1La Dispute

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1 La dispute, que la critique redécouvre, est longtemps restée une forme méconnue et rejetée dans les marges du moyen âge scolastique. Ainsi, dans les années quatre-vingt encore, quand on tentait d’étudier le genre du dialogue à la Renaissance, on se trouvait confronté à un discours rodé de la critique : las de ce moyen âge où l’on croyait au lieu de penser , les hommes de la Renaissance auraient redécouvert le dialogue antique, qui leur permettait enfin de trouver un cadre de pensée et d’exposer réellement des idées. Et les critiques, quand ils songeaient à la disputatio , n’y voyaient qu’un jeu formel sans contenu épistémologique 2 . Or, les dialogues de l’Antiquité, dans leur structure, paraissent très différents des dialogues humanistes. Chez Platon, Socrate réduit rapidement au silence ses interlocuteurs en les ramenant à l’assentiment : « panu men oun », disent-ils en grec, c’est-à-dire : « tout à fait », « tu as raison », et même les sophistes, ces virtuoses de la parole, sont vite réduits à cet assentiment penaud et se trouvent piégés par la dialectique ironique de Socrate. Chez Cicéron, de très sérieux sénateurs ou autres fonctionnaires prestigieux s’assoient et l’un d’eux dit : « Instruis-nous donc sur l’orateur, la rhétorique, la république, etc. » et le personnage qui représente Cicéron leur explique ce qu’ils ne savent pas ou font semblant de ne pas savoir 3 . Ce n’est pas du tout le cas des dialogues dits philosophiques du XVI e siècle. Chez les humanistes, on débat, on discute et on s’oppose. Et même quand on est les meilleurs amis du monde, l’ amicitia est seconde par rapport à la discussion, fort âpre. Or, la dispute médiévale peut, quant à elle, nous instruire sur les origines de ces dialogues dialogiques, mais aussi nous éclairer sur d’autres genres encore. Elle a fondé une manière de débattre qu’il faut garder à l’esprit quand on examine n’importe quel texte de débat dans l’Ancien Régime. C’est en fait pour cela que le mot dispute est en français dans le titre de l’ouvrage que j’ai consacré à cette forme 4 : il fallait éviter toute mise à distance de ce mot par l’érudition, intégrer ce mot à la langue française comme il l’a été très tôt 5 , montrer qu’il désignait à l’époque une chose vivante et ne pas le traiter comme un terme étrange et étranger. 2 Voir par exemple l’opinion, longtemps partagée par beaucoup de spécialistes du dialogue, de L. FEB (...) 3 Il y a, certes, d’autres schémas plus dialogiques dans les ouvrages de Cicéron, mais le didactisme (...) 4 B. PÉRIGOT, Dialectique et littérature. Les avatars de la dispute entre Moyen Âge et Renaissance, (...) 5 A. REY, Dictionnaire historique de la langue française, donne la date de 1474 pour le motdispute. (...) 2La dispute évolue beaucoup du XIII e au XV e siècle et, à partir de la Renaissance, elle est peu à peu détruite dans la bataille qui s’engage contre la dialectique et en faveur de la rhétorique, mais en laissant des traces très visibles que l’on trouve encore dans les textes du XVII e et du XVIII e siècles. Au XVI e siècle, le roman, l’écriture de l’histoire, les dialogues, mais aussi la structure des sonnets montrent l’influence de cette pratique sur les genres littéraires, et l’on peut même affirmer que la pensée sceptique de Montaigne s’érige sur les ruines de la dispute mais avec ses matériaux6. 3Je me propose donc ici de retracer rapidement l’histoire de la dispute et de son évolution, pour essayer de rassembler les matériaux qui se retrouvent dans les textes polémiques des XVI e et XVII e siècles. Cette étude des « antécédences » aux débats de

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1La dispute, que la critique redcouvre, est longtemps reste une forme mconnue et rejete dans les marges du moyen ge scolastique. Ainsi, dans les annes quatre-vingt encore, quand on tentait dtudier le genre du dialogue la Renaissance, on se trouvait confront un discours rod de la critique: las de ce moyen ge o loncroyaitau lieu depenser, les hommes de la Renaissance auraient redcouvert le dialogue antique, qui leur permettait enfin de trouver un cadre de pense et dexposer rellement des ides. Et les critiques, quand ils songeaient ladisputatio, ny voyaient quun jeu formel sans contenu pistmologique2. Or, les dialogues de lAntiquit, dans leur structure, paraissent trs diffrents des dialogues humanistes. Chez Platon, Socrate rduit rapidement au silence ses interlocuteurs en les ramenant lassentiment: panu men oun, disent-ils en grec, cest--dire: tout fait, tu as raison, et mme les sophistes, ces virtuoses de la parole, sont vite rduits cet assentiment penaud et se trouvent pigs par la dialectique ironique de Socrate. Chez Cicron, de trs srieux snateurs ou autres fonctionnaires prestigieux sassoient et lun deux dit: Instruis-nous donc sur lorateur, la rhtorique, la rpublique, etc. et le personnage qui reprsente Cicron leur explique ce quils ne savent pas ou font semblant de ne pas savoir3. Ce nest pas du tout le cas des dialogues dits philosophiques duxviesicle. Chez les humanistes, on dbat, on discute et on soppose. Et mme quand on est les meilleurs amis du monde, lamicitiaest seconde par rapport la discussion, fort pre. Or, la dispute mdivale peut, quant elle, nous instruire sur les origines de ces dialogues dialogiques, mais aussi nous clairer sur dautres genres encore. Elle a fond une manire de dbattre quil faut garder lesprit quand on examine nimporte quel texte de dbat dans lAncien Rgime. Cest en fait pour cela que le motdisputeest en franais dans le titre de louvrage que jai consacr cette forme4: il fallait viter toute mise distance de ce mot par lrudition, intgrer ce mot la langue franaise comme il la t trs tt5, montrer quil dsignait lpoque une chose vivante et ne pas le traiter comme un terme trange et tranger.

2Voir par exemple lopinion, longtemps partage par beaucoup de spcialistes du dialogue, de L.Feb(...) 3Il y a, certes, dautres schmas plus dialogiques dans les ouvrages de Cicron, mais le didactisme(...) 4B.Prigot,Dialectique et littrature. Les avatars de la dispute entre Moyen ge et Renaissance,(...) 5A.Rey,Dictionnaire historique de la langue franaise, donne la date de 1474 pour le motdispute.(...)

2La dispute volue beaucoup duxiiieauxvesicle et, partir de la Renaissance, elle est peu peu dtruite dans la bataille qui sengage contre la dialectique et en faveur de la rhtorique, mais en laissant des traces trs visibles que lon trouve encore dans les textes duxviieet duxviiiesicles. Auxviesicle, le roman, lcriture de lhistoire, les dialogues, mais aussi la structure des sonnets montrent linfluence de cette pratique sur les genres littraires, et lon peut mme affirmer que la pense sceptique de Montaigne srige sur les ruines de la dispute mais avec ses matriaux6.3Je me propose donc ici de retracer rapidement lhistoire de la dispute et de son volution, pour essayer de rassembler les matriaux qui se retrouvent dans les textes polmiques desxvieetxviiesicles. Cette tude des antcdences aux dbats de lpoque moderne ne pourra, pour des raisons de longueur, stendre longuement sur les textes duxviesicle.4Un spcialiste de la dispute la dfinie ainsi:Une forme rgulire denseignement et de recherche, prside par un matre, caractrise par une mthode dialectique qui consiste apporter et examiner des arguments de raison et dautorit qui sopposent autour dun problme thorique ou pratique et qui sont fournis par les participants et o le matre doit parvenir une solution doctrinale par un acte de dtermination qui le confirme dans sa fonction magistrale7.6Voir sur ce point lEssaiIII, 8 et ltude que jy consacre dans mon ouvrage, aprs bien dautres(...)5Dfinition trs dense qui voque effectivement tous les aspects de la dispute: la dispute est une mthode intellectuelle de recherche, surtout centre sur la thologie ses dbuts, mais qui va peu peu traiter de tous les domaines du savoir. Cette mthode existe dj auxxieetxiiesicles dans les dbats thologiques entre moines et dans les coles monastiques. Auxiiesicle, le vocabulaire de la dispute est dj en place, et aussi, dj, son statut de mthode dans la recherche de la vrit8. Mais cest comme exercice oral gnralis denseignement quelle se rpand auxiiiesicle, en mme temps que nat lUniversit. LUniversit connat deux mthodes denseignement: le commentaire et la dispute. La dispute semble natre du commentaire en sen dtachant. Quand, lpoque, on tombe sur deux textes qui prsentent une contradiction, on tente de rsoudre cettequestiopar une rponse dialectique9. Il est difficile de dater des pratiques qui sont avant tout orales, mais il est probable que la dispute est dabord un exercice de recherche et quelle ne devient quensuite un exercice denseignement. Mais ds la naissance de lUniversit, la dispute se fait trs vite connatre comme exercice oral que lon fait pratiquer des tudiants dj aguerris: le matre pose une question; un tudiant rpond cette question en dbroussaillant le terrain: cest lerespondens; puis un autre tudiant soppose ce premier en apportant des arguments contraires: cest lopponens. Enfin, le matre intervient pour donner sasolutio, sadterminationmagistrale, et il termine parune rponse aux objectionsqui doit balayer les derniers doutes que lopponensavait soulevs.6voquons tout de suite les points qui importent dans cette dmarche.7La dispute implique lusage de la dialectique cest--dire lusage dun raisonnement codifi par Aristote dabord, puis par Boce et par les traits de logique qui vont se succder durant le moyen ge. La dialectique ne sappelle presque jamaisdialectique, au moyen ge, maislogique. Ce sont les humanistes qui vont privilgier le terme dedialectique. Le raisonnement logique quon appellera scolastique fait appel deux types darguments: lesrationes, les raisons, arguments dialectiques que lon va semployer au fil des traits de logique rendre de plus en plus techniques, et lesauctoritates, les autorits, cest--dire les citations dauteurs anciens ou de Pres de lglise ou dauteurs du premier moyen ge comme Boce. La vrit des propos de ces autorits va de soi et leurs sentences sont utilises comme des axiomes. 8Dans ce domaine, louvrage dAblard,Sic et non, crit aux environs de 1121, est fondateur, mme(...) 9Voir O.Weijers,La"disputatio" la facult des arts de Paris,p.12 ss. 8Les sentences sont des phrases, des propositions, dtaches dun contexte et qui prennent une valeur universelle10. Les pratiquants de la dispute ont cette habitude dutiliser des phrases toujours tires de leur contexte et de faire servir ces textes des dmonstrations qui nont rien voir avec ce que lauteur dmontrait lorigine. Cela leur parat avoir un caractre srieux car ils pensent quune vrit snonce dans unepropositionet quelle est alors vraie en toutes circonstances. Quand les dbats thologiques tourneront laffrontement, on continuera utiliser ce principede tirer dun auteur des propositions que lon isolera pour les condamner. On ne combat pas des idologies, on combat des noncs. Cest encore le cas, par exemple, auxviiesicle, dans le dbat sur le jansnisme11et cette poque comme au moyen ge, retirer ces propositions dun ouvrage suffisait rgler la question de son hrsie, condition que lauteur mis en cause acceptt ce retrait! 9Dire que le raisonnement de la dispute est dialectique ou logique, cest dire quil nest pas rhtorique: une dispute ne comporte pas dlments de persuasion, pas dlments censs introduire dupathos; il sagit, autant que faire se peut, dun raisonnement brut. Aucune phrase ne cherche un contact avec le lecteur. Cette pratique universitaire va rapidement se figer en une sorte de rituel. Mme implicitement, une dispute suppose unrespondens, unopponens, unedeterminatiomagistrale et une rponse aux objections; mais elle suppose aussi un public. Dans certains textes ultrieurs, le public devient une sorte de juge qui, parfois se confond avec le matre. De toute faon, une dispute conserve toujours cette forme tripartite:pro/contra/determinatiosi bien que mme dans des textes deux participants, si ces textes sont influencs par le schma de la dispute, on relve un troisime lment qui fait la synthse ou corrige. 10Le terme devient canonique partir de louvrage de Pierre Lombard,leLiber Sententiarum, crit e(...) 11La querelle du jansnisme commence quand certains docteurs de Sorbonne soumettent Rome cinq prop(...) 10Paralllement aux disputes dtudiants, il existe des disputes de matres. Les disputes de matres sont de deux sortes: les disputes qui constituent un examen de passage, permettant un matre de monter en grade, et les disputes entre matres, qui constituent des dbats intellectuels auxquels les tudiants se rendent comme un spectacle, mais auxquels aussi ils sont obligs dassister12. Enfin, il y a des questions disputes qui sont des sortes de cours o un matre renomm rpond des questions sous forme dispute. Cest par exemple lorigine desQuestiones disputataede saint Thomas dAquin13. Quand les questions ne sont pas poses par le matre lui-mme mais par le public, sur nimporte quel sujet, il sagit de questions quodlibtiques, qui sont postrieures, dans le temps, aux questions disputes14. 11Les questions disputes orales donnent souvent lieu desreportationespar lesquelles on les connat. Cesreportationessont les transcriptions par crit de ces disputes publiques. Elles peuvent tre faites partir de notes dtudiants, mais souvent elles sont rdiges par le matre lui-mme, qui transpose par crit cette pratique au dpart orale. La plupart des recueils dequestionesque nous possdons proviennent dereportationes. Cest le cas desQuestionesde saint Thomas dAquin. Celles-ci sont parfaitement dpourvues de circonstances et de pri-texte et se contentent de reproduire la formepro/contra/determinatioet rponse aux objections, mais souvent, ensuite, mme quand on passera dune pratique orale un trait crit, on se souviendra du dcalage temporel qui spare la pense en fonctionnement dans la dispute de son compte rendu dans lareportatioet lon rapportera encore souvent les dbats non pas directement, mais comme desreportationes, en faisant une sorte de rcit de la pense. Cest par exemple le principe quadopte Descartes dans sonDiscours de la Mthode. 12Voir sur ce point la fameuse dispute entre Thaumaste et Pantagruel auquel Panurge se substitue et(...) 13Certaines de ces Questions disputes, qui peuvent le mieux donner une ide de la dispute canonique(...) 14Voir B.C.Baznet alii,Les Questions disputes.... 12Il faut insister sur le caractre anonyme de lnonciation de la dispute: il ny a pas quelquun qui parle et qui dis je. La dispute est un nonc qui ne renvoie jamais aucune subjectivit, qui exclut autant que faire se peut ce quAristote appelait lethosde lorateur. Selon le mme principe, on cite les autorits mais on ne cite pas les adversaires. Ces derniers sont toujours voqus de faon collective et anonyme certains disent que. Ils ne sont pas des autorits, on les passe donc sous silence. Ils ne sont jamais pris partie personnellement (Le Contre Averrosde saint Thomas dAquin ne nomme pas explicitement Averros15). La dispute nest donc pas, dans son principe, polmique, contrairement ce quen diront les humanistes. Elle est tendue vers lexpos dune vrit que des anonymes peuvent remettre en cause. Encore une fois, on conteste des thses, non des personnes. 13Car les disputes, quel que soit leur cadre, ont pour but premier de rechercher la vrit. La dispute nest jamais seulement une pratique denseignement ou un exercice dassouplissement. Tout participant une dispute est en qute de vrit, et dune vrit qui touche souvent au sacr. Aristote avait dfini la vrit dialectique par opposition la vrit scientifique comme une vrit laquelle on peut accder par la discussion, et cest l que gt la philosophie de la dispute. La dispute scolastique traque la vrit dans le maquis des opinions humaines. Elle croit que par la confrontation des opinions et par le raisonnement, on peut atteindre une vrit acceptable au niveau humain. Tout le problme est dvaluer, dans chaque dispute, le statut de la vrit qui est mis en place. Le caractre dfinitif que parat avoir ladeterminatiodu matre fait croire quil sagit dune vrit incontestable et dfinitive. Or, on saperoit quau fil des annes, des matres diffrents traitent de questions semblables, comme si la question revenait toujours, indpendamment des rponses apportes. Peu peu, et sans que cela soit jamais dit, se met en place la notion dune vrit incertaine, adapte la faiblesse de la nature humaine, mais qui se renforce de la confrontation des opinions. Cette vrit est une vrit probable et le motprobablevolue au cours des sicles. Auxiiiesicle, il signifie encore seulement qui peut tre prouv, cest--dire qui relve du raisonnement. Tout le paradoxe de la dispute va consister dans ce va-et-vient entre une vrit de dmonstration laquelle on croit par systme; et alors la vrit peut-tre prouve et atteindre presque au statut de la vrit scientifique selon Aristote, et une vrit dialectique, purement humaine, dpendant de la dfinition chrtienne de lhomme, qui ne permet pas de donner son accs la vrit un caractre irrfutable; et alors la dispute nest que probable cest--dire soumise aux opinions. Cest sur ce statut de la vrit que la dispute va, en particulier, voluer. 15Voir ldition moderne dA.de Libera,Contre Averros, Paris, 1997, et son introduction, qui prc(...)14La logique scolastique se transforme auxivesicle, et donne lieu ce quon a appel la logique terministe dont Guillaume dOckham est un des grands reprsentants pour lAngleterre. Ce qui caractrise cette priode, cest, Paris, la monte en puissance de la facult des arts par rapport la facult de thologie. Dans cette facult des arts, on dveloppe de plus en plus le formalisme logique. Lide de dpart est de rendre le raisonnement de plus en plus irrfutable, en particulier en cartant toute ambigut des termes lintrieur dune proposition, et en prenant conscience du rfrent que lon suppose derrire un mot (ce quon appel les thories de lasupposition16), pour ne pas parler en lair. La consquence de ce dveloppement formaliste est dabord un saut immense dans les avances linguistico-logiques, dont la logique moderne, mais aussi la linguistique actuelle, et en particulier la pragmatique, retrouvent beaucoup dlments17. Mais cest surtout une sorte de mise entre parenthses des enjeux idologiques du discours. En disputant de tout en termes linguistiques, les logiciens terministes se dtachent volontairement de la thologie, non pas au sens o ils ne font plus de thologie, mais au sens o la forme de leur discours est toujours linguistico-logique. Le principe recherch est darriver une infaillibilit logique qui puisse donner au discours un caractre de vrit scientifique, tandis que lidologie qui sous-tend le discours est comme suspendue. On ne se demande pas si une affirmation est hrtique ou non mais si elle est acceptable en termes logiques18. Il est clair que cette volution est une manire de contourner la censure thologique en se plaant sur un autre plan, celui des prsupposs logiques dune affirmation. Mais elle a pour consquence de rendre le discours de plus en plus abscons et de plus en plus hardi. La logique terministe, branle, par ses interrogations purement linguistiques, tout ldifice de la foi19. 16Sur cette notion, voir A.Maier,Terminologia logica della tarda scolastica, Roma, 1972; T.Parso(...) 17Il est cependant difficile de prciser les convergences entre la logique terministe et la logique(...) 18On peut voir luvre cette dmarche dansLa Puissance et son ombre, Paris, 1994, ouvrage o O. B(...) 19Ockham: voir les trois premiers volumes de saSomme de logique, Introduction, traduction et notes(...)5En mme temps se mettent en place dautres exercices drivs de la dispute: dune part les disputes obligationnelles, o lon oblige des tudiants dvelopper une controverse logique en partant dune contrainte linguistique (par exemple: donner un sens diffrent un mot du langage courant) et vaincre ladversaire; dautre part lessophismata, propositions qui comportent une ambigut et dont on ne peut dire si elles sont vraies ou fausses quen analysant leur domaine de validit20. Le but de ces exercices scolaires est de prciser les conditions de vrit dune proposition. L encore, cest la logique qui prime, mais le matriau utilis est souvent thologique. 20Voir sur ce pointA.de Libera, La logique de la discussion dans luniversit mdivale, dans(...) 16Cette priode est essentielle pour comprendre lavnement de lhumanisme comme pour comprendre lvolution de la faon de dbattre. Dabord, on se centre de plus en plus sur la notion deproposition: ce nest pas lintention qui compte, mais la manire dont snonce le discours. La logique dite parisienne dont Buridan est un reprsentant, met le langage au centre de ses proccupations21. On essaie daffiner de plus en plus lanalyse de la rfrentialit des termes, en se heurtant la difficult que le latin est la fois la langue vhiculaire et le mtalangage22. Dautre part, cette mise en avant de la logique des termes a pour consquence de faire reculer lemploi des autorits. Cest partir duxivesicle que se fait jour la critique contre largument dautorit, que reprendront les humanistes. Ces autorits, qui taient simplement les rfrences bibliographiques sur lesquelles on sappuyait, sont dsormais considres comme une coupable soumission au dj dit. Cest que lautorit est difficile employer dans un contexte essentiellement logique. Lhypertrophie du raisonnement dans largumentation fait que lon ne considre plus comme vraie quune vrit dmontre. On voit ainsi se dvelopper lide que la dmonstration, si elle est logiquement impeccable, aboutit obligatoirement la vrit. 17Ce contexte favorise aussi lvolution des dbats vers un dogmatisme que la dispute ne comportait pas au dpart. Linflchissement de la logique vers labsolu du raisonnement transforme en effet le statut de la vrit: on passe dune vrit du consensus, du moyen terme entre unproet uncontra, une vrit indiscutable qui se confond avec une victoire sur ladversaire. Battre son adversaire par tous les moyens devient essentiel. Du mme coup, la victoire formelle sur ladversaire se met signifier quon a atteint la vrit. Une sorte dquivalence vrit/pouvoir se fait jour, qui a pour consquence de privilgier un discours dopposition. On crit dsormais ( partir duxivesicle)contredes adversaires, et la dispute devient alors polmique. Elle met souvent en cause ladversaire comme tant unprotervus,unopinitre, qui ne se laisse pas convaincre, qui rsiste aux arguments les plus solides. On continue ne pas nommer les adversaires, mais ceux-ci sont dsormais dsigns indirectement, et il est clair quune dispute se fait contre quelquun. 21VoirJean Buridan,Sophismes, Introduction, traduction et notes par J.Biard, Paris, 1988. 22La logique moderne, en empruntant aux mathmatiques le recours des signes, a contourn cette dif(...)17Ce contexte favorise aussi lvolution des dbats vers un dogmatisme que la dispute ne comportait pas au dpart. Linflchissement de la logique vers labsolu du raisonnement transforme en effet le statut de la vrit: on passe dune vrit du consensus, du moyen terme entre unproet uncontra, une vrit indiscutable qui se confond avec une victoire sur ladversaire. Battre son adversaire par tous les moyens devient essentiel. Du mme coup, la victoire formelle sur ladversaire se met signifier quon a atteint la vrit. Une sorte dquivalence vrit/pouvoir se fait jour, qui a pour consquence de privilgier un discours dopposition. On crit dsormais ( partir duxivesicle)contredes adversaires, et la dispute devient alors polmique. Elle met souvent en cause ladversaire comme tant unprotervus,unopinitre, qui ne se laisse pas convaincre, qui rsiste aux arguments les plus solides. On continue ne pas nommer les adversaires, mais ceux-ci sont dsormais dsigns indirectement, et il est clair quune dispute se fait contre quelquun. 23Voir, par exemple,Ptrarque,De sui ipsius et multorum ignorantia, Paris, 2000, etrasme,De lib(...)18Une des consquences paradoxales de cette volution est que les humanistes hritent de cette polmisation des dbats. Eux, qui se dchanent contre la scolastique parce quelle leur parat engendrer des querelles, sont en fait ceux dont le discours est le plus polmique. On peut citer lexemple de Ptrarque et celui drasme23, tous deux anims dun mpris profond pour tous les dbats de type scolastique, hostile la forme de la dispute, mais constamment engags dans dpres combats de plume et comme contraints la polmique.19Lhritage que laissent les terministes est donc trs ambigu. Ce sont ces logiciens duxivesicle qui vont engendrer la pense de la Renaissance, en lui lguant les questions thologiques, lanalyse linguistique, le scepticisme, le nominalisme. Mais ils reprsentent en mme temps lhyper-rationalisme scolastique que la Renaissance rejette, et ils vont devenir les boucs missaires de la nouvelle pense. 24Voir Z.Kaluza,Les querelles doctrinales Paris, Nominalistes et ralistes aux confins duxive(...) 25Ramus,Dialectique, (1555), dition M.Dassonville, Genve, 1964. Il faut, par ailleurs, relativis(...) 26Landi,Paradossi, cio sententie fuori del commun parere, Lyon, Jean Pullon, 1543. Ces paradoxes f(...)20Dune part, les humanistes qui leur succdent vont critiquer la logique et caricaturer ses mthodes en rduisant la logique scolastique laspect le plus mesquin de la logique terministe. Il est vrai que durant les dbats duxvesicle entre nominalistes et ralistes, les attaques personnelles ont prvalu sur la hauteur de vues24. La pauvret doctrinale de cette querelle a sans doute renforc limpression de dbats striles. Dsormais, les intellectuels vont se dtourner du formalisme technique de la logique. La tentative de Ramus pour crire une logique en franais25montre ce dsir dune dialectique du langage commun qui tourne le dos des subtilits quon ne peroit plus que comme des arguties. Mais dautre part, les disputes obligationnelles comme lesSophismataont habitu les esprits au jeu du raisonnement, et en particulier celui du raisonnement paradoxal. la Renaissance fleurissent toutes sortes de recueils deParadoxes, dont Ortensio Landi est linitiateur italien26. Ces paradoxes serviront dune part dexercices pour les avocats, mais nourriront aussi toute une littrature de linversion des valeurs, dont on retrouve les effets chez Rabelais, comme chez rasme dans son loge paradoxal de la Folie.21Ce que les humanistes vont surtout stigmatiser dans la logique, cest que cette toute-puissance du discours rationnel fasse oublier les ralits sacres et transforme toute rflexion thologique en question de mots. Les logiciens sont souvent traits par eux de sophistes. Il faut faire attention ce mot. Quand ils emploient le terme desophiste, les humanistes songent beaucoup plus aux auteurs desophismataquaux sophistes antiques. Bien sr, les deux se confondent dans une critique indigne du raisonnement captieux, mais quand on garde en tte la notion desophismamdival, on se rend compte que la critique du sophiste connote le plus souvent celle du logicien qui nglige les ralits pour les mots et en particulier les ralits sacres. 27Voir I.Backus, Disputes de religion,Dictionnaire historique de la Suissewww.snl.ch/dhs/exter(...)22Car ds lexvesicle, on passe dune pratique presque laque de la logique un retour violent du thologique. Dsormais, quand les humanistes critiquent les scolastiques, ils pensent surtout aux thologiens scolastiques, et cest le droit que stait octroy la scolastique de parler de Dieu avec des moyens rationnels qui est remis en cause par les humanistes. Or, cest justement dans le dbat sur la Rforme que la dispute va le mieux sillustrer. Cest par exemple par des disputes de religion que les villes suisses27, en grand nombre, se dterminent sur ladoption ou non des thses rformes dans leur vie concrte, et les guerres de religion, en France, sont prcdes par desColloques, qui sont des disputes, comme le colloque de Poissy. 28Voir sur ce point, G. P.Gordon,The Ideology and Language of Translation in Renaissance France an(...)23Les humanistes vont opposer la grammaire et la philologie, oublies par les terministes, la logique. La philologie tait connue des moines duxiiesicle, et dj Isidore de Sville avait cherch expliquer les mots par leur tymologie. Mais le renouveau philologique de la Renaissance consiste faire intervenir dans la rflexion sur un texte la dimension temporelle, cest--dire sortir du systme de la sentence ternelle pour examiner lvolution du mot ou bien le sens diffrent quil prend selon son contexte. Cette attention aux mots dans leur ralit historique se remarque dans les dbats sur la traduction28. Elle a aussi pour consquence la remise en cause du caractre sacr de la traduction de la Vulgate. La Rforme sexplique en partie par ce travail philologique; mais on peut dire, paradoxalement, que cette relativisation du caractre sacr dune formule puise ses sources dans la manire dont le terminisme avait dj dsacralis les mots par son patient travail logique. 29Voir J.Biard,Logique et thorie du signe auxivesicle, Paris, Vrin, 1989; HKeiper, C.Bode,(...) 30Voir B.Prigot, Ladeclamatiocontre la censure chez rasme, dansCensure, auto-censure et ar(...)24Car les humanistes, qui critiquent la dispute et la logique, sont cependant les hritiers vidents des terministes et des nominalistes. Ce sont les nominalistes, paradoxalement, qui, dans leur recherche dun discours scientifique, ont fini par donner au probable le sens dincertain. Alors quils recherchaient les moyens dun discours indiscutable, ils affirmaient en mme temps que Dieu pourrait changer les rgles du jeu sIl le voulait, et le conventionnalisme du signe29quils mettent en avant aboutit lide que tout est convention, que rien nest, si lon peut dire, de droit divin. Les humanismes hritent de ce scepticisme fidiste, et la littrature duxviesicle est tout entire hante par lincertitude des fondements, par la duplicit des choses. Nombre de genres sont contamins par cet esprit de double vrit issu de la logique terministe et entretenu par ce doute qui sinsinue partout. Ladeclamatio, souvent pratique par rasme30, suppose un dtachement de lnonciateur par rapport son nonc et permet de dvelopper une ide pour elle-mme, sans pour autant y adhrer idologiquement. Cest aussi le principe duDiscours de la servitude volontairede La Botie, qui dveloppe jusque dans ses limites extrmes lide de libert politique sans que son auteur appelle cependant la rvolution. 31Voir sur ce point M.-L.Demonet, "Si mon mulet transalpin volait" ou de la vrit en matire(...) 32C.Sigonio,De Dialogo Liber, Venise, Giordano Ziletti, 1562. Voir aussi ldition critique et tra(...) 33Par exemple, G.Bruno,La cena de le ceneri, (Milano-Napoli, 1995, paru Londres en 1584). Dans c(...)25On trouve souvent, dans les textes thoriques duxviesicle, lexpression parler par manire de dispute. Cette expression signifie que lon discute sans remettre en cause la ralit. La dispute, dans la ligne de la logique terministe, est perue comme un moyen de rechercher la vrit dans labstraction, en envisageant toutes les situations virtuelles, des situations, donc, que lon napplique pas au rel, ce qui permet de rester, en thorie, lcart de toute possibilit de censure. La dispute devient ainsi un moyen dintroduire un semblant de fiction dans des textes non fictionnels, de parler du rel en dehors de lui. Cette fictionalit purement rationnelle va venir, me semble-t-il apporter sa pierre ldification de la notion de fiction entrexvieetxviiesicles. La fiction, exclue de la pense mdivale car lie des chimres, desnugae, ressurgit par le biais de ces raisonnements qui se veulent coups de toute ralit mais dots, pour cette raison, dune grande libert. La catgorie de lhypothtique dans la logique scolastique va devenir un point de dpart pour faire accepter limagination31. Il est clair, par exemple, que le dialogue littraire, auxviesicle, est toujours le moyen de dbattre dune ide, et il reste profondment rattach la dispute. Le thoricien italien du dialogue dj cit, Carlo Sigonio32, dfinit dailleurs le dialogue comme une dispute dialectique avec des ornements. Le dialogue est une sorte dentre en littrature, pour employer un terme anachronique, de la dispute scolaire. Or, il est aussi une manire de parler, dans une fiction, par manire de dispute. Et en cela, il peut contribuer lexpression dides nouvelles et subversives. On sait que Giordano Bruno, Galile exposent leurs principes philosophiques sous forme dialogue, esprant ainsi brouiller les pistes en feignant dexposer divers points de vue sans prendre parti33. Un ingrdient important des dialogues est, en outre, le sentiment damiti entre les interlocuteurs, sentiment emprunt par les humanistes italiens Cicron. Cette amiti, souvent exprime dans les dialogues de la Renaissance, joue un rle modrateur et fait du dialogue lenvers de la dispute. Dans un dialogue, on ne se dispute pas. Cette civilit amicale est dailleurs souvent tellement en contradiction avec lpret dialectique des dbats quelle nuit la vraisemblance de la discussion et laisse transparatre ses origines antiques, trangres la forme mdivale. 34Voir mon analyse de ce phnomne dansDialectique et littrature, Roman et dispute chez Rabelais(...)26La dispute est aussi modifie par la suprmatie dsormais vidente de la rhtorique sur la logique. On redcouvre Quintilien et on approfondit lenseignement cicronien. On redcouvre aussi le probabilisme de rhteur de Cicron et les auteurs qui lont influenc comme Carnade. En particulier, on confond souvent ladisputatiomdivale avec ladisputatio in utramque partemde Cicron. Or, cette pratique davocat est trs loigne de la dispute: dans une disputein utramque partem, Cicron cherche dmontrer que, quel que soit langle sous lequel on envisage une question, la conclusion est toujours la mme. Par exemple dans lePro Archia, pote accus davoir voulu devenir indment citoyen romain, Cicron plaide en affirmant dabord quArchiasestdjcitoyen romain puis que, mme sil ne ltait pas, il faudrait lui confrer ce titre. Cest--dire quil affirme quelque chose quil dtruit ensuite pour en faire paradoxalement un argumenta fortiori. La dmonstrationin utramque partem, contrairement aupro et contra, part donc dune contradiction pour la dissoudre, afin que lepouret lecontreaboutissent la mme conclusion. Or, ce schma contamine la dispute en mme temps que la rhtorique envahit peu peu les textes. Rabelais, dans ses argumentations cheveles, sait ainsi mler avec un art subtil le pass logique et la nouvelle rhtorique pour aboutir un texte qui dit en mme temps des choses contradictoires34. 35Voir sur ce pointDire lvidence. Philosophie et rhtorique, Textes runis par C.Lvyet L.Pern(...) 36Voir largumentation de Galile dans sonDialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, compos en(...)27La rhtorique, en effet, va sapproprier largumentation et peu peu rduire la porte et mme le contenu de la logique pour fabriquer le texte classique, dont le but nest pas seulement de convaincre intellectuellement mais aussi de persuader en sadressant tout ltre, et en essayant dcarter toute controverse. Il faut se rendre lvidence35, et cette notion dvidence va tuer la dispute, en remplaant, pour tous les types de raisonnement, largumentation contradictoire par la dmonstration. Dj dans les dialogues scientifiques de la fin duxvieet du dbut duxviiesicles36, on trouve dveloppe lide dune dmonstration irrfutable qui viendrait mettre un point final aux arguties des philosophes. 37P.Fraenkel, De lcriture la dispute. Le cas de lAcadmie de Genve sous Thodore de Bze,(...)28Un autre lment dvolution de la dispute est sa transformation en procs. Lexviesicle est le sicle o le droit devient la formation par excellence des lites. Jusquauxviiiesicle encore, la plupart des chefs de la Rvolution auront reu cette formation. Cest dans les facults de droit que la dispute demeure un exercice trs vivant. Mais elle subit linfluence de la rhtorique cicronienne et lon peroit peu peu une tendance considrer ladversaire comme un coupable en puissance. Cela a des rpercussions aussi sur la dispute thologique: tout dbat suppose une orthodoxie que lopposant met en cause, et la dispute se mue en moyen de traquer lhrsie. Pierre Fraenkel, qui a travaill sur les disputes acadmiques auxviesicle, note que la disposition des lieux o se fait une dispute change: la salle de lUniversit dOxford destine aux disputes, tait munie de deux chaires ou pupitres qui se faisaient face devant lestrade sur laquelle taient assis les matres. Mais Wittenberg, et au colloque de Poissy, celui qui a la parole se trouve devant une barre laquelle il sappuie, face lestrade des matres, comme dans un tribunal37. On voit combien cette diffrence dans la configuration des lieux rend compte dune modification dans la conception quon se fait des discussions et de leurs limites. 38P.Pomponazzi,Tractatus de immortalitate animae, Bologne, 1516. 39Il faut dire que cette redfinition de la dispute comme facult plutt que comme discours nest pa(...)29On sintresse cependant encore la logique dans les universits auxviesicle. Lcole de Padoue, dans ce domaine, poursuit le travail des terministes, tout en laborant un rationalisme moderne. Pomponazzi, par exemple, prtend dans son trait sur limmortalit de lme, commentaire auDe animadAristote38, exposer la pure thorie aristotlicienne dvoye longtemps par les scolastiques. Or, refusant quAristote serve seulement donner un fondement rationnel la foi, il aboutit remettre en cause limmortalit de lme. En Espagne aussi, la logique scolastique se maintient. Vivs, qui sinsurge, dans sonDe disciplinis, contre la suprmatie de la logique, crit cependant unDe disputatione. Mais il y redfinit la dispute comme un dialogue de lme avec elle-mme, partir de la dfinition platonicienne de la dialectique. Cest--dire que pour sauver la dispute, il lintriorise, en fait un exercice mental plutt quune pratique vritablement discursive39. Or, l encore, cest le nominalisme qui est au fondement de cette analyse qui distingue le concept du mot. 40R.Descartes,uvres compltes, II, 1638-1642, Paris, Classiques Garnier, 1996, p.507-890. 41Cest dailleurs le titre dun dialogue inachev quil crivit une date inconnue et qui ressembl(...)30Dautre part se fait jour, dans la recherche dialectique, une autre tendance qui fait le lien entrexvieetxviiesicles: cest la recherche dune mthode; mot anodin au dbut, quon trouve par exemple dans laDialectiquedHotman, mais qui apparat de plus en plus dans les crits dialectiques de la deuxime partie duxviesicle et qui est vou un avenir brillant. Avec la notion de mthode, largumentation scientifique, recherche par les scolastiques de la priode terministe, acquiert une sorte dautonomie. On ne cherche plus la vrit dans la confrontation des points de vue, mais dans la dmonstration dune pense conue comme issue ducogitoindividuel. La mthode de Descartes apparat comme laboutissement de cette dmarche et son uvre me parat emblmatique de lvolution de la pense entrexvieetxviiesicles. On trouve des traces de la mthode disputative dans son uvre, en particulier dans sesObjections faites par des personnes trs doctes contre les prcdentes Mditations avec les rponses de lauteur40. Sa pense, quil expose sous la forme demditations, dediscours, est une pense qui, certes, dialogue avec elle-mme, mais dune manire fondamentalement non dialectique: au lieu dextraire la vrit de la discussion, en envisageant le pour et le contre, Descartes labore un discours dductif solitaire, il utilise la lumire naturelle41 de son esprit, qui rend lhomme capable de trouver la vrit et donc davoir raison contre nimporte quel adversaire. La pense de Descartes est ainsi une pense qui rompt avec le scepticisme humaniste, qui tablit fermement quon peut arriver la vrit, quune vrit unique existe sur chaque chose, et quon ne saurait hsiter entre plusieurs options. On connat bien limportance de cette pense qui refonde la notion de vrit scientifique sur lindividu qui pense bien, mais on ne souligne pas suffisamment combien elle ouvre la porte la toute-puissance sans frein du scientifique. 42M.Fumaroli, dans son anthologieLart de la conversation, Paris, 1997, ne commet pas la confusion(...)31A partir du moment o lon croit une vrit trouvable (et si on ne la pas trouve, cest quon sy est mal pris), il nest plus possible daccepter de donner au dialogue une extension aussi grande quauparavant. Le dialogue parat dsormais vain dans son exposition de diverses opinions qui naboutissent pas une vrit suffisamment claire. Il dprit ainsi auxviiesicle parce quon ne croit plus la fcondit du dbat contradictoire et quon lui prfre le nouveau dogmatisme de la Mthode. En revanche se dveloppe la conversation mondaine, au point quon confond souvent art de converser et art de disputer42. Le dialogue napparat plus comme un dbat dialectique entre diffrentes opinions mais est considr comme la transposition littraire dune conversation de salon. On avait vu, dj, simposer le salon, dans certains dialogues de Pontus de Tyard et dans les dialogues italiens, comme celui de Tullia dAragona (De linfinit damour) ou ceux de Sperone Speroni. Mais partir duxviiesicle, la situation de salon va de pair avec labandon de la dialectique. Molire reprendra cette situation dansLes Femmes savantes. Lamiti humaniste devient lexpression dune politesse obligatoire, qui donne lieu des uvres charmantes comme lesEntretiens sur la pluralitdes mondesde Fontenelle. Dans ce texte, on nest pas dans un salon mais dans un parc et pourtant on est bien dans le mondain. On confond volontairement badinage amoureux et dbat srieux, mais linterlocuteur est une femme et nest pas un adversaire. Cest une disciple, facilement acquise, et le dialogue est plus un enseignement dialogu quun dbat. 43Cest le cas, auxviesicle, dansLa Deffence et illustration de la langue franoysedeDu Bellay(...)32Il me semble donc qu partir de la fin duxviesicle, lesprit de dispute steint mais quon trouve encore, et pour longtemps, dans les textes, des rflexes disputatifs: dans le vocabulaire, dans la disposition des arguments, dans cette notion fondamentale dantithse, dopposition sa propre pense. On trouve galement, parfois, dans certains textes, des traces dune rponse aux objections, qui peut tre prise pour une maladresse argumentative puisquon semble revenir sur des objections aprs les avoir dj dissoutes. Cest que la logique scolastique ne cherchait qu obtenir un difice qui ft le plus cohrent possible du point de vue rationnel, alors que la rhtorique se proccupe de laisser une bonne impression, de ne pas perturber lesprit de linterlocuteur par des retours en arrire argumentatifs trop complexes et dans certains textes, on peroit cette contradiction entre deux sources de la pense43. Malgr les critiques et les transformations quelle subit, il est certain que la dispute demeure une sorte de forme mentale que lon reconnat dans les dbats, mme quand la polmique a remplac la pure argumentation rationnelle. Elle tente aujourdhui, de survivre, tant bien que mal, en France, dans notre dissertation. Il me parat en tout cas essentiel de tenir compte de cette forme quand on tudie des textes dides rdigs avant lexixesicle, pour saisir le fond de la pense dun auteur.Notes1Une premire version de cette communication a t prononce le 5 dcembre 2006, lUniversit de Paris IV-Sorbonne, dans le cadre dun cycle de confrences de masters I et II organis par Patrick Dandrey et Delphine Denis: Dbattre auxviiesicle. Ralits et reprsentations de la confrontation intellectuelle.2Voir par exemple lopinion, longtemps partage par beaucoup de spcialistes du dialogue, de L.Febvresur les humanistes: Grands lecteurs de Lucien, grands dvots de Platon, ces hommes de la Renaissance, en bataille contre tout ce qui rappelait le dogmatisme rigide des scolastiques, ne pouvaient qutre sduits par un genre littraire que lart des Grecs avait su prserver ou peu prs de lartifice (Origne et Des Priers, ou lnigmeduCymbalum mundi, Paris, 1942, p.27). Et E.Kushner: Il a t dit maintes fois quau cours duxviesicle le dialogue souvre une "dialogicit" plus vraie quauparavant. larges traits, cela signifie que si, sur le plan formel, la technicit des genres dialogus mdivaux avait en effet longtemps permis la confrontation de points de vue contraires (dans le dbat ou ladisputatiopar exemple), sur le plan pistmologique par contre aucun change, aucune argumentation vritable, mme ne se produisait (Le dialogue de 1580 1630: articulations et fonctions, dansLautomne de la Renaissance 1580-1630, Paris, 1981, tudes runies par J.Lafondet A.Stegmann, p.149-162).3Il y a, certes, dautres schmas plus dialogiques dans les ouvrages de Cicron, mais le didactisme y reste grand. Sigonio, dans son ouvrage thoriqueDe dialogo(Venise, G. Ziletti, 1562), repris par Le Tasse dans sonDellarte del dialogo(1586), distingue les dialogues de type socratique, o cest celui qui sait qui pose la question, des dialogues cicroniens, o cest celui qui ne sait pas qui la pose, affirmant avec raison que ce dernier schma est moins intressant rhtoriquement.4B.Prigot,Dialectique et littrature. Les avatars de la dispute entre Moyen ge et Renaissance, Paris, 2005.5A.Rey,Dictionnaire historique de la langue franaise, donne la date de 1474 pour le motdispute. Mais le mot latindisputatioa dabord t transcrit en franais sous la formedisputeisonoudisputoisondont la date dapparition est 1175. Voir par exempleLa disputeisons de Charlot et dou barbierde Rutebeuf, et B.Prigot, Controverse, invective et vrit chez Rutebeuf dansLe jugement paresbatement: dnonciations dans les textes potiques, Camaren, 1 (2006), p.19-35.6Voir sur ce point lEssaiIII, 8 et ltude que jy consacre dans mon ouvrage, aprs bien dautres (voir bibliographie,Dialectique et littrature, p.631).7B. C. Bazn, G. Fransen, J.-F. Wippel, D. Jacquart,Les Questions disputeset les questions quodlibtiques dans les facults de thologie, de droit et de mdecine, Turnhout, 1985, p.40. Sur la typologie de la dispute, voir les ouvrages essentiels dO.Weijers,La "Disputatio" la facult des arts de Paris (1200-1350). Esquisse dune typologie, Amsterdam, 1995; etLadisputatiodans les facults des arts au moyen ge, Turnhout, 2002. Voir galement C.Thurot,De lorganisation de lenseignement dans lUniversit de Paris au moyen ge, Paris, 1950; P.Glorieux, Lenseignement au moyen ge. Techniques et mthodes en usage la facult de thologie,Archives dHistoire Doctrinale et Littraire du moyen ge, 35 (1968), p.65-186; I.Angelelli,The Technics of Disputation in the History of Logic,Journal of philosophy, 67 (1970), p.800-815; Les genres littraires dans les sources thologiques et philosophiques mdivales. Dfinition, critique et exploitation, Louvain-la-Neuve, 1982 (Actes du Colloque international de Louvain-la-Neuve: 25-27 mai 1981, Publication de lInstitut dtudes Mdivales);Argumentation in the Middle Ages, A.de Libraet I.Rosier(d.),Argumentation,1,4 (1987), p.355-457.8Dans ce domaine, louvrage dAblard,Sic et non, crit aux environs de 1121, est fondateur, mme sil runit les matriaux dune mthode qui existait dj avant cette date.9Voir O.Weijers,La"disputatio" la facult des arts de Paris,p.12 ss.10Le terme devient canonique partir de louvrage de Pierre Lombard,leLiber Sententiarum, crit entre 1148 et 1152, qui se prsente comme un recueil glos des psaumes et de textes des Pres de lglise. Les gloses abordent les contradictions de ces textes, quelles tentent de rduire par des distinctions. cet ouvrage servira de manuel de thologie et sera sans cesse comment, mme au del duxviesicle. VoirMediaeval Commentaries on the Sentences of Peter Lombard, G. R.Evans(d.), Leiden-Boston-Khln, 2002.11La querelle du jansnisme commence quand certains docteurs de Sorbonne soumettent Rome cinq propositions tires de lAugustinusde Jansenius. Celles-ci sont juges hrtiques et condamnes par la constitution apostoliqueCum occasionedu 31 mai 1653. La premire est, par exemple: Quelques commandements de Dieu sont impossibles accomplir aux justes qui les veulent et qui s'y efforcent selon les forces qu'ils ont actuellement. Il leur manque aussi la grce qui les rendrait possibles.12Voir sur ce point la fameuse dispute entre Thaumaste et Pantagruel auquel Panurge se substitue et qui devient une dispute par signes (Pantagruel, Chapitre XVIII, d. M.Huchon, Paris, 1995. Ce roman parat en 1532). Bien quelle soit parodique, cette dispute reproduit les conditions relles habituelles des disputes entre matres. Voir B.Prigot,Dialectique et littrature, p.436-445.13Certaines de ces Questions disputes, qui peuvent le mieux donner une ide de la dispute canonique crite, ont t publies. Voir en particulierThomas dAquin,De lenseignement (De magistro),d. J.Jolibert, Paris, 2003 (d. bilingue);De la Vrit ou La science en Dieu, d. S.-TBonino,o.p., ditions Universitaires de Fribourg, 1996 (traduction franaise). Deux questionsDe la vritont t publies aussi en dition bilingue: Question X,Lesprit (De mente),d. K. S.Ong-Van-Cung, Paris, Vrin, 1998 etPremire question, La vrit (De veritate),d. C.Brouweret M.Peeters, Paris, 2002.14Voir B.C.Baznet alii,Les Questions disputes....15Voir ldition moderne dA.de Libera,Contre Averros, Paris, 1997, et son introduction, qui prcise qui sont exactement les adversaires de Thomas dAquin, p.35 ss.16Sur cette notion, voir A.Maier,Terminologia logica della tarda scolastica, Roma, 1972; T.Parsons, Missing Modes of Supposition,Canadian Journal of Philosophy, vol.23, 1997, University of Calgary Press, p.1-24;M.F. Wagner, Supposition-Theoryand the problem of Universals,Franciscan Studies St-Bonaventure, N.Y., 19, 41, (1981), p.385-414.17Il est cependant difficile de prciser les convergences entre la logique terministe et la logique ou la pragmatique actuelles parce que ces disciplines modernes se rfrent une culture anglo-saxonne souvent coupe de la culture mdivale latine.18On peut voir luvre cette dmarche dansLa Puissance et son ombre, Paris, 1994, ouvrage o O. Boulnois rassemble et prsente une srie dextraits de questions disputes consacres la toute-puissance, de Pierre Lombard Luther. Aprs Thomas dAquin, le rationalisme logique prend le pas, dans la forme, sur la question thologique.19Ockham: voir les trois premiers volumes de saSomme de logique, Introduction, traduction et notes de J.Biard, Trans Europe-Repress, Mauvezin, 1993, 1996 et 2003; sur Ockham, voir P.Alfri,Guillaume dOckhamle singulier, Paris, 1989; J.Biard,Guillaume dOckham et la thologie, Paris, Cerf, 1999.20Voir sur ce pointA.de Libera, La logique de la discussion dans luniversit mdivale, dansFigures et conflitsrhtoriques, Bruxelles, ditions de lU.L.B., 1990, p.59-81.21VoirJean Buridan,Sophismes, Introduction, traduction et notes par J.Biard, Paris, 1988.22La logique moderne, en empruntant aux mathmatiques le recours des signes, a contourn cette difficult.23Voir, par exemple,Ptrarque,De sui ipsius et multorum ignorantia, Paris, 2000, etrasme,De libero arbitrio, etRfutation deClichtove:Dilutio eorum quae Iodocus Clichtoveus scripsit adversus declamationem Des. Erasmi Roterodami suasoriam matrimonii,d. E.V.Telle, Paris, Vrin, 1968.24Voir Z.Kaluza,Les querelles doctrinales Paris, Nominalistes et ralistes aux confins duxiveet duxvesicles, Bergamo, 1988.25Ramus,Dialectique, (1555), dition M.Dassonville, Genve, 1964. Il faut, par ailleurs, relativiser aussi bien le rejet dAristote que le rejet de la logique scolastique chez Ramus.26Landi,Paradossi, cio sententie fuori del commun parere, Lyon, Jean Pullon, 1543. Ces paradoxes furent traduits librement en franais par Charles Estienne en 1553.27Voir I.Backus, Disputes de religion,Dictionnaire historique de la Suissewww.snl.ch/dhs/externe/protect/textes/F171.172.htlmet The Disputations of Baden, 1526 and Berne, 1528: Neutralizing the Early Church,Studies in Reformed Theology and History,1, 1, (1993), Princeton Theological Seminary, p.1-30.28Voir sur ce point, G. P.Gordon,The Ideology and Language of Translation in Renaissance France and their Humanist Antecedents, Genve, 1984.29Voir J.Biard,Logique et thorie du signe auxivesicle, Paris, Vrin, 1989; HKeiper, C.Bode, R.J.Utz,Nominalism and Literary Discourse. New Perspectives, Amsterdam, 1997.30Voir B.Prigot, Ladeclamatiocontre la censure chez rasme, dansCensure, auto-censure et art dcrirede lAntiquit nos jours, dir. J.Domenech, Paris, 2005, p.49-60.31Voir sur ce point M.-L.Demonet, "Si mon mulet transalpin volait" ou de la vrit en matire de langue, dansLangage et vrit. tudes offertes Jean-Claude Margolin, Genve, 1993, p.223-235.32C.Sigonio,De Dialogo Liber, Venise, Giordano Ziletti, 1562. Voir aussi ldition critique et traduction italienneDel Dialogo,a cura di F.Pignatti, Prefazione di G.Patrizzi, Rome, 1993.33Par exemple, G.Bruno,La cena de le ceneri, (Milano-Napoli, 1995, paru Londres en 1584). Dans ce dialogue, Bruno use dun style rabelaisien pour annoncer, dans sa proemiale epistola (p.5-11) les questions mathmatiques les plus srieuses, etGalileo Galilei,Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, Torino, 1984, paru en 1632) qui, dans son ptre al discreto lettore, explique quil tient dans ces dialogues la parte coperniciana, le rle de Copernic, cest dire prsente comme une simple fiction ce qui lui tient le plus cur, alors mme que dans des lettres antrieures son dialogue il aspirait dmontrer que la thorie copernicienne tait seule valable (voir note au texte de Libero Sosio, p.8).34Voir mon analyse de ce phnomne dansDialectique et littrature, Roman et dispute chez Rabelais, en particulier les pages 482-486, et Le parti-pris anti-rhtorique de Rabelais dansLe Tiers Livre, dansRabelais et Le Tiers-Livre, colloque de Nice, 2-3 fvrier 1996, textes runis par .Kotler, Publications de la Facult des Lettres, Arts et Sciences Humaines de Nice, n25, 1996, p.117-134.35Voir sur ce pointDire lvidence. Philosophie et rhtorique, Textes runis par C.Lvyet L.Pernot, n2, Paris, LHarmattan, 1997 (Cahiers de philosophie de lUniversit de Paris XII-Val de Marne).36Voir largumentation de Galile dans sonDialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, compos entre 1624 et 1630, et son opposition aux pripatticiens censs reprsenter la fois largument dautorit et la discussion infinie.37P.Fraenkel, De lcriture la dispute. Le cas de lAcadmie de Genve sous Thodore de Bze,Cahiers de la Revue de Thologie et de Philosophie, Lausanne, 1977, p.4.38P.Pomponazzi,Tractatus de immortalitate animae, Bologne, 1516.39Il faut dire que cette redfinition de la dispute comme facult plutt que comme discours nest pas une invention de Vivs. On la trouve dj chezBlaise de Parme,Questiones super tractatus logice magistriPetri Hispani, traites aux environs de 1388 et dont Jol Biard et Graziella Federici Vescovini ont fourni une diton: Paris, 2001.40R.Descartes,uvres compltes, II, 1638-1642, Paris, Classiques Garnier, 1996, p.507-890.41Cest dailleurs le titre dun dialogue inachev quil crivit une date inconnue et qui ressemble beaucoup, par la forme, aux dialogues de la fin duxviesicle: La Recherche de la vrit par la lumire naturelle,uvres compltes, t. II, p.1105-1141.42M.Fumaroli, dans son anthologieLart de la conversation, Paris, 1997, ne commet pas la confusion.43Cest le cas, auxviesicle, dansLa Deffence et illustration de la langue franoysedeDu Bellay(1549) dont les derniers chapitres (9 11) du livre I sont consacrs une rponse aux objections qui a beaucoup contribu au jugement dfavorable des critiques modernes lgard de la structure deLa Deffence. Cest aussi le cas deLaRepubliquedeBodin, crite sous forme de disputes (VoirDialectique et littrature, p.503-543).Haut de pagePour citer cet articleRfrence papierBatricePrigot, Antcdences: De ladisputatiomdivale au dbat humaniste,Memini, 11|2007, 43-61.Rfrence lectroniqueBatricePrigot, Antcdences: De ladisputatiomdivale au dbat humaniste,Memini[En ligne], 11|2007, mis en ligne le 10 mars 2011, consult le 24 avril 2014. URL: http://memini.revues.org/74Haut de pageAuteurBatricePrigotUniversit de Nice-Sophia Antipolis