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Revue du Collectif Accident Numéro UN

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En équilibre, sur un fil quasi-virtuel, nous revisitons les personnages qui ont guidé notre imaginaired’adolescent. De la figurine de Clint Eastwood, aux jeux de poupées (a)variées, notre questionnements’opère par l’image et le texte ; pour y croiser les incarnations d’un espoir que l’on nousimpose au quotidien.Nous incitons au déguisement.Rendons visite aux figures qui nous tiennent quotidiennement éveillés…

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En équilibre, sur un fil quasi-virtuel, nous revisitons les personnages qui ont guidé notre imagi-naire d’adolescent. De la figurine de Clint Eastwood, aux jeux de poupées (a)variées, notre ques-tionnement s’opère par l’image et le texte ; pour y croiser les incarnations d’un espoir que l’on nousimpose au quotidien.

Nous incitons au déguisement.

Rendons visite aux figures qui nous tiennent quotidiennement éveillés…

Héros

Eros

Error

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Il ne faut pas toucher aux idoles,leur dorure reste sur nos mains. »Gustave Flaubert

«

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« YOU HEAR WHAT YOU SEE… »

BIGGER THAN LIFE

TOUCHER L’INTOUCHABLE…

MADONNA’S BED

•• TXT •

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I ls ne pratiquent pas de sport,

car pour eux la compétition

et les records n’ont pas de sens.

Nous assistons à un spectacle,

celui d’une représentation

de la souffrance. La figuration

danse dans la douleur.

You hear what you see, you see what you hear.

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La danse colore la figure.

La couleur danse dans la douleur,la couleur figure la danse, la figure de la douleur danse.

La figure de la danse coule dans une douleur colorée.

Les spectateurs le détestent. Ils réclament justice !

Nous sommes ici dans le culte du specta-cle, celui d’un Hulk sans obstacles. Lui voitainsi sa réussite dans le regard du public.Jouer ce rôle lui permet d’atteindre lamythologie, de répondre aux attentes decette foule affamée.

Nous voilà au centre des arènes. La lumièrezénithale ne laisse aucune allusion. « Ici etlà, une lumière sans ombre élabore uneémotion sans repli* ». Le corps est, ici, pré-sent de manière iconique.

Le temps s’installe dans son siège cinéma.Il n’est plus issu, porte de secours, point defuite, mais au contraire parenthèse close depur spectacle.

• ••

Les gestes sont excessifs et surjoués. Latechnique n’intervient qu’à dose homo-pathétique.

À terre, l’adversaire est prêt à succomber.Il fait parvenir à la foule, impuissante, toutesa détresse. Ce que l’on aperçoit, les yeuxà demi-cachés derrière nos mains, devientintolérable, car rien ne peut lui venir enaide. À part lui-même. Il nous fait partagerson propre dépassement. Le salaud estinvincible, plus rien ne fera justice…

Orgasme affligeant, organes répugnants, iljoue en présentant son corps comme uneviande morte, un être deshumanisé. Il esthideux et en dévoile tous les attributs.

La foule se lève, elle n’ose plus prendreparti pour l’un ou l’autre aussi longuement.Elle attend un signe venu d’ailleurs, nonpas un geste purificateur, mais un geste quiapaise les douleurs. On demande à ce quele toréador achève le spectacle, fascinantet insupportable.

Il étire son corps et la sueur qui le recou-vre le rend maléable. Il devient l’animal,tentaculaire… Affichant ses attitudes, soncostume, il triomphe d’un rictus. Sur levisage de son adversaire, son pied fait étau.Le sourire pour l’un, et l’œil en coin pourl’autre, la prise de soumission cesse enfrappant au sol encore et encore.

Ces explications épisodiques introduisentles scènes à venir. Elles nous conditionnent,nous préparent à admettre un fait incontes-table : cet homme est un salaud, imprévisi-ble osant se réfugier derrière la Loi, quandbon lui semble. Cependant, il n’est pas enreste, en trahissant cette dernière si néces-saire…

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* Le monde où l’on catche, Mythologies. R.Barthes.

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Sixième long métrage des studios Pixar, ancienne société de Lucasfilms rachetée en 1986 par Steve Jobs, puis en 2006 par Walt DisneyAnimation Studios, ce film conte les aventures d’un super-héros et de sa famille extra-ordinaire.Histoire de la réévaluation d’un hors du commun.

Bigger than life*.*Plus grand que nature.

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Après Toy’s Story 1 et 2, 1001 Pattes, Mons-tres et Cie, Le monde de Némo, cette sixièmeœuvre, Les Indestructibles, est la premièrede la lignée à mettre en scène des êtreshumains. Héros et mortels se mêlent dansdes décors dont l’organisation quotidienneest calquée sur la nôtre.

Les personnages sont tout d’abord introduitsdans un espace où nous pouvons y reconnaî-tre les décors, les meubles de nos parents,voire de nos grands-parents. C’est d’ailleursl’une des volontés du réalisateur Brad Bird,que de faire vivre ces héros dans un universrétro-futuriste et semi-réel*. C’est ainsi dansune « zone pavillionnaire» de banlieue amé-ricaine, que le défi de vivre normalementdevra être relevé en s’intégrant parfaitement,en renonçant à toute activité héroïque. À par-tir de cette vie courante, les allers-retoursdans des mondes fantastiques sont autant dejouissances pour l’œil-spectateur.

Mais c’est davantage dans la psychologie despersonnages que se révèle le désir de collerà la réalité. Loin de nos jouets bavards oud’autres animaux trépidants, les super-« hors-normes» vont tenter d’apprendre àéquilibrer leur vie personnelle et d’apprivoi-ser l’amour des autres. Les enfants adorent,les parents adhérent. Ce concept d’identifi-cation se place au cœur de la cellule fami-liale et de son fonctionnement. Un père autravail ennuyé, une mère au foyer et desenfants, fille et garçon, qui sont en pleinecrise d’adolescence. C’est également la quêtede Buddy-Indestructy Boy, l’enfant unique, quideviendra le fanatique Syndrome. Il essaierade rejoindre par tous les moyens le cerclefamilial de son idole.

Le dilemme régulièrement imposé aux per-sonnages des studios Pixar est l’individuali-sation. Devenir soi en réussisant d’abord à

vivre avec les autres. C’est ici, l’éloge del’entraide. Les décisions prises par le Hérosindestructible de se voir réhabilité, entraîne-ront des conséquences pour tout son entou-rage. En effet, à cause de son choix indivi-duel, la Famille devra faire face à l’adversitédénommée Syndrome réfugié dans sa tanièreinsulaire. À travers ce combat, les frictionsfamiliales s’atténuent et offrent au specta-teur un constat « simple» : ils tentent devivre (comme nous tous ?) dans un monde àl’apparence effroyablement banale et quin’est tout simplement pas le leur.

Concilier singularité et monde commun. Lasolitude du héros et son devoir d’anonymatsont réappropriés ici afin de déplacer le récitvers son principal questionnement : le«super»-passement de soi. Le voile est levé,une nouvelle souffrance les obsède, et leurscorps aux facultés surhumaines témoignentde ce malaise réel à trouver une place dansnotre société. Les différents brimades etrejets à leur égard les amènent à devoirs’installer en mode discrétion. « Se joindre ànous ou disparaître», «Raccroches ta ca-pe». Cette belle patrie reconnaissante leurpermettra toutefois d’obtenir un statut decitoyens-héros ordinaires, avec un réel pro-gramme de réinsertion : nouvelle identité etnouveau travail, isolés et esseulés.

Les disputes conjugales, l’éducation ratéedes enfants devenus insolents ou asociaux,jusqu’aux tâches ménagères attribuées à lamère de famille, tels sont les faits qui révè-lent une certaine déchéance pour cescitoyens ordinaires-héros supers : tenter de(sur)vivre en laissant filer impunément lescoupables, sans provoquer d’accidents ou ensimulant les limites du corps humain… Bien-tôt, ils n’arriveront plus à rejeter contre-nature leurs supers-pouvoirs et laisser leshommes sans surveillance et sans guide…

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Redistribuer les dominos dominants-domi-nés. Nous assistons alors à deux types deprocédés narratifs : soit le héros rejoint lemonde des humains (ici, vécu comme unepunition), soit l’homme tente de s’envolervers des cieux héroïques. Mais pour se faire,il devra livrer bataille et s’imposer (enemployant l’imposture). Cette dernière optionprise dans le film démontrera que finalementrien ne peut être masqué durablement.

La volonté pour Indestructy Boy de devenirune entité sur-humaine, l’amène à vouloirpermuter les forces, inverser les rôles. Cetacte l’engage alors dans un processus oùs’accumulent des frustrations, où par ambi-tion et impatience, il deviendra finalement unsyndrome héroïquement pathétique…

En prolongeant notre questionnement sur cesprocédés métamorphosants, où des change-ments de camps sont entrepris, il est inté-ressant de s’attarder sur des animations plusanciennes telles que les cartoons. Ces der-niers ont pour atout de permettre la torturegraphique des corps-toons. En effet, c’est àtravers leur élasticité et leur invincibilitééternelle que peuvent se répéter les scéna-rios. Pour les toons, aucunes expériences nes’accumulent au grès des sketches, seule lavolonté d’humouriser la situation est subli-mée.

Dans le film de Robert Zemeckis, Qui veut lapeau de Roger Rabbit, (1988) mêlant anima-tions et prises de vues réelles (comme MaryPoppins, déjà en 1964), la « Trempette» per-met de détruire le corps et l’âme de cestoons. Cette potion, inventée par le juge mal-faisant De Mort, est la seule connue et révé-lée par ce film, pour tuer un personnage dedessin animé —à part peut-être, le manqued’audimat…

Quelle compassion possible pour ces êtresanimés ? La passe-réel vers ce brin d’huma-nité est donc ce liquide nommé «Trempette» :composée de térébenthine, d’acétone et debenzène, ces produits sont habituellementutilisés pour diluer et nettoyer les tâches depeinture. Notre « Trempette» est leur bûché.Mais qu’en est-il si un toon malfaisant venaità se glisser habilement dans l’univers« réel» et, sous des apparences humaines,défier la Loi ?

Telle fut pourtant la réussite du perfide jugeDeMort. Il faudra, par deux fois, lui faire face.Une première fois sous un rouleau compres-seur, puis aspergé par sa propre mixture. Cetoon humanïode « sérieusement dérangé »avait une telle ambition qu’il surveillait lesdébordements de ses congénères à l’aide deses cinq Fouines mercenaires pour mieuxcontrôler et camoufler sa véritable identité.Il détenait ainsi la clé des deux mondes…

Ces deux films d’animation proposent doncune forme d’identification via la chair. Donnerla mort à un toon via la « Trempette» dansQui veut la peau de Roger Rabbit et obligerles Super-héros à banaliser leurs comporte-ments dans Les Indestructibles, telles sontles singularités détonnantes de ces corpsporteurs et incubateurs de ce texte.

• ••

* Inspirations visibles sur le site internet de Pixar :www.pixar.com/featurefilms/incredibles/tale.html

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Ceci est un fait : «le héros doué de pouvoirs supérieurs à ceux du commun des mortels est une constante de l’imagination populaire », (héros mythiques, personnages romanesques…).

Toucher l’intouchable n’est pas impossible.

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Historiquement le premier « Super » date de1908, le Nyctalope. Héros de feuilleton duquotidien français La Dépêche, il en détienttoutes les caractéristiques : capacité extra-ordinaire (avec sa vision nocturne), costu-me distinctif pour effectuer ses actes héroï-ques et une double identité.

« Dans une société particulièrement nive-lée, où les troubles psychologiques, lesfrustrations et les complexes d’inférioritésont à l’ordre du jour, dans une sociétéindustrielle où l’homme devient un numéroà l’intérieur d’une organisation qui décidepour lui, où la force individuelle, quand ellene s’exerce pas au sein d’une activité spor-tive, est humiliée à la force de la machinequi agit pour l’homme et va jusqu’à déter-miner ses mouvements, dans une tellesociété, le héros positif doit incarner, au-delà du concevable, les exigeances de puis-sance que le citoyen commun nourrit sanspouvoir les satisfaire. »

Cet extrait de l’introduction du «Mythe deSuperman » d’Umberto Eco, pourrait expli-quer notre vocation à devenir joueur-acteur-dieu, épris de jeux vidéo, de jeux derôles, de jeux en ligne multijoueurs et defilms super-héroïques en vogue, adaptésdes comic books.

Actualiser l’héroïsme. Axés par exemple surl’identification d’un guerrier, en mode « firstperson shooter », les jeux ne nous font revi-vre que des conquêtes de territoires. Sousle prétexte de l’actualité, les conflits reli-gieux, politiques et économiques sont revi-sités de manière unilatérale. Hélas, aucunesimulation ne permet d’incarner « CaptainAmerica », ce Super-soldat au costume ins-piré de la bannière étoilée. Celui qui, aprèsavoir lutté contre les nazis dès sa créationen 1940 sous les pinceaux de Jack Kirby et

de l'imagination de Joe Simon, saura évo-luer, se rebeller à partir de 2006 contrecette société américaine devenue une démo-cratie hypocrite, qui bafoue les libertés indi-viduelles (parabole dénoncant l’ancien gou-vernement G.W. Bush et notamment le USAPatriot Act).

Les héros, par respect pour leurs publics,« consolent ». Ils sont des parents protec-teurs, dont la mission est de protégerpubliquement les civils. C’est à travers les« comics », pendant l’avénement de la Se-conde Guerre mondiale, que les Américainsont une chance de s’identifier et s’évaderavec le personnage imaginaire du Captainpouvant chasser les Allemands — quelquechose qui n’était simplement pas possibledans la vie réelle. Et ce, avant même l’en-gagement de l’armée américaine dans leconflit mondial : dès 1939, « The Shield »,autre Super-héros patriotique apparaîtquelques mois avant « Captain America ».

La connexion au temps présent, leurs traitshabituellement humanoïdes et leurs super-pouvoirs révélés par un accident, une expé-rience scientifique ou, en provenance d’ununivers lointain déplace la structure nar-rative propre aux héros mythologiques, lesinscrivant dans un Au-delà surnaturel. C’estdonc, de fait, à travers un « procédé d’en-chantement schizophrénique* », qu’ils pas-sent d’une vie à l’autre. Contrairement auxpersonnages de mauvais romans, eux,davantage ancrés dans des expériencesfamilières quotidiennes et univoques.

Il y a une ressemblance fondamentale dansla structure narrative offerte aux regar-deurs (spectateurs, lecteurs, joueurs) entrele type-mythe Superman, et les personna-ges mythologiques. Les Dieux, images fixesaux caractéristiques éternelles et aux aven-

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tures irréversibles appartiennent au déja-advenu, au prévisible. « Le public n’exigeaitpas d’apprendre du nouveau, il préféraitentendre le récit agréable d’un mythe et secomplaire à retrouver d’une manière cha-que fois plus intense et plus riche le dérou-lement connu. Les ajouts et les embellis-sements romanesques abondaient sans pourautant entamer le caractère du mytheentamé ». Dieux comme héros ne peuventsortir de leur case.

Dans le cas du Super, né dans la civilisa-tion du roman, il nous est offert, en revan-che, une double configuration. « Il doit êtreun archétype, la somme d’aspirations col-lectives bien précises, et donc nécessaire-ment se figer en une fixité emblématiquequi le rend facilement reconnaissable ; maiscomme il est commercialisé dans le cadred’une production “romanesque” pour unpublic consommateur de “romans”, il doitêtre soumis à ce développement qui estcaractéristique du personnage de roman. »Nous décelons donc en lui une mécaniquenarrative d’une imprévisibilité tout de mêmerassurante. Celle d’un compagnon-domesti-que, c’est-à-dire à la fois figure reconnais-sable parfois féroce mais dans le mêmetemps fidèlement distribuée.

Gribouiller davantage de Consolators.Superman, ou le mythe du Sauveur venud’un ailleurs, dans une lumière éclablouis-sante pour éradiquer l’horreur qui gît ici-bas.

D’origine kryptonienne, Kal-El, alias Super-man, fut envoyé vers la Terre par son pèreJor-El, grand savant ayant connaissance dela destruction de sa planète natale. Arrivésur Terre, à Smallville, il fut adopté par unefamille de conserva-terriens, les Kent. C’està l’âge de 18 ans qu’il apprendra, à travers

le spectre de son père biologique, sa véri-table identité et sa mission : il lui est inter-dit de modifier l'Histoire mais doit être unexemple pour l'humanité, car les êtreshumains « sont capables de grandeur ». Saformation dure 12 années terriennes, aprèslesquelles il devient Superman.

Super grandit donc sur la planète Terre,mais il est doté de super-pouvoirs trèsenvahissants. « Sa force est pratiquementillimitée, il vole dans l’espace à la vitessede la lumière, et lorsqu’il la dépasse, ilbrise le mur du temps et peut se transfé-rer à d’autres époques. Par la simple pres-sion de ses mains, il soumet le charbon àune température telle qu’il se transformeen diamant ; […] sa vue à rayons X lui per-met de voir à travers n’importe quel corpsà des distances pratiquement illimitées, defaire fondre par son seul regard des objetsde métal ; autre avantage très précieux, sasuper-ouïe lui permet d’entendre toutes lesconversations, d’où qu’elles viennent. Il estbeau, humble, généreux et serviable, il vouesa vie à pourfendre les forces du mal ». Ilne vit que pour autrui, pour terrasser nosmalheurs, dans le domaine d’une lutte cir-conscrite – à la pègre de Smallville, et ins-crite dans un temps renouvelé, renouvelé etrenouvelé.

Les éléments qui nous permettent de nousattacher à ce personnage sont ceux issusde sa double identité, Mr. Clark Kent : « untype apparemment peureux, timide, médio-crement intelligent, un peu gauche, myope,soumis à sa collègue Loïs Lane, […], éper-dument amoureuse de notre héros. D’unpoint de vue narratif, la double identité deSuperman a une raison d’être, puisqu’ellepermet d’articuler de façon extrémementvariée le récit de ses aventures, les équi-voques, les coups de théâtre, un certain

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suspense de polar. Mais d’un point de vuemythopoiétique, la trouvaille est carrémentgéniale : en effet, Clark Kent incarne exac-tement le lecteur moyen, bourré de com-plexes et méprisé par ses semblables ; ain-si, par un évident processus d’identification,n’importe quel petit employé de n’importequelle ville d’Amérique nourrit le secretespoir de voir fleurir un jour, sur les dé-pouilles de sa personnalité, un surhommecapable de racheter ses années de médio-crité. »

« Superman est un casse-tête pour ses scé-naristes ». Il doit entretenir une relationambigüe avec le temps et la mort. Sesadversaires du jour doivent à la fois pro-poser de simples oppositions qui permet-tront la multiplication des événements etsuggérer sa vulnérabilité potentielle. Supera donc une faiblesse ; la Kryptonite, qui af-fecte ses super-pouvoirs et constitue ainsison talon d'Achille. Mais le mythe est inal-térable, pas le temps pour le figer dans unépisode irréversible. Il s’agit d’une histoiresans altération du héros.

« Super » surgit alors comme un mythe, à consumer dans notre quotidien.

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A lire, “De Superman au Surhomme” (1976) de Umberto Eco, aux éditions Le Livre de Poche / biblio essais, 2nde édition 2005.A consulter également le site de la Bibliothèque Nationale de France concernant l’exposition “Héros, d'Achille à Zidane”, qui a eu lieu du 09 octobre 2007 au 13 avril 2008 : http://classes.bnf.fr/heros/index.htm * Expression tirée d’un interview d’Anne Muxel (docteure en sociologie et directrice de recherche CNRS en science politique) qui qualifie ainsi l’évolution du héros fictionnel d’une vie ordinaire à une vie extra-ordinaire.

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extrait de la nouvelle Éclore,dans Les Jeux de Plagesde Régis Jauffret

Le matin est grimacier. Elle ne prononce pas une parole, elle vide son sucrier dans son bol de café tant elle est amère. Avant de partir elle embrasse les gosses en me tournant le dos. Par flemme je sonne chez la voisine pour lui demander de les emmener à l’école avec les siens.

Après une masturbation et une sieste il est déjà midi. Je descends acheter des bières. Pourtant comme tout le monde je suis un héros, un artiste, un dictateur. Mais les circonstances ne m’ont pas permis d’éclore. »

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Seen on mTV

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Une Rock Star c’est quelqu’un qui a toujours voulu être une Rock StarQuelqu’un qui veut être attrapé par la lumièreQuelqu’un qui désire être le centre de toutes les attentionsUne Rock Star c’est Coyote qui marche au dessus du videUne Rock Star doit se contenter de paraître Une Rock Star c’est quelqu’un qui traine toute la journée en peignoir dans des hôtels de luxe Une Rock Star c’est quelqu’un qui téléphone, tout en mangeant des soupes hypo-protéinées Une Rock Star ne parle pas d’art mais de show La politique d’une Rock Star se résume en un concept de provocation Une Rock Star a un coach personnel pour chaque muscle, chaque organe, chaque part de son visage Une Rock Star se couche plus tôt pour épargner sa voix Une Rock Star se lève tôt pour travailler ses abdos Une Rock Star c’est quelqu’un qui a des problèmes affectifs Une Rock Star a des problèmes familiaux Une Rock Star peut se branler sur scène et se sentir petite fille devant son papa Une Rock Star ne parle plus à son frère Une Rock Star s’entoure d’amis éphémères Une Rock Star est une garce narcissique dont chaque morceau d’attention apporté à autrui doit êtrepris comme un cadeau, une bénédiction Une Rock Star possède un charisme étrange, mélange de beauté singulière et d’esprit pervers Une Rock Star s’attache aussi vite qu’elle se détache de ceux qui l’entourentUne Rock Star serre la main de Al Pacino, embrasse Antonio Banderas, couche avec Warren Beatty,se fout de la gueule de Kevin Costner Une Rock Star est finalement assez malheureuse, mais elle n’a pas le temps de se le permettreUne Rock Star aime les gens, mais superficiellement, et pas trop longtempsUne Rock Star n’a peur que du Jugement des puissantsUne Rock Star a aussi un cœur de midinette devant les puissantsUne Rock Star a aussi connu les chagrins d’amourMais une Rock Star a désormais une carapace de protection faite de divers danseurs gays et sou-mis, de maquilleuses-coiffeuses excentriques, de choristes à l’écoute et de multiples domestiques qui la sépare du monde communUne Rock Star a une meilleure amie lesbienne avec qui elle partage toutUne Rock Star invite ses danseurs dans son lit, les déshabille, les embrasse, avec l’affection d’unemaman en recherche d’enfantUne Rock Star est recouverte par un univers de CosmétiquePour se délester de son anxiété, une Rock Star ne cesse d’engueuler ceux qui ont des responsabilitésUne Rock Star a des caprices que seul Dieu, un enfant, un animal vénéré peut se permettreUne Rock possède une certaine forme de talent, que nous oublions à cause du concept de Rock StarUne Rock Star est belle grâce à ses billetsUne Rock Star suce comme une déesseUne Rock Star ne cesse de jouer sur l’affection, de jouer avec l’affectionUne Rock Star c’est de l’affection accumuléeUne Rock Star capte notre attention.

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LLeess aauutteeuurrss ddeess tteexxtteess eett ddeess iimmaaggeess ssoonntt ::

Yannick Béziel, Sébastien Dufay, Alban Gervais,

Julien Gobled, Franck Marry.

CCoonncceeppttiioonn ggrraapphhiiqquuee :: AC.C DDiirreeccttiioonn ééddiittoorriiaallee :: le collectif Accident

(Alban Gervais, Xavier Lefevbre et Franck Marry),

avec l’aide de Sébastien Dufay.RReelleeccttuurreess :: Raphaël Leboucher et Sandra Macoine. IImmpprreessssiioonn :: Stipa, Montreuil.PPrreemmiièèrree ppaarruuttiioonn ssuurr llee ssiittee wwwwww..aacccciiddeenntt--ccoolllleeccttiiff..nneett ::

octobre 2006.

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- Édition -2010