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PHILIPPE MARGOTIN

PRIX 29 €ISBN 978-2-36602-601-6

L’ANNÉE DE LA CONTRE-CULTURE

philippe margotin

PINK FLOYD • Chapeau Melon et Bottes de Cuir • FRANK ZAPPA • RESPECT

SERGE GAINSBOURG • Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band • THE Jefferson Airplane

A Whiter Shade Of Pale • Waterloo Sunset • Aretha Franklin • Purple HazE

Monterey Pop Festival • Léo Ferré chante Baudelaire • San Francisco Oracle

Blow-Up • Sunshine Superman • THE GRATEFUL DEAD • CHE GUEVARA

la Guerre des Six Jours • THE Beach Boys • Otis Redding • ARLO Guthrie

Johnny Hallyday • Incredible string band • BRIGITTE BARDOT

SONGS OF LEONARD COHEN • DE GAULLE AU QUÉBEC • TRAFFIC

THE BEATLES • MICHEL POLNAREFF • Their satanic majesties request

STRAWBERRY FIELDS FOREVER • LE LSD EN QUESTION • JIMI HENDRIX

LA RÉVOLUTION CULTURELLE EN CHINE • CAT STEVENS • CHELSEA GIRL • JAMES BROWN

SURREALISTIC PILLOW • THE ROLLING STONES • Jacques DUTRONC

Beat Generation • TIMOTHY LEARY • THE DOORS • ALLEN GINSBERG

1967. La contre-culture est à son apogée. De San Francisco à Londres, les baby-boomers célèbrent le Summer of Love, dont l’acmé est le Monterey Pop Festival. La génération Flower Power écoute, danse ou plane sur le Jefferson Airplane, les Doors ou les Pink Floyd, sur les Beatles qui sortent leur œuvre maîtresse, Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band, puis qui prennent le bus pour un insolite voyage, le Magical Mystery Tour.1967, c’est aussi Serge Gainsbourg qui fait chanter Brigitte Bardot. C’est Michelangelo Antonioni qui �lme le Swingin’ London dans Blow-Up. C’est encore la guerre du Viêt Nam qui s’intensi�e, la guerre des Six-Jours ou la Révolution culturelle en Chine. Une année authentiquement exceptionnelle que ce livre fait vivre ou revivre en couleurs et en émotions.

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En 1967, la contre-culture est à son apogée. À  San  Francisco, à Londres, les baby boomers célèbrent le Summer Of Love, dont l’acmé est le  Monterey Pop Festival. La génération Flower Power écoute, danse ou plane sur le Jefferson Airplane, les Doors ou Pink Floyd, sur les Beatles qui  sortent Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Au cinéma, elle va voir Blow-Up de michelangelo Antonioni et les premiers films du Nouvel Hollywood, Bonnie and Clyde et Le Lauréat.En  France, aussi, l’heure du changement a sonné. Jacques Dutronc, Michel Polnareff et Nino Ferrer font souffler un vent nouveau sur le paysage musical, tandis que Serge Gainsbourg fait chanter Brigitte Bardot. À la une des médias, la guerre du Viêt Nam, la guerre des Six-Jours ou la Révolution culturelle en Chine. 1967 est bien une année exceptionnelle. Ce livre LA fait vivre ou revivre en couleurs et en émotions.

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CHANSONS DE LA PERCEPTION JANVIER 1967

DOUBLE PAGE PRÉCÉDENTE :

LES MEMBRES DU GRATEFUL DEAD

À HAIGHT-ASHBURY. LE GROUPE

PHARE DE L’ACID ROCK HABITE

AU 710 ASHBURY STREET.

EN HAUT : LA POCHETTE DU PREMIER

ALBUM DES DOORS, PORTÉ PAR BREAK

ON THROUGH (TO THE OTHER SIDE),

LIGHT MY FIRE ET THE END.

CI-DESSOUS : LES CINQ ROLLING

STONES PHOTOGRAPHIÉS À GREEN PARK

EN JANVIER 1967.

4 JANVIER

LES DOORS : LE PREMIER ALBUM _ Les Doors ont vu le jour en 1965, à la suite d’une rencontre à Venice, Californie, entre

Jim Morrison (chant) et Ray Manzarek (claviers), qui sont l’un et l’autre étudiants à UCLA. Si le premier s’intéresse à la philosophie de Nietzsche et à la poésie de Rimbaud, le second, qui  vit alors dans une communauté hippie, est déjà un musicien accompli, au point de se produire avec ses frères dans les clubs de blues de Santa Monica. C’est après avoir lu les paroles de Moonlight Drive, que vient d’écrire Morrison, qu’il lui propose de monter un groupe. Avec John Densmore à la batterie et Robbie Krieger à la guitare, et baptisé The Doors en référence au livre d’Aldous Huxley Les Portes de la perception, le quartet a commencé à se produire dans les clubs de Sunset Boulevard. Séduit, Jac Holzman, qui est le patron de la firme Elektra, l’a pris sans tarder sous contrat. Le premier album est enregistré dans la foulée. Produit par Paul Rothchild, et sorti le 4 janvier 1967, The Doors connaît au départ un modeste succès. Puis, au fil des jours, grâce à Break on Through (To The Other Side), Light My Fire (Break on Through), à cette reprise sombre d’Alabama Song (Whisky Bar) de Bertolt Brecht et Kurt Weill et à The End, chanson de rupture aux accents freudiens, la magie se met à opérer. Les Doors s’affirment comme l’un des symboles de la contre-culture, sans l’utopie qui a nourri les idéaux hippies, mais au contraire avec la lucidité d’intellectuels matures. Un univers à la fois philosophique et musical, où se mêlent désespoir, colère et dérision.

20 JANVIER

BETWEEN THE BUTTONS _ Enregistré en août 1966 aux RCA Studios de Hollywood, puis, à Londres en novembre et en

décembre aux Olympic Sound Studios et aux Pye Studios, le cinquième album britannique des Rolling Stones est puissamment marqué par le rock psychédélique, plus encore peut-être que le précédent, Aftermath. Si toutes les chansons ont été composées par Mick Jagger et Keith Richards, Brian Jones confirme pour sa part qu’il est un instrumentiste surdoué, puisque, en plus des habituels claviers et guitares, il joue ici du dulcimer, du vibraphone, du saxo, de la trompette... L’album comprend douze chansons, parmi lesquelles Yesterday’s Papers (sur la rupture entre Mick Jagger et Chrissie Shrimpton) Back Street Girl, Connection et Something Happened to Me Yesterday. Il sort le 20 janvier en Europe et le 11 février aux États-Unis (avec Let’s Spend The Night Together et Ruby Tuesday à la place de Back Street Girl et de Please Go Home). La photo de couverture a été prise par Gered Mankowitz au petit matin à Primrose Hill près de Regent’s Park, après une longue session. D’où le regard fatigué des cinq Stones !

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25JANVIER 1967

JANVIER

THE YOUNGBLOODS _Formation de folk psychédélique américain menée par le chanteur

et  guitariste Jesse Colin Young, les Youngbloods sortent leur premier album en janvier 1967. Tout simplement baptisé The Youngbloods, celui-ci mêle compositions originales et covers. Parmi ces dernières, mentionnons les classiques du blues Statesboro Blues de Blind Willie McTell et C.C.  Rider de Mississippi John Hurt, mais aussi et surtout Get Together de Chet Powers (le chanteur de Quicksilver Messenger Service), qui, choisie comme musique de publicité, grimpera jusqu’à la 5e place des charts et se vendra à plus d’un million d’exemplaires. Le premier album des Youngbloods a été produit par Felix Pappalardi, que l’on verra quelques mois plus tard aux côtés de Cream, et en 1969 comme chanteur-bassiste de Mountain.

HITS UK & US _Les Who s’af�rment comme le groupe Mod par excellence avec Happy

Jack, qui après avoir atteint la 3e place des hit-parades au Royaume-Uni (15 décembre 1966) est en passe de devenir un succès mondial. De son côté le troubadour écossais Donovan fait encore mieux que les Who, puisque son single Sunshine Superman a été no 2.

Aux États-Unis, les Monkees, révélés grâce à la série TV du même titre, frappent très fort avec I’m a Believer : no 1 en décembre 1966, cette composition de  Neil Diamond restera classée pas moins de 13 semaines !

EN HAUT : LES MONKEES, HÉROS

DE LA TÉLÉVISION ET DE L’INDUSTRIE

DU DISQUE, POUR PLAIRE AUX JEUNES

DE 7 À 77 ANS.

CI-DESSOUS : VISUEL DE L’EXCELLENT

ALBUM SIGNÉ PAR LE TROUBADOUR

DE GLASGOW.

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À LA UNE :

196736

CI-CONTRE : MAO ZEDONG HARANGUE

LA FOULE, CETTE CLASSE OUVRIÈRE

QU’IL VEUT ÉDUQUER EN SUPPRIMANT

TOUTE RÉFÉRENCE AUX ANCESTRALES

TRADITIONS CHINOISES.

EN BAS : À GAUCHE, AFFICHES

DES GARDES ROUGES PENDANT

LA RÉVOLUTION CULTURELLE ;

À DROITE, DES SOLDATS ET DES CIVILS

BRANDISSENT LE PETIT LIVRE ROUGE

LORS DE LA CRÉATION DU COMITÉ

RÉVOLUTIONNAIRE EN AVRIL 1967.

L E « G R A N D B O N D E N AVA N T » ( 1 9 5 8 - 1 9 6 0 ) , Q U I , A U L I E U D E D Y N A M I S E R L’ É C O N O M I E C H I N O I S E , A A B O U T I À S O N E F F O N D R E M E N T E T À L A G R A N D E F A M I N E ( 1 9 6 0 - 1 9 6 2 ) , A C O N D U I T A U R E M P L A C E M E N T D E M A O Z E D O N G P A R L I Ú S H À O Q Í À L A P R É S I D E N C E D E L A C H I N E P O P U L A I R E . L I Ú S H À O Q Í A   A U S S I T Ô T M I S E N Œ U V R E U N E P O L I T I Q U E P L U S M O D É R É E , D E F A I T V I V E M E N T C O N T E S T É E P A R M A O E T L E S M E M B R E S L E S P L U S E X T R É M I S T E S D U P A R T I M Ê M E S I E L L E É TA I T D E S T I N É E À R E D R E S S E R L E P A Y S . L E G R A N D T I M O N I E R , Q U I E S T R E S T É À L A T Ê T E D U P A R T I C O M M U N I S T E C H I N O I S , A A L O R S D É C I D É D E R E P R E N D R E L E S C H O S E S E N M A I N E N É C A R TA N T D U   P O U V O I R L E S É L É M E N T S J U G É S R É V I S I O N N I S T E S .

LA RÉVOLUTION CULTURELLE EN CHINE

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LA DESTITUTION DE HAI RUI _Une pièce de théâtre est l’élément

déclencheur de ce qu’on appellera la « révolution culturelle ». En 1965, en effet, La Destitution de Hai Rui de l’historien, et vice-maire de Pékin, Wu Han suscite l’indignation d’un journal de Shanghai, qui y voit une attaque en règle contre Mao. Les intellectuels sont aussitôt pris pour cible. En mai 1966, le groupe de la Révolution culturelle du Comité central dénonce tous les révisionnistes, que ce soit dans la culture, l’armée ou la politique. Le mois suivant, Pen Zhen, le maire de Pékin et ami proche de Liú Shàoqí, est démis de ses fonctions de membre du bureau politique. Puis c’est au tour de Liú Shàoqí d’être mis à l’écart par Mao et la « bande des Quatre » – à savoir Jiang Qing (la femme de Mao), Zhang Chunqiao (membre du comité permanent du Bureau politique), Yao Wenyuan (membre du Comité central), et Wang Hongwen (vice-président du Parti).

Au mois d’août se tient la réunion du plénum du comité central du Parti communiste chinois : celui-ci a conclu à l’ardente nécessité d’intensi�er la révolution culturelle, qui consiste à annihiler toute idéologie bourgeoise (et capitaliste) et à libérer chaque Chinois du poids de la tradition. « Nous devons nous opposer à tous les actes de répression contre la révolution, est-il écrit. Nous devons liquider tous les génies malfaisants. Nous devons extirper énergiquement la pensée, la culture, les mœurs et coutumes anciennes de toutes les classes exploiteuses. Nous devons réformer toutes les parties de la superstructure qui ne correspondent pas à la base économique du socialisme. Nous devons purger la terre de toute la vermine et balayer tous les obstacles ! »

LES GARDES ROUGES EN PREMIÈRE LIGNE _Dans ce dessein scrupuleusement maoiste

voient le jour le 18 août les gardes rouges, lors d’une réunion à laquelle participent Mao, Lin Biao (ministre de la Défense et le chef de l’Armée populaire de libération) et environ un million de jeunes chinois. Tous ont lu  – ou vont lire – Le Petit Livre rouge, recueil de citations extraites d’anciens discours et écrits de Mao Zedong compilées par Lin Biao et en même temps symbole triomphant de cette révolution en marche. Ainsi, ce sont les gardes rouges qui sont chargés d’organiser les autocritiques publiques de toute personne soupçonnée d’idées révisionnistes et contre-révolutionnaires. Parmi ces dernières, Liú Shàoqí en octobre 1966. D’autres intellectuels, pour éviter cette humiliation suprême, choisissent de mettre �n à leurs jours, comme l’écrivain Lao She, le critique d’art Fu Lei et le journaliste et poète Deng Tuo.

DES CENTAINES DE MILLIERS DE MORTS _Tout au long de l’année 1967, la révolution

culturelle se poursuit. Le Quotidien du peuple intensi�e ses attaques contre Liú Shàoqí, lequel sera accusé d’avoir fomenté un coup d’État destiné à renverser Mao, mais aussi contre Deng Xiaoping, secrétaire général du Parti communiste chinois jusqu’en mars 1967, accusés d’être l’un et l’autre de dangereux capitalistes. S’ensuivent de violents affrontements entre gardes rouges et antimaoïstes, qui font une cinquantaine de morts à Nankin en janvier. Ce même mois, sont instaurés à Shanghai les comités révolutionnaires – des ouvriers d’usine et des employés de bureau qui s’inspirent de  la démarche extrémiste des gardes rouges, tandis que Mao exige le durcissement de la lutte contre les révisionnistes.

Le pays est au bord du chaos : c’est l’anarchie dans plusieurs provinces. Mao �nit par changer de position. En septembre, il ordonne à l’armée d’intervenir pour mettre �n aux violences anarchistes. La révolution culturelle aura fait des centaines de milliers de morts. Quant aux gardes rouges, quelque 17 millions d’entre eux seront expédiés dans les campagnes...

DES ENFANTS MANIFESTENT

POUR CÉLÉBRER LES

BIENFAITS DE LA RÉVOLUTION

CULTURELLE MISE EN ŒUVRE

PAR LE GRAND TIMONIER

ET LA BANDE DES QUATRE.

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SUCCÈS FOREVER

FÉVRIER 196738

STRAWBERRY FIELD À LIVERPOOL,

QUI  A INSPIRÉ À JOHN LENNON

L’UNE DE SES PLUS GRANDES

CHANSONS.

17 FÉVRIER

STRAWBERRY FIELDS FOREVER / PENNY LANE _C’est à la fin de l’année 1966, dans les studios d’Abbey Road, que les Beatles ont enregistré Strawberry

Fields Forever et Penny Lane. À défaut de se trouver sur leur prochain album, qui sera baptisé Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, les deux chansons sortent en single (deux faces A !) le 17 février 1967 au Royaume-Uni, quatre jours plus tôt aux États-Unis. La première porte la marque du génie de John Lennon. Strawberry Fields Forever, qu’il a composée en Espagne pendant le tournage de How I Won The War de Richard Lester, renvoie à un centre de l’Armée du Salut de Liverpool, non loin d’où il habitait avec sa tante Mimi. C’est une évocation de la ville de son enfance, donc, en même temps qu’une sorte de voyage psychédélique. Les paroles, surréalistes, et l’atmosphère même de la chanson – comme la vidéo –, tout semble s’inscrire en effet dans une étrange expérience sous hallucinogène. Spécialiste des Fab Four, Mark Lewisohn écrira que « Strawberry Fields saisit en une chanson tout ce que les Beatles ont appris en quatre années passées dans les studios, et spécialement en 1966, avec les bandes à l’envers, le vari-speed et l’utilisation d’instruments inhabituels. » Penny Lane est ce qu’on pourrait appeler la réponse de Paul McCartney au Strawberry Fields Forever de John Lennon. Le titre fait d’ailleurs lui aussi référence à Liverpool – un quartier où habitait effectivement un coiffeur et où se trouvaient une caserne de pompiers et une ligne de bus, celle qu’empruntait Paul pour rejoindre John. Quant à la musique, portée par une mélodie imparable, elle confirme la volonté des Beatles, avec l’appui obligé de George Martin, d’explorer de nouvelles sonorités, les cuivres en l’occurrence. En Angleterre, le single Strawberry Fields Forever/ Penny Lane atteint la deuxième place le 23 février, mais la première place en France le mois suivant. De même, Penny Lane sera n° 1 dans le Billboard le 4 mars.

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39FÉVRIER 1967

EN HAUT : AFFICHE

PSYCHÉDÉLIQUE D’UN CONCERT

DU BUFFALO SPRINGFIELD.

CI-DESSOUS : JOHN, PAUL, RINGO

ET GEORGE EN 1967, PHOTOGRAPHIÉS

DEVANT LA MAISON DE BRIAN EPSTEIN

À BELGRAVIA, LONDRES.

18 FÉVRIER

FOR WHAT IT’S WORTH _Avec à sa tête les trois guitaristes-chanteurs Richie Furay, Neil Young et Stephen Stills,

le Buffalo Spring�eld sort son premier album à la �n de l’année 1966. Il n’a pas fait grand bruit, à part à Los Angeles, tout au moins jusqu’à la sortie du single For What It’s Worth en janvier de l’année suivante. Cette composition de Stephen Stills a pour sujet les heurts – violents –, qui, dans la soirée du 12 novembre 1966, ont opposé sur Sunset Boulevard des jeunes habitués du Whisky A Go Go, où se produit alors le Buffalo Spring�eld, et du Pandora’s Box. Stephen Stills se souvient : « Je revenais du Nicaragua et je me suis trouvé à assister à cette scène sur le Sunset Strip : une masse de jeunes d’un côté de la rue et la police de l’autre. En Amérique latine, une scène de ce genre veut dire que le gouvernement vient de tomber. Je me suis bien douté que ce n’était pas le cas pour ce qui nous concernait, je suis retourné chez moi et me suis mis à écrire cette chanson. » For What It’s Worth va connaître un franc succès, puisqu’elle va grimper jusqu’à la 7e place des charts du Billboard le 18 février 1967. Conséquence immédiate : la �rme discographique de la formation de country rock décide de ressortir dans la foulée le premier album, le 6 mars précisément, cette fois avec... For What It’s Worth (Baby Don’t Scold Me ayant été supprimée), chanson qui atteindra ensuite la 63e place dans la liste des 500 plus grandes chansons du magazine Rolling Stone.

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56 AVRIL 1967

4 AVRIL

CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR _Intrigues policières, espionnage, suspense, élégance, esthétisme et beaucoup d’humour...,

les premiers épisodes de la très british série Chapeau melon et bottes de cuir sont diffusés sur la deuxième chaîne de l’ORTF à compter du 4 avril 1967. D’un côté, le très édouardien John Steed (Patrick Macnee) ; de l’autre, la séduisante Emma Peel (Diana Rigg), qui œuvrent de concert lorsque le Royaume-Uni, et accessoirement le monde libre, sont en danger. La série, qui a été créée par Sydney Newman et Leonard White sous le titre de The Avengers, passionne les téléspectateurs britanniques depuis 1961. Il y a eu John Hendry et Patrick Macnee, tout au début, puis Patrick Macnee avec sa première assistante, Honor Blackman, dans le rôle de l’anthropologue Cathy Gale. À partir de la quatrième saison (1965), Diana Rigg succède à Honor Blackman – jusqu’en 1968. Il y aura ensuite Linda Thorson (dans le rôle de Tara King). En�n, en 1976, Chapeau melon et bottes de cuir renaîtra de ses cendres, toujours avec Patrick Macnee, mais, à ses côtés, cette fois deux précieux collaborateurs, Purdey (interprétée par Joana Lumley) et Mike Gambit (interprété par Gareth Hunt). Toutefois, c’est bien avec le tandem Patrick Macnee-Diana Rigg que la série est au zénith de sa créativité, lorsque John Steed symbolise l’éternelle Angleterre – avec Rolls-Royce et Bentley à l’appui – et lorsqu’Emma Peel, habillée par Alun Hughes, devient l’incarnation idéale du Swingin’ London (les célèbres emmapeelers).

INCARNÉS PAR DIANA RIGG

ET PATRICK MACNEE, EMMA PEEL

ET JOHN STEED SONT LES HÉROS

DE CHAPEAU MELON ET BOTTES

DE CUIR PENDANT LES ANNÉES

DU SWINGIN’ LONDON.

À LA TÉLÉVISION

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AVRIL 1967 57

6 AVRIL

LES DOSSIERS DE L’ÉCRAN _C’est le 6 avril 1967 que les téléspectateurs de la deuxième chaîne de l’ORTF regardent pour la première

fois Les Dossiers de l’écran. L’émission a été créée par Armand Jammot. Elle est animée dans un premier temps par Yves Courrière, qui sera plus tard remplacé par Alain Jérôme. Le concept est le suivant : la diffusion d’un long-métrage, qui donne ensuite lieu à un débat entre spécialistes. Ce 6 avril, Les Dossiers de l’écran sont consacrés aux criminels de guerre nazis. L’émission sera diffusée chaque mardi soir jusqu’en 1981, puis tous les mois, jusqu’à son remplacement par Mardi soir en 1991. L’indicatif musical, lui aussi, s’inscrira dans l’histoire de la télévision française : il s’agit de l’intro du quatrième mouvement (Protest) des Spirituals for Strings Choir and Orchestra (1941) du pianiste et compositeur américain Morton Gould.

9 AVRIL

LES MYSTÈRES DE L’OUEST _Le mois d’avril 1967 est décidément très riche en créations à la télévision. Ainsi, quelques jours seulement

après Chapeau melon et bottes de cuir, les téléspectateurs de la deuxième chaîne de l’ORTF découvrent Les Mystères de l’Ouest (Wild Wild West) – les aventures très pittoresques de James T. West (Robert Conrad) et d’ Artemus Gordon (Ross Martin), deux agents spéciaux qui enquêtent dans l’ouest des États-Unis à la demande du président Ulysses S. Grant. L’un est fort – James –, l’autre – Artemus –, est un expert en déguisements. Tous deux se déplacent le plus souvent à bord d’un train transformé en laboratoire et ils ont à leur disposition un grand nombre de gadgets qui leur permettent de triompher des plus grands dangers (monstres marins, maisons hantées) et des plus cruels adversaires, à commencer par un nain d’une extrême perversité, le Dr Miguelito Loveless (Michael Dunn). La série Les Mystères de L’Ouest est une création de Michael Garrison. Diffusée pour la première fois sur la chaîne CBS en 1965, elle fera sans tarder le tour du monde. 104 épisodes au total seront produits, avec notamment Ida Lupino, Robert Duvall, Boris Karloff et Suzanne Pleshette dans les seconds rôles.

CI-CONTRE : ARMAND JAMMOT

(À GAUCHE), LE CRÉATEUR

DES DOSSIERS DE L’ÉCRAN, EN

CONVERSATION AVEC L’HISTORIEN

HENRI AMOUROUX.

EN BAS, À GAUCHE : ROSS MARTIN

(À GAUCHE) EST ARTEMUS GORDON

ET ROBERT CONRAD (À DROITE)

EST JAMES T. WEST DANS LA SÉRIE

LES MYSTÈRES DE L’OUEST.

À LEURS CÔTÉS PETER LAWLORD

(CARL JACKSON) ET ALAN BAXTER

(LE SHÉRIF NED BRIGGS).

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66 1967

B E A T N I K Q U I R E V E N D I Q U E L’ H É R I TA G E M U S I C A L D E S C O M P O S I T E U R S R O M A N T I Q U E S D U X I X E S I È C L E E T  D E S B E A T L E S , M I C H E L P O L N A R E F F, A U T E U R - C O M P O S I T E U R , M U S I C I E N E T C H A N T E U R , S E   T R O U V E À L’ O R I G I N E D U R E N O U V E A U D E L A C H A N S O N F R A N Ç A I S E D A N S L A S E C O N D E M O I T I É D E S A N N É E S 1 9 6 0 . N É   E N 1 9 4 4 À N É R A C , D A N S L E L O T- E T- G A R O N N E , I L E S T L E F I L S D ’ U N E D A N S E U S E , S I M O N E L A N E , E T  D E  L E I B P O L N A R E F F, C O M P O S I T E U R P O U R É D I T H P I A F E T L E S C O M P A G N O N S D E L A C H A N S O N . A P R È S   Q U E L A F A M I L L E S E F U T É TA B L I E À P A R I S , A U L E N D E M A I N D E L A S E C O N D E G U E R R E M O N D I A L E , L E   J E U N E M I C H E L S U I T D E S   É T U D E S D E M U S I Q U E C L A S S I Q U E Q U I A B O U T I S S E N T E N 1 9 5 5 À U N P R E M I E R P R I X D U   C O N S E R VA T O I R E .

SUR LES MARCHES DU SACRÉ-CŒUR _À la �n des années 1950, Michel Polnareff

s’intéresse également beaucoup au rock’n’roll, notamment Elvis Presley, Gene Vincent, Eddie Cochran et Little Richard dont il a découvert les chansons décapantes lors d’un séjour linguistique en Angleterre. Au terme de son service militaire – huit petits mois à jouer de la grosse caisse à Épinal puis à Montluçon –, il quitte sa famille. Le voici sur les marches du Sacré-Cœur où ses premières chansons, qu’il interprète à la guitare, séduisent les passants. Plusieurs mois s’écoulent ainsi. Terrasses des cafés, dessins sur les trottoirs pour quelques pièces..., la vie de bohème a ses charmes. André Pousse, qui, dans les années 1950, a été l’agent de Joséphine Baker, d’Eddie Constantine et d’Édith Piaf, puis directeur artistique du Moulin-Rouge, le convainc de participer à un concours organisé par Disco Revue à la Locomotive, célèbre club du boulevard Clichy. Il en sort vainqueur, avec à la clé un contrat avec Barclay. Refus poli du jeune chanteur.

ENREGISTREMENT À LONDRES _En revanche, Michel Polnareff signe chez

Disc’AZ, �rme discographique fondée par Lucien Morisse, directeur général d’Europe  1 qui devient en même temps son manager. C’est ainsi qu’il enregistre à Londres, avec les futurs membres de Led Zeppelin Jimmy Page et John Paul Jones, La Poupée qui fait non. Le 45 tours (qui comprend aussi Chère Véronique, Beatnik et Ballade pour toi) sort le 26 mai 1966. C’est un succès – un très grand succès. Lancé sous les feux des projecteurs avec les trois accords basiques de La Poupée qui fait non, Michel Polnareff montre qu’il se trouve bien à l’avant-garde de la pop française avec les deux 45 tours suivants, disponibles également en 1966 : tout d’abord Love Me, Please Love Me, avec la « scandaleuse » L’ Amour avec toi et Ne me marchez pas sur les pieds ; ensuite Sous quelle étoile suis-je né ?, avec Time Will Tell, L’Oiseau de nuit et Histoire de cœur. C’est en 1966, encore, que paraît son premier 33 tours, baptisé Love Me Please Love Me : on y trouve l’essentiel des chansons de ses trois premiers 45 tours, de même que Ballade pour un puceau et You’ll Be On My Mind. Un premier album qui lui vaut de montrer l’existence d’une alternative au rock anglo-saxon (Dylan, Byrds, Beach Boys).

ÂME CÂLINE _En France, en tout cas, Polnareff apparaît

comme le grand émancipateur de la chanson française, titre envié qu’il partage avec Serge Gainsbourg et Jacques Dutronc et qu’il con�rme en 1967 avec de nouvelles chansons. Vient tout d’abord le 45 tours Ta-ta-ta-ta (avec Rosée d’amour n’a pas vu le jour, rosée du jour n’a pas eu d’amour, Le Pauv’ guitariste et Complainte à Michaël), suivi par ce qui restera peut-être comme l’une de ses plus belles chansons, Âme câline, 45 tours qui comprend en plus Fat Madame, Le Roi des fourmis et Le Saule pleureur. En�n, le 25 octobre, Michel Polnareff frappe un grand coup en se produisant pour la première fois à l’Olympia dans le cadre d’un Musicorama et en première partie des Beach Boys. Dans les semaines qui suivront sortiront son deuxième album, Le Bal des Laze, puis d’autres purs joyaux de la pop à la française, comme Tous les bateaux, tous les oiseaux, Tout tout pour ma chérie, La Michetonneuse, Dans la maison vide...

EN FRANCE

UN BEATNIK NOMMÉ POLNAREFF

CI-CONTRE : MICHEL POLNAREFF.

C’EST À LONDRES QU’IL ENREGISTRE

SA PREMIÈRE CHANSON – ET SON PREMIER

SUCCÈS : LA POUPÉE QUI FAIT NON.

PAGE DE DROTE : LE CHANTEUR À SES

DÉBUTS : GUITARE DOUZE CORDES

EN BANDOULIÈRE SUR LES MARCHES

DU SACRÉ-CŒUR À PARIS.

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196768

B L O W - U P ( T E R M E Q U I S E T R A D U I T P A R « A G R A N D I S S E M E N T » ) E S T   L E P R E M I E R F I L M N O N I TA L I E N D E M I C H E L A N G E L O A N T O N I O N I . C ’ E S T A U S S I L E D O C U M E N TA I R E L E P L U S P A S S I O N N A N T J A M A I S R É A L I S É S U R L E S W I N G I N ’ L O N D O N . P O U R S O N P E R S O N N A G E C E N T R A L , T H O M A S , I N T E R P R É T É P A R D AV I D H E M M I N G S , L E   C I N É A S T E I TA L I E N S ’ E S T D ’A I L L E U R S I N S P I R É D E D AV I D B A I L E Y, P H O T O G R A P H E Q U I E S T E N T R A I N D ’ I M M O R TA L I S E R L’ E F F E R V E S C E N C E C U LT U R E L L E D E   L O N D R E S , AV E C N O TA M M E N T L E S P O R T R A I T S D E M I C K J A G G E R E T   J E A N   S H R I M P T O N .

CINÉMA

BLOW-UP, LE TRIOMPHE DE CANNES

EN HAUT : DAVID HEMMINGS

INCARNE THOMAS,

UN PHOTOGRAPHE QUI N’EST

PAS SANS FAIRE PENSER À DAVID

BAILEY, DANS BLOW-UP.

CI-CONTRE : L’AFFICHE DU FILM

DE MICHELANGELO ANTONIONI,

GRAND PRIX INTERNATIONAL

DE CANNES EN 1967.

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MYSTÈRE DANS LE PARC _Le scénario en quelques lignes...

Photographe de mode, Thomas vient de réaliser un reportage dans un parc. L’endroit est désert. Il n’y a, semble-t-il, qu’un couple qui s’embrasse tendrement. Lorsque la jeune femme, qui se prénomme Jane (Vanessa Redgrave) s’aperçoit qu’elle a été prise en photo, elle exige de Thomas qu’il lui donne les négatifs. Celui-ci s’en va en refusant. Quelques heures plus tard, Jane retrouve Thomas. Scène d’amour. Le jeune artiste accepte �nalement de lui remettre la pellicule compromettante, mais, sans le vouloir, c’en est une autre qu’il lui con�e. Surprise ! En développant les clichés qu’il a pris dans le parc, puis en agrandissant plusieurs prises, il se rend compte qu’il a été témoin d’un meurtre. Le soir même, il retourne dans le parc : il y trouve bien un homme mort. C’est l’escalade. Tous les clichés qu’il avait laissés dans son atelier ont été volés. Que faire ? Il demande conseil à son ami et éditeur. Le mystère s’épaissit quand il découvre que le corps du parc a disparu.

RÉALITÉ OU FICTION _Jacques Siclier (Télérama) dira de ce

�lm que c’est un « sujet policier virant à la métaphysique ». Blow-Up est une ré�exion sur les rapports qu’entretient l’artiste avec la réalité, la réalité de ce même artiste n’étant pas forcément celle qu’il prend en photo. Très allégorique, également, est l’agrandissement de ses clichés – images qui se transforment en peintures abstraites. D’où la question qu’on peut se poser : où est la frontière entre réalité et �ction (ou fantasme) ? Le �lm d’Antonioni, c’est aussi – et surtout – un voyage palpitant au cœur du Swingin’ London, pour ce qui est de la mode, mais aussi pour ce qui est de la musique. Si la bande originale a été composée par le musicien de jazz Herbie Hancock, le groupe que �lme dans un club de Londres le réalisateur italien n’est autre que les Yardbirds (à défaut d’avoir pu avoir les Who !), avec Jimmy Page et Jeff Beck brisant sa guitare et interprètant Stroll On. Quant à la mode Sixties, elle est représentée par les actrices Vanessa Redgrave, Sarah Miles et Jane Birkin, de même que par David Hemmings.

GRAND PRIX INTERNATIONAL À CANNES _Distribué sur le continent nord-américain

dès décembre 1966, Blow-Up, qui a été produit par Carlo Ponti et Pierre Rouve, est à l’af�che des salles britanniques le 16 mars 1967. Il entre ensuite en compétition lors de la 20e édition du festival de Cannes, qui se déroule du 27 avril au 12 mai, avec le réalisateur italien Alessandro Blasetti comme président du jury. Il remportera le Grand prix international du festival, prouvant par la même occasion que la contre-culture et la scène musicale rock ont réussi à conquérir le septième art.

LE GRAND RÉALISATEUR ITALIEN

DIRIGE DAVID HEMMINGS

ET VANESSA REDGRAVE.

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LE NOUVEL HOLLYWOOD

138 DÉCEMBRE 1967

FAYE DUNAWAY

ET WARREN BEATTY

INCARNENT BONNIE PARKER

ET CLYDE BARROW DANS

BONNIE AND CLYDE D’ARTHUR

PENN. L’ UN DES PREMIERS

FILMS DU NOUVEL

HOLLYWOOD.

ROGER CORMAN, LE PREMIER MAÎTRE _Le 8 décembre 1967, dans les colonnes du Times, le critique Stefan

Kanfer écrit un article sur les balbutiements d’un nouveau cinéma marqué par la violence et  le sexe, un nouveau cinéma américain, au ton ironique, acide, et  in�uencé par l’esthétique européenne – la nouvelle vague française. Ce Nouvel Hollywood – en opposition avec le Hollywood des grands studios, de l’âge d’or en quelque sorte –, est né au milieu des années 1960. Si Don Siegel peut en apparaître comme l’un des précurseurs, avec L’Invasion des profanateurs de sépultures, L’Ennemi public et À bout portant réalisés entre 1956 et 1964, de même que Robert Aldrich avec Les douze salopards en 1967, le premier maître du  genre est assurément Roger Corman lorsqu’il délaisse la science-�ction, le �lm policier et la fantastique pour s’intéresser aux marginaux de l’Amérique des années 1960. The Trip, dans lequel il dirige Peter Fonda et Dennis Hopper, est exemplaire à cet égard : il s’agit d’un des premiers longs-métrages sur la contre-culture psychédélique.

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139DÉCEMBRE 1967

EN BAS, À GAUCHE : SHARON

TATE, L’ HÉROÏNE DU BAL

DES VAMPIRES, RÉALISÉ

PAR SON FUTUR MARI

ROMAN POLANSKI.

À DROITE, DUSTIN HOFFMAN,

LITTÉRALEMENT HYPNOTISÉ

PAR LES JAMBES D’ANNE

BANCROFT DANS LE LAURÉAT

DE MIKE NICHOLS.

ARTHUR PENN ET MIKE NICHOLS _En 1967, année où The Trip est projeté en salles, est abandonné le code Hayes, censure entrée en vigueur

en 1934. Il n’y a donc plus de frein à la liberté d’expression. Arthur Penn, qui, dix ans plus tôt a con�é à Paul Newman le rôle de Billy the Kid dans Le Gaucher, s’intéresse de nouveaux aux hors-la-loi dans Bonnie and Clyde. Sur fond de Grande Dépression, de braquages de banques et d’amour fou et tragique, le cinéaste, tout en �lmant le parcours du couple maudit – Bonnie Parker et Clyde Barrow sont incarnés par Faye Dunaway et Warren Beatty – montre la violence de la société. Arthur Penn poursuivra dans cette critique explicite de l’establishment avec Alice’s Restaurant – adaptation de la chanson Alice's Restaurant Massacree (1969) et, par extension, condamnation sous forme d’ironie acerbe de l’engagement américain au Viêt Nam. C’est en 1967, également, que sort Le Lauréat. Réalisé par Mike Nichols, et interprété par Dustin Hoffman, Anne Bancroft et Katharine Ross, le �lm porte un regard réaliste sur les relations entre générations, sur les con�its qui les caractérisent : une femme mariée (Mme Robinson) séduit un étudiant, Benjamin, à qui elle fait découvrir le plaisir charnel. Benjamin est un jeuen diplômé, tombé amoureux d’Elaine, la �lle de cette même Mme Robinson. « Pied de nez au classicisme hollywoodien, Le Lauréat détourne à la fois les étapes dramatiques classiques – la rencontre, le quiproquo, le départ, les retrouvailles – et les symboles sociaux les plus marqués, notamment dans l’utilisation grotesque de la �gure christique �nale, pour mener ses personnages vers un ailleurs bien moins rose qu’il n’y paraît », écrira Ariane Beauvillard (www.critikat.com). La musique est de Paul Simon, interprétée par Simon and Garfunkel.

FILMS CULTES _D’autres �lms réalisés en 1967 se rattachent au Nouvel Hollywood. Avec Le Bal des vampires, et la sublime

actrice Sharon Tate, Roman Polanski se livre à une relecture du �lm d’horreur, les productions britanniques de la Hammer plus spécialement. Mentionnons encore Pieds nus dans le parc de Gene Sark, dans lequel Robert Redford et Jane Fonda incarnent des jeunes mariés confrontés à la réalité de l’Amérique de la seconde moitié des années 1960, ainsi que De sang-froid, adaptation du roman de Truman Capote réalisée par Richard Brooks  : Robert Blake et  Scott Wilson y interprètent deux malfrats qui tuent une famille d’agriculteurs du Kansas. Il y aura d’autres �lms cultes, tels que Easy Rider (1969) de Dennis Hopper, Macadam à deux voies (1971) de Monte Hellman, La Balade sauvage (1973) de Terrence Malick…

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PHILIPPE MARGOTIN

PRIX 29 €ISBN 978-2-36602-601-6

L’ANNÉE DE LA CONTRE-CULTURE

philippe margotin

PINK FLOYD • Chapeau Melon et Bottes de Cuir • FRANK ZAPPA • RESPECT

SERGE GAINSBOURG • Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band • THE Jefferson Airplane

A Whiter Shade Of Pale • Waterloo Sunset • Aretha Franklin • Purple HazE

Monterey Pop Festival • Léo Ferré chante Baudelaire • San Francisco Oracle

Blow-Up • Sunshine Superman • THE GRATEFUL DEAD • CHE GUEVARA

la Guerre des Six Jours • THE Beach Boys • Otis Redding • ARLO Guthrie

Johnny Hallyday • Incredible string band • BRIGITTE BARDOT

SONGS OF LEONARD COHEN • DE GAULLE AU QUÉBEC • TRAFFIC

THE BEATLES • MICHEL POLNAREFF • Their satanic majesties request

STRAWBERRY FIELDS FOREVER • LE LSD EN QUESTION • JIMI HENDRIX

LA RÉVOLUTION CULTURELLE EN CHINE • CAT STEVENS • CHELSEA GIRL • JAMES BROWN

SURREALISTIC PILLOW • THE ROLLING STONES • Jacques DUTRONC

Beat Generation • TIMOTHY LEARY • THE DOORS • ALLEN GINSBERG

1967. La contre-culture est à son apogée. De San Francisco à Londres, les baby-boomers célèbrent le Summer of Love, dont l’acmé est le Monterey Pop Festival. La génération Flower Power écoute, danse ou plane sur le Jefferson Airplane, les Doors ou les Pink Floyd, sur les Beatles qui sortent leur œuvre maîtresse, Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band, puis qui prennent le bus pour un insolite voyage, le Magical Mystery Tour.1967, c’est aussi Serge Gainsbourg qui fait chanter Brigitte Bardot. C’est Michelangelo Antonioni qui �lme le Swingin’ London dans Blow-Up. C’est encore la guerre du Viêt Nam qui s’intensi�e, la guerre des Six-Jours ou la Révolution culturelle en Chine. Une année authentiquement exceptionnelle que ce livre fait vivre ou revivre en couleurs et en émotions.