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Assam

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AssamLe Brahmapoutre : un des plus grands fleuves d’Asie qui, en Inde, traverse d’un bout à l’autre

la province autonome de l’Assam. Ce fleuve, également appelé Tsangpo-Brahmaputra, est un

cours d’eau transfrontalier. Prenant sa source dans le sud-ouest du Tibet où on lui donne le nom

de Yarlung Zangbo, il coule à travers le sud du pays, fait une percée dans l’Himalaya dans de

grandes gorges, avant d’arriver dans l’état d’Arunachal Pradesh où on le nomme alors Dihang.

Ensuite, sous le nom de Brahmapoutre, il traverse au sud-ouest la vallée de l’Assam, puis au sud,

le Bangladesh, sous le nom de Jamuna. Là, il se mêle finalement au Gange pour former un large

delta. Long d’environ 2 900 km, son rôle est capital dans l’irrigation et le transport, tandis que

ses affluents présentent une faune aquatique particulièrement riche.

Texte et photos : Heiko Bleher

La région peu connue de l'Assam fit partie des lieux explorés par Heiko Bleher lors de ses périples en Inde.

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Assam

Les barrages routiers bloquaient toutNew Delhi. Des fusillades à la mi-traillette avaient eu lieu dans la vil-

le moins de deux semaines avant mon ar-rivée, jonchant les rues de cadavres – fem -mes, enfants, vieillards : une riposte sikhdans leur combat pour la « libération » duKhalistan, afin d’en faire un état indépen-dant du Penjab indien. Le carnage n’avaitpas cessé depuis le terrible assassinat duPremier ministre Indira Gandhi, le 31 oc-tobre 1984.

Des sacs étaient empilés le long de laRao Tula Marg et de la Ring Road à l’en-trée de Delhi, avec des automobiles MG etdes soldats derrière – un décor de guerre.Deepak Nopany, une des personnalités lesplus sympathiques du commerce aquario-phile, était venu de Calcutta en avion, tôtce samedi matin pour être à l’aéroport àmon arrivée de Francfort. Pakistanais,Hindous et Sikhs remplissaient tellementl’avion que je m’étais senti en Inde dèsmon embarquement.

J’avais appelé Deepak plusieurs joursavant pour me renseigner sur la météo enAssam, car je souhaitais m’y rendre abso-lument. La dernière fois, je n’étais pasparvenu à obtenir une autorisation pourcette zone interdite aux Blancs et, danstous les cas, d’accès limité. On m’avaitalors affirmé que l’obtention d’un permisd’entrée me prendrait six mois. Mais cettefois-ci, le Consulat Général de Francfortm’avait prétendu que je pourrais l’avoir lejour même à Delhi, grâce à mon visa af-faires. Une plaisanterie !

Heureusement, l’oncle de Deepak, M. J.Daruka, et deux autres amis, avaient déjàmis en branle leur dispositif. Première éta-pe : des jours auparavant, Deepak avaitsollicité une lettre de recommandation au-près du MPEDA (Marine Products ExportDevelopment Authority) ainsi que du Cen-tral Bureau of Investigations. Avec cette « force et ce soutien », nous nous diri-geâmes vers l’immeuble du Lok NayakBhavan, à bord de plusieurs autorick-shaws. Remplir les formulaires fut uneaventure ; en obtenir une copie, une plusgrande encore ! « Désolé, le Bureau desaffaires intérieures n’ouvre qu’après 14 h,mais nous vous conseillons d’être présentdès 13h15. » La file faisait déjà 200 m delong ; heureusement, l’oncle de Deepakavait envoyé quelqu’un en tête et nouspûmes entrer à 15 h. Après avoir été pro-menés d’un service à l’autre et avoir rem-

pli encore plus de formulaires, nous accé-dâmes finalement au bureau de Mme Gu-lati, une femme qui me rappela fortementMme Indira Gandhi, et qui me déclaraavec fermeté que si je pouvais aller en As-sam, ce ne serait pas avant six semaines.Les recommandations de Francfort ne fu-rent d’aucune aide, pas plus que les huitlettres… ni même la pile de publicationspersonnelles que j’avais amenées. Jusqu’àce que le mot « commerce » (exportationde poissons d’aquarium) fasse son effet. À16 h, elle me demandait finalement de re-venir le lendemain à 11 h.

Pour fêter cela, nous fûmes invités par lecamarade d’université de Deepak, EddySingh, et sa charmante épouse, à dégusterun dîner typique du Rajasthan, sur la ter-rasse de leur joli petit nid. Madame Anitanous cuisina kofa, puris, du pain naan(que j’avais seulement goûté dans le cé-lèbre restaurant parisien Lucas Carton) etun riz spécial. C’était bon à s’en lécher lesdoigts (de toute façon, tout se mangeait àla main). De retour à l’hôtel, ma commu-nication avec l’Italie fut impossible à éta-blir et je ne pus trouver le sommeil. Arri-vé à ma troisième nuit blanche, je démé-

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Les pêcheurs de la région du Brahmapoutre transportent leurs prises dans des filets ou dans une senne àtravers des espaces très secs, quasi-désertiques. Même le puissant Brahmapoutre a été touché par leréchauffement global et son niveau d’eau baisse d’année en année. Je l’ai vu se volatiliser… (cf. égalementla première double page).

L’Assam regroupe les vallées du Brahmapoutre et de la rivière Barak, ainsi que le Karbi Anglong et le North Cachar Hills. Avec ses 78 438 km² actuel possèdeune superficie pratiquement équivalente à celle de l’Autriche et est entouré des Sept États Frères (dont il fait partie) : Arunachal Pradesh, Nagaland, Manipur,Mizoram, Tripura et Meghalaya. Ces états sont connectés au reste de l’Inde par une étroite bande de terre à l’ouest du Bengal, nommée le corridor de Siliguri. L’Assam partage ses frontières internationales avec le Bhutan et le Bangladesh ; et ses cultures, ses peuples et son climat avec la Chine du sud-est. Ce n’est que suite à l’occupation britannique, décrétée par le traité de Yandaboo de 1826, qu’il fut intégré à l’Inde.

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le cap sur l’Assam pour y chercher despoissons ornementaux.

L’Assam, connu mondialement pour sonthé, fournit 58 % de la consommation in-dienne et 30 % de la consommation mon-diale. Autrement dit, avis aux aquario-philes buveurs de thé : chaque troisièmetasse est faite d’une poudre originaire decet état ; gardez cela en mémoire à la pro-chaine dégustation et pensez à ses beauxpoissons ! En outre, cette belle vallée fer-tile produit 50 % du pétrole et du gaz na-turel indiens. Sur le vol de New Delhi àGuwahati, j’ouvris le journal et lus un ar-ticle intitulé : « Du pétrole pour dévelop-per la productivité de l’Assam ». Cetteproduction requerrait 39 nouveaux der-ricks et des effectifs supplémentaires del’ordre de 15 500 personnes, qui s’ajoute-raient aux 8 542 déjà présentes. Riend’étonnant à ce que les seuls autres Blancsà avoir obtenu des permis travaillaientdans le pétrole, un Allemand et deuxRusses. Je compris que c’était là ma der-nière occasion de pêcher et qu’après leschoses deviendraient encore pire !

Cet état, le plus à l’est de l’Inde, partageses frontières avec le Bangladesh et leBhoutan à l’ouest, et la Chine et la Birma-nie à l’est. Peut-être était-ce dû à son rela-tif isolement géographique, mais en dépitd’être l’état le plus riche de l’Inde, l’As-sam continuait à passer pour un territoirehabité par des peuples barbares et sauva -ges, si j’en croyais certaines personnes àqui j’en avais parlé. Le nom d’« Assam »dérive des Ahoms, une tribu mongole ori-ginaire de Thaïlande, qui traversa le mas-sif du Patkai par la Birmanie pour conqué-rir l’Assam au XIIIe siècle. Ils y régnèrent600 ans. Le peuple assamais était fierd’avoir résisté aux 17 invasions mogholesqui s’étaient succédées entre le XIII et leXVIIe siècle. À lui seul, il était parvenu àmettre en échec ce grand empire moghol,dirigé par l’indomptable Akbar, qui avaitrégné de la Perse au Bengal (comprenantle Bangladesh d’aujourd’hui) sur plus de150 millions de personnes et qui au som-met de sa puissance (dans les années1600) surpassait de loin sa contemporai-ne, la Reine Élizabeth d’Angleterre, en

Pour mes déplacements dans New Delhi, je privilé-giais toujours les ricksaws à moteur (ci-dessus)pour me faufiler dans son incroyable circulation :ils avançaient bien plus vite que les taxis. Et celapour bien moins cher... Un vieil homme (à gauche)me dévisageait ; encore aujourd'hui, j’ignorepourquoi…

À Calcutta, notre point de départ pour l’Assam : la maison de Ghandi (1). Les travaux sur la voie principale (2) ne freinaient en rien le trafic, ni les gens. Bollywood (la « fabrique » de films de l’Inde) produit deux fois plus de films par an que Hollywood (3). Bicyclettes et vaches dominaient

sur les rues principales (4). Et le ricksaw traditionnel (5) s’avérait le mode de locomotion le plus répandu (et le plus économique). Tandis que les bus étaient constamment bondés (6)...

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nageai. Le Jaipur Inn, qui était tenu par unSikh aux allures d’ours, était placé sur unerue à la circulation intense et à chaquepassage de voiture, je tombais du lit. Àraison de 5 voitures à la seconde, jen’avais guère le loisir d’y rester allongé !

Finalement, tout se résolut en douceur.J’obtins le feu vert de Mme Gulati et tra-versai la ville jusqu’à la House Bhgwar,le bu reau d’enregistrement des étrangers.L’en droit était bondé de punks, de hip-pies (ils existaient encore ici) etd’étranges per son nes avec des tatouageset des oreilles cri blées d’anneaux, sollici-tant des permis pour le Népal et Sikkim.Je passai devant après avoir rempli deux

formulaires supplémentaires et en avoirobtenu des copies.

À midi, je filai à l’Indian Airlines, oùj’appris que ma réservation pour le vol del’après-midi était annulée. J’achetai mal-gré tout un billet. Quand j’arrivai àl’avion, l’embarquement était terminé :cela semblait mon destin ! Mais je leurmontrai mon permis tout frais et les inon-dai de mots magiques : commerce, expor-tation… Ce qui leur fit retarder le départpour nous. Finalement, après des annéesde tentatives, j’étais bien sur les rails. Se-lon toute vraisemblance, le premier « Blanc » (mais à quel degré en suis-je un? si je commence à y réfléchir…) à mettre

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qu’elles correspondent toutes au petitnombre d’espèces décrites.

Deepak attendait anxieusement que nousarrivions à Tinsukia, et le taxi, une vieilleAmbassador, patientait. Trois heures plustard, arrivés à destination, nous prîmes nosquartiers pour quelques jours dans l’hôtelHide Away. L’après-midi même, nous par-tîmes en direction de Guijan sur la rivièreDibru, un affluent du Brahmapoutre.

Je fus stupéfait de trouver partout des pê-cheurs expérimentés. Swapan Dasi, unsympathique Assamais de 26 ans, fut monaide pour le reste de la journée. Le Dibruétait bordé de millions de Vallisneriagéantes, de Potamogeton, et de nom-breuses Nymphaea (nénuphars) pous-

saient dans les baies. Je savais qu’il devaity avoir là du poisson. L’eau était d’un grisboueux mais heureusement le fond étaiten grande partie sableux, de sorte quenous ne nous enfoncions pas trop dans lesol en maniant la senne à contre-courant.

Apparut tout d’abord un poisson éton-nant, ressemblant à un poisson rouge jau-ne, avec une ligne latérale argentée et durouge sur les nageoires. J’y aurais vu untétra si nous ne savions pas tous qu’on netrouve pas de characiformes en Asie !J’identifiai plus tard cette espèce rarecomme Amblypharyngodon mola. Puisvint un autre poisson doré, le poisson-chatMystus tengara (les autres formes colo-rées provenant du Darjeeling, du Bihar,voire du Pakistan et du Bangladesh). Letroisième poisson doré à faire surface(j’avais décroché le « jackpot », une véri-table mine d’or !) fut le « cory asiatique »(un nom de mon cru) : Chandramarachandramara. Ce petit poisson-chat tota-

tu. Un autre poisson fantastique, que jen’avais jamais vu auparavant, sauta sou-dain du dessus d’une table et je trouvai àmes pieds une belle channa ponctuée denoir, avec de lumineuses couleurs dorées,une tête bleu émeraude et une tache enco-re plus lumineuse à la base des nageoirespectorales, rayées de rouge et de noir.

Les poissons têtes-de-serpent m’ont fas-ciné pendant longtemps. J’en découvrisnotamment un en Malaisie, un beaumonstre noir d’à peu près 110 cm de long,que j’exposai dès 1986, à l’Interzoo deWiesbaden. Comme je n’en avais qu’unspécimen, cette espèce ne fut jamais dé-crite et nage encore aujourd’hui dans unecuve de démonstration à Tokyo, apprivoi-sé et mangeant de tout, et pas seulementdes proies vivantes. Ces poissons ne sontpas aussi mauvais qu’on le prétend.

À l’occasion de ma petite promenade,

richesse et en contingent armé. Mais en1842, la vallée de l’Assam tout entièretomba sous le joug britannique. Le colo-nisateur y initia la culture du thé, installades scieries, creusa des mines de charbonet en 1890, lança des recherches d’hydro-carbures.

Tard dans la nuit à Guwahati, je fus es-corté du terrain d’atterrissage jusqu’à monhôtel. Parce que mon permis ne concernaitque Dibrugarh et ses environs, je fus gar-dé toute la nuit comme un prisonnier.Malgré tout, Deepak nous permit de nousesquiver pour aller visiter une animaleriedans le centre ville. Se cacher sur le plan-cher, à l’arrière de la voiture Ambassador,le temps de ce trajet d’une heure et sur cet-te route cahoteuse, ne fut pas ce qu’il yavait de plus confortable. Le MatysaAquarium était fermé, évidemment, maisDeepak encore, parvint à retrouver sonpropriétaire, M. Sarme, dans cette obscu-rité (l’éclairage urbain était inexistant).Comme nous l’expliqua M. Sarme en dé-verrouillant l’énorme porte de bois, le motmatysa signifiait « poisson » en sanskrit(considéré comme le langage le plus an-cien du monde). Je vis devant moi des am-poules aux nuances colorées se balançantau-dessus de bacs à armatures, peuplés deguppys, de platys et de tétras albinos –mais pas une seule des beautés de l’As-sam. Une cuve contenait des discus brunsde 15 cm à 50 dollars américains pièce,des Synodontis nigrita à 30 $ et de jeunescardinalis à 5 $. Deepak m’expliqua qu’ilsdébarquaient au prix de 10 cents. Une sa-crée estimation du matériel vivant.

Le survol aux premières heures du jour,en direction de l’est, du gigantesque Brah-mapoutre, le long du « Toit du monde »cou ronné de neige, cet Himalaya si uni -que, fut époustouflant.

Le petit aéroport de Dibrugarh et ses bâ-timents de bois furent en suivant mon pe-tit chez moi pendant de nombreusesheures, le temps que la sécurité ait vérifiétous mes papiers et m’ait donné un permisspécial, à présenter dans chaque ville queje traverserais ou visiterais. Avant mêmeque j’aie posé un pied sur le sol, onm’avait séparé des autres passagers.

Les eaux basses, « blanches » de boue dularge Brahmapoutre, coulant très lente-ment dans d’étroits canaux, n’abritaientpratiquement pas de poissons. Une brèvehalte à Dibrugarh me fit réaliser que ce se-rait une perte de temps que de rester sur ce

fleuve, qui par ailleurs constituait en As-sam le principal moyen de transport desmarchandises (essentiellement du bois decharpente !). Et il restait vraiment très peud’arbres. Les « derniers » étant coupésprès de la frontière chinoise. Sur le mar-ché aux poissons, je découvris quelquesspécimens de Wallago, de taille inhabi-tuelle avec leurs plus de 125 cm et portantde grandes barres verticales, noires et irré-gulières. Aucune des 5 espèces reconnuesne correspondait à cette description ou àcette taille, pourtant on retrouvait chezeux les principales caractéristiques dugenre (une queue fourchue, une paire delongs barbillons maxillaires, des bar-billons mandibulaires parfois rudimen-taires ou réduits, une absence de nageoireadipeuse, des nageoires pectorales portantde 11 à 14 rayons, etc.). Je pouvais seule-ment dire qu’il ne s’agissait pas de W. at-

j’eus une troisième apparition hors ducommun : un poisson-couteau clown de120 cm de long, Chitala chitala. Ce spéci-men différait quelque peu de la descrip-tion habituelle qui en fait un poisson de 90 cm maximum, avec 6 grandes tachesnoires placées à l’arrière, dans la partie in-férieure de son corps. Hormis sa taille, lestaches noires étaient vraiment très petiteset éparpillées un peu partout sur le bas ducorps et sa nageoire. En ce qui me concer-ne, un gros travail de classification reste àfaire chez les têtes-de-serpent africains etasiatiques (les Channiformes) commechez les poissons-couteaux (Notopteri-dae). J’ai personnellement trouvé tant deformes colorées qu’il semble impossible

En vol vers l’Assam, l’Himalaya, la chaîne de montagnes la plus haute au monde, était parfaitement visible par temps clair (page de gauche). Et une fois à terre, tout le monde me regardait, que je conduise,m’asseye ou marche. Comme si j’étais le premier Blanc à barbe qu’ils voyaient…

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lement atypique avait rarement été vu vi-vant auparavant. Aucune publicationaquariophile jusqu’à aujourd’hui n’avaitévoqué cette beauté, ni personne n’enavait vu une photographie. C’est pourquoije suis sûr que ce sera une première pourvous aussi. Décrit par Hamilton en 1822,il fut baptisé à l’origine Pimelodus chan-dramara. Puis en 1972, Jayaram établitpour lui un genre monotypique, qui l’estresté car aucune autre espèce n’a été trou-vée en plus de celle-là, qui ne se trouvequ’en Assam. C’est un poisson idéal pourles aquariums, équivalent à n’importe quelCorydoras de pleine eau, et même pluspacifique et résolument plus attrayant quela plupart. Une belle réussite !

Dans une branche du Dibru, à une heurede Guijan, la pêche miraculeuse se pour-suivit – parmi d’innombrables plantesaquatiques, qui rendaient extrêmementdifficile la manœuvre du filet – du poissonà profusion. Colisa chuna, Badis badis ?(une forme colorée portant de 8 à 10bandes noires irrégulières – ce qui pourraitbien en faire le mystérieux Badis darioque personne n’a vu vivant), Mystus blee-keri (je crois que ce fut aussi la premièrefois que ce pimelodidé attrayant, aux deuxbarbillons maxillaires démesurés, fut pho-tographié vivant), Labeo calbasu, Xenon-todon cancila et « Lauputi » (l’appelationassamaise de Chela cachius). J’étais telle-ment stupéfait devant cette quantité depoissons, constituée qui plus est, en majo-rité, de variétés si peu connues, que seulsles cris de Swapan – punti, punti – me fai-saient me rendre compte que je ne rêvaispas les yeux ouverts.

Swapan était effectivement originaire deBihar, une région où les pêcheurs nom-ment toutes les barbus punti (ce qui vouspermet par la même occasion d’apprendred’où provient le nom scientifique de Pun-tius qui désigne les barbus asiatiques…) ;car en assamais, c’est plutôt putthi.

En plus des espèces qui viennent d’êtrementionnées, notre filet ramena principa-

lement des barbus du genre Puntius : ge-lius, ticto, phutunio, sophore, et P. saranasarana en grandes quantités.

Fourbus mais incroyablement joyeux,nous rentrâmes à Guijan et nous offrîmesune tasse de thé Assam – au goût anglais,avec beaucoup de lait et de sucre.

Comme une grève générale était prévuepour le lendemain dès 5 h du matin, nousnous levâmes à 3 h pour louer une voitu-re. Mais en vain. À 5 h, nous abandon-nâmes. En raison d’un pied gonflé, blessépar du fil de fer rouillé sur lequel j’avaismarché, j’eus sur les coups de 7 h unegrosse montée de fièvre et pensai que mamalaria se déclarait à nouveau. Heureuse-ment, après trois heures de suée, j’avaisrepris le dessus. Mon permis pour l’As-sam étant si court et ne voulant pas perdrede temps, je demandai à Deepak de trou-ver quelques bicyclettes (qui demeurent lemode de locomotion le plus répandu enInde). Et bien qu’encore très faible, nouspartîmes pour ma première expédition decollecte de poissons à bicyclette. Jusquelà, j’avais seulement eu recours à l’avion,à l’hydravion, l’hélicoptère, la pirogue, lecanoë, le bateau, le bateau à moteur ettoutes autres sortes de véhicules, du ballonà la marche, mais jamais le vélo !

Nous longeâmes d’interminables planta-tions de thé, passant devant les timides As-samaises qui cueillaient les feuilles. Puisplusieurs kilomètres avant l’arrivée, le vé-lo de Deepak tomba à plat et nous pour-suivîmes le chemin à pied. Étant donnéque les pêcheurs étaient également en grè-ve, nous fûmes forcés de remonter la ri-vière en pagayant nous-mêmes. Ce n’estque bien plus tard, juste avant le coucherdu soleil, que nous atteignîmes le courssupérieur du Dibru. En même temps quenous jetions le filet dans le beel (le termeindien pour désigner un lit de rivière qua-siment à sec), s’offrait à nous une vue ma-gnifique sur la blancheur de l’Himalaya,couronné de neige, passant du rouge flam-boyant au jaune d’or, pour finalement

Des parties gigantesques de ce qui avait été au-trefois l’immense Brahmapoutre s’étaient trans-formées en zones désertiques (1). Des camions yvenaient tirer tout le sable possible pour laconstruction (2). Ce qui n’aidait pas à endiguer ledessèchement du lit du fleuve, ni ne facilitait l’ex-ploitation du bois. De toute façon, les forêts desals (un grand arbre d’Asie) et autres produits fo-restiers pour lesquels l’Assam était jadis renom-mé, n’étaient pratiquement plus qu’un souvenir.Les quelques derniers arbres de la vallée duBrahmapoutre allaient être abattus (3)... Malgré

tout, sur certaines parties de ce fleuve, le traficdes bateaux pouvait encore se faire sur des ca-naux (4) : mais sans touristes… Quant aux pê-cheurs, ils étaient omniprésents dans la vallée duBrahmapoutre, et le long de ses affluents (5). Àcertains endroits, le niveau de l’eau avait telle-ment baissé que les lourds bateaux de bois de-vaient être mis à l’eau de bien haut (6). Au moyende plusieurs d’entre eux, nous nous sommes dé-placés sur différents sites pour nos recherches (7)souvent jusque tard dans la nuit ou tout au moinsdans la soirée (8).

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ciel » était amplement mérité. Picasso,Miro et Calder auraient trouvé leur maîtres’ils avaient pu voir ce rêve inaccessible ànageoires.

Cette nuit, je fis un rêve des plus curi -e ux : un monstrueux poisson conquérait lemonde aquatique, poussant à son comblela désastreuse invasion des espèces de Ti-lapia. Un prédateur dévorant tout sur sonpassage, et séduisant tous les autres pois-sons par ses incroyables couleurs – aussiindescriptibles que celles d’un arc-en-ciel.

Suivirent deux autres jours de collecteépuisants, dans des zones qui n’avaient ja-mais été explorées ichthyologiquementparlant. Nous y trouvâmes le très singulierBotia geto (qui est en fait B. rostrata àl’heure actuelle, un poisson changeantcomplètement de couleur du stade juvéni-

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espèce endémique. Sa tête était légère-ment plus courte que chez les autres es-pèces. Son œil était rouge et ses écailles ir-régulièrement colorées : certaines étaientpresque totalement rouges, d’autres bleuclair, le dégradé se faisant sur toute la lon-gueur du corps. Ses lèvres étaient foncées– bleu marine – de part et d’autre. Sur sesquatre paires de branchies, la plus exté-rieure était d’un bleu cobalt sombre irréel,délicatement ourlé de blanc. La nageoiredorsale portait 34 rayons bleu clair, croisésdès leur base par environ 8-10 largeslignes obliques, brun chocolat et irrégu-lières, naissant à l’extrémité de l’operculeet s’étendant jusqu’à la queue. Elle étaitlargement bordée d’orange (comme à labase) et rehaussée d’un liseré blanc surtoute sa longueur. Sa nageoire caudale, de

s’estomper dans des teintes bleu pâle et ar-gent. Je réalisai alors combien j’étaisproche de ce toit du monde ! J’eus soudainune sensation très étrange avant que netombe l’obscurité totale de cette nuit sanslune.

C’est à ce moment-là que mon filet ra-mena la plus indescriptible des prises : uneespèce de Channa aux couleurs in-croyables. La « Channa arc-en-ciel »,comme je la nommai, « une probable nou-velle espèce naine » pensai-je (décrite ul-térieurement comme C. bleheri). À aucunmoment, je ne l’avais vue sur les marchéslocaux (et pourtant les poissons têtes-de-serpent figurent aux premières places despoissons alimentaires dans le sud-ouest del’Asie), et cette espèce semblait bien secantonner à cette petite zone, en possible

seulement 14 rayons, affichait des cou-leurs encore plus vives : 6 à 8 larges tachesrouges, chacune ne couvrant qu’un seulrayon au centre de la queue, auréoléesd’un vert clair nuancé de bleu. Quelquestaches rouge sombre plus petites ponc-tuant plutôt l’extrémité de sa queue. Sa na-geoire anale, à 24 rayons, était d’un bleuclair à la base qui virait au bleu cobalt fon-cé pour prendre finalement des teintes noirvelouté, bordé d’orange. Ses nageoirespectorales enfin, à 14 rayons, étaient jauneorangé et translucides, avec à leur base 3-4 lignes verticales marron foncé, prolon-gées par quelques lignes horizontales etpoints rayonnant vers l’extrémité.

Je n’avais jamais vu un tel pot-pourri decouleurs sur un poisson d’eau douce vi-vant. Son nom de « tête-de-serpent arc-en-1 4

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Nous dormîmes quel -ques nuits sous la tente,près de la rive où nousavions posé nos pièges.(1). Les prises qui se fai-saient dans cette eau leplus souvent très trou-ble, étaient majoritaire-ment constituées deloches diverses et de cy prinidés inconnus. Aubeau milieu d’une vasequi nous aspirait … Canards et autresoiseaux étaient encoreabondants. Le fleuveétait un paradis poureux, notamment les pe-tits cours d’eau et rivi -ères coulant dans leBrahmapoutre (3). À uncertain endroit, le lit dela rivière était quasi-ment à sec (4) et nous

remarquâmes des fem -mes et des enfants en

train de creuser le sol (5).Comme je le découvris

rapidement, ils récol -taient des poissons vi -

van ts, profondément en-foncés dans la vase et

sans une véritable goutted’eau. Nous savions déjàqu’il existait des espèces

capables de survivre sanseau sur une longue péri-ode comme les poissons-poumons, quelques cha -

ra ciformes prédateurs(Erythrinidae) ainsi que

certains loricariidés. Maisdes cyprinidés (y comprisdes loches) et des poissons

à labyrinthe – et cela de -puis déjà plusieurs mois à

en croire les femmes lo-cales – c’était inédit (6).

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Tinsukia est une ville assamaise et un conseil municipal appartenant au district du même nom, se trouvant à 84 kilomètres seulement de la frontière birmane. Saluéecomme la capitale des affaires de l’Assam, l’endroit présentait un mélange effervescent d’Assamais, de Bengalis et d’hindiphones, résidant dans le cœur de la cité.Tinsukia était aussi une tête de ligne majeure de l’Assam. C’était une des cités indiennes au développement le plus rapide et on pouvait voyager à partir de là partrain, avion (comme nous l’avions fait, à destination de Dibrugarh) ou taxi. Tinsukia hébergeait à ce moment-là la plus grande station ferroviaire de l’Assam.

La ville de Dibrugarh, située sur les rives du fleuveBrahmapoutre, dans les districts supérieurs del’Assam, Inde, était la plaque tournante des troisdistricts producteurs de thé qu’étaient Tinsukia,Dibrugarh et Jorhat. À elles seules, ces trois ré-gions représentaient approximativement 50% decette production en Assam, ce qui valut à Dibruga-rh son surnom amplement mérité de Capitale in-dienne du thé. Pétrole et bois de construction étantles deux autres grosses industries de Dibrugarh etde ses environs. C’était aussi le point de départ desbus vers toutes les destinations de l’Assam.

le au stade adulte) dans la rivière Buri, touten nous enfonçant profondément dans lesmarécages. Ainsi qu’une attrayante formede Colisa fasciata (jamais rencontrée avecdes bandes aussi vives), Colisa chuna,Channa punctata, Garra lamta, et un trèsintéressant Lepidocephalus goalparensis(Pillai & Yazdani, 1974), que les locauxappelaient « bottia ». De la vase, je tirai lavéritable Chaca chaca (celle que l’ontrouvait jusqu’à aujourd’hui dans le com-merce était en fait Chaca bankanensis deThaïlande, du sud de la péninsule Malaiseet d’Indochine, qui avait été depuis le dé-but mal identifiée), à côté d’innombrablesautres poissons qui eux non plus,n’avaient jamais été vus vivants. Je nevoudrais pas ennuyer en citant tous lesnoms de ce qui représenta pour moi la col-lecte de poissons la plus riche jamais réa-lisée en Asie : regardez donc les nom-breuses photos de cet article.

J’évoquerai pour conclure juste une péri-pétie particulière : au cours d’une pêchenocturne, Swapan m’aida à ramener sur laplage de sable pur des milliers de petitspoissons-chats ! Je me crus au bord de larivière Guaporé, dans le Mato Grosso,avec un filet chargé de Corydoras. C’était,en quantités incalculables, de petits pois-sons bruns, ressemblant justement à cespoissons de fond sud-américains bienconnus, mesurant dans les 2 cm et qui re-muaient leurs queues mignonnes. Au mi-lieu d’eux se trouvaient également descréatures d’apparence proche, avec sur lanageoire caudale un rayon prolongé, uneforme ovale et une tête aplatie ! Une Lori-caria sud-américaine ? Une espèce deGlyptothorax ? Je découvris plus tard quece poisson-chat gracieux portait l’étrangenom de Conta conta et avait été décritpour la première fois par Hamilton en1822, au moment où la république alle-mande naissait. Quant au poisson qui res -sem blait à un Corydoras, il s’agissait deHara hara, un petit poisson-chat suceurlui aussi (également baptisé par Hamil-

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En l’absence de taxi, l’une de nos quatre « expéditions » de collecte se fit à bicyclette, mais celle de Deepak creva en route... (1-2). Nous traversions de gigantesquesplantations de thé (3-4) qui donnaient le célèbre Assam, un thé noir du nom de la région. Ce thé, cultivé en majorité au niveau de la mer ou à une altitude voisine,est connu pour avoir du corps, de la vivacité, une saveur maltée et une couleur vive bien marquée. Les thé de l’Assam, ou les mélanges en contenant, sont souventvendus sous l’appellation de thé pour « petit déjeuner » (thés breakfast). Thés English Breakfast, Irish Breakfast et Scottish Breakfast en sont des noms génériquescourants. Historiquement, l’Assam représente la deuxième production commerciale de thé après le sud de la Chine. Ces deux régions étant les seules au monde àexploiter des plants de thé natifs. Le thé de l’Assam révolutionna les habitudes de consommation au XIXe siècle, la différence dans la variété de plante se réper-cutant sur le produit.

Sur le marché de Tinsukia, on vendait des noix de bétel (1), comme un peu partout en Océanie, que les gens chiquaient quotidiennement. Pour les dents sensibles,le sucre était vendu en blocs au détail (2). Et toutes sortes d’autres noix (3). Mais la majeure partie du marché était consacrée au poisson. Dans le bassin du Brahmapoutre, environ 225 espèces différentes de poissons d’eau douce ont été répertoriées, dont au moins 30% d’entre elles peuvent aussi être considérées com-me poissons d’ornement pour aquariums, mais qui sont mangées malgré tout… Même les plus menues telles que Colisa, les petites espèces de Puntius, Rasbora etautres (6). Si l’exportation de ces joyaux était organisée, les populations locales gagneraient bien plus qu’à les consommer, tant il y a peu à manger dessus (quandil y en a)… Les espèces de Channa (5), notamment celles qui grossissaient beaucoup, étaient la première source de protéines ici.

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ton). Ces deux beautés sont des joyauxpour tout aquarium personnel, originaleset, on peut l’espérer, bientôt disponibles.

Au cours des pêches nocturnes sui-vantes, nous eûmes l’occasion de profiterd’un dheki jal, qui est un filet couvrant unerivière d’une rive à l’autre. Celui-ci étaitspécial et manié par un garçon de 8 ans(mais même un plus jeune peut s’en ser-vir), qui nettoya le fond de la rivière enune nuit ! Avant qu’ils n’arrivent au mar-ché à l’aube, j’en avais soustrait un Deva-rio dangila de 5 cm, aux vert émeraude etbleu cobalt des plus incroyables, rayé ettaché de jaune d’or. S’y trouvaient aussi lecélèbre Devario devario, une Chanda

ranga géante (d’environ 10 cm), le Labeodero, et plus encore.

Je quittai finalement l’Assam et sa popu-lation à la fierté pleinement assumée. Fier-té de ses chroniques sans équivalent (lesburanji), écrites au XIIIe siècle. Fiertéd’avoir su toujours rester indépendante(jusqu’à la domination britannique). Etfierté de son pays de cocagne, à l’écono-mie autosuffisante, qui ne connaît pas lesmendiants. Le peuple assamais s’est battupendant longtemps. Il considère d’ailleursavoir été considérablement négligé par lereste de l’Inde et du monde. Ce qu’illus-trent bien ces lignes trouvées chemin fai-sant dans le journal Indian Express, rédi-

gées par Rajmohan Gandhi, le petit-fils duMahatma Gandhi : « Le reste de l’Inde nenous voit pas. Si nous sommes reconnus,on ne pense pas à nous. Et nous nesommes pas entendus. Voilà ce que fut lelot du citoyen du nord-est en face de lamajorité indienne ».

J’espère au moins que cela n’arrivera pasà ces poissons collectés incroyablementbeaux, déjà disponibles ou qui le serontbientôt, pour notre plus grand plaisir et ce-lui des générations à venir. Car aujour-d’hui en Assam, le compte à rebours estmalheureusement lancé et personne nepourra l’arrêter. Pourvu que mon proprecombat n’ait pas été vain.

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Les affluents du Brahmapoutre, et tout particulièrement les habitats encore épargnés, présentaient une extraordinaire combinaison de poissons (comme dit plushaut). Puisqu’il est impossible de montrer toutes les espèces collectées, voici simplement ce que contenaient deux habitats. Celui du dessus (1) était proche de lafrontière avec la Birmanie et en plus des nouveaux poissons têtes-de-serpent nains que j’y trouvai (certains ayant déjà été décrits, cf. également pages suivantes),nous attrapâmes avec nos pièges des millions de loches (2). Toutes les loches (3) ne sont malheureusement pas très populaires chez les aquariophiles, bien qu’ils’agisse de petites beautés mobiles idéales pour aquariums de taille modeste, de même que ce Puntius (4). Des Puntius qui étaient réellement abondants.

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De tels biotopes d’eau noire quasi intacts, ont toutes chances d’héberger une grosse communauté de poissons. Sous les tapis flottants d’Eichhornia crassipes, s’abri-taient par millions des poissons à labyrinthe, des poissons-chats inhabituels tels que Conta conta (que l’on pourrait prendre pour un loricariidé sud-américain), Gagata gagata, Hara hara, Batasio sp., Chaca chaca ou le minuscule Erethisthes pusillus, avec ses tout juste 10 mm de long, sur le fond sableux. Mais étaient aussiprésents des cyprinidés du genre Puntius, tel que le magnifique P. conchonius qui ici, dans son milieu d’origine, était extrêmement coloré. Nous sélectionnâmes lesformes les plus singulières, parmi celles trouvées dans les plantes et près des berges sableuses (cf. page suivante).

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Mais même ici, l’eau baissait et les plantes aquatiques, tel que Potamogeton sp., commençaient à former des croissances émergées (1-2), comme je ne l’avais jamaisvu ailleurs dans le monde (Potamogeton appartenant au cercle restreint des végétaux véritablement aquatiques). Dans la senne, les poissons se bousculaient, unenouveauté sensationnelle succédant à une autre, tant la spéciation était importante dans ce bel habitat préservé (3-4). Et je suis certain qu’il reste encore à décou-vrir en Assam un certain nombre d’espèces, particulièrement intéressantes pour l’aquariophile, tellement peu de recherches ayant été entreprises dans cette par-tie reculée de l’Inde. Ici une espèce remarquable de Chanda de presque 10 cm TL (5), Devario devario (6) et le poisson-chat que je surnomme le corydoras asiati -que : Chandramara chandramara (7), qui partage avec son « frère » sud-américain une taille limitée à l’âge adulte et un goût pour le fond des cours d’eau.

Ici encore quelques poissons uniques, dont certains sont endémiques de l’Assam : Xenentodon cf. cancila (1) qui diffère de l’espèce type X. cancila (2). Rasbora daniconius (3), une véritable beauté, très largement distribuée dans de nombreuses parties de l’Inde, mais qui se présente différemment dans chacun de ses habitats (sur le plan de la morphologie, du patron coloré, etc.). Sans oublier ce cyprinidé d’un doré brillant (4), sans doute Amblypharyngodon microlepis, qui étaitétonnant et pourrait faire un beau poisson d’ornement. Un autre patron coloré de plus (une espèce différente ?) pour Chandramara chandramara (5). Et mon « Corydoras », un autre poisson-chat original : Batasio cf. tengana (6).

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMAssamAssam

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM AssamAssam

dra dans cetaquarium qui peutre ster ouvert. Une alimentation équili-brée est importante. Les paramètres del’eau seront les suivants pour les deux biotopes : pH 6,0-7,5, conductivité de 20-100 μS/cm (Dario dario a besoin d’un pHinférieur à 6 et d’une faible conductivité,que ses compagnons de bac supporterontbien), température de 22-28°C. Le type delumière sera choisi de manière à mettreen valeur les couleurs de ces beaux pois-sons (sans pour autant négliger, lorsquel’éclairage n’assure pas les deux fon c -tions, une autre source adaptée auxplantes).

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Pour celui qui souhaiterait monter un aquarium biotope assamais avec des poissons têtes-de-serpent (comme Channa bleheri, ci-dessous) et consorts, ou un bac as-samais plus général, voici quelques conseils importants : 1. Les poissons tête-de-serpent nains (C. bleheri (2-3), C. stewardi ou une forme colorée de C. gaucha) doi-vent être maintenus dans un aquarium de 200 l minimum. (Je suggère toujours de maintenir un petit groupe de channas naines, d’au moins 6 individus, dans250 l ou davantage.) Décorez-le de sable (qui ne sera pas nécessairement très fin), d’un peu de gravier, de roches et de bois flotté, et impérativement de feuilles (1)étant donné qu’elle se cachent parmi elles dans la nature. Récoltez des feuilles mortes (non vertes) qui n’ont pas séjourné dans l’eau, versez dessus de l’eau bouillan-te et laissez-les tremper toute la nuit avant de les introduire dans l’aquarium. Vous pouvez (devriez) aussi ajouter quelques plantes flottantes (car toutes les têtes-de-serpent naines ne sont pas des incubatrices buccales et forment des nids, pour y déposer leurs œufs, parmi les racines des plantes flottantes telles que Salvinia,Eichhornia ou Pistia, qui leur fournissent en même temps de l’ombre). Vous pouvez planter en outre Ceratophyllum demersum, Potamogeton crispus ou une espèced’Hydrocotyle (comme ci-dessus). En matière de filtration, je suggère un filtre biologique, de préférence extérieur (ou intégré en fond) qui produira un courantmoyennement fort (le mieux étant qu’il ne le soit pas trop) ; plus il aura de volume, mieux ce sera. Il est primordial que la cuve soit très bien couverte car les têtes-de-serpent sont d’excellents sauteurs, qui peuvent profiter du moindre espace de libre. Il est possible malgré tout d’avoir un aquarium ouvert, mais à conditionqu’un vide d’au moins 40 cm soit maintenu entre le niveau de l’eau et les bords… On peut nourrir les channas de boulettes de poisson (si elles les acceptent diffi-cilement, donnez-leur des poissons vivants comme des guppys ou des bébés poissons, mais pas d’espèces épineuses). Elles peuvent aussi consommer des nourrituressurgelées. Mais un régime équilibré sera toujours préférable. 2. Pour un biotope assamais communautaire, inspiré plus précisément de Diburgrah, un aquariumplus petit peut suffire, mais je suggère de ne pas descendre sous les 120 l. Décorez-le de sable fin beige ou blanc, d’un jolie pièce de bois flotté, de quelques rochesvolcaniques ou autres pierres sombres (4) et des plantes suivantes (si possible) : Ceratophyllum demersum, Bacopa sp., Hydrocotyle sp., Nymphaea sp. ainsi que deplantes flottantes telles que Ludwigia, Salvinia ou Azolla. Les poissons seront (avec indication de la taille des groupes) : 10 Hara jerdonii (8), 4-6 Erethistes sp. (7), 6 Conta conta (qui ressemble à Rineloricaria), 4 Gagata gagata, 6-10 de ce beau barbus nain qu’est Oreichthys cosuatis (5), 5 Botia dario (6) et quelques Puntius pluspetits (jusqu’à 12). Peuvent y être également associés 6-10 Danio sp. (tel D. rerio) et quelques Dario dario ou Badis badis. Une filtration biologique classique convien-

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Merveilleux lac cristallin de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Kutubu se trouve dans la province

des Hautes-Terres méridionales. Avec sa superficie de 49,24 km² (et un bassin versant

de 250 km²), il représente le plus grand lac d’altitude du pays. Ce lac est un rêve,

quasi unique sur Terre, mais un rêve menacé…

Texte et photos : Heiko Bleher et Natasha Khardina

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Je fus réveillé par le cri aigu de l’oi-seau de paradis de Raggi. Le soleiln’était pas vraiment levé, mais un

beau brouillard argenté surlignait lasurface du lac Kutubu. Ce deuxièmeplus grand lac de Papouasie-Nouvelle-Guinée se situe sur les contreforts de laprovince des Hautes-Terres méridio-nales, à 800 m au-dessus du niveau dela mer. Cet espace magnifiquement pré-servé reflète la beauté sereine de la na-ture sauvage qui l’entoure. Aucun hom-me civilisé ne l’avait vu avant le 18 oc-tobre 1936.

La quiétude de la vallée fut troubléece matin-là, par les coups de pagaied’un membre de la tribu Wasemi, partidans sa pirogue, attraper des écrevissesà la main. Le brouillard humide du ma-tin s’élevait lentement au-dessus descentaines de palmiers sagoutiers. J’em-brassai la scène du haut de Tage, unpoint en hauteur à l’extrémité nord-ouest de ce lac de 19 km de long et de4 km de large. Nous y avions passé lanuit, dans une petite hutte (d’une pièce)édifiée par la tribu Foi. À part lesmoustiquaires et les matelas, toute laconstruction avait été réalisée à partirde matériaux primitifs, tirés de lajungle.

Tandis que je sortais par le porcheétroit, je me souvins des mots de l’ex-plorateur Ivan Champion sur ses pre-miers pas ici : « À travers ces rives boi-sées et verdoyantes, cette eau bleuecomme la mer en raison de sa grandeprofondeur, ce climat agréable dû à cet-te altitude de 800 m, j’y voyais le Para-dis ! ». La vue était effectivement éton-nante… et c’était toujours un paradis !

Je dévalai la colline jusqu’au rivagepour m’y brosser les dents et regarderencore cet incroyable poissons arc-en-ciel, Melanotaenia lacustris. Décrit parMurno en 1964, cette espèce appartientau complexe des poissons arc-en-cield’altitude, qui comprend aussi M. herbert axelrodi, M. monticola, M. kamaka et M. lakamora. Elle est

Pour atteindre ce lac isolé, il fallait d’abord voleravec Air Nuigini (en haut) jusqu’à la capitale Port

Moresby et de là prendre un plus petit avionjusqu’au village des Hautes-Terres de Mendi (cen-tre). Celui-ci avait été édifié dans une vallée luxu-

riante, entourée de pics calcaires impressionnants.Il possédait les services essentiels et les membres

des tribus Hula jouaient même au cricket moderne, comme ici (à droite).

KutubuJe pensais que c’était le paradis

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de quels ruisseau, rivière, lac ou rive,provenait chacune des formes colorées,mais aussi qui les avait découvertes etles grandes lignes de leurs histoires. Samémoire sur les poissons était digned’un ordinateur : capable de vous res-sortir le moindre fait connu.

Neil élevait également des poissons aufond de sa serre, parmi des Echinodo-rus osiris, E. bleherae et autres plantessuperbement entretenues. Il avait reçuces dernières de ma mère plusieurs an-nées auparavant, lorsque les importa-tions étaient encore autorisées en Aus-tralie. Mais des quelques M. lacustrisdonnées à Neil par Jerry, seulement unefemelle avait survécu, suite à un inci-dent malheureux dont il n’était pas res-ponsable. Il me montra toutefoisquelques clichés précis et fidèles de cepoisson arc-en-ciel unique. Difficilepour moi de ronger mon frein pluslongtemps !

Tôt le lendemain matin, il me condui-sit à Melbourne en allant au travail. Encompagnie de l’ichthyologiste PatClark, j’attrapai un vol pour Cairns etde là, une correspondance pour PortMoresby. Avant cela, j’étais parti enquête d’une senne, d’un équipementpour la jungle et de médication pourpoissons. J’avais finalement obtenu cet-te dernière de haute lutte auprès d’unvétérinaire local. À Port Moresby,j’avais visité le marché de Koki, vivantet coloré. À chacune de mes venues ici,je restais fasciné par ces fantastiquesétalages de poissons et de fruits locaux.Malheureusement, le développementrapide de la région avait entraîné deschangements dramatiques ; les vieillestraditions disparaissaient et étaient rem-placées par des pratiques modernes. Madernière visite de ce port situé sur ladeuxième plus grande île du monde(après le Groenland) remontait à plusde deux ans et je fus choqué par lechangement, ce prétendu « progrès ».

Au départ de Mendi, le seul moyen d’atteindre lelac Kutubu est de louer un avion. Lors de mes 2 vi -si tes, je louai un petit avion Cessna missionnaire(en haut), qui me déposa à Pimaga, le plus prochevillage équipé d’une piste d’atterrissage. À voler sihaut au-dessus de la jungle dense, on peut seule-ment apercevoir de temps en temps, en contrebas,des villages indigènes isolés, confinés dans leurspropres mondes (centre). La piste d’atterrissage dePimaga, construite par les tribus locales pour lesavions des missionnaires, arriva en vue après uneheure de vol (en bas).

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endémique du lac Kutubu, dans lequelaucune rivière majeure ne coule. Iln’existe qu’un seul petit déversoir – larivière Soro, qui coule à son tour dansla rivière Kikori – sans que Melanotae-nia lacustris ne semble la suivre.

Les premiers rayons du soleil péné-traient doucement l’eau transparente etirisaient ces poissons gracieux : c’étaitcomme si une quantité infinie d’aigues-marines réfractaient superbement ladouce lumière. Tout enfant, au Brésil,j’étais déjà fasciné par ces pierres pré-cieuses. Tout particulièrement quandelles étaient taillées, leurs couleursbleutées, lumineuses et étincelantes,étaient comparables à celles que j’ob-servais ce jour-là, chez ce poisson arc-en-ciel. Et à chaque ondulation del’eau, un reflet bleu-vert-doré miroi-tait ; sous chaque angle, un éclat colorédifférent.

Pas plus de cinq jours avant, j’avaiseu droit à un délicieux dîner offert parConnie et Pim, les épouses du Dr. Ge-rald R. Allen et de Horst Kipper. Nousétions installés dans la planque deHorst, isolée à environ 40 km de Perth,en Australie-occidentale. Jerry (Gerald)m’avait montré la photo d’un poissonarc-en-ciel prise par Neil Armstrong.Ma curiosité avait été aussitôt éveilléeet j’avais décidé de prolonger monvoyage d’affaires pour partir à la re-cherche de ce poisson unique. Ainsi (àminuit et avec de grands espoirs),j’étais parti voir Neil, à 4 000 km àl’est, à Melbourne. J’étais arrivé tarddans la matinée de ce jour-là.

Neil était un ami très cher et un pas-sionné de poissons par excellence ! Unexpert des espèces d’Australie et deNouvelle-Guinée. Il s’était consacré àleur étude (quand il ne se tenait pasderrière la presse du plus grand journalde Melbourne ou qu’il n’écoutait pasSchubert ou Mozart sur son incroyablechaîne hi-fi). Non seulement Neil savait

Les Huli, Duna et autres tribus de la région étaientrenommées pour leurs maquillages rouges et jau neset leurs coiffures élaborées. Ils conservaient avecbeaucoup de soin leurs vieilles traditions. Les fem -mes ne se séparaient jamais de leurs enfants (enhaut) et les emmenaient partout, travaillant conti -nuel lement, et accomplissant en plus des tâches mé-nagères et de construction, le portage quotidien de larécolte dans leurs sacs hauts en couleurs et omni pré -sents (centre). Tandis que les hommes chas -sai ent ou s’occupaient de leurs animaux (en bas). Lespapous sont extrêmement soucieux de ces derniers

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tête de la ville. Il possédait le seul véhi-cule existant : une minuscule Suzukijaune vif. Il nous déclara : « Si vousfournissez le carburant, je vous conduitau Kutubu ». Avec son savoir-faire etson intelligence à nos côtés, nousfûmes très vite en chemin sur les cha-peaux de roues, sur l’étroite piste quizigzaguait dans la jungle, à une vitessemoyenne de plus de 120 km/h !D’autres nous auraient dit que nouspouvions nous attendre à perdre en rou-te un pneu ou une porte, et pourtantnous arrivâmes deux heures plus tard,la voiture intacte. Mais non sans avoirnous-mêmes souffert des cahots et deschocs. Le tout petit village où nousétions avait pour nom Geseke. Il étaitplacé à l’extrémité est du lac et se com-posait de 3 huttes, d’un vieux tracteur(hors service depuis des années) et dequelques longues pirogues qui mesu-raient chacune 25 m.

Tandis que Pat et Phillip déchar-geaient, je dévalai la rive jusqu’à l’en-droit où une source coulait doucementdans le lac transparent. Je jetaiquelques céréales sur la surface et ins-tantanément des centaines de poissonsfantastiquement colorés furent attirés.Mon cœur s’arrêta pour la seconde foisde ma vie (la première, c’était lorsd’une attaque cardiaque en 1975).Après avoir trouvé en 1983 l’in-croyable Melanotaenia boesemani, jen’espérais plus, même en rêve, trouverun poisson qui pourrait être plus beau.Et pourtant, ce jour-là, j’étais à nou-veau devant une mine d’or. Pizarro nes’était pas senti plus excité face à lasalle de la rançon de l’empereur incaAtahualpa, et ses plus de 24 tonnesd’or.

Les poissons étaient innombrables, ar-borant chacun une lumineuse rayuredorée qui courait de la bouche à l’arriè-re de la dorsale. Des corps bleu métal-lique virant parfois au bleu marine oucobalt, des couleurs vertes qui se fon-daient en un vert forêt et chartreuse,des flashs jaune vif et blanc, sur refletsrouge sang et roses. Certainement lepoisson arc-en-ciel le plus extraordinai-re de tous ! Ces créatures nageaientavec grâce en groupes plus ou moinsimportants. Il semblait qu’elles avaientpris possession du lac : peu d’autrespoissons apparaissaient.

Le minuscule « aéroport » de Pimaga n’avait pas de personnel (1). Mais les locaux entourèrent le petit avion avec curiosité, étant donné la rareté de ce genred’évènements. Nous fîmes nos bagages et commençâmes à marcher les presque 40 km qui nous séparaient des rives du lac Kutubu. Heureusement, je trouvai tou-jours à Pimaga quelqu’un pour m’aider à porter mon lourd équipement (2). Au cours de cette marche, nous rencontrâmes des membres de la tribu Fasu (3). C’estun long trajet traversant de nombreux petits ruisseaux où les ponts primitifs sont systématiquement balayés (4) ; mais au-dessus de ruisseaux plus importants, lesFasu avaient construit des toits de palmes sur certains, qui tenaient (5). Tout au long du chemin, nous nous arrêtâmes devant les maisons de cette tribu (6).

L’avion Bandeirante (construit au Bré-sil pour Talair) décolla avec ponctualitéà 7h45 vers Mendi. Nous survolâmes lacôte sud rocheuse, puis l’épaisse jungledu nord. Nous glissâmes au-dessus derivières, de montagnes et de chutesd’eau, pour atterrir à Tari à 9h30. Nousétions aux portes des Hautes-Terres mé-ridionales.

Un avion charter nous attendait pourMendi. J’avais téléphoné plus tôt pourconfirmer cet arrangement. (De maniè-re surprenante, le téléphone – habituel-lement peu fiable en Papouasie – avaitvraiment fonctionné !) Le pilote, Peter,était un Australien natif. Avant de fairel’approche finale à 11h30 de la minus-cule piste de Pimaga, il décrivit uncercle pour m’offrir un aperçu de madestination : le légendaire lac Kutubu.Le responsable de l’aéroport (qui tenaitaussi la seule banque et le seul magasinde la ville) nous accueillit. Il persuadaaussi Peter de prendre sur le vol du re-tour quelques passagers restés coincésici : sans cela, ils étaient bons pour unemarche de quatre semaines ! Peter re-partit, nous laissant avec la promessede revenir trois jours plus tard à 9h30.Il sembla alors que la population entiè-re de Pimaga nous attendait. Les visitesd’étrangers étaient rares ici, à plus forteraison « tombés du ciel » !

Nous comprîmes rapidement que Phil-lip, un véritable personnage, était à la

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Voir un vieil homme comme ce Fasu (1) est extrêmement rare, car leur espérance de vie est normalement inférieure à 40 ans. Bien que les presque 50 espèces deparadisiers connues soient protégées, elles continuaient à être chassées par les locaux et offertes aux touristes, même dans cette région reculée (2). Les paradisierssont endémiques à la Nouvelle-Guinée et à certaines des îles environnantes. Les tribus Fasu sont largement répandues sur le bassin versant de la rivière Kikori, oùel les vivent dans des villages isolés de sorte que les enfants sont très timides (3-6). La plupart d’entre eux n’ont jamais vu de Blanc. Il pleut presque quotidienne-ment sur les Hautes-Terres méridionales et nous étions bien contents, lorsqu’il se remettait à pleuvoir des cordes, d’être invités dans une longhouse pour les hommes(12). Chaque homme dans ces longhouses de 71 m de long possédait son « lit » et on m’en offrit un à moi aussi, ainsi qu’une portion de leur nourriture (9). Ils lapré parèrent spécialement à mon intention (7). Mais ce qui paraissait terrible, comme du sang mêlé à quelque chose d’autre, et qui était du sagou (10), se révéla déli -cieux. La pâte rouge était obtenue à partir d’une fleur de l’arbre Pandanus local (8). Il plut pendant des heures et le petit garçon qui essayait de nous rejoindre, glis-sa encore et encore dans la boue (13-14). Ces constructions étaient dépourvues de fenêtres, la seule ouverture à chaque extrémité de ces 71 m étant une porte (11).

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L’unique déversoir du lac Kutubu, situé à 800 m d’altitude, est la rivière Kikori. Il pleut presque quotidiennement dans cette région. Mais même sous une aversetorrentielle, on n’y pense plus une fois que l’on pêche, comme pourrait en témoigner Gerald R. Allen, qui m’accompagnait sur l’une des expéditions, comme surd’autres (et que les lecteurs d’aqua, la revue internationale d’ichtyologie, connaissent bien) (1). Au cours de cette expédition-là, nous remontâmes et descendîmesla rivière Kikori pour faire une recherche approfondie (2).

Les Fasu ainsi que les Foe, qui vivent autour du Kutubu, avaient toujours, comme moyen de transport exclusif une pirogue faite dans un seul arbre (3). À l’extrémité sud du lac, à l’endroit où s’arrête la piste, se trouvait un petit campement Foe ; à partir de là, la seule possibilité pour atteindre le Kutubu était deprendre le bateau (4). Sur ce voyage, s’était ralliée à Allen, Monique Nicolai, la Belge. Mais une fois le lac atteint, il commença à pleuvoir si fort que tout fut trem-pé à bord…

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Asisi, un membre de la tribu Wasemi,nous emmena dans une traversée en ba-teau de deux heures, de Geseke àl’autre extrémité du lac où se trouvait lePavillon du Kutubu. Il rama le long dudense rivage rocheux et passa deuxgrandes îles. Tage était le nom de l’en-droit où avait été construit le pavillon.De 1949 à 1951, cela avait été l’empla-cement d’un poste de police. À cetteépoque, de réguliers débarquements enhydravion Catalina avaient lieu là. Faceà la vue fantastique que le site offraitsur le Kutubu et l’île de Wasemi, oncomprenait aisément la raison de cechoix. Les alentours de Tage étaient in-croyablement beaux. Et le jardind’Eden avait dû ressembler à cela…

Le pavillon (construit en 1985) étaitcomposé de 4 huttes et d’une longhou-se. Olivier et Honor (Adam et Ève ?)nous accueillirent. Olivier Meric étaitoriginaire de Limoge, France. Il étaitvenu à Tage en tant que volontaire pouraider la tribu des Foi à construire le pa-villon. Honor Gay était une botanistetravaillant pour l’université d’Oxford.À cette époque, elle étudiait les insectesde la région du Lac Kutubu. Elle nouscuisina pour le dîner une délicieusetourte à la pomme de terre, dans uneobscurité presque totale, pour notre pre-mière nuit ici. Après cela, je pouvaisdormir comblé : je savais que j’avais fi-nalement découvert le paradis.

C’était là que j’en étais, rêvant

Les Foe, qui vivaient sur 12 villages autour du lac, comptaient environ 2 500 in-dividus. Les villageois tiraient l’essentiel de leur subsistance de la culture dusagoutier, qui produisait jusqu'à 75% de leur volume alimentaire. Leursmaisons étaient entièrement faites de matériaux traditionnels (1-2). À un en-droit du lac, où ce dernier atteint sa plus grande profondeur (70 m), une hauteformation rocheuse émerge (3). Les Foe avaient taillé des niches dans la rocheoù ils déposaient les restes de leurs ancêtres. Ils les exposaient face au lac, crânesalignés et os dressés contre la paroi afin que toute personne qui pagayeraitjusque là puisse voir son ancêtre (4). Les locaux avaient aussi construit un joligîte, à partir de matériaux végétaux (5), pour permettre à leurs visiteurs d’ob-server confortablement leur vie traditionnelle. Papillons (6-7) et paradisiersétaient communs ici. C’était une vue de rêve (8) sur ce lac bordé d’une in -cro yable végétation et pourvu de quantité de plantes aquatiques (9).

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Tôt le matin, avant que le soleil ne se lève, les Foe naviguaient sur le lac, qui dans la majorité des endroits dépassait à peine les 3-4 m de profondeur, pour pêcherdes écrevisses, abondantes et représentant leur seule source de protéines (on ne consommait pas le poisson ici). Le brouillard sur le lac se levait lentement dans lepetit matin ; la paix que l’on respirait ici était tout simplement incroyable…

… pour moi, une image du paradis. Je ne crois pas qu’il existe quoi que ce soit de semblable sur Terre : un environnement aussi beau, une nature à ce pointépargnée et des tribus indigènes vivant leurs anciennes traditions et leur culture depuis des millénaires, tout cela dans une quiétude qui n’a pas de prix.

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éveillé, ma brosse à dents à la main (ledentifrice commençant à sécher), quandje me rendis compte que Pat m’avait re-joint pour admirer ce joyau de poisson.À 7h, nous avions juste terminé notrepetit déjeuner d’uki (fruit à pain) et debananes, quand Asisi arriva pour nousemmener cette fois-ci faire le tour dulac.

Je n’oublierai jamais les deux joursqui suivirent. Pas un endroit sur Terrene pouvait être plus paisible ou plus co-loré. S’il me fallait écrire tout ce quej’observai, j’en remplirais un livre et jeme contenterai donc d’en relater lesépisodes les plus marquants.

Le lac Kutubu est alimenté par uneeau de montagne claire, qui arrive pardes sources souterraines et de petitsruisseaux. Je remontai d’ailleursquelques uns de ces ruisseaux, aux litsde calcaire tapissés de fougères vert pâ-le. Je grimpai sur leurs rives et passaiprès de somptueuses orchidées etd’abari (le Pandanus épineux à fleurrouge foncé). Ces ruisseaux s’interrom-paient, passée une courte distance, enforêt ou en terrain rocheux. Ici, à proxi-mité du lac, poussaient des bambousdans des tailles formidables et les cé-lèbres arbres Campnosperma brevipe-tiolata. Les indigènes tiraient l’huile ti-gasso de ces derniers et la vendaientaux tribus montagnardes qui s’en en-duisaient le corps pour parader lors deleurs festivals rituels de chansons. Lesplantes aquatiques poussaient partout,jusqu’à 7 m sous la surface. Cette ri-chesse végétale était constituée de Ce-ratophyllum demersum, Ottelia alis-moides, Limnophila indica, Hydrillaverticillata, Potamogeton pusillus, demillions de Nitella pseudoflabellata, duminuscule Polygonum attenuatum à flo-raison blanche, d’espèces géantes deVallisneria rouge sang, et de splendidesBlyxa.

Les poissons n’étaient eux représentésque par 12 espèces, incluant 6 eleotri-dés, un plotosidé (Oloplotosus toboro),un atherinidé (Craterocephalus lacus-tris), un theraponidé (Hephaestusadamsoni), 8 gobiidés (Glossogobius etMogurnda spp.) et le seul melanotaenii-dé : Melanotaenia lacustris. Tous, ex-ceptés un eléotridé (Oxyleotris fimbria-ta) et le poisson moustique introduit(Gambusia affinis), semblaient endé-

miques. La température de l’eau dans lelac allait de 26°C (plus élevée en mi-lieu de journée près de la rive) pourdescendre à 21,4°C (à minuit). Le pHdu lac variait de 8,7 à 9, hormis unemesure plus basse de 7,8 prise à proxi-mité de l’embouchure d’un ruisseau.

J’en profitai pour visiter les étonnantsindigènes de la tribu Wasemi. Ils vi-vaient tout comme leurs ancêtres dessiècles plus tôt. Je fus accueilli par lechef (il me fallut un certain temps pourlui apprendre la coutume occidentaledu serrage de main !) devant la tradi-tionnelle longhouse de 65 m de longsur 5 de hauteur réservée aux hommes.Grâce à la traduction d’Asisi, il m’ex-pliqua les rôles sociaux des hommes etdes femmes d’ici. On entretenait uneforte séparation des sexes. Les femmesdisposaient d’une demeure séparée,nommée kanya.

On me montra les jardins où ces der-nières cultivaient une grande variété deplantes. Deux sortes d’ignames – yatafaet hogo – ainsi que 4 types de choux :gagana, harase, garubaio et sagai. Leprincipal légume était l’anumu, une for-me de concombre. Y étaient égalementcultivés des sagoutiers, dont les Wase-mi utilisaient les feuilles pour tresserleurs beaux toits, murs et matelas.

En ce qui concernait les poissons, ehbien… Je pensais que cela ne poseraitpas problème d’attendre le dernier mo-ment de notre séjour pour les collecter,au vu de leur abondance. Quelle er-reur !

Toute l’après-midi et la soirée du der-nier jour, je m’escrimai à les attraper àla senne avec l’aide de Pat, mais ils semontraient systématiquement plus ma-lins que nous. Grâce à la limpidité del’eau, ils nous voyaient et se faufilaienttoujours hors du filet avant qu’il ne soità terre… Finalement, j’optai pour laméthode adoptée au cours de mon ex-pédition de Brunei (cf. TFH, mai1987), et je fus plus chanceux. Me te-nant sur le fond rocheux dans 1,5 md’eau, j’immergeai mon filet manuel etcrachai des miettes d’un épouvantablebiscuit, à brefs intervalles, à la surfacede l’eau. Les morceaux coulaient dansl’ouverture de mon filet de 30 cm2 etles poissons filaient à leur poursuite !Tard dans la nuit, j’en avais quelquesuns, mais ce séjour de plusieurs heures

Quatorze espèces de poissons d’eau douce sont présentes dans le lac, mais une seule espèce de poissonarc-en-ciel, Melanotaenia lacustris. Ce fantastique poisson que j’ai pu collecter, pour la première foisvivant, il y a plusieurs années (1) est aujourd'hui l’un des poissons arc-en-ciel favoris à travers lemonde et tous les spécimens sont issus du petit nombre que j’ai ramené… Ses extraordinaires

couleurs peuvent considérablement varier, du bleu métal (2) à un vert émeraude (3) pouvant virer auvert et au bleu, avec un dessous argenté (4), ou totalement bleu sombre quelques secondes plus tard(5) quand ce ne sont pas d’autres couleurs. En aquarium (6), le simple fait d’ouvrir sa bouche peut lefaire s’éclaircir et faire apparaître une rayure jaune d’or et vert clair au-dessus.

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L’extraordinaire niveau d’endémicité du lac (10 espèces de poissons sur les 14 trouvées sont endémiques du lac lui-même) surpasse celui de tous les autres lacs dela totalité de la région australo-néo-guinéenne. Ces espèces endémiques, en plus de l’unique espèce de poisson arc-en-ciel, comprennent des gobies. Des atherinidéset un poisson-chat, dont je souhaite vous montrer certains d’entre eux ici : on y trouve 9 gobiidés différents – une spéciation de ce groupe de poissons inconnuedans un autre lac du monde. Il y la mogurnda du Kutubu (Mogurnda kutubuensis), qui change de patron coloré du stade de bébé (1) à celui de semi-adulte (2-3) etlorsqu’elle atteint une longueur d’environ 25 cm, vire cette fois-ci au noir (non représenté). La mogurnda marbrée (Mogurnda spilota) est une beauté (4), de mêmeque la mogurnda panachée (Mogurnda variegata) (5) ; toutes les deux restent petites, à peine 7 cm en TL. La seule espèce de Glossogobius du lac (6) ne grandit pastrop non plus et ses mâles ont la bosse que l’on a plus coutume d’observer chez les cichlidés américains et africains (médaillon).

Le plus grand poisson du lac est le prédateur et gobiidé non endémique : Oxyeleotris fimbriatus (7). Il peut dépasser les 30 cm TL et est largement distribué en Nou-velle-Guinée. Il peut se déplacer sur terre ferme et survivre dans des habitats extrêmes. La seule hardyhead du lac est encore endémique, surnommée Kutubu hardy-head (Craterocephalus lacustris) (8). Cette espèce a été photographiée ici pour la première fois. Elle vit en pleine eau dans la partie la plus profonde du lac. Il en vade même avec le grondeur d’Adamson (Hephaestus adamsoni). Je surnomme ces Hephaestus australiens, les cichlidés du cinquième continent (étant donné que lescichlidés sont absents de l’Asie, ou de l’Inde et de l’Australasie). Ici un juvénile et un adulte (9-10). J’avais aussi, sur l’une des expéditions, cet objectif de collecterpour la première fois vivant le poisson arc-en-ciel le plus montagnard, Melanoatenia monticola (12). Pendant l’attente de quelques jours à Mendi de l’avion charterpour Pimaga, je me rendis sur un torrent de montagne, à plus de 1 800 m d’altitude, où je pus le pêcher. En compagnie d’un gobiidé juvénile non identifié (11).

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dans l’eau m’avait frigorifié et Pat étaitfatigué de tenir le sac plastique. Quelleironie : des millions de poissons autourde nous et à peine un dans le filet !…

Les 4 jours suivants que dura le re-tour furent dignes d’une aventure deBD. Au cours du long voyage matinalen bateau qui nous ramenait à Geseke,j’avais emballé les précieux poissonsdans une vieille valise vermoulue pourlaquelle j’avais déboursé 150$ au mar-ché de Koki. Bien que j’avais un per-mis, je souhaitais éviter les problèmes àla douane à mon départ du pays et jepensais que personne ne prêterait atten-tion à un bagage comme celui-là. Phi-lip, qui avait promis de passer nousprendre et de nous amener à temps ànotre avion affrété, arriva avec deuxheures de retard. Il s’était retrouvé àcourt d’essence. Quand nous arrivâmes

finalement à Pimaga, nous ne vîmesque la queue de notre avion. Cela nousfaisait rater en suivant la correspondan-ce aérienne pour le Mont Hagen, d’oùle lendemain (un dimanche) le seul volcommercial décollerait à 13h pour PortMoresby, là où se trouvait la correspon-dance avec le vol hebdomadaire. Nousnous retrouvions bloqués là pour unesemaine, comme les poissons… Ce quirevenait à les condamner.

La connexion radio de Pimaga serompit juste au moment où nous avionsfinalement réussi à joindre le bureaudes lignes charters de Mendi. Il étaitmidi et tout fermait pour le week-end.Ils ne rétablirent pas la ligne radioavant 19 h. Tandis que nous étions assisdans l’herbe en face de la vieille cabaned’attente en bois, des sangsues géantesnous attaquèrent en masse. Je n’en

avais jamais vu d’aussi grandes si cen’est en Birmanie, mais là elles vi-vaient au moins dans l’eau, dans le lacInle.

À 19 h tapantes, la radio fut donc ré-tablie et je parlai à la mission du Mt.Hagen. Après l’explication de la situa-tion, entrecoupée toutes les trois se-condes, ils me répondirent : « Malheu-reusement, notre religion nous interditde voler les dimanches ! Le septièmejour est un jour de repos… ». Là,j’avais un réel problème ; moi, je savaisque mes poissons ne sauraient pas lirela Bible et allaient mourir. Commentleur expliquer ? Sachant que la commu-nication pouvait être coupée d’une se-conde à l’autre, je leur hurlai purementet simplement – pleurant à moitié, derage et de déception – de contactern’importe quels pilote ou compagnie

locale de charters pour qu’elle nous en-voie un avion tôt le lendemain matin,au prix qu’ils voudraient ! La radio setut brutalement. Je ne sus même pass’ils avaient reçu le message et il futimpossible de rétablir la liaison. Je res-tai éveillé toute la nuit, dans l’incapaci-té de dormir après notre dîner à base desagou. Cela ressemblait à de la guimau-ve blanche, totalement insipide. C’étaitpourtant la base de l’alimentation detous les locaux. Comment survivaient-ils avec ça ? C’était pour moi un mystè-

re. À 10h, tout ce que nous imaginionsétait vain. Il fallait deux heures et demipour voler jusqu’au Mt. Hagen et là-basle départ d’Air Nuguini pour Port Mo-resby était programmé à 13 h ! C’estalors que nous vîmes un Cessna 172 àl’horizon.

Le choc suivant eut lieu à 3 000 md’altitude. Le petit avion n’était paspressurisé. Le dessus de ma valise sesouleva et tous mes sacs à poissonséclatèrent ! Imaginez la scène : desarcs-en-ciel partout dans le fond de

l’avion, bondissant de toutes parts etmoi, au milieu, à m’escrimer à les attra-per pour la seconde fois ! Je fus projetéd’un côté, de l’autre, tandis que le pilo-te luttait contre une terrible turbulenceau-dessus de ces hautes montagnes.Avec pratiquement plus d’eau dans lessacs reformés, nous atterrîmes au Mt.Hagen, quinze minutes avant le départprévu d’Air Nuguini pour Port Mores-by. Ajoutant de l’eau de source auxpoissons et cherchant quelque chose àmanger (nous étions tous les deux affa-

Sur l’une des expéditions, tandis que je photographiais ces beautés du lac, j’avais un visiteur continuel : un calao. Il m’observait, en permanence avide des ba-nanes que je lui donnais (1-2). Les calaos se trouvent de l’Afrique jusque dans de nombreuses parties d’Océanie, et sont de beaux oiseaux très pacifiques. Sur letrajet du lac Kutubu avec Gerald R. Allen, nous eûmes la chance de trouver une minuscule jeep à Pimaga qui nous fit faire les 40 km jusqu’au lac (3). Mais surle chemin du retour, ce n’était plus possible car un pont s’était effondré et nous repartîmes par bateau pour Kikori (4). Sur le vol charter, notre petit avion futcontraint d’aller à plus de 3 000 m d’altitude et mes sacs plastique éclatèrent, envoyant les poissons arc-en-ciel nager sur le plancher du Cessna (5). Il me fallaitprocéder à un nouveau voyage pour le Kutubu, mais c’était sans regret : n’était-ce pas le paradis ?...

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més), nous laissâmes finalement tout enplan, à la vue du Boeing 737 faisanttourner ses turbines à pleine puissanceet fermant ses portes. Je courus sans ré-fléchir devant l’avion, ma valise à pois-sons à la main, et forçai le commandantà s’arrêter. Tandis qu’il abaissait l’esca-lier de secours, il me hurla de sa fenêtretous les noms imaginables et inimagi-nables. Et au cours du vol, j’eus droit àun cours sur la ponctualité… mais quesavait-il ?!

Hélas, soumis à un tel traitement, troppeu de poissons survécurent et je dus or-ganiser une nouvelle expédition pour leKutubu. L’occasion était belle de revoir

ce paradis, même si le chemin du retoursemblait systématiquement passer parl’enfer. Les plus gros tourments eurentlieu cette fois-ci à Port Moresby. Après yavoir lutté avec les douanes (mes nou-veaux poissons me coûtèrent 150 kinga– plus de 150 $ – plus ou moins, peuimportait), l’affrètement de l’avion sechiffra en suivant à 1 600 $, l’allersimple, pour une addition totale qui affi-chait déjà plus de 15 000 $ pour cetteexpédition. Nous nous envolâmes finale-ment dans l’après-midi pour Cairns. Là,les douanes australiennes insistèrent (surles coups de minuit) pour que les pois-sons soient détruits. Aucun animal ni au-

cun produit animal n’était autorisé à pé-nétrer sur le territoire, même pas en tran-sit ! Il n’avança à rien d’expliquer queMelanotaenia est un genre commun enAustralie, ni que j’avais demandé l’auto-risation (au Muséum du Queensland, àBrisbane, en préalable à mon expéditionde Canberra, la capitale) à Roly McCayen personne, ichthyologiste et autoritéen la matière, de transporter quelquespoissons. Les douaniers restaient butés.Mais je ne me démontai pas et à 3 h dumatin, après avoir fait sortir du lit le res-ponsable à Canberra, j’obtins un permisde transit de quarante-huit heures. À 6 h,je partais pour Melbourne, avec ma vali-

se à poissons scellée au plomb. Un véhi-cule spécial de quarantaine et une équipeen blanc attendait le « dangereux » char-gement à l’autre bout, le soir même. Duplutonium n’aurait pas été manipuléavec plus de précautions ! Ils me donnè-rent des containers spéciaux et tout sacplastique usagé, la moindre élastique ougoutte d’eau furent détruits immédiate-ment. Je dus moi-même me désinfecteravant et après mon passage dans la sta-tion. Totalement épuisé, je fus recueillipar ce cher Neil, tard dans la nuit, et re-partis finalement le lendemain pour l’Al-lemagne.

Vingt-neuf heures plus tard, j’atterris-

sais à l’aéroport de Francfort. Mais là,les poissons demeurèrent introuvables.Le département cargo de Qantas m’in-forma qu’ils n’avaient jamais embarquéà Melbourne ! Je passai de nombreuxappels longue distance en Australie. Jedemandai à Neil et Rick (Datodi) dem’aider, appelai la station de quarantai-ne, mais personne ne savait où ilsavaient disparu ! Après toute cette pei-ne, je n’arrivais pas à le croire. Sur lepoint d’abandonner, on m’annonça quela valise avait été retrouvée à Londres !Et la plupart des 67 Melanotaenia lacustris avaient survécu !

Je dormis pendant seize heures passé

ce choc, tandis que ces bijoux commen-çaient à profiter de mon aquarium per-sonnel où certains des poissons sau-vages originaux vivent encore avecbonheur aujourd’hui. Entre-temps, cepoisson aux couleurs fantastiques aconquis le monde. S’ajoutait pour laplus grande joie de tous un nouveaupoisson arc-en-ciel incroyablementbeau, une ligne de plus dans la liste desnombreux melanotaeniidés et pseudo-mugilidés introduits par mes soins (pra-tiquement tous l’ayant d’ailleurs été)dans le hobby le plus beau et le plusinstructif du monde… Et ce n’est pasfini…

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2

AUSTRALASIEPapouasie-Nouvelle-GuinéePapouasie-Nouvelle-GuinéeAUSTRALASIE Papouasie-Nouvelle-GuinéePapouasie-Nouvelle-Guinée

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AUSTRALASIA Kali BiruKali Biru AUSTRALASIAIfantenIfanten

Deux aquariums biotopes de Nouvelle-Guinée :1. Un authentique biotope pour poissons arc-en-ciel originaires du lac Kali Biru en Nouvelle-Gui-née occidentale. Le Kali Biru est en fait un trèspetit lac situé au milieu de nulle part et seulementaccessible à pied. Lors de ma première visite en1999, je pus pêcher pour la première fois le beaupoisson arc-en-ciel que G. R. Allen décrivit deuxans plus tard comme Glossolepis dorityi (2). Jel’avais pour ma part appelé le poisson arc-en-cielà zigzag rouge. Le lac est très profond (c’est unplan d’eau karstique alimenté par de puissantessources souterraines) et présente des rives si en-caissées qu’il n’y a pas d’endroit pour y entrer si-non pour nager ou plonger. Et malheureusement,lors de mon premier voyage, je ne pus pêcher quedes mâles (qui comme je le découvris plus tard,représentaient une nouvelle espèce…). Je devaisdonc revenir. Comme la première collecte avaitété extrêmement difficile, je souhaitais être plusmalin la seconde fois. Finalement, avec un filetmaillant de 50 m de long et de 6 m de hauteur, jerecueillis après quelques heures, parmi des cen-taines d’arbres effondrés, 5 spécimens (3). Maisseulement un seul était une femelle. Quoi qu’il ensoit, il était possible de la ramener vivante et de lafaire se reproduire. Tous les spécimens que l’ontrouve actuellement en aquariophilie sont issus decette seconde tentative. Le décor devrait ressem-bler à son habitat (1) soit : un aquarium d’aumoins 200 l (celui représenté fait 400 l) pour environ 40 G. dorityi et 20 Chilatherina fasciata « orange » que l’on trouve aussi dans ce lac toutcomme en aquariophilie. Le décor sera constituéde gravier moyen de couleur claire, avec quelqueszones sablonneuses, du bois flotté (en abondance),et de la lave rouge ou des pierres de karst (ou lesdeux). Quant aux plantes aquatiques, seul Microsorium pteropus y pousse. On peut ajouterquelques plantes flottantes, comme des espèces dePistia ou de Salvinia. Sur le plan des paramètreschimiques de l’eau, ce ne sont pas des poissonssensibles, qui sont habitués à l’eau dure : le pHpeut dépasser les 8 (n’importe quelle valeur de7,0 à 9,0), et la conductivité les 300 μS/cm, pourdes températures de 22 à 28°C. Une filtration biologique extérieure est conseillée.

4. Biotope du Lake Ifanten. Il s’agit d’un lac relativement petit mais qui, contrairement au

Kali Biru, est environné d’herbes hautes sans unseul arbre (6). Ce second biotope proposé ici est

destiné à accueillir mon « poisson arc-en-ciel millénium » – je l’avais en effet découvert avec

Natasha en 2001, au début de notre nouveau millénaire et il affichait aussi la coloration rouge

la plus étonnante jamais vue chez un poisson arc-en-ciel (5). Pendant des décennies,

G. R. Allen et moi-même avions tenté de trouverGlossolepis pseudoincisus, sans succès. Nous ne

le trouvâmes jamais sur sa localité type de la rivière Tami. Mais dans le cadre de nombreux

voyages sur le Sentani, en Nouvelle-Guinée occidentale, j’avais lors de plusieurs vols sur des

avions affrétés, repéré un lac d’altitude isolé et souhaitais depuis longtemps y faire des

recherches, sans jamais avoir pu y accéder.Jusqu’au jour où je trouvai un Dani, qui m’expliqua comment y aller et après une

journée de marche, nous y fûmes. Les tout premiers spécimens collectés semblaient bien

pâles, et comme je le pensais alors, sans rien despécial, mais je les pris malgré tout avec moi.

Trois mois plus tard, ils prenaient cette couleurrouge vif – incroyable, mais seulement chez les mâles. Le biotope devrait être constitué,

comme représenté (4) d’un groupe de cespoissons (car à part un poisson tête-de-serpent,

rien d’autre ne vit dans cet ancien cratère) en fonction de vos finances.

Mais je suggère de ne pas en avoir moins d’unevingtaine, le mieux étant une trentaine, pour

vraiment les apprécier. Ces poissons sont fantastiques en eux-mêmes ; toutefois, si on le

souhaite, on peut toujours les accompagner dequelques gobies et d’une autre espèce de poisson

arc-en-ciel. Pour la végétation aquatique, il est recommandé de se limiter à des Nymphaea,

une plante aquatique de type herbeux (comme Cyperus), et Microsorium. Un décor de

pierre volcanique et de sable, éventuellementquelques roches. Les paramètres de l’eau sontvariables : un pH de 7 à 8,5 ; une conductivité

allant jusqu’à 300 μS/cm ; des températures entre 21 et 30°C.

INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMINFORMATIONS POUR L'AQUARIUM

Bleher’s Biotopes in Nature and in Aquaria 2Bleher’s Biotopes in Nature and in Aquaria 2

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Le détroit de Lembeh est le nomdonné à l’étroit passage, de 16 kmde long et 2 km de large, qui sé-

pare la pointe nord des terres de Sulawe-si et l’île montagneuse et inhospitalièrede Lembeh. Les eaux qui coulent par ledétroit, entre les mers de Célèbes (Sula-

wesi) et des Moluques, charrientd’énormes concentrations de planctonqui alimentent l’abondante vie marine, sidiversifiée de la région. Bitung, la villeproche, constitue un refuge naturel et leprincipal port de Sulawesi du nord, quiimporte tout, du carburant aux denrées

alimentaires, tout en étant le point de dé-part des bateaux transportant les produc-tions locales comme l’huile et lesconserves de thon.

Les environs sont parsemés de petitsvillages côtiers et de plantations de co-cotiers. Le cratère volcanique du Mont

Le détroit de Lembeh, à la pointe nord de Sulawesi (anciennement Célèbes), Indonésie, possède une très grande richesse de formes de vies aquatiques, et l’éventail de ce que l’on peut voir au cours d’une seule plongée est pour ainsi dire incroyable. Le Suisse Franco Banfi a entrepris des

recherches dans cette zone pour nous en ramener ce reportage exclusif et ce stupéfiant essaiphotographique.

Texte : Franco Banfi et Aquapress – Photos : Franco Banfi Les montagnes bordant le détroit de Lembeh sont recouvertes de végétation, dominée par les palmiers.

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 105Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2104

BIOTOPE MARIN IndonésieIndonésie BIOTOPE MARINIndonésieIndonésie

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Détroit de

Lembeh

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Le Sulawesi est le plus grand producteur de riz d’Indonésie. Ici, le zébu et le buffle d’eau sont employés pourlabourer la boue des rizières, comme cela s’est pratiqué pendant des siècles. Le marché aux poissons à Bitung.

Klabat domine la ville et les routes envi-ronnantes sont surchargées de minibus etde charrettes à bœuf ou à cheval. Lemarché est occupé par les productionslocales : fruits, légumes, épices ; tandisque le principal marché au poisson, setenant au nord du port, vend la pêche dela nuit d’avant, proposée chaque matindans sa première fraîcheur.

Ensemble, les montagnes de Lembeh etla côte gardent le détroit, formant unebarrière naturelle qui protège la zone deseffets les plus néfastes de la mousson,qui passe du nord-ouest au sud-est. Il estainsi possible de plonger toute l’année,bien que la mer soit la plus calme et lesjours les plus ensoleillés entre mai et oc-tobre. D’où le fait que la ville toute

proche de Manado, la plus grande agglo-mération du « bras » nord de Sulawesi,attire les plongeurs du monde entier, sé-duits par les splendides précipices sous-marins, l’eau claire, et la possibilité derencontrer de gros poissons. La fascina-tion pour le détroit de Lembeh réside enparticulier dans ses singuliers habitantsmarins et la facilité avec laquelle onpeut les apercevoir ; on y trouve parexemple, des poissons fantômes arle-quins (Solenostomus paradoxus), deschevaux de mer (Hippocampus spp.),des poissons chauve-souris (Platax sp.),des poissons-mandarins (Synchiropussp.), le grondin volant (Dactyloptenaorientalis), et d’innombrables variétésde poissons-grenouilles (Antennariusspp.). Ces derniers ont développé jus-qu’à la perfection l’art du mimétisme,imitant tout ce qui les entoure – coraux,éponges, rochers et tuniciers – en chan-

geant de couleur. Des membres de lamême espèce peuvent arborer d’un spé-cimen à l’autre une coloration radicale-ment différente, qu’ils peuvent changeren quelques jours pour s’assortir avec unnouveau « fond ». Ce comportementn’est pas un mécanisme de défense,mais plutôt un système pour éviter d’êtrevus par leurs proies.

Les formes de vie invertébrée qui pro-lifèrent dans le détroit sont à elles seulesun ravissement pour tous ceux qui plon-gent ici. La variété de coraux, d’épongeset d’autres créatures est extraordinaire,comme le sont leurs relations interspéci-fiques entre elles et les poissons. Les cri-noïdes sont par exemple un repaire pourles crevettes et les petits crabes, les gala-

thées élégantes et les gobies, qui coor-donnent leurs couleurs pour ressemblerà leurs hôtes de manière aussi préciseque possible. Le minuscule poisson fan-tôme rugueux (Solenostomus cyanopte-rus) est fréquemment aperçu parcouples, s’abritant parmi les gorgonesou les bras des crinoïdes. Nombre d’es-pèces différentes de chevaux de mer ha-bitent le détroit : l’hippocampe commun,qui vit en eaux peu profondes, l’hippo-campe hérissé qui préfère les eaux plusprofondes, et l’hippocampe nain qui vitparmi certaines espèces de gorgones. Cedernier est très petit et a été seulementdécouvert par hasard en 1970, quand unplongeur ramenant à la surface un mor-ceau de gorgone, s’étonna d’y trouverattachés deux minuscules chevaux demer. Coraux mous et holothuries(concombres de mer) se font les hôtesde crabes extrêmement colorés, de cre-vettes et de jeunes poissons. Plus de200 espèces de nudibranches ont été re-censées dans le détroit de Lembeh, et iln’est pas inhabituel d’en voir de nom-breuses espèces différentes lors d’uneseule plongée.

Le détroit de Lembeh n’est pas seule-ment un endroit merveilleux pour lesplongeurs qui s’intéressent à ces créa-tures originales et à leurs habitats, maisattirera aussi au premier chef les ama-teurs de grands animaux marins. Les ba-leines en migration et des groupes deraies manta (Manta birostris) pénètrentdans le détroit au moins deux fois par anpour se nourrir de l’abondant plancton

qui s’y trouve en avril et septembre,comme une conséquence indirecte de lasaison de la mousson. De temps entemps, les plongeurs peuvent aussi ren-contrer le napoléon (Cheilinus undula-tus), de petits requins et des tortues. Desbancs de labridés apparaissent sporadi-quement dans les zones de plongée, ou-vrant leur bouche à l’unisson pour senourrir. On peut aussi visiter dans lesprofondeurs du détroit, les épaves detrois navires coulés lors de la SecondeGuerre mondiale.

La majorité des plongées a lieu dans lapartie nord du détroit, dans sa section laplus étroite, étant donné que vers lecentre du canal, de forts courants bras-sent les nutriments des deux mers diffé-rentes qui baignent les deux entrées.Toutefois d’autres sites de plongée peu-vent être trouvés dans des endroits abri-tés, dans les baies et les courbes le longde la côte. La zone offre une multituded’habitats : petits récifs coralliens, man-groves, pentes sableuses et baies, des en-droits où il est possible de rencontrer laplupart des créatures singulières que ledétroit peut offrir.

La technique de plongée la plus effi-cace implique une descente lente et uneobservation minutieuse du terrain. Surle récif, la lutte pour la survie est siacharnée que certaines créatures chan-gent facilement de forme ou de couleur,se camouflant contre leur fond du mo-ment, afin d’éviter le regard des préda-teurs. Leur mimétisme est si parfaitqu’une vision trop rapide ne révèlerapas leur présence. Seule une inspectionattentive sur des portions limitées peutdéceler des merveilles comme un mi-nuscule poisson fantôme rugueux imi-tant une crinoïde ou une gorgone, latoute petite crevette vivant en symbioseavec une étoile de mer, ou les crevettesempereurs sur les holothuries. De lamême manière, les poissons chauve-souris (Platax sp.) peuvent échapper àun regard superficiel, tandis qu’une ob-servation plus fine révèlera deux yeuxobservant l’observateur…

Le détroit de Lembeh demeure l’un dessites les plus charmants et les moinsconnus de l’Asie du sud-est. La régionn’a été ouverte au tourisme que récem-ment, mais il est facile d’y accéder envoiture, en traversant la péninsule deManado à Bitung, un voyage de seule-ment une heure. Face à ces eaux côtièresqui abritent quelques unes des créatures

marines les plus fascinantes et les plussingulières, des imposantes baleines auxpoissons les plus menus et les plus fan-tastiques, les biologistes marins ont ten-dance à penser que cette zone marine si-tuée entre Sulawesi et Les Moluques enIndonésie pourrait bien présenter la bio-

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diversité la plus riche sur Terre – en par-tant de ce centre hypothétique, lenombre d’espèces différentes décroîtdans toutes les directions. Bref, un para-dis marin épargné et une faune au-delàde toute comparaison, au-dessus ou au-dessous de l’eau !

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Des poissons avec une canne, une ligne, un appât : les poissons-grenouilles du détroit de LembehCi-dessus : Les poissons-grenouilles figurent sans doute parmi les créatures marines les plus étranges. À gauche : Antennarius commersoni, et à droite :

A. multiocellatus. Ci-contre : Deux poissons-grenouilles avec différents équipements. 1. A. pictus, avec les canne et ligne typiques, l’illicium et l’esca (= appât), que le prédateur balance de long en large afin d’attirer sa proie. 2. A. dorehensis possède un équipement de type différent, qui s’apparente plutôt à un ver mais qui

est en réalité une nageoire dorsale antérieure mobile que tous les poissons-grenouilles utilisent pour leur pêche (cf. aussi pages suivantes).

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Des poissons avec une canne, une ligne, un appât : les poissons-grenouilles

du détroit de LembehCe qui a tous les caractéristiques d’une pêche à laligne est essentiel pour leur survie. Étant des poissonsde fond stricts, ils sont à peine capables de nager. LaNature leur a non seulement donné une capacité decamouflage quasiment sans rivale dans le règne ani-mal, mais a aussi doté la majorité des quarante et uneespèces de cette famille (Antennariidae) de deux mé-thodes d’attraction. L’une est celle de « la canne et dela ligne » que l’homme a lui-même apprise et qui im-plique, comme il a été dit, le premier rayon de la dor-sale, le dénommé illicium (du latin llicere, appâter) :un organe mobile, souvent très long et fin comme uncheveu. Et la plupart des illicia se terminent par uneesca (« appât » en latin). Un ensemble de ce type peutêtre vu sur la photo 1 (Antennarius pictus) de la pageprécédente. Difficile d’imaginer être mieux équipé  !La dorsale antérieure mobile peut, toutefois, ressem-bler aussi à un ver ou un petit poisson. La photo 2 de

la page précédente (A. dorehensis) montre clairementce genre de ver remuant. Cette forme de leurre peutêtre beaucoup plus grosse et recouverte de formes devie inférieures (cf. 3, 5 & 6 sur ces pages). Les poissons-grenouilles partagent un certain nombre d’autres ca-ractéristiques tels qu’un corps plus ou moins com-pressé verticalement, des nageoires pectorales coudéesqu’ils utilisent comme appuis et une grande boucheorientée vers le haut, avec laquelle ils peuvent englou-tir les victimes de leur supercherie en moins de 6 mil-lisecondes – aucun autre prédateur vertébré connun’étant capable d’une telle rapidité. De plus, ces pois-sons ont la faculté de se camoufler, adaptant leur cou-leur à chaque environnement imaginable. Voici seule-ment quelques exemples : photos 1-5 et 8-9 représen-tant toutes Antennarius pictus. La photo 6 montreA.  maculatus et la photo 7, A. striatus, l’un des plusétranges. Aucun des spécimens représentés n’excèdeles 10 cm de long ; et si A. commersoni peut atteindre33 cm, l’espèce la plus menue, A. randalli, mesure seu-lement 11-20,5 mm de long !

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Chevaux de mer, poissons-fantômes et consorts, du détroit de Lembeh Cheval de mer doré (Hippocampus kuda)

1 & 4. Le poisson-fantôme rugueux (Solenostomus cyanopterus), qui vit fréquem-ment au milieu des herbes de mer, peut lui aussi assortir sa coloration à presque

tous les environnements. À l’instar du dragon de mer (Eurypegasus draconis)

Poissons-scorpions etautres, dans le détroit de

Lembeh1. Le poisson-démon (Inimicusdidactylus) est un membre des

poissons-scorpions ; il« marche », pour ainsi dire,sur le fond au moyen de ses

nageoires pectorales, ce qui luia valu un de ses noms com-

muns anglais de « walkman ».2. Ce fantastique couple de

poissons-mandarins (Synchiropus splendidus) a tout

l’air d’être profondémentamoureux ! 3. Le ptérois nain(Dendrochirus brachypterus)

est commun sur les plateaux récifaux et dans les lagons peu profonds. 4. Le poisson-scorpion feuille (Taeni-anotus triacanthus) n’est pas très grand (seulement 11 cm) mais son camouflage coloré est on ne peut plusefficace. 5. L’anguille-serpent Napoléon (Ophichthus bonaparti) possède sa méthode bien à elle pour se dis-simuler : elle s’enfouit dans le sable noir. 6. La murène ruban (Rhinomuraena quaesita) est noire comme ducharbon quand elle est jeune et n’adopte que plus tard cette splendide association de bleu et de jaune. Son

étrange museau en a fait l’un des poissons les plus photographiés de l’Indopacifique.

qui peut « disparaître » contre son fond ; et qui possède en outre un long rostredont il se sert pour déloger de minuscules crevettes. 2 & 3. Le poisson-fantôme

arlequin (Solenostomus paradoxus) peut changer de couleur très rapidement pour s’adapter à un nouvel environnement.

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Les monstres du détroit de Lembeh1 & 3. L’auteur s’est trouvé incapable d’identifier ce « monstre » enfoui dans le sable noir. Peut-être un poisson-pierre.

2. Une étude de la tête du poisson-crocodile de Beaufort (Cymbacephalus beauforti),qui se tient aplati sur le fond tel l’animal qui a inspiré son nom.

Monstres et mollusques du détroit de Lembeh1. Les Céphalopodes étaient considérés autrefois comme des monstres, mais aujourd'hui on reconnaît leur élégance. Voici une espèce de sèche de récif.

2. La limace de mer nocturne Pleurobranchus forskalii est souvent observée dans le détroit de Lembeh. 3. Il en va de même de la porcelaine (Ovula ovum), mesurant seulement 7 cm de long, qui possède une coquille blanche comme neige sous son manteau noir.

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INFORMATIONS POUR L’AQUARIUMKomodoKomodo

Vie marine dans le détroit de Lembeh et occupation de l’habitat – à reproduire en aquariums biotopes1. Des poissons-cardinaux (Rhabdamia sp.) formant un halo vivant autour d’un récif corallien richement festonné de coraux mous, de crinoïdes et d’oursins. 2. La crevette de Coleman, un autre animal commensal régulièrement vu à la surface de l’oursin de feu (Asthenosoma varium). 3. Le soldat à taches noires (Myripristis melanostictus), île de Komodo. 4. Poisson-cardinal (Apogon margartophorous), île de Komodo. 5. Chirurgien rayé (Acanthurus lineatus), île de

Komodo. 6. Le poisson-mandarin, si joliment orné (Synchiropus splendens), vit dans les crevasses des récifs et n’est que rarement aperçu. 7. L’observation parles plongeurs du rare poisson-scorpion feuillu (Rhinopias frondosa) est elle aussi peu fréquente. 8. Antennaire géant (Antennarius commersoni), île de Rinca.

9. La belle ascidie pédonculée bleue (Neptheis fascicularis) prolifère sous les 15 m de profondeur dans les eaux fraîches au sud de Komodo. 10. Rassemblementd’étoiles de mer à bosses (Protoreaster nodosus). 11. Un gobie de 2 cm (Trimma macrophthalma) s’abritant sur une éponge, à côté d’un oursin. 12. La côte sud de

Komodo est incrustée d’une étonnante variété de créatures marines. L’organisme dominant représenté ici, est une éponge bleue. 13. Des centaines de ces concombres de mer de 6 cm (Pentacta lutea) sont vus à presque chaque plongée au sud de Komodo. 14. Lis de mer, île de Komodo. 15. Cette nouvelle espèce

de poisson-cardinal (Apogon sp.) est connue exclusivement sur l’ensemble de Komodo. 16. Labre à filament (Cirrhilabrus filamentosus), un poisson rare que l’onne trouve que dans les eaux indonésiennes. 17. Pseudochromis splendens, à l’ouest de l’île de Flore. 18. Murène-ruban (Rhinomuraena quaesita), île de Kode.

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BIOTOPE PotamotrygonPotamotrygon BIOTOPEPotamotrygonPotamotrygon

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AQUARIUM BIOTOPE PotamotrygonPotamotrygon AQUARIUM BIOTOPE PotamotrygonPotamotrygonLes raies d’eau douce, ces deux dernières décen-nies, ont gagné en popularité comme jamais. Despassionnés du monde entier ont construit pour ellesdes aquariums géants (parfois monstrueux) de plu-sieurs centaines de milliers de litres, et je ne parlepas là d’aquariums publics. Mais on peut se conten-ter de beaucoup moins et maintenir ces poissonsfascinants dans des aquariums relativement petits,comme je vais le montrer. Actuellement, la quasi-to-talité des raies d’eau douce de l’aquariophilie pro-viennent d’Amérique du Sud, où se trouvent la ma-jorité des espèces connues. Elles appartiennent à lafamille des Potamotrygonidae et près de 30 espècesont été décrites, mais beaucoup plus attendent leuridentification scientifique. J’ai pu en recenser plusde 100 variétés différentes sur tout ce continent, àl’est des Andes, au cours des cinquante dernièresannées, et de nouvelles sont apparues presquechaque année. A côté de cela, j’ai pu collecter desespèces d’eau douce en Thaïlande, au Laos, à Su-matra, à Bornéo et en Australie, ainsi que dans dif-férents cours d’eau africains. Mais ces dernièressont difficiles à trouver en aquariophilie et à maconnaissance, personne n’en a reproduit en captivi-té (hormis des aquariumspublics). Les espèces sud-américaines ont quant àelles été reproduites depuisun certain nombre d’an-nées, la première repro-duction enregistrée ayanteu lieu au début des années1970, à l’Exotarium deFrancfort, un des princi-paux aquariums publics del’épo que. Par la suite, celase ré péta dans d’autres etde puis la fin des années1980, c’est l’explosion.Ces vingt dernières an-nées, des milliers d’entreelles ont été élevées encaptivité aux États-Unis,en Europe et dans de nom-breuses parties de l’Asie,de sorte que la majorité despoissons disponibles au-jourd’hui proviennent deces piscicultures. Tout par-ticulièrement depuis que leBrésil en a interdit sur sonterritoire l’exportation, lui qui était jusque là le plusgrand producteur (grâce à la qualité de son milieunaturel et à la diversité de ses espèces). Cette inter-diction totale date déjà de plusieurs années et per-sonne ne sait quand le pays instaurera de nouveauxquotas. Seuls la Colombie, le Pérou et le Paraguaycontinuent à les exporter, mais en nombre limitéétant donné que les espèces que tout le mondeconvoite, les noires (Potamotrygon leopoldi et P.henlei) ainsi que la raie perlée non encore décrite,sont seulement originaires du Rio Xingú et du sys-tème du Tapajós, et ne se trouvent pas dans cespays-là… Il est vraiment fâcheux que le Brésil aitpris ce genre de mesures radicales, car ces bellescréatures, vraiment uniques, sont systématiquementtuées par chaque caboclo riverain sitôt qu’elles sontaperçues. Au lieu de cela, elles pourraient être ex-pédiées et survivre alors dans les aquariums dumonde entier où les gens les apprécient et leur pro-diguent les meilleurs soins… Mais l’absurdité hu-maine fait qu’avec notre volonté de protéger, noussommes en train de conduire rapidement à l’extinc-tion la plupart de ces espèces « protégées ».Je souhaite donner ici quelques conseils pour main-tenir ces poissons au mieux. Sur la première double

page, vous pouvez voir 2 habitats naturels : le pre-mier est celui d’une nouvelle espèce non encore dé-crite, broutant les rochers dans le cours supérieur dela rivière Xingú ; le médaillon représente P. motoro,sur un fond typiquement sablonneux, dans le RioNegro. Le sable, fin, blanc ou beige, est justementce qu’il faut. C’est là où elles cherchent leur nourri-ture, où elles se mettent à l’abri des prédateurs et oùelles déposent leurs nouveaux-nés. C’est dont lepoint capital dans tout aquarium biotope. La taillede la cuve dépend du nombre que vous souhaitezmaintenir. Un exemple, en haut, sur la page degauche : un biotope authentique d’un petit affluentde la rivière Paraguay, dans le pays du même nom.Au sud de la métropole d’Asunción, se mêlent danscet affluent plusieurs petits ruisseaux (il existe unlabyrinthe aquatique de rivières, de lacs, de ruis-seaux) et celui montré ici en est parfaitement repré-sentatif. Un tel ruisseau contient une grande diversi-té de poissons et une riche végétation aquatique (àun degré que l’on ne connaît normalement que dansl’état brésilien du Mato Grosso, où le Paraguayprend sa source). Des petits poissons characiformeset des Corydoras nains (nageant en pleine eau, rare-

ment sur le fond) à côté de poissons-chats suceurs(tels qu’Otocinclus, Cochilodon, Ancistrus) ainsique des cichlidés des genres Apistogramma et Gym-nogeophagus, des characiformes de fond telles queles espèces de Parodon et Characidium, et mêmedes raies d’eau douce pénètrent fréquemment dansce genre d’habitat sablonneux. C’est là que vit l’es-pèce endémique la plus sudiste, P. brachyura. Ils’agit ici d’une cuve de 450 litres qui en contient unspécimen en compagnie de 8 Gymnogeophagus me-ridionalis, 6 G. rhapdotus, 10 Apistogramma sp., 30Aphyocharax paraguayensis et 30 A. rathbuni, 15Mimagoniatus inequalis, 5 Parodon affinis, 20 Oto-cinclus sp., 5 Cochilodon sp., 12 Corydoras palea-tus « high fin » et 25 minuscules Corydoras pyg-maeus de pleine eau. On peut voir comment la raiesurvole les plantes à la recherche de nourriture, maispas des poissons ! Elle est en quête, comme dans lanature, de têtards (à l’instar de P. motoro sur la pho-to centrale, en milieu naturel), l’un de leurs alimentsfavoris. Au-dessus du sable, quelques plantes basseschoisies parmi Eichhornia azurea, E. diversifolia,Eleocharis acicularis, Heteranthera zosterifolia,Lemna minor, Phyllanthus fluitans, Lilaeopsis bra-siliensis, Ludwigia inclinata, Cabomba furcata et

Myriophyllum aquaticum. Dans un tel biotope au-thentique, les plus gros cichlidés ont immédiate-ment commencé à pondre et à jouer, comme chezeux (cf. aussi ci-contre, la photo en bas à droite).Les paramètres chimiques de l’eau dans ce biotopesont : pH 5,9-6,5, conductivité 28-34 μS/cm et tem-pératures 26,7-28,3°C (là-bas, en hiver, la tempéra-ture de l’eau peut tomber à 19°C, voire en dessous).Le décor est constitué de différentes pierres et desable blanc de 1-9 mm, ainsi que de gravier d’aqua-rium de 2-4 mm, et de bois flotté. Le bac devra êtreéquipé d’un grand filtre biologique extérieur puis-sant et d’une source lumineuse adaptée aux planteset à la mise en valeur des couleurs des poissons.Pour des compléments, rendez-vous sur mon site :www.aquapress-bleher.comUn autre habitat authentique pour les raies d’eaudouce (ci-contre, photo centrale et en bas à gauche)est représenté par ce biotope insulaire, sablonneuxet rocheux, inspiré du Mapuera, le plus grand af-fluent de la rive droite du Rio Trombetas de l’état dePará, Brésil. Cette rivière prend sa source le long dela frontière avec la Guyane et lors des grandescrues, elle se connecte avec la source proche du sys-

tème du Rio Essequibo (la rai-son pour laquelle certainspoissons guyanais s’y trou-vent également, tel que le vé-ritable Anostomus anosto-mus). Le Mapuera lui-mêmeest parsemé de cataractes, unebarrière naturelle pour denombreuses espèces. Maisdans un biotope tel que celuiqui est représenté, vit unecommunauté de poissons trèsimportante. Pour la plupart,des characiformes, des pois-sons-chats, mais aussi desraies et des cichlidés en visite.Le milieu est pratiquementdépourvu de végétation hor-mis quelques plantes flot-tantes et parfois de grandsEchinodorus et Cyperus, quipoussent hors de l’eau, et Spa-tiphyllum wallisii le long desberges. Certaines raies d’eaudouce, comme Potamotrygonmotoro et P. yepezi se trouventlà. En plus d’elles, j’ai placé

dans cet aquarium de 1600 litres 2 grands Phracto-cephalus hemiliopterus, 2 Sorubim lima, 1 Pterygo-blichthys multiradiatus, 2 Panaque nigrolineatus,4 Luciopimelodus pati, des characiformes assezgrands tels que 3 espèces différentes de Myleus pourun total de 22, 10 (de chaque) Poptella oberculariset Tetragonopterus sp., 15 Anostomus anostomus,12 Bryconops sp., 8 Boulengerella lateristriga et B. xyrekes. Comme cela a été déjà précisé, les plan -tes aquatiques sont rares dans ce genre de biotope.Sur les bords, on peut planter les grands Echinodo-rus, Cyperus et Spatyphyllum sp. évoqués, quiémergeront comme en milieu naturel (où ils ne sontsubmergés qu’à la saison des pluies). Quelquesplantes flottantes comme Ceratopterus cornutapeu vent être ajoutées avec profit. Les paramètreschi miques de l’eau dans le biotope du Rio Mapuerasont : pH 5,5-5,85 ; conductivité 14-20 μS/cm ; tem-pératures 28,5-29,5°C. Pour un tel aquarium, utili-sez deux grands filtres extérieurs. Le décor seracon stitué de racines de mangrove, de pierre volca-nique brun rouge, de gravier d’aquarium rougeâtrede 2-4 mm et de gravier blanc de 5-8 mm, ainsi quede sable fin. Pour plus de renseignements, reportez-vous encore sur www.aquapress-bleher.com.

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AQUARIUM BIOTOPE SymphysodonSymphysodon AQUARIUM BIOTOPE SymphysodonSymphysodon

riidés et cichlidés se tiennent au-dessus du sol sa-blonneux, filtrant le sable (de la même manière queles discus) en quête de microorganismes. Dans cette représentation fidèle, on peut observer lecomportement des discus avec leurs jeunes – ici 48spécimens de près d’un an, en compagnie de leursparents (le discus entièrement rayé et le rouge). Ledécor respecte le biotope, tel que j’ai pu le voir auCuipeuá en période de crue. Paramètres chimiques de l’eau (correspondantaux mesures faites sur place) : pH 6,53 ; conductivi -té 19 μS/cm ; températures 26,3-26,9°C. Deuxgran ds filtres extérieurs assurent la filtration biolo-gique. Décor : sable blanc fin ainsi que du gravier pouraquarium de 1-9 mm. Des racines de mangrove etéventuellement des pierres rondes.2. Rio Mineruá, Amazonie, Brésil (aquarium biotope de 300 l) (ci-dessus, à droite):Le Rio Mineruá est une rivière d’eau noire, coulantdans le bras droit relativement petit du géant RioSolimões, situé à l’est de la ville amazonienne deFonte Boa. L’environnement local est, en grandepartie, toujours intact, comme on peut le constaterdans les rivières et lacs de cette région. Le fond estconstitué de sable blanc pur. Les branches d’arbrespendent dans l’eau et les racines de ces derniersrayonnent un peu partout. La nature sauvage. L’ha-bitat présenté ici met en vedette des variétés de pois-sons-anges et de discus, présentés alors pour la pre-mière fois au public

Poissons : Discus vert (Symphysodon aequifascia-tus) et poissons-anges (Pterophyllum scalare var.).Plantes : Aucune. Tout au plus, quelques plantesflottantes, comme Pistia stratoites et Utricularia fo-liosa, ainsi qu’Azolla sp.Jusqu’il y a quelques années, personne en aquario-philie ne connaissait cette zone pratiquement inha-bitée et jamais explorée même dans une simpleperspective ichthyologique. Il a fallu que j’aie lapossibilité de montrer l’existence des discus vertsdans cette région, pour que le monde aquariophileen entende alors parler pour la première fois. Lesspécimens exposés ici avaient été collectés par messoins pour être amenés en Allemagne, à la fin 2004.Y avaient été ajoutés quelques loricariidés. Lespoissons représentés sont des spécimens uniques :des poissons-anges avec de fascinantes marques surles opercules et à la nageoire anale bien distincte,noir de jais (inconnue chez tous les autres P. scala-re) ; des spécimens de discus verts, avec une colo-ration de base allant du jaune d’or à l’orange, elleaussi inédite chez ce type de discus.Paramètres chimiques de l’eau : pH 5,4-5,8 ;conductivité 12-18 μS/cm ; températures 27-29 °C.Un grand filtre extérieur assure une filtration biolo-gique. Décor : Racines, sable blanc de fine granulométrie(0,1-0,9 mm).3. Rio Jatapu (aquarium biotope de 1600 l)(photo du haut et ci-dessus, à gauche) :Le Rio Jatapu est un affluent du Rio Uatumã, lequel

est un affluent majeur de la rive gauche du fleuveAmazone. Son eau est noire comme dans tous lesautres habitats de Symphysodon discus (le discus dit« Heckel »). J’ai reconstitué ici un biotope typiquede cette région, en période de crue (où l’eau peutmonter jusqu’à 10 m), époque où les arbres sontsubmergés. Ici un groupe typique de 50 grands dis-cus Heckel. Ils vivent en compagnie d’espèces deMesonauta, Uaru, Geophagus, de grands loricarii-dés et d’espèces de Crenicichla ou de Cichla, detaille le plus souvent réduite. Ces dernières restentnormalement cantonnées à leur territoire. Mais ellesvivent aussi au-dessus de sable fin, dans lequel elless’enfoncent (cf. en haut à gauche) à la recherche denourriture.Poissons : 50 Symphysodon discus, 6 Mesonautasp., 4 Pterygoblichthys sp., 4 Uaru sp. et 6 Biotodo-ma cupido.Plantes flottantes : par exemple, Eichhornia cras-sipes, Pistia stratiotes, Utricularia sp.Dans la littérature scientifique et populaire, cette ri-vière est souvent confondue et certains prétendentque les discus bleus et « Royal Blue » en provien-nent, ce qui est faux. La région de Jatapu n’abriteque des discus Heckel, tandis que les bleus se trou-vent seulement dans la rivière Uatumã.Paramètres chimiques de l’eau : pH 5,0 ; conduc-tivité 9μS/cm ; température 29°C. Un grand filtreextérieur assure la filtration biologique. Décor : Racines, sable blanc de fine granulométrie(0,1-0,9 mm).

Les poissons du genre Symphysodon sont proba-blement les poissons d’ornement les plus demandéset les plus précieux dans le monde entier (si l’on ex-cepte les arowanas en Asie), qui depuis les années1960 fascinent sur les 5 continents plus que n’im-porte quel autre poisson d’eau douce. Bien qu’unemajorité de discus proviennent actuellement destructures d’élevage (près de 20 millions produitsannuellement), les spécimens sauvages, aux cou-leurs naturelles (à peine 30 000 collectés dans lebassin de l’Amazone chaque année) sont devenusou redeviennent (suite à la publication de mon groslivre Le Bleher des Discus tome 1) très populaires.En outre, l’intérêt pour la reconstitution de biotopesauthentiques, fidèles à ceux où vivent ces poissonsdans la nature a brusquement décollé, d’une maniè-re proprement incroyable. C’est pourquoi je souhai-te vous présenter ici 3 exemples d’aquariums bio-topes, mais pour celui qui serait particulièrement in-téressé par la maintenance de ces fantastiques ani-maux sauvages, le mieux est de lire mon livre, sim-plement pour l’amour de ces adorables créatures (etnon en fonction de moi – sincèrement). 1. Lac Cuipeuá, Amazone, Brésil (aquarium biotope de 1600 l)Cuipeuá est un lac plutôt petit, situé à l’ouest de laville d’Alenquer, dans l’état de Pará, Brésil. Iln’existe qu’un seul village de pêcheurs le long de saberge nord et le lac lui-même est entouré de grandesherbes, qui sont submergées lors des crues.Quelques arbres sont présents mais la plus grandepartie de la zone a été déboisée pour l’élevage desbuffles et des bovins. Lorsqu’il est inondé, le lac seconnecte avec le Rio Curuá et d’autres cours d’eaude la région d’Alenquer. Les discus et leurs compa-gnons – poissons-anges, mangeurs de terre de bon-ne taille et autres cichlidés, loricariidés et grandscharaciformes – vivent dans le type de biotope re-présenté, en groupes très importants. La végétationaquatique est presque totalement absente, hormisdes plantes flottantes et quelques grands Cyperus lelong des rives.Poissons : 50 Symphysodon haraldi – discus bleu etbrun (rouge), 9 Pterophyllum scalare ; 2 Geophagussp. ; 11 Mesonauta sp. et 5 Loricariichthys sp. Plantes : On peut y introduire des plantes flottantesparmi Eichhornia crassipes, Pistia stratiotes, Utri-cularia sp., Azolla caroliniana et Ludwigia helmin-thorrhiza en quantité. Ainsi que les grands Cyperusévoqués. Ce lac Cuipeuá a, des années durant, étéconfondu (par l’habitude) avec Curipera, un lac quin’existe pas dans la région d’Alenquer d’où pro-

viennent ces poissons. On peut observer ici un ani-mal alpha et un mâle entièrement rayé, nommé « Royal Blue », ainsi que des spécimens plus ty-piques du Cuipeuá, bruns et teintés de rouge. (Lediscus extrêmement rouge souvent identifié sous lenom de « Curipera », voire actuellement sous sonnom correct de « Cuipeuá », est très rare.) Cuipeuáest l’un des rares lacs où les discus se dissimulentparmi les herbes immergées au cours de la saison debasses eaux, qui est aussi la seule période (1 mois

sur 12) où les discus peuvent y être capturés. Les pê-cheurs encerclent alors le massif herbeux et attra-pent un grand banc entier (tel que celui représenté).Dans ce milieu, les discus peuvent trouver des quan-tités d’insectes aquatiques parmi les herbes et lesalgues, ainsi que des insectes terrestres ; c’est préci-sément ce qui les y attire. Quelques poissons-angesnagent en leur compagnie, se sentant ainsi protégéspar l’ensemble du groupe, à l’instar des espèces deMesonauta (plutôt en zone plus profonde). Lorica-

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