1919 Les lendemains de la guerre et le défilé de la victoire

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1919 Les lendemains de la guerre et le défilé de la victoire Référence : SPA 80 X 3593 Paris, défilé de la victoire, la foule sur les boulevards. 14 juillet 1919, photographe Jacques Agié.

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1919 Les lendemains de la guerre et le défilé

de la victoire

Référence : SPA 80 X 3593 Paris, défilé de la victoire, la foule sur les boulevards.

14 juillet 1919, photographe Jacques Agié.

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Le 11 novembre 1918 à 11 heures, date restée dans la mémoire collective comme la fin du premier grand conflit mondial, on a coutume de dire qu’une page se tourne. Il est plus juste de considérer que s’ouvre, au contraire, une longue période de transition. Après une guerre qui a fait 1,4 million de morts, tombés sous l’uniforme français, dont 63 000 appartenant aux troupes coloniales de l’empire, et plus de trois millions de blessés dont un million d’invalides, on ne bascule pas du jour au lendemain dans la paix : des millions d’hommes sont encore sous les drapeaux, le traité de Versailles ne sera signé que huit mois plus tard et la cessation de l’état de guerre ne sera décrétée qu’en octobre 1919. Alors que nombre d’entre eux restent cantonnés dans les casernes, attendant le retour à la vie civile, pendant que d’autres occupent la Rhénanie ou contribuent à la poursuite d’opérations militaires en Orient, les premiers « poilus » démobilisés trouvent à leur retour des régions dévastées par la bataille ou l’occupation. L’infrastructure agricole et industrielle est en partie détruite. La reconstruction sociale, territoriale et économique du pays reste à accomplir, sur un territoire qui, dans le domaine démographique, a été proportionnellement plus touché que l’Allemagne : 17% des 8,7 millions de mobilisés sont morts et, sur une population totale de 39 millions d’habitants, la France compte 1,4 million de disparus alors que son voisin en compte 2 millions pour une population beaucoup plus nombreuse (60 millions)1. I. UN PAYS QUI SE RECONSTRUIT La démobilisation Des lendemains de l’armistice jusqu’en mars 1921, cinq millions d’hommes rentrent dans leurs foyers de façon échelonnée, tout en restant soumis à une éventuelle reprise du service. Les classes 1912 et 1913 sont démobilisées à l’été 1919 tandis que les dernières classes mobilisées ne le seront qu’en 1920 et 1921. Pendant cette période de transition où le conflit est terminé sans l’être complètement, les soldats réapprennent la vie civile dans un cheminement souvent ressenti comme un nouveau parcours du combattant (passage par le centre de regroupement, mise à jour des documents militaires, remise de quelques effets

vestimentaires). Ces hommes redécouvrent le monde tel qu’il est hors des tranchées, avec ses lois de rentabilité et de concurrence, notamment dans le marché du travail. 1/ Référence : SPA 346 M 5904 Le 251e régiment d'infanterie avant sa dissolution, à Rohrbach-lès-Bitche (Moselle). 17 mars 1919, photographe V. Lavergne. Pour ceux qui sont valides et qui avaient un emploi au moment de

la mobilisation, la loi du 22 novembre 1918 oblige leurs anciens patrons à les réintégrer dans les entreprises ; un fascicule distribué aux démobilisés précise leurs droits sur ce plan, ainsi que les secours et les allocations auxquels ils peuvent prétendre2 . Cependant, le retour à l’emploi reste difficile. « Je devais apprendre que la vie civile ne ressemble en rien à la vie

1 On estime que le conflit, qui a touché 19 nations, sans compter leurs colonies, a fait près de 10 millions de morts et vingt millions de blessés. 2 Guide du démobilisé dans la vie civile, Imprimerie nationale, 1919, 8 pages. Cet opuscule traite également des rapports avec le propriétaire du logement, de l’exonération ou de la réduction des loyers pendant tout le conflit et les six mois suivants. Il traite aussi de la prolongation des baux commerciaux.

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militaire et que le pain quotidien est souvent bien dur à gagner. Que de démarches il me fallut accomplir, d’abord pour pouvoir me constituer un dossier de recommandations, ensuite pour recruter un emploi me permettant de vivre !... Seul, sans appui, souvent découragé, désespéré, j’ai connu les pires amertumes ». 3

2/ Référence : SPA 78 X 3249 Paris, École militaire, démobilisation. La visite médicale. 13 février 1919, photographe Jacques Agié. Certains hommes sont sous les drapeaux depuis huit ans. La séparation d’avec la guerre qui, comme le souligne un lieutenant d’artillerie « était devenue leur vie », se fera progressivement, et la césure entre le monde de l’avant et celui de l’arrière se prolongera longtemps dans la société des années vingt. De plus,

la société que retrouvent les démobilisés après le conflit ne correspond pas toujours à celle pour laquelle ils se sont engagés et battus quatre ans plus tôt.

4/ Référence : SPA 78 X 3253 Paris, École militaire, démobilisation. Le bureau où sont distribués les tickets de pain aux démobilisés. 13 février 1919, photographe Jacques Agié.

3/ Référence : SPA 78 X 3258 Paris, école militaire, démobilisation. Présentation du titre de démobilisation et législation des pièces. 13 février 1919, Jacques Agié. Outre les premiers subsides (tickets de pain), l’État fournit aux démobilisés un costume civil, connu sous le nom de « costume à 52 francs » ou « costume Abrami », du nom de son inventeur, sous-secrétaire d’État aux Effectifs militaires. Fabriqué dans l’urgence à partir de stocks anciens ou de vêtements militaires transformés et teints, il a au début peu de succès et les hommes préfèrent percevoir l’indemnité équivalente ou un bon d’habillement de même valeur. Par la suite, ils seront plus nombreux à opter pour le costume proposé, la somme de 52 francs ne suffisant pas à se vêtir correctement. Pourtant, selon l’historien Bruno Cabanes, « toujours transparaît dans les témoignages de ces « militaires déguisés en civils » un

3 P.J. Mézières, La voix des Morts, Eugène Figuières, 1926, pp 128-129.

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sentiment d’humiliation, les dons matériels de l’armée étant perçus par eux comme des marqueurs sociaux discriminants plutôt qu’un moyen de reprendre pied dans la vie civile. Bien des années plus tard, on dira des anciens combattants qui ont revêtu leur costume de démobilisé à l’occasion d’une cérémonie : « Tiens, aujourd’hui, il a mis son Clemenceau.» »4

5/ Référence :SPA 247 M 4805 Paris, M. Abrami, sous-secrétaire d'État aux Effectifs. 17 janvier 1918, photographe Albert Moreau.

6/ Référence : SPA 78 X 3261 Paris,École militaire, démobilisation. Un démobilisé essaie le complet national. 13 février 1919, photographe Jacques Agié.

La reprise de la vie culturelle Après l’armistice, les institutions culturelles reprennent peu à peu une activité normale. La Société des amis du Louvre, créée en 1897, a acquis des tableaux prestigieux pour l'établissement grâce aux cotisations de ses membres, et, à la veille de la guerre, a "sauvé" la Joconde qui avait été volée et retrouvée chez un marchand italien. Pendant la guerre, elle ne fait plus aucune acquisition mais consacre ses fonds, dès l'armistice, à aider les artistes blessés ou leurs orphelins. Après des années de guerre et l’évacuation d’une partie de ses collections, le musée du Louvre rouvre ses portes. À cette occasion, M. Raoul Kochlin, président de la Société des amis du Louvre visite l'établissement. Il est photographié dans la nouvelle salle des faïences, en compagnie d'un homme ayant perdu un œil, sans doute au cours du conflit.

4 Bruno Cabanes, La victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920). Paris, Seuil, 2004, 555 pages.

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7/ Référence : SPA 55 BO 2400 Paris. Réouverture du musée du Louvre. M. Raoul Kochlin, président des "Amis du Louvre" (à droite). 11 janvier 1919, photographe Maurice Boulay.

Des expositions sont par ailleurs organisées au profit de soldats alliés mutilés. C’est le cas notamment de l’exposition polonaise, au palais Potocki (siège actuel de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris), où Stefania Lazarska, peintre et décoratrice renommée dans l’entre-deux-guerres, expose des poupées de chiffon. 8/ Référence : SPA 347 M 5924 Paris, exposition polonaise. Les poupées de Stefania Lazarska. 1er mars 1919, photographe V.

Lavergne.

Une exposition roumaine est également organisée au Louvre. 9/ Référence : SPA 42 LO 2330 Paris. Musée du Louvre. Exposition roumaine. Gilets brodés Janvier-février 1919 , photographe Marcel Lorée. De nombreuses œuvres d’art ont été déplacées des musées situés dans les zones exposées vers des régions plus calmes,

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notamment à Dijon, où elles sont entreposées dans des bâtiments religieux. Il faudra petit à petit les réacheminer vers leurs divers lieux d’origine. De même des sculptures provenant des portails d’églises et de cathédrales bombardées ont été évacuées et inventoriées, attendant la reconstruction de ces édifices.

10/ Référence : SPA 78 L 3601 Relevé photographique des œuvres d'art évacuées du front vers Dijon en 1919. 1919, photographe inconnu.

11/ Référence : SPA 79 X 3460 Dijon, dépôt d'œuvres d'art, dortoir des Bénédictins. Décembre 1918, photographe Jacques Agié.

La réinsertion des mutilés Dès 1916, une loi instituait, au profit des anciens militaires réformés pour infirmités contractées pendant la guerre, des « emplois réservés » dans les administrations. Les mutilés de guerre étaient ainsi différenciés des infirmes civils. Pendant le conflit, la pénurie d’hommes à l’arrière rendait indispensable leur réintégration rapide dans le circuit économique. Il n’en va plus de même après la cessation des hostilités : le retour de millions de démobilisés réduit les tensions dans le marché du travail et remet en concurrence une main-

d’œuvre valide avec les mutilés. La loi du 2 janvier 1918, instituant l’Office national des mutilés et réformés de guerre, permet de subventionner des écoles où ils sont rééduqués ; mais celles-ci sont essentiellement tournées vers l’apprentissage de petits métiers artisanaux, souvent éloignés des occupations professionnelles antérieures des blessés. 12/ Référence : SPA 10 EY 191 Mutilé employé comme garçon coiffeur. Avril-mai 1919, photographe Léon Heymann.

La loi du 31 mars 1919 leur accorde une pension d’invalidité et la gratuité des actes de rééducation dans les centres agréés par l’Office. Les amputés y sont appareillés avec des prothèses leur permettant d’accomplir des travaux manuels, notamment agricoles, y compris sur des machines spécialement adaptées. Une exposition de ce type de matériel a lieu au

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musée du Jeu de Paume en mai 1919 La photo ci-dessous montre un amputé de la jambe droite et du bras gauche conduisant une faucheuse.

13/ Référence : SPA 26 G 944 Montpellier. Centre neurologique de la 16e région. Cordonnier au travail. 6 février 1919, photographe Cordier.

14/ Référence : SPA 12 AD 289 La Maison Blanche, amputé conduisant une faucheuse. 10 août 1918, photographe Daniau.

Les séquelles neurologiques sont soignées dans des hôpitaux spécialisés du service de santé des armées tels que le centre neurologique de la 16e région, à Montpellier. Les clichés ci-contre montrent un homme souffrant de paralysie radiale (lésion du nerf permettant l’extension de la main et dont l’atteinte se caractérise par une main tombante) est rééduqué et retrouve l’usage de ses membres supérieurs.

15/ Référence : SPA 26 G 938 Montpellier. Centre neurologique de la 16e région. Malade atteint de paralysie radiale. 6 février 1919, photographe Cordier.

16/ Référence : SPA 26 G 939 Montpellier. Centre neurologique de la 16e région. Malade atteint de paralysie radiale travaillant. 6 février 1919, photographe Cordier.

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La loi du 31 mars 1919 propose également un vrai traitement social de la condition des mutilés, en leur octroyant une allocation compensant leur manque de rendement pendant la réinsertion, leur assurant ainsi un salaire complet. Néanmoins, les invalides connaissent d’importantes difficultés à retrouver du travail. Les débuts de la reconstruction Dans la plupart des départements sinistrés (Ardennes, Meuse, Aisne, Somme, Vosges, Marne) des préfectures hors-classe sont créées pour évaluer et quantifier les dommages de guerre. Elles sont actives d’août 1919 à février 1921. Le « ministère des Régions libérées » préside à la reconstruction et à la remise en état des terres avec l’aide du ministère des Armées et des Alliés, notamment le Comité d'aide aux régions dévastées, fondé par Anne Morgan et installé dans les ruines du château de Blérancourt (Aisne). Les Alliés apportent également leur concours pour le désobusage. Des prisonniers de guerre et des travailleurs immigrés venus du Sud de l’Europe et de la Chine travaillent au rétablissement des moyens de communication. Les dégâts sont considérables, avec 4 000 communes et plus de 3 millions d’hectares de terres arables et de vergers dévastés ou inondés, un cheptel et des stocks de semences réduits à néant, un appareil industriel et minier inutilisable. D’autant plus que les destructions se sont intensifiées pendant les derniers mois du conflit. « Au lendemain de la bataille d’Amiens (8 août 1918) et jusqu’à l’armistice, les destructions allemandes à but militaire prennent une ampleur considérable. Aux routes, aux voies ferrées, aux ouvrages d’art dynamités s’ajoutent l’achèvement de la destruction, déjà largement engagée, des installations industrielles, l’évacuation de populations, le pillage des localités – perçus comme un « retour des atrocités allemandes » de l’été 1914 – qui s’expliquent notamment par la dégradation des conditions d’existence des soldats allemands, réduits au pillage, le manque de discipline et une politique de la « terre brûlée ».5 L’ampleur des dégâts et les réflexions préalables à la reconstruction sont toutefois l’occasion d’envisager un véritable réaménagement du territoire, notamment urbanistique.

17/ Référence : SPA 349 M 6030 Reims, la cathédrale. La chapelle Palatine vue du chevet du choeur. 18 mars 1919, photographe V. Lavergne. En ce qui concerne le patrimoine architectural, 110 000 édifices publics – mairies, écoles, gares, églises – sont endommagés. Il faut mettre les ruines en sécurité (souvent en achevant de les démolir). Les églises ont particulièrement souffert, les Allemands soupçonnant leurs

clochers de servir de postes d’observation, mais désirant aussi affaiblir la cohésion morale de la population par leur destruction systématique. La cathédrale de Reims, atteinte par 350 obus, est la plus éprouvée, la ville ayant subi un bombardement quasi continu de septembre 1914 à octobre 1918. Après un débat sur l’opportunité de laisser le monument en l’état, comme témoignage de la barbarie ennemie, elle sera restaurée à l’identique et ne retrouvera son état initial qu’en 1937.

5 Bruno Cabanes, Guillaume Piketty, Sortir de la guerre : jalons pour une histoire en chantier, Sorties de guerre au XXe siècle, Histoire@Politique. Politique, culture, société, revue électronique du Centre d’histoire de Sciences Po, n°3, nov-dec 2007

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18/ Référence : SPA 349 M 6008 Reims, la cathédrale. Les travaux de restauration. 13 mars 1919, photographe V. Lavergne.

19/ Référence : SPA 20 AD 636 Liévin, restes de la salle des machines du chevalet de la mine n°1. 1er avril 1919, photographe Daniau.

Destructions industrielles et habitat précaire Le patrimoine industriel est également ruiné. Un officier supérieur belge parcourant la Meuse et la Meurthe-et-Moselle en train en 1919 décrit Longwy : « Rien ne subsiste des installations industrielles le long de la voie ferrée ; les machines, l’outillage, tout a disparu, les toitures mêlées ont été enlevées. Les ouvriers que j’interpelle m’affirment que plus de 25 fourneaux étaient en activité avant la guerre et que, malgré l’énergie remarquable de la Société [La Providence] quatre ou cinq seulement ont pu être remis en exploitation »6. Aux mines de Liévin, six fosses sur sept sont hors d’usage et ne seront remises en service qu’entre 1920 et 1925. Le relevage de l’infrastructure houillère française prendra au total plus de dix ans.

20/ Réf. : SPA 9 LO 922 Les corons du Nord de la France après la guerre. 20 janvier 1919, photographe Marcel Lorée. Le retour de la population dans les villages sinistrés s’amorce dès le début de 1919. Certaines localités ne comportent plus aucune maison encore debout et les habitants s’installent dans les caves, comme à Lassigny, où quarante personnes vivent en

sous-sol en mars 1919, ou dans d’anciennes cagnas, ces abris de fortune édifiés par les soldats avec des matériaux hétéroclites, envahis par les eaux à la moindre pluie car les poilus ne sont plus là pour entretenir les tranchées. Des bâtiments provisoires en tôle ou en bois sont édifiés. La réhabilitation des maisons prendra du temps : il faudra souvent attendre le déminage des carrières de pierres où de nombreux dépôts de munitions avaient été installés.

6 Touring Club de Belgique, n°10, octobre 1919.

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II. LA POURSUITE DES OPÉRATIONS MILITAIRES L’occupation de la Rhénanie Les conditions de l’armistice disposent que l’armée allemande doit démilitariser la rive gauche du Rhin et respecter en rive droite une bande neutre de 10 km de largeur. L’armée française occupe plusieurs villes dont Aix-la-Chapelle et Mayence, où la 35e division d’infanterie entre le 8 décembre 1918. 12 000 hommes y stationnent, dont 5 400 dans les casernes alentour. Les Français y resteront jusqu’en juin 1930. Les villes de Coblence et de Cologne, situées en aval, son occupées respectivement par les Américains et par les Britanniques. Des têtes de pont de 30 km de rayon sont prévues autour de ces trois villes.

21/ Référence : SPA 9 EY 162 Sentinelle française à l'angle de l'hôtel de ville d’Aix-la-Chapelle. février 1919, photographe Léon Heymann.

22/ Référence : SPA 9 NS 515 Mayence. Matériel livré par l’Allemagne. En avant, une pièce de 105 mm. 6 février 1919 , photographe inconnu.

Lors de la conférence de la paix, qui s’ouvre le 18 janvier 1919, deux tendances s’affrontent concernant la frontière occidentale de l’Allemagne : le maréchal Foch préconise de la reculer jusqu’au Rhin en annexant la rive gauche (Rhénanie et Sarre), tandis que le président Poincaré et Clemenceau, plus modérés, voudraient que les populations rhénanes constituent un ou plusieurs États indépendants ; mais le Premier ministre britannique Lloyd George et le président des États-Unis Woodrow Wilson rejettent ces propositions. La rive gauche du Rhin sera occupée, démilitarisée et divisée en trois secteurs dont la durée d’occupation s’échelonne de 5 à 15 ans, et est conditionnée au paiement par l’Allemagne des dommages de guerre. La France obtient le droit d’exploiter les mines de la Sarre, en réparation de la destruction des installations minières du Nord et du Pas-de-Calais.

23/ Référence : SPA 345 M 5892 Lérouville, un train d'avions boches (sic) en gare. 15 décembre 1918, photographe V. Lavergne. Conformément aux conventions d’armistice, l’Allemagne doit livrer sur place aux Alliés son matériel de guerre en bon état : 5 000 canons, 2 500 mitrailleuses, 3 000 mortiers de tranchée, 1 700 avions de chasse et de bombardement, et sa flotte (qui se saborde à Scapa Flow, baie écossaise).

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Les fronts d’Orient et d’Extrême-Orient

24/ Référence : SPA 68 C 4851 Grèce. Ambulance russe du Pirée. Avant le chloroforme. Janvier 1919, photographe Pierre Machard. Dans le théâtre d’Orient, la rupture du front de Macédoine en septembre 1918 a accéléré la défaite des Empires centraux en provoquant les capitulations successives de la Bulgarie, de l’Empire ottoman, de l’Autriche et de la Hongrie. Les 300 000 soldats français ayant combattu dans les

Balkans ont eu en outre à affronter diverses maladies (dysenterie, scorbut et surtout paludisme) qui ont touché 95% des hommes présents en Grèce et en Serbie entre 1915 et 1918. Malgré un état de santé fragilisé, ils poursuivent la guerre cinq mois de plus que leurs camarades et ne reviendront qu’en mars 1919 après s’être embarqués à Odessa. D’autres sont soignés en Grèce. 25/ Référence : SPA 4 SL 59 Juniah (Liban), colonne sur la route. 1919, photographe inconnu. Au Proche-Orient, dont le partage a été décidé en mai 1916 par les accords secrets Sykes-Picot, conclus entre la France et l’Angleterre en prévision d’une victoire sur l’Empire ottoman, la France a obtenu l’administration directe du Liban et de la Cilicie et un droit de regard sur la Syrie. En novembre de la même année, afin d’affirmer sa présence au Levant, la France a créé une légion d’Orient composée d’émigrés arméniens, syriens et libanais ; mais jusqu’en 1918 la présence militaire française au Liban reste symbolique. Après la capitulation de l’Empire ottoman le 31 octobre 1918, les Britanniques, en position de force, remettent en question les accords Sykes-Picot. Le général Allenby partage les régions syro-palestiniennes occupées en trois zones militaires, se réservant le contrôle de la Palestine et délégant aux Français le secteur du littoral autour de Beyrouth ; mais l’autorité britannique dirige de fait l’ensemble de la région. L’Angleterre appuie la demande du prince Fayçal de constituer une Confédération d’États arabes indépendants, tandis que, soutenue par les Français, la Syrie marque sa volonté de se séparer du reste du monde arabe pour créer une nation englobant la Palestine et le Liban sous la tutelle de la France. Les maronites libanais revendiquent quant à eux la création d’un grand Liban sous tutelle française. Le mandat français sur la Syrie et le Liban sera officialisé

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en avril 1920 par la Société des Nations. Le cliché ci-dessus montre un convoi d’artillerie française traversant la ville de Juniah, sur la route de Beyrouth à Tripoli. En Russie, après le traité de Brest-Litovsk qui met fin, le 3 mars 1918, à la guerre entre l’Allemagne et les bolcheviks, les Alliés décident d’intervenir en Russie sur deux fronts : au nord, depuis la mer Blanche et les ports de Mourmansk et d’Arkhangelsk, et à l’est, à partir de Vladivostok. L’objectif est double : il s’agit d’une part d’empêcher, de la mer Blanche au Caucase, la pénétration allemande en Russie, et d’autre part d’assurer la continuité et le contrôle du Transsibérien sur toute sa longueur et d’établir si possible la liaison avec Arkhangelsk. Le bataillon colonial sibérien, formé à partir de forces françaises stationnées en Asie et d’éléments acheminés depuis San Francisco, compte 1 140 hommes. Après un regroupement à Tien-Tsin, port chinois où stationne une garnison française, ceux-ci ont débarqué à Vladivostok en août 1918 et ont été déployés aux côtés de soldats tchèques, cosaques, anglais et japonais face aux troupes bolcheviques. Ils entrent en Sibérie en octobre et commencent à remonter la voie ferrée vers l’ouest dans des wagons aménagés, seuls casernements disponibles.

26/ Référence : D31-01-17 Un groupe de chasseurs alpins français en garnison à Tien-Tsin (Chine). Août 1919, photographe inconnu.

27/ Référence : SPA 25 DS 747 Omsk (Sibérie). Les chiens du général Janin. Printemps 1919, photographe Mangin.

Malgré d’incessantes attaques bolcheviques, ils réussissent à atteindre le lac Baïkal, puis Novonikolaïevsk (actuelle Novossibirsk), Omsk et Oufa, à 1 100 km au sud-ouest de Moscou, où l’amiral Koltchak a établi un gouvernement contre-révolutionnaire. Cependant, la dureté des conditions climatiques, le manque d’eau et d’hygiène affaiblissent de plus en plus le contingent, victime de gelures et décimé par le typhus. À partir de janvier 1919, il n’est plus engagé dans des combats et reçoit pour mission de sécuriser la voie et d’escorter les trains de munitions destinés aux Russes blancs et aux Tchèques. Il assure également la garde rapprochée du général Janin, chef de la mission militaire française en Sibérie. En juillet 1919, devant l’impuissance des troupes russes blanches à contrer la poussée bolchevique, le ministre de la Guerre décide le rapatriement du bataillon colonial sibérien. C’est le retour en train vers Vladivostok, que le contingent atteint en septembre et où il reçoit la croix de guerre en novembre. Le bataillon quittera la Sibérie en février 1920 pour la Chine et le port de Tien-Tsin, où les troupes s’embarqueront pour la France. Le général Janin demeurera à son poste jusqu’à l’assassinat de l’amiral Koltchak, en février 1920.

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28/ Réf. : SPA 32 DS 843 Arkhangelsk. Le croiseur cuirassé français Condé. Juillet 1919, photographe Cochet. Pendant ce temps au nord, des troupes ont été débarquées par la Triple Entente en 1918 dans les régions arctiques d’Arkhangelsk et de Mourmansk pour aider les autorités révolutionnaires locales, qui se sont séparées de Lénine et ont formé le « gouvernement russe

des provinces du Nord ». Ces troupes assurent notamment le maintien d’une source d’approvisionnement. Cependant, les relations sont particulièrement compliquées entre les différentes autorités civiles, militaires et diplomatiques qui se croisent dans la région, s’allient, s’espionnent ou se combattent. Les moyens militaires consacrés à ce front par les Alliés sont trop réduits pour une région très vaste et dépourvue de voies de communication. Une partie des troupes présentes est évacuée à partir de l’été 1919 avec difficulté vers la mer Blanche, le long de la Dwina, avant le blocage des ports par l’hiver arctique. III. LA CONFÉRENCE DE LA PAIX ET LES TRAITES.

29/ Réf. : SPA 42 LO 2342 Paris. Séance d’inauguration de la conférence de la paix. Janvier 1919, photographe Marcel Lorée. Inaugurée le 18 janvier 1919 à Paris, quai d’Orsay, dans le salon de l’Horloge du ministère des Affaires étrangères, la conférence de la paix réunit les puissances alliées victorieuses, soit 27 pays ; les vaincus n’y sont pas conviés. L’objectif est d’élaborer le contenu du

traité de Versailles, destiné à régler le sort de l’Allemagne, et des quatre traités secondaires de Saint-Germain-en-Laye, Trianon, Neuilly-sur-Seine et Sèvres. Les débats ont lieu en français et en anglais. À partir du 23 mars, pour accélérer les discussions, il se forme un Conseil des Quatre comprenant le président américain Thomas Woodrow Wilson, le Premier ministre britannique David Lloyd George et les présidents des Conseils français et italien, Georges Clemenceau et Vittorio Emanuele Orlando. Pendant cette conférence, qui durera jusqu’au 10

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août 1920 et la signature du dernier traité (celui de Sèvres), la plupart des décisions seront prises par ces quatre puissances et par les Japonais, dans une certaine mesure. Dans un message adressé le 12 janvier, le président Wilson a exprimé dans les Quatorze points le programme et les principes qui devront présider à la rédaction des traités et à la nouvelle politique internationale qu’il souhaite voir mise en place, notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le désarmement. Il cherche à ménager l’Allemagne pour éviter que s’y développe un esprit « revanchard ». Les Anglais, désireux de maintenir un certain équilibre des puissances en Europe, ne veulent pas non plus l’affaiblir. Les discussions vont rapidement achopper sur ce point face à Clemenceau, qui réclame de lourdes indemnités destinées à financer la reconstruction et à limiter la puissance économique du vaincu ; il réclame également le droit d’occuper la rive gauche du Rhin et d’en faire une frontière militaire, ce à quoi les Britanniques s’opposent. Un extrait des débats du 28 mars illustre ces difficultés :

- Le président Wilson : « J'ai une si haute idée de l'esprit de la nation française que je crois qu'elle acceptera toujours un principe fondé sur la justice et appliqué avec égalité. L'annexion à la France de ces régions n'a pas de base historique suffisante. Une partie de ces territoires n'a été française que pendant vingt-deux ans ; le reste a été séparé de la France pendant plus de cent ans. La carte de l'Europe est couverte, je le sais, d'injustices anciennes que l'on ne peut pas toutes réparer »7.

- Ce à quoi Clemenceau répond : « Je prends acte des paroles et des excellentes intentions du président Wilson. Il élimine le sentiment et le souvenir : c'est là que j'ai une réserve à faire sur ce qui vient d'être dit. Le président des États-Unis méconnaît le fond de la nature humaine. Le fait de la guerre ne peut être oublié. L'Amérique n'a pas vu cette guerre de près pendant les trois premières années ; nous, pendant ce temps, nous avons perdu un million et demi d'hommes »…. « Vous cherchez à faire justice aux Allemands. Ne croyez pas qu'ils nous pardonneront jamais ; ils ne chercheront que l'occasion d'une revanche, rien ne détruira la rage de ceux qui ont voulu établir sur le monde leur domination et qui se sont crus si près de réussir »8.

30/ Référence : SPA IS 1978 Versailles, Trianon Palace. Le départ des plénipotentiaires allemands. Mai 1919, photographe Bressolles. Un autre point de friction a trait aux conventions de Londres et de Saint-Jean-de-Maurienne prises pendant le conflit et qui assurent à l’Italie les régions de Trieste, du Trentin, de l’Istrie et de la Dalmatie. Le président Wilson s’y oppose, ce qui provoque le retrait momentané d’Orlando de la conférence et la naissance en Italie d’un ressentiment contre les Alliés, qui

favorisera plus tard la naissance d’un nationalisme virulent. 7 Texte cité par Pierre Milza, De Versailles à Berlin (1919-1945), Paris, Masson, 1981, 4e éd., p. 21. 8 Textes cités par Pierre Renouvin, Le traité de Versailles, Paris, Flammarion, 1969, pp. 118 à 123.

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31/ Référence : SPA A 3101d Versailles. Signature du traité de paix. Arrivée de M. Clemenceau et de M. Wilson. 28 juin 1919, photographe inconnu.

32/ Référence : SPA A 3087d Versailles. Signature du traité de paix. Arrivée des délégués indiens. 28 juin 1919, photographe inconnu.

Malgré ces difficultés, le traité est soumis aux représentants allemands le 7 mai 1919 et signé le 28 juin dans la galerie des Glaces. Il est rédigé en français et en anglais, les deux versions 33/ Référence : SPA A 3082d Versailles. Signature du traité de paix. Arrivée du général Pershing.. 28 juin 1919, photographe inconnu. faisant autorité. Pour la première fois depuis 1714 (traité de Rastadt mettant fin à la guerre de Succession d’Espagne), le français n’est plus la seule langue officielle de la diplomatie européenne. La première partie du texte établit une charte pour la création d’une Société des Nations. La suite impose à l’Allemagne des clauses territoriales, militaires et économiques :

- après la restitution ou l’attribution de territoires aux pays vainqueurs (notamment l’Alsace-Lorraine) elle est amputée de 15% de son territoire et de 10% de sa population ; ses colonies lui sont ôtées et partagées entre les vainqueurs (le Cameroun échoit à la France) ;

- elle doit livrer tout son matériel militaire avec interdiction de le remplacer ; son armée est limitée à 100 000 hommes, le Grand État-Major supprimé et le service militaire aboli ; la rive gauche du Rhin est démilitarisée ainsi qu’une bande sur la rive droite, avec occupation par les Alliés pour une durée de 15 ans ;

- outre des livraisons en nature (matériel, produits agricoles) elle doit payer à la France et à la Belgique de fortes réparations dont le montant sera évalué en 1921 à 132 milliards de marks-or9 ; elle perd la propriété de ses brevets (notamment l’aspirine, détenue par Bayer) et de ses mines de la Sarre ; la circulation sur ses fleuves est internationalisée sans droits de douane.

9 Les versements seront interrompus en 1931 et définitivement arrêtés en 1933.

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Le traité de Versailles est suivi de celui de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre1919, qui règle le sort de l’Autriche, réduite à un petit territoire de 6,5 millions d’habitants. Le 27 novembre, la Bulgarie signe le traité de Neuilly qui consacre la cession de plusieurs territoires à la Roumanie, au nouvel État yougoslave et à la Grèce. Deux autres textes seront signés en 1920 : les traités de Sèvres (démembrement de l’Empire ottoman) et de Trianon (démembrement de la Hongrie, qui perd les deux tiers de son territoire). À l’issue de ces traités, la carte de l’Europe sortira complètement transformée, avec la disparition des Empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman et la création ou le relèvement de plusieurs États : Pologne, Hongrie, Yougoslavie et Tchécoslovaquie.

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IV. LES FÊTES DE LA VICTOIRE. Deux semaines après la signature effective du traité de Versailles, le défilé du 14 juillet 1919 est l’occasion de rendre hommage à l’ensemble des troupes françaises et alliées qui ont combattu ensemble pendant le conflit. Institué en 1880, le traditionnel défilé militaire républicain a d’abord lieu à Longchamp, puis sur le Champ-de-Mars devant l’École militaire. À partir de 1915, il se déroule sur les Champs-Élysées.

34/ Référence : SPA 12 EY 223 Fête de la Victoire : la musique américaine. 14 juillet 1919, photographe Léon Heymann. Le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts est initialement chargé de l’organisation des fêtes de la Victoire et a prévu un cadre décoratif imposant. Un grand cénotaphe de bois, de toile et de stuc, flanqué de faisceaux de lances disposés dans les angles et de Victoires aux ailes repliées, a été édifié sous l’Arc de Triomphe,

portant l’inscription « Aux morts pour la patrie ». De part et d’autre de l’avenue, des mâts jumelés de couleur blanche réunis par des draperies tricolores portent des écussons où figurent les noms des grandes batailles. Des tribunes ont été installées du haut en bas de l’avenue mais elle seront supprimées au dernier moment et remplacées par de simples barrières. Place de la Concorde, les colonnes rostrales sont parées de verdure et les réverbères de rubans. Au sommet du pyramidion de l’Obélisque, des guirlandes électriques et du feuillage doré ont été hissés. 35/ Référence : SPA 24 OX 554 Paris, trophées de canons allemands exposés, 14 juillet 1919. 14 juillet 1919, photographe Maurice Grosclaude. Sur le rond-point des Champs-Élysées, deux amoncellements de canons pris à l’ennemi et surmontés de coqs forment de grands trophées ; quatre autels dédiés aux cités martyres de Verdun, Reims, Soissons et Arras ont été édifiés. La façade de l’Hôtel de Ville est couverte de drapeaux et d’oriflammes ; une estrade de velours vieil or rehaussée de franges est érigée devant l’entrée. Mais à quinze jours de la date, les préparatifs ne sont pas suffisamment avancés et l’armée reprend en main les opérations.

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Référence : SPA 351 M 6137 Paris, Le défilé du 14 juillet 1919. L'Hôtel de Ville. 14 juillet 1919, photographe V. Lavergne La première manifestation officielle se déroule le dimanche 13 juillet après-midi, à l’Hôtel de Ville : c’est la remise aux trois maréchaux de France, Pétain, Joffre et Foch, des épées commandées pour eux par les édiles parisiens, ainsi que la distribution de fourragères de soie écarlate aux vingt-deux

régiments qui ont conquis la fourragère rouge, en présence des chœurs de l’Opéra, groupés sur le terre-plein central de la place. Les vingt-deux drapeaux, ceux de la Légion étrangère, du régiment colonial du Maroc, des fusiliers-marins et bien d’autres sont là, portés par les colonels de chaque régiment ; l’étendard du 2e régiment de marche de tirailleurs est « si glorieusement usé » qu’il a fallu l’envelopper dans un filet. Le maréchal Pétain circule dans les rangs, s’entretenant avec les porte-drapeau et les soldats. Après la remise des épées, un lunch et un concert ont lieu dans la salle des fêtes du bâtiment et dans la cour d’honneur.

Référence : SPA 351 M 6130 Paris, Le défilé du 14 juillet 1919. La foule place de la Concorde. 14 juillet 1919, photographe V. Lavergne

36/ Référence : SPA 24 OX 562 Paris, vente de décorations par un mutilé, 14 juillet 1919. 14 juillet 1919, photographe Maurice Grosclaude.

Le 13 juillet au soir a lieu une veillée en souvenir des morts, au pied du cénotaphe, près duquel des cuirassiers et des représentants de diverses unités montent la garde. À 10 heures, Georges Clemenceau, président du Conseil, vient se recueillir. Après lui se succèdent plusieurs délégations : conseil municipal, Ligue des mutilés, Ligue des patriotes… Des veuves, des enfants et des blessés sont présents. En pleine nuit, on déplace ensuite avec difficulté l’édifice vers un côté de l’avenue des Champs-Élysées, afin de permettre le passage des troupes sous l’Arc de Triomphe.

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37/ Référence : SPA 351 M 6136 Le lieutenant-colonel Rollet, commandant du régiment de marche de la Légion étrangère, s'entretient avec un général lors des préparatifs du défilé du 14 juillet 1919. 14 juillet 1919, photographe V. Lavergne. Le lendemain, les officiels arrivent dès 8 heures à la tribune présidentielle, installée en face du cénotaphe, de l’autre côté de l’avenue. À sa base, un groupe d’Alsaciennes et de Lorraines en costume traditionnel saluent les

arrivants. Les unités s’apprêtant à défiler sont rassemblées à la Porte Maillot. Le maréchal Pétain se rend au point de concentration des troupes françaises, dans le bois de Boulogne. Les maréchaux Joffre et Foch écoutent un discours du maire, M. Evain, se terminant par ces mots « Messieurs les maréchaux, les portes de Paris vous sont ouvertes ». Tous deux remontent alors l’avenue de la Grande Armée jusqu’au cénotaphe pour un dépôt de gerbe puis redescendent vers la Porte Maillot avec leurs chefs d’état-major. Le défilé peut alors commencer, pour un parcours d’environ sept kilomètres, depuis Neuilly jusqu’à la place de la République, en présence de centaines de milliers de personnes massées sur les trottoirs, certaines depuis la veille au soir.

38/ Référence : SPA 80 X 3585 Paris, défilé de la Victoire. Défilé des mutilés avenue des Champs Elysées. 14 juillet 1919, photographe Jacques Agié.

39/ Référence : SPA 351 M 6114 Paris, le défilé du 14 juillet 1919. Les maréchaux Foch et Joffre, suivis des généraux Weygand et Belin. 14 juillet 1919, photographe V. Lavergne.

Précédés de la musique du 28e régiment d’infanterie, les mutilés défilent en premier, conduits par Maginot, député de la Meuse, amputé d’une jambe : un infirme couché sur une civière roulante, des invalides en fauteuil, des boiteux, des aveugles et des « gueules cassées ». Viennent ensuite un capitaine et deux fantassins qui symbolisent l’ensemble des combattants anonymes, puis Joffre et Foch, précédés de gardes républicains. Les nations alliées défilent alors par ordre alphabétique : les Américains, le général Pershing à leur tête, les Belges avec le général Gillain, les Britanniques sous les ordres du maréchal Haig, et avec eux tout l’empire – Australiens, Canadiens du général Byng, Sud-Africains, Sikhs. Les Italiens s’avancent, le fusil à l’horizontale à la main droite, conduits par le général Montuori. L’armée hellénique est précédée d’evzones au costume typique. Défilent aussi les Polonais en chapska

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carrée, les Portugais, les Roumains, les Serbes coiffés de leur shako fendu, les Siamois et les Tchéco-Slovaques. Le maréchal Pétain ouvre ensuite la marche des troupes françaises sur son cheval blanc Émir, avec son état-major. Le général de Castelnau, qui a perdu trois fils morts au combat, le suit, puis le général Berdoulat, gouverneur de Paris, suivi d’une compagnie d’infanterie territoriale. Tous les officiers généraux passent à cheval : Gouraud, Humbert, Maistre, Fayolle, Mangin Seul l’amiral Ronarch’ défile à pied avec ses fusiliers-marins10. Le colonel Rollet est à la tête de ses légionnaires. Le lieutenant Fonck, porte-drapeau des aviateurs, n’a pas obtenu la permission de survoler les Champs-Élysées, de peur d’un accident11. Une section cynophile prend également part au défilé.

40/ Référence : SPA 350 M 6109 Paris, Champs-Elysées, défilé du 14 juillet 1919. L'ouverture du défilé. 14 juillet 1919, photographe V. Lavergne. Après les troupes à pied arrive la cavalerie sous les ordres du général Féraud. Neuf chars d’assaut du général Estienne ferment la marche. L’ensemble des troupes passe par la place de la Concorde, survolée par un ballon d’observation, les Tuileries, la rue Royale, la Madeleine, l’Opéra, le boulevard

Montmartre, le Faubourg-Saint-Denis, pour arriver place de la République, où a lieu la dispersion des unités. La foule en liesse se répand ensuite dans les rues et la journée se clôt par un feu d’artifice et des illuminations, notamment celle de la tour Eiffel, rallumée après cinq années d’extinction.

Véronique Goloubinoff Chargée d’études documentaires Fonds Première Guerre Mondiale ECPAD – juin 2009

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10 Une personnalité est absente : le général Franchet d’Esperey, retenu dans les Balkans. 11 En août 1919, un aviateur passera sous l’Arc de Triomphe avec son appareil pour protester contre le peu de place accordée à l’aviation au cours du défilé.

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Sources : Guide du démobilisé dans la vie civile, Imprimerie nationale, 1919, 8 pages. P.J. Mézières, La voix des Morts, Eugène Figuières, 1926, pp 128-129. Gustave Babin, La Fête de la Victoire. 14 juillet à Paris, L’Illustration, n°3985-3986, 19-26 juillet 1919. Ewa Bobrowska-Jakubowski, L'Exposition polonaise au Palais Potocki à Paris en 1918, conférence, Bibliothèque Polonaise, Paris, 1992. Lieutenant Michaël Bourlet, Le bataillon sibérien (1918-1920), 14-18, le Magazine de la Grande Guerre, n° 25, Avril-mai 2005, pp 42-45. Collectif, Gildas Brégain, Syriens et Libanais d’Amérique du Sud, 1918-1945, l’Harmattan, Paris, 2008 Bruno Cabanes, La victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920). Paris, Seuil, 2004. Bruno Cabanes, Guillaume Piketty, Sortir de la guerre : jalons pour une histoire en chantier, Sorties de guerre au XXe siècle, Histoire@Politique. Politique, culture, société, revue électronique du Centre d’histoire de Sciences Po, n°3, nov-dec 2007. Commandant de Civrieux, La Guerre qui se prolonge en Europe Orientale, L’Illustration, n°3990, 23 août 1919. François Cochet et Rémy Porte, Dictionnaire de la Grande Guerre, 1914-1918, Paris, Robert Laffont. Jacques Jourquin, L’étonnant défilé de la victoire, 14-18, le Magazine de la Grande Guerre, n°45, mai-juin-juillet 2009. P.J. Mézières, La voix des Morts, Eugène Figuières, 1926, pp 128-129. Pierre Romien, À l’origine de la réinsertion professionnelle des personnes handicapées : la prise en charge des invalides de guerre, Revue française des Affaires sociales, n°2-2005, pp 229-247. Touring Club de Belgique, n°10, octobre 1919. www.tlfq.ulaval.ca/axl/Francophonie/versailles

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Le montage vidéo joint à ce dossier présente des extraits des films suivants :

Référence film date Titre

14.18 B 654 31/12/1918 Les fêtes de l'armistice : en Belgique, à Mulhouse et à Paris (visite du président Wilson).

14.18 B 704 1919 Paris : monuments / Le lieutenant-colonel Rollet / Cérémonie à l'église de la Madeleine / Bureau de démobilisation / Arrivée du président Wilson en France.

14.18 A 1307 1919 Bulgarie : remise de décorations ; Allemagne : élections, canonnière sur le Rhin ; Zeppelin détruit ; Paris : démobilisation.

14.18 A 1300 Novembre

1918 Destruction et reconstruction dans le Nord de la France : Tourcoing.

14.18 A 153 1919 Région de Saint-Quentin (Aisne) : ruines, troupes britanniques.

14.18 A 1259 1921 La remise en culture des terres.

14.18 A 902 1919 Le retour à la terre des mutilés.

14.18 A 1276 1919 Alsace : fêtes patriotiques ; Paris : 14 juillet 1919.

14.18 A 983 1919 Traité de Versailles : signature dans la galerie des Glaces.

14.18 B 659 1919 Défilé du 14 juillet à Paris ; signature du traité de Versailles.

14.18 B 337 1919 Les fêtes de la victoire, le 14 Juillet, à Paris, 1919. [n° 1]

14.18 A 844 1919 Les fêtes de la victoire (3/4).

14.18 A 977 1919 Les fêtes de la victoire, le 14 juillet, à Paris, 1919 [n° 2].

14.18 A 843 1919 Les fêtes de la victoire (2/4).

14.18 A 845 1919 Les fêtes de la victoire (4/4).

14.18 A 978 1919 Les fêtes de la victoire [n° 5].