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    La grammaire casuelle

    John Anderson

    In: Anderson, John M. & Dubois-Charlier, Franoise, eds. 1975.La grammaire des cas. 18-64.

    (Langages 38. Paris. Didier-Larousse).

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    LA GRAMMAIRE CASUELLE*

    JOHNM. ANDERSONUniversit dEdimbourg

    1. Coup dil en arrire

    La terminologie grammaticale de la plupart des langues qui suivent la tradition europenne surce sujet prsente une ambigut systmatique dans lemploi du terme cas. En rgle gnrale,ce terme est employ pour dsigner la fois une certaine catgorie flexionnelle (avec les formesqui la manifestent) et lensemble des distinctions smantiques que portent ces formes. On peutdistinguer ces emplois en parlant de formes casuelles et de relations (ou fonctions) casuelles.

    Ainsi dansLutetiam venion pourrait dire que le nom est la forme ACCUSATIVEet que celle-ciexprime ici le BUT. Une grande partie des discussions a simplement t due la confusion desdeux sens. Il est clair que cet usage ambigu ne permet pas de dire que les fonctions casuelles

    peuvent tre exprimes autrement que par des flexions, en particulier par des prpositions oudes postpositions, par lordre des mots ou dans la morphologie du verbe plutt que dans celledu nom. Dans ce qui suit nous utiliserons le terme de FORME CASUELLE pour dsignerglobalement toute forme qui sert exprimer une RELATION CASUELLE. Les relations casuelles,elles, sont les tiquettes des rles smantiques que les syntagmes nominaux remplissent dans la

    prdication.La plupart des descriptions traditionnelles posent une projection complexe de lensemble

    des relations casuelles sur lensemble des formes casuelles (au sens troit ou au sens large).Ainsi, la forme accusative du latin, qui marque le But dans Lutetiam veni, peut aussi exprimerlOBJET (DIRECT), comme dansPuellam amo; et le But peut galement tre associ une formequi comporte une prposition:Ad urbem veni. On na pas beaucoup cherch dans lensemble aboutir des descriptions plus naturelles, qui rduisent la non-correspondance entre les deuxensembles. Il faut cependant signaler diverses propositions LOCALISTESsur la nature desquellesnous reviendrons plus loin.1. Toutes ces tentatives ont rencontr de grandes difficults pourtrouver une fonction unitaire ou mme unifie des relations casuelles telles, en particulier, quelACCUSATIFet le NOMINATIF. Mme si on laisse de ct la distinction But/Objet, il est difficiledattribuer lACCUSATIF OBJECTIF lui-mme une valeur smantique constante, comme lemontrent les phrases suivantes

    (1a) Le policier a frapp ltudiant.(1b) Marilyn a gratifi Jean dun sourire.(1c) Mon oncle a construit un chalet.(1d) Jean a tu Pierre.(1e) Christophe Colomb a dcouvert lAmrique.

    (1f) La procession a travers le square.

    * Une partie des problmes tudis ici a fait lobjet dun sminaire sur la grammaire casuelle auxuniversits de Arhus et Odense, au printemps 1974. Je remercie ceux qui y ont particip de leurs critiqueset suggestions.1Cf. par exemple HBSCHMANN, 1875, sur ces thories et sur dautres.

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    (1g) Fred a quitt la maison.

    Il en est de mme des NOMINATIFS SUBJECTIFSdes phrases

    (2a) Ltudiant a t frapp par le policier.(2b) Ltudiant a chatouill le policier.(2c) Personne ne connaissait la vrit.(2d) Ce paquet contenait huit livres.(2e) Mon dentiste a souffert horriblement.(2f) Jean a reu un cadeau de Marie.(2g) La vrit ntait connue de personne.

    En (1) comme en (2) les syntagmes nominaux sinscrivent dans toute une gamme de rles, dontcertains sont traditionnellement distingus par des sous-types de sujet et dobjet, objetrsultatif. objet indirect. etc. Sil est facile de voir en quoi ces diffrents sujets se distinguent,il lest beaucoup moins de voir ce quils ont smantiquement en commun.

    2. La thorie dAspectset les relations casuelles

    On aurait pu penser que le dveloppement de la grammaire gnrative, en particulieravec la distinction entre structure profonde et structure de surface, conduirait, sinon desdescriptions plus naturelles, au moins une description des conditions dterminant laneutralisation des rles qui est typique des sujets et des objets. Mais il nen a pas t ainsi. Lesystme mis au point au dbut des annes 60, qui a culmin avec la thorie deAspectsen 1965,a report la plurivalence associe aux sujets et objets de surface sur leurs quivalents profonds.Des transformations comme le passif redistribuent simplement les SN sans augmenter nidiminuer leurs plurivalences. Et il ny a rien l de surprenant: la transformation passive a tconue comme ayant une motivation purement syntaxique. Ce qui reste mystrieux, cest ce en

    quoi consiste exactement cette raison dtre. Nous reviendrons en 4sur certaines des tentativesplus rcentes pour justifier la structure profonde de la thorie de Aspects et la transformationpassive. Voyons plutt ici comment Aspects dfinit les relations casuelles, ou fonctionsgrammaticales sous-jacentes (profondes).

    Au dbut du chapitre II, CHOMSKYprsente trois types dinformations que, dit-il, unegrammaire traditionnelle pourrait fournir sur une phrase comme

    (3) La sincrit peut effrayer le garon.

    Il sagit (a) dune catgorisation ou analyse en constituants, (b) dune description des fonctions,et (c) dune sous-catgorisation ou analyse componentielle des mots. CHOMSKYmontre ensuitecomment une grammaire gnrative peut et doit prsenter ces trois types dinformations. Maiscet expos de CHOMSKYest quelque peu trompeur cependant, en particulier en ce qui concernelinformation fonctionnelle, qui est ce qui nous intresse ici. En effet les descriptionsfonctionnelles fournies par les grammaires traditionnelles concernent ce qui serait pourCHOMSKYla structure de surface (ou un niveau proche de la surface). Ainsi dans

    (4) Le garon peut tre effray par la sincrit.

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    le sujet serait le SN le garon, tandis que les propositions de CHOMSKY(exposes p. 68 et ss.)

    concernent essentiellement la dfinition des fonctions de structure profonde. Par consquentlinformation fonctionnelle prte aux grammaires traditionnelles, quelle soit, comme le ditCHOMSKY, substantiellement correcte ou non, na aucun rapport avec ses propositions sur lanature des fonctions profondes; en particulier la justification (empirique?) de notions commesujet profond que CHOMSKYdrive, semble-t-il, des grammaires traditionnelles, na aucuneraison dtre. Et malheureusement CHOMSKYnapporte aucune autre donne lappui de saconception du sujet profond, si ce nest que cette notion est prsuppose par son traitementdes contraintes de slection.

    De mme, les preuves que CHOMSKY oppose une interprtation catgorielle desfonctions profondes ne prouvent rien du tout sur ce point. Il dit que les notions fonctionnellestelles que Sujet, Prdicat, doivent tre soigneusement distingues des notions catgorielles tellesque Syntagme Nominal, Verbe, distinction qui ne doit pas tre brouille par lemploioccasionnel du mme terme pour des notions des deux types (p. 68). Ce quil en dit constitueun bon point de dpart pour examiner le dveloppement, lpoque actuelle, de grammairescherchant articuler la corrlation entre les relations casuelles et les formes casuelles.

    Lintroduction de nuds portant des tiquettes fonctionnelles (cf. fig. 5) est errone deux gards, dit CHOMSKY. La premire erreur consiste ne pas distinguer formellement lesnotions catgorielles et les notions fonctionnelles. Mais CHOMSKY ne fournit aucun critregnral qui permette de faire cette distinction: il se borne donner un moyen de prsenter unecertaine information fonctionnelle de manire la distinguer de linformation catgorielle, en

    prsupposant quil est souhaitable dtablir la distinction comme lui-mme le fait. Dans cesconditions, ce non-respect de la distinction ne peut pas en lui-mme constituer une preuvecontre les nuds fonctionnels; le raisonnement est circulaire: cest une erreur de confondrelments fonctionnels et lments catgoriels parce que cest une erreur de ne pas distinguer ceslments.

    La deuxime objection de CHOMSKY parat, premire vue, avoir plus de poids. Ilremarque quune reprsentation comme (5) et la grammaire sur

    (5) Ph

    Sujet Aux Prdicat| | |

    SN M SV

    Dt N Vb Ppl Objet| |

    V SN

    Dt N

    La sincrit peut effrayer le garon

    laquelle elle est base sont redondantes puisque les notions de Sujet, Prdicat, Verbe Principalet Objet, tant relationnelles, sont dj reprsentes dans lIndicateur syntagmatique (6) sansque des rgles de rcriture nouvelles soient requises pour les introduire. Il nest ncessaire que

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    de rendre explicite le caractre relationnel de ces notions en dfinissant Sujet de en anglais

    comme la relation existant entre le SN dune phrase de forme SN^Aux^SV et la phrase entire,Objet de comme la relation entre le SN dun SV de forme V^SN et le SV tout entier, etc.Mais ceci aussi implique un raisonnement assez curieux qui, l encore, repose sur laffirmationde la

    (6) Ph

    SN M SV

    Dt N V SN

    Dt N

    La sincrit peut effrayer le garon

    distinction relation/catgorie. On ne voit pas du tout, par exemple, pourquoi linformation estredondante quand elle est introduite par les rgles syntagmatiques, mais nest pas redondantequand elle est introduite par des dfinitions associes aux configurations donnes par les rglescatgorielles de la base. Supposons cependant que cette remarque sapplique.

    Mais ce principe de lintroduction de linformation fonctionnelle par des dfinitionsconfigurationnelles nest mme pas conforme la propre pratique de CHOMSKY(dans la mesureo on peut en juger en labsence de tout critre sur ce qui est fonctionnel). Considrons parexemple la rgle (ii) du Fragment reprsentatif de la composante de base (chap. 2, p. 106)

    (7) Syntagme Prdicatif Aux^SV (Lieu) (Temps)

    (Syntagme Prdicatif ressemble fort une tiquette catgorielle drive de la fonction de lacatgorie, mais laissons-le de ct, puisque la distinction ne doit pas tre brouille par lemploioccasionnel du mme terme pour des notions des deux types). Vraisemblablement (mais leFragment ne dit rien sur ce point), Lieu et Temps doivent tre dvelopps en SyntagmesPrpositionnels (SP). Dans ce cas, pour autant quon en puisse juger, linterprtation la plus

    plausible de Lieu et Temps en fait des tiquettes fonctionnelles: ils indiquent la fonction deces SP dans le syntagme prdicatif. Ces tiquettes ne sont cependant pas redondantes: les SP delieu et de temps sont immdiatement domins par la mme catgorie, sil ny a pas les nudsLieu et Temps; on ne peut donc pas faire de dfinitions configurationnelles. On ne peutmme pas invoquer lordre relatif ( supposer que ceci soit justifi) puisque lun et lautre typede SP peuvent tre absents.

    Ainsi il se rvle que certaines fonctions seulement doivent tre exclues des rglescatgorielles. Naturellement, on pourrait exclure Lieu et Temps des configurations de

    structure profonde et introduire linformation fonctionnelle par une rgle dinterprtation quiprendrait en considration la nature des items lexicaux dans les SP appropris. Et on peut fairede mme pour les diverses fonctions associes aux sujets et aux objets que nous avons vues en(1) et (2).2Mais ni clans lun, ni dans lautre cas il nest ncessaire que ces rgles sappliquent

    2Cf. CHOMSKY, 1972.

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    sur des configurations profondes plutt que peu profondes.3 Dans ces conditions, ces rgles

    interprtatives seront simplement la rplique de la description quune grammaire casuelle donnede lorigine de la neutralisation associe aux sujets et objets (de surface). Il reste bien sr laquestion de la nature des rgles qui relient les structures de rles (ou de cas) aux structures desurface, ce qui est une autre question.

    Finalement, et cest fondamental, CHOMSKY ne justifie pas la prsence de fonctionsconfigurationnellement dfinies dans la grammaire, ni la prsence dans la structure profonde(par opposition un niveau driv) de configurations telles que celles qui sont proposescomme bases des dfinitions.4Depuis 1965, on a tent de justifier les structures profondes sujet/objet et nous examinerons une de ces tentatives. Mais la discussion qui se trouve dansAspects est tout fait aprioriste sur ce point. Dans ces conditions il nest pas surprenant quonait vu peu aprs se dvelopper des propositions donnant aux fonctions sous-jacentes uneinterprtation catgorielle unitaire, avec des structures profondes ne comportant pas lesconfigurations associes aux sujets et objets profonds; en effet sujet et objet ne sont pasdes relations casuelles au sens dfini en 1. Les grammaires construites sur ce type dhypothsessont des grammaires casuelles.

    Avant de nous tourner vers ces grammaires casuelles et vers dautres raisons de rejeter lesujet profond, etc., nous devons prendre en considration une dernire objection de CHOMSKY,car, si elle tait fonde, lentreprise tout entire de la grammaire casuelle naurait mme jamais

    pu commencer. Selon CHOMSKY, non seulement les catgories fonctionnelles sont redondantes,mais, de plus, limpossibilit dune interprtation catgorielle des notions fonctionnellesdevient immdiatement apparente lexamen de phrases comme celles-ci (p. 70):

    (8a) John was persuaded by Bill to leave.(Jean a t persuad par Bill de partir)

    (8b) John was persuaded by Bill to be examined.(?Jean a t persuad par Bill dtre examin)

    (8c) What disturbed John was being regarded as incompetent.

    (Ce qui ennuyait Jean tait dtre considr comme incomptent)

    CHOMSKYremarque: Dans (8a)Johnest simultanment Objet-depersuade[to leave] et Sujet-de leave; dans (8b) Johnest simultanment Objet-de persuade [to be examined] et Objet-deexamine; dans (8c)Johnest simultanment Objet-de disturb, Objet-de regard[as incompetent]et Sujet-de as incompetent. Sans autre raisonnement, il pose sa conclusion concernantlimpossibilit dune interprtation catgorielle des notions fonctionnelles. Cette impossibilit a

    peut-tre t immdiatement apparente pour CHOMSKY, mais je ne vois absolument pas enquoi ces exemples sont le moins du monde dcisifs. L encore la description fait intervenir lesnotions non justifies de Sujet-de et Objet-de structures profondes; mais admettons. Ce que les

    phrases de (8) semblent effectivement montrer est quun unique SN de la structure de surface(John) correspond trois fonctions de structure profonde. Mais puisque ces fonctionsconcernent chacune un exemple diffrent du SNJohndans la structure profonde, il ny a aucun

    problme thorique donner une description soit catgorielle, soit interprtative (redondante ounon) des fonctions de structure profonde en question. Ces exemples ne montrent mme pas que

    3Cf. FREIDIN, 1972.4Cf. GROSS, 1969; MEISEL, 1973.

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    le statut catgoriel est ncessairement exclu pour les fonctions de surface; et ils nappuient

    certainement pas la conclusion de CHOMSKYen ce qui concerne les fonctions profondes.

    3. Les relations casuelles dans The case for case

    Dans le cadre dAspects, sujet et objet sont lis des reprsentations de structure profonde et destructure drive, en particulier de surface. Et la plurivalence caractristique des sujets et objetsde surface (cf. (1) et (2)) se retrouve galement dans leurs quivalents profonds. De fait, il y atrs peu de transformations bien acceptes (en dehors des raisings) qui changent le statutfonctionnel dun SN, dObjet en Sujet par exemple lexistence de la transformation passive elle-mme est sujette caution.5Il nest pas sr du tout quil y ait vritablement des justifications la distinction entre sujet/objet de surface et sujet/objet profond. Il sest ainsi dvelopp desgrammaires dans lesquelles les Sujets et Objets des phrases (1) et (2) sont des Sujets et Objetsde surface seulement, et chacun deux est associ une fonction (un rle ou une relationcasuelle) sous-jacente distincte. Les configurations du type sujet/objet ne figurent plus dans les

    reprsentations de structure profonde; la situation Lieu/Temps dans laquelle linformationfonctionnelle a ncessairement le statut catgoriel est gnralise toute la base. Sujet et Objetsont des fonctions drives neutralises: ces SN peuvent correspondre diverses fonctions ourelations casuelles sous-jacentes.

    Une analyse bien connue de ce type est associe au nom de Ch. FILLMORE, qui, dans unesrie darticles,6 a construit un cadre grammatical quil a nomm Grammaire casuelle.Dautres suggestions apparentes, bien que distinctes, ont t faites peu prs la mmepoque.7

    En remplacement des reprsentations sous-jacentes du type de (6), F ILLMORE, 1968a,propose des reprsentations comme celle-ci

    (9) Ph

    M Prop:: V Cas1 Casn: :: : K SN K SN: : : : : :: : : : : :: : : : : :

    Chaque fonction sous-jacente a une reprsentation catgorielle par un noeud casuel (Cas1,...,Casn); ces nuds casuels leur tour sont dvelopps en K(asus) + SN, o K est le marqueurcasuel; en franais et en anglais cest normalement une prposition. Les cas constituent unensemble universel fini. M est le noeud de Modalit, qui comprend des modalits-de-la-phrase-

    5Cf. par exemple FREIDINop. cit.6Essentiellement 1965, 1966 a, 1968a, b, 1971a, b, 1972 et dans larticle qui figure dans ce numro.7Par ANDERSON, 1968a, ou BREKLE, 1970, par exemple. On trouvera une srie de rfrences des travauxapparents dans deux tudes rcentes de NILSEN(1972, 1973).

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    dans-sa-totalit telles que ngation, temps, mode et aspect. La proposition comprend une srie

    de relations liant verbes et noms. Elle consiste en un prdicat (V), accompagn de un ouplusieurs syntagmes casuels. FILLMORE estime quon peut justifier au moins les fonctionssuivantes (il en ajoute dautres au cours de la discussion), dont il donne une descriptionnotionnelle:

    (10) Agentif(A), le cas de linstigateur peru, typiquement anim, de laction dcrite par leverbe.

    Instrumental(I), le cas de la force ou de lobjet inanims qui interviennent causalementdans laction ou ltat dcrits par le verbe.

    Datif(D), le cas de ltre anim affect par ltat ou laction dcrits par le verbe.Factitif(F), le cas de lobjet ou de ltre qui rsultent de laction ou ltat dcrits par leverbe, ou qui sont interprts comme une partie du sens du verbe.

    Locatif (L), le cas qui identifie le lieu ou lorientation spatiale de ltat ou de lactiondcrits par le verbe.Objectif(O), le cas le plus neutre smantiquement, le cas de tout ce qui est reprsentable

    par un nom dont le rle dans laction ou ltat dcrits par le verbe est donn parlinterprtation smantique du verbe lui-mme. Il nest pas impossible que ce conceptdoive tre limit aux non-anims affects par laction ou ltat dcrits par le verbe (pp.24-25).

    Il y a normalement cration dun sujet (dans les langues o les sujets ont des raisons dtre)par le dplacement dun des syntagmes casuels, qui passe gauche du constituant de Modalit,sous la domination directe de Ph, et ce noeud casuel perd son K. De mme lobjectivisation metun syntagme casuel immdiatement aprs V, avec disparition du K. Le marqueur K ayantdisparu, le noeud casuel est lagu, ce qui donne des configurations analogues (6), qui ne peut

    plus reprsenter ici quune structure drive.8[N.d.T.: On illustrera ces processus avec le verbecasserqui se comporte comme le opende la srie dexemples tudis par FILLMORE(tandis queouvrirest ncessairement pronominal la forme intransitive).].

    Soit les phrases

    (11a) La branche a cass.(11b) Jean a cass la branche.(11c) Le vent a cass la branche.(11d) Jean a cass la branche avec une pince.

    Dans (11d), le verbe est associ aux cas suivants (On reviendra ci-dessous sur le choix desprpositions)

    8Par ANDERSON, 1968a, ou BREKLE, 1970, par exemple. On trouvera une srie de rfrences des travauxapparents dans deux tudes rcentes de NILSEN(1972, 1973).

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    (12) Ph

    M Prop:: V A I O: :: : K SN K SN K SN: : : : : : : :: : : : : : : :: : : : : : : :

    pass casser par Jean avec une pince avec la brancheaccompli

    La subjectivisation (de lAgent, par Jean) et lObjectivisation (de lObjet, avec la branche)donnent la srie de reprsentations suivantes

    (13.1) Ph|

    A M Prop:

    K SN : V O I: : : :: : : : K SN K SN: : : : : : : :: : : : : : : :: : : : : : : :

    par Jean pass casser avec la branche avec une pinceaccompli

    (13.2) Ph|

    A M Prop| :

    SN : V O I: : : |: : : SN K SN: : : : : :: : : : : :: : : : : :

    Jean pass casser la branche avec une pinceaccompli

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    (13.3) Ph

    |SN M Prop: :: : V SN I: : : :: : : : K SN: : : : : :: : : : : :: : : : : :

    Jean pass casser la branche avec une pinceaccompli

    Dans la phrase (11b) il ny a pas dInstrument; dans (11c) il ny a pas dAgent; et dans (11a) ilny a ni Agent ni Instrument. Lentre lexicale pour casser dira donc que cest un verbe quiprend obligatoirement un cas objectif et facultativement un cas agentif et un cas instrumental,ce que FILLMOREnote par le trait:

    (14) + [____ O (I) (A)]

    cest--dire que casser peut tre insr dans une structure profonde qui contient un O, et,facultativement, un A et un I. Les phrases (11) font aussi apparatre une hirarchie pour le choixdu sujet, qui parat assez gnrale, savoir que, sil y a un A, cest le cas prfr pour le sujet,comme en (11b) et (11d). Sil ny a pas de A, le I a la prfrence sur le O, comme en (11c).Selon FILLMOREles diverses caractristiques des phrases passives, en particulier la prsence detre et la forme du verbe principal, sont l pour marquer quon est pass par-dessus lahirarchie, quun choix marqu a du sujet a t effectu, comme dans la phrase:

    (15) La branche a t casse par Jean.

    o le O, et non le A, est sujet. (Une telle conception des sujets et des objets et des phrasespassives pose un certain nombre de problmes et nous tudions ci-dessous certaines descritiques quelle a suscites.) Cette analyse supprime le passif en tant que transformation,

    puisque toutes les phrases font intervenir le processus de formation de sujet. Cest grce ceprocessus quon rend compte de la varit des rles associs aux sujets des phrases (2), par della simple correspondance (2a)-(la): ainsi le sujet de (2b) est un A, celui de (2c) est un D, celuide (2d) est un L, etc.

    Une grande partie de lintrt qua suscit cette grammaire casuelle, vient, me semble-t-il, des claircissements quelle a apports sur la classification de linformation lexicale et desitems lexicaux. Et FILLMOREsest effectivement beaucoup proccup de ces questions9. Ainsiavec la notation de cas facultatifs, on peut navoir quune seule entre lexicale pour casser,

    tandis quune grammaire sujet/objet se heurte des difficults, parce que les contraintes deslection pour le sujet de casser intransitif sont les mmes que celles de lobjet de CASSERtransitif.

    9Cf. en particulier 1966b, 1968b, 1970, 1971a, b.

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    La grammaire casuelle 10

    Comme il apparatra plus loin, je ne suis pas sr (et cf. FILLMORE1972, 10-15) que cette

    analyse dun verbe comme cassersoit prfrable celle qui fait de la construction transitive lersultat de lenchssement de la structure intransitive dans une proposition contenant un verbeabstrait de cause [casser quelque chose = faire que quelque chose casse], en dpit desobjections faites sur cet enchssement.10Il nest mme pas certain que ces deux analyses soientmutuellement exclusives.11 Chacun de ces choix danalyse (cas vs. prdicats abstraits) estnaturellement, dans une large mesure, une question empirique indpendante.

    La mme notation quen (14) permet aussi de considrer mourir et tuer comme desvariantes suppltives, de mme que voir et montrer.12 On peut en effet considrer que ladiffrence entre les membres du couple tient seulement aux cas que chacun exige, au CADRECASUEL:

    (16a) mourir + [___ D]; tuer + [___ D (I )(A)](16b) voir + [___ O + D]; montrer + [___ O + D + A]

    (les parenthses chevauchantes pour tuersignifient quun des deux cas facultatifs au moins doitfigurer: tuerprend, en plus du Datif, soit un I, soit un A, ou les deux, mais il ne peut pas navoirni I, ni A).

    Et la diffrence entre deux verbes peut galement tenir simplement au cas qui est lechoix non-marqu de sujet, comme peut-tre dans (17):

    (17a) Le film a plu Jean.(17b) Jean a aim le film.

    Certaines prpositions sont la ralisation non-marque du K dun cas donn, commeparpour un K dAgentif (ou Instrumental en labsence de A), pour un K de Datif, avecpour un KdInstrumental (en anglais la mme prposition withpeut marquer galement lObjectif, commedans The duchess presented Maria with the prize, comparer The duchess presented the prizeto Maria: dans les deux exemples il y a la mme liste de cas, mais avec objectivisation du Datifdans la premire phrase, objectivisation de lObjectif dans la seconde). Mais la distribution decertaines prpositions peut aussi rester idiosyncrasique certains prdicats, et ceci aussi doittre inclus dans le lexique ; ainsi le verbe blamea oncomme prposition pour son Datif.

    Mais plutt que de poursuivre en dtail les descriptions lexicales proposes parFILLMORE, concentrons-nous sur ce qui doit tre fondamental pour toute proposition degrammaire casuelle, savoir les rpondants empiriques des relations casuelles elles-mmes. Enlaissant de ct les dfinitions notionnelles du type de celles de (10) sur lesquelles je vaisrevenir, on peut ranger les proprits qui caractrisent les cas en deux grands groupes, celles quisont censes marquer la prsence (ou labsence) dun cas spcifique, et celles qui indiquentsimplement si deux syntagmes casuels sont des exemples du mme cas ou relvent de casdistincts. Jutiliserai, pour des raisons qui vont sexpliquer, les termes dINDICESDIDENTIFICATIONet INDICES DE DISCRIMINATION.

    10Par FODOR, 1970, et G. LEE, 1971; cf. aussi la discussion impliquant KAC, MCCAWLEYet SHIBATANIdans KIMBALL, 1972.11Cf. par exemple ANDERSON, 1971, chap. 11.12Mais voir par exemple CONTRERAS, 1970, sur ces deux derniers verbes.

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    11 John Anderson

    Comme exemple dindice didentification, on peut se reporter ce que dit FILLMOREde

    ladverbepersonnellement,13

    qui ne figure que dans les phrases verbe dexprience subjectiveet en liaison avec le SN identifi comme lExperiencer (une subdivision de lex-Datif) et ceciindpendamment du fait que ce SN est ou nest pas le sujet de la phrase:

    (18a) Personnellement, je naime pas les roses.(18b) Votre proposition ne mintresse pas, personnellement.(18c) *Personnellement, vous mavez cass le bras.(18d) *Personnellement, lontognie reproduit la phylognie (p. 260).

    Dans la mesure o une telle distribution concorde avec dautres critres distinctifs de cetterelation casuelle, on peut considrer qu'elle confirme lanalyse casuelle.

    Nanmoins de tels critres didentification se sont souvent rvls tre quelque peu lusifs,tmoins les problmes lis la notion dInstrumental chez NILSENou la tentative de FILLMORE

    pour relier la distinction statif/non-statif de LAKOFF14 labsence vs. prsence du cas Agentif:Il nest pas ncessaire dajouter aux verbes des traits concernant la stativit parce que seuls lesverbes qui figurent dans une proposition contenant un Agent peuvent apparatre dans de telles

    phrases de toutes faons. Et certainement la corrlation parat exister pour les vraiesimpratives et les syntagmes Bnfactifs (commepour MariedansJean a ouvert la porte pour

    Marie). Mais malheureusement, les critres de LAKOFF ne dfinissent pas tous le mmeensemble de prdicats. Ainsi lensemble des verbes qui peuvent prendre laspect progressif est

    plus grand que lensemble des verbes qui peuvent figurer dans les vraies impratives:

    (19a) We are receiving lots of complaints/*Receive lots of complaints.(19b) That rock is toppling/*Topple, rock.

    Et FILLMORElui-mme doit laisser de ct les donnes avec do so.15Des remarques analogues peuvent tre faites sur le lien qutablit F ILLMOREentre les

    locatifs extrieurs et les propositions agentives. La distinction locatif intrieur/locatif extrieuroppose les complments ncessaires du prdicat, comme en (20a), aux complments facultatifsavec certains prdicats, comme en (20b)

    (20a) Jean gare sa voiture dans son garage.(20b) Jean lave sa voiture dans son garage.

    Or, en dpit de ce que dit FILLMORE, les locatifs extrieurs nexigent pas plus la prsence dunagent que les locatifs intrieurs, comme le montrent les phrases

    (21a) Fred est mort dans son lit.(21b) Le beurre a fondu dans le placard.

    Il y a cependant une diffrence avec les exemples prcdents: cette suggestion-ci de FILLMOREest, semble-t-il, tout simplement fausse, tandis que le problme de la corrlation avec la stativit

    131972, 32 et 56. Cf. aussi la description de BECKER, 1971, sur be- en allemand.14NILSEN, 1973; FILLMORE, 1968 a, p.31; cf. LAKOFF, 1970, par exemple.151968 a, note 40. On trouvera une tude plus dtaille de ces questions dans CRUSE, 1973, et LEE, 1973.

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    La grammaire casuelle 12

    est essentiellement d la nonhomognit des ensembles dfinis par les critres de LAKOFF; si

    on donne statif une dfinition plus troite, alors la corrlation parat exacte.Mais cest lautre type dindices, les critres de discrimination, qui, ma connaissance, asuscit le plus de critiques; cest ce que nous devons voir maintenant.

    4. Quelques problmes pour la grammaire casuelle I

    FILLMORE(1968a) impose ou sous-entend diverses contraintes sur les combinaisons decas lintrieur dune mme proposition, ce qui fournit des critres pour dire si deux syntagmescasuels sont ou ne sont pas des exemples de la mme relation casuelle: (a) il ny a quun seulexemple (pouvant contenir une coordination) de chaque cas par proposition;16 (b) on ne peutcoordonner que des SN reprsentant le mme cas; (c) tout SN est associ une seule tiquettecasuelle, si bien que, dans toute proposition, il y a une correspondance terme terme entre lesSN et les relations casuelles.17 Tous ces postulats ont t remis en question, ou du moinsconsidrs comme ntant pas conformes dautres aspects de lanalyse de F ILLMORE. Mais

    cest seulement de (c), me semble-t-il, quon a pu montrer avec quelque certitude que ceprincipe tait trop strict, et ceci pour divers types de phnomnes.Ainsi HUDDLESTON18par exemple estime smantiquement insuffisant de dire que regardersedistingue de voirpar le fait quil a un A l o voira un D:

    (22) voir + [___ O D] regarder + [__ O A]

    Il fait remarquer que dans les phrases

    (23a) Jimmy a vu la voiture.(23b) Jimmy a regard la voiture.

    Jimmyest autant affect par ltat ou laction dcrits par le verbe dans (23b) que dans (23a) et

    que, de ce fait, Jimmydevrait tre la fois un A et un D dans (23b).19

    De telles observationssuggrent deux modifications possibles de lanalyse: (1) changer le principe (c) pour que lenombre de relations casuelles puisse tre suprieur au nombre de SN ce qui impliquelintroduction dun mcanisme plus complexe pour associer chaque SN la ou les relationsappropries; (2) utiliser la dcomposition lexicale, par laquelle regarder est driv dunestructure complexe o une proposition de type voir est enchsse dans une propositioncontenant un Agent identique au Datif enchss. FILLMORE a lui-mme examin ces deux

    possibilits.20Je vais soutenir quant moi que les deux extensions sont ncessaires.21

    161968a, p. 22.171968a, p. 24.181971.19Cf. aussi LEE, 1973.20La premire dans 1971a, 4, et 1972, 42; la deuxime dans larticle qui figure dans ce numro.21Pour la question de plusieurs relations par SN, cf. aussi GRUBER, 1965; JACKENDOFF, 1972, par exemple 2-3; RUHL, 1972.

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    HUDDLESTON tudie galement le principe (a), en liaison avec certaines phrases dans

    lesquelles la diffrence entre deux SN semble tre plus thmatique que casuelle,22

    comme peut-treJeanetPauldans (24a), cf. (24b)

    (24a) Jean est semblable Paul.(24b) Paul est semblable Jean.

    Une solution sduisante premire vue consisterait driver ces phrases dune structure SNcoordonns, par la transformation de Conjunct Movement23:Jean et Paul sont semblables(24a); les deux SN sinscriraient alors dans une seule relation casuelle sous-jacente.Malheureusement, il parat peu prs certain maintenant que cette rgle de Conjunct Movementdoit tre abandonne.24 Dans ce cas, les deux SN de (24a) ou (24b) gardent des relationscasuelles diffrentes. Et on peut peut-tre eu effet associer ces phrases des reprsentationssous-jacentes dans lesquelles les relations casuelles pour Jeanet Paulsont diffrentes, Source

    pour Jeanet But pour Pauldans (24a), et vice versa pour (24b).25Mais il reste cependant leproblme des phrases quatives, comme les suivantes

    (25a) Ce monsieur prs de la table est lhomme que je veux pouser.(25b) Lhomme que je veux pouser est ce monsieur prs de la table.

    qui semblent bien contenir deux exemples de la mme relation casuelle thmatiquementordonns. Je vais montrer ci-dessous quil y a dautres raisons de permettre une certainerelation casuelle, que jappellerai lABSOLUTIF (mon ex-nominatif; en gros lObjectif deFILLMORE) de figurer deux fois dans une proposition.Un autre problme pour le principe (a) est signal par DOUGHTERTY, 1970a. FILLMORE26estimequune phrase comme (26)

    (26) La voiture a cass la barrire avec son pare-chocs.

    ne contient pas deux Instrumentaux (la voiture et avec son pare-chocs), mais provient dunestructure dans laquelle la voiture est lintrieur dun Instrumental sous-jacent, qui pourrait seraliser en surface comme dans:

    (27) Le pare-chocs de la voiture a cass la barrire.

    La phrase (26) se distingue de (27) par une transformation dextraction du complment du nom.FILLMORE suggre plus loin27 que, pour la possession inalinable, les possesseurs sontinitialement des syntagmes casuels adnominaux; on pourrait donc avoir (28):

    22Cf. aussi TENG, 1970; NILSEN, 1972, pp. 13-16, 1973, chap. 1.23LAKOFFet PETERS, 1969.24DOUGHTERTY, 1970b, 1971, 1973; TENGop. cit., 2; ANDREWS, 1971; ANDERSON, 1973d, 2.25Cf. ANDERSON, 1973d, et FILLMOREdans larticle qui figure dans ce numro.261968a, p. 23.271968a, pp. 61 et ss.

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    (28) Ph

    M Prop:: V O: :: : K SN: : :: : : N D: : : :: : : : K SN: : : : : :: : : : : :

    pass casser (de) jambe moi

    sous-tendant soit (29a), soit linterprtation non-agentive de (29b):

    (29a) Ma jambe a cass.(29b) Je nie suis cass la jambe [angl. = Jai cass ma jambe.]

    avec l encore, dans la seconde phrase, la promotion et la subjectivisation de ladnominalmoi/je. [N.d.T.: Il faudrait une autre transformation en franais pour rendre compte de Je me

    suis cass la jambe, mais lessentiel du raisonnement est indpendant de ce point]. Les autresinterprtations de (29b) dpendent de la prsence dun agent sous-jacent (intentionnel ouaccidentel). Les phrases (30) elles:

    (30) Je lui ai cass la jambe/Jai cass la vitre.

    ne prsentent pas cette ambigut; elles nont que les interprtations agentives en ce sens que lesujet ne peut pas rsulter de la promotion dun adnominal. A remarquer que, paralllement,linacceptabilit de *La voiture a cass la barrire avec le lampadaire sexplique par le faitque, daprs lanalyse de FILLMORE, la voiturene peut pas provenir dune promotion dans cecas-l.

    DOUGHTERTYfait remarquer que la phrase (31):

    (31) Caruso a cass la vitre avec sa voix.

    peut avoir deux origines dans le cadre de FILLMORE, lune analogue (26), avec Carusoadnominal lintrieur de lInstrumental, et lautre avec un Agent, comme dans Caruso a cassla vitre avec un marteau, mais avec un adnominal corfrentiel lintrieur de lInstrumental.Ceci donne deux reprsentations sous-jacentes possibles pour (31):

    (32a) M V (casser) O (la vitre) I (la voix de Caruso)(32b) M V (casser) O (la vitre) I (sa voix) A (Caruso)

    Or (31) nest pas ambigu, tout au moins pas de la manire approprie. D. L EE, 1972, signaleque (31) est ambigu entre une interprtation intentionnelle et une interprtation non-

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    intentionnelle. Mais ceci se retrouve avec toute proposition qui contient un Agent, comme nous

    lavons vu propos de (29b). Il devrait donc y avoir trois possibilits pour (31): avec un agentintentionnel, avec un agent non-intentionnel, et sans agent. Malheureusement pour lanalyse deFILLMORE, il nexiste que les deux premires interprtations. Il semble donc quon doiveabandonner la possibilit de promotion pour (31), et de ce fait aussi pour (26) moins quunecontrainte non ad hoc puisse tre voque qui exclurait seulement les sources comme (31).Certes on peut formuler une contrainte: pas de promotion de ladnominal Datif dans unInstrumental, ce qui la bloquerait pour (31), tout en la permettant pour (29b) et (26). [Dans(29b) ladnominal est Datif, mais il nest pas dans un Instrumental, dans (26) ladnominal estdans un Instrumental, mais il nest pas Datif.] Mais il faut bien dire que lanalyse par promotionen devient dautant moins plausible et si on labandonne, alors (26) parat bien constituer uneexception au principe (a). Nous allons voir cependant quil y a dautres raisons de ranalyser lestatut des Instrumentaux, si bien que (a) pourra tre conserv au niveau sous-jacent (aveclexception dj signale pour lAbsolutif). Mais il faut remarquer que la viabilit de lacontrainte dpend dune dfinition, indpendante, de la notion de proposition simple. de sa

    porte (structure profonde/structure de surface), et du rapport, sur ce point, entre structureprofonde et structure de surface.

    DOUGHTERTY signale galement des problmes concernant la contrainte (b). Enparticulier il fait remarquer lacceptabilit de:

    (33) John and Mary gave and were given a book respectively.[mot mot: John et Mary respectivement a donn et a t donn un livre].

    o la coordination relie vraisemblablement un Agentif (John) et un Datif (Mary). Mais (33) faitpartie de la petite srie de coordinations de SN dont presque tout le monde pense quellesdoivent tre drives. Cet exemple montre donc seulement que le principe (b) ne sapplique pasaux coordinations drives. Il faut bien admettre que cela laisse un peu floue la porte de ce

    principe, tant donn les discussions sur ce quil faut considrer comme coordinations

    drives28 mais ceci est une autre question.Un problme apparemment plus dlicat (tudi par HUDDLESTON et repris par FILLMORE29)concerne la coordination dInstrumentaux putatifs, comme dans:

    (34) *?La pince et le vent ont cass la branche.

    coordination qui est clairement peu naturelle. Evidemment ceci ne pose aucun problme si levent nest pas un Instrumental (et reprsente par exemple le cas dit Force chez HUDDLESTON).Mais manifestement toutes les contraintes de ce type ne refltent pas des diffrences dans lesrelations casuelles, autrement dit, linverse du principe (b) ne tient pas, puisque lescoordinations peuvent tre anomales pour toute une srie de raisons smantiques et

    pragmatiques. Le caractre non naturel de (34) est cependant rapprocher dune autrecontrainte qui, elle, semble dpendre des relations casuelles, et qui est illustre par les phrases:

    (35a) Jean a cass la branche avec une pince.

    28 Cf. GLEITMAN, 1965; STOCKWELL, SCHACHTER et PARTEE, loc. cit.; LAKOFF et PETERS, op. cit.;DOUGHTERTY, 1970b, 1971; ANDERSON, 1974.29HUDDLESTON, op. cit.; FILLMOREdans larticle de ce numro.

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    (35b) Jean a cass la branche avec le vent.

    la seconde ne trouve une interprtation normale que sil sagit dun vent mcanique (dunesoufflerie, par exemple). Ceci en soi pourrait sous-tendre une base pragmatique pour ladistinction Instrument/Force. Je dirai plus bas que ces deux lments nimpliquent pas unediffrence casuelle et que, de plus, les Forces et divers autres exemples dInstrumentauxdevraient tre rangs sous A. Ce qui merge de cette situation cependant, cest que le principe(b) est une contrainte beaucoup moins coercitive dans la mesure o son inverse ne tient pas.

    5. Quelques problmes pour la grammaire casuelle II

    Des arguments lappui de la pertinence smantique et syntaxique des configurationsavec sujet et objet profonds proposs dans Aspects ont t prsents par DOUGHTERTY et S.ANDERSON.30Ce dernier soutient de plus que ses donnes vrifient lhypothse selon laquelle leniveau auquel on peut dfinir lobjet profond sert galement: (a) dentre la composante

    transformationnelle; (b) pour la formulation des contraintes de slection et de sous-catgorisation; (c) dentre la composante smantique, tout au moins dans la mesure o cettecomposante fait rfrence des relations grammaticales dfinition formelle. Sadmonstration, dit-il, est donc une confirmation frappante de lhypothse que fait la thoriestandard sur linterprtation smantique (p. 396).

    Largument de DOUGHTERTY est que la distribution des prpositions propose parFILLMOREfait perdre une gnralisation importante que la grammaire dAspects, elle, exprimefacilement. Selon FILLMORE, 1968a, les rgles pour les prpositions anglaises pourraientressembler quelque chose comme ceci: la prposition de A est by; la prposition de I est bysil ny a pas dA, cest withsil y a un A; les prpositions de O et F sont typiquement zro; la

    prposition de B estfor; la prposition de D est typiquement to.... Il est dj clair, daprs lesdeux premires affirmations, que la distribution propose na pas le naturel optimal. Mais cest

    pire que cela. Car non seulement byest, en plus de A, le marqueur de certains Instrumentaux

    comme en (36):

    (36) Mary was killed by the poison.(Marie a t tue par le poison)

    mais il peut aussi tre associ dautres cas comme lObjectif, ou le Datif comme en (37):

    (37) The book was known by many people.(Ce livre est connu de beaucoup de gens).

    Ainsi la rgle de FILLMORE est incomplte, mais de plus il y a une gnralisation sur ladistribution de byque de telles formulations ne permettent pas dnoncer. On remarquera que(36) et (37) ont certains traits particuliers, comme la forme du verbe et la prsence de by, quelon peut runir avec le syntagme en by sous ltiquette de passif. La gnralisation est queces divers SN, quel que soit leur cas, peuvent figurer aprs by dans une phrase passive, silexiste galement une correspondante active (cest--dire une phrase identique en dehors de

    30DOUGHTERTY, 1970a; S. ANDERSON, 1971.

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    ces caractristiques) dans laquelle le SN en question figure en position sujet (et le sujet de la

    passive en position objet) comme:

    (38) The poison killed Mary.(Le poison a tu Marie).

    (39) Many people know that book.(Beaucoup de gens connaissent ce livre).

    Les deux phrases:

    (40a) Mary was killed with the poison.(Marie a t tue avec du poison).

    (40b) Mary was tortured with a red-hot icepick.(Marie a t torture avec une pique chauffe blanc)

    dans lesquelles withmarque un I en prsence dun A sous-jacent (ultrieurement effac) sontbien formes, tandis que ni (41a), ni (41b) ne le sont:

    (41a) *Mary was killed by a red-hot icepick.(Marie a t tue par une pique chauffe blanc).

    (41b) *A red-hot icepick killed Mary.(Une pique chauffe blanc a tu Marie)

    ce qui est conforme la gnralisation qui vient dtre nonce. La question qui se pose alorsest: comment rendre compte de cette gnralisation?

    Dans une grammaire comprenant une structure profonde de type Aspectso les relationscasuelles peuvent tre considres comme donnes par les rgles interprtatives qui prennent enconsidration les relations grammaticales sous-jacentes (sujet-de. objet-de) et les proprits

    des items lexicaux, cette gnralisation a une expression vidente, cest la transformationpassive. Les phrases (36) et (38), de mme que (37) et (39), ont en commun (au moinspartiellement) une structure profonde qui a pour sujet et objet le sujet et lobjet superficiels desversions actives. Lanomalie de (41b) est alors dductible de celle de (41a), cependant que lessyntagmes en withde (40) sont des SP sous-jacents, dont la bonne formation est indpendantedu statut de (36) ou (41a). Mais la grammaire de FILLMORE, 1968, ne contient pas cesconfigurations de structure profonde, et rejette cette transformation passive. Si on ne change passes niveaux de reprsentation et son appareil transformationnel, la grammaire casuelleimpliquerait donc une formulation assez complexe de cette relation, plus prcisment elleimpliquerait une contrainte ayant la puissance dune contrainte transdrivationnelle.

    Mais en ralit, pourrait-on objecter DOUGHTERTY, on peut expliquer de telsphnomnes autrement que par ces configurations de structure profonde, ou par une contraintetransdrivationnelle. Ainsi une grammaire, casuelle ou non,31 qui rejette la transformation

    passive, peut expliquer ces corrlations par des rgles de redondance lexicale. On remarqueragalement que la structure profonde sujet/objet ne peut pas tre considre comme le substitutdune reprsentation comportant des relations casuelles; cest plutt, si la conclusion deDOUGHTERTYtait juste, quil faudrait les deux. Il serait ncessaire par exemple dindiquer que

    31Casuelle: cf. STAROSTAdans ce numro; non casuelle: cf. FREIDIN, op. cit.

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    La grammaire casuelle 18

    le sujet profond valeur non-marque dans une proposition transitive, donc pour by, est agentif,

    puisque, si by est une ralisation possible pour le Datif, pour lAgentif cest le marqueurprimaire.32Je vais montrer que ce fait, et les phnomnes signals par DOUGHTERTY, peuventtre reprsents directement par les relations casuelles appropries, sans recours des sujets destructure profonde, mme dans une grammaire qui ne repose pas sur un traitement lexicaliste dela relation actif/passif, condition que lon abandonne le principe (c) en vertu duquel chaqueSN est associ une seule relation casuelle.

    Introduisons par exemple une relation casuelle dont la prsence elle-mme caractriseles agentives; ainsi le sujet de (11b):

    (11b) Jean a cass la branche.

    illustre cette relation, laquelle on peut associer les phnomnes dimprativisation, etc.,tudis plus haut. Appelons-la lERGATIFpour viter les confusions. Supposons que le sujet de(39) aussi soit associ cette relation, mais cette fois en conjonction avec une certaine autrerelation casuelle. (Je dirai ci-dessous quil sagit du Locatif, mais laissons cela pour le moment,admettons simplement cette autre relation.) Ainsi pour ces deux sujets on a les reprsentationscasuelles:

    (42a) casser [erg](42b) connatre [loc,erg]

    On peut alors donner une rgle unique, par laquelle la possibilit doccurrence aprs by dansune passive, et en position sujet dans lactive correspondante, est conditionne parloccurrence de Erg. Mais Erg permet limprativisation seulement dans une proposition non-locative. Le sujet de casser est galement moins marqu en ce quil na quune relationcasuelle. Et nous avons maintenant une autre gnralisation sur la nature de A et de D.FILLMORE, 1968,33a introduit une rgle qui spcifie que tout N dans un syntagme A ou D doit

    contenir le trait [ + anim]. Si cette remarque a une quelconque viabilit, on peut en rendrecompte par une rgle unique en associant la contrainte Erg.

    On explique de la mme manire la distribution analogue avec certains Objectifs (sujetdans lactive, aprs by dans la passive), par une conjonction de Erg et de lAbsolutif (cf. 4).Mais la rgle typiquement anim, si elle est valable, ne sapplique pas ici, encore qu monavis une conjonction [abs,erg] tend demander un SN situ plus haut sur lchelle dhumanit que Abs tout seul: un certain degr de personnification est associ Erg; cf. par ex.:

    (43a) La statue occupe le sommet de la colline.(43b) ? Le rocher/caillou occupe le sommet de la colline.

    les sujets de (43b) sont perus comme inadquats ici comme Erg. [N.d.T. On a gard icioccuperqui correspond au occupyanglais, bien que cette remarque ne semble pas sappliquer

    en franais, cf. Les livres occupent le devant de la vitrine, La petite table occupe le coingauche.] Mais cette contrainte danim est essentiellement pragmatique, et les SN inadquatsvarient dun exemple lautre. (Ou remarquera en passant que la passive correspondant (43a),

    32Cf. G. LEE, 1969.33P. 26.

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    19 John Anderson

    si le syntagme en by est le thme et le sujet un lieu, constitue un contre-exemple la

    Condition de Hirarchie Thmatique de JACKENDOFF, qui place lieu au-dessus de thme etexige que le syntagme en bydune passive soit plus haut dans la hirarchie que le sujet.)La situation des phrases (36), (38), (40), (41)*, o lanalyse de FILLMORE, 1968a, fait

    intervenir lInstrumental semble quelque peu diffrente. Il y a aussi la question de la distinctionInstrument/Force et la question des phrases comme (26)La voiture a cass la barrire avec un

    pare-chocs. Je souponne que la position premire de FILLMORE sur les Instrumentaux estirrcuprable: mon avis les Instrumentaux en position sujet et aprs bydans les passives sontsimplement des A, ou, dans la terminologie que je propose, des Erg. Cest--dire que ladiffrence entre (11a) et (11b) par exemple na rien voir avec les relations casuellesimpliques, mais tient plutt dautres proprits smantiques des SN. Ceci signifie que lacorrlation entre la possibilit dimpratif et la prsence dAgent nexiste plus certains Aseulement permettent limpratif. Mais ceci nest pas surprenant, compte tenu du caractre

    pragmatique de ce qui dtermine la fois ce qui peut tre un Ergatif et ce qui peut treimprativis.

    Une autre solution consisterait analyser les forces comme une conjonction derelations, peut-tre ABLATIF34et Erg, conjonction qui parat galement approprie pour le sujetdun verbe comme le benefitanglais transitif et peut-tre aussi, si on suit HUDDLESTON,35pourles agents non-volontaires. Les Instrumentaux en bypourraient alors tre PROLATIF( travers)+ Erg. De cette faon on pourrait lier limprativisation aux sujets qui ne sont que Erg. Maisune telle analyse implique une complication considrable pour lentre lexicale dun grandnombre de verbes. L o un seul Erg tait une relation casuelle possible, il faudrait maintenantspcifier galement [prol,erg] et [abl,erg]. On pourrait peut-tre en rendre compte par une rglede redondance disant que les prdicats qui prennent Erg prennent aussi [abl,erg] et [prol,erg].Ainsi il y a plusieurs solutions, et peut-tre encore dautres, mais ce quil me semble, cest quela premire analyse de FILLMOREntait pas viable. (Voir ce que lui-mme en dit dans larticle

    publi dans ce numro.)Ainsi seuls les Instrumentaux en withdemeurent, et je souponne quils reprsentent un

    Prolatif; dans tous les cas, ils sont maintenant plus proches des adverbes de manire (commefacilement, avec difficult) que des cas propositionnels que nous avons examins. Si maranalyse est correcte, alors les problmes associs (36), (38), (40), (41) se rsolvent dunemanire smantico-pragmatique, en ce sens que si the poisonet a red-hot icepicksont tous deuxconsidrs comme des Instrumentaux adquats, seul the poisonest gnralement conu commeun Agentif. De mme le sujet de (26) peut maintenant tre interprt comme un A et donc treconforme avec le principe (a), sans quon ait faire appel la drivation douteuse deFILLMORE.

    Une justification supplmentaire de cette ranalyse provient dune autre remarque deDOUGHTERTY.36Un I non sujet peut apparatre dans trois structures assez diffrentes avec desverbes comme openet lock:

    *(36) Mary was killed by the poison; (38) The poison killed Mary; (40) Mary was killed with thepoison/tortured with a red-hot icepick; (41 a) *Mary was killed by a red-hot icepick; (41 b) *A red-hoticepick killed Mary.34La Source/Cause de KIRKWOOD, 1973.35HUDDLESTON, 1970.36Op. cit., 1970a; cf. aussi FLETCHER, 1971, pp. 241-242.

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    La grammaire casuelle 20

    (44a) The door was locked with the key.

    (44b) The door was locked by the key.(44c) The door locked with the key.

    Si, suivant FILLMORE, on distingue (44a) et (44b) par la prsence vs labsence dun A sous-jacent:

    (45a) M V (lock) O (the door) I (the key) A (somebody)(45b) M V (lock) O (the door) I (the key)

    alors (44c) semble avoir la mme structure sous-jacente que (44b); elle sen distingue par lanon-passivation du verbe. De tels verbes doivent apparemment tre nots comme pouvantntre pas passivs lorsque ni I ni A ne sont subjectiviss. Mais alors que (44a) et (44b) ontdeux interprtations, ponctuelle et itrative, la phrase non passive (44c) na quelinterprtation itrative, et semble en fait tre marque modalement. Dans le cadre deFILLMORE, il faudrait associer cette distinction soit un trait de rgle, soit lapplication vsnon-application dun processus transformationnel. Tandis que, dans mon analyse, seules (44a)et (44c) contiennent un Instrumental, (44a) et (44b) comportent un Agent; par consquent, lacontrainte porte sur la phrase qui contient un Instrumental et pas dAgent.

    Autre possibilit: si lon peut justifier que the poisondans (36)Mary was killed by thepoisonet (38) The poison killed Maryrelvent effectivement dune relation casuelle diffrentede celle de Jeandans Jean a cass la branche, alors the poisonpeut tre not comme I, maisaussi, dans lesprit des propositions prcdentes, comme A; tandis que les syntagmes en withde(40) sont I seulement. Dans cette analyse aussi, le problme de (44c) sexplique naturellement:le with the key de (44a) est seulement I, mais il y a un A effac; le by the key de (44b)reprsente une conjonction I + A; le with the keyde (44c) est de nouveau un simple I; le traitdistinctif est que seule (44c) na aucune espce de A. Le choix de cette analyse plutt que cellequi rejette I dans (36) et (38) dpend de lexistence darguments montrant que ces phrases

    contiennent une relation casuelle autre que celle dun simple A.37Passons maintenant aux observations de S. ANDERSON, propos desquelles nous ferons lemme type de remarques. S. ANDERSON part dune srie de phrases trs tudies dans lalittrature rcente38et moins rcente, parmi lesquelles*:

    (46a) Jean a tartin du beurre sur son pain.(46b) Jean a tartin son pain avec du beurre.(47a) Jean a charg trois valises dans la voiture.(47b) Jean a charg la voiture avec trois valises.

    37

    Pour dautres problmes concernant lInstrumental, Cf. WALMSLEY, 1971; NILSEN, 1972, p. 21, 1973.38 Cf. par exemple PARTEE, 1971; FRASER, 1971; CHOMSKY, 1972; KILBY, 1973; MILLER, 1973;VESTERGAARD, 1973.*N.d.T. Comme nous lavons signal p. 14, cette srie dexemples ne marche n pas bien en franais; on acependant prfr utiliser ici des exemples franais mme de grammaticalit douteuse plutt que derisquer de faire perdre les distinctions smantiques somme toute un peu subtiles, surtout ds que lestransformations interviennent, des exemples anglais.

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    Selon lanalyse de FILLMORE, 1968a,39 les phrases (a) et (b) ont le mme schma casuel,

    savoir peut-tre quelque chose comme:

    (48) [M V] L (le pain) I (le beurre) A (Jean)(49) [M V] B (voiture) I (valise) A (Jean)

    avec objectivisation du Locatif/But dans les phrases (b). Or en ralit les phrases (a) et (b) nesont pas synonymes, comme le montre (50), avec le singulier une valise:

    (50a) Jean a charg une valise dans la voilure.(50b) Jean a charg la voiture avec une valise.

    la phrase (b) oblige penser une valise norme (ou une toute petite voiture). Ainsi dans lesphrases (b), lInstrumental est conu comme occupant/couvrant toute la dimension pertinentedu Lieu/But.40De mme les phrases:

    (51a) De grosses fourmis grouillent dans le jardin.(51b) Le jardin grouille de grosses fourmis.

    semblent rpondre au mme schma casuel:

    (52) [M V] O (grosses fourmis) L (jardin)

    et ne diffrer que par la subjectivisation de lObjectif ou du Locatif. Mais, l encore, il y a unediffrence smantique, et de mme nature: dans (51b) les fourmis couvrent tout lespace du

    jardin, alors quil nen est pas ncessairement ainsi dans (51a). La distinction sapplique dautres alternances SP/SN postverbaux, avec le mme verbe41ou des verbes diffrents: cf.La

    statue occupe le centre de la place. La statue se trouve au centre de la place. S. ANDERSONappelle holistique linterprtation des exemples (b), et partitive linterprtation des exemples(a), et je garderai ici ses termes.

    FILLMORE, 1968a, a lui-mme signal ces exemples et cette diffrence smantique, dontil dit que cest une question de focus; il remarque que la drivation transformationnelle dusujet et de lobjet pose certains problmes smantiques, mais il conclut quil est prt admettrela rintroduction, dans la partie grammaticale, de transformations qui aient un certain poidssmantique (de ce type trs limit).42Mais le focus est manifestement, comme il semble lesentir lui-mme, une tiquette assez inadquate pour cette distinction. Et, plus important, laforce de largument de ANDERSON est que cest lobjet profond dans les phrases (46b-47b),quelle que soit la relation casuelle L ou But, qui reoit linterprtation holistique; C HOMSKY,1972, soutient de mme que cest le choix du sujet profond de (51) qui est pertinent pour ladistinction holistique/partitif.

    39Pp. 47-48.40FRASER, 1971, signale dautres proprits qui distinguent les membres de telles paires.41ANDERSONop. cit., p. 391.42Op. cit., p. 48, note 49.

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    CHOMSKYdonne toute une srie darguments destins montrer que leffet de diverses

    transformations est de dtruire la configuration de structure profonde pertinente, mais que, dansde telles circonstances, les interprtations restent constantes et ne sont pas influences par le faitquun SN cesse dtre ou devienne sujet au cours de ces transformations. On a par exemple:

    (53a) De grosses fourmis taient supposes grouiller dans le jardin.(53b) Le jardin tait suppos grouiller de grosses fourmis.

    De mme, dit ANDERSON43, le niveau structurel en question [o les interprtationsholistique/partitif sont assignes aux phrases] doit prcder lapplication de transformations

    plus ou moins bien connues. puisque les phrases (54) ont la mme interprtation partitive que(47a) et les phrases (55) la mme interprtation holistique que (47b):

    (54a) [?]La valise sera facile pour Jean charger dans la voiture.(54b) [?]La valise est sre dtre charge par Jean dans la voiture.(54e) Cest la valise que Jean est sr de charger dans la voiture.(54d) Cest dans la voiture que Jean est sr de charger la valise.(55a) [?]La voiture sera facile pour Jean charger de valises.(55b) [?]La voilure est sre dtre charge de valises par Jean.(55e) Cest la voiture que Jean est sr de charger de valises.(55d) Cest de valises que Jean est sr de charger la voiture*.

    Cest donc un argument lappui de configurations prtransformationnelles par rapportauxquelles les notions de sujet et objet profonds peuvent tre dfinis et qui contribuent demanire fondamentale aux rgles dinterprtation smantique. L de nouveau, le raisonnementest quil y a une gnralisation qui ncessite trs exactement les configurations profondes

    proposes par CHOMSKY, 1965.De plus ces configurations sont associes un niveau qui prsente les autres proprits

    caractristiques de la structure profonde. Ainsi, alors quil y a des verbes qui permettent soit lObjectif, soit au Lieu/But dapparatre en position objet (comme badigeonner, charger),dautres verbes ne peuvent prendre quune des deux variantes:

    (56a) Jean a tartin de la confiture sur le pain.*Jean a couvert de la confiture sur le pain.

    (56b) Jean a tartin le pain de confiture.Jean a couvert le pain de confiture.

    (56c) Jean a saupoudr du sucre sur le gteau.Jean a mis du sucre sur le gteau.

    (56d) Jean a saupoudr le gteau de sucre.*Jean a mis le gteau avec du sucre.

    Il y a galement le fait que le syntagme prpositionnel, mais non le SN, est facultatif dans lesdeux variantes si le verbe les admet toutes deux ou dans la seule variante quand il ny en aquune:

    43Op. cit., p. 390.*N.d.T. Toutes ces phrases sont grammaticales en anglais, voir note p. 34.

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    (57a) Jean a saupoudr du sucre.(57b) Jean a mis du sucre.(57e) Jean a saupoudr le gteau.(57d) *Jean a mis (sur) le gteau. (anomal dans linterprtation en question)

    Selon ANDERSON, on peut facilement rendre compte de ces faits si le niveau auquel lobjetprofond est dfini est galement celui auquel les contraintes de slection sont tablies (cf. [56])et celui auquel la sous-catgorisation stricte est pertinente; ainsi les verbes tudis choisissent lecadre (58):

    (58) ___SN(SP)

    mais saupoudrer a deux interprtations possibles pour la suite SN(SP), tandis que couvrir nena quune et mettre na que lautre. Toute cette gamme convergente de phnomnes peut doncsembler confirmer la conception de la structure profonde de CHOMSKY.

    Mais l encore, les relations casuelles permettent une description naturelle, mme si onlaisse de ct la possibilit dune description lexicaliste, et l de nouveau condition quonabandonne la contrainte (c) pour admettre plusieurs relations casuelles par SN. De fait nousallons voir quil y a lieu de prfrer lexplication de la grammaire casuelle, mme en dehors dufait que les configurations sujet/objet profonds nont pas de justifications indpendantes.Commenons par rejeter une possibilit qui pourrait avoir une certaine sduction, mais qui servle nanmoins insatisfaisante. Elle consisterait ne plus soutenir que les phrases (a) et (b) de(46) par exemple* ont le mme schma casuel (48) et dire que seul le syntagme en avec(avecde la peinture) est un I dans la phrase (b), de la peinture dans la phrase (a) tant un O.

    Nanmoins il parat douteux que le mme syntagme en avecdes exemples (b) puisse tre unInstrumental. On remarquera quon peut ajouter un Instrumental une phrase comme (46b),tmoin (59), que cependant la succession des avec rend un peu maladroite, aussi bien qu

    (46a), tmoin (60):

    (59) [?]Jean a badigeonn le mur avec de la peinture avec un grand pinceau.(60) Jean a badigeonn de la peinture sur le mur avec un grand pinceau.

    Cette relation Instrumentale serait donc en conflit avec le principe (a); ceci a t observ parplusieurs auteurs.44VESTERGAARD45signale de plus des exemples comme:

    (61a) The gardener stripped the bark of/the tree.(Le jardinier a t lcorce de larbre).

    (61b) The gardener stripped the tree of its bark.(Le jardinier a dpouill larbre de son corce)

    o le syntagme nest pas introduit par withet est encore plus difficile concevoir comme unInstrumental; VESTERGAARDconclut que tous ces syntagmes sont simplement des Objectifs. Il

    44Cf. LJUNG, 1970, pp. 54-55; PARTEE, 1971, p. 21; HUDDLESTON, 1971, p. 116; VESTERGAARD, 1973, pp.85-8645Id., p. 86.

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    La grammaire casuelle 24

    semble bien en effet que ni les syntagmes en avec ni leurs correspondants objets puissent

    plausiblement tre considrs comme des simples Instrumentaux.Mais il y a encore une autre raison, peut-tre plus importante, de dire que cette analyseen Instrumental est peu intressante dans le prsent contexte; cest quelle napporte aucunelumire sur lorigine de la distinction smantique entre les phrases (a) et (b) dans les couples(46), etc., distinction quANDERSONdsignait par holistique vs partitif pour lautre syntagme (lemur, le jardin). Et la mme remarque sapplique aussi si, dans une grammaire admettant

    plusieurs relations casuelles par SN, on analyse de la peinture dans (46a) comme tantseulement O, et de la peinturedans (46b) comme tant [O, I].46Mais dans une telle grammaire,on peut concevoir que lautre syntagme, cest--dire (sur) le murdans (46) nait pas les mmesrelations casuelles dans (a) et dans (b), plus prcisment que la variante holistique (b) figureavec une relation casuelle de plus.47Examinons maintenant cette possibilit.

    Nous avons dj vu quil pourrait tre ncessaire dassouplir le principe (a) pourpermettre deux exemples de O par proposition. Supposons maintenant que deux SN de (46b)soient des Objectifs, mais que lun deux, celui qui est extrieurement Locatif dans (46a), soiten mme temps un L. On aurait ainsi les schmas casuels suivants (avec la terminologieintroduite pour distinguer une grammaire permettant plus dune relation casuelle par SN):

    (62a) pour (46a) [abs] (peinture) [loc] (mur) [erg] (Jean)(62b) pour (46b) [abs] (peinture) [loc,abs] (mur) [erg] (Jean).

    Du point de vue smantique, ceci concorde bien avec linterprtation normale de Abs, qui estexhaustive. comme on le voit dans:

    (63) Jean a lu le livre.

    moins naturellement que des phnomnes aspectuels ne prennent le pas sur cetteinterprtation:

    (64) Jean tait en train de lire le livre.(65) Jean tait en train de badigeonner le mur avec de la peinture.

    Et du point de vue de la distribution, Abs est sujet dans les phrases passives et intransitives,objet dans les phrases actives, ce qui correspond bien la distribution de linterprtationholistique. Tout ce quil est ncessaire dajouter est une condition selon laquelle, dans lahirarchie des cas, [cas + abs] est suprieur un simple [abs], bien quinfrieur [... erg]. Ainsien (46b) le mur devient lobjet et cest le sujet de la passive correspondante.

    Une telle analyse sapplique aussi une phrase comme (43a)La statue occupe le sommetde la colline, o la position objet du Locatif dans lactive et sa position sujet dans la passive:

    (66) Le sommet de la colline est occup par la statue.

    46Id., p. 87.47Id.3*(51a)De grosses fourmis grouillent dans le jardin; (51b)Le jardin grouille de grosses fourmis.

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    de mme que le caractre holistique, sont associes la spcification [loc,abs], tout comme la

    position sujet de statue dans lactive et aprs par dans la passive sont associes [erg,abs]. Faitplus significatif encore, cette analyse sapplique sans autre extension aux exemples du type(51)*:

    (67a) pour (51a): [abs] (fourmis) [loc] (jardin)(67b) pour (51b): [abs] (fourmis) [loc,abs] (jardin)

    Dans (51b) [loc,abs] est suprieur [abs] et devient donc le sujet; dans (51a) [abs] est suprieur [loc]. Ainsi, avec cette distribution de Abs et le recours la hirarchie casuelle dcrite, on

    peut rendre compte, dune part, de la distinction smantique dont notre discussion est partie et,dautre part, de la variation de sujet et dobjet.

    Ainsi il existe une description plausible, en termes des seules relations casuelles, desphnomnes examins par S. ANDERSON. Le renvoi au sujet et lobjet profonds est doncinutile, et cette question napporte aucune confirmation aux propositions faites par CHOMSKY,1965, ce sujet. Et non seulement ces notions sont redondantes mais de plus lanalyse quiattribue la distinction holistique/partitif de telles configurations laisse chapper unegnralisation. En effet deux rgles dinterprtation smantique vont tre ncessaires, une pourles sujets profonds dans les cas comme (51), et une autre pour les objets profonds dans les cascomme (46). Dans notre analyse casuelle au contraire, linterprtation holistique sexplique parle seul fait de la prsence de Abs.

    Dans le systme de FILLMORE, les verbes comme couvrir, cf. (56), devront tre marquscomme nadmettant pas lobjectivisation du Locatif, cependant que les verbes comme mettre,cf. (56d) devront tre marqus comme la subissant obligatoirement. S. ANDERSONsoutient queson analyse permet dliminer cette ncessit: tous ces verbes badigeonner, charger, couvrir,mettre ont le mme cadre ___SN(SP), mais les verbes comme badigeonner, charger,

    saupoudrer ont deux interprtations possibles du SP, tandis que les verbes comme couvrir,dcorer, dune part, et mettre, jeter, de lautre, nont quune seule interprtation du SP,

    diffrente pour les deux sries.48Mais est-ce vraiment une amlioration de dire (car cest celaque cette analyse revient) que, en ce qui concerne la slection, il y a deux verbes charger qui setrouvent tous deux entrer dans le mme cadre, mais qui ont leurs contraintes respectivesinverses, le SP de lun correspondant au SN de lautre et vice versa? Il faut signaler aussi que lasous-catgorisation propose est inadquate pour certains verbes de ce type, dont le SP nest pasfacultatif (John jammed a pencil into the jar./*John jammed a pencil). De plus, S. ANDERSONne prsente aucune donne justifiant lhypothse que le SP est absent en structure profondemme dans des cas comme ceux de (57), et donc facultatif dans le cadre (58). De toutes faons,la question est sans importance ici, puisquon peut faire place cette hypothse de S.ANDERSON en rendant dans le cadre (68) le [abs] facultatif pour les verbes badigeonner etcouvriret le [loc] facultatif pour mettre. La phrase anomaleJean a badigeonn sur le mur, quicorrespondrait labsence des deux Abs, est bloque par une contrainte disant que toute

    proposition doit contenir un Absolutif, cf. plus loin. Pour le cas dejam, on peut faire appel aux

    parenthses chevauchantes de FILLMORE, avec une spcification [(loc )( abs)] qui exige quundes deux lments facultatifs soit prsent; ou bien on peut poser une convention disant que, sitoutes les tiquettes casuelles pour un nud donn sont marques comme facultatives, alors aumoins une doit tre prsente dans tout exemple (sauf si le nud lui-mme est facultatif). Je ne

    48Op. cit., pp. 394-395.

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    vois pas du tout comment S. ANDERSONpourrait spcifier que le SP est facultatif seulement

    dans une des interprtations, si ce nest en ayant des entres lexicales distinctes. Dailleurs cecaractre facultatif du SP rend un peu paradoxale son affirmation selon laquelle des verbescomme charger ont deux interprtations possibles du SP qui les suit.

    Dans lanalyse admettant les relations casuelles multiples laquelle nous sommesarrivs, les trois classes de verbes se distinguent par leurs cadres (rduits aux points pertinents):

    (68) badigeonner + [___[abs] [loc(abs)] [erg]]couvrir + [___[abs] [loc,abs] [erg]]mettre + [___[abs] [loc] [erg]]

    Les deux possibilits pour badigeonner sexpliquent par la prsence facultative de Abs enconjonction avec Loc, prsence qui est obligatoire avec couvrir et qui est exclue avec mettre.

    Ainsi, les critiques apparemment fondamentales de DOUGHTERTY et S. ANDERSON lgard de la grammaire casuelle ne russissent pas, en fin de compte, confirmer lanalysechomskyenne des fonctions sousjacentes. Elles orientent plutt vers ce que je considre commeune conception plus adquate des rapports entre les relations casuelles et les SN, savoir lerejet de la contrainte exigeant que tout SN soit associ une seule relation casuelle. Nousvenons de voir les critiques essentielles (et quelques autres moins fondamentales) quon aadresses aux premires versions de la grammaire casuelle, et les consquences de ces critiques.

    Nous devons maintenant passer la nature de la grammaire qui permettra des reprsentationstelles que celles que jai donnes, avec en particulier des SN reprsentant plusieurs relationscasuelles (dornavant abrg en multi-RC).

    6. Sous-catgorisation des prdicats et dpendance

    Nous venons de voir diverses raisons de penser quun mme SN doit pouvoir treassoci, dans la structure sous-jacente, plus dune relation casuelle. Il est clair que ceci nous

    conduit repenser la manire dont les nuds sont introduits, et en particulier la manire dont leSN appropri doit tre associ la ou les relations casuelles adquates. Les rgles de FILLMORE,tudies en 3reposaient sur lhypothse que, pour chaque SN, il ny a quune relation casuelle.Voyons donc la gamme de possibilits que nous devons incorporer, tant donn lesobservations faites jusquici.

    Nous avons constat quil y a des verbes, comme connatre, cf. ltude de la phrase (42),qui apparaissent dans le cadre:

    (69) connatre + [___ [abs] [loc,erg]]

    Dautres verbes comme occuper, cf. ltude des phrases (43) et (66), ont le cadre:

    (70) occuper + [___ [loc,abs] [abs,erg]]

    Les phnomnes signals par S. ANDERSONnous ont conduit dire que les verbes badigeonner,couvrir et mettreont le cadre (68), cf. ci-dessus, et un verbe comme grouiller, cf. (67), a lecadre:

    (71) grouiller + [___ [abs] [loc(abs)]]

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    Le verbe contenira le mme cadre, mais avec le second Abs obligatoire. Et nous pouvons aussirendre compte de certaines des observations de HUDDLESTON, cf. 4, si un verbe comme bougera le cadre:

    (72) bouger + [___ [abs(erg)] (erg)]]

    qui permet les trois possibilits illustres en (73) celle dans laquelle les deux Erg seraientprsents est limine par la contrainte qui exclut plus dune relation casuelle de chaque type parproposition ( lexception de Abs):

    (73a) La pierre a boug. [abs](73b) Jean a boug. [abs, erg] ou [abs](73c) Jean a boug la pierre. [abs] [erg]

    (Je laisse de ct ici la question de savoir si bougerdemande aussi dautres relations casuelles,par exemple directionnelles; nous y reviendrons cidessous.) Dans cette nouvelle analyse, Absest obligatoire dans le cadre casuel de bouger, et il nie semble que ce caractre obligatoire deAbs se vriie en gnral. Je poserai donc une contrainte gnrale selon laquelle toute

    proposition doit contenir au moins un Abs.Nous nous trouvons donc confronts au problme de spcifier quels cas peuvent co-

    occurrer (a) lintrieur dune mme proposition, (b) en association avec un mme SN. Il y aaussi le fait que les cadres casuels sont maintenant devenus sensiblement plus complexes queceux de lanalyse de FILLMORE. Et malgr cela il y a encore des gnralisations quils ne

    permettent pas dnoncer. Par exemple la conjonction [abs,erg] nest possible dans uneproposition qui contient aussi Loc que si le Loc est galement Abs, cf. (70). (Certainesexceptions apparentes seront examines en 7.) Pour indiquer ce type de fait, il faudrait

    compliquer encore de manire ad hocla notation des cadres casuels. Certains de ces problmesau moins peuvent tre rsolus si les relations casuelles sont introduites en fonction de la sous-catgorisation du prdicat, au lieu de linverse.49Autrement dit, il faut tablir un ensemble decontraintes sur la notion de prdicat. contraintes qui dfinissent les schmas possiblesdarguments.Une formule simple pour ces contraintes consiste utiliser la notation en traits. Etant donn les

    possibilits que nous avons vues, on peut associer aux prdicats (nots V) les traits suivants:

    (74) V locabserg

    Il sagit de traits unaires (qui peuvent facilement tre traduits en traits binaires) 50: cette rgle

    doit tre interprte comme signifiant que le V peut fou non tre sous-catgoris selon chacunde ces trois traits Loc, ou Abs, ou Erg.51Ceci permet huit types de prdicats possibles. Chaque

    49Cf. J. ANDERSON, 1968a, 1969, 1971b.50Sur les traits unaires cf. SANDERS, 1972.51Cf. J. ANDERSON, 1968a, etc.

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    La grammaire casuelle 28

    type, associ une srie diffrente de TRAITS CASUELS, contenant de zro trois traits,

    correspond une srie diffrente de cas, comme en (75):

    (75a) V abs(75b) loc loc

    a. loc(75c) erg

    erg/ b. abs

    c.

    a. loc(75d) abs abs/

    b.

    (Il est clair que les rgles (b), (c), (d) peuvent encore tre regroupes puisque chacune spcifieseulement quun trait casuel donn entrane la prsence de la relation casuelle correspondantedans certains environnements; je conserverai cependant cette notation pour plus de clart.) Lessous-rgles de (75) sont strictement ordonnes; et chaque trait casuel ne peut intervenir gauche de la flche que dans lapplication dune seule rgle par proposition. Ainsi, dune part,les rgles sappliquent une seule fois au plus par proposition; dautre part, si Abs et Erg figurentensemble comme traits casuels, alors la rgle (c) sapplique, et donc la rgle (d) nintroduit pasde relation casuelle Abs. Autrement dit, le trait Abs, quand il est associ au trait Erg (sans Loc)dtermine seulement laddition de la relation casuelle Erg la relation casuelle Abs introduite

    par (75a); il ne dtermine pas linsertion dune seconde relation casuelle Abs. Voici maintenantce que signifie chacune de ces rgles.

    La rgle (75a) dit que tout prdicat prend un argument Abs. La rgle (75b) dit que tout prdicat locatif prend un argument Loc.

    La rgle (75c) dit quun V ergatif-absolutif ajoute une relation casuelle Erg un Absdj prsent, et un Abs Loc sil y en a un (choix entre parenthses angulaires); parailleurs un V ergatif prend une relation casuelle Erg, ajoute un noeud dj spcificomme Loc sil y en a un (2eligne), ou ajoute comme nud supplmentaire sil nya pas de Loc (3eligne). Ainsi les deux premires options de cette rgle sont associes une multi-RC.

    La rgle (75d) introduit un Abs ( condition que Abs nait pas dj t pris dans largle prcdente) et, l encore, soit en association avec un Loc introduit par (75b),soit indpendamment.

    Je laisse le lecteur vrifier la correspondance des ensembles de traits donns en (76) avec

    les sries de cas suggres:

    (76a) loc V loc abs occupererg abs ergabs

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    (76b) loc V abs loc grouiller

    abs abs(76c) loc V abs loc connatre

    erg erg

    (76d) erg V abs bougerabs erg

    (76e) loc V loc abs tre(+ lieu)

    (76f) erg V abs erg bouger(73b)

    (76g) abs V abs abs tre(+ attribut quatif)(76h) V abs bouger(73a)

    Le lecteur pourra galement vrifier que la formation de sujet et dobjet est conforme lahirarchie des cas proposs plus haut, savoir:

    (77) [erg], [cas,abs] [abs]

    Dans les phrases actives, un noeud tiquet Erg (quoi quil puisse y avoir avec) est le sujetprfr; un nud tiquet Abs avec une autre relation casuelle vient ensuite; et enfin, dfautdes prcdents, un simple Abs. Pour lobjet, sil y a un Erg (ou dans les passives), cest le[cas,abs] qui devient Objet (ou sujet dans les passives), sinon cest le Abs, ou rien du tout.

    Une autre consquence de cette proposition est, que les cadres casuels complexes issusde la discussion de 5 peuvent tre limins. Les prdicats sont simplement sous-catgorisslexicalement en termes des traits Loc, Erg et Abs. Les batteries (lesquelles parmi les castiquettent un nud unique, etc.) sont dfinies par (75). Ainsi connatrepar exemple est un V, ilest de plus [loc,erg]; il prend donc la batterie de cas donne en (76); et mme move est

    simplement [V (erg(abs))].Les batteries de cas sont dfinies strictement par la sous-catgorisation du verbe et les

    rgles (75). Le rle des cas consiste simplement tiqueter celui des arguments (SN) quicorrespond la prsence dun ou plusieurs traits donns dans la structure componentielle du

    prdicat, et ainsi dfinir sa ou ses fonctions.52Une autre possibilit serait que les argumentssoient simplement identifis par un ordre squentiel; mais un ordonnancement des argumentsindpendants de ltiquetage casuel est arbitraire;53 et bien souvent lidentification desarguments dpend manifestement plus des tiquettes casuelles que de lordre: lordre intervient

    principalement quand ltiquetage (ou son caractre distinctif) est dtruit, comme dans laformation de sujet/objet en franais ou en anglais.

    Manifestement (74) et (75) devront tre modifis avec lintroduction dautres relationscasuelles. Je pense cependant quant moi que le nombre de relations casuelles autres que cellesque nous avons vues, Abs, Erg, Loc, est trs rduit, et quen fait il est limit une, savoir

    ABL(ATIF), cf. le cas Source de FILLMORE. Ainsi la modification apporter (74/75) est peuimportante, cest une simple addition mais nanticipons pas sur la prochaine section.

    52Cf. les foncteurs de CARNAP, 1958, 18; et voir aussi MCCOY, 1969; NILSEN, 1972; COOK, 1973.53Cf. les problmes rencontrs par KILBY, 1973.

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    Je vais conclure cette section 6par la description rapide dune tentative pour donner aux

    grammaires casuelles une base formelle adquate. Mais avant dabandonner dfinitivement cedont nous venons de parler, remarquons encore que lanalyse propose a pour consquence quele choix du sujet et de lobjet est dtermin simplement par les relations casuelles qui figurentdans la proposition, en particulier par la distribution de Erg et de Abs. Si ceci est exact, alors lescouples comme aimer/plaire doivent finalement54 avoir des relations casuelles diffrentes

    puisquils nont pas le mme choix de sujet/objet. Et il semble effectivement quil y ait unecertaine justification cette ide. DANES, 1968, et KIRKWOOD, 1973, soutiennent que lobjet deaimer est Objectif, alors que le sujet de plaire est Source (Ablatif); KIRKWOOD signale des

    paraphrases ablatives deplaire:

    (78a) Ce travail plat Jean.(78b) Ce travail donne du plaisir Jean.(78c) Jean lire du plaisir de ce travail.

    et des paraphrases non ablatives de aimer:

    (79a) Il aime ce travail.(79b) Il a de lamour pour ce travail.

    et il commente le couple:

    (80a) Jai formidablement aim la pice.(80b) La pice ma formidablement plu.

    de la manire suivante: Dans (80a) jaimerais suggrer que ladverbe formidablement porte surla manire dont jai ragi la pice, tandis que dans (80b) il concerne la manire dont la picema affect. On pourrait donc avoir:

    (81) aimer [___ [abs] [loc,erg]]plaire [___ [loc,abs] [abl,erg]

    cest--dire que aimer, comme connatre, possder, a un sujet [loc,erg] et plaire a un sujet[abl,erg].

    Il y a naturellement aussi les paires actif/passif. Sauf si on donne au passif uneinterprtation lexicaliste, cette alternance parat contredire la conclusion ci-dessus, savoir queles sujet et objet sont dtermins, tant donn la structure casuelle. Jai prcdemment trait55le

    passif par un trait sur le prdicat qui, dans certaines circonstances, se traduit par la prsencedune copule avec une forme adjectivale, et qui, dans le cas du passif, met Erg hors jeu dans lahirarchie du sujet. Mais, comme je le signalais alors, une telle analyse se heurte diversesdifficults smantiques et syntaxiques, et je pencherai plutt maintenant pour une drivation

    partir dune structure complexe.56

    Quoi quil en soit, une analyse purement transformationnelle partir dune phrase simple na pas jusquici t bien confirme. Si elle ltait, elle

    54Cf. p. 26 [ph (17)].55J. ANDERSON, 1971b.56Cf. J. ANDERSON, 1972, 1973d; DILLON, 1971.

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    napporterait quand mme aucun appui loptique chomskyenne de la structure profonde; ce

    serait simplement un cas o le choix du sujet est, finalement, facultatif.Les suggestions que je viens de dvelopper ont pour effet de souligner le rle central duprdicat dans la proposition: il rgule ou dtermine les relations casuelles. Ce fait et dautresproprits de la grammaire casuelle trouvent une interprtation trs naturelle grce la notionde DEPENDENCE. Et diverses propositions allant dans ce sens ont t rcemment faites. 57Nousallons en particulier examiner celles de ROBINSONet de J. ANDERSON.

    La formalisation dune grammaire syntagmatique ne permet pas dexprimer la notion dette dune construction. Une telle grammaire dfinit comme bien form un ensemble de suitesterminales, cest--dire de suites construites partir du vocabulaire (terminal) dune langue, etassocie chaque suite une ou plusieurs parenthtisations en constituants, o chaque parenthse

    porte une tiquette indiquant son type de constituant, comme lillustre schmatiquement (82):

    (82) [[[V a]V [Wb]W] [X c]X [[Y d]Y [Z e]Z]]

    o a, b... sont des items lexicaux (vocabulaire terminal) de la langue, o V, W... sont descatgories lexicales et o , , sont des catgories prlexicales (marquant des constructionsde plus haut niveau). A lintrieur de la construction [...], les lments V et W sont desconstituants immdiats quipollents. Supposons cependant quil existe des critres en vertudesquels un des lments de chaque construction est slectionn comme tant la tte de laconstruction, et supposons quon a des raisons de penser quune telle notion (ou desreprsentations ralisant une telle notion) est pertinente pour la formulation de certaines autresgnralisations grammaticales. Supposons par exemple que nos critres slectionnent b, cest--dire llment W, comme la tte de , dcomme la tte de , et c(cest--dire litem appartenant la catgorie X) comme la tte du syntagme total . Comment reprsenter ceci?

    Adoptons comme moyen de marquer que est un syntagme W. cest--dire unsyntagme qui a W pour tte, la notation qui consiste substituer le symbole W touteoccurrence de ; W marque alors la fois la catgorie lexicale qui est la tte de laconstruction et la construction elle-mme. On peut distinguer les occurrences lexicales par unsymbole supplmentaire *, comme en (83):

    (83) [X[W[V a]V [W*b]W*]W [X*c]X* [Y[Y*d]Y* [Z e]Z]Y]X

    Mais, tant donn une parenthtisation stricte, la distribution de * est suffisante pour spcifier la fois la tte et la construction dont cest la tte, comme en (84) o tous les symboles decatgorie prterminale ont t omis:

    (84) [[[V a]V [W*b]W*]W [X*c]X* [Y[Y*d]Y* [Z e]Z]Y]X

    On peut galement reprsenter cette information structurelle sous forme darbre, comme en(85):

    57ROBINSON, 1970a; J. ANDERSON, 1971a, b, c, par exemple.

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    La grammaire casuelle 32

    (85) X

    :W : Y: : :

    V : : : Z: : : : :: : : : :a b c d e

    o la tte de chaque construction tiquette un nud do divergent des branches qui aboutissentaux modificateurs de la tte. On dit que la tte REGIT les modificateurs qui, eux, DEPENDENT(immdiatement) de la tte. Les lignes en pointills attachent les items lexicaux aux catgorieslexicales (qui sont maintenant les seules catgories). Ces lignes sont le correspondant dunefonction dattribution de catgorie, qui projette des catgories sur des items lexicaux. La naturedes rgles qui spcifient les dpendances est sans problme: elles ont simplement spcifier,

    pour toute tte, quels peuvent tre ses dpendants (immdiats), et lordre relatif des membres dela construction; je ne dvelopperai pas ce point plus longtemps ici.58Si cest litem epar exemple, cest--dire llment Z, qui est choisi comme tte de , on aalors la reprsentation de dpendance:

    (86) X:

    W : Z: : :

    V : : Y :: : : : :: : : : :a b c d e

    La reprsentation syntagmatique (82) est indtermine entre (85) et (86). Ainsi sil existe descritres qui conduisent poser une tte unique pour une construction, alors les reprsentationsde dpendance sont ceteris paribus prfrables aux reprsentations syntagmatiques en cequelles incorporent cette proprit structurelle. Et une telle position est encore plus forte silexiste des raisons indpendantes de prfrer des reprsentations de ce type. ROBINSON59 parexemple a ainsi montr que: a) il semble y avoir des gnralisations quon rie peut noncerquen faisant rfrence la tte de construction, et b) les reprsentations de dpendanceliminent la ncessit de rgles dlagage dont la fonction est de faire disparatre des catgories

    prlexicales indsirables et trompeuses, qui restent aprs lapplication de rgles effaant laplupart des constituants quelles dominent. Mais plutt que dtudier directement cette question,tournons-nous plutt vers la slection des ttes, en particulier dans une grammaire casuelle.

    On peut dlimiter, de manire intuitivement plausible, les ttes de diverses constructions

    en posant quune tte doit tre une catgorie lexicale obligatoire qui soit CARACTERISTIQUE(lela construction en question. Par caractristique on entend simplement quelle sert

    58Cf. HAYS, 1964; ROBINSON, 1970b; pour les structures de dpendance en phonologie, cf. ANDERSONetJONES, 1971; cf. aussi TESNIERE, 1959.59ROBINSON, 1970b.

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    diffrencier cette construction des autres. Ainsi le K d